La lettre juridique n°722 du 7 décembre 2017

La lettre juridique - Édition n°722

Avocats/Procédure

[Jurisprudence] Communication électronique dans le cadre de la procédure d'appel avec représentation obligatoire : la contrainte atténuée par une cause étrangère, version allégée

Réf. : Cass. civ. 2, 16 novembre 2017, n° 16-24.864, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1935WZP)

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par Emmanuel Raskin, Avocat au barreau de Paris - Cabinet S.E.F.J., Chargé d'enseignement à l'Université Paris V, Coordonnateur et responsable des commissions nationales de l'ACE (Association des Avocats Conseils d'Entreprises) 

Le 07 Décembre 2017

La loi n'impose pas aux parties de limiter la taille de leurs envois à la juridiction ou de transmettre un acte de procédure en plusieurs envois scindés. Telle est la solution d'un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 16 novembre 2017. Un problème de construction est à l'origine de la décision rendue. Les plaignants de désordres sur les constructions qu'ils avaient faites bâtir ont saisi un tribunal de grande instance de diverses demandes contre le maître d'oeuvre, l'entrepreneur et les compagnies d'assurances respectives de chacune des parties ainsi assignées. Les demandeurs ont par la suite interjeté appel du jugement rendu qui n'avait accueilli qu'une partie de leurs demandes.

La cour d'appel d'Aix-en-Provence rendit deux arrêts, l'un le 31 mars 2016, l'autre le 29 septembre 2016 (CA Aix-en-Provence, 29 septembre 2016, n° 14/09921 N° Lexbase : A2864R4T).

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation écarta le premier moyen du pourvoi principal dirigé contre le premier arrêt en ce qu'il fut jugé pour partie irrecevable et, pour le surplus, en ce qu'il ne fut manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Le second moyen, dirigé contre l'arrêt du 29 septembre 2016, fut en revanche retenu.

L'arrêt attaqué avait retenu que la déclaration d'appel des appelants était caduque, rappelant les dispositions de l'article 930-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7249LE9), considérant que le fait pour ces derniers de ne pas avoir remis leurs conclusions par la voie électronique du fait de leur taille supérieure à la limite imposée par le système ne constituait pas une cause étrangère imprévisible et irrésistible, dès lors que cet obstacle pouvait être surmonté en scindant l'envoi en plusieurs messages successifs ayant le même objet, modalités compatibles avec le respect des dispositions de l'article 954 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7253LED). La cour d'appel considéra ainsi que les conclusions, sur support papier, remises au greffe par les appelants, étaient irrecevables et qu'il n'y avait eu aucune remise par la voie électronique dans le délai de trois mois de la déclaration d'appel, d'où sa caducité par application des dispositions de l'article 908 (N° Lexbase : L7239LET).

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation cassa cet arrêt, estimant qu'aucune disposition n'impose aux parties de limiter la taille de leurs envois à la juridiction ou de transmettre un acte de procédure en plusieurs envois scindés.

La notion de "communication électronique" a été introduite en droit français par la loi du 9 juillet 2004 (loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004, relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle N° Lexbase : L9189D7H) et en procédure civile par le décret du 28 décembre 2005 (décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 N° Lexbase : L3298HEU) qui a créé, dans notre code, un titre 21ème comprenant, désormais, les articles 748-1 (N° Lexbase : L0378IG4 à 748-9 du Code de procédure civile.

L'arrêt commenté a trait à la procédure avec représentation obligatoire, la procédure sans représentation obligatoire étant régie par un arrêté du 5 mai 2010, relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel (N° Lexbase : L3316IKZ) qui ne traite que de la déclaration d'appel, de la constitution et des pièces qui leur sont associées.

Il convient de revenir sur le régime du caractère obligatoire de la communication électronique dans le cadre de cette procédure d'appel avec représentation obligatoire (1) avant d'examiner le cas spécifique posé s'agissant de l'application ou non de la cause étrangère (2).

I - Le régime de la communication électronique obligatoire entre les parties et la cour d'appel

L'article 930-1, alinéas 1 et 3, du Code de procédure civile dispose :

"A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique" (alinéa 1).

"Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique" (alinéa 3).

Il existe donc une obligation pesant tant sur les parties que sur la juridiction d'appel.

S'agissant du champ d'application de ce texte, sont visés d'abord les actes de procédure qui sont destinés à la cour d'appel et qui doivent s'entendre stricto sensu, c'est-à-dire comme les actes de nature à faire progresser le litige : il en est ainsi principalement, depuis le 1er janvier 2011, de la déclaration d'appel et de la constitution d'avocat et, depuis le 1er janvier 2013, des conclusions.

Les pièces, qui ne sont pas des "actes" de procédure, n'entrent donc pas dans le champ d'application du texte : elles peuvent toutefois être remises à la cour d'appel sous forme électronique, ainsi que le prévoit l'article 2 d'un arrêté du 30 mars 2011 modifié (N° Lexbase : L9025IPX), étant rappelé que, en application de l'article 912, alinéa 3, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7245LE3), les dossiers, comprenant les copies des pièces visées dans les conclusions et numérotées dans l'ordre du bordereau récapitulatif, sont "déposés" à la cour quinze jours avant la date fixée pour l'audience de plaidoiries.

La remise des actes de procédure par les parties s'opère, pour les avocats, via le RPVA.

De manière singulière, l'envoi des actes par la cour d'appel n'est pas considéré comme signé électroniquement, le décret du 29 avril 2010 (N° Lexbase : L0190IHI) ne concernant que les auxiliaires de justice et le ministère public, alors que l'avis de réception émis par la juridiction d'appel destinataire d'actes tient lieu de signature en vertu, cette fois, de l'article 748-3, alinéa 2, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L5854ICS).

S'agissant de la sanction attachée à l'article 930-1, en ce qu'elle a trait à l'obligation pesant tant sur les avocats que sur le ministère public, il s'agit d'une irrecevabilité relevée d'office par le juge.

L'enjeu est de taille car il en va de la caducité ou non de la déclaration d'appel.

L'article 908 du Code de procédure dispose en effet qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure.

Si les conclusions d'appel sont considérées comme irrecevables parce que non communiquées par la voie électronique dans ledit délai, la déclaration d'appel devient consécutivement caduque.

Le couperet est donc imparable en cas de non communication électronique des conclusions dans le délai de trois mois.

L'article 911-1, alinéa 2, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0165IPS), dispose que "la caducité de la déclaration d'appel en application des articles 902 (N° Lexbase : L7237LER) et 908 (N° Lexbase : L7239LET) ou l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 (N° Lexbase : L7240LEU) et 910 (N° Lexbase : L7241LEW) sont prononcées par ordonnance du conseiller de la mise en état qui statue après avoir sollicité les observations écrites des parties".

La question se pose alors de savoir qui du conseiller de la mise en état ou de la cour devait relever d'office l'irrecevabilité.

Dans la décision commentée, il s'agit d'un arrêt rendu le 29 septembre 2016 par la cour d'appel de d'Aix-en-Provence qui a fait l'objet d'une cassation partielle.

Cet arrêt avait déclaré caduque la déclaration d'appel du fait de la non remise dans le délai de trois mois de sa date des conclusions d'appel.

Selon l'article 914 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7247LE7), lorsqu'il est désigné et jusqu'à son dessaisissement, le conseiller de la mise en état est seul compétent pour prononcer la caducité de l'appel, pour déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ou pour déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910, de sorte que ce texte ne prévoit pas spécifiquement la compétence du conseiller de la mise en état pour déclarer irrecevables des actes de procédure qui n'ont pas été remis à la cour d'appel par voie électronique.

En l'espèce, est-ce la formation de la cour qui a directement statué sur la caducité de l'appel via l'irrecevabilité des conclusions des appelants déposées tardivement ou est-ce que cette formation de la cour est intervenue sur procédure de déféré telle que prévue par l'article 916 (N° Lexbase : L7248LE8) ?

L'arrêt commenté ne le précise pas.

La seconde hypothèse nous paraîtrait plus cohérente car la décision a in fine tranché le point crucial de la caducité de la déclaration d'appel, qui est du ressort du conseiller de la mise en état, non de la cour, même si de cette caducité dépendait seulement l'examen de l'irrecevabilité des conclusions d'appel pour défaut de communication électronique dans le délai de l'article 908.

Il n'en demeure pas moins que juger la caducité ou la non caducité de la déclaration d'appel nécessitait préalablement de répondre à la seule question de la reconnaissance de la cause étrangère pour sauver, ou non, le plaideur d'une non communication électronique de ses conclusions à temps.

II - La cause étrangère, version allégée

La dématérialisation présente des avantages certains pour les praticiens en termes de temps et de coût.

Les contraintes de la procédure d'appel avec représentation obligatoire croissent cependant avec le caractère obligatoire de la communication par la voie électronique des actes de procédure.

Les sanctions sont lourdes en cas de non-respect et les incertitudes juridiques en la matière entament les bienfaits de la communication électronique.

Les frayeurs des praticiens ne cessent de s'alourdir.

Fort heureusement, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, depuis un certain temps, fraie un chemin au plaideur dans ce dédale de ronces processuelles.

Dans le cas présent, ce chemin est quelque peu élargi par une solution rassurante tenant à donner à la cause étrangère une dimension allégée.

Elle est expressément prévue, de manière générale, par l'article 748-7 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0423IGR) : "Lorsqu'un acte doit être accompli avant l'expiration d'un délai et ne peut être transmis par voie électronique le dernier jour du délai pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, le délai est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant".

Elle est prévue, de manière spéciale, en matière de communication électronique obligatoire en appel, par l'article 930-1, alinéas 2 et 3 (N° Lexbase : L7249LE9) : "lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe. En ce cas, la déclaration d'appel est remise au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué. Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l'expéditeur.

Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l'expéditeur".

Le texte évoque la cause étrangère à celui qui accomplit l'acte mais ne dispose pas que cette cause étrangère doive revêtir les caractères de la force majeure.

Seule la condition d'extériorité paraîtrait alors exigée, à l'exclusion de celles d'imprévisibilité et d'irrésistibilité requises habituellement en plus pour asseoir la notion de force majeure.

C'est d'ailleurs en ce sens que la Chancellerie semblait, s'agissant de la cause étrangère, avoir interprété l'article 930-1 dans sa circulaire DACS du 31 janvier 2011 (1) : "il ne s'agit toutefois pas de pallier une négligence imputable à l'auteur de l'acte mais un dysfonctionnement dans le dispositif d'émission, de transmission ou de réception".

La cour d'appel d'Aix-en-Provence, dans son arrêt cassé, retint les critères de la force majeure comme devant être justifiés : "imprévisible et irrésistible".

La cour d'appel, dans une motivation compréhensible, n'estimait pas insurmontable le fait de ne pouvoir communiquer un fichier lourd en une seule fois pour respecter le délai prévu à l'article 908 : il suffisait en effet de scinder les envois qui pouvaient être successifs, ce que les moyens techniques permettent, en l'état, de faire au regard des dispositions de l'article 954 du Code de procédure civile.

Si l'arrêt précité n'a pas été cassé expressément du fait de l'assimilation de la notion de cause étrangère à celle de force majeure, la cassation est intervenue parce que l'arrêt d'appel a estimé que l'auteur de l'acte pouvait procéder à plusieurs envois scindés et successifs alors que la loi n'exige pas des parties qu'elles limitent la taille de leurs envois à la juridiction ou qu'elles transmettent un acte de procédure en plusieurs envois scindés.

Le texte de l'article 930-2 n'édicte, par ailleurs, pas que la cause étrangère doit revêtir les caractéristiques de la force majeure.

L'arrêt commenté ne le précise pas mais il convient, à notre sens, de ne pas éluder cet argument.

La Cour de cassation, en constatant l'absence d'exigence légale de vérifier le poids des documents envoyés et de les envoyer de manière scindée, confirme indirectement que les conditions d'imprévisibilité et d'irrésistibilité n'ont pas à être remplies, seule la condition d'extranéité suffisant pour caractériser la notion de cause étrangère visée à l'article 930-1, alinéa 2.

A défaut, le caractère irrésistible ou insurmontable aurait mis un obstacle à ce que la cause étrangère fût retenue puisqu'il suffisait au conseil de l'appelant de séquencer ses envois de conclusions, par tranches.

De la même manière, le caractère d'imprévisibilité ne pouvait être reçu car l'on sait que la capacité d'envoi des fichiers par le biais du RPVA est limitée à 4 mégaoctets.

Cette limitation n'est pourtant pas du fait des praticiens avocats et la loi ne prévoit pas qu'ils doivent s'en accommoder en scindant leurs envois.

Imposer une telle mesure exigerait des praticiens de s'y prendre à l'avance pour scinder l'envoi de leurs fichiers et cela reviendrait alors à réduire le délai de trois mois de l'article 908 dont ils bénéficient puisque ce délai en mois expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de la décision ou de la notification qui le fait courir, ce à vingt-quatre heures.

L'avantage d'une communication électronique est justement de faciliter les envois, quelle que soit l'heure, pourvu que l'horaire légal soit respecté, nonobstant l'obstacle de fermeture du greffe.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a jugé à cet égard que dans le cadre de la procédure d'appel avec représentation obligatoire, l'obligation de communiquer par voie électronique les conclusions de l'appelant au greffe dans le délai légal de trois mois est respectée dès lors que ces écritures sont parvenues au greffe dans ce délai, nonobstant un avis de refus.

Ainsi l'envoi par l'appelante au greffe du fichier contenant ses conclusions, selon les règles de la communication par voie électronique, effectué dans le délai de trois mois de la déclaration d'appel, et parvenu au greffe ainsi que l'établissait l'avis de refus, valait à son égard remise au greffe.

La réception est donc acquise dès lors que l'on prouve une réception du support via un avis de refus, ce qui peut être le cas lors de la fermeture du greffe.

De deux choses l'une, donc : soit la technologie progresse pour s'adapter à des envois de fichiers nécessairement lourds dans certains dossiers complexes, soit le caractère obligatoire de la communication électronique cède la place au bon sens qui ne doit pas imposer ce qui n'est pas à imposer et qui ne l'est d'ailleurs pas textuellement, fort heureusement.

Un appel d'air est, par la solution rendue, fort heureusement donné aux praticiens.

Il faudra dès lors retenir que la démonstration de la cause étrangère peut être accueillie lorsqu'il n'y a pas de possibilité d'envoyer des fichiers trop lourds du fait de la non adaptation du système (limitation à quatre mégaoctets).

Dans ce cas, le remède prévu par les dispositions de l'article 930-1, alinéas 2 et 3, pourra être utilisé : support papier en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué.

La remise ne peut toutefois se faire par pli recommandé avec accusé de réception. La sanction serait alors l'irrecevabilité de l'acte.

Il importe pour le justiciable, dans le respect de ses droits, que trois objectifs soient remplis : la durée du procès ne doit pas être excessive, le procès doit conserver une dimension humaine et respecter les règles de procédures applicables, en ce compris les principes fondamentaux qui les gouvernent.

La communication électronique doit donc être poursuivie via une amélioration des technologies afin de la rendre plus sécurisée et efficiente, sans pour autant devenir une contrainte supplémentaire : "C'est tout le mal de la communication électronique qui devait être un bienfait. L'erreur est de la rendre obligatoire au lieu de se contenter de l'autoriser" (4).

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation aide une fois encore en ce sens et l'arrêt commenté le démontre.


(1) Circulaire DASC du 31 janvier 2011 JUSC1033672C.
(2) C. pr. civ., art. 641 (N° Lexbase : L6802H73) et 642 (N° Lexbase : L6803H74).
(3) Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 14-20.212, FS-P+B (N° Lexbase : A8463NP7) et lire nos obs, in Lexbase, éd. prof., n ° 203, 2015 (N° Lexbase : N9642BUN).
(4) H. Croze, Irrecevabilité des conclusions pour violation d'une convention de procédure, JCP éd. G, 2012, 1394.

newsid:461478

Collectivités territoriales

[Brèves] Délimitation par les communes ou EPCI des zones d'assainissement collectif et non collectif

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 24 novembre 2017, n° 396046, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5919W3M)

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N1567BXC

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par Yann Le Foll

Le 07 Décembre 2017

Après avoir délimité une zone d'assainissement collectif, les communes (ou les EPCI compétents) sont tenues, tant qu'elles n'ont pas modifié cette délimitation, d'exécuter dans un délai raisonnable les travaux d'extension du réseau d'assainissement collectif afin de le raccorder aux habitations qui sont situées dans cette zone et dont les propriétaires en ont fait la demande. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 24 novembre 2017 (CE 3° et 8° ch.-r., 24 novembre 2017, n° 396046, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5919W3M, voir CE, 17 octobre 2014, n° 364720 N° Lexbase : A6669MYN).

Cette délimitation doit tenir compte de la concentration de la population et des activités économiques productrices d'eaux usées sur leur territoire, de la charge brute de pollution organique présente dans les eaux usées, ainsi que des coûts respectifs des systèmes d'assainissement collectif et non collectif et de leurs effets sur l'environnement et la salubrité publique.

Le délai précité doit s'apprécier au regard des contraintes techniques liées à la situation topographique des habitations à raccorder, du coût des travaux à effectuer et du nombre et de l'ancienneté des demandes de raccordement.

newsid:461567

Contrat de travail

[Brèves] Différence de traitement dans le cadre d'un transfert de contrats de travail en application d'une garantie d'emploi instituée par voie conventionnelle

Réf. : Cass. soc., 30 novembre 2017, n° 16-20.532, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9773W3D)

Lecture: 2 min

N1551BXQ

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par Charlotte Moronval

Le 07 Décembre 2017

N'est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et se trouve dès lors justifiée, la différence de traitement entre les salariés dont le contrat de travail a été transféré en application d'une garantie d'emploi instituée par voie conventionnelle par les organisations syndicales et les salariés de l'employeur entrant, qui résulte de l'obligation à laquelle est tenu ce dernier de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur au jour du transfert. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 30 novembre 2017 (Cass. soc., 30 novembre 2017, n° 16-20.532, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9773W3D).

En l'espèce, en application de l'accord du 29 mars 1990 annexé à la Convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 , une société a repris à son service des salariés à la suite de la perte du marché par leur employeur. S'estimant victimes d'une inégalité de traitement en ce que certains salariés de la société, issus d'un transfert antérieur, bénéficiaient d'un treizième mois en raison de la règle imposant le maintien de leur rémunération lors de la reprise du marché, des salariés ont saisi le conseil de prud'hommes aux fins d'obtenir le paiement d'une prime de treizième mois.

Dans plusieurs jugements, le conseil de prud'hommes de Paris condamne la société entrante à payer à chaque salarié une somme à titre de prime de treizième mois, aux motifs que les différents salariés demandeurs accomplissent le même travail pour le même employeur sur le même chantier, s'agissant tant des salariés dont le contrat de travail a été transféré lorsque le marché a fait l'objet d'un changement de prestataire au 1er janvier 2010 que des salariés faisant déjà partie des effectifs de la société entrante à cette date, et que l'employeur ne démontre pas l'existence d'une raison objective et pertinente justifiant la différence de rémunération liée à la nécessité de compenser un préjudice spécifique à une catégorie de travailleurs.

Enonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse et annule les jugements du conseil de prud'hommes au visa du principe d'égalité de traitement et de l'accord du 29 mars 1990 annexé à la Convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011. En statuant comme il l'a fait, le conseil de prud'hommes a violé le principe et le texte ci-dessus (sur le transfert conventionnel des contrats de travail, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E8882ESR).

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Cotisations sociales

[Brèves] Réduction "Fillon" : les sommes versées postérieurement à la rupture du contrat de travail n'entrent pas dans le champ d'application de la réduction

Réf. : Cass. civ. 2, 30 novembre 2017, n° 16-12.403, F-P+B (N° Lexbase : A4714W4D)

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N1587BX3

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par Laïla Bedja

Le 07 Décembre 2017

Les sommes versées par l'employeur, postérieurement à la rupture du contrat de travail, pour l'exécution d'une clause de non-concurrence n'entrent pas dans le champ d'application de la réduction de cotisations sur les bas salaires prévue par les articles L. 241-13, III (N° Lexbase : L7014K9N), et D. 241-7, I, (N° Lexbase : L8900LBA) du Code de la Sécurité sociale. Telle est la solution retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 30 novembre 2017 (Cass. civ. 2, 30 novembre 2017, n° 16-12.403, F-P+B N° Lexbase : A4714W4D).

A la suite d'un contrôle, l'URSSAF a notifié à la société C. un redressement portant notamment sur la remise en cause des réductions de cotisations sur les bas salaires appliquées aux sommes versées à d'anciens salariés au titre de clauses de non-concurrence. La société a saisi d'un recours la juridiction de Sécurité sociale.

Pour accueillir le recours de la société, la cour d'appel (CA Versailles, 10 décembre 2015, n° 14/01429 N° Lexbase : A1547NZC) retient que la référence au temps de travail effectif ne se présente pas comme une condition d'application de l'article L. 241-13 du Code de la Sécurité sociale, puisque ce texte organise également les règles de calcul de la réduction. Elle ajoute que les éléments invoqués par l'URSSAF, référence au SMIC, aux heures complémentaires et supplémentaires, et aux temps de pause et d'habillage, ont été intégrés par les lois de finances postérieures à la loi du 1er juillet 2003 (loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003, relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi N° Lexbase : L0300A9Y), dans le but de modifier les règles de calcul de la réduction, mais sans soumettre le dispositif à des conditions d'application supplémentaires, tenant à l'exécution d'un travail effectif. Aussi, les indemnités de non-concurrence, dont la nature de salaire n'est pas contestée, ont pour objet de compenser la perte de rémunération supportée par les salariés auxquels elles sont opposables et cette perte de rémunération est définie par référence au dernier salaire versé aux salariés, intégrant le cas échéant la moyenne des heures supplémentaires, ou les temps de pause dont l'exclusion doit s'appliquer dans les mêmes conditions qu'en cas de poursuite de l'activité dans l'entreprise. Enfin, elle retient que la référence au SMIC par les articles L. 241-13 et D. 241-7 du Code de la Sécurité sociale, ne fait pas obstacle au calcul de la réduction, de la même manière que pour les salaires, en prenant pour base de référence, l'année correspondant au versement des indemnités.

A tort, selon la Haute juridiction, qui, au visa des articles précités, casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel pour violation des textes (cf. l’Ouvrage "Droit de la protection sociale" N° Lexbase : E4893E4Y).

newsid:461587

Domaine public

[Jurisprudence] L'office du juge prononçant une amende en répression d'une contravention de grande voirie - conclusions du Rapporteur public

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 25 octobre 2017, n° 392578, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4470WXT)

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N1591BX9

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par Romain Victor, Rapporteur public au Conseil d'Etat

Le 07 Décembre 2017

Dans un arrêt rendu le 25 octobre 2017, la Haute juridiction administrative a dit pour droit que lorsqu'il retient la qualification de contravention de grande voirie s'agissant de faits qui lui sont soumis, le juge est tenu d'infliger une amende au contrevenant avec une possibilité de moduler son montant eu égard à la gravité des faits. Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver les conclusions anonymisées du Rapporteur public, Romain Victor. 1 - L'affaire qui vient d'être appelée vous conduira -dans tous les cas- à apporter une précision importante sur l'office du juge prononçant une amende en répression d'une contravention de grande voirie.

2 - M. X, qui demeure à Etaples-sur-Mer (Pas-de-Calais), était le propriétaire du Saint Jean Priez Pour Nous, un chalutier d'une longueur de 21 mètres dont il se servait dans le cadre de son activité de marin pêcheur. Le 3 mars 2012 à 5 heures 20, l'officier de quart de la capitainerie de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) a constaté que le navire, qui avait accosté sans autorisation au lieudit "La Criée" du port de Boulogne-sur-Mer pour y recevoir une livraison de glace, alors que cet emplacement est réservé à la débarque de la pêche, avait refusé d'obtempérer à l'ordre de libération du poste en vue de permettre à un autre chalutier de débarquer sa pêche.

L'officier de port a dressé un procès-verbal de contravention de grande voirie, notifié quelques jours plus tard à M. X, lui imputant la violation des dispositions combinées des articles L. 5334-5 (N° Lexbase : L6980INT) et L. 5337-5 (N° Lexbase : L6945INK) du Code des transports qui prévoient que, dans les limites administratives d'un port maritime, tout capitaine d'un navire est tenu d'obtempérer aux ordres donnés par les officiers de port concernant le mouvement de son navire et que tout refus d'obtempérer est passible d'une amende dont le montant, fonction de la longueur hors tout du navire, s'établit à 8 000 euros pour un navire dont la longueur, à l'instar du Saint Jean Priez Pour Nous, est comprise entre 20 et 100 mètres.

Le 13 juillet 2012, le préfet du Pas-de-Calais a saisi le tribunal administratif de Lille d'une requête tendant à la condamnation de M. X au paiement de cette amende. Par jugement du 19 septembre 2013, le magistrat désigné de ce tribunal a fait droit à sa requête. M. X se pourvoit régulièrement en cassation contre l'arrêt du 11 juin 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement (CAA Douai, 1ère ch., 11 juin 2015, n° 14DA00251 N° Lexbase : A5729NQA).

3 - L'annulation de l'arrêt attaqué est inévitable. L'article R. 711-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L7291KHI), applicable en première instance et en appel, impose que toute partie soit avertie du jour où l'affaire sera appelée à l'audience, cet avis pouvant être donné par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou dans la forme administrative. L'article R. 711-2-1 du même code (N° Lexbase : L8940LDH) ajoute que les parties ou leur mandataire inscrits dans Télérecours peuvent être convoqués à l'audience par le moyen de cette application informatique.

Ces dispositions sont bien applicables au jugement des contraventions de grande voirie par la cour administrative d'appel. L'article L. 2132-20 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L4587IQX) renvoie en effet, en ce qui concerne la procédure de jugement de ces contraventions, aux dispositions spéciales qui figurent au chapitre IV du titre VII du livre VII du Code de justice administrative. Ce chapitre comporte certes un article L. 774-4 (N° Lexbase : L3248ALU) qui énonce que l'avis d'audience est délivré par lettre recommandée ou dans la forme administrative sans prévoir de notification par Télérecours. Mais ces dispositions doivent être regardées, par analogie avec ce qu'a décidé votre arrêt "Voies navigables de France" du 5 octobre 2007 (CE n° 290761 N° Lexbase : A6687DYC, Tables, p. 844, concl. N. Escaut), comme n'étant relatives qu'aux jugements rendus par le tribunal administratif de sorte qu'en l'absence de disposition spéciale, il convient de considérer que la procédure suivie devant la cour est régie par les dispositions de droit commun applicables au jugement, notamment celles de l'article R. 711-2-1 relatives à l'envoi de l'avis d'audience via Télérecours.

La convocation des parties à l'audience constitue bien sûr une exigence substantielle. Le jugement qui intervient alors qu'une des parties n'a pas été avisée du jour de l'audience est irrégulier (CE, 7 mars 1986, n° 63343, 63856 N° Lexbase : A7667AMW, Tables, p. 668 ; CE, 14 avril 1999, n° 147865 N° Lexbase : A4339AXY), à moins que le requérant qui se plaint de n'avoir pas été convoqué ou son avocat a été présent à l'audience (CE Sect., 23 février 1968, n° 65466 N° Lexbase : A5753B8L, Recueil, p. 136). Enfin si l'arrêt ou le jugement mentionne que les parties ont été convoquées à l'audience, mais qu'une partie conteste que tel ait été le cas, c'est à un examen concret que vous vous livrez : votre décision "SCI Parc de Vallauris" retient ainsi que la décision juridictionnelle attaquée doit être regardée comme rendue à la suite d'une procédure irrégulière s'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis au juge du fond que la partie intéressée a été régulièrement convoquée, ni qu'elle a été présente ou représentée à l'audience (CE, 16 janvier 2006, n° 266267 N° Lexbase : A4194DMB, Tables, p. 877-1025, concl. L. Vallée).

Ces exigences ne sauraient avoir moins de force dans le contentieux répressif des contraventions de grande voirie. Si, en l'espèce, l'arrêt mentionne que "[l]es parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience", M. X, qui n'était ni présent ni représenté à l'audience, soutient que tel n'a pas été le cas. De fait, il ressort des pièces du dossier que son conseil a été averti le 27 avril 2015, au moyen d'un avis délivré via l'application Télérecours, que l'affaire serait appelée à l'audience du 28 mai 2015. Par un second avis du 21 mai 2015, également adressé via Télérecours, les parties ont été informées que l'affaire était reportée à une date ultérieure et qu'un nouvel avis d'audience leur serait délivré. Cependant l'audience s'est tenue à la date initialement fixée en l'absence de M. X et de son conseil et sans qu'ils aient reçu de nouvel avis, ce dont il se déduit aisément que l'arrêt est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière.

Nous vous invitons à régler le litige au fond après cassation en considération de l'intérêt qui s'attache à ce que vous preniez parti sur le moyen, invoqué par M. X à l'appui de sa requête d'appel, tiré de ce que le montant de l'amende aurait dû être modulé pour assurer la proportionnalité de la sanction avec la gravité de l'infraction qui lui a été reprochée et pour tenir compte de sa situation personnelle, notamment financière.

4 - Vous écarterez d'abord sans difficulté les trois moyens de la requête relatifs au principe de la condamnation.

4.1 - Contrairement à ce que soutient le requérant, le procès-verbal de contravention comporte bien l'indication du nom, du prénom et de la qualité de son auteur conformément aux dispositions alors en vigueur de l'article 4 de la loi "DCRA" (loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations N° Lexbase : L0420AIE), applicables dans le contentieux de la grande voirie (CE, 29 octobre 2012, n° 341357 N° Lexbase : A1165IW3, Tables, p. 748) et la circonstance qu'un autre officier de la capitainerie aurait été présent au moment où l'infraction a été constatée, n'entache pas cet acte d'irrégularité dès lors que les mentions légalement requises ne concernent que l'auteur de la décision administrative.

4.2 - Le moyen tiré de ce que le procès-verbal ne ferait pas état des circonstances exactes de la commission de l'infraction manque en fait.

4.3 - Enfin c'est en vain que M. X soutient qu'il n'est pas établi qu'il aurait été interdit d'accoster à l'endroit où il a amarré son chalutier car l'infraction qui lui est reprochée n'est pas un stationnement irrégulier de son navire mais un refus d'obtempérer.

5 - M. X soutient pour le reste qu'en refusant de moduler le montant fixé par le texte instituant la contravention de grande voirie, le juge méconnaîtrait le principe d'individualisation des peines qui découle du principe de nécessité des peines affirmé par l'article 8 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1372A9P) (et qui impose que toute sanction ayant le caractère d'une punition tienne "compte des circonstances propres à chaque espèce" (Cons. const., décision n° 2013-329 QPC du 28 juin 2013 N° Lexbase : A7734KHW, cons. n° 3).

Cette exigence, qui trouve à s'appliquer y compris dans le silence de la loi (Cons. const., décision n° 2007-553 DC du 3 mars 2007 N° Lexbase : A4243DUP, cons. n° 28), est particulièrement forte en droit pénal. L'article 132-1 du Code pénal (N° Lexbase : L9834I3M) énonce ainsi que "toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée" et que, "dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine [...] le quantum [...] des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale [...]". C'est cette même conception que le requérant souhaiterait transposer à l'amende sanctionnant une contravention de grande voirie, laquelle ne devrait selon lui constituer qu'un simple plafond, un maximum en dessous duquel le juge serait libre de descendre pour individualiser la sanction.

5.1 - Les contraventions de grande voirie ne sont pas "compte tenu de leur objet et des règles de procédure et de compétence qui leur sont applicables, des contraventions de police", pour reprendre une formule que l'on trouve sous votre plume (CE, 22 juin 1987, n° 50787 N° Lexbase : A3769APB, Tables, p.727) et sous celle du Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 87-151 L du 23 septembre 1987 N° Lexbase : A8165ACE, cons. n° 4). Elles ne sont pas davantage des sanctions "administratives" dès lors qu'elles sont prononcées par le juge et non par l'autorité administrative.

Elles constituent néanmoins des sanctions ayant le caractère d'une punition et se rattachant à la "matière pénale" au sens de la Convention européenne, ce qui explique qu'il leur soit fait application d'un grand nombre de règles et principes du droit pénal et de la procédure pénale :

- principes de nécessité des peines (CE Avis, 23 avril 1997, n° 183689 N° Lexbase : A9653ADU, Recueil p. 153, concl. G. Bachelier) et d'interprétation stricte du texte d'incrimination (CE, 27 mars 2000, n° 195019 N° Lexbase : A3861AUK, Recueil p. 136) ;

- rétroactivité in mitius (CE, 23 juillet 1976, n° 99520 N° Lexbase : A6196B8Y, Recueil p. 361) ;

- principe de l'autorité absolue de chose jugée attachée aux décisions du juge administratif statuant sur la poursuite de contraventions de grande voirie (CE, 27 juillet 1988, n° 68672 N° Lexbase : A7757APY, Recueil p. 301) ;

- inclusion dans le périmètre des lois d'amnistie (CE, 3 février 1982, n° 25031 N° Lexbase : A8766AKU, Recueil p. 47 ; CE, 8 avril 1987, n° 28531 N° Lexbase : A3288APH, Recueil p. 128 ; CE, 30 décembre 1996, n° 148174 N° Lexbase : A2194APX, Recueil p. 521) ;

- prescription de l'action publique selon les règles de l'article 9 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0382LDI) applicables aux contraventions de police (CE, 2 novembre 1966, n° 65445 N° Lexbase : A1868B7C, Recueil p. 576, la prescription ne jouant pas en revanche en ce qui concerne l'action domaniale : CE, 22 décembre 1965, n° 64841 N° Lexbase : A5570B8S, Recueil p. 703).

L'invocation du principe d'individualisation des peines est donc opérante dans le contentieux des contraventions de grande voirie.

5.2 - Vous pourriez bien sûr être tentés de transposer à la matière des contraventions de grande voirie le raisonnement que vous tenez en matière de sanctions fiscales et qui vous conduit à refuser de moduler les majorations et amendes infligées par l'administration.

Par votre avis de Section "Houdmond" (CE, 5 avril 1996, n° 176611 N° Lexbase : A8780ANI, Recueil, p. 116, RJF, 1996 n° 607, concl. J. Arrighi de Casanova, BDCF 3/96, p. 63), confirmé à de nombreuses reprises depuis lors (CE Avis, 8 juillet 1998, n° 195664 N° Lexbase : A9122AHC, RJF 1998, n° 970, concl. J. Arrighi de Casanova ; CE, 8 mars 2002, n° 224304 N° Lexbase : A2610AYC, RJF 2002, n° 671), vous vous êtes en effet appuyés sur le fait que la loi fiscale proportionne elle-même les pénalités selon les agissements commis par le contribuable en prévoyant l'application de différents taux de majoration selon la qualification du manquement, ce dont vous avez déduit que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur la qualification retenue par l'administration, doit appliquer le taux de majoration prévu par la loi sans pouvoir le moduler pour tenir compte de la gravité de la faute commise par le contribuable.

Cette position est aussi celle du Conseil constitutionnel lorsqu'il a été amené à se prononcer sur diverses pénalités fiscales : majoration de 40 % pour non dépôt de déclaration après mise en demeure (Cons. const., décision n° 2010-105/106 QPC du 17 mars 2011 N° Lexbase : A8914HC7, cons. n° 7, RJF 2011, n° 731), majoration de 40 % en cas de mauvaise foi du contribuable (Cons. const., décision n° 2010-103 QPC du 17 mars 2011 N° Lexbase : A8912HC3, RJF 2011, n° 731) ou majoration de 40 % pour non déclaration de comptes bancaires à l'étranger (Cons. const., décision n° 2011-220 QPC du 10 février 2012 N° Lexbase : A3099ICR, cons. n° 5). Cette position, que la Cour européenne des droits de l'Homme n'a pas remise en cause dans son principe (CEDH, 5ème section, 7 juin 2012, Req. 4837/06 N° Lexbase : A6665IN8, RJF 2012, n° 888, chron. E. Bokdam-Tognetti, p. 699), va assez loin puisque le juge constitutionnel identifie une possibilité d'adapter les pénalités à la gravité des agissements du redevable dans le seul fait que le juge de l'impôt puisse, à l'issue du plein contrôle qu'il exerce sur les faits invoqués, maintenir une amende fiscale ou la décharger en se servant ainsi d'un clavier à deux touches. Voyez ses récentes décisions n° 2016-618 QPC du 16 mars 2017 (N° Lexbase : A3169T8U) (cons. n° 11) et n° 2017-636 QPC du 9 juin 2017 (N° Lexbase : A7250WGM) (cons. n° 9).

5.3 - Cinq raisons nous incitent toutefois à vous proposer de s'éloigner du paradigme fiscal et de consacrer la faculté, pour le juge administratif, de moduler l'amende prononcée en répression d'une contravention de grande voirie dans la limite du plafond fixé par le texte législatif ou réglementaire qui l'institue.

1°) La première est tirée de ce que le juge administratif module déjà l'amende prononcée en répression d'une contravention de grande voirie dans l'hypothèse, loin d'être rare, dans laquelle le texte instituant la contravention fixe l'amende encourue à l'intérieur d'une fourchette. Cette méthode, qui prévalait sous l'empire de l'ancien Code pénal et a été abandonnée en 1994 au profit de la fixation d'un plafond, perdure pour de nombreuses contraventions de grande voirie. A titre d'exemple, l'article L. 2132-6 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L4575IQI) punit d'une amende de 150 à 12 000 euros celui qui aura construit, sur un cours d'eau domanial, un ouvrage susceptible de nuire à l'écoulement des eaux ou à la navigation ; vous pouvez voir, pour une amende fixée à 1 000 euros, la décision "M. Doumenc et autres" du 10 mars 2017 (CE n° 391177 N° Lexbase : A4835T3H, inédit) (1). Vous jugez en effet dans ce cas qu'il appartient au juge de fixer le montant de l'amende dans la limite des taux fixés par le texte d'incrimination, en tenant compte des "circonstances de l'affaire" (CE, 9 février 1979, n° 10626 N° Lexbase : A2035AKL, Recueil p. 58 ; CE, 30 novembre 1979, n° 13157 N° Lexbase : A2476AKW, Tables, p. 737, s'agissant de contraventions prévues par l'ancien article R. 43 du code des PTT passibles d'une amende de 160 francs à 600 francs).

2°) Il résulte des termes mêmes du premier alinéa de l'article L. 2132-26 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L4590IQ3) que, dans le silence du texte instituant la contravention, donc à défaut de disposition édictant des amendes d'un montant plus élevé, "l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du Code pénal (N° Lexbase : L0781G8G)", fixé à 1500 euros. Cette "disposition balai" est, vous le voyez, rédigée en termes de plafond, ce que soulignent les deux alinéas suivants qui énoncent successivement que, dans les textes qui prévoient des peines d'amendes d'un montant inférieur, ne fixent pas le montant de ces peines ou ne prévoient carrément aucune amende, "le montant maximum des amendes encourues est celui prévu" pour les contraventions de cinquième classe. En faisant référence à un "maximum", le législateur doit être regardé comme ayant entendu que le juge puisse fixer le montant de l'amende à un niveau inférieur. Et c'est le droit commun. Or il nous semble difficile de justifier, à l'intérieur de la catégorie unique des contraventions de grande voirie, que le juge, tantôt tienne compte des circonstances de l'affaire, tantôt n'y prête aucune attention.

3°) Si les contraventions de grande voirie sont assez fréquemment dépeintes comme des fautes "objectives" en ce sens qu'elles n'impliquent pas d'établir l'existence d'une intention de la part du contrevenant (CE, 3 janvier 1968, n° 69425 N° Lexbase : A1980B7H, Tables, p. 1150), ce constat ne peut justifier à lui seul l'interdiction qui serait faite au juge administratif de moduler l'amende dès lors que le juge pénal module les amendes pénales punissant des contraventions de police, qui constituent elles aussi des "infractions matérielles" pour lesquelles seule la force majeure est exonératoire (v. le dernier alinéa de l'article 121-3 du Code pénal N° Lexbase : L2053AMY).

4°) La modulation est opportune car elle permet au juge, une fois l'infraction établie, d'apprécier au cas par cas la gravité du comportement punissable, eu égard aux circonstances de sa commission et à ses conséquences. Tout manquement à un même texte ne se vaut pas et il n'est pas question ici de majorations proportionnelles comme en matière fiscale.

La reconnaissance d'un pouvoir de modulation au juge nous paraît d'autant plus opportune que la décision sur l'action publique peut se doubler d'une décision sur l'action domaniale dont les conséquences, même s'il ne s'agit que d'une justice restaurative, peuvent être très lourdes pour le contrevenant, par exemple lorsqu'il est enjoint à l'intéressé d'acquitter une somme d'argent correspondant aux frais de remise en état du domaine. Faire varier le montant de l'amende peut introduire un peu de souplesse dans cette "procédure mixte intégrée", étant observé que le juge sera en tout état de cause tenu de moduler l'amende en cas de cumul avec une sanction pénale infligée à raison des mêmes faits pour éviter de dépasser le montant de la plus élevée des amendes encourues, ainsi que le prévoit l'article L. 2132-28 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L4592IQ7).

5°) Dernier argument enfin, il nous semble que vous pourrez tenir compte de ce que, à la différence des sanctions fiscales, lesquelles sont infligées par l'administration sous le contrôle du juge, c'est, en matière de contraventions de grande voirie, le juge lui-même qui prononce les condamnations, ce qui écarte certaines réticences qui ont pu être exprimées face à l'éventualité d'un pouvoir de modulation des sanctions fiscales reconnu à l'administration.

5.4 - Nous vous invitons donc à reconnaître au juge le pouvoir de prononcer l'amende en répression d'une contravention de grande voirie dans la limite du maximum prévu, étant en tout état de cause observé que ce pouvoir ne peut aboutir, d'une part, au prononcé d'une amende égale à zéro car votre jurisprudence est en ce sens que, lorsque les faits matériels constituant la contravention sont établis, le contrevenant ne peut être complètement dispensé de peine ni, d'autre part, à une amende inférieure au plancher défini par le législateur, lorsqu'il a fixé plusieurs niveaux d'amendes. Au cas d'espèce, l'article L. 5337-5 du Code des transports définit trois niveaux d'amendes pour trois catégories de navires : 500 euros d'amende pour les navires d'une longueur jusqu'à 20 mètres, 8 000 euros pour les navires d'une longueur supérieure à 20 mètres et inférieure ou égale à 100 mètres et 20 000 euros au-delà. M. X, qui entre dans la catégorie intermédiaire, ne pourrait se voir infliger une amende inférieure à 500 euros.

5.5 - Si vous nous avez suivi, il nous semble que vous pourrez tenir compte de ce que M. X, qui a commis la contravention qui lui est reprochée alors qu'il était venu prendre une livraison de glace pour les besoins de son activité professionnelle, a constamment indiqué, sans être contredit sur ce point, avoir amarré son navire au poste dédié à la débarque de la pêche, en l'absence d'autre poste disponible, le temps strictement nécessaire à cette livraison. L'article L. 5337-5 du Code des transports fixant la peine d'amende en fonction de la longueur du navire, il nous semble qu'outre la brièveté du comportement d'insubordination reproché, vous pourrez tenir compte de ce que le Saint Jean Priez Pour Nous, qui mesure 21 mètres, est le plus petit de sa catégorie -celle des navires dont la longueur est supérieure à 20 mètres et inférieure ou égale à 100 mètres- alors que l'amende susceptible d'être appliquée à un navire de la catégorie immédiatement inférieure n'est que de 500 euros. Nous vous proposons, dans ces conditions, de lui infliger une amende de 1 000 euros.

Par ces motifs nous concluons à l'annulation de l'arrêt attaqué, à ce que M. X soit condamné à payer une amende de 1 000 euros, à ce que le jugement du tribunal administratif de Lille du 19 septembre 2013 soit réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision, au rejet du surplus de la requête d'appel et des conclusions présentées par M. X au titre des frais non compris dans les dépens.


(1) Pour un autre exemple dans le Code général de la propriété des personnes publiques : voir son article L. 2132-9 (N° Lexbase : L4578IQM) fixant une peine d'amende comprise entre 150 et 12 000 euros et pour une application (CE, 15 juin 2016, n° 384380 N° Lexbase : A1107RT8). V. également l'art. L. 4273-1 du Code des transports (N° Lexbase : L7456INH) instituant une contravention de grande voirie en matière de navigation intérieure passible d'une amende de 150 à 12 000 euros (pour une application : TA Châlons-en-Champagne, 17 janvier 2013, n° 1001753).

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Droit des étrangers

[Brèves] Assignation à résidence des étrangers faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire ou d'un arrêté d'expulsion : censure partielle du Conseil constitutionnel

Réf. : Cons. const., décision n° 2017-674 QPC du 1er décembre 2017 (N° Lexbase : A9907W3C)

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N1582BXU

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par Marie Le Guerroué

Le 08 Décembre 2017

Dans une décision rendue le 1er décembre 2017, le Conseil constitutionnel censure partiellement les dispositions de l'article L. 561-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L9292K4W) relatif à l'assignation à résidence des étrangers faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire ou d'un arrêté d'expulsion (Cons. const., décision n° 2017-674 QPC du 1er décembre 2017 N° Lexbase : A9907W3C).

Le Conseil avait été saisi d'une QPC portant sur la dernière phrase du huitième alinéa de cet article, qui permet à l'autorité administrative d'assigner à résidence, sans limite de durée, un étranger faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire ou d'un arrêté d'expulsion, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation de quitter le territoire, et sur la troisième phrase du neuvième alinéa de ce même article, qui permet, lui, à cette autorité de fixer en tout point du territoire les lieux d'assignation à résidence des étrangers en cause ou de ceux sous le coup d'une interdiction administrative de territoire, quel que soit l'endroit où ils se trouvent.

Le Conseil estime qu'en entendant éviter que puisse librement circuler sur le territoire national une personne non seulement dépourvue de droit au séjour, mais qui s'est également rendue coupable d'une infraction ou dont la présence constitue une menace grave pour l'ordre public, le législateur avait motivé la mesure, à double titre, par la sauvegarde de l'ordre public. Il juge, en conséquence, qu'il était loisible à celui-ci de ne pas fixer de durée maximale à l'assignation afin de permettre à l'autorité administrative d'exercer un contrôle sur l'étranger compte tenu de la menace à l'ordre public qu'il représente ou afin d'assurer l'exécution d'une décision de justice. Il relève que le maintien d'un arrêté d'expulsion, en l'absence de son abrogation, atteste que l'étranger représente une menace persistante à l'ordre public. Le placement sous assignation à résidence après la condamnation à l'interdiction du territoire français peut toujours être justifié par la volonté d'exécuter la condamnation dont l'étranger a fait l'objet.

En revanche, après avoir constaté que le législateur n'avait pas prévu, qu'au-delà d'une certaine durée, l'administration doive justifier de circonstances particulières imposant le maintien de l'assignation aux fins d'exécution de la décision d'interdiction du territoire, il censure comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir les mots "au 5° du présent article" figurant au huitième alinéa de l'article L. 561-1, qui concernent l'étranger sous le coup d'une interdiction judiciaire du territoire.

Le Conseil émet, en outre, deux réserves d'interprétation concernant les autres dispositions contestées.

Le Conseil reporte cette abrogation au 30 juin 2018 (cf. l’Ouvrage "Droit des étrangers" N° Lexbase : E3235E4L).

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Entreprises en difficulté

[Brèves] Durée maximale prolongée de 15 ans du plan de sauvegarde ou de redressement pour les agriculteurs : application aux seules personnes physiques

Réf. : Cass. com., 29 novembre 2017, n° 16-21.032, F-P+B+R+I (N° Lexbase : A8558W3D)

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N1548BXM

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par Vincent Téchené

Le 07 Décembre 2017

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 621-66 (N° Lexbase : L6918AI3), devenu L. 626-12 (N° Lexbase : L4061HBZ), du Code de commerce et L. 351-8 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L7360IZM) que le bénéfice d'un plan d'une durée de quinze ans est réservé aux agriculteurs personnes physiques, de sorte que les personnes morales, telle une exploitation agricole à responsabilité limitée, ne peuvent se voir accorder un plan dont la durée excède dix ans. Ainsi, une EARL qui a bénéficié d'un plan de redressement de dix ans ne peut pas obtenir la prorogation de son plan. Telle est la solution énoncée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 29 novembre 2017 (Cass. com., 29 novembre 2017, n° 16-21.032, F-P+B+R+I N° Lexbase : A8558W3D).

En l'espèce une EARL a été mise en redressement judiciaire le 10 décembre 2004. Le 13 janvier 2006, elle a bénéficié d'un plan de redressement d'une durée de dix ans. Un jugement du 13 février 2009 a modifié ce plan, en prévoyant le report de l'annuité de l'année 2009, à parts égales, sur les annuités 2010 à 2016. Invoquant la non-exécution du plan, le commissaire à l'exécution du plan en a demandé la résolution le 16 juillet 2013. Un jugement du 14 mars 2014 a porté la durée du plan à quinze ans. Un créancier n'ayant pas accepté cette modification, a relevé appel dudit jugement. Un arrêt du 28 mai 2015, rendu par défaut, a annulé le jugement du 14 mars 2014 et dit n'y avoir lieu à prorogation du plan homologué le 13 janvier 2006. L'EARL a formé opposition audit arrêt. La cour d'appel ayant rejeté cette opposition, l'EARL a formé un pourvoi en cassation.

La Haute juridiction rappelle tout d'abord que le Conseil constitutionnel, auquel la Chambre commerciale a renvoyé la question prioritaire de constitutionnalité posée par l'EARL, a, par une décision du 28 avril 2017 (Cons. const., décision n° 2017-626 QPC du 28 avril 2017 N° Lexbase : A8220WAP ; lire N° Lexbase : N8011BWM), déclaré conforme à la Constitution la seconde phrase de l'article L. 351-8 du Code rural et de la pêche maritime. Puis, énonçant la solution précitée, la Cour rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E2229GAS).

newsid:461548

État d'urgence

[Brèves] Contrôles d'identité et fouilles de l'état d'urgence : le Conseil constitutionnel censure les dispositions de la loi du 3 avril 1955 avec report des effets au 30 juin 2018

Réf. : Cons. const., décision n° 2017-677 QPC, du 1er décembre 2017 (N° Lexbase : A9909W3E)

Lecture: 2 min

N1555BXU

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par June Perot

Le 07 Décembre 2017

S'il est loisible au législateur de prévoir que les contrôles d'identité et fouilles mis en oeuvre dans le cadre de l'état d'urgence peuvent ne pas être liés au comportement de la personne, la pratique de ces opérations de manière généralisée et discrétionnaire est incompatible avec la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée.

Or, en prévoyant que ces opérations peuvent être autorisées en tout lieu dans les zones où s'applique l'état d'urgence, le législateur a permis leur mise en oeuvre sans qu'elles soient nécessairement justifiées par des circonstances particulières établissant le risque d'atteinte à l'ordre public dans les lieux en cause.

En conséquence, faute pour le législateur d'avoir assuré une conciliation équilibrée entre, d'une part, la sauvegarde de l'ordre public, et, d'autre part, le respect des droits et libertés (liberté d'aller et de venir et droit au respect de la vie privée), le Conseil constitutionnel prononce la censure de l'article 8-1 de la loi de 1955 relative à l'état d'urgence. Telle est la position adoptée par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 1er décembre 2017 (Cons. const., décision n° 2017-677 QPC, du 1er décembre 2017 N° Lexbase : A9909W3E).

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 septembre 2017 par le Conseil d'Etat (CE 9° et 10° ch.-r., 22 septembre 2017, n° 411771, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7450WSQ ; lire à ce sujet S. Slama, in, Lexbase éd. priv., 2017, n° 719 N° Lexbase : N1161BXB) d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 8-1 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence (N° Lexbase : L6821KQP), dans sa rédaction issue de la loi du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955 (N° Lexbase : L4410K99).

Dans sa décision rendue ce jour, le Conseil rappelle que la Constitution n'exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d'état d'urgence. Il relève que si ces dispositions font obligation au préfet de désigner précisément les lieux concernés par des contrôles d'identité et fouilles, ainsi que leur durée (qui ne peut excéder 24 heures) et si elles rendent applicables à ces opérations certaines des garanties applicables aux inspections, fouilles et visites réalisées dans un cadre judiciaire, il peut être procédé à ces opérations, dans les lieux désignés par la décision du préfet, à l'encontre de toute personne, quel que soit son comportement et sans son consentement.

Les Sages déclarent donc l'article 8-1 contraire à la Constitution avec un report de l'abrogation au 30 juin 2018, afin d'éviter de priver l'autorité administrative du pouvoir d'autoriser des contrôles d'identité, des fouilles de bagages et des visites de véhicules et entraîner ainsi des conséquences manifestement excessives.

newsid:461555

Fiscalité des entreprises

[Brèves] La nouvelle contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés conforme à la Constitution

Réf. : Cons. const., 29 novembre 2017, n° 2017-755 DC (N° Lexbase : A9772W3C)

Lecture: 2 min

N1549BXN

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par Jules Bellaiche

Le 07 Décembre 2017

La taxe exceptionnelle touchant les grandes sociétés a été déclarée conforme à la Constitution. Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 29 novembre 2017 (Cons. const., 29 novembre 2017, n° 2017-755 DC N° Lexbase : A9772W3C).
En effet, les sénateurs et les députés requérants contestaient l'article 1er de la loi de finances rectificative pour 2017, qui institue à la charge des redevables de l'impôt sur les sociétés dont le chiffre d'affaires est supérieur, respectivement, à un milliard d'euros et égal ou supérieur à trois milliards d'euros deux contributions exceptionnelles, l'une et l'autre étant égales à 15 % de l'impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toutes natures.
Les recours invoquaient, en premier lieu, la méconnaissance par le législateur des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. A ce titre, le Conseil constitutionnel juge notamment qu'il est loisible au législateur, lorsqu'il institue un impôt, de ne pas le faire reposer sur l'ensemble des contribuables, à la condition de ne pas créer de différence de traitement injustifiée. En l'espèce, le législateur n'était pas tenu d'étendre aux personnes physiques les impositions auxquelles il a assujetti certaines personnes morales.
Il juge en outre qu'en prévoyant que sont assujettis aux deux contributions exceptionnelles instituées par l'article 1er les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à un milliard d'euros ou égal ou supérieur à trois milliards d'euros, le législateur a entendu imposer spécialement les grandes entreprises. En retenant comme critère d'assujettissement un chiffre d'affaires élevé, le législateur s'est ainsi fondé sur un critère objectif et rationnel, qui caractérise une différence de situation entre les redevables de l'impôt sur les sociétés de nature à justifier une différence de traitement en rapport avec l'objet de la loi. Contrairement à ce que soutenaient les recours, la circonstance que tous les redevables des contributions contestées ne bénéficient pas ou peu des dégrèvements et remboursements de la taxe prévue par l'article 235 ter ZCA (N° Lexbase : L3127LHB) censuré par la décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017 (N° Lexbase : A8693WT7) est sans incidence à cet égard.
Le Conseil constitutionnel juge enfin que les contributions contestées, qui s'appliquent au taux de 15 %, non pas aux résultats du contribuable mais à l'impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toutes natures, ne créent pas d'imposition confiscatoire sur les résultats des redevables de l'impôt sur les sociétés.
Par conséquent, l'article 1er de la loi déférée est conforme à la Constitution (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X2468AMD).

newsid:461549

Fiscalité du patrimoine

[Brèves] Déductibilité des dettes du défunt à l'égard de ses héritiers ou de personnes interposées : conformité à la Constitution du 2° de l'article 773 du CGI

Réf. : Cons. const., 1er décembre 2017, n° 2017-676 QPC (N° Lexbase : A9908W3D)

Lecture: 2 min

N1569BXE

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par Jules Bellaiche

Le 07 Décembre 2017

L'exclusion de l'actif successoral, pour l'établissement des droits de mutation à titre gratuit, des dettes contractées par le défunt à l'égard de ses héritiers ou de personnes interposées est conforme à la Constitution. Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 1er décembre 2017 (Cons. const., 1er décembre 2017, n° 2017-676 QPC N° Lexbase : A9908W3D).
En l'espèce, selon la requérante, les dispositions du 2° de l'article 773 du CGI (N° Lexbase : L9876IWP) institueraient une différence de traitement injustifiée entre les redevables de cet impôt.
Pour les Sages, en premier lieu, s'il existe une différence de traitement entre les redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune selon la personne auprès de laquelle ils ont souscrit ou non une dette, cette différence ne résulte pas du 2° de l'article 773 du CGI, relatif aux droits de mutation à titre gratuit pour cause de décès, mais de l'article 885 D du même code (N° Lexbase : L8776HLM), selon lequel l'impôt de solidarité sur la fortune est assis selon les mêmes règles que ces droits de mutation. Dès lors, il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel d'examiner l'argument tiré de cette différence de traitement, ni les autres arguments portant sur l'impôt de solidarité sur la fortune développés par la requérante à l'appui de ses griefs dirigés contre le 2° de l'article 773.
En second lieu, le législateur a subordonné la déduction des dettes du défunt à l'égard de ses héritiers ou à l'égard de personnes interposées à l'établissement de ces dettes par acte authentique ou par un acte sous-seing privé ayant date certaine avant l'ouverture de la succession. Il a ainsi institué, pour l'établissement des droits de mutation à titre gratuit pour cause de décès, une différence de traitement entre les successions selon que les dettes du défunt ont été contractées, d'une part, à l'égard de ses héritiers ou de personnes interposées ou, d'autre part, à l'égard de tiers.
En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre le contrôle de la sincérité de ces dettes et ainsi réduire les risques de minoration de l'impôt qu'il a jugés plus élevés dans le premier cas compte tenu des liens entre une personne et ses héritiers. Le législateur a donc poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.
Par conséquent, la différence de traitement opérée par les dispositions contestées repose sur des critères objectifs et rationnels en rapport direct avec l'objet de la loi. Dès lors, le 2° de l'article 773 du CGI, qui ne méconnaît ni le droit de propriété, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X8147ALC).

newsid:461569

Procédure

[Manifestations à venir] Modes amiables de résolution des différends

Lecture: 1 min

N1583BXW

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Le 07 Décembre 2017

La cour d'appel de Caen organise le 8 décembre 2017, à la Salle Alexis deTocqueville, un colloque sur le thème "Modes amiables de résolution des différends". Programme :

8h30 : Accueil des participants

9h00 : Ouverture des travaux par M. Jean Luc Stoessle, Premier président, et Mme Sylvie Petit-Leclair, procureur général

Présentation générale des MARD par Mme Natalie Fricero, Professeur à l'Université Côte d'Azur, Présidente de la commission nationale d'examen d'avocats

10h00 : Table ronde "médiation civile" animée par Me Dominique Maugeais, Responsable du centre de médiation des avocats

Mme Marie-Christine Leprince, Présidente du tribunal de grande instance de Caen.

Mme Régine Nirde-Dorail, Présidente de la chambre sociale, cour d'appel de Caen

Mme Sophie Crépin, Avocate au barreau de Pau, médiatrice et enseignante à l'Université de Pau

Me Bruno Sainte-Beuve, Notaire médiateur

Scène de médiation préparée par les médiateurs de l'association Choisir la Médiation en Normandie (CNM) et commentée par Me Laurent Drugeon

Pause

Table ronde "médiation familiale" animée par M. Nicolas Houx, Président du tribunal de grande instance de Cherbourg.

Mme Marie-Paule Regnault-Lugbull, Président du tribunal de grande instance d'Argentan

M. Daniel Muh, Expert psychologue

Mme Agnès Garcia-Degrolard, Magistrat au tribunal de grande instance de Cherbourg

13h00 : Pause déjeuner

Buffet debout - échanges dans l'atrium du palais de justice

14h15 : Table ronde "conciliation" animée par M. Dominique Raynaud, ancien Président de l'association des conciliateurs de la cour d'appel de Caen-Normandie

M. Pierre Estorges, Président du tribunal de commerce de Caen

Mme Laurence Decime-Breant, Magistrat au tribunal d'instance de Fiers

M. Patrick Durand, Délégué défenseur des droits de Lisieux

M. Olivier Herout, Conciliateur (tribunal d'instance de Fiers)

Mme Jacqueline Le Helloco, Conciliateur (tribunal d'instance de Coutances )

M. Lionel Fleury, Président de l'Association des conciliateurs de la cour d'appel de Caen (ACCA Caen-Normandie)

Pause

Table ronde "Procédure participative" animée par Me Anne Foubert, Membre du conseil de l'Ordre des avocats du Barreau de Caen

Mme Hélène Moutardier, Bâtonnière du barreau de l'Essonne

Mme Natalie Fricero, Professeur à l'Université de Côte d'Azur

Echanges avec la salle

17h00 : Synthèse des travaux par Mme Natalie Fricero


17h30 : Clôture du colloque

Renseignements :

Estelle Prunier, Chef de cabinet des chefs de cour

Email: ch.cab-caen@justice.fr

newsid:461583

Procédure civile

[Brèves] Publication d'un décret relatif aux juristes assistants et aux personnes habilitées à accéder au bureau d'ordre national automatisé des procédures judiciaires

Réf. : Décret n° 2017-1618 du 28 novembre 2017, relatif aux juristes assistants et aux personnes habilitées à accéder au bureau d'ordre national automatisé des procédures judiciaires (N° Lexbase : L4851LH7)

Lecture: 1 min

N1554BXT

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par Aziber Seïd Algadi

Le 07 Décembre 2017

A été publié au Journal officiel du 30 novembre 2017, le décret n° 2017-1618 du 28 novembre 2017, relatif aux juristes assistants et aux personnes habilitées à accéder au bureau d'ordre national automatisé des procédures judiciaires (N° Lexbase : L4851LH7).

Le nouveau texte fait suite à la création des juristes assistants au sein des juridictions par l'article 24 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle (N° Lexbase : L1605LB3), tant pour le siège que pour le Parquet, compétents dans les matières civile et pénale. Il précise la nature des missions confiées aux juristes assistants ainsi que les incompatibilités. Il prévoit les modalités de recrutement et d'affectation ainsi que la formation des juristes assistants et détermine les cas dans lesquels il peut être mis fin avant son terme à leurs fonctions. Il soumet les juristes assistants à l'obligation de prêter serment incluant le respect du secret professionnel.

Par ailleurs, il élargit les personnes habilitées à accéder au fichier "Cassiopée" (sur ce fichier, lire N° Lexbase : N4482BK9) en donnant cette possibilité aux juristes assistants ainsi qu'aux assistants spécialisés pour l'exercice des seules missions qui leur sont confiées (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E9943E97).

newsid:461554

Propriété intellectuelle

[Brèves] Mise à disposition de copies de programmes de télévision stockées dans le cloud : nécessité d'une autorisation du titulaire des droits d'auteur ou des droits voisins

Réf. : CJUE, 29 novembre 2017, aff. C-265/16 (N° Lexbase : A7000W3N)

Lecture: 2 min

N1527BXT

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par Vincent Téchené

Le 07 Décembre 2017

La mise à disposition de copies de programmes de télévision stockées dans un nuage (cloud) doit être autorisée par le titulaire des droits d'auteur ou des droits voisins ; ce service constitue en effet une retransmission des programmes concernés. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la CJUE le 29 novembre 2017 (CJUE, 29 novembre 2017, aff. C-265/16 N° Lexbase : A7000W3N).

Dans cette affaire, une société de droit anglais met à la disposition de ses clients, sur internet, un système d'enregistrement vidéo à distance des émissions d'opérateurs de télévision italiens transmises par voie terrestre. Le client sélectionne une émission et une plage horaire. Par la suite, le système capte le signal de télévision à l'aide de ses propres antennes et enregistre la plage horaire de l'émission choisie sur un espace de stockage dans un nuage (cloud computing), en mettant ainsi la copie des émissions radiodiffusées à la disposition du client au moyen d'internet. Dans ce contexte, une juridiction italienne, saisie d'un litige entre l'opérateur anglais et une chaîne de télévision italienne, a décidé de soumettre à la CJUE des questions préjudicielles en demandant, en substance, si le service litigieux, fourni sans l'autorisation des titulaires des droits d'auteur ou des droits voisins, est conforme à la Directive sur le droit d'auteur (Directive 2001/29 du 22 mai 2001 N° Lexbase : L8089AU7).

La CJUE considère que ce service possède une double fonctionnalité, consistant à assurer à la fois la reproduction et la mise à disposition des oeuvres protégées. Dans la mesure où il consiste à mettre à disposition des oeuvres protégées, il relève de la communication au public. A ce propos, la Cour rappelle que, selon la Directive 2001/29, toute communication au public, y compris la mise à disposition d'une oeuvre ou d'un objet protégé, doit être soumise à l'autorisation du titulaire des droits, étant entendu que le droit de communication d'oeuvres au public a un sens large, qui couvre toute transmission ou retransmission d'une oeuvre au public, par fil ou sans fil, y compris la radiodiffusion. La Cour estime que la transmission d'origine faite par l'opérateur de radiodiffusion, d'une part, et celle faite par l'opérateur anglais, d'autre part, sont effectuées dans des conditions techniques différentes, suivant un mode différent de transmission des oeuvres, chacune d'elles étant destinée à son public.

La Cour en conclut que la (re)transmission faite par l'opérateur anglais constitue une communication au public différente de celle d'origine et doit, dès lors, recevoir l'autorisation des titulaires des droits d'auteur ou des droits voisins. Par conséquent, un tel service d'enregistrement à distance ne saurait relever de l'exception de copie privée.

newsid:461527

Protection sociale

[Doctrine] Variations autour d'un paradoxe en matière de complémentaire santé : obligation générale de couverture et faculté d'exclusion des travailleurs précaires

Lecture: 15 min

N1557BXX

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par Yannick Pagnerre, Professeur à l'Université d'Evry, Agrégé des facultés de droit

Le 07 Décembre 2017

1. Généralisation, dispense et exclusion. Depuis le 1er janvier 2016, il est demandé aux employeurs "de faire bénéficier leurs salariés" d'un régime collectif et obligatoire remboursant en complément du régime de Sécurité sociale les "frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident" en assurant au minimum la moitié du financement (CSS, art. L. 911-7 N° Lexbase : L1287I7S). Pour les salariés dont la durée du contrat (intérim, CDD) ou du travail (temps partiel) est inférieure à des seuils fixés par décret, l'employeur peut s'acquitter de son obligation via un versement "d'une somme représentative du financement" de leur couverture individuelle, appelé "chèque santé" ou "versement santé" (CSS, art. L. 911-7-1, I, II et III N° Lexbase : L0490LC7). La substitution est subordonnée à une demande de dispense effectuée par un salarié ou à l'appartenance à une collectivité de salariés exclue du bénéfice du régime. Les deux mécanismes obéissent à des logiques distinctes (1).
La dispense correspond à la situation dans laquelle une catégorie de salariés est couverte par le régime de protection sociale mais l'un d'entre eux renonce, à titre individuel, à son adhésion. Puisqu'elle intervient "à leur initiative" (CSS, art. L. 911-7) sa mise en oeuvre nécessite "une demande explicite du salarié traduisant un consentement libre et éclairé de ce dernier" (2). En outre, tous ne peuvent pas se prévaloir d'un droit à dispense : seuls les salariés remplissant les conditions légales (CSS, art. L. 911-7, III, al. 2 et D. 911-6 N° Lexbase : L3753KWW) ou conventionnelles (CSS, art. D. 911-4 N° Lexbase : L3751KWT et R. 242-1-6 N° Lexbase : L7009I3Y) sont autorisés à refuser de participer au financement du régime. L'exclusion est, pour sa part, radicale : elle écarte un ensemble de salariés du bénéfice de la couverture de la complémentaire santé en imposant une condition de présence ou d'heures minimales ; elle intervient à l'initiative des employeurs par accord de branche ou d'entreprise voire par décision unilatérale (CSS, art. L. 911-7-1, III).
La dispense fait l'objet de peu de discussions en pratique, si ce n'est les conditions formelles dans laquelle elle s'exerce. En revanche, la dérogation tirée de l'exclusion collective a perturbé certains professionnels. Adoptée par la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 (loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 N° Lexbase : L8435KUX), puis modifiée par la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 (loi de financement de la Sécurité sociale pour 2017 N° Lexbase : L9288LBM), "le III de l'article L. 911-7-1 définit [...] les modalités selon lesquelles un accord peut déroger aux seuils fixant la durée du contrat ou la durée du travail afin de permettre à certaines entreprises voire à certaines branches au sein desquelles les rythmes de travail sont très atypiques de mettre en place le versement destiné au financement d'une couverture complémentaire individuelle en lieu et place d'une couverture collective" (3). Le dispositif a nécessité une renégociation des accords de branche qui traitaient déjà de la question en imposant parfois, pour la gestion de ces "petits salariés", une désignation des organismes assureurs. Ainsi qu'il a été rapporté à l'Assemblée nationale, "le mécanisme des clauses de désignation [...] aurait pu permettre [...] de contourner cette difficulté [...] en confiant la couverture de l'ensemble des salariés à un opérateur unique chargé d'organiser la collecte des cotisations et d'assurer l'effectivité des prestations. Mais ce mécanisme a été censuré par le Conseil constitutionnel" (4). Il a fallu donc repenser le système pour ces "petits salariés". On constate cependant, comme en témoigne le dispositif mis en place au sein de la branche des entreprises de travail temporaire (5), que les conditions (I) et la contrepartie de l'exclusion (II) ne sont pas toujours maîtrisées.

I - Conditions de l'exclusion

Dans les limites fixées par la loi (A), une exclusion conventionnelle peut être envisagée (B).

A - Cadre légal

2. "3 mois ou 15 heures". L'obligation de faire adhérer les salariés à un régime complémentaire de "frais de santé" contient l'interdiction d'écarter des salariés du champ de la couverture au motif d'une clause d'ancienneté (6). A titre dérogatoire, un accord de branche ou un accord d'entreprise (en l'absence d'accord de branche ou lorsque celui-ci le permet) voire une décision unilatérale peut exclure des salariés en se plaçant dans le périmètre des cas d'exclusion autorisés par l'article L. 911-7-1, III, du Code de la Sécurité sociale. Il est permis d'écarter ceux dont "la durée du contrat ou la durée du travail prévue par celui-ci est inférieure à des seuils fixés par cet accord" (CSS, art. L. 911-7-1, III). La liberté contractuelle pour fixer ces seuils est enserrée dans les plafonds de l'article D. 911-7 du Code de la Sécurité sociale. L'exclusion ne peut concerner que : 1/ les salariés "dont la durée du contrat de travail ou du contrat de mission est inférieure ou égale à trois mois" ; 2/ les salariés "dont la durée effective du travail prévue par ce contrat est inférieure ou égale à 15 heures par semaine", même si la durée du contrat est supérieure à trois mois. La seconde condition vise tout type de contrats (à durée indéterminée ou déterminée, contrat de mission, contrats intermittents...) conclus à temps "très" partiels (7). Il en résulte qu'un accord collectif est autorisé à prévoir l'exclusion de son régime complémentaire "frais de santé" des travailleurs précaires dont l'ancienneté est insuffisante au regard de la durée du contrat conclu et de ceux qui, quelle que soit leur ancienneté, sont embauchés pour un faible nombre d'heures de travail. La loi apparaissant d'ordre public social, un acte collectif pourrait mettre en oeuvre l'exclusion tout en restreignant ses conditions au profit des salariés (8).

B - Traduction conventionnelle

3. Pratique. A la lecture des différents accords de branche, deux types de pratiques conventionnelles peuvent être constatées. D'abord, certains accords limitent l'exclusion aux seuls contrats d'une durée inférieure ou égale à trois mois (9) ; les "petits" temps partiels à durée indéterminée ne sont pas écartés. Ces salariés, qui peuvent cumuler plusieurs emplois, sont susceptibles d'être couverts par plusieurs contrats collectifs d'assurance ; afin d'éviter une "multiple" couverture, ils peuvent exercer leur faculté de dispense (10). D'autres accords collectifs, en revanche, n'ont pas précisé les contours de l'exclusion ; ces accords n'ont été étendus par l'administration que "sous réserve" de respecter l'article D. 911-7 du Code de la Sécurité sociale (11). Un accord de branche a choisi une voie intermédiaire dont l'analyse laisse dubitatif. Il s'agit de la branche du travail temporaire qui a conclu, le 14 décembre 2015, modifié par un avenant du 30 septembre 2016 pour prendre en compte la LFSS de 2016 (12), un accord instituant un régime de frais de santé. Celui-ci a été étendu, sans réserve, par arrêté du 20 avril 2017 (N° Lexbase : L0217LER).

4. Présentation de l'accord du 14 décembre 2015. L'accord prévoit, en son article 2.2, que l'affiliation au régime collectif est accordée au "salarié intérimaire qui a effectué plus de 414 heures de travail dans une ou des entreprises de travail temporaire ou entreprises de travail temporaire d'insertion au cours d'une période de douze mois consécutifs, auxquelles s'ajoute un équivalent temps de l'indemnité compensatrice de congés payés, correspondant à 10 % des heures rémunérées, soit une ancienneté de 455 heures" (13) mais aussi "le salarié intérimaire qui dépasse ce seuil de 414 heures au cours d'un mois civil" (14). L'accord précise, en son article 2.1 relatif au "salarié intérimaire ne remplissant pas la condition d'ancienneté prévue à l'article 2.2 (414 heures)", qu'ils ont "la possibilité de souscrire individuellement au régime facultatif" par ailleurs mis en place. Ces dispositions introduisent donc une condition d'ancienneté a priori illicite dans l'adhésion du travailleur intérimaire au régime complémentaire "frais de santé" (15).

Toutefois, depuis l'avenant du 30 septembre 2016, cette condition est écartée pour le salarié "embauché en contrat de travail à durée indéterminée (CDI intérimaire), ou en contrat de mission d'une durée de trois mois ou plus". Ce travailleur "est obligatoirement affilié au régime collectif dès sa date d'embauche sans condition d'ancienneté" (16). Dans le prolongement, l'avenant du 30 septembre 2016 a ajouté à l'article 2.1 un alinéa 2 dont la rédaction est la suivante : "en application des dispositions de l'article L. 911-7-1 du Code de la Sécurité sociale, les salariés intérimaires [...] en contrat de mission, dont la durée est inférieure ou égale à trois mois et bénéficiaires d'un contrat d'assurance maladie complémentaire 'responsable' souscrit à titre personnel, et couvrant la période du contrat de mission, ont droit, à leur demande, au 'versement santé' dans les conditions fixées par les dispositions légales et réglementaires en vigueur".

5. Analyse de l'accord du 14 décembre 2015. Le renvoi général de l'article 2.1 de l'accord à l'article L. 911-7-1 du Code de la Sécurité sociale est imprécis ; il ne permet pas de savoir si la condition posée à l'article 2.2 et les exceptions à cette condition prévues à l'article 2.3 en sont l'application. Deux interprétations sont possibles : 1/ les partenaires sociaux n'ont pas souhaité se référer à ce dispositif dérogatoire et l'ancienneté conventionnelle serait alors illicite ; 2/ les partenaires sociaux se sont référés implicitement à ce dispositif (17) ; sa licéité dépend donc du caractère plus favorable des conditions adoptées.

6. Ordre public social. A première vue, les conditions conventionnelles sont équivalentes voire plus favorables que celles posées par l'article D. 911-7 du Code de la Sécurité sociale. L'article 2.3 offre le bénéfice du régime collectif quelles que soient les heures effectuées au CDI intérimaire et au contrat de mission d'au moins trois mois et exclut ceux qui ont une moindre ancienneté, ce qui est conforme au dispositif légal. L'article 2.2 de l'accord de branche fixe une référence "annuelle" de 414 heures effectuées dans "une ou des entreprises de travail temporaire" pour accorder le bénéfice du régime au travailleur qui franchit ce seuil. Cette condition, calculée par addition de l'ensemble des contrats intérimaires effectués au sein d'une ou plusieurs entreprises de travail temporaire, respecte l'ordre public social (18). Il est en effet plus aisé pour un salarié de franchir le seuil de 414 heures annuel (surtout sur une période de moins de trois mois avec un ou plusieurs contrats de mission) que celui de 15 heures de travail hebdomadaire. Prenons un exemple : un salarié a conclu au cours d'une année civile plusieurs contrats d'intérim, chacun ayant duré moins de trois mois, au titre desquels il a effectué 15 heures de travail hebdomadaire pendant 30 semaines. En vertu des dispositions légales, il ne peut pas prétendre au bénéfice de l'adhésion au régime complémentaire de "frais de santé" puisque l'ancienneté comme la durée du travail hebdomadaire sont insuffisantes. Mais ayant effectué 450 heures de travail, la stipulation conventionnelle fixant le seuil de 414 heures lui assure le bénéfice du dispositif.

7. Ordre public absolu. Même si la règle semble conforme à l'ordre public social, sa licéité peut être mise en doute sur un autre fondement relevant de l'ordre public absolu. Pour l'application de ce dispositif, la difficulté réside dans la possibilité matérielle de calculer le seuil de 414 heures. Pour y répondre, les partenaires sociaux ont mis en place, à l'article 7 de l'accord de branche, un système par lequel "un opérateur de gestion désigné au terme d'une procédure d'appel d'offres" a pour mission principale de concentrer et consolider "les données de toutes les entreprises de travail temporaires et entreprises de travail temporaire d'insertion afin de déterminer quels sont les salariés intérimaires, visés à l'article 2.2, bénéficiaires du régime institué par le présent accord". Ainsi, l'opérateur est en charge du "décompte de l'ancienneté en vue de l'affiliation des salariés". L'accord de branche a aussi recommandé deux organismes assureurs qui participent au fonctionnement du régime exclusivement par l'intermédiaire de l'opérateur de gestion : ce dernier s'occupe "de l'encaissement des cotisations d'assurance et de leur reversement aux organismes assureurs recommandés visés à l'article 13" et "du versement des prestations en qualité de mandataire des organismes assureurs recommandés visés à l'article 13". Finalement, seul échappe à l'opérateur de gestion la mission de procéder lui-même à l'affiliation des travailleurs ayant franchi le seuil...

Pour faire adhérer les travailleurs temporaires qui remplissent la condition de 414 heures, une entreprise de travail temporaire n'a pratiquement pas d'autre choix que de prendre attache auprès de l'organisme de gestion désigné et des organismes assureurs recommandés. Certes, en théorie, l'employeur conserve la faculté de choisir de conclure un contrat collectif avec un autre organisme assureur et d'y affilier les salariés qui remplissent les conditions de cette couverture obligatoire. L'opérateur de gestion est en effet débiteur, quel que soit l'organisme choisi, de l'obligation de l'informer du franchissement du seuil horaire. Toutefois, la centralisation des opérations de gestion du régime entre les mains de l'opérateur (encaissement des cotisations et versement des prestations) lui confère la qualité d'interlocuteur unique, ce qui est un vecteur de simplification administrative particulièrement incitatif pour les entreprises de la branche. Pire, même si elle conclut un contrat avec un organisme assureur autre que l'un des recommandés, l'entreprise de travail temporaire a l'obligation de "contribuer à la consolidation des heures de travail et au décompte de l'ancienneté de tous les salariés intérimaires dans la branche en fournissant à l'opérateur de gestion les données nécessaires selon les modalités fixées par le contrat de prestations de services conclu entre l'opérateur de gestion et chaque entreprise" et de "verser à l'opérateur de gestion une contribution dont le montant est fixé, à la date de conclusion du présent accord, à 0,0284 euros HT par heure de travail effectuée par chacun de ses salariés intérimaires non obligatoirement affiliés au régime collectif obligatoire visé à l'article 10, afin de financer la prestation de services de l'opérateur". Ce système crée une clause de désignation d'un opérateur de gestion et introduit une clause de "co-désignation" déguisée de deux organismes assureurs (19). Rien n'est plus contraire à la liberté contractuelle. En paraphrasant le considérant 11 de la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013, "toutes les entreprises qui appartiennent à [la] branche professionnelle [se voient] imposer [...] le choix" de l'opérateur de gestion, des obligations de consolidation et un prix ainsi qu'indirectement, "le choix de l'organisme de prévoyance chargé d'assurer cette protection parmi les entreprises régies par le Code des assurances, les institutions relevant du titre III du livre IX du Code de la Sécurité sociale et les mutuelles relevant du Code de la mutualité" (20). Dès lors que les entreprises sont tenues d'adhérer à "un contrat négocié au niveau de la branche et au contenu totalement prédéfini", les articles 2, 7 et 13 de l'accord de branche "portent à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi de mutualisation des risques" (21).

L'adoption de l'arrêté d'extension du 20 avril 2017 est problématique. "S'agissant des prestations de services qui impliquent une intervention des autorités nationales", l'obligation de transparence issue de l'article 56 du TFUE (N° Lexbase : L2705IPU) interdisant toute restriction injustifiée et disproportionnée à la libre prestation de service, "s'oppose à l'extension, par un Etat membre, à l'ensemble des employeurs et des travailleurs salariés d'une branche d'activité, d'un accord collectif, conclu par les organisations représentatives d'employeurs et de travailleurs salariés pour une branche d'activité, qui confie à un unique opérateur économique, choisi par les partenaires sociaux, la gestion d'un régime de prévoyance complémentaire obligatoire institué au profit des travailleurs salariés, sans que la réglementation nationale prévoie une publicité adéquate permettant à l'autorité publique compétente de tenir pleinement compte des informations soumises, relatives à l'existence d'une offre plus avantageuse" (22). Mutatis mutandis, l'administration aurait dû vérifier la légalité de l'article 7 de l'accord de branche, surtout en combinaison avec son article 13, ainsi que la transparence de l'appel d'offre auquel il est fait référence. L'arrêté d'extension est donc tout autant illicite que les clauses étendues (23).

8. Nullité de l'accord du 14 décembre 2015. Portant atteinte à la liberté d'entreprise et à la liberté contractuelle de manière disproportionnée, sans -à notre avis- que l'exigence de mutualisation des risques le justifie, les articles 2, 7 et 13 sont atteints de nullité. Mettant en cause les intérêts tant individuels que collectifs des entreprises de travail temporaire, des organismes assureurs et des salariés, la nullité apparaît absolue (24). Contre l'arrêté d'extension, le contentieux est administratif ; contre l'accord collectif, le contentieux est judiciaire. Pour l'heure, l'action en nullité de l'accord de branche est toujours régie par le droit commun, soit prescrite par cinq ans à compter de la conclusion du contrat (C. civ., art. 2224). Ne joue pas le délai de deux mois s'imposant, "à peine d'irrecevabilité", à "toute action en nullité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord collectif", prévu au nouvel article L. 2262-14 du Code du travail (N° Lexbase : L7773LGY), qui "court à compter de [la] publication" de l'ordonnance du 22 septembre 2017 pour les "accords conclus antérieurement à la publication de la présente ordonnance" (25) dès lors que la publication au sein de la base de données sociales prévue à l'article L. 2231-5-1 du Code du travail (N° Lexbase : L7178K9Q) n'est toujours pas opérationnelle et ne s'applique qu'aux accords conclus à compter du 1er septembre 2017 (loi n° 2016-1088, 8 août 2016 N° Lexbase : L8436K9C, art. 16, IV).

L'annulation étant juridictionnelle, tant que les articles 2, 7 et 13 de l'accord ne sont pas annulés, ils conservent leur force obligatoire ; les intéressés sont tenus "de se conformer au principe selon lequel le contrat conclu doit être exécuté [...] tant qu'il n'a pas été statué sur sa validité par les juges du fond compétents" (26). En droit du travail, de telles clauses ont même une valeur impérative, l'employeur s'exposant à des sanctions en cas d'inexécution (27). Le plus sûr, dans l'attente d'une décision au fond, est alors d'agir en référé en sollicitant la suspension de l'arrêté en raison d'une atteinte à une liberté fondamentale (28) ou de l'accord de branche en raison d'un trouble manifestement illicite (29). Plus radicalement, une entreprise pourrait refuser d'exécuter l'accord illicite à ses risques et périls (en ne versant pas la cotisation par exemple) et, en cas d'action en exécution de l'accord, d'exciper la nullité de l'accord (30) (exception qui, sous certaines conditions, est perpétuelle (31)). Une fois l'annulation des clauses voire de l'accord reconnue (32), les entreprises en sont libérées pour l'avenir ; pour le passé, le juge "peut décider" d'en limiter la portée rétroactive (33), solution courante en matière de protection sociale complémentaire (34). En tout état de cause, cela n'exonère pas les partenaires sociaux et l'administration de leur éventuelle responsabilité en réparation du préjudice économique subi par les entreprises et assureurs lésés (35).

II - Contreparties de l'exclusion

La loi fixe un cadre aux contreparties de l'exclusion (A) que l'accord peut mettre en musique (B).

A - Cadre légal

9. Mécanisme. L'article L. 911-7-1 du Code de la Sécurité sociale demande aux employeurs de verser chaque mois, entre les mains des salariés exclus ou dispensés de l'adhésion au régime complémentaire santé d'entreprise, une somme d'argent représentant l'équivalent du coût qu'aurait engendré leur couverture (36). Le versement santé correspond au montant que l'employeur aurait dû payer, sur un mois, pour assurer la couverture santé du salarié et la portabilité afférente, majoré d'un coefficient de 105 % ou de 125 % selon que le bénéficiaire est sous contrat à durée indéterminée ou non (CSS, art. D. 911-8 N° Lexbase : L3755KWY). Les travailleurs précaires sont spécialement visés par le dispositif. Le versement santé leur est en effet accordé en contrepartie de l'exclusion (37). Cette contrepartie est si essentielle aux yeux du législateur qu'a été rappelée l'urgence "de prendre cette mesure" ; à défaut, de nombreux salariés risquaient "à compter du 1er janvier 2016, de ne pas être couverts par une complémentaire santé, et pas forcément ceux qui en ont le moins besoin" (38).

Le versement santé au profit de ces salariés est donc obligatoire : l'employeur en est de plein droit "débiteur", les salariés n'ayant qu'à renseigner l'employeur de l'existence d'une couverture éligible au versement santé, notamment un contrat individuel (CSS, art. L. 911-7-1, III, renvoyant au II). Ainsi, à la différence de la dispense, le salarié ne sollicite pas le versement ; c'est à l'employeur de le proposer en demandant au salarié de fournir les justificatifs légaux, soit la copie d'un contrat d'assurance complémentaire dit "responsable" éligible au versement santé (CSS, art. L. 911-7-1, II). Libre aux salariés de refuser ou de ne pas présenter la copie du contrat. Mais le versement santé ne se présume pas. Il est impératif qu'un accord de branche, à défaut, un accord d'entreprise ou une décision unilatérale de l'employeur encadre la substitution permise par la loi en rappelant l'obligation de l'employeur de verser le "chèque santé" et de demander aux salariés les justificatifs.

B - Traduction conventionnelle

10. Discernement et confusion. La pratique conventionnelle est sur ce point assez aléatoire. Certaines stipulations semblent confondre la dispense et l'exclusion ; d'autres méritent de recevoir un inconditionnel satisfecit. Ainsi, dans la branche des "exploitations de polyculture et d'élevage, les exploitations de cultures légumières et maraîchères, et les coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA) de la Manche", le versement santé s'applique depuis un avenant à l'accord relatif à la protection sociale complémentaire frais de santé des salariés non cadres du 27 janvier 2017, "exclusivement aux salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée ou d'un contrat de mission d'une durée inférieure ou égale à 3 mois" (art. 3.3.2) ; sa mise en oeuvre intervient lors de la conclusion du contrat de travail : l'employeur informe le salarié de l'existence du dispositif et des justificatifs à fournir. Le salarié qui le souhaite dispose alors d'un délai de 21 jours pour remettre les documents nécessaires. Seul le salarié ne justifiant pas du bénéfice d'un contrat responsable ne pourra pas prétendre au versement santé (art. 3.3.4). La procédure mise en place reprend exactement celle demandée par le législateur. Rares devraient être les salariés de cette branche exclus du régime complémentaire "frais de santé" ne bénéficiant pas du chèque santé.

Au contraire, certaines conventions collectives organisent un mécanisme s'écartant des dispositions légales s'agissant de la procédure d'attribution du versement santé. La Convention collective nationale de l'enseignement privé indépendant du 27 novembre 2007 prévoit, dans un avenant n° 1 du 29 juin 2016 à l'accord du 22 septembre 2015 étendu par arrêté du 28 avril 2017, que les salariés visés par le dispositif ont "la faculté, en lieu et place du bénéfice du régime professionnel de santé, de demander le bénéfice d'un versement par leur employeur d'une somme déterminée" (art. 3.4). De manière semblable, l'accord de branche de l'intérim contient un article aux termes duquel les salariés entrant dans son champ d'application "ont droit, à leur demande, au 'versement santé'" (art. 2.1). Confondant l'exclusion et la dispense, ces deux accords subordonnent le versement santé à une "demande" des salariés. L'initiative repose ainsi sur le salarié et non, comme la loi l'impose, sur l'employeur (39). Cette inversion de la mise en oeuvre du versement santé est sans doute motivée par un objectif d'économie : la passivité des salariés, qui devrait être fréquente s'agissant de contrats courts, permettra de réaliser quelques économies. Illégale, l'annulation de la clause (ou de l'accord) semble inévitable (40).


(1) Sur la distinction, cf., X. Ameuran, Le versement santé, JCP éd. S, 2017, 1066.
(2) Circ. DSS n° 2013/344, 25 septembre 2013 (N° Lexbase : L2810IYQ), p. 15.
(3) Rapport Ass. nat., n° 3129, 14 octobre 2015, M. Delaunay, t. 2, Assurance maladie, art. 22, p. 42 et s., spé. p. 45.
(4) Rapport Ass. nat., préc., p. 43.
(5) R. Marié, La complémentaire santé des travailleurs temporaires, JCP éd. S, 2017, 1000.
(6) Lettre-circulaire ACOSS n° 2015-45, 12 août 2015 (N° Lexbase : L4982LHY), p. 8.
(7) Cf., C. trav., art. L. 3123-1 (N° Lexbase : L6834K9Y), fixant la durée minimale à 24 heures par semaines, sauf dérogations collectives ou individuelles.
(8) Cf., Rapport Ass. nat., n° 3238, 19 novembre 2015, t. I, 2nde Lecture, M. Delaunay, art. 22, p. 66 et s., spé. p. 69.
(9) Cf., Accord de branche des exploitations de polyculture et d'élevage, les exploitations de cultures légumières et maraîchères, et les coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA) de la Manche, relatif à la protection sociale complémentaire frais de santé des salariés non cadres du 27 janvier 2017, art. 3.3.2.
(10) CSS, art. L. 911-7.
(11) Cf., arrêté du 7 février 2017 portant extension d'un avenant à l'accord départemental instaurant un régime d'assurance complémentaire frais de santé au bénéfice des salariés agricoles non cadres de l'Hérault (N° Lexbase : L9078LC9), art. 1, 1°.
(12) En ce sens, ancien article 2.1 de l'accord de branche.
(13) Aux termes de l'article 2.3, "sont assimilées aux heures de travail effectif dans le cadre des missions effectuées : - les heures chômées payées à l'occasion des jours fériés, congés pour événements familiaux, congés de naissance ou d'adoption, d'intempéries et de chômage partiel ; - les heures chômées du fait de maternité, de maladie ou d'accident indemnisées ou non ; - les heures restant à courir jusqu'au terme initialement prévu de la mission, en cas d'interruption de celle-ci avant l'échéance du contrat, du fait de l'entreprise utilisatrice, lorsque l'entreprise de travail temporaire n'a pas été en mesure de proposer une nouvelle mission au sens de l'article L. 1251-26 du Code du travail (N° Lexbase : L1571H93) ; - les heures correspondant à des contrats de mission-formation dans les conditions légales, réglementaires et conventionnelles relatives à la formation professionnelle continue ; - les heures correspondant à des congés de formation syndicale, économique et sociale, de formation prud'homale, de formation de cadres et d'animateurs pour la jeunesse ; - les heures rémunérées pour l'exercice de tous mandats de représentation du personnel ou syndical y compris dans des organismes non liés à la branche, ainsi que pour les commissions paritaires et les commissions mixtes de la profession".
(14) Conv. coll. du 14 décembre 2015, art. 2.2.
(15) Contra, R. Marié, art. préc., n° 4, considérant qu'"en subordonnant l'accès à la couverture complémentaire à cette condition d'ancienneté, les partenaires conventionnels ont opportunément et délibérément choisi de s'affranchir de l'obligation de généralisation".
(16) Conv. coll. 14 déc. 2015, art. 2.3.
(17) La référence à un mécanisme dérogatoire devrait faire l'objet d'une indication expresse dans un accord collectif. On ne peut pas présumer "implicitement" qu'un accord collectif utilise une faculté de dérogation légale. Néanmoins, "lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l'emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun" (C. civ., art. 1191 N° Lexbase : L0902KZG).
(18) R. Marié, art. préc., n° 2 : "Le caractère discontinu de l'activité et la succession d'employeurs ont demandé des adaptations tant pour le décompte de la durée minimale d'emploi ouvrant droit à la couverture santé que pour la gestion administrative. La branche du travail temporaire s'est toujours distinguée par son activité conventionnelle soutenue souvent sous-tendue par le désir de retisser de la continuité professionnelle là où il n'y en a, par nature, pas suffisamment".
(19) R. Marié, art. préc., n° 7.
(20) Cons. const., 13 juin 2013, n° 2013-672 DC (N° Lexbase : A4712KGM), cons. 11.
(21) Cons. const., 13 juin 2013, préc., cons. 13.
(22) CE, 8 juillet 2016, n° 357115, mentionnés dans les tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9037RWM) ; CJUE, 17 décembre 2015, aff. C-25/14 et 26/14 (N° Lexbase : A9576N33).
(23) Cf., Cass. soc., 20 juillet 1964 : Dr. soc., 1965, p. 55, obs. J. Savatier.
(24) Cf., CE, 8 juillet 2016, préc. : "La société requérante, qui entre dans le champ d'application de ces dispositions, justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêté d'extension, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'à la date d'introduction de sa requête, elle était membre d'une organisation d'employeurs adhérente à une organisation signataire de l'avenant".
(25) Ord. n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, art. 15, al. 3.
(26) Cass. civ. 1, 15 juin 2004, n° 00-16.392, FS-P (N° Lexbase : A7293DC4) : Bull. civ. I, n° 172.
(27) C. trav., art. L. 2132-3 (N° Lexbase : L2122H9H) et L. 2262-9 (N° Lexbase : L2491H97) ; Cass. soc., 14 février 2001, n° 98-46.149, publié (N° Lexbase : A3485ARI) : RJS 4/01, n° 479 ; Cass. soc., 12 juin 2001, n° 00-14.435, publié (N° Lexbase : A5948ATH) : RJS 8-9/01, n°1045.
(28) CJA, art. L. 521-2 (N° Lexbase : L3058ALT).
(29) CPC, art. 809 (N° Lexbase : L0696H4K).
(30) Cf., Cass. civ. 3, 17 novembre 2009, n° 08-19.175, F-D (N° Lexbase : A7489ENP).
(31) C. civ., art. 1185 (N° Lexbase : L0893KZ4).
(32) L'annulation de cette clause pourrait même s'étendre au-delà du dispositif conventionnel sur le "chèque santé" à l'ensemble de l'avenant organisant l'adhésion des salariés au régime complémentaire "frais de santé" puisqu'il est fort à parier que ce dispositif est indivisible des autres mesures et constitue "un élément déterminant de l'engagement des parties ou de l'une d'elles" (C. civ., art. 1184 N° Lexbase : L0894KZ7).
(33) C. trav., art. L. 2262-15 (N° Lexbase : L7758LGG).
(34) CE, 8 juillet 2016, préc. ; CJUE, 17 décembre 2015, préc. ; CE, 17 mars 2017, n° 396835, mentionné au recueil Lebon (N° Lexbase : A2873UCE), § 12.
(35) Notre article, Responsabilité des partenaires sociaux du fait des conventions et accords collectifs, JCP éd. S, 2012, 1001 ; Cf., Cass. civ. 1, 26 avril 2017, n° 16-10.482, F-D (N° Lexbase : A2787WBT).
(36) X. Aumeran, art. préc..
(37) Rapport Ass. nat., préc., p. 45, ainsi que le précisent les travaux préparatoires, "les salariés concernés bénéfici[ent], en contrepartie [de l'exclusion], du versement de l'employeur, sous réserve d'avoir souscrit à titre individuel à une couverture complémentaire". Rapport Ass. nat., préc., p. 49 : "Le dispositif proposé facilite la dispense d'affiliation au contrat collectif quand celui-ci paraît trop cher, en contrepartie d'une contribution de l'employeur dont le montant dépendra notamment de la durée du contrat et de la durée de travail prévue par celui-ci".
(38) Rapport Ass. nat., préc., p. 49, le rapporteur ajoutant que "la logique [n'est] en aucun cas d'inciter les salariés à se dispenser du contrat collectif proposé par l'employeur, elle est de proposer une solution -de rattrapage, en quelque sorte- lorsque le contrat collectif n'est pas adapté".
(39) Contra, R. Marié, art. préc., n° 15.
(40) Supra, n° 8.

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