La lettre juridique n°666 du 1 septembre 2016

La lettre juridique - Édition n°666

Affaires

[Brèves] Réforme du commissariat aux comptes : publication des mesures réglementaires

Réf. : Décret n° 2016-1026 du 26 juillet 2016, pris pour l'application de l'ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016 relative au commissariat aux comptes (N° Lexbase : L5125K9P)

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N4017BWP

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Le 01 Septembre 2016

Un décret (décret n° 2016-1026 du 26 juillet 2016 N° Lexbase : L5125K9P), publié au Journal officiel du 28 juillet 2016, est pris pour l'application de l'ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016, relative au commissariat aux comptes (N° Lexbase : L1882K7T) et complète ainsi la transposition de la Directive 2014/56/UE du 16 avril 2014 (N° Lexbase : L3258I33) et la mise en conformité du droit français avec le Règlement (UE) n° 537/2014 du 16 avril 2014 (N° Lexbase : L2938I7X). Il tire les conséquences des modifications importantes apportées à la composition, au fonctionnement et aux attributions du Haut conseil du commissariat aux comptes. Il fixe, également, les nouvelles règles applicables en matière d'inscription des commissaires aux comptes. Il adapte, en outre, aux nouvelles exigences européennes les modalités des contrôles auxquels sont soumis les commissaires aux comptes, et modifie également certaines règles relatives à la réalisation de leurs missions, en particulier le contenu des rapports qu'ils établissent. Il précise, enfin, la procédure applicable en matière de sanctions devant le Haut conseil du commissariat aux comptes ou devant les commissions régionales de discipline.

newsid:454017

Avocats/Déontologie

[Brèves] Prise de connaissance d'une offre transactionnelle, en retard : exonération de l'avocate du fait la position de refus adoptée par le client et des propos agressifs de ce dernier à son égard

Réf. : CA Bordeaux, 11 août 2016, n° 14/07436 (N° Lexbase : A4855RYH)

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N4132BWX

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Le 14 Septembre 2016

Eu égard à la position de principe adoptée par le client et au ton agressif de ses propos qu'il terminait par l'annonce de la mise en cause de la responsabilité de son avocate, il ne peut être utilement reproché à cette dernière un manquement à son devoir de conseil sur les suites à donner à la proposition de transaction formulée par la partie adverse, l'avocate n'ayant pas été mise en mesure dans ce contexte d'indiquer à son client si elle était ou non conforme à son intérêt. Le client ne rapporte pas la preuve d'un préjudice en lien de causalité direct et certain avec le retard pris par l'avocate dans la communication de l'offre transactionnelle ; sa demande d'indemnisation doit être rejetée. Telle est la solution d'un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, rendu le 11 août 2016 (CA Bordeaux, 11 août 2016, n° 14/07436 N° Lexbase : A4855RYH). Dans cette affaire, un client engagea la responsabilité de son avocate pour ne pas lui avoir communiqué dans les temps une offre transactionnelle de la partie adverse, relative à l'illégalité d'une clause de non concurrence. Ce client avait dû de ce fait recourir à un emprunt par manque de liquidités. La cour retient que l'avocate qui a adressé par courriel, à son client, la proposition de transaction, sans s'assurer de sa réception, a fait preuve de négligence, il est démontré au cours de l'instance que le client ne souhaitait pas, de toute manière, accepter, à la même époque, l'offre transactionnelle. La cour précise, en outre, que les relations conflictuelles entre le client et son avocate ne permettaient pas à cette dernière d'accomplir sereinement sa mission de conseil. Rien ne démontrait que la situation financière du client l'aurait nécessairement conduit à accepter la proposition de son ancien employeur qu'il a rejetée quelques mois plus tard de façon catégorique sans aucune explication, alors qu'il pouvait encore en discuter et faire éventuellement une contre-offre (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E4813ETG).

newsid:454132

Avocats/Honoraires

[Jurisprudence] Inapplicabilité de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce à une SELARL d'avocats

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 4ème ch., 29 juin 2016, n° 14/07291 (N° Lexbase : N3776BWR)

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N4020BWS

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par Bastien Brignon, Maître de conférences - HDR à l'Université d'Aix-Marseille, Membre du Centre de droit économique (EA 4224) et de l'Institut de droit des affaires (IDA), Directeur du Master professionnel Ingénierie des sociétés

Le 01 Septembre 2016

La question posée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 29 juin 2016 n'est pas nouvelle : elle est celle de savoir si les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce (N° Lexbase : L1769KGM), relatives aux ruptures commerciales brutales, sont applicables ou pas au contrat conclu entre une SELARL d'avocats et son client, une société anonyme cotée en bourse. La réponse apportée n'est pas plus nouvelle : en toute logique, l'article précité ne s'applique pas à la relation entre l'avocat et son client, le premier étant par nature un professionnel libéral dont le statut -civil- est incompatible avec l'exercice du commerce. La décision n'en demeure pas moins intéressante parce que la solution, quoiqu'évidente, n'est pas si simple (I) en particulier à l'aune du décret n° 2016-882 du 29 juin 2016 (décret n° 2016-882 du 29 juin 2016, relatif à l'exercice de la profession d'avocat sous forme d'entité dotée de la personnalité morale autre qu'une société civile professionnelle ou qu'une société d'exercice libéral ou de groupement d'exercice régi par le droit d'un autre Etat membre de l'Union européenne N° Lexbase : L1248K94), qui autorise les avocats à avoir une activité commerciale (II). I - Nature libérale et non-commerciale de la relation entre les avocats et leurs clients

Les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5°, du Code de commerce, relatives aux ruptures commerciales brutales, sont-elles applicables au contrat conclu entre une SELARL d'avocats et son client, en l'occurrence une société anonyme ? Telle est la question posée par cet arrêt de la cour d'appel de Paris qui opposait une société anonyme cotée en bourse (1) à une SELARL de conseils juridiques à laquelle elle avait confié des prestations juridiques et ce, depuis l'année 1982. Or, en 2010, l'avocat (2), associé principal de la SELARL, avait démissionné, obtenu le titre d'honorariat, et changé la forme et la dénomination sociale de la société, devenue ainsi une SARL, dont l'objet social se définissait comme la réalisation de toute prestation de services et assistance dans les domaines administratif, financier, informatique et gestion. Toutefois, par courrier du 9 juillet 2012, la SA cliente a fait savoir à la SARL qu'elle souhaitait changer d'avocat et a notifié, par conséquent, la cessation de ses relations contractuelles. La SARL s'estimant lésée a assigné devant le tribunal de commerce en réparation de la rupture brutale des relations commerciales, sur la base d'une relation constante depuis 1982.

Or, s'il n'est pas contesté que les prestations fournies par la SARL étaient de nature "intellectuelle", notamment de conseil, pour autant, le caractère de ces prestations ne saurait exclure l'existence d'une relation commerciale entre les parties. Par conséquent, la periode postérieure à 2010, ne peut être prise en compte, seule, pour établir la durée de la relation commerciale tissée entre la société cliente et la société de conseil. La rupture fut reconnue brutale par la cour. Mais, la SARL ne justifie pas qu'elle réalisait l'essentiel de son activité avec la société cliente, et le seul chiffre qu'elle avait réalisé avec cette société et ses filiales s'avérant non probant faute de justifier son chiffre global, elle ne démontrait pas en quoi le préavis qui lui a été donné de quinze jours était insuffisant pour qu'elle se réorganise. La cour la déboute donc de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.

C'est ce qu'a jugé la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 2016 : "quel qu'en soit le mode d'exercice, la profession d'avocat est libérale et indépendante, et selon les termes de l'article 111 du décret du 27 novembre 1991, la profession d'avocat est incompatible avec toutes les activités à caractère commercial qu'elles soient exercées directement ou par personne interposée ; ces textes excluent par leurs termes mêmes toute possibilité pour l'avocat, en l'espèce exerçant sous la forme d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL), d'avoir une activité s'apparentant à une activité commerciale". Sont donc inapplicables les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, relatives aux ruptures commerciales brutales, à la relation qu'entretient un avocat avec son client.

La Cour de cassation a déjà adopté cette solution précédemment pour d'autres professions libérales. Ainsi, des chirurgiens réunis en SEL se sont vus refuser l'application de ce texte en cas de rupture de la relation nouée avec une clinique (3), tout comme des notaires n'ont pu l'invoquer à l'encontre de banques (4). Et ce qui vaut pour les relations commerciales établies vaut également pour la compétence juridictionnelle voire pour la prescription : inapplication de l'article L. 110-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L4314IX3) aux SEL (5). Au fond, la solution se justifie par le fait que, bien que la SEL soit une société hybride, mi-commerciale mi-civile, sa forme commerciale cède le pas à son objet civil.

La question n'est, cela étant, pas si simple. Quid des professions libérales, civiles donc, qui peuvent cependant constituer directement des sociétés commerciales, sans passer par les SEL : l'article L. 442-6, I, 5° ne leur serait-il pas applicable ? A priori non car l'objet n'en demeure pas moins civil et continue de l'emporter sur la forme commerciale. En effet, la Cour de cassation a refusé d'appliquer ce texte à des conseils en propriété industrielle nonobstant le fait qu'ils étaient réunis en SAS (6). Néanmoins, la Cour de cassation a pu admettre l'application de ce texte en présence d'architectes (7) et d'association, dans la mesure où la rupture brutale de relations commerciales établies peut être mise en oeuvre quelque soit le statut juridique de la victime du comportement incriminé (8), malgré pour les architectes le caractère purement intellectuel des prestations. Le texte a même été appliqué en présence de sociétés d'assurance mutuelle, eu égard essentiellement à l'activité de services (9).

D'ailleurs, dans la présente espèce, les juges soulignent bien que seule la relation postérieure à 2010 pouvait être prise en compte. En d'autres termes, lorsque la SELARL est devenue une SARL, elle s'est "commercialisée". Ce point est critiquable. Outre le fait d'abord que l'avocat continuait finalement à exercer son ancienne profession exclusivement sous l'angle du conseil, sans respecter visiblement les conditions déontologiques requises en la matière, l'avocat utilisait surtout sa nouvelle SARL comme son ancienne SELARL. Les juges ont pourtant estimé que la relation pouvait être considérée comme commerciale à partir de 2010. Dans la mesure où c'était en pratique la même activité qui était continuée, nous pensons au contraire que même cette relation à partir de 2010 ne pouvait pas être qualifiée de commerciale. L'activité étant a priori la même, le fait d'exercer en SARL plutôt qu'en SELARL n'en modifiait pas sa nature.

Hormis le cas un peu à part des architectes et celui peut-être des experts-comptables et commissaires aux comptes, qui peuvent également exercer leur profession en SARL, SA ou SAS, il nous semble que la forme importe peu, de sorte que même si certaines professions libérales peuvent constituer des sociétés commerciales, leur activité reste civile, exclue dès lors du champ d'application de l'article L. 442-6, I, 5°. Or, à ce sujet une série de décrets en date du 29 juin et du 1er juillet 2016 sont venus permettre aux professionnels du droit la création de sociétés commerciales (10) : les avocats, les notaires, les mandataires judiciaires et d'autres encore peuvent désormais créer des SARL et SAS... Une vraie révolution certes, mais qui ne devrait pas avoir de conséquences quant à l'applicabilité ici de l'article précité. En revanche, le décret n° 2016-882 du 29 juin 2016 qui autorise les avocats à avoir une activité commerciale, accessoire à leur activité principale et portant sur des biens ou services connexes à condition que ces biens ou services soient destinés à des clients ou à d'autres membres de la profession devrait avoir des répercussions sur la nature commerciale de la relation établie avec le client. Dès lors que les avocats peuvent avoir une activité commerciale, même accessoire, on ne voit plus ce qui pourrait faire obstacle à l'application du texte sur la rupture brutale de relations commerciales établies et ce, indépendamment de la forme choisie pour l'exercice de la profession et de la qualité -commerciale ou civile- du cocontractant.

II- Conséquences de la possibilité pour les avocats d'exercer à titre accessoire le commerce sur la nature de la relation avec leurs clients

On l'a dit, les professions du droit peuvent aujourd'hui créer des sociétés commerciales, directement, sans passer par la SEL. Cela est-il de nature à modifier la nature de la relation avec les clients ? Nous pensons que non car l'activité libérale, qu'elle soit exercée individuellement ou en société, et que cette société soit une SCP, une SEL ou une société commerciale, ne modifie en rien sa nature, qui reste civile. Si donc la SELARL en question avait été une SARL, la solution aurait été la même, d'où l'aspect critiquable de l'arrêt en ce qu'il retient la date de 2010 à partir de laquelle la SELARL est devenue une SARL (11). Au demeurant, la possibilité de créer des sociétés commerciales "classiques" aux côtés des SEL "hybrides" est la preuve, s'il en était besoin que les SEL constituent une forme de société, distincte des sociétés commerciales (12).

Néanmoins, les avocats, et ce sont les seuls à pouvoir le faire, sont autorisés aujourd'hui à exercer des activités commerciales. Certes, sont-elles accessoires à l'activité principale d'avocat. Certes encore de telles activités doivent porter sur des biens ou services connexes et à condition que ces biens ou services soient destinés à des clients ou à d'autres membres de la profession (13). Pour autant, c'est une réalité, les avocats peuvent aujourd'hui exercer le commerce. Dans la notice figurant en introduction du décret du 29 juin 2016, dont on aura relevé qu'il comporte la même date que l'arrêt commenté, il est indiqué que "sont ainsi autorisées l'édition juridique, la formation professionnelle ou encore la mise à disposition de moyens matériels ou de locaux au bénéfice d'autres avocats ou sociétés d'avocats". Imaginons par exemple un avocat qui fait de l'édition juridique ou des formations professionnelles, ce qui au passage existe depuis longtemps déjà... et qui, dans le cadre de ses relations contractuelles, voit l'un de ses clients rompre brutalement la relation, selon toute vraisemblance, l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce devrait pouvoir être applicable. Autrement dit, le fait que les avocats puissent aujourd'hui avoir, à titre accessoire, une activité commerciale, devrait avoir des répercussions sur la nature de la relation établie avec le client qui pourrait devenir commerciale, pour partie. Mais ce serait uniquement pour ces relations d'affaires accessoires. Au cas d'espèce, la solution serait inchangée car la rupture était liée aux prestations juridiques.


(1) Il s'agissait d'une SA dont les actions s'échangeaient sur le marché Euronext Paris compartiment C, secteur real estate investment trusts en raison de son activité immobilière et financière, jusqu'au 3 février 2012.
(2) Le conseil juridique était devenu avocat en 1991 du fait de la fusion des professions.
(3) Cass. com., 23 octobre 2007, n° 06-16.774, FS-P+B (N° Lexbase : A8484DYU), Bull. civ. IV, n° 20, D., 2007, p. 2805, obs. E. Chevrier ; JCP éd. E, 2008, 1638, note D. Mainguy ; RTDCiv., 2008, p. 105, obs. B. Fages.
(4) Cass. com., 20 janvier 2009, n° 07-17.556, F-P+B (N° Lexbase : A6375EC4), Bull. civ. IV, n° 7 ; D., 2009, p. 369, note E. Chevrier ; Defrénois, 2009, 1140, note B. Grimonprez ; RDC, 2009, p. 1048, note G. Viney.
(5) Cass. civ. 1, 9 avril 2015, n° 14-13.323, F-P+B (N° Lexbase : A5096NGT), BJS, octobre 2015, p. 500, n° 1143, note P. Dupichot ; Cass. civ. 2, 3 mars 2016, n° 15-13.888, F-D (N° Lexbase : A0719QYB), BJS, mai 2016, p. 275, nos obs..
(6) Cass. com., 3 avril 2013, n° 12-17.905, F-P+B (N° Lexbase : A6378KBT), Contrats, conc. consom., 2013/6, comm. 131, note N. Mathey ; BJS, juin 2013, p. 385, note H. Barbier ; Dalloz actualité du 19 avril 2013, obs. E. Chevier ; Lexbase éd. aff., 2013, n° 337, nos obs..(N° Lexbase : N6873BTQ)
(7) Cass. com., 16 décembre 2008, n° 07-18.050, F-P+B (N° Lexbase : A9006EB8), Bull. civ. IV, n° 208 ; Contrats, conc. consom., 2009, comm. 100, note N. Mathey ; D., 2009, Pan., 2892, obs. D. Ferrier ; JCP éd. E 2009, n° 19, p. 25, obs. D. Mainguy.
(8) Cass. com., 6 février 2007, n° 03-20.463, F-P+B (N° Lexbase : A9447DT3), Bull. civ. IV, n° 20 ; JCP éd. G, 2007, II, 10109, note L. Archambault ; D., 2007, p. 1317, note A. Cathiard ; RTDCiv. 2007, p. 343, obs. J. Mestre et B. Fages ; Lettre distrib. mars 2007, p. 1, obs. P. Mousseron.
(9) Le régime juridique des sociétés d'assurances mutuelles, comme le caractère non lucratif de leur activité, ne sont pas de nature à les exclure du champ d'application des dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence dès lors qu'elles procèdent à une activité de service : Cass. com., 14 septembre 2010, n° 09-14.322, F-P+B (N° Lexbase : A5772E9N), Bull. civ. IV, n° 135, D., 2010, p. 2544, obs. N. Dorandeu ; D., 2010, Actu., p. 2150, obs. E. Chevrier ; JCP éd. E 2010, 2013, note J.-J. Barbièri ; Contrats, conc. consom., 2010, comm. 249, obs. N. Mathey.
(10) Lire nos obs., in Publication des décrets d'application des articles 63 et 67 de la loi Macron du 6 août 2015, JCP éd. E 2016, act. 639.
(11) Mais qui se justifie par un changement d'activité, théorique.
(12) Par conséquent, le passage d'une SELARL à une SARL par exemple doit être considéré, en droit des sociétés, comme une transformation.
(13) L'article 111 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat est précisément rédigé ainsi depuis sa modification par le décret n° 2016-882 : "La profession d'avocat est incompatible : a) Avec toutes les activités de caractère commercial, qu'elles soient exercées directement ou par personne interposée ; b) Avec les fonctions d'associé dans une société en nom collectif, d'associé commandité dans les sociétés en commandite simple et par actions, de gérant dans une société à responsabilité limitée, de président du conseil d'administration, membre du directoire ou directeur général d'une société anonyme, de gérant d'une société civile à moins que celles -ci n'aient pour objet la gestion d'intérêts familiaux ou l'exercice de la profession d'avocat.Les incompatibilités prévues aux alinéas précédents ne font pas obstacle à la commercialisation, à titre accessoire, de biens ou de services connexes à l'exercice de la profession d'avocat si ces biens ou services sont destinés à des clients ou à d'autres membres de la profession."

newsid:454020

Avocats/Statut social et fiscal

[Brèves] Prestations de services effectuées par les avocats au profit des justiciables qui bénéficient de l'aide juridictionnelle dans le cadre d'un régime national d'aide juridictionnelle : pas d'exonérations de TVA

Réf. : CJUE, 28 juillet 2016, aff. C-543/14 (N° Lexbase : A0129RYG)

Lecture: 2 min

N4128BWS

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Le 03 Septembre 2016

L'article 132, paragraphe 1, sous g), de la Directive 2006/112 (N° Lexbase : L7664HTZ) doit être interprété en ce sens que les prestations de services effectuées par les avocats au profit des justiciables qui bénéficient de l'aide juridictionnelle dans le cadre d'un régime national d'aide juridictionnelle, tel que celui en cause au principal, ne sont pas exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée. Telle est la solution dégagée par la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt rendu le 28 juillet 2016 (CJUE, 28 juillet 2016, aff. C-543/14 N° Lexbase : A0129RYG). Dans le cadre d'un litige opposant l'Ordre des barreaux francophones et germanophones au conseil des ministres, au sujet d'une demande d'annulation de l'article 60 de la loi du 30 juillet 2013 qui a mis fin à l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations de services effectuées par les avocats dans l'exercice de leur activité habituelle, la Cour constitutionnelle de Belgique saisit la CJUE d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation et la validation de la Directive 2006/112/CE. En effet, la disposition querellée a mis fin, avec effet au 1er janvier 2014, à l'exonération de TVA pour les prestations de services des avocats, que le Royaume de Belgique avait maintenue sur le fondement de la disposition transitoire de l'article 371 de la Directive 2006/112. Le taux légal de la TVA appliquée aux prestations de services des avocats s'élève à 21 % en Belgique. La juridiction de renvoi s'interrogeait sur la question de savoir si l'assujettissement des prestations de services des avocats à la TVA et l'augmentation des coûts pour ces services qu'implique cet assujettissement étaient compatibles avec le droit à un recours effectif et, en particulier, avec le droit à l'assistance d'un avocat. En outre, elle se demandait si la réglementation en cause au principal était conforme au principe de l'égalité des armes, dès lors que cette augmentation des coûts ne frappe que les justiciables non assujettis ne bénéficiant pas de l'aide juridictionnelle, tandis que les justiciables assujettis ont la possibilité de déduire la TVA acquittée pour ces prestations (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E9252ETT).

newsid:454128

Construction

[Jurisprudence] De la caractérisation de la volonté non équivoque du maître de réceptionner l'ouvrage à celle de sa volonté non équivoque de ne pas réceptionner l'ouvrage

Réf. : Cass. civ. 3, 13 juillet 2016, n° 15-17.208, FS-P+B+R (N° Lexbase : A2071RXY)

Lecture: 10 min

N4064BWG

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par Juliette Mel, Avocat associé, Docteur en droit, Chargée d'enseignements à l'UPEC, Responsable de la Commission Marchés de Travaux de l'Ordre des avocats de Paris

Le 01 Septembre 2016

La réception tacite, parce que, justement, elle n'est pas expresse, est source de risques pour le maître d'ouvrage et le constructeur outre, par devers-eux, leurs assureurs (DO, RCD, RC). Ces risques, qui ne sont pas toujours délibérément pris, génèrent, souvent, des contentieux qui peuvent aller jusqu'en cassation compte-tenu des enjeux, notamment financiers. L'arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation ce 13 juillet 2016, destiné à être publié au bulletin, ainsi qu'au Rapport annuel de la Cour de cassation, en est une illustration. En l'espèce, les époux X sont propriétaires d'une maison dont ils remboursent encore le crédit souscrit pour son acquisition. Ils décident d'y réaliser des travaux de gros oeuvre qu'ils confient à la société B., depuis liquidée. Les époux X louent une autre habitation pendant la durée des travaux. Les travaux prennent du retard. Ils sont affectés de diverses malfaçons et défauts de conformités. Les relations entre les époux X et l'entreprise s'enveniment au point que celle-ci finit par délaisser le chantier. Les époux X adressent alors divers courriers à la société B. dans lesquels ils détaillent les causes de leur mécontentement puis s'installent dans leur maison. Ils constatent, après leur installation, des désordres.

Les époux X saisissent, à la suite, le juge des référés aux fins, d'une part, de désignation d'un expert et, d'autre part, d'être autorisés à faire réaliser les travaux d'urgence par une société tierce. Le juge des référés fait droit à leurs demandes. Ils déclarent, parallèlement, le sinistre à leur assureur M. (faute, a priori, d'avoir souscrit une assurance DO) avec lequel ils assignent, au fond, en réparation, la société B., son assureur décennal ainsi que son liquidateur judiciaire et la société qui a réalisé les travaux de reprise en urgence.

Ils obtiennent gain de cause en première instance mais la cour d'appel de Pau, dans un arrêt rendu le 25 février 2015, infirme le jugement (CA Pau, 25 février 2015, n° 15/776 N° Lexbase : A1890NCY). La cour d'appel, d'une part, soulève d'office l'inopposabilité des demandes formées contre la société B. à la liquidation judiciaire, en l'absence de déclaration, par les époux X, de la créance litigieuse à la procédure collective de cette société et prononce le sursis à statuer dans l'attente de la clôture de la liquidation et/ou d'un relevé de forclusion. Les juges d'appel, d'autre part, les déboutent de leurs demandes au motif que la preuve de la volonté non équivoque des maîtres d'ouvrage de réceptionner l'ouvrage ne serait pas rapportée. A bien comprendre, faute de réception, les garanties souscrites par la société B. auprès de son assureur décennal ne sont pas mobilisables. Les époux X et leur assureur forment un pourvoi composé de deux moyens de cassation. Ils exposent, en premier lieu, qu'en soulevant d'office le moyen tiré de l'absence de déclaration de créance à la procédure collective de la société B., la cour d'appel aurait méconnu le principe du contradictoire, en violation des articles 16 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2222ADN) et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR). Ce premier moyen ne sera pas traité au sein des présentes, pour être sans lien avec la problématique de la réception tacite, qui a suscité ce commentaire. Le second moyen mérite plus d'attention. Il se décompose en quatre branches. Il est, tout d'abord, prétendu que la réception tacite ne fait pas obstacle à la formulation de réserves, quant aux vices apparents de l'ouvrage, surtout lorsque ceux-ci ne le rendent pas impropre à sa destination dès lors que les maîtres d'ouvrage ont pris possession des lieux. Il est, encore, soutenu que la maison était habitable et que l'installation des époux X dans leur maison inachevée ne tenait pas uniquement à des considérations financières. Les demandeurs au pourvoi articulent, par ailleurs, que l'absence de règlement de la totalité du marché restant dû à l'entreprise n'exclut pas une réception tacite et, enfin, qu'ils avaient accepté de signer la déclaration d'achèvement des travaux.

Afin de lever tout suspense, il sera vite énoncé que la Haute juridiction juge irrecevable le premier moyen.

Sur le second moyen, la Cour de cassation considère que la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en statuant par des motifs "qui ne suffisent pas à caractériser une volonté non équivoque de ne pas recevoir l'ouvrage, après avoir relevé que M. et Mme X avaient pris possession des lieux le 1er juin 1999 et qu'à cette date ils avaient réglé la quasi-totalité du marché de la société B.".

Il s'agit donc d'une cassation partielle.

La formulation retenue par la Cour de cassation sur la nécessaire caractérisation, par les juges du fond, de la volonté non équivoque de ne pas recevoir l'ouvrage pour refuser la réception tacite surprend (II). Cet arrêt reste, en tout état, l'occasion de revenir sur les conditions de la réception tacite (I).

I - La caractérisation d'une volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage, condition à l'admission de la réception tacite

Le législateur de 1978 a pris le soin de définir la réception comme un acte juridique, justement pour éviter, autant que possible, l'insécurité juridique consécutive à la réception tacite. L'article 1792-6 du Code civil (N° Lexbase : L1926ABX) dispose, en effet, en son premier alinéa que "la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve [...]. Elle intervient en tout état de cause contradictoirement". La réception tacite semble donc exclue. Mais il est des cas où il n'est pas possible d'établir cet acte contradictoirement, ce qui suscite un contentieux pour la réparation des désordres de la construction. A partir du milieu des années 80/début 90, tant la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 23 avril 1986, n° 84-15.559 N° Lexbase : A4784AAG et n° 84-13.997 N° Lexbase : A3088AAM , Bull. civ III, n° 46 et 47, Cass. civ. 3, 16 juillet 1987, n° 86-11.455 N° Lexbase : A7513CHQ) que le Conseil d'Etat (CE 6° et 2° s-s-r., 11 février 1991, n° 82896 N° Lexbase : A0202ARW, RDI, 1991, p. 210) ont donc renoué avec la jurisprudence en vigueur avant la loi dite "Spinetta" (N° Lexbase : L3612IEI), admettant la validité d'une réception tacite. La pratique a, également, envisagé la possibilité de réceptionner tacitement l'ouvrage, notamment au travers des CCAG ou, plus spécifiquement, des stipulations contractuelles qui peuvent prévoir que la prise de possession des lieux vaut réception par exemple (Cass. civ. 3, 4 novembre 1992, n° 90-17.871 N° Lexbase : A3193ACA, Bull.civ III, n° 285).

La Cour de cassation opère, comme l'illustre l'arrêt commenté confirmatif, à cet égard, d'une jurisprudence éculée (Cass. civ. 3, 6 novembre 1996, n° 94-21.598, FD N° Lexbase : A7681CNS, RDI, 1997, p. 83), un contrôle de motivation des conditions d'existence d'une telle réception qu'elle a, très tôt, résumé à "la caractérisation de la volonté non équivoque du maître de recevoir l'ouvrage" (Cass. civ. 3, 4 octobre 1989, n° 88-12.061, N° Lexbase : A0797CGM, Bull. civ III, n° 176). La formule est depuis reprise inlassablement (par ex : Cass. civ. 3, 10 mars 2015, n° 13-19.997, F-D N° Lexbase : A3159NDD).

Sont ainsi insuffisants, pris isolément, à caractériser une réception tacite, l'entrée dans les lieux (Cass. civ. 1, 4 octobre 2000, n° 97-20.990 N° Lexbase : A7732AHT, Constr. Urb. 2000, n° 298), la signature d'une déclaration d'achèvement des travaux et d'un certificat de conformité (Cass. civ. 3, 11 mai 2000, n° 98-21.431, F-D N° Lexbase : A4667CRB, AJDI, 2000, 741), des difficultés financières (CA Metz 12 mars 2003) l'achèvement de l'ouvrage (Cass. civ. 3, 25 janvier 2011, n° 10-30.617, F-D N° Lexbase : A8600GQL), la succession d'une entreprise à une autre (Cass. civ. 3, 19 mai 2016, n° 15-17.129, FS-P+B N° Lexbase : A0851RQL) le paiement du solde dû à l'entreprise (Cass. civ. 3, 22 juin 1994, n° 90-11.774 N° Lexbase : A6284ABD), surtout lorsque des réserves importantes sont émises par le maître d'ouvrage (Cass. civ. 3, 10 juillet 1991, n° 89-20.327 N° Lexbase : A4668ACU, Bull. civ. III, n° 204).

Ces arrêts rappellent, en première approche, la solution retenue, en l'espèce, par la cour d'appel qui a considéré que la preuve d'une volonté non équivoque d'accepter l'ouvrage n'était pas rapportée aux motifs que les époux X s'étaient installés dans les lieux compte-tenu de leurs impératifs financiers, qu'ils retenaient le solde du marché de l'entreprise et qu'ils avaient formulé des réserves dans lesquelles ils faisaient état de risques de désordres structurels.

Sauf que la volonté non-équivoque de recevoir l'ouvrage est caractérisée par un faisceau d'indices, lesquels indices ne sont rien d'autres, pour l'essentiel, que ceux susmentionnés mais combinés. Autrement dit, la prise de possession des lieux doublée du paiement complet du prix peut suffire à caractériser cette volonté (Cass. civ. 3, 15 décembre 1999, n° 97-18.733 N° Lexbase : A9308CTW, Constr. Urb., 2000, 91) même si les travaux ne sont pas achevés (Cass. civ. 3, 8 novembre 2006, n° 04-18.145, FS-P+B [LXB= A2934DSH], JCP éd. G, 2006, IV, 3336) ou si une procédure en référé expertise aux fins de constatation de désordres est engagée (Cass. civ. 3, 19 octobre 2010, n° 09-70.715, F-D [LXB=A4388GC]). Il en est de même pour une prise de possession des lieux sans réserve (Cass. civ. 3, 19 juin 1991, n° 89-19.671 N° Lexbase : A0140CXH) ou encore le paiement du prix et l'achèvement complet de l'ouvrage (Cass. civ. 3, 17 mars 2004, n° 00-22.522 N° Lexbase : A5897DBZ).

Le pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond est ainsi palpable, sans qu'il n'y ait, en apparence, de solutions systématiques.

La variété de combinaison de ces indices rend a priori impossible toute tentative de classification même si la doctrine considère, qu'en général, la prise de possession des lieux accompagnée d'un paiement complet du prix permet de caractériser la volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage.

La présente espèce apparaît ainsi comme une occasion de rappeler cette technique du faisceau d'indices permettant de caractériser une volonté non équivoque du maître d'ouvrage de recevoir l'ouvrage.

II - La caractérisation de la volonté non équivoque de ne pas recevoir l'ouvrage, condition au refus de la réception tacite

La Cour de cassation considère qu'après avoir relevé une prise de possession des lieux doublée d'un paiement de la quasi-totalité du marché de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Faut-il comprendre que la prise de possession et le paiement de la quasi-totalité du prix suffisent, en eux-mêmes, à caractériser une volonté non équivoque de réceptionner ? Il y a déjà eu des arrêts en ce sens (CA Paris, 19ème ch., sect. A, 7 février 2007, n° 05/22546 N° Lexbase : A3170DUX ; Cass. civ. 3, 15 décembre 1999, n° 97-18.733 N° Lexbase : A9308CTW, Constr. Urb., 2000, 91) mais pas au point d'y déceler une constante jurisprudentielle. Ainsi, une retenue de 10 % peut, dans certains cas, révéler une volonté de refuser la réception (Cass. civ. 1, 14 janvier 1997, n° 95-12.738, F-D N° Lexbase : A9041CSN, RDI, 1997, 237) et dans d'autres non (CA Paris, 28 janvier 1998). En l'espèce, le montant de la retenue était aussi de l'ordre de 10 %.

Il semblait, également, acquis que la prise de possession des lieux assortie d'un paiement des sommes réclamées par l'entrepreneur est insuffisante dès lors que les réserves importantes émises par le maître de l'ouvrage sont de nature à faire douter de sa volonté de recevoir (Cass. civ. 3, 10 juillet 1991, n° 89-20.327 N° Lexbase : A4668ACU, RDI, 1992, 71).

Or, c'est exactement ce qu'a considéré la cour d'appel en exposant que les époux X avaient exprimé des réserves et fait état de risques de désordres structurels, ce qui était naturellement contesté dans la troisième branche du deuxième moyen du pourvoi dans laquelle il était, au contraire, prétendu que les désordres réservés étaient minimes et n'affectaient pas la structure de l'ouvrage.

Faut-il alors déceler une approche in favorem des maîtres d'ouvrage qui n'ont, à tort, ni souscrit d'assurance dommages-ouvrage ni déclaré leur créance à la procédure collective et n'ont, finalement, d'autres recours que celui initié à l'encontre de l'assureur décennal de l'entreprise, ce qui suppose de caractériser la réception ?

Cette approche pêche par simplisme.

D'autant que dans un arrêt assez ancien (Cass. civ. 3, 24 juin 1992, n° 90-17.490 N° Lexbase : A6445CZQ), la Cour de cassation a déjà rejeté un pourvoi, dans une affaire où le maître d'ouvrage essayait aussi d'obtenir la condamnation de l'assureur décennal, aux motifs que "ayant, par motifs propres et adaptés, relevé que M. X avait marqué sa volonté, non équivoque, de ne pas accepter l'ouvrage, en signalant, avant la prise de possession, une séries de réserves correspondant aux désordres constatés par l'expert, la cour d'appel, qui a retenu que ces désordres ne relevaient pas de la garantie décennale, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision".

L'autre intérêt de cet arrêt de 1992 est que la Cour de cassation prend la même formule que dans l'arrêt commenté. Le maître d'ouvrage doit avoir marqué sa volonté non équivoque de ne pas recevoir l'ouvrage.

La jurisprudence a depuis pu estimer que la volonté non équivoque de ne pas recevoir l'ouvrage est caractérisée lorsque le maître d'ouvrage, qui a pris possession des lieux, refuse de signer le procès-verbal de réception (CA Bordeaux, 28 janvier 1997, RDI, 1998, 94) ou indique, expressément, par courrier, son absence de volonté de réceptionner (Cass. civ. 3, 6 octobre 1999, n° 98-12.401, F-D N° Lexbase : A7406CNM, Constr. Urb. 2000, 4) mais, en l'espèce, les maîtres d'ouvrage souhaitent la réception. Il n'y a donc pas de refus exprès.

Les critères de prise de possession et de paiement de la totalité ou de la quasi-totalité du prix ne se suffisent donc pas en eux-mêmes lorsque le maître d'ouvrage conteste les travaux réalisés.

Il faut, pour refuser de caractériser la réception tacite, tenir compte de l'état d'esprit du maître d'ouvrage pour caractériser sa volonté certaine de ne pas recevoir l'ouvrage.

La cour d'appel aurait donc dû s'interroger sur le point de savoir si les époux X avaient eu un comportement en inadéquation avec la volonté de réceptionner l'ouvrage qu'ils tentaient de démontrer, pour obtenir une condamnation de l'assureur de l'entreprise liquidée sur le fondement de la garantie décennale.

L'arrêt commenté s'inscrit, en ce sens, dans le prolongement de celui rendu le 24 mars 2016 (Cass. civ. 3, 24 mars 2016, n° 15-14.830, FS-P+B N° Lexbase : A3651RAH) aux termes duquel : "ayant relevé que les époux R. avaient toujours protestés à l'encontre de la qualité des travaux, la cour d'appel a pu retenir que malgré le paiement de la facture, leur contestation excluait toute réception tacite des travaux".

La caractérisation de la volonté non équivoque de ne pas recevoir l'ouvrage apparaît donc comme un obstacle à la réception tacite, même lorsqu'il y a une prise de possession doublée d'un paiement quasi-complet du prix.

newsid:454064

Contrôle fiscal

[Brèves] Conditions à l'application de l'exception à la faculté pour l'administration de s'abstenir du débat oral et contradictoire

Réf. : CE 9° ch., 27 juillet 2016, n° 374216, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A0071RYB)

Lecture: 1 min

N4085BW9

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Le 06 Septembre 2016

Dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. Toutefois, lorsqu'après la fin des opérations de contrôle sur place, l'administration obtient des pièces comptables nouvelles par l'exercice de son droit de communication, celles-ci sont présumées ne pas avoir fait l'objet d'un débat oral et contradictoire, sauf preuve contraire rapportée par l'administration. L'absence de débat, dans une telle hypothèse, n'est en principe pas de nature à affecter la régularité de la procédure d'imposition, sauf s'il apparaît que les pièces recueillies après la fin des opérations de vérification, en raison de leur teneur, de leur portée et de l'usage qui en a été fait par l'administration, impliquaient la réouverture du débat oral et contradictoire sur la comptabilité de l'entreprise. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 27 juillet 2016 (CE 9° ch., 27 juillet 2016, n° 374216, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0071RYB). Au cas présent, la Haute juridiction, qui n'a pas donné raison à la société requérante, a estimé que des attestations détaillées des versements effectués à la société au cours des exercices vérifiés, et des copies de dossiers de demandes d'aides financières de ses clients et bons de réservation qu'ils avaient délivrés, obtenues par l'administration auprès d'organismes sociaux dans le cadre de l'exercice de son droit de communication n'avaient pas la nature de pièces comptables et n'impliquaient donc pas la réouverture du débat oral et contradictoire sur la comptabilité de l'entreprise. En outre, les factures obtenues auprès des mêmes organismes, dont l'administration n'en avait fait qu'un usage limité, n'impliquaient pas non plus la réouverture d'un tel débat .

newsid:454085

Copropriété

[Brèves] Mise en place du registre national d'immatriculation des syndicats de copropriétaires

Réf. : Décret n° 2016-1167 du 26 août 2016 relatif au registre national d'immatriculation des syndicats de copropriétaires (N° Lexbase : L9753K94)

Lecture: 2 min

N4072BWQ

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Le 02 Septembre 2016

Afin de faciliter la connaissance des pouvoirs publics sur l'état des copropriétés et la mise en oeuvre des actions destinées à prévenir la survenance des dysfonctionnements, la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, dite "ALUR" (N° Lexbase : L8342IZY), a institué un registre auquel sont immatriculés les syndicats de copropriétaires, qui administrent des immeubles à destination partielle ou totale d'habitation. Pour rappel, le calendrier prévu pour la mise en place de l'immatriculation des copropriétés est le suivant : au plus tard le 31 décembre 2016, pour les syndicats de copropriétaires comportant plus de 200 lots ; au plus tard le 31 décembre 2017 ceux de plus de 50 lots ; au plus tard le 31 décembre 2018, pour les autres ; les syndicats créés après le 31 décembre 2016 devront être immatriculés immédiatement, quel que soit le nombre de lots que comporte la copropriété. La loi assortit cette obligation d'immatriculation d'une obligation de fournir des informations relatives à l'identification de chaque syndicat de copropriétaires, à son mode de gouvernance, aux procédures administratives et judiciaires éventuellement dressées à son encontre, à l'état de son bâti, ainsi qu'à la tenue de ses comptes annuels. La loi prévoit enfin que les formalités soient entièrement dématérialisées. C'est pour la mise en oeuvre de ces dispositions qu'a été publié au Journal officiel du 28 août 2016, le décret n° 2016-1167 du 26 août 2016 relatif au registre national d'immatriculation des syndicats de copropriétaires (N° Lexbase : L9753K94). Ce texte fixe les principes d'accès au registre par les syndics, les administrateurs provisoires et les notaires qui vont effectuer les déclarations d'immatriculations initiales et les mises à jour annuelles des données. Il précise les objectifs encadrant la définition des grandes rubriques de données à porter au registre par les télédéclarants. Il expose les conditions de consultation des données portées au registre par les représentants légaux des syndicats de copropriétaires, les notaires, les services de l'Etat et des établissements publics de l'Etat chargés de la mise en oeuvre des politiques de l'habitat et de lutte contre l'habitat indigne et les copropriétés dégradées, les services des collectivités locales et leurs groupements, ainsi que par le public (cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E3207E4K).

newsid:454072

Électoral

[Brèves] Publication de trois textes relatifs à la rénovation des modalités d'inscription sur les listes électorales

Réf. : Lois organique n°s 2016-1046 (N° Lexbase : L5858K9T) 2016-1047 (N° Lexbase : L5860K9W), loi n° 2016-1048, rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales (N° Lexbase : L5859K9U)

Lecture: 1 min

N4112BW9

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Le 02 Septembre 2016

Trois textes du 1er août 2016 relatifs à la rénovation des modalités d'inscription sur les listes électorales ont été publiés au Journal officiel du 2 août 2016 : les lois organique n°s 2016-1046, rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales des ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France pour les élections municipales (N° Lexbase : L5858K9T) (après validation du Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-733 DC du 28 juillet 2016 N° Lexbase : A0692RYB à l'exception des dispositions mettant un terme à l'identité entre les dispositions applicables en Nouvelle-Calédonie et celles applicables sur le reste du territoire national) et 2016-1047, rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France (N° Lexbase : L5860K9W) (après validation du Conseil constitutionnel dans la décision n° 2016-733 DC du 28 juillet 2016 précitée, les Sages s'étant assurés que les nouvelles règles interdisant la double inscription des Français établis hors de France sur une liste électorale consulaire et sur une liste électorale communale respectent le droit de suffrage), ainsi que la loi n° 2016-1048, rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales (N° Lexbase : L5859K9U). Ce dernier texte institue notamment un répertoire électoral unique et permanent tenu par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) par lequel transiteront les inscriptions et les radiations et dont seront extraites les listes électorales communales. Ce répertoire, mis en oeuvre grâce à un système d'information partagé entre les différents acteurs de l'inscription (citoyens, communes, INSEE, administrations centrale), doit permettre la coordination nationale des décisions d'inscription et de radiation prises au niveau local. La loi confie également au maire la compétence de l'inscription et de la radiation des électeurs sur la liste électorale de sa commune, compétence aujourd'hui exercée par une commission administrative instituée pour chaque bureau de vote au sein de cette commune.

newsid:454112

Emploi

[Textes] Loi "Travail" : la question de l'emploi, sous la responsabilité de l'employeur, des partenaires sociaux et de l'Etat

Réf. : Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C)

Lecture: 17 min

N4125BWP

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Ency-clopédie "Droit de la protection sociale"

Le 01 Septembre 2016

La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 a sensiblement évolué, depuis le dépôt du projet de loi (n° 3600, 24 mars 2016) aussi bien au fond que dans la forme (de manière assez anecdotique, on relèvera son intitulé, loi "visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs", devenue loi "relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels"). Exit, selon une formulation plutôt littéraire et assez incompréhensible, les "nouvelles libertés" (sic) et les "nouvelles protections" pour les entreprises et les actifs (sic) ; le législateur se propose désormais de réformer plus modestement les objets dont la formulation, moins littéraire et plus familière aux juristes, porte sur le "travail" (pas de sic), la modernisation du dialogue social (pas de sic) et la sécurisation des parcours professionnels (pas de sic).
"L'emploi dans tous ses états" : l'emploi est effectivement placé au coeur de la loi du 8 août 2016, envisagé par le législateur sous toutes ses dimensions :

- formes individuelles (art. 95, transferts conventionnels de contrats de travail) ou collectives (art. 22, accords de préservation ou de développement de l'emploi) ;

- cadres juridiques ; contractuel, hors contrat de travail (art. 85, portage salarial) ;

- bénéficiaires/publics cibles : les jeunes (art. 46, parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie ; art. 47, aides en faveur des jeunes à la recherche de leur premier emploi ; art. 49 et 50, garantie jeunes) ; les handicapés (art. 52, emploi des travailleurs handicapés ; art. 121, obligation d'emploi des travailleurs handicapés) ; les apprentis (art. 72 à 77 : apprentissage) ; les travailleurs saisonniers (art. 86 et 87, emploi saisonnier) ; et enfin, entreprises (art. 97, revitalisation des bassins d'emploi ; art. 122, obligation pour l'entreprise de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées en cas de licenciement lié à un traitement discriminatoire ou à des faits de harcèlement ; art. 61, droit à l'information des employeurs des entreprises de moins de trois cents salariés) ;

- le traitement et la gestion des séquences dans la formation/exécution/rupture du contrat de travail. Continuité des trajectoires professionnelles (art. 39, 42, 43, 44 et 45, compte personnel d'activité ; art. 79, sécurisation des listes des formations éligibles au compte personnel de formation) ; licenciement (art. 67, motif économique du licenciement ; art. 94, PSE ; art. 123, versement d'une indemnité au moins égale à six mois en cas de licenciement lié à un traitement discriminatoire ou en raison de faits de harcèlement sexuel) ;

- position sur le marché du travail. Personnes exclues (art. 53, ateliers et chantiers d'insertion) ; chômeurs (art. 119, renforcement des sanctions en cas de versement indu de prestations d'assurance chômage) ;

- modalités de soutien et d'aides aux entreprises (art. 70, coopératives d'activité et d'emploi sous forme de société coopérative ; art. 80, harmonisation des seuils sociaux ; art. 88, modalités de calcul de l'effectif d'un groupement d'employeurs ; art. 90, constitution des groupements d'employeurs "mixtes" sous la forme de sociétés coopératives ; art. 91, apprenti recruté par un groupement d'employeurs.

Le projet de loi, en son temps, a suscité de nombreuses réactions politiques, syndicales, très médiatisées ; mais aussi doctrinales (1), notamment dans ces colonnes (2). La loi du 8 août 2016 n'est donc traitée qu'à l'aune des points, assez nombreux et nouveaux, tels qu'ils n'ont pas été envisagés initialement, quelques mois plus tôt.

I - L'emploi, une responsabilité de l'employeur seul

Dans le champ de l'emploi (titre IV, favoriser l'emploi), le législateur a conçu le rôle de l'employeur en ses trois dimensions, évoquées en trois temps : amélioration de l'accès au droit des entreprises et favoriser l'embauche (chap. Ier) ; développement de l'apprentissage comme voie de réussite et renforcer la formation professionnelle (chap. II) et enfin, préservation de l'emploi (chap. III) (3).

A - Améliorer l'accès au droit des entreprises et favoriser l'embauche

Ce chapitre de la loi regroupe assez confusément des dispositifs disparates poursuivant des objectifs distincts et parfois éloignés de l'emploi :

- qualité de la norme et amélioration des relations Etat/entreprises. A ce titre, le législateur a mis en place un droit à l'information des entreprises de moins de trois cents salariés (art. 61) (4) ; la possibilité pour l'employeur d'assurer par décision unilatérale la couverture complémentaire de certains salariés par le versement santé (art. 62) (5) ; la loi du 8 août 2016 a ratifié l'ordonnance relative aux garanties consistant en une prise de position formelle, opposable à l'administration, sur l'application d'une norme à la situation de fait ou au projet du demandeur (art. 69) ;

- lutte contre la complexité de la norme et faciliter leur appropriation/mise en oeuvre par les entreprises. A ce titre, la loi du 8 août 2016 a mis en place des accords-types de branche (art. 63) (6) ; a reformé le dialogue social dans les réseaux de franchise (art. 64) ainsi que le caractère libératoire du titre emploi-service entreprise (TESE, art. 66) (7). La loi du 8 août 2016 a également ratifié l'ordonnance relative aux garanties consistant en une prise de position formelle, opposable à l'administration, sur l'application d'une norme à la situation de fait ou au projet du demandeur (art. 69) (8). C'est dans ce cadre que le législateur a rénové profondément le droit du licenciement économique (art. 67).

1 - Motif économique

Le législateur a un peu modifié la nature et le périmètre de sa réforme du licenciement pour motif économique, entre mars 2016 (projet de loi) (9) et août 2016 (vote définitif, loi du 8 août 2016), dans des circonstances animées et très débattues (10). La trame est identique : désormais, à compter du 1er décembre 2016, en application de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (art. 67 ; C. trav., art. L. 1233-3 N° Lexbase : L8772IA7), constituera un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : à des difficultés économiques qui devront répondre à des critères déterminés par la loi ; à des mutations technologiques ; à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; à la cessation d'activité de l'entreprise. Les causes matérielles de licenciement ne changent donc pas.

La loi finalement votée, contrairement au projet de loi, précise ce que recouvrent les "difficultés économiques" (C. trav., art. L. 1233-3). Elles sont caractérisées, à compter du 1er décembre 2016, soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique (tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation), soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

- un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

- deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

- trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

- quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus.

2 - Appréciation des difficultés économiques

Initialement, le projet de loi "El Khomri" (art. 30 ; C. trav., art. L. 1233-3) (11) prévoyait que la matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise. En revanche, l'appréciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la nécessité d'assurer la sauvegarde de sa compétitivité s'effectuait au niveau de l'entreprise si cette dernière n'appartient pas à un groupe ; à défaut, au niveau du secteur d'activité commun aux entreprises implantées sur le territoire national du groupe auquel elle appartient.

Ce point avait été très débattu, aussi bien par les deux chambres que par les syndicats et autres corps intermédiaires. Au final, la loi du 8 août 2016 a allégé considérablement le régime de l'appréciation des difficultés économiques, car désormais (à compter du 1er décembre 2016) la matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise (loi du 8 août 2016, art. 67 ; C. trav., art. L. 1233-3).

B - Préserver l'emploi

La préservation de l'emploi, au sens où le législateur l'entend, appelle des réformes dont le champ d'application s'annonce disparate, selon une logique et une cohérence qu'on aura peine à identifier. En effet, au nom de la préservation de l'emploi, le législateur a réformé le régime du portage salarial (art. 85), de l'emploi saisonnier (art. 86 et art. 87), du calcul de l'effectif d'un groupement d'employeurs (art. 88), des groupements d'employeurs (art. 89), de la constitution des groupements d'employeurs "mixtes" sous la forme de sociétés coopératives (art. 90), de la définition juridique du particulier employeur (art. 93).

Aussi, seules trois réformes méritent l'attention : le régime du PSE (art. 94), des transferts conventionnels de contrats de travail (art. 95), de la revitalisation des bassins d'emploi (art. 97, infra) et enfin du congé de reclassement (art. 96).

1 - Régime du PSE

La loi du 8 août 2016 (art. 94, II) introduit de sensibles nouveautés dans le droit des grands licenciements économiques associés à la mise en place du PSE, nouveautés applicables uniquement aux licenciements économiques engagés après la publication de la loi du 8 août 2016.

Contenu du PSE. Le projet de loi "El Khomri" (24 mars 2016, art. 41) (12) avait mis en place, pour les seules entreprises ou les établissements d'au moins mille salariés, la possibilité d'inclure dans le PSE, en vue d'éviter la fermeture d'un ou de plusieurs établissements, un transfert d'une ou plusieurs entités économiques, nécessaire à la sauvegarde d'une partie des emplois (art. 41 ; C. trav., art. L. 1233-61 N° Lexbase : L7375K9Z). Dans cette hypothèse précise, le droit commun des transferts (c'est-à-dire, C. trav., art. L. 1224-1 N° Lexbase : L0840H9Y) ne s'applique que dans la limite du nombre des emplois qui n'ont pas été supprimés, par suite des licenciements, à la date d'effet de ce transfert. La loi du 8 août 2016 reprend la solution, en apportant simplement une précision rédactionnelle : l'opération vise le transfert d'une ou de plusieurs entités économiques nécessaire à la sauvegarde d'une partie des emplois ; de plus (c'est la nouveauté) les entreprises visées sont celles qui ont souhaité accepter une offre de reprise dans les conditions mentionnées à l'article L. 1233-57-19 (N° Lexbase : L7373K9X) (13).

Accord majoritaire PSE : transfert d'entreprise. Le projet "El Khomri" (24 mars 2016, art. 41) (14) n'a pas, au final, été modifié au cours de la procédure législative (art. 94 ; C. trav., art. L. 1233-24-2, 1° N° Lexbase : L7374K9Y) (15).

Recherche d'un repreneur : consultation du CE. Là aussi, le projet de loi du 24 mars 2016 (art. 41) (16) n'a pas été modifié au cours de la procédure législative, entre mars et août 2016 (loi du 8 août 2016, art. 94 ; C. trav., art. L. 1233-57-19).

Contenu du PSE et transfert d/entreprise. Enfin, la loi du 8 août 2016 (art. 94 ; C. trav., art. L. 1233-62 N° Lexbase : L7372K9W) a conservé la solution avancée par le projet de loi du 24 mars 2016, art. 41) (17).

2 - Transferts conventionnels de contrats de travail

Un certain nombre de conventions collectives prévoient que l'entreprise qui remporte un nouveau contrat avec un client doit reprendre l'ensemble des salariés de l'entreprise évincée dès lors qu'ils travaillaient sur le site du client. Mais la Cour de cassation (18) applique strictement le principe d'égalité de traitement entre les salariés ; en cas de transfert conventionnel de contrats de travail entre deux entreprises prestataires, les autres salariés de l'entreprise nouvellement prestataire doivent également bénéficier des avantages des salariés nouvellement transférés. Le nouvel employeur doit donc étendre les avantages dont bénéficiaient les salariés du site transféré à l'ensemble de ses propres salariés qui travaillent sur d'autres sites pour d'autres clients.

Le législateur s'est opposé à cette jurisprudence (loi du 8 août 2016, art. 95 ; C. trav., art. L. 1224-3-2 N° Lexbase : L6777K9U) et préconise une solution exactement inverse : lorsque les contrats de travail sont, en application des dispositions d'un accord de branche étendu, poursuivis entre deux entreprises prestataires se succédant sur un même site, les salariés employés sur d'autres sites de l'entreprise nouvellement prestataire (et auprès de laquelle les contrats de travail sont poursuivis) ne peuvent invoquer les différences de rémunération résultant d'avantages obtenus avant cette poursuite avec les salariés dont les contrats de travail ont été poursuivis. Cette disposition ne figurait dans le projet de loi initial du 24 mars 2016 (19).

3 - Congé de reclassement

Le projet de loi initial "El Khomri" ne comprenait aucune disposition particulière. La loi du 8 août 2016 a seulement introduit une précision relative au champ d'application du congé de reclassement (art. 96 ; C. trav., art. L. 1233-71 N° Lexbase : L7376K93).

Les textes antérieurs visaient trois types d'entreprise :

- entreprises ou établissements occupant au moins mille salariés ;

- les entreprises visées à l'article L. 2331-1 (N° Lexbase : L9924H83), c'est-à-dire entreprises ou groupes d'entreprises de dimension communautaire qui emploient au moins mille salariés dans les Etats membres (...) ;

- les entreprises visées à l'article L. 2341-4 (N° Lexbase : L9969H8Q), c'est-à-dire entreprise appartenant à un groupe dont le siège social est situé en France, qui ont l'obligation de mettre en place un comité de groupe (...).

Désormais, la loi du 8 août 2016 (art. 96 ; C. trav., art. L. 1233-71 N° Lexbase : L7376K93) vise trois catégories d'entreprises :

- les entreprises ou établissements occupant au moins mille salariés ;

- les entreprises ou groupes d'entreprises de dimension communautaire qui emploient au moins 1 000 salariés dans les Etats membres (...) ;

- la loi supprime la catégorie des entreprises mentionnées à l'article L. 2341-4 (les entreprises appartenant à un groupe dont le siège social est situé en France, qui ont l'obligation de mettre en place un comité de groupe), remplacée par les entreprises visées à l'article L. 2341-1 (N° Lexbase : L6260ISN, entreprise qui emploie au moins mille salariés dans les Etats membres de la Communauté européenne et qui comporte au moins un établissement employant au moins cent cinquante salariés dans au moins deux de ces Etats) et l'article L. 2341-2 (N° Lexbase : L6270ISZ, groupe d'entreprises de dimension communautaire, le groupe, au sens de l'article L. 2331-1 N° Lexbase : L9924H83), satisfaisant aux conditions d'effectifs et d'activité mentionnées à l'article L. 2341-1 et comportant au moins une entreprise employant au moins cent cinquante salariés dans au moins deux des Etats).

II - L'emploi, responsabilité de l'employeur et des partenaires sociaux

Le législateur a créé un nouveau cadre juridique permettant aux entreprises de conclure des accords destinés à préserver ou à développer l'emploi, l'accord de préservation ou de développement de l'emploi (art. 22 ; C. trav., art. L. 2254-2 N° Lexbase : L6654K9C) (20).

A - Régime

1 - Objet

L'accord de préservation ou de développement de l'emploi comporte un préambule indiquant notamment les objectifs de l'accord en matière de préservation ou de développement de l'emploi. Par dérogation au second alinéa de l'article L. 2222-3-3 (N° Lexbase : L6698K9X), l'absence de préambule entraîne la nullité de l'accord (C. trav., art. L. 2254-2, I nouveau N° Lexbase : L6654K9C).

2 - Contenu

L'accord de préservation ou de développement de l'emploi précise (C. trav., art. L. 2254-2, III nouveau N° Lexbase : L6654K9C) : les modalités selon lesquelles est prise en compte la situation des salariés invoquant une atteinte disproportionnée à leur vie personnelle ou familiale ; les modalités d'information des salariés sur son application et son suivi pendant toute sa durée.

L'accord peut prévoir les conditions dans lesquelles fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux autres salariés : les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l'accord ; les mandataires sociaux et les actionnaires, dans le respect des compétences des organes d'administration et de surveillance. L'accord peut prévoir les conditions dans lesquelles les salariés bénéficient d'une amélioration de la situation économique de l'entreprise à l'issue de l'accord.

3 - Durée

Par dérogation au principe selon lequel la convention ou l'accord est conclu pour une durée déterminée ou indéterminée (C. trav., art. L. 2222-4 N° Lexbase : L7173K9K), l'accord est conclu pour une durée déterminée. A défaut de stipulation de l'accord sur sa durée, celle-ci est fixée à cinq ans (C. trav., art. L. 2254-2, III nouveau).

B - Effets sur le contrat de travail

Les effets de l'accord d'entreprise conclu en vue de la préservation ou du développement de l'emploi sont multiples (art. 22 ; C. trav., art. L. 2254-2 nouveau) (21).

1 - Effets sur le contrat de travail (maintenu)

Les stipulations de l'accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération et de durée du travail (C. trav., art. L. 2254-2, I nouveau). Mais l'accord de préservation ou du développement de l'emploi ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié (C. trav., art. L. 2254-2, I nouveau).

2 - Effets sur le contrat de travail refusés et rompu

Refus du salarié. Le salarié peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l'application de l'accord de préservation ou du développement de l'emploi. Ce refus doit être écrit (C. trav., art. L. 2254-2, II nouveau).

Procédure de licenciement. Si l'employeur engage une procédure de licenciement à l'encontre du salarié ayant refusé l'application de l'accord de préservation ou de développement de l'emploi, ce licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse et est soumis aux seules modalités et conditions définies aux articles L. 1233-11 (N° Lexbase : L1119H9C) à L. 1233-15 applicables au licenciement individuel pour motif économique ainsi qu'aux articles L. 1234-1 (N° Lexbase : L1300H9Z) à L. 1234-20. La lettre de licenciement comporte l'énoncé du motif spécifique sur lequel repose le licenciement (C. trav., art. L. 2254-2, II nouveau).

Dispositif d'accompagnement. L'employeur est tenu de proposer, lors de l'entretien préalable, le bénéfice du dispositif d'accompagnement (mentionné à l'article L. 2254-3 N° Lexbase : L6655K9D) à chaque salarié dont il envisage le licenciement (C. trav., art. L. 2254-2, II nouveau).

Lors de cet entretien, l'employeur informe le salarié par écrit du motif spécifique et sur lequel repose la rupture en cas d'acceptation par celui-ci du dispositif d'accompagnement. L'adhésion du salarié au parcours d'accompagnement personnalisé (mentionné à l'article L. 2254-3) emporte rupture du contrat de travail.

Cette rupture du contrat de travail, qui ne comporte ni préavis ni indemnité compensatrice de préavis, ouvre droit à l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9 (N° Lexbase : L8135IAK) et à toute indemnité conventionnelle qui aurait été due en cas de licenciement au terme du préavis ainsi que le solde de ce qu'aurait été l'indemnité compensatrice de préavis en cas de licenciement et après défalcation du versement de l'employeur (mentionné à l'article L. 2254-6 N° Lexbase : L6658K9H).

3 - Effets sur le contrat de travail : droit de la négociation collective

La consultation annuelle du comité d'entreprise porte également sur les conséquences pour les salariés de l'accord conclu en vue de la préservation ou du développement de l'emploi (mentionné à l'article L. 2254-2) (art. 22, III).

C - Négociation de l'accord

Information des syndicats. Lorsque l'employeur envisage d'engager des négociations relatives à la conclusion d'un accord, il transmet aux organisations syndicales de salariés toutes les informations nécessaires à l'établissement d'un diagnostic partagé entre l'employeur et les organisations syndicales de salariés (art. 22 ; C. trav., art. L. 2254-2, I nouveau).

Négociation par les représentants élus mandatés. Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, cet accord peut être négocié et conclu par des représentants élus mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives (dans les conditions prévues aux articles L. 2232-21 N° Lexbase : L7184K9X et L. 2232-21-1 N° Lexbase : L5441KGM) ou, à défaut, par un ou plusieurs salariés mandatés (mentionnés à l'article L. 2232-24 N° Lexbase : L7182K9U) (art. 22 ; C. trav., art. L. 2254-2, I nouveau).

Expert-comptable. Afin d'assister dans la négociation les délégués syndicaux (ou, à défaut, les élus ou les salariés mandatés), un expert-comptable peut être mandaté (C. trav., art. L. 2254-2, III nouveau) par le comité d'entreprise (dans les conditions prévues à l'article L. 2325-35 N° Lexbase : L7214K93) ; dans les entreprises ne disposant pas d'un comité d'entreprise : par les délégués syndicaux ; à défaut, par les représentants élus mandatés ou les salariés mandatés. Le coût de l'expertise est pris en charge par l'employeur.

III - L'emploi, responsabilité de l'employeur et de l'Etat

Depuis 2013 (loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi N° Lexbase : L0394IXU), l'emploi est devenu une responsabilité partagée, associant employeurs et Etat (collectivités territoriales). Les manifestations, multiples, de cette responsabilisation de l'Etat sont connues : intervention de la DIRECCTE à toutes les étapes de la mise en place du PSE ; financement par l'Etat d'un certain nombre de mesures figurant dans le PSE ; conventions de revitalisation des bassins d'emploi, etc.. S'inspirant des travaux institutionnels menés sur le dispositif de revitalisation des bassins d'emploi (22), le projet de loi "El Khomri" a introduit quelques nouveautés, centrées uniquement sur la revitalisation des bassins d'emploi. La loi votée, quelques mois plus tard, a peu évolué par rapport au projet initial (23).

A - Obligation de revitalisation affectant trois bassins d'emploi

Objectif. En application de la circulaire DGEFP/DGCIS/DATAR n° 2012-14 du 12 juillet 2012, la convention de revitalisation peut être négociée au niveau national lorsque les licenciements économiques affectent un nombre importants de territoires. L'objectif est d'éviter que la mise en oeuvre de l'obligation de revitalisation de l'entreprise conduise à la négociation d'une multitude de conventions locales de revitalisation. Or, en raison de la hausse du nombre de conventions nationales, le législateur (art. 97) a entendu sécuriser juridiquement le principe et les modalités de mise en oeuvre en consacrant leur existence dans le code du travail.

Contenu. En application de la loi du 8 août 2016, une convention-cadre nationale de revitalisation est conclue entre le ministre chargé de l'Emploi et l'entreprise lorsque les suppressions d'emplois concernent au moins trois départements (art. 97 ; C. trav., art. L. 1233-90-1 nouveau N° Lexbase : L7377K94).

Il est tenu compte, pour la détermination du montant de la contribution, du nombre total des emplois supprimés.

La convention-cadre est signée dans un délai de six mois à compter de la notification du projet de licenciement (mentionnée à l'article L. 1233-46 N° Lexbase : L0717IXT). Elle donne lieu, dans un délai de quatre mois à compter de sa signature, à une ou plusieurs conventions locales conclues entre le représentant de l'Etat et l'entreprise. Ces conventions se conforment au contenu de la convention-cadre nationale.

B - Mise en oeuvre par convention avec l'Etat ou accord collectif

1 - Délais

Dans un délai de six mois à compter de la notification du projet de licenciement collectif d'au moins dix salariés à l'autorité administrative, une convention doit être conclue entre l'entreprise et le représentant de l'Etat (C. trav., art. L. 1233-85 N° Lexbase : L7378K97). Elle détermine la nature et les modalités de mise en oeuvre des actions.

Au cours du processus de négociation, en application de l'article L. 1233-88 (N° Lexbase : L1291H9P), le préfet doit consulter, avec l'entreprise, les collectivités locales intéressées, les organismes consulaires (chambre de commerce et d'industrie, chambre d'agriculture, chambre des métiers) et les partenaires sociaux membres de la COPIRE, sur les actions que pourrait contenir la convention (Circ. DGEFP/DGCIS/DATAR n° 2012-14, 12 juillet 2012, Fiche n° 2).

Initialement, le projet de loi "El Khomri" (art. 42 ; C. trav., art. L. 1233-85) prévoyait que :

- le délai de négociation de la convention soit porté à huit mois à compter de la notification du projet de licenciement (prévu à l'article L. 1233-46 N° Lexbase : L0717IXT). En effet, les parties éprouvent également des difficultés à parvenir à la conclusion de conventions de revitalisation dans les six mois suivant la notification du PSE à l'administration ;

- un délai de conclusion de la convention de revitalisation dans les huit mois à compter de la notification des licenciements pour les entreprises de plus ou moins cinquante salariés qui licencient moins de dix salariés (C. trav., art. L. 1233-19 N° Lexbase : L1141H97), et les entreprises de moins de cinquante salariés qui licencient de plus de dix salariés (C. trav., art. L. 1233-46). Au final, la loi telle que votée et publiée au Journal officiel n'a pas repris ces modifications (24).

2 - Contenu

Cette convention tient compte :

- des actions de même nature éventuellement prévues dans le cadre du PSE établi par l'entreprise et désormais dans le cadre d'un accord de GPEC. Cette dernière mesure est destinée à inciter les partenaires sociaux à inscrire des mesures préventives de développement d'activités dans les bassins d'emplois concernés ;

- des actions de même nature prévues dans le cadre d'une démarche volontaire de l'entreprise faisant l'objet d'un document-cadre conclu entre l'Etat et l'entreprise. La loi du 8 août 2016 n'apporte pas plus de précisions (C. trav., art. L. 1233-85 nouveau). Le contenu et les modalités d'adoption de ce document sont définis par décret. Cette nouveauté, introduite par la loi du 8 août 2016 (art. 96) tient à la situation qui prévalait jusqu'à présent. Les démarches volontaires de même nature, mises en place par les entreprises au titre de leur responsabilité sociale et territoriale, n'étaient pas prises en compte alors qu'elles contribuent à la création effective d'emplois sur le territoire.


(1) JCP éd. E, 31 mars 2016, act. 284 ; LSQ, n° 17047, 24 mars 2016 ; Numéro spécial, SSL, n° 1714, 14 mars 2016 : F. Champeaux, Les grands axes de la future loi "Travail" ; G. Bélier, Le référendum : halte au feu !, SSL, n° 1712, 29 février 2016, ; F. Morel, En finir avec le principe général d'égalité de traitement, SSL, n° 1714, 14 mars 2016 ; F. Favennec-Héry, Réforme de la durée du travail : bouleversement, adaptation ou rupture ?, SSL, n° 1714, 14 mars 2016 ; P. Bailly, Le PSE avant transfert d'entreprise dans l'avant-projet de loi - Une dérogation aux effets du transfert d'entreprise, SSL, n° 1714, 14 mars 2016. V. aussi, Les voies d'une vraie réforme selon A. Supiot , SSL, n° 1714, 14 mars 2016.
(2) Numéro spécial, Lexbase, éd. soc., n° 650, 2016 : Ch. Radé, Lexbase, éd. soc., n° 650, 2016 (N° Lexbase : N2111BW4) ; S. Tournaux, éd. soc., n° 650, 2016 (N° Lexbase : N2116BWB) ; G. Auzero, éd. soc., n° 650, 2016 (N° Lexbase : N2119BWE) ; nos obs., éd. soc., n° 650, 2016 (N° Lexbase : N2133BWW) ; P. Lokiec, éd. soc., n° 650, 2016 (N° Lexbase : N2131BWT) ; B. Chaumet, éd. soc., n° 650, 2016 (N° Lexbase : N2199BWD).
(3) De ces trois points, seul le premier et le troisième sont traits dans cette chronique, la thématique de l'apprentissage apparaissant comme trop éloignée de la problématique retenue.
(4) Not., Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3675, 7 avril 2016, p. 595-606 ; J.-M. Gabouty, J.-B. Lemoyne et M. Forissier, Sénat, Rapport n° 661 (2015-2016), Tome I, 1er juin 2016, p. 321 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3909, 30 juin 2016, p. 217-221.
(5) Not., J.-M. Gabouty, J.-B. Lemoyne et M. Forissier, Sénat, Rapport n° 661 (2015-2016), Tome I, 1er juin 2016, préc., p. 332 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3909, 30 juin 2016, préc., p. 222-225.
(6) Not., Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3675, 7 avril 2016, préc., p. 612-618.
(7) Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3909, 30 juin 2016, préc., p. 239-240.
(8) Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3909, 30 juin 2016, préc., p. 251-252.
(9) P. Lokiec, éd. soc., n° 650, 2016, préc. ; Y. Blein, Assemblée nationale, Avis n° 3626, 5 avril 2016, p. 34 et s. et p. 118-126 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3675, 7 avril 2016, préc., p. 623-656.
(10) J.-M. Gabouty, J.-B. Lemoyne et M. Forissier, Sénat, Rapport n° 661 (2015-2016), Tome I, 1er juin 2016, préc., p. 347-353 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3889 et J.-B. Lemoyne, Sénat, Rapport n° 726 (2015-2016), 28 juin 2016 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3909, préc., 30 juin 2016, p. 240-247 ; J.-M. Gabouty, J.-B. Lemoyne et M. Forissier, Sénat, Rapport n° 790 (2015-2016), 13 juillet 2016, p. 49.
(11) P. Lokiec, éd. soc., n° 650, 2016, préc..
(12) P. Lokiec, éd. soc., n° 650, 2016, préc..
(13) C. trav., art. L. 1233-57-19 (N° Lexbase : L7373K9X), selon lequel l'employeur consulte le comité d'entreprise sur toute offre de reprise à laquelle il souhaite donner suite et indique les raisons qui le conduisent à accepter cette offre, notamment au regard de la capacité de l'auteur de l'offre à garantir la pérennité de l'activité et de l'emploi de l'établissement. Le comité d'entreprise émet un avis sur cette offre dans un délai fixé en application de l'article L. 2323-3 (N° Lexbase : L6985K9L).
Lorsque la procédure est aménagée en application de l'article L. 1233-24-2 (N° Lexbase : L7374K9Y) pour favoriser un projet de transfert d'une ou de plusieurs entités économiques mentionné à l'article L. 1233-61 (N° Lexbase : L7375K9Z), l'employeur consulte le comité d'entreprise sur l'offre de reprise dans le délai fixé par l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-2.
(14) P. Lokiec, éd. soc., n° 650, 2016, préc..
(15) J.-M. Gabouty, J.-B. Lemoyne et M. Forissier, Sénat, Rapport n° 661 (2015-2016), Tome I, 1er juin 2016, p. 433-437.
(16) P. Lokiec, éd. soc., n° 650, 2016, préc..
(17) P. Lokiec, éd. soc., n° 650, 2016, préc..
(18) Cass. soc., 15 janvier 2014, n° 12-25.402, FS-P+B (N° Lexbase : A7786KTK), Bull. civ. V, n° 23 ; Cass. soc., 16 septembre 2015, n° 13-26.788, FS-P+B (N° Lexbase : A3801NPH).
(19) Y. Blein, Assemblée nationale, Avis n° 3626, 5 avril 2016, préc., p. 42 s. et p. 136 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3675, 7 avril 2016, préc., p. 703-710 ; J.-M. Gabouty, J.-B. Lemoyne et M. Forissier, Sénat, Rapport n° 661 (2015-2016), Tome I, 1er juin 2016, p. 437-439 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3909, 30 juin 2016, préc., p. 298-299.
(20) Y. Blein, Assemblée nationale, Avis n° 3626, 5 avril 2016, préc., p. 93 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3675, 7 avril 2016, préc., p. 410 ; J.-M. Gabouty, J.-B. Lemoyne et M. Forissier, Sénat, Rapport n° 661 (2015-2016), Tome I, 1er juin 2016, préc., p. 203-211 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3909, 30 juin 2016, préc., p. 121-134.
(21) Le Conseil d'Etat (CE, avis du 17 mars 2016, n° 391197 N° Lexbase : A1701RBM) a validé la qualification donnée par le projet d'article L. 2254-2 du Code du travail, à la rupture du contrat de travail du salarié qui refuse la modification de son contrat résultant de l'entrée en vigueur d'un accord d'entreprise conclu en vue de la préservation ou du développement de l'emploi, dès lors que le salarié bénéficie d'une garantie de sa rémunération mensuelle strictement définie.
Il n'a pas relevé de risque d'incompétence négative du législateur, dès lors que celui-ci définit de façon précise l'objet de l'accord dérogatoire (la préservation ou le développement de l'emploi) ainsi que les conditions de fond (la garantie donnée au salarié du maintien de sa rémunération mensuelle et, en cas de refus de celui-ci, les garanties liées à la procédure de licenciement) et de forme de cet accord (qui doit être un accord collectif d'entreprise assorti de la consultation des organisations syndicales signataires et des institutions représentatives du personnel sur ses conséquences pour les salariés). Cette disposition ne méconnaît pas, enfin, les stipulations de la convention OIT n° 158 (spéc. art. 4, subordonnant la rupture du contrat de travail et le licenciement à un "motif valable" lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise ou de l'établissement).
(22) Rapport, Inspection générale des finances, du contrôle général économique et financier, de l'inspection générale de l'administration et de l'IGAS, Les dispositifs de revitalisation territoriale, contrats de site, conventions de revitalisation, 2006 ; Rapport, Groupe de travail, ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, Les outils en matière de revitalisation et d'accompagnement territorial des mutations économiques, 2008 ; Rapport de l'IGAS sur l'anticipation des restructurations, l'accompagnement et la gestion des plans de sauvegarde de l'emploi, la mise en oeuvre des conventions de revitalisation, 2009 ; Rapport du Conseil d'orientation pour l'emploi sur les dispositifs de revitalisation territoriale, contrats de site, conventions de revitalisation, 2010 ; Rapport IRES, L'obligation de revitalisation des bassins d'emplois de la loi du 18 janvier 2005, 2011 ; Cour des comptes, Bilan des conventions de revitalisation - Communication à la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale, décembre 2015.
(23) Y. Blein, Assemblée nationale, Avis n° 3626, 5 avril 2016, préc., p. 42 s. et p. 136 ; Ch. Sirugue, Assemblée nationale, Rapport n° 3675, 7 avril 2016, préc., p. 712-717 ; J.-M. Gabouty, J.-B. Lemoyne et M. Forissier, Sénat, Rapport n° 661 (2015-2016), Tome I, 1er juin 2016, préc., p. 440-442.
(24) La Cour des comptes (Communication, décembre 2015, préc., p. 33) a analysé les délais de négociation des conventions retenues. Il en ressort une certaine difficulté des parties intéressées à parvenir à la conclusion de conventions dans les six mois suivants la notification du PSE à l'autorité administrative, ainsi que le prévoit le Code du travail. C'est pourquoi la Cour a proposé que le démarrage du délai de négociation de six mois soit fixé à partir de la date de la notification de l'assujettissement et non à partir de l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi.

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Entreprises en difficulté

[Doctrine] L'imprévision versus ordonnance du 10 février 2016 et droit des entreprises en difficulté

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N4051BWX

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises

Le 01 Septembre 2016

L'ordonnance du 10 février 2016 (ordonnance n° 2016-131, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations N° Lexbase : L4857KYK) a emporté des modifications très sérieuses du droit commun des obligations. Chacun connaît le lien compliqué que noue le droit des entreprises en difficulté avec le droit des obligations. Tantôt il s'agit pour le premier de respecter tout l'édifice de droit commun des obligations. Tel est le cas si le droit des entreprises en difficulté ne déroge pas explicitement au droit commun des obligations. Parfois, ce droit commun est écarté par quelques dispositions spéciales. D'autres fois, il est simplement aménagé. Parmi ces règles mettant à l'écart le droit commun des obligations ou l'aménageant, on pense immédiatement aux règles relatives à la continuation des contrats en cours.
Modifier le droit commun des obligations ne peut donc rester sans conséquence sur le droit des entreprises en difficulté. La difficulté est alors d'appréhender l'ampleur des modifications du premier domaine sur le second.
Il ne sera pas question de se livrer ici à cet exercice, beaucoup trop périlleux au demeurant s'il est effectué par un spécialiste de l'une seule des deux matières. Le lecteur pourra utilement être renvoyé à un ouvrage qui paraîtra à l'automne, sous l'égide de l'Institut Français des Praticiens des Procédures Collectives (IFPPC), syndicat bien connu de mandataires de justice, sous la double signature d'un spécialiste du droit des obligations, le Professeur Mathias Latina et de votre serviteur, pour ce qui concerne le droit des entreprises en difficulté.
Nous nous contenterons, ici, de réfléchir à l'incidence en droit des entreprises en difficulté de l'une des mesures phares de l'ordonnance du 10 février 2016, celle qui concerne l'imprévision. La révision judiciaire pour imprévision, dont l'exposé sommaire est ici empruntée à l'excellent ouvrage co-écrit par Mathias Latina et Gaël Chantepie (1), dont nous recommandons chaudement la lecture, a en effet été consacrée dans l'article 1195 du Code civil (N° Lexbase : L0909KZP). Le législateur a décidé de briser la célèbre jurisprudence dite du "Canal de Craponne" (2). On se souvient tous que, dans cet arrêt du XIXème siècle, la Cour de cassation avait rendu un hommage à la force obligatoire du contrat en refusant au juge la possibilité de s'immiscer dans la loi des parties pour la refaire, quand bien même celle-ci aurait été bouleversée par la survenance d'un événement imprévisible au moment de la formation du contrat. La Cour de cassation s'était toujours montrée hostile à la révision judiciaire en cas d'imprévision.

Pour que les parties se trouvent dans une situation d'imprévision, l'article 1195 du Code civil exige la réunion de trois conditions cumulatives. Il faut, d'abord, un "changement de circonstances imprévisible au moment de la conclusion du contrat". Il est nécessaire, ensuite, que la partie victime des circonstances n'ait pas accepté d'assumer, dans le contrat, le risque de la survenance d'un événement imprévisible. Autrement dit, l'article 1195 du Code civil n'est pas d'ordre public. Enfin, l'événement imprévisible doit avoir eu pour effet de rendre l'exécution du contrat "excessivement onéreuse". La difficulté d'exécution ne suffit pas ; il faut un "excès", ce qui laisse une marge d'appréciation au juge.

La partie victime des circonstances peut demander une renégociation à son cocontractant, renégociation pendant laquelle le contrat doit être exécuté. Si la renégociation est refusée par l'autre partie, ou si elle échoue, les parties peuvent entamer une autre négociation, portant cette fois non plus sur le rééquilibrage du contrat, mais sur sa résolution, voire sur l'opportunité de demander au juge, d'un commun accord, de le réviser. Finalement, à défaut d'accord dans un délai raisonnable, l'une des parties pourra demander au juge qu'il révise ou qu'il mette fin au contrat aux conditions qu'il jugera bonnes.

Le changement de position du Code civil sur la question dite de l'imprévision est sans doute la difficulté majeure dans la détermination des incidences de la réforme du droit des obligations sur le droit des entreprises en difficulté. Les problèmes semblent chronologiquement se situer à deux niveaux. Le premier se positionne avant l'ouverture de la procédure collective. La question qui se pose est celle de savoir si la possibilité prévue par le Code civil de modifier l'économie d'un contrat, dont l'exécution est devenue, à la suite de circonstances imprévisibles, trop onéreuse pour l'une des parties, peut avoir des conséquences sur l'ouverture d'une procédure de sauvegarde. C'est la question de l'imprévision et de l'ouverture de la sauvegarde (I). Le second est trouvé après l'ouverture de la procédure collective. Il concerne la règle de la continuation des contrats en cours. Quelles conséquences peuvent avoir les règles nouvelles en matière d'imprévision sur la problématique de la continuation des contrats en cours ? C'est la question de l'imprévision et de la continuation des contrats en cours (II).

I - Imprévision et ouverture de la sauvegarde

La procédure de sauvegarde est accessible à un débiteur -terme au demeurant impropre- qui remplit deux conditions cumulatives. Négativement, il ne doit pas être en état de cessation des paiements. Positivement, il doit rencontrer des difficultés qu'il ne peut surmonter, seul, a précisé la Cour de cassation (3). Cette seconde condition d'ouverture va plus spécialement ici nous intéresser.

En effet, si les conditions de l'imprévision sont réunies, c'est-à-dire si un changement de circonstances imprévisible au moment de la conclusion du contrat, que la partie victime des circonstances n'a pas accepté d'assumer, et qui rend l'exécution du contrat excessivement onéreuse pour l'une des parties, cette dernière peut obtenir une renégociation du contrat ou à défaut, soit une résiliation du contrat, soit une nouvelle fixation des conditions contractuelles par le juge.

Il s'évince de ces possibilités le constat que la difficulté rencontrée par l'une partie, dans le cadre de l'exécution d'un contrat, peut ne plus être, pour elle, insurmontable.

On mesure immédiatement le problème suscité par cette règle nouvelle sur la demande d'ouverture de la procédure de sauvegarde, dès lors que l'on suppose que la difficulté rencontrée par le débiteur, sollicitant l'ouverture de la procédure, tient à une exécution trop onéreuse de son contrat. Dans la mesure où la renégociation du contrat offerte au débiteur par le Code civil peut permettre de surmonter la difficulté, il apparaît que les conditions d'ouverture de la procédure de sauvegarde ne sont plus réunies, si les difficultés pouvant conduire à en demander le bénéfice sont d'ordre contractuel et peuvent être surmontées par la renégociation. La faculté de renégociation du contrat devient ainsi clairement un obstacle à l'ouverture de la sauvegarde.

Il apparaît donc qu'il faut combiner les règles d'ouverture de la sauvegarde avec les règles nouvelles posées par le Code civil à l'article 1195. Cette articulation entre les textes de l'article L. 620-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L3237ICU) et 1195 du Code civil aboutit à la nouvelle règle suivante : si les difficultés rencontrées par le débiteur sont de nature contractuelle et tiennent à une exécution rendue excessivement onéreuse de l'obligation pour lui, du fait de circonstances imprévues lors de la conclusion du contrat, et alors qu'il n'a pas accepté ce risque, il doit, nous semble-t-il, avant de solliciter l'ouverture de la sauvegarde, utiliser la faculté de renégociation ouverte par le Code civil. La tentative de renégocier serait donc un préalable à l'ouverture de la procédure de sauvegarde. Mais on mesure immédiatement que si ce préalable échoue, une difficulté très sérieuse et particulièrement préjudiciable à l'efficacité du droit des entreprises en difficulté, se profile. En cause, la règle posée par l'article 1195, alinéa 1er in fine, du Code civil, qui oblige à continuer à exécuter le contrat pendant la renégociation. Or cela peut conduire à la caractérisation de l'état de cessation des paiements du débiteur, lui interdisant ainsi, au terme de la tentative de renégociation qui a échoué, le bénéfice de la procédure de sauvegarde.

Mais peut-être faut-il relativiser le malheur pour le débiteur. En effet, si la tentative de renégociation a échoué, la difficulté qui par hypothèse le conduisait à solliciter l'ouverture d'une sauvegarde n'aurait pas pu être réglée par la seule procédure de sauvegarde, à cause de la règle de la continuation des contrats en cours, laquelle oblige le débiteur à continuer le contrat, après l'ouverture de la procédure collective, dans les termes existant lors de l'ouverture de ladite procédure.

L'on comprend ici une des difficultés de l'articulation des règles nouvelles posées par le Code civil avec les règles de la procédure de sauvegarde, qui tient au temps de la renégociation, qui peut être un temps judiciaire beaucoup trop long par rapport à la réactivité indispensable au traitement des difficultés des entreprises en difficulté.

On peut alors essayer de proposer d'autres grilles de lecture de cette très délicate articulation entre deux corps de règles, dont l'une, posée par le Code civil, ne se préoccupe pas de l'autre, alors que, à bien y réfléchir, la situation qu'elle veut traiter aura statistiquement vocation à intéresser les entreprises, même si elle peut aussi concerner, par la généralité de sa formulation, les relations entre un professionnel et un particulier, voire entre deux particuliers.

On pourrait d'abord soutenir que la difficulté, que rencontre le débiteur, à savoir l'impossibilité d'exécution d'un contrat devenue trop onéreuse pour lui, à la suite de circonstances imprévisibles, reste insurmontable pour lui, sauf recours au juge si la renégociation contractuelle a échoué. Ainsi, le caractère insurmontable n'existe pas tant que le débiteur n'a pas tenté une renégociation. En revanche, ce caractère insurmontable existe à nouveau, dès lors que la renégociation contractuelle a échoué et que, par conséquent, le recours au juge s'impose. Pour parvenir à cette conclusion, il suffit d'affirmer que la difficulté demeure insurmontable si le débiteur a besoin du recours au juge, car il ne peut alors la surmonter seul.

Si l'on accepte cette grille de lecture, de front peuvent être menés par le débiteur deux combats : celui de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, du fait qu'il rencontre une difficulté qu'il ne peut surmonter seul, puisqu'il a besoin du recours à un juge, et celui de la fixation de nouvelles conditions contractuelles par le juge, en application de l'article 1195, alinéa 1er, du Code civil (sur la question de la compétence pour connaître de cette demande, alors qu'une procédure collective aurait été ouverte, v. infra).

Une autre piste peut être explorée, qui tient au constat que, si l'on considère que la difficulté rencontrée par le débiteur n'est pas insurmontable, dès lors que les règles de l'article 1195 du Code civil sont mises en oeuvre, à tout le moins cette difficulté reste "prévisible" au sens où l'entend l'article L. 611-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L7270IZB), qui vise des difficultés avérées ou simplement imprévisibles pour solliciter l'ouverture d'une procédure de conciliation. Le caractère simplement prévisible de la difficulté pourrait porter sur l'aléa que constitue la révision judiciaire du contrat.

Ainsi, pour éviter l'écueil de l'échec de la renégociation, il pourrait être opportun de placer l'entreprise dans le cadre d'une procédure de conciliation. Le débiteur pourrait, en sollicitant l'ouverture de la conciliation, demander au président du tribunal de confier au conciliateur la mission de tenter la renégociation du contrat. Si celle-ci aboutit, l'accord de conciliation emportera fixation de nouvelles conditions contractuelles. L'avantage de la formule est que pendant la conciliation, on neutralise la cessation des paiements. Les règles de l'imprévision peuvent ainsi devenir une raison d'utiliser la procédure de conciliation, lorsque la difficulté rencontrée est de nature contractuelle et tient à une exécution devenue excessivement onéreuse par suite de circonstances imprévisibles, lors de la conclusion du contrat.

Si l'article 1195 du Code civil fait naître une difficulté au stade de l'ouverture de la procédure collective de sauvegarde, il en génère une autre, pendant le déroulement de la procédure collective, cette fois, tient au règles de la continuation des contrats en cours.

II - Imprévision et continuation des contrats en cours

Les règles posées par l'article 1195 du Code civil, qui autorisent une révision du contrat, le cas échéant par le juge, entrent en opposition frontale avec celles posées par les articles L. 622-13 (N° Lexbase : L7287IZW) et L. 641-11-1 (N° Lexbase : L3298IC7) du Code de commerce, c'est-à-dire les règles relatives à la continuation des contrats en cours.

Rappelons que l'administrateur judiciaire ou le liquidateur, selon le cas, ont seuls l'initiative de demander la poursuite d'un contrat en cours au jour de l'ouverture de la procédure collective. Cette dernière ne produit pas d'effet sur le contrat. S'il est résilié ou arrivé à terme au jour du jugement d'ouverture, la solution est irréversible. S'il est en cours, l'ouverture de la procédure collective n'entraîne pas sa résiliation. Ainsi, le droit des entreprises en difficulté observe, en ce qui concerne le statut du contrat au jour de l'ouverture de la procédure collective, un principe de neutralité.

Le code de commerce met ensuite en place un corps de règles destinée à assurer au mieux le sauvetage de l'entreprise, pour les cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire, ou la préservation des actifs, pour le cas de liquidation judiciaire, tout en assurant la protection du partenaire contractuel du débiteur.

La préservation des intérêts du cocontractant résulte d'une règle fondamentale du droit des entreprises en difficultés selon laquelle en cas d'option pour la continuation du contrat en cours, le contrat sera poursuivi aux conditions contractuelles existant au jour de l'ouverture de la procédure collective. On ne change pas une virgule du contrat poursuivi.

Cette règle semble bien heurter de front la faculté ouverte par l'article 1195 du Code civil de renégocier le contrat, lorsque son exécution est devenue trop onéreuse, du fait de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat.

Pour comprendre l'articulation entre les règles de la continuation des contrats en cours et celles de l'imprévision, il faut, nous semble-t-il commencer par une observation déterminante. En posant en règle que le contrat en cours au jour du jugement d'ouverture doit être continué conformément aux stipulations existant au jour de l'ouverture de la procédure collective, le Code de commerce ne fait qu'appliquer le droit commun des obligations. Il s'agit en effet d'exécuter le contrat comme si la procédure collective n'avait pas été ouverte. C'est donc un principe de neutralité du droit des entreprises en difficulté par rapport au contrat continué qu'énoncent les articles L. 622-13 et L. 641-11-1 du Code de commerce.

Cette observation déterminante nous permet de comprendre immédiatement que l'opposition entre les règles de l'imprévision posées par l'article 1195 du Code civil et celles de la continuation n'est en réalité qu'apparente. Puisque les règles relatives à la continuation des contrats en cours, qui pose le principe du contrat continué aux conditions existant au jour de l'ouverture de la procédure collective ne sont que le respect du droit commun des obligations, il n'y a pas d'obstacle à combiner les règles de l'article 1195 du Code civil avec celles relatives à la continuation des contrats en cours.

Le contrat en cours, continué après l'ouverture de la procédure collective, pourra donc se voir appliquer les dispositions de l'article 1195 du Code civil. Le débiteur, l'administrateur, voire le liquidateur -mais cette dernière hypothèse est ici a priori plus d'école- pourra demander la renégociation du contrat, voire sa révision judiciaire, sans contrarier les règles de continuation des contrats en cours, lesquelles ne sont que le rappel du droit commun des obligations, lequel intègre désormais en son sein la possibilité de révision du contrat, en cas de circonstances économiques imprévisibles lors de sa conclusion, qui rendent son exécution trop onéreuses.

Encore faut-il énoncer que le caractère trop onéreux de l'exécution ne peut résulter du seul fait d'être placé en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaire. Ce qui rend trop onéreux le contrat n'est pas la situation économique du débiteur de l'obligation, mais les circonstances économiques nouvelles extérieures à la personne du débiteur, par exemple le nouveau coût des matières premières ou un changement brutal du cours du change.

La difficulté qui subsiste tient au conflit de compétence entre le juge du contrat et le juge du contrat continué.

En droit des entreprises en difficulté, le juge-commissaire a une compétence exclusive relativement à l'option pour la continuation du contrat. Il faut aussi, dans le prolongement de cette première affirmation, considérer que le juge-commissaire a une compétence exclusive pour apprécier l'exécution du contrat selon les prévisions contractuelles au jour de l'ouverture de la procédure collective. Autrement dit, le juge-commissaire est seul compétent pour apprécier le jeu des articles L. 622-13 et L. 641-11-1 du Code de commerce. On peut ainsi affirmer que le juge-commissaire est seul compétent pour connaître des demandes relativement à un contrat en cours (4). Mais là s'arrête sa compétence et son office juridictionnel. A notre sens, il dépasse son office juridictionnel lorsqu'il est question de révision judiciaire du contrat. Il s'agit alors d'appliquer non le droit des entreprises en difficulté, mais le droit commun des obligations.

Par conséquent, il faut bien faire le départ entre les questions supposant l'application des dispositions des articles L. 622-13 et L. 641-11-1 du Code de commerce, qui relèvent de la compétence et de l'office juridictionnel du juge-commissaire et celles qui relèvent de l'application du droit commun des obligations, qui doivent continuer à appartenir au juge de droit commun, celui que l'on appellera le juge naturel du contrat.

La préservation des intérêts de l'entreprise débitrice passe par la possibilité reconnue à l'administrateur judiciaire, au débiteur ou au liquidateur, selon le cas, d'obtenir la résiliation du contrat.

Les règles relatives à la continuation des contrats en cours renferment un certain nombre d'hypothèses de résiliation d'un contrat, pour des causes différentes de celles existant en droit commun des obligations. Tout d'abord, le silence gardé plus d'un mois après une mise en demeure d'avoir à opter sur la continuation d'un contrat en cours vaut résiliation de plein droit. Ensuite, l'administrateur ou le débiteur, ou, en liquidation, le liquidateur peut, après avoir, dans un premier temps, opté pour sa continuation, mettre fin au contrat, ce qui vaudra résiliation de plein droit, s'il apparaît qu'il ne sera pas en mesure d'exécuter le terme suivant. Il y a encore place à une résiliation de plein droit en cas de non-paiement à bonne date du contrat continué. Enfin, en liquidation, il existe une résiliation de plein droit à l'initiative du liquidateur, lorsque la prestation porte sur le paiement d'une somme d'argent

Il existe ensuite des résiliations judiciaires. La première est obtenue auprès du juge-commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant. La seconde, qui suppose que l'obligation du débiteur ne soit pas de nature financière, est posée en liquidation judiciaire, si elle est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.

Les résiliations de plein droit peuvent faire l'objet d'un constat par le juge-commissaire, cependant que les résiliations judiciaires prévues par le livre VI du Code de commerce seront prononcées par le juge-commissaire. Qu'il s'agisse de constater ou de prononcer ces résiliations, le juge-commissaire a ici une compétence exclusive.

Ajoutons que, dans la sauvegarde et le redressement judiciaire, si l'administrateur ou le débiteur, en l'absence du premier, opte spontanément pour la non continuation du contrat, cela ne vaut pas résiliation, mais emporte seulement la possibilité pour le premier ou le second de demander devant le tribunal normalement compétent de prononcer la résiliation du contrat (5). Cette règle trouve application, en liquidation judiciaire, mais uniquement si l'obligation du débiteur est de nature financière.

L'article 1195, alinéa 2, du Code civil, pour sa part, envisage deux types de résiliation du contrat, en cas d'échec ou de refus de la renégociation. Le premier mode de résiliation envisagé est conventionnel. Les parties conviennent de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent. A défaut d'accord sur cette résiliation, le juge saisi par une partie soit révise le contrat, soit y met fin. Dans ce deuxième cas, il s'agit donc d'une résiliation judiciaire.

La résiliation judiciaire envisagée dans le cadre de l'article 1195, alinéa 2, du Code civil n'obéit pas au régime de la résiliation des contrats en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective. La résiliation judiciaire, sur le fondement de l'article 1195, alinéa 2, n'est donc pas de la compétence du juge-commissaire, cependant qu'elle peut parfaitement intervenir pendant la procédure collective.

Il y aura lieu, le cas échéant, de respecter les règles de représentation, règles de l'administration contrôlée en sauvegarde ou en redressement judiciaire, règles du dessaisissement en liquidation judiciaire.

S'agissant plus spécialement de la résiliation conventionnelle, il faudra également respecter, en liquidation judiciaire, les règles du dessaisissement. En sauvegarde et en redressement, si un administrateur judiciaire a été nommé, ayant au moins une mission d'assistance, la question de sa participation à l'obtention de la résiliation conventionnelle peut se poser. On considérera que, par principe, la résiliation d'un contrat par la voie de l'article 1195, alinéa 2, du Code civil n'est pas un acte de gestion courante et supposerait, pour son opposabilité à la procédure collective, l'intervention de l'administrateur aux côtés du débiteur, si le premier a une mission d'assistance, son intervention, seul, s'il a, en redressement judiciaire, une mission de représentation.

Si le lecteur a pris goût à la question de l'incidence du droit des obligations sur le droit des entreprises en difficulté, nous lui donnons rendez-vous au colloque organisé par l'IFPPC sur ce thème le jeudi 1er décembre à Paris.


(1) G. Chantepie et M. Latina, La réforme du droit des obligations - Commentaire théorique et pratique dans l'ordre du code civil, Dalloz, 2016, p. 440 et s..
(2) Cass. civ., 6 mars 1876, "Canal de Craponne", D., 1876, 1, p. 193 ; H. Capitant, F. Terré, Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, tome 2, 11ème éd., Dalloz, n° 163.
(3) Cass. com., 26 juin 2007, n° 06-20.820, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9315DWW), Bull. civ. IV, n° 176 ; D., 2007, AJ 1864, obs. A. Lienhard ; D., 2008, Pan. 570, obs. F.-X. Lucas ; Gaz. proc. coll., 2007/4, p. 20, note Ch. Lebel ; Act. proc. coll., 2007/13, n° 145, note J. Vallansan ; JCP éd. E, 2007, 2120, note J. Vallansan ; RD banc. fin., juillet-août 2007, p. 23, n° 158, note F.-X. Lucas ; Dr. sociétés, 2007, n° 177, note J.-P. Legros ; Rev. proc. coll., 2007/4, p. 223, n° 4, obs. B. Saintourens ; JCP éd. E, 2008, Chron. 1207, n° 2, obs. crit. Ph. Pétel ; RJ com., 2007, 359, note Ph. Roussel Galle ; Defrénois, 2007, 38675, p. 1575, n° 11, note D. Gibirila ; Rev. proc. coll., 2008, p. 50, note G. Sonier et N. Ghalimi ; RJDA, 2008/2, p. 103, note H. Guyader ; Dr. et patr., 2008, n° 172, p. 103, note C. Saint-Alary-Houin ; Bull. Joly Sociétés, 2007, 1165, note C. Régnaut-Moutier ; nos obs., in Chron., Lexbase, éd. priv., 2007, n° 269, (N° Lexbase : N9341BBL).
(4) Cass. com., 18 juin 2013, n° 12-14.836, FS-P+B (N° Lexbase : A1819KHT), Bull. civ. IV, n° 102 ; D., 2013, Actu. 1616, note A. Lienhard ; Gaz. Pal., 29 septembre 2013, n° 272, p. 20, note F. Kendérian ; Act. proc. coll., 2013/14, comm. 193, note F. Kendérian ; JCP éd. E, 2013, Chron. 1434, n° 7, obs. Ph. Pétel ; Bull. Joly Entrep. en diff., septembre 2013, p. 296, note S. Benilsi ; Rev. proc. coll., 2014, comm. 158, note Ph. Roussel Galle.
(5) Cass. com., 19 mai 2004, n° 01-13.542, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2479DCS), Bull. civ. IV, n° 100 ; D., 2004, AJ 1668, obs. A. Lienhard ; Act. proc. coll., 2004/12, n° 146, note C. Régnaut-Moutier ; Rev. proc. coll., 2004, p. 228, n° 8, obs. Ph. Roussel Galle ; JCP éd. E, 2004, Chron. 1292, p. 1388, n° 13, obs. Ph. Pétel ; LPA, 6 août 2004, n° 157, p. 17, note P.-M. Le Corre ; Gaz. Pal., 15-16 décembre 2004, jur. p. 14, notre note ; nos obs., Lexbase, éd. aff. 2004, n° 129 (N° Lexbase : N2356ABU).

newsid:454051

Environnement

[Brèves] Publication de la loi "biodiversité"

Réf. : Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (N° Lexbase : L8435K9B)

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N4113BWA

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Le 03 Septembre 2016

La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (N° Lexbase : L8435K9B), a été publiée au Journal officiel du 9 août 2016, après avoir été validée par les Sages dans une décision rendue le 4 août 2016 (Cons. const., décision n° 2016-737 DC N° Lexbase : A3541RYS, censurant uniquement une disposition exemptant de certaines règles les cessions à titre onéreux de semences et matériels de reproduction de végétaux effectuées par les seules associations régies par la loi du 1er juillet 1901 N° Lexbase : L3076AIR). Elle comporte notamment la création, au 1er janvier 2017, de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), qui regroupera l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), l'Agence des aires marines protégées, les Parcs Nationaux de France et l'Atelier technique des espaces naturels (Aten). Elle prévoit aussi l'instauration de nouveaux principes juridiques tels que la solidarité écologique, l'utilisation durable et la complémentarité entre l'environnement et l'agriculture. La loi consacre le principe de non-régression "selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment" et précise le régime juridique de la réparation du préjudice écologique. La loi "biodiversité" crée en outre une nouvelle section, intitulée "Espaces de continuités écologique" au sein du Code de l'urbanisme, lesquels pourront bénéficier d'instruments réglementaires de protection existants.

newsid:454113

Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Acte anormal de gestion et théorie du risque excessif. De l'intérêt de l'entreprise

Réf. : CE Sect., 13 juillet 2016, n° 375801, publié recueil Lebon (N° Lexbase : A2108RXD)

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N4096BWM

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par Franck Laffaille, Professeur de droit public, Faculté de droit (CERAP) - Université de Paris XIII (Sorbonne/Paris/Cité)

Le 01 Septembre 2016

"C'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration doit apprécier si les opérations litigieuses correspondent à des actes relevant d'une gestion commerciale normale". Par cette formule aussi simple que lapidaire, le Conseil d'Etat vient calmer les errements interprétatifs de l'administration fiscale en sa propension inquisitoriale. L'arrêt du 13 juillet 2016 (CE Sect., 13 juillet 2016, n° 375801, publié recueil Lebon) se révèle d'importance : dans le cadre du grand combat "gestion commerciale normale versus risque inconsidéré", le Conseil d'Etat fait ici pencher la balance du côté de la liberté de l'entreprise. Tant l'administration que les juges du fond sont appelés à faire montre de réserve : ils ont vocation à scruter seulement si les décisions en cause sont "conformes à l'intérêt de l'entreprise". Ils n'ont point vocation à cogiter sur "l'ampleur des risques pris". Salutaire décision. Le juge de cassation explique assez sèchement et à l'administration, et aux juges du fond, que le contrôle de légalité ne saurait être confondu avec une lecture par trop subjective des choix de gestion.

Au cas présent, l'agence de Strasbourg d'une banque italienne consent, entre le 31 décembre 2000 et le 31 décembre 2004, de substantiels concours financiers à une société. Des provisions pour risque de non recouvrement de créances sont logiquement constituées en 2003 et 2004 au titre des exercices clos. L'administration fiscale réintègre, à la suite, selon la formule consacrée, d'une vérification de comptabilité, dans le résultat de l'exercice clos en 2004, une somme de 7 560 500 euros, somme qui correspond à une fraction de la provision constituée de 11 237 561 euros. Aux yeux de l'administration fiscale, de telles opérations ne constituaient pas une gestion commerciale normale. De plus, l'administration a remis en cause le report déficitaire réalisé par la banque au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2005 ; elle a, dans le cadre d'un contrôle sur pièces, rectifié les résultats de l'exercice clos le 31 décembre 2006. Par deux requêtes distinctes, la SA requérante (la banque italienne) saisit le tribunal administratif de Montreuil pour qu'il prononce la décharge des cotisations supplémentaires d'IS et de contributions additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et 2006 ; et qu'il prononce également la décharge des pénalités correspondantes. Par un premier jugement (TA Montreuil, 6 octobre 2011, n° 1004876 N° Lexbase : A6135MI3), le tribunal administratif rejette la première demande ; par un second jugement (TA Montreuil, 6 décembre 2012, n° 1109358 N° Lexbase : A6164MI7), le tribunal accueille partiellement la seconde demande. Saisie, la cour administrative d'appel de Versailles rejette les appels formés contre les deux jugements (CAA Versailles, 19 décembre 2013, n° 11VE04035 N° Lexbase : A7783MLT).

Le Conseil d'Etat opère, de prime abord, lecture des articles 38 (N° Lexbase : L3125I7U) et 39 (N° Lexbase : L3894IAH) du CGI applicables en matière d'IS sur le fondement des dispositions de l'article 209 du CGI (N° Lexbase : L4558I7X). Le bénéfice net est établi sous déduction des charges comprenant notamment des provisions supportées dans l'intérêt de l'entreprise. Cependant, les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou à des charges étrangères à une gestion commerciale normale ne peuvent pas être déduites du bénéfice net passible de l'IS. Se penchant ensuite sur l'espèce qui lui est soumise, le juge de cassation observe que la poursuite des crédits litigieux octroyés à la société entre bien dans l'objet social de la société bancaire. Il lui reste alors à jeter son dévolu sur l'analyse de la cour administrative d'appel (CAA) qui estime que la poursuite desdits crédits constitue un acte étranger à une gestion commerciale normale ; pour la CAA, nous serions en présence d'une "prise de risque inconsidérée de la banque". Une erreur de droit a été commise selon le Conseil d'Etat : il revenait à la CAA de "rechercher [seulement] si les décisions en cause étaient conformes à l'intérêt de l'entreprise, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur l'ampleur des risques pris". En effet, le Conseil d'Etat avait rappelé quelques lignes plus tôt : "C'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration doit apprécier si les opérations litigieuses correspondent à des actes relevant d'une gestion commerciale normale". L'administration n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion réalisés par les entreprises ; en particulier, ou plutôt a fortiori, sur "l'ampleur des risques pris". Une exception, naturellement : le cas de détournement de fonds rendus possibles par le comportement délibéré ou la carence manifeste des dirigeants. Dans une telle hypothèse, les risques pris par les personnes concernées sont jugés à l'aune de leur capacité à s'affranchir des dispositions normatives légales ou de leur incompétence/inconséquence.

Dans cette affaire, le plus intéressant ne réside pas tant dans les assertions du Conseil d'Etat que dans les développements de la CAA qui n'ont pas passé le filtre de la censure. C'est par l'étude du raisonnement (censuré) de la CAA que l'on est en mesure de comprendre ce que peut et ne peut pas faire une entreprise, ce que peut et ne peut pas soutenir le juge du fond. La CAA rappelle en premier lieu qu'il n'existe pas d'automaticité entre acte anormal de gestion et pertes importantes : en d'autres termes, une opération accomplie conformément à l'objet social de l'entreprise et qui se traduit par des pertes importantes n'est pas constitutive, en elle-même, d'un acte anormal de gestion. Il s'agit là d'une référence à l'avis n° 385088 du 24 mai 2011 du Conseil d'Etat (Section des finances) (N° Lexbase : A6494RY8) : "sous réserve de circonstances exceptionnelles, une opération accomplie conformément à l'objet social de l'entreprise et dont le dénouement se traduirait par des pertes importantes, ne saurait, par elle-même, caractériser un acte anormal de gestion".

Pour autant, ajoute aussitôt la CAA, "il en va différemment dans l'hypothèse où les dirigeants auraient sciemment accepté une prise de risque inconsidérée". Et la CAA d'égrener tous les éléments d'espèce ayant conduit la société requérante à sombrer du côté obscur de la force. Première légèreté gestionnaire, la Direction générale de la banque, ultime partenaire financier de la société..., connaissait depuis juin 2000 les graves difficultés financières de cette dernière ; tout comme était connue la pratique selon laquelle les prêts et facilités de trésorerie accordés par la succursale strasbourgeoise (au coeur du litige) à la société étaient dépourvus des garanties usuellement exigées par un établissement bancaire.

Seconde légèreté gestionnaire : les encours accordés (encore et encore) par la banque à la société en contrepartie de la cession de créances professionnelles (cf. la loi "Dailly" n° 81-1 du 2 janvier 1981, facilitant le crédit aux entreprises N° Lexbase : L0197G8S) étaient adossés, en leur grande majorité, à de simples factures "pro-forma". Celles-ci n'ont pas connu, la plupart du temps, de commandes futures ; en l'absence de garanties sur les intentions d'achats des clients, les factures "pro-forma" en sont venues à représenter 5,3 millions d'euros ; poursuivie jusqu'en 2004, cette pratique a représenté jusqu'à 70 % des encours.

Au vu de ces données, le couperet jurisprudentiel tombe : quand bien même la société bancaire entendait préserver les perspectives de remboursement des encours financiers accordés, une telle stratégie est condamnable. Car elle consiste à continuer d'octroyer de nouvelles aides financières "dépourvues de garanties de remboursement dans des proportions telles que [...] la banque requérante a produit un montant de créances de 7 192 342 euros". Tout est dans la proportion et l'équilibre disait le philosophe grec. La banque a fait montre de l'hybris chère au pays de Platon, d'une démesure incontrôlée qui ne peut que faire l'objet de réprobation morale, donc fiscale. Nonobstant les affirmations évoquées en amont (référence implicite à l'avis n° 385088 du 24 mai 2011 du Conseil d'Etat), il y a bien, via une mise en exergue de grosses imprudences, une forme d'automaticité entre "pertes importantes" et "acte anormal de gestion".

Le raisonnement sévère de la CAA n'est pas tempéré par l'ordonnance de non-lieu, rendue par le juge d'instruction du TGI de Mulhouse le 27 mai 2010, dont a bénéficié la société bancaire. Quand bien même la complicité de banqueroute n'a pas été retenue, cela ne saurait exonérer la banque des responsabilités qui étaient siennes : elle connaissait la situation très fortement dégradée de la société et les conditions très risquées dans lesquelles elle acceptait de lui accorder des encours. Que l'objet social de la société requérante devienne un titre supplémentaire de culpabilité apparait d'évidence : dès lors que l'activité d'octroi de crédit relève de l'objet social de la société bancaire qui l'exerce à titre habituel, elle ne peut soutenir ignorer que les encours demandés par la société "ne correspondaient pas à des besoins réels de financement liés à son activité". Invoquer son propre aveuglement est inacceptable ; quand cela est le fruit d'un professionnel, ne frise-t-on pas l'indécence ?

La société requérante a bien pris, selon la CAA, un "risque inconsidéré" et elle ne peut, à l'appui de ses prétentions en défense, prétendre qu'elle a été abusée. La CAA en tirait l'ultime conclusion suivante, logique au regard du cheminement par elle emprunté : l'administration pouvait à bon droit considéré que la quote-part des provisions figurant au bilan de la société constituait un passif injustifié et devait être réintégré dans les résultats de la société. Et au regard de "l'importance des risques pris par la société requérante", termine le juge d'appel, "des conditions dans lesquels ils ont été pris et de la circonstance qu'elle ne pouvait les ignorer", l'administration pouvait dégainer les pénalités de l'article 1729 du CGI (N° Lexbase : L4733ICB).

On le voit, les éléments susceptibles de peser à l'encontre de la société requérante ne sont pas minces ; tels que présentés par la CAA de Versailles, ils semblent justifier le rejet de la requête et la position de l'administration quant à sa décision de réintégrer dans le résultat de l'exercice clos la (grosse) somme correspondant à une fraction de la provision constituée.

L'arrêt du Conseil d'Etat du 13 juillet 2016 n'en présente que plus de portée. L'intérêt de l'entreprise a été placé au centre de l'échiquier par le Conseil d'Etat, peut-être sensible à certains arguments (puisque l'office de cassation conduit le juge, nonobstant les classiques dénégations théoriques, à évaluer des éléments de fait) de la requérante. Que l'on songe aux conséquences néfastes, pour la banque, d'un non soutien à la société puisque la première était le seul partenaire financier de la seconde depuis 1999 ! Que l'on songe à l'organisation par laquelle la banque a apporté son soutien à la société, organisation comparable à celle retenue par des banques ayant créées des filiales spécialisées dans le financement des procédures collectives proposant notamment des services de cession de créances Dailly ! Que l'on songe que le soutien apporté par la banque à la société l'a été au regard de chiffres déclarés par différents experts ! Que l'on songe que ce soutien s'est inscrit dans un contexte local appelant vivement au maintien des emplois dans la société considérée ! Que l'on songe qu'un protocole, établi en mars 1982, a permis de garantir les crédits consentis via une assurance souscrite auprès de la COFACE ! Voici autant d'éléments renvoyant à la stratégie de l'entreprise, stratégie retenue au nom de l'intérêt supposé et présumé de l'entreprise.

Cet arrêt de juillet 2016 vient s'inscrire dans ce lent et long mouvement de balancier qui innerve la matière fiscale depuis la décision "Loiseau" du 17 octobre 1990 (CE 7° et 8° s-s-r., 17 octobre 1990, n° 83310, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A4669AQY) ; décision semble-t-il alors d'espèce selon les dires d'O. Fouquet (1) mais promis à un avenir luxuriant. L'administration s'est, en effet, saisie avec stratégie de la notion d'acte anormal de gestion pour s'immiscer dans la vie de l'entreprise, diluant allègrement et volontairement la distinction entre contrôle de régularité et contrôle en opportunité. Invoquez le premier et appliquez le second ; tel semble être le crédo de l'administration dans sa volonté de préserver l'intérêt de l'Etat.

La notion de normalité étant aussi subjective que ductile, la théorie systématisée en 1990 représente un instrument dangereux, a fortiori couplé avec la théorie du risque excessif. Le Conseil d'Etat, par la décision de juillet 2016, vient rappeler que l'administration et les juges du fond ne peuvent oeuvrer en pleine subjectivité au point de menacer, de manière arbitraire car disproportionnée, le principe de non-immixtion dans la gestion des entreprises.

Il est particulièrement intéressant que le Conseil d'Etat n'ait pas repris le raisonnement de la CAA quant à l'objet social de la société requérante. Celle-ci, banquière de son état, ne se voit pas reprocher le secours prolongé apporté à la société... alors même que la banque exerce habituellement, au titre de son objet social, une activité d'octroi de crédit. Comment oublier que la notion d'acte anormal de gestion est le fruit d'une transposition, le droit fiscal s'inspirant du droit commercial pour réceptionner la notion d'acte non conforme à l'intérêt social (2) ? La décision de 2016 du Conseil d'Etat est d'autant plus salutaire que l'application des théories de l'acte anormal de gestion et du risque excessif s'inscrit dans un contexte probatoire pénalisant pour le contribuable. Le fardeau probatoire pèse le plus souvent de facto sur le contribuable en raison de la présomption d'anormalité posé par le juge. Il suffit de lire et relire la classique formule : "s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances ou d'intérêts consenti à une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties" (3).

L'arrêt présentement commenté s'inscrit dans un mouvement jurisprudentiel libéral conduisant à encadrer davantage le pouvoir interprétatif d'une administration par trop tentée de s'immiscer dans la gestion des entreprises. Après certains arrêts récents (CE 9° et 10° s-s-r., 10 février 2016, n° 371258, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7061PKQ ; CE 9° et 10° s-s-r., 15 février 2016, n° 376739, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1013PL4), cet arrêt permet au juge de cassation de redonner une certaine vigueur à l'intérêt de l'entreprise.


(1) O. Fouquet, L'immixtion de l'administration fiscale dans la gestion des entreprises : halte au feu !, La Revue administrative, sept.-oct. 2014, n° 401, p. 485, in www.etudes-fiscales-internationales.com.
(2) Voir les conclusions Racine in CE, 27 juillet 1984, n° 34580 (N° Lexbase : A2906AL9). P. Oudenot, F. Deboissy, Précis de fiscalité des groupes et des restructurations, LexisNexis, 2011, p. 173.
(3) CE 9° et 10° s-s-r., 26 février 2003, n° 223092, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3402A77).

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Procédure administrative

[Jurisprudence] La création d'un délai raisonnable de recours contentieux d'un an en cas de notification incomplète de l'acte administratif individuel

Réf. : CE, Ass., 13 juillet 2016, n° 387763, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2114RXL)

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N4033BWB

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Lorraine et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Procédure administrative"

Le 01 Septembre 2016

Dans un arrêt rendu le 13 juillet 2016, la Haute juridiction indique que le délai raisonnable au-delà duquel il est impossible d'exercer un recours juridictionnel ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse a été notifiée au destinataire de la décision ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Aux termes de l'article R. 421-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L8574KU4), "sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée". Le délai de droit commun de recours contentieux implique, en conséquence, qu'un recours contentieux doit être formé sous deux mois. L'article excepte expressément du champ d'application de la règle les actions "en matière de travaux publics", dont le juge peut être saisi par une requête portée directement devant lui, sans qu'il soit besoin pour le requérant de provoquer une décision de l'administration concernée en lui soumettant ses prétentions (1) et sans qu'on lui applique le délai de recours de deux mois qui s'impose en droit commun (2), seule la prescription quadriennale des créances publiques (3) étant opposable. Le Conseil d'Etat rappelant le principe selon lequel la dispense de délai vaut pour tout recours présenté en matière de travaux publics, même s'il porte contre une décision notifiée au demandeur (4). Dans le contentieux de droit commun, les délais et voies de recours deviennent néanmoins opposables que s'ils ont été régulièrement mentionnés et ainsi expliqués à l'administré (CJA, art. R. 421-5 N° Lexbase : L3025ALM). Dans l'hypothèse contraire, à savoir si les mentions des délais et voies de recours n'ont pas régulièrement été accomplies, le délai ne court pas et le recours est toujours possible ce qui protège le justiciable mais ce qui nuit forcément à l'action de l'administration. Cette dernière vient néanmoins de trouver un soutien de poids en la personne de l'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat qui, invoquant le principe de sécurité juridique pour que ne puisse indéfiniment être remis en cause des actes administratifs et des situations juridiques consolidés, soutient qu'il existerait un délai raisonnable d'un an au terme duquel l'exercice d'un recours contentieux ne serait plus possible malgré l'absence de mention régulière des délais et voies de recours.

Il ressort des faits de l'espèce qu'un ancien brigadier de police s'était vu notifier en 1991 l'arrêté lui concédant une pension de retraite. Cet arrêté ne prenait pas en compte la bonification d'ancienneté pour enfants reconnue, au même titre que pour les mères, aux fonctionnaires pères de famille, depuis la jurisprudence "Griesma" (5). Comme c'était, semble-t-il systématiquement le cas alors, la notification mentionnait le délai de recours juridictionnel mais ne précisait pas devant quelle juridiction le recours pouvait, le cas échéant, être exercé. Plus de vingt-deux ans plus tard, l'ex-fonctionnaire saisit en conséquence, s'appuyant sur l'article R. 421-5 du Code de justice administrative, le tribunal administratif de Lille d'un recours tendant à l'annulation de l'arrêté et à ce qu'il soit enjoint au ministre compétent de procéder à une nouvelle liquidation de sa pension en prenant en compte la bonification. La requête a été rejetée par les juges de première instance en raison de son caractère tardif. Le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi en cassation, annule, dans un premier temps, l'ordonnance des premiers juges eu égard au fait que ces derniers avaient dénaturé les pièces du dossier en jugeant que la notification comportait l'indication des voies et délais de recours conformément aux dispositions de l'article R. 421-5.

Mais il aboutit au même résultat dans la mesure où, dans un second temps, réglant l'affaire au fond, il rejette la demande du requérant en raison de son caractère tardif en affirmant que "le principe de sécurité juridique [...] fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance". Dans une telle hypothèse, "le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable ; qu'en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait [...] excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance".

D'un prime abord, la décision apparaît logique dans la mesure où l'on peut comprendre la nécessité non seulement pratique pour l'administration mais aussi au nom du principe de sécurité juridique d'invoquer un tel "délai raisonnable" afin de ne pas trop fragiliser, sinon bloquer l'action administrative. Ce sont à des effets d'aubaine et, plus généralement aux contestations très tardives dont les intéressés avaient, à l'évidence, connaissance, que l'assemblée du contentieux met un terme en confirmant, comme le lui suggérait d'ailleurs le Rapporteur public Olivier Henrard, que le principe de sécurité juridique puisse également profiter à l'administration. De nombreux retraités avaient obtenu satisfaction dans un tels cas dans la limite de la prescription quadriennale. On peut citer, par exemple, l'arrêt "Grandry" qui avait déclaré recevable la requête d'un fonctionnaire, qui, s'étant vu concéder une pension en 1993, avait demandé en 2008 l'annulation de l'arrêté de concession de pension dont la notification n'indiquait pas les voies de recours, en tant qu'il ne prenait pas en compte la bonification pour enfant (6).

Mais, avec un peu plus de recul, elle peut être sujette à caution eu égard à l'atteinte portée notamment au droit au recours et aux inconvénients liés à l'interprétation du principe de sécurité juridique, le Conseil d'Etat se commentant et se jugeant d'ailleurs lui-même, de façon assez originale et prémonitoire, dans le sixième considérant en soulignant que sa nouvelle règle générale de procédure (c'est le juge lui-même qui qualifie la règle nouvelle ainsi) "ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs".

Au final, il faut retenir que la décision du juge administratif donne une portée nouvelle au principe de sécurité juridique en l'appliquant à l'activité de l'administration (I). Cette nouvelle façon de faire n'est pas condamnable en soi dans la mesure où elle s'inscrit, par certains côtés, dans le cadre d'une jurisprudence récente liée à la théorie de la connaissance acquise et dans la mesure où elle tente de concilier habilement le droit au recours et la nécessaire préservation des situations juridiques liées à l'intérêt général. Mais, par certains traits, elle est susceptible de faire persister certaines contrariétés tenant pour l'essentiel à des atteintes liées à l'accès au juge (II).

I - La portée nouvelle du principe de sécurité juridique : l'application à l'activité de l'administration

La dernière jurisprudence en date quant à la question de la notification des délais et voies de recours du juge administratif a surtout contribué sinon au renforcement, au moins à la garantie du droit à un recours effectif tout en incitant les administrations, même de bonne foi, à plus de rigueur dans la formulation de leurs notifications. Le principe d'une mention complète des délais et voies de recours est ainsi devenu une déclinaison importante du principe de sécurité juridique ce que confirme l'arrêt d'espèce (A). Mais si toute les décisions ont surtout été prises dans l'intérêt des justiciables, le principe de sécurité juridique ne s'est que rarement appliqué en faveur de l'administration. La tendance est pourtant, comme le confirme l'arrêt d'espèce et la résurgence de la théorie de la connaissance acquise, à appliquer le principe pour la stabilité du droit en général et non simplement pour la stabilité des droits individuels (B).

A - Un principe qui se décline à travers la mention complète des délais et voies de recours dans la notification de l'acte administratif

La règle posée par l'art. R. 421-5 du Code de justice administrative a été consacrée par un décret du 28 novembre 1983 (7) dans l'intention du justiciable et elle a, en grande part, fini par avoir eu raison de la théorie de la connaissance acquise (8) à laquelle le juge administratif pouvait faire appel pour déclarer la requête tardive quand il considérait que son auteur connaissait l'acte attaqué plus de deux mois avant de la déposer et ceci en totale dérogation au principe selon lequel le recours contentieux peut être indéfiniment formé tant qu'il n'a pas été donné publicité à l'acte en cause. La jurisprudence administrative a tenu compte de cette innovation et a ainsi progressivement abandonné son raisonnement selon lequel la formation d'un recours impliquait la connaissance des délais et voies de recours. Elle a appliqué ce raisonnement d'abord aux recours administratifs (9) puis elle a étendu la solution, par une motivation identique, à l'exercice d'un recours juridictionnel (10). Si une personne forme un recours administratif ou juridictionnel, le délai commence à courir non pas à compter de la formation de celui-ci mais à compter de la réception d'une réponse expresse de l'administration comportant les informations prescrites. La connaissance acquise résultant d'un recours administratif ou juridictionnel ne pouvant suppléer l'absence de mention des voies et délais de recours.

Sauf à faire que la protection du justiciable devienne illusoire, le Conseil d'Etat a ainsi jugé que l'Administration doit porter à la connaissance de l'intéressé les "voies et délais de recours possibles" (11). Sont visés par cette obligation les recours contentieux et, s'il y a lieu, les recours administratifs préalables obligatoires (12). Puis, la jurisprudence administrative a imposé que la mention des voies et délais de recours comporte l'indication selon laquelle le recours contentieux "doit être formé auprès de la juridiction administrative de droit commun ou devant une juridiction spécialisée, et, dans ce dernier cas, elle doit préciser laquelle" (13). Il convient donc d'indiquer si c'est le tribunal administratif qui doit être saisi ou une juridiction administrative spécialisée déterminée. Tel n'était pas le cas en l'espèce et l'annulation de l'ordonnance du tribunal administratif de Lille par le Conseil d'Etat s'imposait sur ce fondement. Dans le cas où la recevabilité d'une demande contentieuse est subordonnée à la formation d'un recours administratif préalable obligatoire, l'absence d'indication sur l'existence et le caractère "obligatoire" de ce recours administratif préalable empêche aussi que cette notification fasse courir le délai de recours (14). La mention de la possibilité d'exercer un recours administratif et des conséquences d'un tel recours sur le délai de recours contentieux n'est, par contre, pas imposée dans l'hypothèse d'un recours administratif facultatif et n'emporte ainsi aucune incidence sur le déclenchement du délai de recours (15).

En revanche, la jurisprudence n'exige pas que d'autres informations soient fournies pour l'exercice des voies et délais de recours. Par exemple, il n'est pas exigé d'indiquer la juridiction compétente à l'intérieur de la juridiction administrative pour connaître du recours (16), l'adresse de la juridiction (17) ou encore la possibilité d'enregistrer les requêtes par une boîte aux lettres extérieure pourvue d'un horodateur (18). Mais, l'autorité administrative a toujours la faculté de faire figurer, dans ses décisions, des informations supplémentaires relatives aux voies et délais de recours. Il lui faut alors prendre quelques précautions de rédaction. Le Conseil d'Etat juge, en effet, qu'il est loisible à l'administration d'"ajouter la mention des recours gracieux et hiérarchiques facultatifs, à la condition toutefois qu'il n'en résulte pas des ambiguïtés de nature à induire en erreur les intéressés dans des conditions telles qu'ils pourraient se trouver privés du droit à un recours contentieux effectif" (19). A noter, cependant, qu'il a été jugé, récemment, que le requérant ne "saurait se prévaloir de telles ambiguïtés que dans le cas où elles seules sont à l'origine de la tardiveté de son recours" (20). Hormis cette dernière hypothèse, le Conseil d'Etat consacre ainsi, de façon générale, le principe d'intelligibilité des notifications des voies et délais de recours (21) et contribue, sinon au renforcement, au moins à la garantie du droit à un recours effectif tout en incitant les administrations, même de bonne foi, à plus de rigueur dans la formulation de leurs notifications.

Il y aussi le cas de l'absence ou de l'insuffisance d'information sur le contenu de la décision. Lorsqu'un texte prévoit un mode de publicité spécifique, l'administration est tenue de le respecter. Dans l'hypothèse d'une absence de publicité ou d'une publicité irrégulière, le délai ne court pas (22). Ainsi, lorsqu'une décision doit être notifiée, la circonstance qu'elle ait fait l'objet d'une publication au Journal officiel ne fait pas courir le délai de recours (23). Inversement, ne fait pas courir le délai de recours la notification d'une décision qui aurait dû faire l'objet d'une publication (24) ou d'un affichage (25). A fortiori, il ne court pas contre une décision qui n'a été ni signifiée, ni notifiée même si le requérant en a eu connaissance (26). De même, le délai de recours ne peut commencer à courir que lorsque l'intéressé a pu avoir une connaissance adéquate de la décision qu'il conteste. Lorsqu'est publié au Journal officiel un extrait du décret de classement avec l'indication que le texte complet et les plans annexés peuvent être consultés en préfecture et en mairie, le point de départ du délai de recours court à compter de la date à laquelle il est établi que le texte complet du décret et ses annexes ont effectivement été déposés à la préfecture et en mairie et sont à la disposition du public qui peut les consulter (27). Dans la même perspective, et très récemment, le Conseil d'Etat a précisé, à propos d'une décision mixte, à la fois réglementaire et individuelle, de classement d'un site que, s'il était loisible à l'administration de publier la décision par voie d'extrait au Journal officiel, elle se devait néanmoins "d'indiquer les modalités selon lesquelles il peut être pris connaissance de son texte intégral et des pièces qui y sont annexées". Le délai de recours ne courant, dans ces conditions, qu'"à compter de la date à laquelle il peut être pris connaissance du texte intégral" (28).

B - Un principe qui vise dorénavant à assurer la stabilité du droit en général et non simplement la stabilité des droits individuels

Jusqu'alors, le principe de sécurité juridique était davantage tourné vers les administrés destinataires des notifications des décisions plutôt que vers les autorités administratives. Il a ainsi été jugé que l'administration ne pouvait se réfugier derrière l'absence de notification des voies et délais de recours pour retirer un acte administratif au motif que celui-ci était toujours susceptible de recours (29). L'interprétation plus récente de la question est un peu plus confuse dans la mesure où, dans des espèces similaires, les juges du fond ont pu, successivement et a contrario, mettre en avant que l'administration ne pouvait utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 421-5 pour justifier le caractère tardif de sa requête à propos d'un avis émis par un conseil de discipline de recours sans notification des délais et voies de recours eu égard au fait que celui-ci avait été rendu dans le cours et à l'occasion d'une procédure disciplinaire par définition initiée par l'administration à l'encontre d'un de ses agents (30).

La cour administrative d'appel de Bordeaux a pourtant adopté une position radicalement opposée en jugeant que la connaissance d'un avis du conseil de discipline était sans incidence sur l'application des dispositions de l'article R. 421-5 et que la notification sans mention des délais et voies de recours impliquait que la requête de la communauté d'agglomération ne pouvait être considérée comme fautive (31). Dans la même logique, l'erreur dans l'indication des voies et délais de recours profite toujours au destinataire. Ainsi, par exemple, le délai ne court pas lorsque la notification comporte des indications erronées relatives au délai de recours contentieux (32). Si le délai indiqué dans la notification est inférieur à celui organisé par les textes, le délai à retenir est celui qui aurait du être notifié (33). En revanche, si le délai indiqué s'avère supérieur à celui prévu par les textes, ce délai notifié bénéficie au requérant (34).

Dans la logique inverse d'un retour de l'application du principe de sécurité juridique à l'administration, il faut relever plusieurs décisions récentes montrant que le Conseil d'Etat limite la portée des règles touchant à la mention des délais et voies de recours et du droit d'accès effectif au juge. Ainsi, dans le contentieux des décisions de préemption, il a été jugé que lorsque l'acquéreur évincé sollicitant la rétrocession du terrain préempté a joint à sa demande une copie intégrale de la décision de préemption, il doit être réputé avoir eu connaissance de cette décision et des voies et délais de recours, dans des conditions et garanties équivalentes à la notification prévue à l'article R. 421-5. Par suite, le délai de recours contentieux contre cette décision a commencé à courir à l'égard de l'acquéreur évincé au plus tard à la date de cette jonction (35). Il a été jugé de même dans une autre espèce où le requérant avait exercé un recours contre une décision ordonnant son changement d'affectation au sein d'un centre d'incendie et de secours, la date du recours juridictionnel déclenchant alors le délai de recours contentieux sans notification (36). On retrouve la même jurisprudence dans le cadre d'une décision implicite de rejet, le délai de recours contentieux courant à compter de la date d'introduction de la requête (37).

C'est le cas encore dans le cadre de l'exercice successif de deux recours contentieux dirigés contre la même décision. Le second recours ne pouvait être considéré comme fautif puisque, faute de mentions du délai de recours, celui-ci n'avait pas pu être déclenché sauf si on applique la théorie de la connaissance acquise, le premier recours ayant révélé la connaissance de la décision. Dans ces conclusions, le rapporteur public proposait de faire prévaloir la lettre de l'article R. 421-5 sur la théorie de la connaissance acquise (38). Le Conseil d'Etat ne l'a pas suivi, la requérante se trouvant forclose au moment de l'introduction de sa seconde requête qui présentait un caractère tardif (39). La solution privant de portée l'article R. 421-5 dans l'hypothèse où deux recours successifs sont formés contre une décision non notifiée.

Enfin, en matière d'urbanisme individuel, une jurisprudence abondante considérait que la publication du permis de construire sur le chantier n'était propre à déclencher le délai de recours contentieux que si elle était complète et régulière. Les lacunes ou les erreurs qui affectaient certaines mentions du panneau d'affichage étant susceptibles de faire obstacle à une éventuelle forclusion (40). Une affaire récente devant le Conseil d'Etat soulevait la question de savoir si la théorie de la connaissance acquise pouvait prévaloir dans l'hypothèse où le panneau d'affichage ne comprenait pas les informations sur les voies et délais de recours contentieux. Le Conseil d'Etat avait déjà eu l'occasion de juger que l'absence de cette mention empêchait le délai de courir (41) et que la connaissance des voies et délais de recours était "indispensable pour permettre aux tiers de préserver leurs droits et d'arrêter la décision de former ou non un recours contre l'autorisation de construire" (42). Le Conseil d'Etat n'a pas tenu compte de ses jurisprudences et a fait prévaloir la théorie de la connaissance acquise eu égard à l'exercice d'un recours administratif ou contentieux préalable (43).

La décision d'espèce s'inscrit donc ici dans un certain mouvement jurisprudentiel qui, s'il se comprend eu égard à l'intérêt de préserver les situations juridiques acquises lorsqu'elles concernent d'autant plus l'intérêt général face aux requêtes toujours de plus en plus tardives, n'en laisse pas néanmoins subsister certaines atteintes aux droits fondamentaux des justiciables et notamment celle qui concerne leur droit fondamental à l'accès au juge.

II - Des atteintes persistantes aux droits fondamentaux : le droit à l'accès au juge

C'est dans une optique de conciliation que le juge, en l'espèce, applique, pour une fois, le principe de sécurité juridique à l'activité administrative et en faveur de l'administration et non, comme c'est de coutume, en faveur des administrés. Conciliation entre, d'une part, le droit au recours et l'accès au juge tel que défendu notamment par le juge européen et, d'autre part, la nécessaire préservation des situations juridiques liées à l'intérêt général. C'est le but visé par la mise en place de cette nouvelle règle générale de procédure (tel que précisée par le Conseil d'Etat lui-même en l'espèce), liée au délai raisonnable d'un an (A), nouvelle règle qui, si elle se comprend pour ne pas fragiliser sinon bloquer l'action administrative, n'en reste pas moins discutable quant à sa légitimité par rapport au droit au recours, de multiples situations pouvant priver le justiciable de bonne foi d'un accès au juge (B).

A - Le délai raisonnable de recours contentieux d'un an : une conciliation entre le droit au recours et la nécessaire préservation des situations juridiques

Suite à l'arrêt d'espèce, on peut fixer le nouvel état du droit de la façon suivante : quand la notification de la décision administrative litigieuse est complète, le principe demeure le délai de recours de deux mois. Lorsque l'obligation d'information n'a pas été exécutée de manière complète ou lorsque la preuve de l'exécution de cette obligation ne peut être rapportée, le délai de recours de deux mois n'est plus opposable, seul est dorénavant opposable un "délai de recours raisonnable" que le Conseil d'Etat évalue à un an (44). Ce délai courant soit de la date de notification, soit de la date de prise de connaissance établie de la décision litigieuse par le requérant ce qui, indirectement, rappelle les éléments mentionnés précédemment tenant à la résurgence de la théorie de la connaissance acquise. La possibilité, dans ce cas, de laisser courir indéfiniment le délai de recours étant supprimée par la règle du délai raisonnable d'un an. A noter cependant que le délai n'est opposable au requérant qu'à certaines conditions tenant, pour la principale d'entre elle (45), au fait que ce dernier ne se prévale pas de "circonstances particulières", le délai d'un an n'est, en conséquence, pas automatique et l'opposition du délai dépendra de l'interprétation restrictive ou extensive qu'adoptera le Conseil d'Etat quant à cette notion de "circonstances particulières".

Sur le fond, ce n'est pas la première fois que le Conseil d'Etat pose, lui-même, un délai pour agir. On se souvient notamment du délai de quatre mois mis en place par le juge pour retirer un acte individuel créateur de droits entaché d'illégalité (46). Mais cette manière prétorienne peut aussi être rapprochée d'une tendance plus générale à consacrer dans les différents contentieux cette notion de délai raisonnable de recours. A titre d'exemple, on peut mentionner une innovation législative toute récente matérialisée par loi du 20 avril 2016, relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires (47). L'innovation de la loi consistant, aussi bien pour les fonctions publiques civiles (48) que pour leur homologue militaire (49), en la consécration d'une prescription triennale de l'action disciplinaire. A l'inverse du Code du travail (50), le droit de la fonction publique reposait classiquement jusque là sur des poursuites imprescriptibles (51). Cette solution classique était contestée par certaines juridictions du fond qui lui préféraient la consécration d'un délai raisonnable de poursuite (52) mais n'avait pas, malgré cela, été abandonnée par le Conseil d'Etat (53). Sans doute celui-ci avait-t-il estimé qu'il appartenait au seul législateur de fixer un tel délai (54).

Il nous semble qu'un raisonnement identique puisse être appliqué au cas d'espèce. Le juge a fixé une règle générale de procédure (énoncé clairement par le Conseil d'Etat au sixième considérant de l'arrêt d'espèce) et non un principe général du droit qui impliquerait de donner à la norme jurisprudentielle nouvellement créée un rang "supradécrétal" ou "infralégislatif" selon la terminologie utilisée par le professeur Chapus. La règle générale de procédure n'intervient, de façon générale, que pour fixer les éléments d'une procédure juridictionnelle et n'est que supplétive par rapport au pouvoir réglementaire (55). Certains auteurs appellent, dans ce sens, à une intervention du pouvoir réglementaire pour clairement déroger à la règle eu égard, notamment, à l'atteinte grave à l'accès au juge (56) et à la difficulté, pour l'administré de faire face, au final, à une norme établie en marge du texte (57). Mais, pourquoi plutôt ne pas alors la consacrer suite à l'intervention du Conseil d'Etat pour rendre ainsi la nouvelle norme sans équivoque. Reste néanmoins la question de l'atteinte au droit au recours ?

B - Des situations possibles privant le justiciable de bonne foi d'un accès au juge

L'indication complète des voies et délais de recours est importante pour le justiciable dans la mesure où est en jeu le droit au recours et l'accès au juge, accès dont le Conseil constitutionnel (58), le Conseil d'Etat (59) et la Cour européenne des droits de l'Homme (60) rappellent le caractère fondamental dans leurs jurisprudences respectives. Certains auteurs voient dans la décision d'espèce une "atteinte grave à la substance du droit au recours" (61), notamment en ce que la règle nouvelle donnera "finalement une prime aux mauvaises administrations qui n'auront plus qu'à attendre le "délai raisonnable" pour être assurées de l'incontestabilité de leurs décisions" (62).

Il résulte, notamment, d'un arrêt récent de la Cour de Strasbourg du 9 janvier 2014 sur la question (63) que le "droit à un tribunal" consacré par l'article 6 § 1 de la Convention (N° Lexbase : L7558AIR), dont le droit d'accès au juge constitue un aspect, n'est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, notamment en ce qui concerne les conditions de la recevabilité d'un recours, car il appelle de par sa nature même une réglementation par l'Etat, lequel jouit, à cet égard, d'une certaine marge d'appréciation (point n° 29 de la décision précitée). Néanmoins, les limitations appliquées ne doivent pas restreindre l'accès ouvert au justiciable dans une mesure telle que serait atteint son droit dans sa substance même (point n° 30). Dans l'arrêt "Geouffre de la Pradelle" (64), la Cour avait pu souligner l'extrême complexité du droit positif qui résultait de la législation relative à la protection des sites avec la jurisprudence concernant la catégorisation des actes administratifs (décision réglementaire ou acte administratif individuel). La Cour rappelant que compte tenu de la procédure effectivement suivie par l'intéressé, elle était propre à créer un état d'insécurité juridique quant au mode de calcul du délai de recours (point n° 33). Le requérant était en droit de compter sur un système cohérent ménageant un juste équilibre entre les intérêts de l'administration et les siens. Le moins que l'on puisse dire, concernant le cas d'espèce, est que l'on pourrait être assez pessimiste sur la conventionnalité de la nouvelle règle de procédure sachant que cette dernière apparaît complexe dans sa mise en oeuvre. De nombreuses conditions, parfois imprécises pour certaines d'entre elles, devront, en effet, être discutées par les parties puis appréciées par le juge administratif avant que la règle ne soit opposée.

De plus, ces limitations ne sont compatibles avec l'article 6 § 1 de la Convention que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (65). En ce sens, la portée de la règle nouvelle, en l'espèce, va grandement dépendre de son accueil par les juridictions administratives dans les mois et années à venir et de l'application de certaines conditions notamment celle tenant à la condition "des circonstances particulières" dont peut se prévaloir le requérant pour ne pas se voir appliquer ce délai raisonnable d'un an. Si cette dernière est interprétée restrictivement, les situations dans lesquelles le justiciable ne pourra plus contester, de bonne foi, une décision administrative individuelle peuvent se multiplier notamment quant il y a dialogue avec l'administration. La mention des délais et voies de recours est destinée à renforcer les droits des administrés et non ceux de l'administration qui, au nom du même principe de sécurité juridique, ce qui est paradoxal, pourrait largement profiter de cet élément de stratégie contentieuse à son avantage. Le but pourrait ainsi ne plus être légitime et il existerait un rapport déraisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé au sens de la jurisprudence européenne.

En conclusion, il convient forcément, de prime abord, d'être sceptique sur la conventionnalité de la règle au regard de la question de l'accès au juge mais, au-delà de cette question, nous ne partageons pas les critiques émises quant à la dangerosité du pouvoir créateur du juge administratif en la matière. Dans ce type de contentieux, le juge administratif s'est toujours efforcé, qui plus est récemment, de concilier les deux aspects du principe de sécurité juridique que sont le droit au recours pour les administrés et la préservation des situations juridiques pour l'administration, fut ce au prix d'une action prétorienne. Mettre fin à la possibilité infinie de contester un acte pour défaut de publicité n'a rien de choquant tant l'excessive tardiveté peut entrainer des conséquences dommageables peu compatibles avec l'intérêt général et que l'équilibre est maintenu entre la sécurité juridique de l'administré et celle de l'administration. Et là encore, tout dépendra de l'interprétation que feront les juridictions administratives des différentes conditions posées par le juge. Si cette interprétation ne sera pas restrictive, il nous semble que la règle du délai raisonnable d'un an maintiendra l'équilibre voulu et doit, en ce sens, être approuvée, fut-ce par une création prétorienne sujette à caution.


(1) Pour une affirmation explicite : CE, 26 juin 1996, n° 93398 (N° Lexbase : A0040AP8).
(2) Par exemple, CE, 8 juillet 1998, n° 151261, 151262, 151263 (N° Lexbase : A5729B7C), Rec. CE, Tables, p. 780, ou CE, 11 octobre 2012, n° 340857 (N° Lexbase : A2685IUY).
(3) Selon laquelle la créance sur une personne publique, quelle que soit la nature, s'éteint au bout de quatre ans : loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, art. 1er (N° Lexbase : L6499BH8).
(4) Tout comme du reste l'article R. 421-1 du Code de justice administrative, il n'opère donc aucune distinction en fonction de la nature du recours. Depuis la décision CE, 6 décembre 2013, n° 344062 (N° Lexbase : A8490KQI), la notification d'une décision par laquelle l'autorité compétente rejette une réclamation relative à une telle créance ne fait pas courir le délai de deux mois pour saisir le juge. Avant cette décision, le délai de recours contentieux de deux mois était applicable aux demandes dirigées contre les décisions opposant la déchéance quadriennale, même si la créance à laquelle est opposée cette déchéance intéresse la matière des travaux publics en vertu de la décision (CE, 31 mai 1972, n° 79437 N° Lexbase : A1296B9U).
(5) Le Conseil d'Etat reconnaissant l'incompatibilité des dispositions de l'article L. 12 du Code des pensions civiles et militaires de retraite (N° Lexbase : L9640KCZ) avec les engagements internationaux de la France, en ce qu'elles réservaient le bénéfice de la bonification d'ancienneté pour enfant qu'elles prévoyaient aux seules femmes fonctionnaires : CE, 29 juillet 2002, n° 141112 (N° Lexbase : A1869AZA), AJDA, 2002, p. 823, concl. F. Lamy, D. 2002, p. 2832, note A. Haquet, Dr. soc., 2002, p. 1131, note X. Prétot.
(6) CE, 24 juillet 2009, n° 322806 (N° Lexbase : A1133EK8).
(7) Décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983, concernant les relations entre l'administration et les usagers (N° Lexbase : L0278A3P).
(8) Règle qui considère que le déclenchement du délai ne va pas forcément résulter que de la publicité mais qu'il peut courir à l'encontre du requérant à compter de la date à laquelle le juge établit qu'il connaissait l'acte attaqué (et ceci alors même que ce dernier n'avait pas fait l'objet d'une publicité).
(9) CE, Sect., 13 mars 1998, n° 120079 (N° Lexbase : A6552ASH), Rec. CE, p. 80, AJDA, 1998, p. 613, concl. J.-D. Combrexelle, RFDA, 1998, p. 1184, note B. Seiller, RDP, 1999, p. 759, note P. Fraissex, RDP, 2000, note X. Cabanne.
(10) CE, 8 juillet 2002, n° 229843 (N° Lexbase : A1539AZZ), Rec. CE, p. 265.
(11) CE, Ass., 24 octobre 1997, n° 123950 (N° Lexbase : A4472ASG), Rec. CE, p. 371, RFDA, 1998, p. 527, concl. V. Pécresse, AJDA, 1998, p. 936, chron. T.-X. Girardot et F. Raynaud, D., 1998, p. 202, note J.-F. Brisson.
(12) CE, 15 novembre 1995, n° 158011 (N° Lexbase : A6738ANU).
(13) CE, 15 novembre 2006, n° 264636 (N° Lexbase : A3520DS8), Rec. CE, tables, p. 713.
(14) CE, 1er avril 1998, n° 142520 (N° Lexbase : A7021AST), ou CE, 28 juillet 1999, n° 151963 (N° Lexbase : A4376AXD).
(15) CE, 15 novembre 1995, n° 158011, préc.. Pour une réaffirmation a contrario du principe : CE, 15 novembre 2006, n° 264636 (N° Lexbase : A3520DS8), AJDA, 2006, p. 2207, ou, plus récemment, TA Melun, 20 décembre 2013, n° 1210636/4, AJDA, 2014, concl. S. Nourisson.
(16) CE, 4 novembre 1992, n° 120283 (N° Lexbase : A8281AR7), Rec. CE, tables, p. 1205.
(17) CE, 14 février 1994, n° 78467 (N° Lexbase : A9994B7B), ou CE, 21 juin 1996, n° 170131 (N° Lexbase : A9915ANK).
(18) CE, 2 décembre 1991, n° 126247 (N° Lexbase : A0592ARD).
(19) CE, 4 décembre 2009, n° 324284 (N° Lexbase : A3351EPS), Rec. CE, tables, pp.781 et 884, AJDA, 2010, p. 555, note P. Caille.
(20) La requête avait été rejetée, en l'espèce, parce que le requérant n'avait pris connaissance de l'arrêté litigieux et des mentions concernant les voies et délais de recours portées dans sa notification que postérieurement, de son propre fait, à l'expiration du délai de recours : CAA Nantes, 22 octobre 2015, n° 14NT03169 (N° Lexbase : A1827NU9), AJDA, 2016, p. 293.
(21) Cf. en ce sens, P. Caille, L'application du principe d'intelligibilité aux notifications des voies et délais de recours, AJDA, 2010, p. 555, note précitée sous CE, 4 décembre 2009, n° 324284, préc..
(22) CE, 16 mars 1951, Bradier, Rec. CE, p.167, ou CE, 8 juin 1951, Syndicat des employés de la préfecture d'Alger, Rec. CE, p. 324.
(23) CE, 11 octobre 1957, Pierrotet, Rec. CE, p. 527 ; CE, Sect., 28 janvier 1966, n° 61281 (N° Lexbase : A8797B8C), Rec. CE, p. 67 ; CE, Sect., 29 décembre 2000, n°s 197739, 202564, 202564 (N° Lexbase : A6433APX).
(24) CE, 19 février 1993, n° 106792 (N° Lexbase : A8559AMX), Rec. CE, tables, p. 945.
(25) CE, 20 juillet 1990, n° 77906 (N° Lexbase : A5653AQG), Rec. CE, p. 225.
(26) CE, 21 février 1992, n° 78320 (N° Lexbase : A5959AR7), JCP éd. A, 1992, IV, n° 1458, note C. Rouault.
(27) CE, 8 juillet 1992, n° 122262 (N° Lexbase : A7478ARE), Rec. CE, p. 286.
(28) Cf. CE, 6 juillet 2016, n° 390891 (N° Lexbase : A6117RWH) et nos obs., Publication régulière d'une décision par voies d'extraits dans la mesure où elle indique les modalités d'accès au texte intégral et aux pièces annexées à la décision, Lexbase éd. pub., n° 426, juillet 2016 (N° Lexbase : N3900BWD).
(29) CE, Ass., 24 octobre 1997, n° 123950, préc..
(30) CAA Marseille, 13 décembre 2011, n° 10MA00053 (N° Lexbase : A1260ICN), AJDA, 2012, p. 511.
(31) CAA Bordeaux, 15 janvier 2013, n° 12BX00074 (N° Lexbase : A3199I4A), AJDA, 2013, p. 1033.
(32) CE, 8 janvier 1992, n° 113114 (N° Lexbase : A5426ARE), Rec. CE, tables, p. 1204 ; CAA Paris, 8 octobre 1993, n°s 92PA00546, 92PA00545 (N° Lexbase : A8876BH9), AJDA, 1993, p. 870, concl. Albanel ; CE, 22 octobre 2010, n° 339363 (N° Lexbase : A4565GC3).
(33) CE, 22 octobre 2010, n° 339363, préc..
(34) CE, 8 janvier 1992, n° 113114, préc..
(35) CE, 1er juillet 2009, n° 312260 (N° Lexbase : A5640EIQ), AJDA, 2009, p. 1341, obs. M.-C. Montecler.
(36) CE, 28 octobre 2009, n° 299252 (N° Lexbase : A6005EMD).
(37) CE, 17 décembre 2010, n° 314431 (N° Lexbase : A6648GNK), AJDA, 2010, p. 2462, obs. C. Biget.
(38) Conclusions G. Pelissier, AJDA, 2014, p. 358.
(39) CE, 11 décembre 2013, n° 365361 (N° Lexbase : A3728KRI), JCP éd. A, 2014, n° 2218, comm. O. Le Bot, AJDA, 2014, concl. G. Pelissier, p. 358.
(40) Cf. par ex., CE, 6 juillet 2012, n° 339883 (N° Lexbase : A4695IQX).
(41) CE, 1er juillet 2010, n° 330702 (N° Lexbase : A6070E39), Rec. CE, tables, p. 1022, BJDU, 2010, n° 4, p. 303, concl. P. Collin.
(42) CE, avis, 19 novembre 2008, n° 317279 (N° Lexbase : A3204EBB), BJDU, 2009, n° 1, p. 48, concl. B. Bourgeois-Machureau.
(43) CE, 15 avril 2016, n° 375132 (N° Lexbase : A7099RIR).
(44) Le délai de recours raisonnable n'est pas opposable lorsque le requérant se prévaut de "circonstances particulières" ou qu'un texte prévoit un délai particulier excédant le délai d'un an.
(45) Les autres conditions tiennent notamment au fait qu'il n'existe pas de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, que la preuve de l'exécution de l'obligation d'information ne puisse être rapportée ou que le requérant soit encore le destinataire de la décision litigieuse.
(46) CE, Ass., 26 octobre 2001, n° 197018 (N° Lexbase : A1913AX7), RFDA, 2002, p. 77, concl. F. Séners, p. 88, note P. Delvolvé, AJDA, 2001, p. 1034, chron. M. Guyomar et P. Collin.
(47) Loi n° 2016-483 du 20 avril 2016, relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires (N° Lexbase : L7825K7X).
(48) Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, art. 19 (N° Lexbase : L6938AG3).
(49) C. def., art. L. 4137-1 (N° Lexbase : L8093K7U).
(50) Où "aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales" (C. trav., art. L. 1332-4 N° Lexbase : L1867H9Z).
(51) Le Conseil d'Etat estimant "qu'aucun texte n'enferme dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire" (CE, Ass., 27 mai 1955, Sieur Deleuze, Rec. CE, p. 296, AJDA, 1955, II, p. 275, concl. P. Laurent ou CE, 14 juin 1991, n° 86294 N° Lexbase : A0378ARG, Rec. CE, tables, p. 1022, AJDA, 1991, p. 506, chron. C. Maugüé et R. Schwartz).
(52) Voir, par ex., CAA Marseille, 13 décembre 2011, n° 09MA03062 (N° Lexbase : A1252ICD), AJDA, 2012, p. 837, note G. Peiser, AJCT, 2012, p. 270, obs. R. Bonnefont.
(53) CE, 12 mars 2014, n° 367260 (N° Lexbase : A5848MH3), AJDA, 2014, p.1446, note F. Melleray, JCP éd. A, 2014, n° 2182, note D. Jean-Pierre.
(54) Voir en ce sens E. Aubin, L'imprescriptibilité des poursuites disciplinaires dans la fonction publique, JCP éd. A, 2015, n° 2077.
(55) Voir J. Sirinelli, Les règles générales de procédure, RFDA, 2015, p. 358.
(56) Cf. en ce sens F. Rollin dans une lettre gracieuse publiée sur Internet et adressée au Président de la République et M. Touzeil-Divina, A propos de l'opposabilité des délais et voies de recours : un arrêt "raisonnable" de règlement ?", JCP éd. A, 2016, act., n° 638.
(57) Cf. en ce sens, P. Caille, Le recours déraisonnable à la notion de délai raisonnable de recours : ô sécurité juridique, que de libertés prises en ton nom !, note sous décision d'espèce, Revue générale du droit, on line 2016, n° 24113.
(58) Cons. const., décision n° 96-373 DC du 9 avril 1996 (N° Lexbase : A8338ACS), AJDA, 1996, p. 371, note O. Schrameck, RDP, 1996, p. 953, note F. Luchaire.
(59) CE, 29 juillet 1998, n° 188715 (N° Lexbase : A8092ASI), Rec. CE, p. 313, AJDA, 1998, p. 1010, concl. R. Schwartz.
(60) CEDH, 16 décembre 1992, Req. 87/1991/339/412 (N° Lexbase : A6547AWE), D. 1993, p. 561, note F. Benoit-Rohmer et CEDH, 4 décembre 1995, Req. 21/1995/527/613 (N° Lexbase : A8327AWC), RFDA, 1996, p. 561, note M. Dreiffus.
(61) F. Rollin, dans la lettre gracieuse publiée sur Internet et adressée au président de la République précitée.
(62) Ibid.
(63) CEDH, 9 janvier 2014, Req. 71658/10 (N° Lexbase : A0740KTL), AJ pénal, 2014, p. 241, obs. S. Lavric, Dalloz, actualité, 15 janvier 2014, obs. A. Portmann.
(64) CEDH, 16 décembre 1992, Req. 87/1991/339/412, préc..
(65) Point n° 30, rappelant notamment l'arrêt CEDH, 17 janvier 1970, Req. 2689/65 (N° Lexbase : A9403MKH).

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Procédure pénale

[Brèves] Notion de détention et mandat d'arrêt européen

Réf. : CJUE, 28 juillet 2016, aff. C-294/16 PPU (N° Lexbase : A0123RY9)

Lecture: 2 min

N4014BWL

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Le 01 Septembre 2016

La notion de "détention", au sens de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002, désigne une mesure non pas restrictive, mais privative de liberté et vise, outre l'incarcération, toute mesure ou ensemble de mesures imposées à la personne concernée, qui, en raison de leur genre, de leur durée, de leurs effets et de leurs modalités d'exécution, privent la personne concernée de sa liberté de manière comparable à une incarcération. Par conséquent, l'autorité judiciaire de l'Etat membre d'émission du mandat d'arrêt européen est tenue d'examiner si les mesures prises à l'égard de la personne concernée dans l'Etat membre d'exécution doivent être assimilées à une privation de liberté et constituent, dès lors, une "détention". Telle est réponse donnée par un arrêt de la CJUE, rendu le 28 juillet 2016 (CJUE, 28 juillet 2016, aff. C-294/16 PPU N° Lexbase : A0123RY9 ; lire le commentaire de C. Brahinski N° Lexbase : N4044BWP). En l'espèce, le tribunal d'arrondissement a condamné M. J. à une peine privative de liberté d'une durée de trois ans et deux mois. M. J. s'étant soustrait à la justice polonaise, un mandat d'arrêt européen a été émis à son encontre. Le 18 juin 2014, M. J. a été arrêté par les autorités du Royaume-Uni en exécution de ce mandat d'arrêt européen. Du 19 juin 2014 au 14 mai 2015, M. J., libéré moyennant le paiement d'une caution, a été soumis à l'obligation de demeurer à l'adresse qu'il avait indiquée, de 22 heures à 7 heures, cette obligation étant assortie d'une surveillance électronique. En outre, M. J. s'est vu imposer l'obligation de se présenter à un commissariat de police, de ne pas solliciter la délivrance de documents lui permettant de voyager à l'étranger et de conserver constamment un téléphone cellulaire en état de marche et chargé. Ces mesures ont été appliquées jusqu'au 14 mai 2015, date à laquelle l'intéressé a été remis aux autorités polonaises. Devant la juridiction polonaise, M. J. a demandé que la période pendant laquelle il a été assigné à résidence au Royaume-Uni et soumis à une surveillance électronique soit imputée sur la peine privative de liberté qui lui a été infligée en Pologne. Il a argué que la décision-cadre précitée prévoit, notamment, que l'Etat membre d'émission d'un mandat d'arrêt européen, déduit de la durée totale de privation de liberté à subir dans cet Etat toute période de détention résultant de l'exécution dudit mandat, par suite de la condamnation à une peine ou mesure de sûreté privatives de liberté. La juridiction polonaise a alors demandé à la Cour de justice si la notion de "détention" comprend également les mesures appliquées par l'Etat membre d'exécution et consistant dans la surveillance électronique du lieu de séjour de la personne visée par le mandat, combinée à une assignation à résidence. La CJUE donne la réponse ci-dessus rappelée (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E0778E9P).

newsid:454014

Rel. individuelles de travail

[Brèves] Constitutionnalité de l'exclusion du bénéfice du DIF pour les salariés licenciés pour faute lourde

Réf. : Cons. const., décision n° 2016-558/559 QPC, du 29 juillet 2016 (N° Lexbase : A0695RYE)

Lecture: 1 min

N4013BWK

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Le 01 Septembre 2016

Les mots "non consécutif à une faute lourde" figurant au premier alinéa de l'article L. 6323-17 du Code du travail (N° Lexbase : L9632IEH), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2009-1437 du 27 novembre 2009 (N° Lexbase : L9345IET), sont conformes à la Constitution. Telle est la solution dégagée par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 29 juillet 2016 (Cons. const., décision n° 2016-558/559 QPC, du 29 juillet 2016 N° Lexbase : A0695RYE).
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 31 mai 2016 par la Cour de cassation (Cass. QPC, 31 mai 2016, n° 15-26.687, FS-P+B N° Lexbase : A2660RRX et n° 15-26.688, FS-D N° Lexbase : A2661RRY) de deux questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du premier alinéa de l'article L. 6323-17 du Code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009.
En énonçant la solution susvisée, le Conseil constitutionnel juge conformes les dispositions de l'ancien article L. 6323-17 du Code du travail, qui excluaient les salariés licenciés pour faute lourde du bénéfice du droit individuel à la formation (DIF). Les Sages ont cependant fait remarquer que ces dispositions n'ouvrent la possibilité de déclencher le financement d'une action de formation que pendant la période de préavis. L'impossibilité pour le salarié licencié pour faute lourde de demander, postérieurement à l'expiration de son contrat de travail, le bénéfice des heures acquises au titre du droit individuel à la formation et non utilisées à la date d'effet de son licenciement ne résulte pas des dispositions contestées. Le grief tiré de la violation du principe d'égal accès à la formation professionnelle a été jugé inopérant .

newsid:454013

Social général

[Brèves] Publication de la loi "Travail"

Réf. : Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C) ; Cons. constit., décision n° 2016-736 DC du 4 août 2016 (N° Lexbase : A3540RYR)

Lecture: 2 min

N4021BWT

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Le 01 Septembre 2016

Privée de quelques dispositions (5 sur un total de 123 articles) à la suite de la décision de conformité du Conseil constitutionnel du 4 août 2016 (Cons. constit., décision n° 2016-736 DC du 4 août 2016 N° Lexbase : A3540RYR ; décision commentée dans Lexbase, éd. soc., n° 666 du 1er septembre par Ch. Radé), la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C), a été publiée au Journal officiel du 9 août 2016. La loi s'articule autour des sept titres suivants : refonder le droit du travail et donner plus de poids à la négociation collective ; favoriser une culture du dialogue et de la négociation ; sécuriser les parcours et construire les bases d'un modèle social à l'ère du numérique ; favoriser l'emploi ; moderniser la médicine du travail ; renforcer la lutte contre le détachement illégal et un titre portant diverses dispositions (voir le numéro spécial sur le projet de loi, Lexbase, éd. soc., n° 650, 2016 N° Lexbase : N2213BWU et le numéro spécial, Lexbase, éd. soc., n° 666, 2016). Les Sages, dans la décision précitée, ont décidé de la censure des dispositions suivantes : le paragraphe III de l'article 39 qui modifie les règles d'utilisation des ressources du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels ; l'article 62 qui pérennise au-delà du 31 décembre 2016 la possibilité pour l'employeur d'assurer par décision unilatérale la couverture complémentaire santé de certains salariés par le versement d'une somme destinée à couvrir une partie de leurs cotisations à un contrat individuel ; l'article 65 qui permet à certaines entreprises de moins de cinquante salariés de déduire de leurs résultats imposables une somme correspondant aux indemnités susceptibles d'être ultérieurement dues à leurs salariés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. A ces censures s'ajoutent des réserves d'interprétation et censures partielles pour les articles 27 (droit à une indemnisation des organisations syndicales concernant la mise à disposition de locaux par les collectivités territoriales) et 64 (la prise en charge par le franchiseur des frais de fonctionnement de l'instance de dialogue social dans les réseaux de franchise d'au moins trois cents salariés en France de la loi). Par ailleurs, le Conseil, dans sa décision, valide le processus d'adoption de la loi et énonce qu'aucune atteinte n'a été portée au droit d'amendement des parlementaires.

newsid:454021

Sociétés

[Brèves] Rapport de gestion consacrée aux informations non financières : informations environnementales relatives à l'économie circulaire, à l'impact sur le changement climatique et à la lutte contre le gaspillage alimentaire

Réf. : Décret n° 2016-1138 du 19 août 2016 pris pour l'application de l'article L. 225-102-1 du Code de commerce et relatif aux informations environnementales figurant dans le rapport de gestion des entreprises (N° Lexbase : L8416K9L)

Lecture: 1 min

N4104BWW

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Le 07 Septembre 2016

Un décret, publié au Journal officiel du 21 août 2016 (décret n° 2016-1138 du 19 août 2016 pris pour l'application de l'article L. 225-102-1 du Code de commerce et relatif aux informations environnementales figurant dans le rapport de gestion des entreprises N° Lexbase : L8416K9L), adapte les items détaillés à l'article R. 225-105-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L8675K98) en application des IV de l'article 70 et IV de l'article 173 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte (N° Lexbase : L2619KG4), qui ont intégré dans le contenu du rapport prévu à l'article L. 225-102-1 du même code (N° Lexbase : L7263K9U) la mention de l'économie circulaire et renforcé les informations relatives à l'impact sur le changement climatique de l'activité de l'entreprise et de l'usage des biens et services qu'elle produit. Sur ce dernier point, le décret étend le champ des informations attendues aux postes significatifs d'émissions directes et indirectes, sur l'ensemble de la chaîne de valeur de l'entreprise, c'est-à-dire comprenant l'amont et l'aval de son activité. Le décret intègre également la notion de lutte contre le gaspillage alimentaire en application de l'article 4 de la loi n° 2016-138 du 11 février 2016, relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (N° Lexbase : L6961KYH ; cf. l’Ouvrage "Droit des sociétés" N° Lexbase : E6109A8R et N° Lexbase : E0642EUC).

newsid:454104

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Des limites au droit à déduction de la TVA

Réf. : CJUE, 28 juillet 2016, aff. C-332/15 (N° Lexbase : A0125RYB)

Lecture: 2 min

N4095BWL

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Le 08 Septembre 2016

La Directive-TVA (Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 N° Lexbase : L7664HTZ) ne s'oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit un délai de forclusion pour l'exercice du droit à déduction, pour autant que les principes d'équivalence et d'effectivité sont respectés, ce qu'il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier. Egalement, elle ne s'oppose pas à une réglementation nationale qui permet à l'administration fiscale de refuser à un assujetti le droit à déduction de la TVA lorsqu'il est établi que ce dernier a manqué de manière frauduleuse, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, à la plupart des obligations formelles qui lui incombaient pour pouvoir bénéficier de ce droit. Telle est la solution retenue par la CJUE dans un arrêt rendu le 28 juillet 2016 (CJUE, 28 juillet 2016, aff. C-332/15 N° Lexbase : A0125RYB). En l'espèce, l'administration fiscale italienne a constaté que le requérant, en sa qualité de représentant d'une société, n'a pas été en mesure de produire d'écritures comptables, ni de registre de TVA. Ce même contrôle a également révélé que cette société avait émis des factures pour un montant imposable à la TVA, mais que, n'ayant pas présenté la déclaration de TVA y afférente, elle avait échappé au paiement de la taxe. De plus, la société n'avait pas respecté l'obligation d'enregistrement des factures émises. Au cours de la procédure, le requérant a produit des factures émises par des entreprises tierces à l'égard de la société qui ont été acquittées, TVA comprise, mais qui n'ont pas été enregistrées dans la comptabilité. Il soutient alors que ces factures devraient être prises en compte, conformément à la jurisprudence de la Cour relative au droit à déduction de la TVA. Toutefois, la CJUE ne lui a pas donné raison. En effet, le droit à déduction fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité. Néanmoins, la possibilité d'exercer le droit à déduction sans limitation dans le temps irait à l'encontre du principe de sécurité juridique, qui exige que la situation fiscale de l'assujetti ne soit pas indéfiniment susceptible d'être remise en cause (CJUE, 8 mai 2008, aff. C-95/07 et C-96/07 N° Lexbase : A5448D8B). Ainsi, un délai de forclusion dont l'échéance a pour conséquence de sanctionner le contribuable insuffisamment diligent ne saurait être considéré comme incompatible avec le droit de l'Union. Au cas présent, l'absence de dépôt de déclaration de TVA et l'absence d'enregistrement des factures émises et acquittées sont susceptibles d'empêcher l'exacte perception de la taxe et, par conséquent, de compromettre le bon fonctionnement du système commun de la TVA. Partant, le droit de l'Union n'empêche pas les Etats membres de considérer de tels manquements comme relevant d'une fraude fiscale et de refuser, dans un tel cas, le bénéfice du droit à déduction .

newsid:454095

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