La lettre juridique n°363 du 17 septembre 2009

La lettre juridique - Édition n°363

Éditorial

CDD et royalties : le cas du Docteur m'abuse

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N9150BLH

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


"La meilleure façon de tuer un artiste est sûrement de lui donner tout ce dont il a besoin".

Nul doute que cet extrait de Peindre c'est aimer à nouveau d'Henry Miller aura inspiré les majors phonographiques, férues de la beat generation, dans leurs rapports complexes avec les artistes-interprètes sur lesquels -ou pour lesquels- ils investissent... de peur que le succès commercial et l'or y afférent ne tarissent leur inspiration artistique.

Complexe : parce que la loi pose une présomption de salariat en faveur des artistes. Le contrat par lequel une personne s'assure, moyennant rémunération, les services d'un artiste du spectacle en vue de sa production est présumé être un contrat de travail. Et, sont considérés comme artistes du spectacle, notamment, l'artiste lyrique, dramatique, chorégraphique, l'artiste de variétés, le musicien, le chansonnier, l'artiste de complément et le chef d'orchestre. Mais, si les rémunérations versées à un artiste sont présumées être des salaires, elles comprennent, le plus souvent, une part de royalties, c'est-à-dire le versement de redevances sur la commercialisation directe ou indirecte des morceaux phonographiques enregistrés préalablement par l'artiste. Cette partition de la rémunération est présumée à l'avantage de l'artiste, notamment, lorsque ses chansons sont en tête des charts ou, pour les inconditionnels de la variété française, du top 50. Mais, évidemment, lorsque l'artiste est "en perte de vitesse", et que les ventes de ses disques dégringolent, bien que l'on sache aujourd'hui que la chute des ventes ne soit plus le signe de l'impopularité -passer par la case peer to peer et ne touchez pas 20 000 euros-, cette rémunération bicéphale peut s'avérer source de conflit entre l'artiste et la maison de production ; surtout que la jurisprudence semble, si ce n'est contradictoire, du moins subtile quant aux conséquences que l'on est en droit de tirer de la nature juridique de ces redevances.

Un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 1er juillet 2009, sur lequel Sébastien Tournaux, Maître de conférences à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, revient cette semaine, rappelle que les redevances versées à l'artiste-interprète ne sont pas considérées comme des salaires, car elles rémunèrent les droits voisins qu'il a cédés au producteur. En l'espèce, un célèbre rappeur a été engagé par contrat d'enregistrement exclusif pour interpréter des oeuvres musicales. Un nouveau contrat a été signé entre les parties, pour une durée minimale de cinq ans, prévoyant la réalisation d'un minimum de trois albums studio inédits. Le premier album de cette seconde série a été réalisé et commercialisé avec des ventes inférieures à celles des précédents albums. La société a adressé une lettre recommandée dans laquelle, qualifiant de faute grave l'attitude du chanteur lors d'une entrevue avec son PDG, elle indiquait qu'elle mettait fin aux relations contractuelles. Le chanteur a saisi la juridiction prud'homale de demandes de dommages-intérêts pour rupture abusive et préjudice moral. Et la Haute juridiction d'écarter, au visa des articles L. 212-3 du Code de la propriété intellectuelle et L. 1243-1, L. 1243-4, L. 7121-3 et L. 7121-8 du Code du travail, les redevances et les avances sur redevances de l'assiette des dommages-intérêts dus en application de l'article L. 122-3-8, devenu L. 1243-4 du Code du travail.

Ainsi, la Cour de cassation déduit, assez logiquement, du fait que les royalties ne puissent être assimilées à des salaires, selon une jurisprudence constante, qu'ils ne peuvent entrer dans la composition de l'assiette des dommages-intérêts versés à l'artiste-interprète en cas de rupture abusive de son contrat à durée déterminée. Alors, on s'étonnera, sans doute, qu'en matière d'assurance garantie des salaires, la même formation décide que, si la garantie s'applique avant tout aux sommes qui ont la nature de salaire, elle ne s'y limite pas et comprend, dès lors, ces mêmes redevances et avances sur redevances ; c'est que le critère n'est, alors, pas la nature salariale de la créance, mais son rattachement quel qu'il soit au contrat de travail (cf. Cass. soc., 17 décembre 1991, n° 88-40.638 ou Cass. soc. 12 mars 2002, n° 99-44.222). Et, les choses se compliquent à nouveau, lorsque l'on sait que ces royalties ne peuvent pas, en revanche, bénéficier du superprivilège (cf. Cass. soc., 21 juin 2004, n° 02-15.296).

On admettra, alors, qu'il est heureux que les artistes-interprètes s'attachent, le plus souvent, les services d'un ou de plusieurs avocats afin de défendre leurs intérêts, tant leur régime, oscillant entre le droit social et le droit de la propriété intellectuelle, n'est pas des plus aisés à articuler.

Il est bien loin le temps des Kahnweiler, Vollard et Maeght, marchands d'art et galeristes qui défendaient, précurseurs, le cubisme et le surréalisme. Peut-on imaginer Chirico ou Soutine s'indigner contre Paul Guillaume qui leur a ouvert ses premières galeries, lui qui fut le "médiateur engagé et actif de l'art vivant" ; lui qui fut, avec Paul Durand-Duel, l'un des premiers collectionneurs-marchands d'art à investir dans la promotion et la publicité des artistes : pionniers de cette relation à la fois mécène et mercantile unissant l'artiste et son "marchand". Si Paul Durand-Duel soutenait "ses" artistes financièrement en leur versant des sommes mensuelles, c'était, déjà, en contrepartie de l'exclusivité de leur production. Finalement, la subordination de l'artiste au marchand d'art est sûrement une vieille histoire... sans compter la subordination, à son grand étonnement, de l'artiste au fisc, grand amateur d'art... et de royalties. Et, le rappeur, qui fut condamné, en 2008, pour fraude fiscale à 10 mois de prison avec sursis, de fredonner :

"J'fais d'la chanson vu d'un trottoir
Et j'suis taxé à tant par jour

[...]
J'sais pas remplir ma feuille d'impôts
Comme j'aime être franc, c'est c'que j'dirais
Y a pas d'euros qui soient plus vrais
"

Mais, Flaubert n'écrivit-il pas que "la race des gladiateurs n'est pas morte, tout artiste en est un. Il amuse le public avec ses agonies"...

The show must go on !

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Licenciement

[Jurisprudence] Reprise du paiement du salaire passé le délai de reclassement d'un mois : la Cour de cassation confirme la non-déductibilité des revenus de remplacement

Réf. : Cass. soc., 7 juillet 2009, n° 08-41.444, Mme Marie-Claude Vachon, F-D (N° Lexbase : A7529EIP)

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N9153BLL

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010


La question de la déductibilité des revenus de remplacement des indemnités compensatrices de pertes salariales dues au salarié est particulièrement complexe et ne reçoit pas toujours la même réponse, car la jurisprudence tient compte de la nature des règles en cause. Dans un arrêt non publié en date du 7 juillet 2009, la Chambre sociale de la Cour de cassation confirme sa jurisprudence (2) et refuse d'admettre la déductibilité dans l'hypothèse où l'employeur est condamné à reprendre le paiement du salaire lorsqu'il n'a ni licencié, ni reclassé un salarié déclaré inapte à reprendre son poste (1).



Résumé

Il résulte des dispositions de l'article L. 1226-4 du Code du travail (N° Lexbase : L1011H9C) que, si le salarié n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail ou s'il n'est pas licencié, l'employeur est tenu de verser à l'intéressé, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Dans l'hypothèse où un régime de prévoyance en vigueur dans l'entreprise assure au salarié une indemnisation compensant en tout ou partie la perte de rémunération, en l'absence d'une disposition expresse en ce sens, aucune réduction ne peut être opérée sur la somme, fixée forfaitairement au montant du salaire antérieur à la suspension du contrat, que l'employeur doit verser au salarié, la question de la conservation des avantages reçus au titre des prestations versées par une institution de prévoyance en raison de l'état de santé du salarié relevant des seuls rapports entre ces derniers.

Commentaire

I - La reprise du paiement des salaires en l'absence de reclassement ou de licenciement passé le délai d'un mois qui suit un avis d'inaptitude

  • Cadre légal

La loi du 31 décembre 1992 a affirmé, au bénéfice de tous les salariés reconnus inaptes par le médecin du travail à reprendre l'emploi occupé avant l'accident ou la maladie, le droit d'être reclassé ou licencié dans le mois qui suit l'avis (loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992, relative à l'emploi, au développement du travail à temps partiel et à l''assurance-chômage N° Lexbase : L0944AIS). Passé ce délai, qui ne saurait être suspendu pour une quelconque cause, l'employeur pourra être contraint, le cas échéant en référé, à reprendre le paiement des salaires (1). Les différends naissent souvent du fait que les employeurs refusent de reprendre le paiement du salaire, généralement parce que le salarié n'a pas repris son poste. Le salarié ne perçoit donc plus aucun salaire, mais il peut parfaitement bénéficier d'autres ressources, qu'il s'agisse des indemnités journalières versées par l'assurance maladie ou au titre de la réparation des dommages d'origine professionnelle, ou des indemnités versées par un organisme de prévoyance.

Se pose, alors, pour le juge, lorsqu'il condamne l'employeur, la question de la déductibilité de ces autres ressources des sommes dues par l'employeur au titre de la reprise du paiement du salaire.

  • L'affirmation du principe de non-déductibilité dans les rapports avec l'employeur

Dans un premier temps, le ministère du Travail avait considéré que la loi de 1992 servait simplement de garantie subsidiaire de maintien des ressources pour le salarié et que l'employeur était donc en droit de déduire les sommes perçues, y compris celles d'organismes de prévoyance (2).

Tel n'a pas été l'avis de la Cour de cassation, qui a jugé qu'il n'y avait pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas, considérant implicitement que cette obligation de reprendre le paiement du salaire pour un salarié qui, par hypothèse, n'a pas repris le travail, constitue une sorte de sanction pour l'employeur, en même temps qu'une forte incitation à prendre une décision concernant le devenir du salarié dans l'entreprise (3).

  • L'affirmation du principe de non-cumul dans les rapports avec les organismes de prévoyance

Ce principe de cumul dans les rapports avec l'employeur, qui trouve sa raison d'être, à la fois, dans la lettre et dans l'esprit de la loi, ne vaut, toutefois, que dans ce cadre ; s'agissant des conditions dans lesquelles l'organisme de prévoyance pourrait se prévaloir de la reprise du paiement des salaires pour limiter ses propres obligations, la Cour de cassation a logiquement considéré qu'il fallait observer les termes de la convention signée avec l'assuré et autoriser la cessation du versement de ces prestations lorsque la convention conférait à la garantie un caractère subsidiaire du paiement des salaires (4).

II - La confirmation d'une jurisprudence cohérente

  • Confirmation du principe de non-déductibilité en l'espèce

C'est le principe de non-déductibilité dans les rapports avec l'employeur qui se trouve confirmé dans cet arrêt en date du 7 juillet 2009.

Dans cette affaire, une salariée avait été embauchée comme technicien de laboratoire au sein d'un laboratoire d'analyses médicales avant d'être déclarée définitivement inapte à son poste, le 15 mars 2005. Le 29 mars, son employeur lui avait proposé un poste à temps partiel d'agent d'entretien et de coursier que la salariée avait refusé en raison des modifications apportées à son contrat de travail ; l'employeur l'avait, alors, licenciée, le 29 avril 2005, pour inaptitude et impossibilité de reclassement, soit un mois et 14 jours après l'avis d'inaptitude.

Parmi les demandes formulées par la salariée figurait le paiement d'un reliquat de salaires retenus par l'employeur pour tenir compte des revenus de remplacement perçus, par la salariée, de l'organisme gérant la prévoyance complémentaire de l'entreprise.

Après avoir affirmé "qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1226-4 du Code du travail, que si le salarié n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail ou s'il n'est pas licencié, l'employeur est tenu de verser à l'intéressé, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ; que dans l'hypothèse où un régime de prévoyance en vigueur dans l'entreprise assure au salarié une indemnisation compensant en tout ou partie la perte de rémunération, en l'absence d'une disposition expresse en ce sens, aucune réduction ne peut être opérée sur la somme, fixée forfaitairement au montant du salaire antérieur à la suspension du contrat, que l'employeur doit verser au salarié", la Cour rappelle que "la question de la conservation des avantages reçus au titre des prestations versées par une institution de prévoyance en raison de l'état de santé du salarié [relève] des seuls rapports entre ces derniers".

  • Une solution bienvenue

La solution est en tous points conforme à la jurisprudence et mérite d'être approuvée. Non seulement la loi n'a pas prévu cette déductibilité, mais celle-ci serait désastreuse, car elle priverait la règle de la reprise du paiement des salaires de son caractère comminatoire pour l'employeur. La question du cumul final se posera, il est vrai, pour le salarié, qui s'expose, le cas échéant, à une action en répétition de l'indu de l'organisme de prévoyance, mais cette action ne concerne pas l'employeur, tiers au contrat.

  • Une solution en cohérence

La solution retenue s'inscrit, d'ailleurs, bien dans un contexte plus large où la jurisprudence n'admet jamais la déductibilité, lorsque l'employeur est condamné en raison d'une faute qu'il a commise (rupture avant terme injustifiée d'un CDD (5), licenciement d'un gréviste en l'absence de faute lourde (6), licenciement d'un salarié protégé sans autorisation administrative de licenciement (7)), mais l'admet, lorsque l'indemnité due au salarié résulte de circonstances qui ne lui sont pas directement imputables ; singulièrement, lorsque la nullité résulte de l'annulation d'un acte juridique qui servait de fondement au licenciement (licenciement d'un salarié protégé à la suite de l'annulation d'une autorisation administrative de licenciement (8), salarié réintégré après que des licenciements ont été annulés dans le prolongement d'un plan de sauvegarde de l'emploi (9)).


(1) Loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992, relative à l'emploi, au développement du travail à temps partiel et à l'assurance-chômage (N° Lexbase : L0944AIS) ; C. trav., art. L. 1226-4.
(2) Circ. DRT, n° 93-11 du 17 mars 993, section 2 (N° Lexbase : L7489AI9) : "Dans l'hypothèse où un régime de prévoyance en vigueur dans l'entreprise assurerait une indemnisation compensant en tout ou partie la perte de rémunération, l'employeur n'est, alors, tenu que de compléter la rémunération pour la porter au niveau du salaire de l'intéressé, compte tenu du principe jurisprudentiel de non-cumul au-delà du montant de la rémunération habituellement versée" (Cass. soc, 5 mars 1987, Adda c/ Société Adda International Traduction N° Lexbase : A1654AGD).
(3) Cass. soc., 22 octobre 1996, n° 94-43.691, M. Sarret c/ Société Pons (N° Lexbase : A0207ACN). Dans cette affaire, la cour d'appel, pour déduire des salaires dus à l'intéressé les prestations de Sécurité sociale et de prévoyance qui lui ont été versées, énonce que la nouvelle disposition législative a pour but d'éviter que le salarié ne subisse un préjudice et que ce dernier ne peut obtenir davantage que le salaire qu'il aurait perçu s'il avait travaillé. Cette solution a été censurée par la Haute juridiction, celle-ci considérant "qu'en l'absence d'une disposition expresse en ce sens, la cour d'appel ne pouvait opérer aucune réduction sur le montant des sommes que l'employeur doit verser au salarié et qui est fixé forfaitairement au montant du salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension du contrat de travail". V., également, Cass. soc., 10 février 998, n° 95-45.210, Société SICA Ouest élevage c/ M. Calvez (N° Lexbase : A2578ACH) : "en l'absence d'une disposition expresse en ce sens, la cour d'appel ne pouvait opérer aucune réduction sur le montant des sommes que l'employeur doit verser au salarié et qui est fixé forfaitairement au montant du salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension du contrat de travail" ; Cass. soc., 16 février 2005, n° 02-43.792, M. Guy Brochard, FS-P+B+R+I, sur le pourvoi principal (N° Lexbase : A7051DGA) : "en l'absence d'une disposition expresse en ce sens, la cour d'appel a exactement décidé qu'aucune réduction ne peut être opérée sur la somme, fixée forfaitairement au montant du salaire antérieur à la suspension du contrat, que l'employeur doit verser au salarié, la question de la conservation des avantages reçus au titre des prestations versées par une institution de prévoyance en raison de l'état de santé de M. B. relevant des seuls rapports entre ces derniers".
(4) Cass. soc., 30 mai 2007, n° 06-12.275, M. Guy Brochard, FS-P+B sur la 2ème branche (N° Lexbase : A5555DWN) et les obs. de O. Pujolar, Inaptitude : l'articulation du "salaire d'inactivité" et de la rente complémentaire d'invalidité, Lexbase Hebdo n° 265 du 21 juin 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N5593BBR) : "Attendu, d'autre part, qu'elle a relevé que, selon cet article, lorsque le total de la rémunération perçue de l'employeur, des indemnités, rentes ou pensions versées par le régime de Sécurité sociale et des indemnités ou rentes complémentaires versées par l'URRPIMMEC excède le traitement de base, éventuellement revalorisé, ayant servi au calcul des indemnités ou rentes complémentaires, ces indemnités sont, alors, réduites à due concurrence ; qu'après avoir constaté que l'employeur avait été condamné à payer au salarié non pas une indemnité, mais des salaires pendant la période litigieuse, elle en a exactement déduit que l'institution de prévoyance était en droit d'obtenir le remboursement de la rente complémentaire d'invalidité qu'elle avait servie à l'intéressé". Déjà, Cass. soc., 14 janvier 1997, n° 94-21.806, Mme Lucienne Tinel c/ Assédic du Havre et autres, inédit (N° Lexbase : A3061AUW), Dr. soc., 1997, p. 315, obs. C. Roy-Loustaunau.
(5) Cass. soc., 31 mars 1993, n° 89-43.708, Société Skin Pack c/ Mme Motulski, publié (N° Lexbase : A4201AGP), JCP éd. G, 1993, II, 22130, note F. Taquet ; Cass. soc., 23 octobre 2007, n° 06-42.994, Société de distribution du Beauvaisis (SDB) Auchan, FS-P+B (N° Lexbase : A8582DYI) : "si les dommages-intérêts dus en cas de violation de la clause de garantie d'emploi ne se cumulent pas avec les indemnités de chômage servies par l'Assedic au titre de cette période, la cour d'appel a exactement retenu que ce principe n'avait vocation à s'appliquer que dans les rapports entre la salariée et l'organisme d'assurance chômage".
(6) Cass. soc., 2 février 2006, n° 03-47.481, Société Colas Ile-de-France Normandie SA c/ M. Mohamed Bitat, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6225DMI) : "il résulte du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6821BH4), confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle ; que selon l'article L. 521-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5336ACM), qui détermine les conditions d'exercice de ce droit, la grève ne rompt pas le contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié et que l'exercice du droit de grève ne saurait donner lieu de la part de l'employeur à des mesures discriminatoires en matière de rémunération et d'avantages sociaux et que tout licenciement prononcé en violation de ce texte est nul de plein droit ; que dès lors, la cour d'appel a exactement décidé que les salariés, dont les contrats de travail n'avaient pas été rompus et dont les licenciements étaient nuls, avaient droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'ils auraient dû percevoir entre leur éviction de l'entreprise et leur réintégration, peu important qu'ils aient ou non reçu des salaires ou un revenu de remplacement pendant cette période".
(7) Cass. soc., 10 octobre 2006, n° 04-47.623, Société Corse hélicoptères, FS-P+B (N° Lexbase : A7719DRC) : "le licenciement d'un salarié protégé, prononcé sans autorisation administrative ou malgré un refus d'autorisation administrative, est nul et ouvre droit, pour le salarié qui demande sa réintégration pendant la période de protection, au versement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait perçue entre son licenciement et sa réintégration ; qu'il n'y a pas lieu de déduire de cette indemnité les revenus qu'il a pu percevoir de tiers au cours de cette période".
(8) Cass. soc., 28 octobre 2003, n° 01-40.762, M. Châabane Ben Achour c/ Institut du monde arabe, FS-P+B (N° Lexbase : A9963C9U) : "selon l'article L. 351-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6240AC4), en complément des mesures tendant à faciliter leur reclassement ou leur conversion, les travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement ; qu'il en résulte que le salarié protégé qui, lorsque l'annulation de la décision administrative de licenciement est devenue définitive, a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, n'est pas fondé à cumuler cette indemnité compensatrice avec les allocations de chômage servies par l'Assedic".
(9) Cass. soc., 3 juillet 2003, n° 01-44.522, Bernard Herbaux c/ Société Etablissements Normil, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A0223C97), lire nos obs., Réintégration du salarié et réparation du préjudice salarial : la jurisprudence retient une solution réaliste, Lexbase Hebdo n° 79 du 10 juillet 2003 - édition sociale (N° Lexbase : N8124AA7). Cass. soc., 12 février 2008, n° 07-40.413, Société Daimler Chrysler France, F-P+B, sur les quatrième et cinquième moyens (N° Lexbase : A9335D4I).

Décision

Cass. soc., 7 juillet 2009, n° 08-41.444, Mme Marie-Claude Vachon, F-D (N° Lexbase : A7529EIP)

CA Nîmes, ch. soc., 23 janvier 2008

Texte visé : C. trav., art. L. 1226-4 (N° Lexbase : L1011H9C)

Mots clef : licenciement ; inaptitude ; délai de reclassement ; reprise du paiement des salaires ; montant

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Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly - septembre 2009

Lecture: 16 min

N9154BLM

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Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Ont été sélectionnés, ce mois-ci, deux arrêts rendus pas la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 7 juillet 2009, tous deux promis à un publication au Bulletin de la Cour : le premier répond par la négative à la question de savoir si le mécanisme de la péremption d'instance peut s'appliquer à la contestation d'une créance déclarée au passif ; le second apporte, quant à lui, d'utiles précisions sur l'incidence, au regard de la caution, de l'absence d'inscription modificative d'un nantissement de fonds de commerce postérieurement à la cession du fonds de commerce dans le cadre d'un plan de cession.

  • Déclaration de créance et péremption d'instance (Cass. com., 7 juillet 2009, n° 07-14.455, F-P+B N° Lexbase : A7203EIM)

La déclaration de créance est l'acte procédural par lequel le créancier antérieur et, depuis la loi de sauvegarde (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT), le créancier postérieur non éligible au traitement préférentiel, manifestent leur intention d'obtenir, dans le cadre de la procédure collective, paiement de ce qui leur est dû par le débiteur.

Substitut de l'action en paiement, laquelle est fermée du fait de la règle de l'arrêt des poursuites individuelles, la déclaration de créance a été analysée par la Cour de cassation comme équivalente à une demande en justice (1). C'est la solution du droit positif, bien qu'il soit possible de discuter très sérieusement du bien-fondé de l'analyse assimilant la déclaration de créance à une demande en justice (2). Nombreuses sont, en effet, les situations dans lesquelles l'analyse de la déclaration de créance en une demande en justice est tenue en échec.

La présente espèce peut, en ce sens, être versée au débat doctrinal relatif à l'analyse juridique de la déclaration de créance.

En l'espèce, une société est déclarée en redressement judiciaire, puis placée en liquidation judiciaire. Un créancier déclare sa créance, laquelle est contestée par le liquidateur. Les parties sont convoquées à l'audience des créanciers contestés devant le juge-commissaire en 1999 et, à plusieurs reprises, l'affaire est reportée. Un ultime renvoi a lieu et les parties sont convoquées à l'audience en 2004. Le liquidateur s'avise alors d'invoquer la péremption de l'instance, devant le juge-commissaire, ce qu'admet ce dernier. La cour d'appel infirme cette décision. Le liquidateur se pourvoit en cassation en soutenant que l'instance en contestation d'une créance déclarée au passif d'une entreprise en difficulté, introduite par la déclaration de créance, est périmée lorsque, à compter de la convocation des parties par les soins du tribunal en l'audience de contestation devant le juge-commissaire, aucune des parties n'a accompli de diligences pendant deux ans. Il en résulte l'extinction de la créance déclarée.

La question posée à la Cour de cassation est donc celle de savoir si le mécanisme de la péremption d'instance peut s'appliquer à la contestation d'une créance déclarée au passif. A cette question, en rejetant le pourvoi, la Cour de cassation va clairement répondre par la négative. Elle énonce, en ce sens, que "la péremption d'instance a pour objet de sanctionner le défaut de diligence des parties ; que les créanciers du débiteur en liquidation judiciaire n'ont aucune diligence à accomplir une fois effectuées leurs déclaration de créances, les opérations de vérification des créances incombant au liquidateur agissant comme représentant des créanciers et la direction de la procédure de contestation de créance leur échappant".

La Cour de cassation avait déjà eu l'occasion de se prononcer en ce sens (3), l'un des précédents arrêts ayant, d'ailleurs, eu les honneurs de la publication au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation. Cette décision avait énoncé que "la péremption a pour objet de sanctionner le défaut de diligence des parties. Attendu que les créanciers du débiteur n'ont aucune diligence à accomplir une fois effectuées leurs déclarations de créances, les opérations de vérification des créances incombant au liquidateur agissant comme représentant des créanciers". La formulation employée par la Cour de cassation en 2009 est donc strictement identique à celle déjà utilisée en 2004. Elle se contente d'ajouter, en 2009, que la direction de la procédure de contestation de créances échappe aux créanciers, ce qui permet de justifier davantage encore la solution posée.

Les spécialistes de la procédure civile présentent la péremption d'instance comme un "mode d'extinction de l'instance fondée sur l'inertie procédurale des parties pendant deux ans. Réglementée par les articles 386 (N° Lexbase : L2617ADB) à 393 du Code de procédure civile, elle repose principalement sur l'idée de désistement tacite" (4).

Ce mécanisme a vocation à jouer devant toutes les juridictions de l'ordre judiciaire civil et peut être invoqué que la représentation soit ou non obligatoire, et peu important que la procédure soit orale, ce qui est le cas devant le juge-commissaire. Il est donc incontestable que la péremption d'instance peut être invoquée devant ce dernier.

Il est, cependant, établi en règle que la péremption d'instance ne peut être invoquée à l'occasion de procédures dans lesquelles les initiatives procédurales échappent aux parties (5). La solution a, par exemple, été posée en matière de contestation des honoraires d'un avocat (6). C'est, également, l'explication retenue dans la présente espèce par la Cour de cassation à propos de la contestation de la créance déclarée. Le mandataire judiciaire ou le liquidateur conduit la procédure de contestation de créance. Il la déclenche et sollicite du greffe de la juridiction une date pour appel de la cause devant le juge-commissaire à une audience, qualifiée, en pratique, d'audience des créanciers contestés. Le créancier, dont la créance est contestée, subit, en conséquence, la procédure de contestation de créance. Il est, dès lors, logique qu'il ne puisse lui être reproché un défaut de diligence.

Il n'est pas absolument exact, comme le fait la Cour de cassation, d'énoncer que, une fois la déclaration de créances accomplie, la procédure de contestation échappe aux créanciers, dans la mesure où ces créanciers contestés ont l'obligation de répondre à la contestation. C'est, sous l'empire de la législation du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises N° Lexbase : L4126BMR), applicable aux fins d'espèce, une condition de la convocation devant le juge-commissaire. Certes, la solution a été abandonnée sous l'empire des textes d'origine de la loi de sauvegarde des entreprises. Toutefois, le décret du 12 février 2009 (décret n° 2009-160, pris pour l'application de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté et modifiant les procédures de saisie immobilière et de distribution du prix d'un immeuble N° Lexbase : L9187ICA) a rétabli le principe selon lequel la convocation devant le juge-commissaire du créancier contesté ne s'impose que si ce dernier a répondu au courrier de contestation. Il a donc bien au moins une diligence à accomplir, de sorte qu'il pourrait être soutenu, tant sous l'empire de la législation du 25 janvier 1985, que sous celui issu de l'ordonnance du 18 décembre 2008 (ordonnance n° 2008-1345, portant réforme du droit des entreprises en difficulté N° Lexbase : L2777ICT) et du décret du 12 février 2009, que le créancier contesté, qui n'a pas répondu à la lettre de contestation, encourt la péremption d'instance deux ans après la réception du courrier de contestation.

Il faut encore ajouter que, à défaut de contestation de créance, le créancier a accompli toutes les diligences qui lui incombaient, une fois qu'il a procédé à la déclaration de sa créance. Dès lors, à défaut de contestation de créance, aucune péremption d'instance ne peut le concerner.

Il faut rapprocher la solution ici posée par la Cour de cassation, à propos de la créance déclarée par le créancier, de la situation dans laquelle le créancier a engagé une action en justice avant le jugement d'ouverture, laquelle a été interrompue par l'effet de l'ouverture de celui-ci. Il appartient à ce créancier, en application des textes du Code de commerce, de déclarer sa créance pour pouvoir reprendre l'instance aux fins de faire fixer ses droits au passif. Que se passe t-il, sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises, qui a, on le sait, supprimé l'extinction des créances non déclarées, si le créancier ne procède pas à la déclaration de sa créance ? Peut-il reprendre son instance ? La Cour de cassation, consultée pour avis (7), va répondre que "en l'absence de déclaration de créance, les conditions de la reprise d'instance ne sont pas réunies, même si la créance du créancier forclos n'est pas éteinte ; en l'espèce, l'instance demeure interrompue jusqu'à la clôture de la liquidation judiciaire".

La réponse est absolument sans surprise et mérite entière approbation. Le jugement d'ouverture a pour effet, selon la lettre-même des articles L. 622-21 (N° Lexbase : L3452ICT) et L. 622-22 (N° Lexbase : L3742HB9) du Code de commerce, d'emporter interruption de l'instance. L'événement, le seul selon l'article L. 622-22, susceptible de permettre la reprise de l'instance, est la déclaration de créance au passif. En effet, le texte énonce que "les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance". Pour sa part, l'article R. 622-20 du Code de commerce (N° Lexbase : L0892HZ3), dans la rédaction que lui a donnée le décret du 28 décembre 2005 (décret n° 2005-1677, pris en application de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises N° Lexbase : L3297HET), ajoute que "l'instance interrompue en application de l'article L. 622-22 du Code de commerce est reprise à l'initiative du créancier demandeur, dès que celui-ci a produit à la juridiction saisie de l'instance une copie de la déclaration de sa créance et mis en cause le mandataire judiciaire ainsi que, le cas échéant, l'administrateur lorsqu'il a pour mission d'assister le débiteur ou le commissaire à l'exécution du plan". Dès lors, faute de déclaration de créance au passif, et indépendamment du sort de cette créance, il ne peut être discuté que la reprise d'instance est impossible pendant toute la durée de la période d'observation, mais encore pendant toute celle de liquidation judiciaire.

Il est tout aussi indiscutable que l'interruption de l'instance, par l'effet du jugement d'ouverture d'une procédure collective, dure le temps de celle-ci. Cette interruption de l'instance se rattache logiquement à la règle de l'arrêt des poursuites individuelles et doit avoir la même durée que cette dernière. En conséquence, une fois la procédure collective terminée, l'arrêt des poursuites individuelles prend fin et l'interruption de l'instance, consécutive à l'arrêt des poursuites individuelles, prend identiquement fin. S'agissant non d'une simple suspension, mais bien techniquement d'une interruption de l'instance, le temps déjà couru avant le jugement d'ouverture est effacé et la prescription reprend son cours pour son entière durée. En outre, le créancier peut encourir la péremption d'instance s'il n'accomplit aucune diligence dans les deux ans qui suivent la clôture de la procédure.

Refuser le jeu de la péremption d'instance en matière de déclaration et de vérification des créances est un argument qui peut être utilisé au soutien de l'idée que la déclaration de créance ne devrait pas être assimilée à une demande en justice. En effet, la Cour de cassation justifie l'analyse par l'idée que l'initiative appartient au seul mandataire de justice en charge de la vérification des créances. Assurément, à ce stade seulement commence la procédure contentieuse. De là à dire que la prétention juridique est émise par le mandataire judiciaire, il n'y a qu'un pas que nous serions assez enclin à franchir. Une fois vérifié le respect du délai de l'action, le mandataire judiciaire va demander au juge-commissaire de statuer sur les déclarations de créances qu'il lui transmet et seulement sur celles-ci. D'ailleurs, cette demande au juge-commissaire ne sera pas systématiquement formulée. Il est en effet des hypothèses dans lesquelles le mandataire judiciaire ne sollicite pas de décision de justice de la part du juge-commissaire, celle où il n'y a pas place à vérification des créances. Il en est ainsi dans la procédure de liquidation judiciaire, pour les créances chirographaires, s'il apparaît que l'intégralité du produit de la vente des actifs sera absorbée par les créanciers privilégiés, à moins que des sanctions pécuniaires contre les dirigeants ne soient envisagées. Il en est de même, dans la liquidation judiciaire simplifiée, pour les créances non susceptibles de venir en rang utile. Si la déclaration de créance devait être réduite à une demande en justice, il y aurait alors déni de justice de la part du juge-commissaire.

Il est donc, en réalité, préférable de situer la demande en justice non au stade de la déclaration de créance, mais à celui de l'établissement de la liste des créances déclarées et vérifiées transmises par le mandataire de justice au juge-commissaire. Cette analyse de la déclaration de créance en un acte simplement conservatoire serait de nature à supprimer un contentieux aussi pléthorique qu'artificiel, lié à la qualité du déclarant, la fameuse question du pouvoir.

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du CERDP (ex Crajefe) et Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises

  • L'incidence, au regard de la caution, de l'absence d'inscription modificative d'un nantissement de fonds de commerce postérieurement à la cession du fonds de commerce dans le cadre d'un plan de cession (Cass. com., 7 juillet 2009, n° 08-17.275, FS-P+B N° Lexbase : A7421EIP)

Dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt rapporté, une banque avait accordé un prêt à une société, mise ultérieurement en redressement judiciaire, garanti à la fois par un nantissement sur le fonds de commerce et par le cautionnement du dirigeant de la société. La société emprunteuse avait fait l'objet d'un plan de cession incluant le fonds de commerce nanti sans que le banquier ne procède cependant, postérieurement à sa cession, à une inscription modificative de son privilège au nom du cessionnaire du fonds. Poursuivi par le prêteur, la caution avait résisté en se prévalant des dispositions de l'article 2314 du Code civil (N° Lexbase : L1373HIP), aux termes desquelles la caution se trouve déchargée si, par le fait du créancier, elle ne peut plus être subrogée dans un droit préférentiel dont disposait ce dernier. En l'occurrence, la caution soutenait que l'absence d'inscription modificative du privilège postérieurement à la cession du fonds de commerce nanti dans le cadre du plan de cession de la société emprunteuse entraînait la perte du nantissement dont bénéficiait le créancier et, par voie de conséquence, la décharge de la caution qui ne pouvait plus, par le fait de la banque, être subrogée dans les droits du créancier nanti. La cour d'appel de Versailles dans un arrêt du 19 juin 2008 avait suivi l'argumentation de la caution et l'avait déchargée. La banque s'était alors pourvue en cassation.

Par un arrêt du 7 juillet 2009, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé l'arrêt d'appel au motif "que la cession du fonds de commerce grevé d'un nantissement garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour en permettre le financement, ordonnée par le jugement ayant arrêté le plan de cession, opère transmission de plein droit au cessionnaire de la charge de la sûreté qui n'est pas perdue et que le privilège du créancier gagiste suit le fonds de commerce en quelques mains qu'il passe". Il en résulte donc qu'aucun droit préférentiel n'avait été perdu par le créancier du fait de l'absence d'inscription modificative, de sorte que la caution ne pouvait pas se prévaloir d'une décharge fondée sur les dispositions de l'article 2314 du Code civil.

Cet arrêt est particulièrement intéressant, comme en témoigne d'ailleurs le fait qu'il soit appelé à la publication au Bulletin. La question se posait, en effet, de savoir quelles pouvaient être les conséquences de l'absence d'inscription modificative par le créancier de son privilège postérieurement à la cession du fonds de commerce nanti dans le cadre d'un plan de cession. Les Hauts magistrats considèrent que la sûreté n'est pas perdue. Cette position est adoptée au visa des articles L. 143-12 (N° Lexbase : L5704AI4) et L. 621-96 (N° Lexbase : L6948AI8) du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 (devenu depuis, l'article L. 642-12 du Code de commerce N° Lexbase : L3377IC3). Au terme du premier de ces textes, "les privilèges du vendeur et du créancier gagiste suivent le fonds en quelques mains qu'il passe". L'article L. 642-12, alinéa 4 (ancien article L. 621-96) dispose, pour sa part, que "la charge des sûretés immobilières et mobilières spéciales garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien sur lequel portent ses sûretés est transmise au cessionnaire".

Il résulte de ces deux dispositions, l'une propre au nantissement du fonds de commerce, l'autre propre au droit des procédures collectives, que le transfert du fonds de commerce nanti permettra au créancier nanti d'exercer son droit de suite, mais que cet exercice sera cantonné aux échéances qui restent dues à compter du transfert de la propriété du fonds sur lequel porte la garantie dès lors que l'alinéa 4 de l'article L. 642-12 poursuit en précisant que le cessionnaire "est alors tenu d'acquitter entre les mains du créancier les échéances convenues avec lui et qui restent dues à compter du transfert de la propriété [...] du bien sur lequel porte la garantie".

Le visa de cet arrêt nous semblerait consacrer la position selon laquelle le transfert de la charge de la sûreté en plan de cession s'avèrerait être l'expression du droit de suite (8). Cependant, le repreneur semble être tenu de façon hybride. En effet, devant subir le droit de suite du créancier nanti, il s'avère être un obligé réel à la dette -il est tenu propter rem-. Cependant, en application des dispositions de la deuxième phrase de l'article L. 642-12, alinéa 4, du Code de commerce, il est tenu d'acquitter personnellement entre les mains du prêteur les échéances qui restent dues à compter du transfert de la propriété du bien sur lequel porte la garantie. Ainsi, le cessionnaire semble-t-il à la fois tenu réellement et personnellement dans la limite des échéances restant dues, ce qui l'empêchera de délaisser le bien pour tenter d'être dégagé -faculté ouverte à l'obligé réel-. On est donc bien, a priori, en présence d'un mécanisme sui generis, obligeant le repreneur à payer personnellement une fraction de la dette du débiteur, parce qu'il a entre les mains le bien grevé de la sûreté, sans que cette adjonction de débiteur n'ait d'effet novatoire, le débiteur d'origine restant tenu aux côtés du repreneur (9).

Il convient de remarquer que l'on cherchera en vain dans le Code de commerce une disposition imposant au créancier inscrit sur le fonds de commerce de procéder à une inscription modificative du nantissement en cas de vente du fonds. Tout au plus, l'article R. 143-15 du Code de commerce (N° Lexbase : L0029HZ4) précise que "le greffier mentionne en marge des inscriptions les antériorités, les subrogations ou radiations totales ou partielles dont il lui est justifié". Le texte ne fixe, en outre, aucun délai pour procéder à ces inscriptions modificatives.

Dès lors, au regard des textes, l'absence d'accomplissement par le créancier nanti sur fonds de commerce d'une inscription modificative de son privilège postérieurement à la cession du fonds de commerce nanti dans le cadre du plan de cession de la société emprunteuse n'emporte aucun effet, de sorte que la garantie doit être maintenue. La caution ne peut donc soulever, pour ce motif, les dispositions de l'article 2314 du Code civil pour tenter d'être déchargée.

La position ici adoptée par la Cour de cassation l'est dans un contexte où, au regard des faits portés à notre connaissance, le cessionnaire du fonds de commerce est in bonis. La solution vaudrait-elle en cas de procédure collective atteignant le cessionnaire du fonds de commerce ?

Une réponse positive nous semble devoir être apportée, et ce pour plusieurs motifs. Les deux premiers sont identiques à ceux qui viennent d'être énoncés : les privilèges du vendeur et du créancier gagiste suivent le fonds en quelques mains qu'il passe et aucun texte ne vient imposer au créancier inscrit sur fonds de commerce de procéder à une inscription modificative en cas de transfert du fonds. En outre, si à l'occasion de la procédure collective du repreneur, le mandataire judiciaire ou un créancier tentait de se prévaloir d'une inopposabilité de l'inscription prise sur le fonds de commerce qui n'a pas fait l'objet, par la suite, d'une inscription modificative, il pourrait, par analogie, être statué comme en matière de cession judiciaire de contrat de crédit-bail mobilier.

On sait, en effet, en matière de contrat de crédit-bail, que le bailleur doit procéder à la publicité de son contrat (C. mon. fin., art. L. 313-10 N° Lexbase : L2972G9X), laquelle doit mentionner l'identité des parties au contrat (C. mon. fin., art. R. 313-3 N° Lexbase : L5047HCW). A défaut, le droit de propriété du crédit-bailleur est inopposable (C. mon. fin., art. L. 313-10 et R. 313-10). Dans le cadre de la cession judiciaire du contrat de crédit-bail, s'était posée, en jurisprudence, la question de savoir quelle était l'incidence de l'absence de publicité modificative tenant à l'identité du preneur, à la suite de la cession judiciaire du contrat de crédit-bail. Dans l'hypothèse où le repreneur fait l'objet, à son tour, d'une procédure collective, le droit de propriété du crédit-bailleur qui n'a pas procédé à une publicité modificative doit-il être déclaré inopposable ? La Chambre commerciale de la Cour de cassation avait répondu à cette question par la négative au visa de l'article L. 621-65 (N° Lexbase : L6917AIZ) applicable en la cause (devenu, depuis la loi de sauvegarde des entreprises, C. com., art. L. 642-5, al. 3 N° Lexbase : L3316ICS), lequel dispose que "le jugement qui arrête le plan [de cession] en rend les dispositions opposables à tous". Puisque le jugement arrêtant le plan de cession faisait mention de la cession judiciaire du contrat de crédit-bail en cause et que les dispositions de ce jugement étaient opposables à tous du fait de la publication qui en avait été faite, les créanciers du repreneur étaient donc censés avoir eu connaissance de l'existence des droits du crédit-bailleur sur le matériel faisant l'objet du contrat de crédit-bail. Les Hauts magistrats en avaient donc déduit que le crédit-bailleur devait échapper à l'inopposabilité de son droit de propriété résultant d'une absence de publicité conforme de son contrat (10). Cette solution adoptée en matière de cession judiciaire de contrat de crédit-bail pourrait, par analogie, être transposée en matière de transfert de la charge de la sûreté : puisque le jugement qui arrête le plan de cession est opposable à tous, dès lors que le jugement arrêtant le plan de cession mentionne que le prêteur est inscrit sur le fonds de commerce et bénéficie du transfert de la charge de la sûreté, la sûreté doit être opposable à tous, y compris aux créanciers et aux organes de la procédure du repreneur faisant l'objet, à son tour, d'une procédure collective. Remarquons, toutefois, que le jeu du transfert de la charge de la sûreté est automatique et que, contrairement à la cession judiciaire de contrats, il n'est pas besoin de le mentionner dans le jugement arrêtant le plan de cession.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière de la Faculté de droit de Toulon


(1) Cass. com., 14 décembre 1993, n° 93-11.690, Société financière pour le crédit-bail c/ Société européenne de location de véhicules et de matériels industriels et autres, publié (N° Lexbase : A4985CH4), Bull. civ. IV, n° 471, RJDA, 1994, n° 1, p. 12, concl. M.-C. Piniot, Bull. Joly, 1994, 196, note Jeantin, JCP éd. E, 1994, II, 573, note M.-J. Campana et J.-M. Calendini, JCP éd. G, 1994, II, 22200, note J.-P. Rémery, Banque, avril 1994, 93, obs. J.-L. Guillot, Rev. sociétés, 1994, 100, note Y. Chartier, RTDCom., 1994, p. 367, obs. A. Martin-Serf ; Cass. com., 14 février 1995, 2 arrêts, n° 93-12.064, Société Solovam crédit et autre c/ Société européenne de location de véhicules et de matériels industriels et autre, publié (N° Lexbase : A1126ABC) et n° 93-12.398, Mme Poincheval, ès qualités de syndic de la liquidation judiciaire de la Société européenne de location de véhicules et de matériels industriels c/ Société Fina France et autres, publié (N° Lexbase : A4010CHY), Bull. civ. IV, n° 43, LPA, 1995, n° 91, p. 13, note P. Alix, Bull. Joly, 1995, 442, note J.-J. Daigre ; Cass. com., 3 juin 2009, n° 08-10.249, Mme Monique Blanguernoun, épouse Schott, F-D (N° Lexbase : A6255EH7), D., 2009, AJ p. 1691, note A. Lienhard.
(2) Nos obs., Déclaration, vérification, admission des créances et procédure civile, LPA, 28 novembre 2008, n° 239, p. 72 et s. ; J.-L. Vallens, obs. RTDCom., 2009/1, p. 214, n° 9.
(3) Cass. com., 27 novembre 2001, n° 98-18.971, M. Louis Frault, F-D (N° Lexbase : A2799AXX), Rev. proc. coll., 2003, p. 112, n° 24 ; Cass. com., 19 mars 2002, 2 arrêts, n° 00-11.218, M. Marcel Ducler c/ Société Crédit agricole Indosuez, F-D (N° Lexbase : A3154AYH) et n° 00-11.219, M. Marcel Ducler c/ Société Procrédit Probail, F-D (N° Lexbase : A3155AYI), Act. proc. coll., 2002/10, n° 122 ; Cass. com., 9 novembre 2004, n° 01-16.726, M. Hubert Coulon c/ Mme Gisèle Courret-Guguen, FS-P+B (N° Lexbase : A8398DDE), Bull. civ. IV, n° 192, Rev. proc. coll., 2005/2, p. 130, n° 10, obs. S. Gorrias ; Cass. com., 9 novembre 2004, n° 01-17.358, M. Hubert Coulon c/ Mme Gisèle Courret-Guguen, FS-D (N° Lexbase : A8398DDE), D., 2004, AJ p. 3070, D., 2005, pan. p. 297, nos obs..
(4) Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz action, 6ème éd., 2009/2010, dir. S. Guinchard, n° 352.340.
(5) Droit et pratique de la procédure civile, préc., n° 352.342.
(6) Cass. civ. 2, 12 juillet 2007, n° 05-14.655, M. Hubert Bischoff, FP-P+B (N° Lexbase : A3166DXK), Procédures, 2007, comm. 240, obs. R. Perrot.
(7) Cass. avis, 8 juin 2009, n° 0090002P (N° Lexbase : A0523EI9), D., 2009, AJ p. 1603, note A. Lienhard.
(8) En ce sens, G. Amlon, J.-cl. Com., fasc. 2383, éd. 2007, Créanciers antérieurs titulaires de sûretés spéciales, n° 78 ; contra, Ph. Froehlich et M. Sénéchal, De la réalisation de l'actif, LPA n° spécial, 9 février 2006, n° 29, p. 21 et s., sp. p. 32.
(9) Sur cette question, v. P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 2010-2011, 5ème éd., à paraître en novembre 2009, n° 542.41.
(10) Cass. com., 11 février 1997, n° 94-14.243, M. Dutour, ès qualités de liquidateurde la liquidation judiciaire de c/ Compagnie générale de crédit-bail, publié (N° Lexbase : A1505ACQ), Bull. civ. IV, n° 48, Rev. proc. coll., 1997, 189, n° 1, obs. B. Soinne, RJDA, 1997/6, n° 843 ; Cass. com., 28 octobre 2008, n° 07-16.443, Société Natexis lease, F-P+B (N° Lexbase : A0593EBL), D. 2008, AJ p. 2866, note A. Lienhard, Gaz. proc. coll., 2009/1, p. 53, note F. Pérochon, Act. proc. coll., 2008/20, n° 309, note F. Pérochon, JCP éd. E, 2009, 1008, n° 7, obs. M. Cabrillac, et nos obs. in Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly - novembre 2008, Lexbase Hebdo n° 327 du 20 novembre 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N7494BHZ).

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Fiscalité internationale

[Jurisprudence] Dividendes payés à une holding européenne : portée de la clause anti-abus

Réf. : TA Montpellier, 2ème ch., 24 juin 2009, n° 0700526, SAS Cameron France (N° Lexbase : A8909EK8)

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N7522BL8

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par Emmanuel Picq, Avocat associé, Landwell & Associés

Le 07 Octobre 2010

Un groupe américain détenant de nombreuses filiales dans l'Union européenne, dont plusieurs filiales au Royaume-Uni, décide de créer une société holding britannique et de lui transférer l'ensemble de ses filiales, dont la filiale française. Le groupe interpose, par ailleurs, une société résidente du Luxembourg et une société résidente des Iles Caïmans entre la holding britannique et la maison mère américaine. Quelques mois plus tard, la société française distribue un dividende à la holding britannique en se prévalant de l'exonération prévue à l'article 119 ter du CGI (N° Lexbase : L3840IAH). L'administration redresse la société. Le tribunal administratif de Montpellier, dans un jugement du 24 juin 2009, juge qu'en invoquant des objectifs de mise en concordance de l'organisation avec la structure de management et divers objectifs financiers (non fiscaux), la société ne justifie pas que la chaîne de participation ait un but autre que fiscal et juge, par ailleurs, la clause anti-abus de l'article 119 ter, alinéa 3, du CGI conforme au droit communautaire. C'est à notre connaissance la première fois qu'un tribunal français se prononce sur les motivations susceptibles de justifier l'application de la clause anti-abus de l'article 119 ter, alinéa 3, du CGI et sur la compatibilité de celle-ci avec le droit communautaire dans le cas d'une société holding européenne (1).

L'utilisation des sociétés holdings par les groupes internationaux est fréquente. De telles sociétés présentent de nombreux avantages, notamment, en termes de gouvernance, de circulation des profits et de communication financière, et bien entendu de fiscalité.

L'une des questions les plus fréquemment posées à l'occasion de la création d'une holding est celle du degré de "substance" nécessaire pour bénéficier des avantages fiscaux attachés à ces sociétés. Aucun texte ne définit cette "substance" et les exigences sont différentes selon la perspective dans laquelle on se place : qualification de résidence pour les besoins des conventions fiscales, règle anti-paradis fiscaux de l'article 209 B du CGI (N° Lexbase : L3877HL8), règle anti-abus générale de l'article L. 64 du LPF (N° Lexbase : L4668ICU), clause anti-abus de l'article 119 ter du CGI en matière de retenue à la source sur dividendes, etc..

  • Les dispositions en question

La clause anti-abus refuse le bénéfice de l'exonération de retenue à la source aux dividendes payés à une société européenne contrôlée par des personnes morales résidentes d'Etats non membres de l'Union européenne, sauf si ces personnes morales justifient que la chaîne de participation n'a pas comme objet principal, ou comme l'un de ses objets principaux, de tirer avantage de l'exonération.

Cette clause trouve sa source dans la Directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 (dite Directive "mère-filles" N° Lexbase : L7669AUL) dont l'article 1, § 2, dispose que "l'exonération de principe posée par la Directive ne fait pas obstacle à l'application des dispositions nationales ou conventionnelles nécessaires afin d'éviter les abus".

La rédaction de la clause anti-abus et le test de "l'objet principal ou l'un des objets principaux" semblent en partie inspirés par la clause anti-abus qui figure à l'article 11 de la Directive 90/434 du 23 juillet 1990 (Directive "fusion" N° Lexbase : L7670AUM). Toutefois, le législateur français n'a retenu qu'une partie des dispositions de l'article 11 et a inversé la construction de cet article pour faire de la retenue à la source, le principe, et de l'exonération de retenue à la source, l'exception, en présence d'un contrôle du bénéficiaire du dividende par des personnes morales résidentes d'Etats non membres de l'Union européenne.

Il existe, par ailleurs, une seconde clause anti-abus à l'article 3, § 2, de la Directive "mère-filles", qui donne la possibilité aux Etats membres de ne pas accorder l'exonération lorsque l'actionnaire ne détient pas une participation qualifiante pendant au moins deux ans. La France a exercé cette possibilité en prévoyant à l'article 119 ter, § 2, section c, une condition de détention de deux ans ou, à défaut, d'engagement de conservation pendant un délai de deux ans.

  • Les faits de l'espèce

Dans l'affaire ayant donné lieu au jugement, une société américaine était actionnaire de nombreuses sociétés européennes, dont plusieurs au Royaume-Uni et une en France. En Europe, le sous-groupe britannique était, de loin, celui qui avait le plus gros chiffre d'affaires et les ressources les plus importantes. Ce sous-groupe animait l'ensemble des filiales dans les domaines des finances et des ressources humaines. De plus, un dirigeant du sous-groupe britannique siégeait aux conseils d'administration de l'ensemble des filiales européennes, avec, de surcroît, les fonctions de président de la filiale française.

Le groupe estima que cette situation n'était pas satisfaisante. D'abord, il lui parut souhaitable que les structures juridiques soient cohérentes avec l'organisation du management : dans la mesure où le sous-groupe britannique assurait déjà la supervision de l'ensemble des filiales européennes et, notamment, à travers la participation de son dirigeant aux conseils d'administration, il était légitime que ce sous-groupe soit impliqué en qualité d'actionnaire avec les avantages et les responsabilités associés à cette qualité. Ensuite, en l'absence de holding, toute remontée de profits des filiales européennes nécessite que les dividendes soient d'abord payés à la maison mère, charge à celle-ci de refinancer les filiales européennes ayant des besoins de financement, ce qui est source de complexité et de frottements fiscaux (dans l'Etat de la source comme dans l'Etat de résidence, comme, en l'espèce, aux Etats-Unis). Enfin, la création d'une holding européenne permet de faciliter la circulation du cash entre les filiales européennes et, dans les groupes américains, elle favorise la preuve que les fonds sont "investis durablement" dans les filiales étrangères, preuve qui permet d'assurer certains avantages fiscaux en termes de communication financière (APB opinion 23 modifiée par la règle SFAS 109).

La création d'une holding européenne au Royaume-Uni avait, également, pour effet d'éviter la retenue à la source sur dividendes, qui aurait autrement été due au taux de 5 % si un dividende avait été payé par la filiale française à la maison mère américaine sur la base de la Convention fiscale du 31 août 1994 entre la France et les Etats-Unis (N° Lexbase : L6692BHC). Cependant, la société estimait que ceci n'était qu'un effet de la réorganisation et non pas l'un de ses objectifs principaux, ce qui a fait l'objet d'un différend avec l'administration fiscale.

Sur cette base, l'actionnaire américain apporta donc l'ensemble de ses filiales européennes à la nouvelle holding britannique. Quarante jours plus tard, la filiale française approuva une distribution de dividendes à la nouvelle holding britannique, l'actionnaire estimant remplir toutes les conditions de l'article 119 ter du CGI et la loi n'imposant pas de délai de détention préalable.

  • Le litige

L'administration fiscale a redressé la société, estimant que, au contraire, l'un des objectifs principaux de la réorganisation était d'éviter la retenue à la source de 5 %. Le litige était, donc, l'occasion d'éclairer le débat sur la nature des objectifs et des conditions susceptibles d'écarter la clause anti-abus, et plus généralement sur la compatibilité de cette clause avec le droit communautaire.

Sur le premier point, le tribunal rejette l'argumentaire de la société, axé sur les objectifs managériaux et financiers de la réorganisation et de la chaîne de participations. Le tribunal estime que "à supposer qu'ils aient effectivement présidé à la constitution de la société", ces objectifs ne justifient pas "que la chaîne [...] remontant jusqu'aux Iles Caïmans avait un but autre que" celui de bénéficier de l'exonération de retenue à la source.

En d'autres termes, le tribunal estime qu'il ne s'agit pas d'objectifs valables, sans même chercher à vérifier le poids que ceux-ci ont pu avoir dans les motivations de la réorganisation. Il aurait été utile que le tribunal s'engage dans une "pesée" de ces objectifs pour apprécier le critère du "principal" et trancher pour ou contre l'application de la clause anti-abus.

Le tribunal insiste, également, sur la nécessité de prouver que toute la chaîne ("jusqu'aux Iles Caïmans") a un but autre que celui de bénéficier de l'exonération. Cette exigence nous paraît conforme au texte de l'article 119 ter.

Au cas particulier, l'interposition de la société des Iles Caïmans ne pouvait être motivée par l'objectif d'éviter une retenue à la source française puisque, par hypothèse, elle n'était pas actionnaire de la société française. Cette société permettait au groupe d'organiser, en tant que de besoin, des distributions entre les filiales européennes et la holding anglaise sans déclencher la fiscalisation de tels dividendes aux Etats-Unis, en toute légalité par rapport aux règles fiscales américaines. L'intérêt principal de cette société était, non pas de permettre une remontée des profits hors de la Communauté, mais, au contraire, de permettre leur circulation dans la Communauté sans coût fiscal américain (principe du "blocker").

Le tribunal n'a pourtant pas estimé utile d'examiner si ce type de motivation fiscale étrangère (en l'espèce américaine) était de nature à justifier la chaîne.

Ce faisant, le tribunal place la barre très haute sur les objectifs susceptibles de faire basculer le test de l'"objectif principal" ou de "l'un des objectifs principaux" en faveur d'une exonération. Si l'on écarte les objectifs managériaux et financiers (jugés non pertinents) et les objectifs fiscaux étrangers (non pris en compte), la preuve devient impossible à rapporter et il ne reste plus beaucoup de marge pour l'exonération de retenue à la source, qui était pourtant le principe posé par la Directive.

Cette lecture large de la clause anti-abus ne paraît pas conforme avec le principe d'interprétation stricte des exceptions, ni avec les objectifs de la Directive et le principe de liberté d'établissement.

Sur ce point, le tribunal se contente de citer l'article 1, § 2, de la Directive "mère-filles" et l'article 43 du Traité pour juger que l'article 119 ter, alinéa 3, ne contrevient pas au droit communautaire.

Tout en respectant la lecture du tribunal, on ne peut que regretter une motivation aussi peu étoffée sur un sujet aussi problématique.

On sait que la Cour de justice des Communautés européennes a eu, plusieurs fois, l'occasion de rappeler que les mesures prises en application d'une Directive doivent, néanmoins, respecter le droit primaire (CJCE, 18 septembre 2003, C-168/01, Bosal Holdings BV c/ Staatssecretaris van Financiën N° Lexbase : A5824C9L) et que les règles anti-abus ne peuvent avoir d'effet que sur les "montages purement artificiels et dépourvus de toute réalité économique" (CJCE, 12 septembre 2006, C-196/04, Cadbury Schweppes plc c/ Commissioners of Inland Revenue N° Lexbase : A9641DQ7).

Or, l'article 119 ter fait du bénéfice de la Directive, c'est-à-dire l'exonération de retenue à la source, une exception et, de surcroît, il subordonne cette exception à des conditions beaucoup plus contraignantes que celles qui résultent de la jurisprudence de la CJCE.

L'on s'étonnera, également, de ce que l'article 119 ter, alinéa 3, pose une règle d'application beaucoup plus large que celle résultant du concept d'abus de droit en droit français, qui repose sur un test de fictivité ou de but exclusivement (et non principalement) fiscal "recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leur auteur" (LPF, art. L. 64 N° Lexbase : L4668ICU). On peut, donc, se demander si l'article 119 ter, alinéa 3, ne crée pas une restriction ou une discrimination non justifiée au sens du droit communautaire.

Par ailleurs, la Directive a pour objet d'éliminer les désavantages d'une coopération entre groupes d'Etats membres différents par rapport à une coopération au sein du même Etat (cf. troisième considérant du préambule). Or, l'on constate que la rédaction de l'article 119 ter, alinéa 3, permet de sanctionner les structures transfrontalières plus facilement que les structures domestiques, lesquelles sont susceptibles d'être visées seulement par l'abus de droit, ce qui heurte les objectifs de la Directive.

Enfin, l'on peut s'interroger sur l'application de la clause anti-abus à des structures qui, comme celle ayant donné lieu au jugement, n'ont pas profité à des personnes morales établies en dehors des Etats membres (il n'y a pas eu de redistribution en dehors de l'Union européenne) mais, au contraire, ont permis le financement des activités européennes du groupe. Le tribunal estime, néanmoins, que "la circonstance alléguée que les distributions seraient demeurées à l'intérieur de la Communauté est sans incidence sur la configuration de la chaîne de participation".

Conclusion

Il n'est pas contesté que la lutte contre l'évasion fiscale soit une nécessité absolue. Toutefois, il serait dommage que, sous prétexte de lutter contre l'abus, on en vienne à ignorer les principes du droit communautaire et les principes fondamentaux de sécurité juridique et de clarté de la règle de droit. Peut-être y a-t-il lieu de poser quelques questions préjudicielles à la Cour de justice des Communautés européennes afin d'éclairer la notion d'abus, dans l'attente des résultats du travail de fond entrepris par la Commission sur ce sujet (communication du 10 décembre 2007 au Conseil, COM(2007)785).

En attendant, le résultat conduit à inviter les groupes internationaux à la plus grande prudence tant dans la documentation des motivations de leurs opérations de réorganisation et de la "substance" de leurs holdings que dans l'enchaînement des étapes juridiques de ces opérations.


(1) Dans un jugement du 20 novembre 2007, le tribunal administratif de Lyon avait exclu l'application de la clause anti-abus et, donc, validé l'exonération de retenue à la source sur un dividende payé à une société anglaise contrôlée par deux sociétés situées à Jersey, au motif que "la société anglaise préexistait aux sociétés situées à Jersey, de sorte qu'elle bénéficiait déjà de l'exonération", donc sans débat sur la nature des motivations de la chaîne (TA Lyon, 20 novembre 2007, n° 0504128, SAS Mac Kechnie France N° Lexbase : A0004ELQ).

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Consommation

[Jurisprudence] Quand la pratique déloyale consiste en un véritable forçage de la volonté du consommateur

Réf. : TGI Nanterre, 15ème ch., 2 juillet 2009, n° 0817245202, Société entreparticuliers.com, Romanyszyn Stéphane c/ Association fédérale des consommateurs Que Choisir (UFC - Que Choisir) et autres (N° Lexbase : A1216EKA)

Lecture: 8 min

N9248BL4

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par Malo Depincé, Maître de conférences à l'Université de Montpellier I, Avocat au Barreau de Montpellier

Le 07 Octobre 2010

Internet a parfois la réputation d'être le lieu de bien des abus de la part de professionnels en matière de vente de produits ou d'offres de services. Des affaires récentes (par ex., TGI Bordeaux, 11 mars 2008, Union fédérale des consommateurs - Que Choisir (UFC) c/ SA CDiscount) ont mis en évidence des pratiques illicites chez d'importants opérateurs. Les contrats sur la toile, largement dématérialisés, c'est-à-dire sans écrit au sens traditionnel du terme (sur l'écrit électronique, cf. C. civ, art. 1316-1 N° Lexbase : L0627ANK et s.), constituent pour le consommateur et le professionnel de nouveaux outils dont il reste encore à définir les modalités d'usage. Certes les informations exigées par le Code de la consommation, et plus largement encore le droit civil des contrats, doivent être portées à la connaissance du consommateur. Le contrôle de la transmission de l'information via un site internet doit pourtant être adapté à ces nouveaux médias. Et la présentation des sites internet, empêchant parfois une vision complète de ce qui constitue les obligations contractuelles des parties, peut s'avérer des plus confuses. Plus encore que confuses elles sont, en d'autres circonstances, largement ambiguës et il est important alors de comprendre les moyens de caractériser la volonté du professionnel de parvenir à ce résultat. C'est le premier intérêt présenté par le jugement du 2 juillet 2009 du tribunal de grande instance de Nanterre siégeant en matière pénale. Le jugement constitue, également, une illustration de la transition entre la publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur de l'ancien article L. 121-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6565ABR) et la pratique commerciale déloyale prohibée par le nouvel article L. 121-1 (N° Lexbase : L2457IBM). Les consommateurs doivent alors, dès à présent, être rassurés : les faits incriminés s'étaient déroulés de 2007 à janvier 2008 et donc sous l'empire des anciennes puis des nouvelles dispositions de l'article précité. Sur le fondement des deux versions de cet article, les prévenus ont pu, pour la même pratique, être condamnés. Les modifications apportées à la loi française en janvier 2008 (loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, pour le développement de la concurrence au service des consommateurs N° Lexbase : L7006H3U; lire les obs. de A.-L. Blouet-Patin, Publication de la loi "Chatel" renforçant la concurrence au service des consommateurs, Lexbase Hebdo n° 287 du 10 janvier 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N6088BDT) sont, en effet, le résultat de la transposition de la Directive communautaire sur les pratiques commerciales déloyales (Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 N° Lexbase : L5072G9Q), qui a récemment été interprétée par la Cour de justice des Communautés européennes comme opérant une harmonisation totale (CJCE, 23 avril 2009, aff. jointes C-261/07 et C-299/07, VTB-VAB NV c/ Total Belgium NV N° Lexbase : A5552EGQ ; et nos obs. L'interdiction des offres conjointes aux consommateurs censurée par la CJCE, Lexbase Hebdo n° 354 du 11 juin 2009 - édition privée générale N° Lexbase : N6475BKZ). Le législateur national ne peut, en conséquence, depuis celle-ci maintenir une réglementation qui, s'appliquant aux pratiques commerciales, instituerait un régime juridique plus protecteur.

On remarquera néanmoins, par l'une des premières applications de l'article L. 121-1 nouveau du Code de la consommation, que les pratiques commerciales sans être nécessairement mensongères demeurent sanctionnables pour autant qu'elles puissent être considérées comme "déloyales" ou plus précisément, selon les termes mêmes de la Directive qu'elles sont "trompeuses" ou "agressives" (Directive 2005/29, art. 5). En l'espèce, pour commenter le présent jugement, il semble donc opportun de tenter une qualification précise des faits reprochés aux prévenus avant de présenter les sanctions prononcées par le tribunal.

La qualification de pratiques trompeuses puis agressives et déloyales. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) avait reçu au cours des années 2007 et 2008 de nombreuses plaintes de consommateurs (en l'occurrence plus d'une centaine) à l'encontre d'un site de mise en ligne d'annonces immobilières par des particuliers. Les services proposés par la société gestionnaire du site étaient évidemment payants mais bien des consommateurs s'étaient plaints de ne pas avoir pu pleinement comprendre les prix pratiqués en quelque sorte avant qu'ils leur aient été facturés. Quatre pratiques étaient précisément visées par l'action publique dans cette affaire.

Premièrement, les consommateurs n'étaient informés du prix de la mise en ligne de leur annonce que tardivement. Les agents de la DGCCRF, qui avaient fait procéder à des tentatives d'insertion d'annonces sur le site incriminé, avaient pu constater que "le coût de la parution intervenait à la fin, alors même qu'aucune indication n'avait été donnée au consommateur sur le fait qu'il était sur un site d'annonces payant, avec une tarification claire, cette information se déduisant de la proposition tarifaire". Pire encore "une fois l'annonce remplie [ par conséquent avant d'avoir été clairement informé sur les prix pratiqués], l'affichage de l'écran n'offrait pas d'autre solution que de cliquer sur la touche valider', le client ne pouvant modifier son choix i.e. revenir sur sa décision avant qu'elle soit définitive, qu'en arrêtant son ordinateur pour annuler la procédure". Le consommateur n'était donc pas informé du prix de la prestation comme l'impose pourtant le Code de la consommation, information qu'il doit en vertu de l'article L. 111-1 et en toute logique être nécessairement fourni avant la conclusion du contrat (v., également, C. consom., art. L. 113-1 N° Lexbase : L0333ICC et R. 113-1 N° Lexbase : L6824ABD). Par la première pratique incriminée, procédant d'une véritable contrainte technique sur le consommateur, ce dernier était en quelque sorte forcé à contracter. Or une telle pratique est directement visée à l'article 9 de la Directive en tant que "pratique agressive" (alors que les dispositions du Code français de la consommation transposant la Directive semblent plus restrictives à une action pénale en cette hypothèse, ne visant exclusivement que les contraintes "physique ou morale" : C. consom., art. L. 122-11 N° Lexbase : L2524IB4). Pour le tribunal de Nanterre, du fait de l'architecture du site le consommateur "est obligé de donner des informations avant de connaître les modalités du contrat et donc de savoir s'il souhaite contracter ou non avec ce site". Il s'agit là d'une pratique commerciale que le tribunal reconnaît comme trompeuse pour 2007 et déloyale pour 2008. Le tribunal prend d'ailleurs soin, au-delà du seul fondement de l'action engagée, de préciser que la méthode en cause "pourrait par ailleurs recevoir une autre qualification pénale".

En deuxième lieu, une autre pratique pourrait, encore une fois pour les juges de Nanterre, faire l'objet d'une autre qualification pénale ajoutant encore un peu au rejet total de ce type de pratiques. En l'occurrence, les annonces étaient en certaines hypothèses publiées sans l'accord de l'intéressé. Certains consommateurs qui n'étaient pas allés jusqu'à la fin de la procédure dématérialisée d'enregistrement de leur annonce s'étaient plaints "d'avoir été contactés par la société pour payer la prestation du fait que l'annonce était parue sur le site alors qu'ils n'avaient ni validé ni payé leur annonce". Sans surprise, le tribunal y a vu une pratique commerciale déloyale en ce qu'elle consistait à "forcer la vente".

Troisième pratique, à l'ambiguïté des tarifs qui étaient non seulement précisés tardivement (cf. supra) s'ajoutaient le fait qu'ils étaient également "de nature à induire en erreur" le consommateur. Pour le tribunal, le site internet opérait une confusion entre le paiement forfaitaire et le paiement mensuel. Un seul tarif, la formule de base, était affiché clairement tout en sous-entendant clairement qu'il en existait d'autres. Pour avoir accès à un second tarif, assurant la publication d'une photo, le consommateur intéressé devait déclarer son intention de voir publier une photo. Ce n'est qu'alors qu'il était contacté par téléphone pour que lui soient notifiées les modalités du service et son tarif. L'opérateur annonçait au consommateur, selon une formule préparée et identique pour chacun "vous ne paierez que 145 € pour six mois d'annonce" alors que les 145 euros étaient en réalité à payer chaque mois. Ce tarif, certes plus intéressant, était en réalité conditionné à la souscription d'un abonnement de six mois, "pour six mois d'annonces" donc. Le prix réel payé par le consommateur était largement supérieur à ce qu'il pouvait comprendre de l'explication donnée par l'opérateur téléphonique.

Quatrième et dernier point enfin, cette fameuse offre pour six mois était assortie d'une garantie spéciale de remboursement si le bien n'était pas vendu à la fin de l'abonnement facturé 145 euros par mois. Le consommateur, néanmoins, n'avait accès aux conditions spécifiques de mise en jeu de cette garantie qu'à la fin de son abonnement et après avoir téléphoné au service concerné. Dans la même veine que les méthodes déjà sanctionnées, les conditions de remboursement étaient strictement encadrées, à la grande surprise évidemment des consommateurs trompés. Pour le tribunal la pratique est constitutive "d'une omission trompeuse".

L'ensemble des quatre pratiques incriminées, condamnables isolément, permet de considérer "une tromperie qui aboutit à ce que le consommateur contracte dans des conditions où les éléments essentiels du contrat, notamment le prix, la durée et les conditions de remboursement, sont soit présentés d'une manière ambiguë et déloyale soit sont totalement absents ". Le tribunal voit alors dans la construction du site une manoeuvre "volontaire". Il restait alors à apprécier la juste sanction d'un tel comportement.

Les sanctions. Les prévenus ont été reconnus coupables des faits qui leur était reprochés et condamnés à des amendes (à la fois donc pour publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur et pour pratique commerciale déloyale). La société qui gérait le site a été condamnée à 150 000 euros, somme conséquente voire exceptionnelle mais qui au regard de la jurisprudence antérieure semble correspondre à l'ampleur de la pratique incriminée. Le Code de la consommation fixe en l'occurrence l'amende maximale qui peut être prononcée à 37 500 euros, somme qui peut être comme en l'espèce dépassée et atteindre jusqu'à 50 % des dépenses de publicité (C. consom., art. L. 121-6 N° Lexbase : L2554IB9). L'importance de l'amende prononcée est justifiée dans le jugement par le caractère volontaire de ces pratiques et l'importance du préjudice porté aux consommateurs. Il a pu être établi que le dirigeant et fondateur de la société "déjà condamné pour des faits similaires" avait directement et personnellement été, pour le tribunal, l'instigateur des pratiques pénalement sanctionnées. Il a été lui aussi condamné à titre personnel.

Le tribunal ordonne, également, la publication du jugement, sanction sans doute la plus efficace, et ce d'autant plus qu'en cette affaire elle est ordonnée sur le site internet de la société et dans un grand quotidien national (C. consom., art. L. 121-4 N° Lexbase : L5790H9C).

En l'espèce, plusieurs personnes s'étaient, par ailleurs, constituées parties civiles, bénéficiant dans cette affaire des conseils d'une association de consommateurs qui recherchait pour sa part la réparation de l'atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs. On ne pourra que remarquer le caractère minime des indemnisations accordées à chacun des consommateurs lésés, de 90 à 1 070 euros selon les sommes indûment versées par les victimes et selon l'importance de leur préjudice moral qui a été reconnu (l'une des victimes n'ayant pas chiffré son préjudice n'a pas été indemnisée par le juge qui dans ces hypothèses ne se substitue pas à la carence des parties).

L'association de consommateurs a reçu 30 000 euros au titre de dommages et intérêts, somme qui en l'absence d'un préjudice qui puisse être évalué sans discussion, ressemble plus à une peine privée qu'à une véritable réparation. L'atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs est, en effet, impossible à caractériser puisqu'elle n'est constituée en réalité ni de l'atteinte aux droits de l'association elle-même, ni, comme le confirme ici l'allocation d'indemnités individuelles à certains consommateurs, la somme des préjudices individuels. Elle est, par conséquent, une sanction dont profite l'association de consommateurs pour le financement de son activité sans que ni les faits de l'espèce, ni la loi ne permettent de fixer son montant. Les plus cyniques n'y verront qu'une tarification "à la louche", dernier avatar de la notion de dommages et intérêts "punitifs" qu'il conviendrait aujourd'hui probablement d'encadrer.

Cette affaire appelle bien évidemment une dernière remarque : plusieurs consommateurs ont pu se constituer parties civiles dans cette affaire et obtenir indemnisation. Pour autant ici, la procédure suivie montre rapidement ses limites. En imposant que chaque partie civile se prononce sur l'étendue de son préjudice, la procédure allongeait encore un peu le temps du procès. Sans publicité aucune, tous les consommateurs lésés n'ont probablement pas pu faire valoir leurs droits devant le tribunal de Nanterre, faute d'en avoir été informés ou faute d'en avoir les moyens au regard de l'indemnisation espérée (rappelons que l'une des parties civiles a reçu 90 euros !). Il s'agit là encore d'une affaire qui milite pour l'instauration d'une véritable class action (ou pour ne choquer personne une "action de groupe") à la française.

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Marchés publics

[Textes] Marchés publics : publication du décret "effet utile"

Réf. : Décret n° 2009-1086 du 2 septembre 2009 (N° Lexbase : L6978IE8), tendant à assurer l'effet utile des Directives (CE) 89/665 (N° Lexbase : L9939AUN) et 92/13 (N° Lexbase : L7561AUL), et modifiant certaines dispositions applicables aux marchés publics

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N9247BL3

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par Vincent Corneloup, Avocat associé, spécialiste en droit public, docteur en droit public, SCP Dufay-Suissa-Corneloup

Le 07 Octobre 2010

Le décret n° 2009-1086 du 2 septembre 2009, tendant à assurer l'effet utile des Directives (CE) 89/665 et 92/13, et modifiant certaines dispositions applicables aux marchés publics, est paru au Journal officiel du 4 septembre 2009. Ce décret poursuit un double objectif. Le premier est de clarifier certaines dispositions du Code des marchés publics qui avaient souffert de la précipitation avec laquelle ce Code a été réformé en décembre 2008 (1). Le second est de mettre en conformité certaines dispositions de droit interne avec le droit communautaire. Ce toilettage du Code des marchés publics ne s'est pas fait sans mal.

Ainsi, le projet de décret a fait l'objet de plusieurs publications sur le site internet du ministère de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi, et a connu plusieurs versions, en raison, principalement, de l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes en date du 11 juin 2009, selon lequel la France a partiellement manqué à ses obligations communautaires en matière de recours relatifs à certains marchés (2).

Ce décret "effet utile", qui n'a d'autre vocation que de clarifier le Code des marchés publics et d'assurer le respect du droit communautaire, est un décret "fourre-tout" qui se prête difficilement à la synthèse.

Nous ne reviendrons pas, dans le cadre du présent article, sur le toilettage strictement formel du Code des marchés publics quand il ne modifie pas le fond du droit applicable. C'est le cas, par exemple, de la suppression de parties de phrases ou d'alinéas du Code, uniquement pour tenir compte de la suppression de la commission d'appel d'offres pour l'Etat et les établissements publics de santé effectuée par le décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008, de mise en oeuvre du plan de relance économique dans les marchés publics (N° Lexbase : L3155ICT). Il en va, de même, de la suppression de certaines phrases pour tenir compte de la disparition de la double enveloppe depuis l'entrée en vigueur du même décret. Nous n'examinerons pas non plus la transformation de la commission des marchés publics de l'Etat en une commission consultative des marchés publics puisqu'un décret est attendu, dans les prochaines semaines, pour préciser le fonctionnement de cette nouvelle commission.

En revanche, il est indispensable, pour tout praticien ou curieux des marchés publics, de retenir les cinq points suivants :

I - L'accentuation de la distinction entre les marchés à procédure adaptée et les marchés à procédure formalisée

C'est à propos des variantes (A) et des offres anormalement basses (B) que l'on peut porter un tel constat.

A - Les variantes

Désormais, dans le cadre d'une procédure formalisée, le pouvoir adjudicateur doit préciser dans l'avis d'appel public à la concurrence, ou dans le dossier de consultation, si des variantes peuvent être présentées (3). S'il n'est rien mentionné à leur propos, les variantes ne sont pas autorisées.

En revanche, dans le cadre d'une procédure adaptée, si le pouvoir adjudicateur ne mentionne rien à propos des variantes, celles-ci peuvent être présentées librement (4).

De même, s'il autorise les variantes, le pouvoir adjudicateur doit indiquer les exigences minimales et les modalités de présentation devant être respectées dans le cadre d'une procédure formalisée. En revanche, cette obligation n'existe pas pour les marchés à procédure adaptée. C'est seulement une faculté qui est alors laissée à l'appréciation du pouvoir adjudicateur (5).

La pertinence de ces dispositions ne relève pas de l'évidence. En effet, le risque de confusion de la part des acheteurs publics (notamment, au sein des petites ou moyennes collectivités territoriales) n'est pas négligeable. Par ailleurs, les opérateurs économiques pourront aisément se tromper et, par exemple, présenter des variantes dans le cadre d'une procédure formalisée et dans le silence gardé par le pouvoir adjudicateur, alors que cette possibilité ne leur est ouverte que dans le cadre des MAPA. Ce n'est assurément pas avec ce type de dispositions que le droit des marchés publics est susceptible de se rapprocher du respect du principe de sécurité juridique.

B - Les offres anormalement basses

Le nouveau décret précise que c'est seulement lorsque la procédure est formalisée que la commission d'appel d'offres est le seul organe à pouvoir rejeter les offres anormalement basses. Cela pouvait paraître évident puisque le recours à cette commission n'est pas obligatoire pour les MAPA, mais nécessitait, cependant, d'être précisé.

II - L'assouplissement des règles relatives aux candidatures

Cet assouplissement se manifeste par l'élargissement du champ d'application du rattrapage des candidatures (A) et par la possibilité, pour les candidats, de présenter "à leur guise" leur candidature dans le cadre des marchés allotis (B).

A - L'élargissement du champ d'application du rattrapage des candidatures

Depuis 2006, l'article 52 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L7064IED) prévoit que le pouvoir adjudicateur peut demander à tous les candidats de compléter leur dossier de candidature lorsqu'il constate que des pièces demandées sont absentes ou incomplètes.

En revanche, il ne pouvait pas solliciter les candidats n'ayant pas présenté les éléments permettant de juger leur capacité juridique afin qu'ils régularisent leur candidature (6). Tel est désormais le cas.

L'absence de présentation du mandat de la société se disant mandataire d'autres entreprises dans le cadre d'un groupement pourra donc être, désormais, demandé après l'examen des candidatures.

On ne peut que se réjouir de cette nouvelle disposition qui permet d'éviter que des candidatures ne soient rejetées qu'en raison de l'absence d'un document, alors que l'offre présentée par le candidat peut être intéressante pour l'acheteur public concerné.

B - La possibilité pour les candidats de présenter "à leur guise" leur candidature dans le cadre des marchés allotis

L'article 57, V, du Code des marchés publics (N° Lexbase : L7061IEA) prévoit, désormais, que pour les marchés allotis, les candidats peuvent soit présenter un seul exemplaire de leurs documents relatifs à leur candidature et scinder lot par lot les éléments relatifs à leurs offres, soit présenter pour chacun des lots à la fois les éléments concernant leurs candidatures et leurs offres.

C'est une solution de bon sens qui est donc consacrée.

III - La libéralisation du régime des avances

Le décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008, de mise en oeuvre du plan de relance économique dans les marchés publics, ainsi que la circulaire du 19 décembre 2008, relative au plan de relance de l'économie française (N° Lexbase : L3150ICN), ont prévu une généralisation du versement des avances pour les marchés d'un montant supérieur à 20 000 euros hors taxes, sans condition de durée du marché.

Le décret commenté indique, à ce propos, que les taux et les conditions de versement de l'avance en cours d'exécution d'un marché peuvent être modifiés par avenant.

Il est, également, précisé que les sous-traitants peuvent désormais bénéficier du versement d'une avance si le titulaire du marché peut lui-même en bénéficier, et ceci même, sans doute, en cas de renonciation au versement de l'avance par ce titulaire.

IV - Le durcissement du régime des marchés à bons de commande

L'article 77 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L7038IEE) prévoit désormais qu'un marché à bons de commande doit être attribué, en cas de multi-attribution, au minimum à trois entreprises, à condition évidemment qu'il y ait eu au moins trois offres.

C'est là réduire la liberté des acheteurs publics sans grand intérêt. En effet, si seulement deux offres correspondent aux attentes de la collectivité publique concernée, on ne voit pas pourquoi le marché ne pourrait pas être attribué seulement à deux entreprises.

V - La mise en conformité avec le droit communautaire

Dans son arrêt "Commission c/ République française" du 11 juin 2009 (CJCE, 11 juin 2009, aff. C-327/08, Commission des Communautés européennes c/ République française N° Lexbase : A1883EIL), la Cour de justice des Communautés européennes a estimé que l'article 1441-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L5555HD4) violait les dispositions des Directives communautaires (CE) 89/665 et 92/13 relatives aux procédures de recours en matière de passation des marchés.

En effet, cet article relatif aux marchés passés par les personnes publiques ou privées non soumises au Code des marchés publics (7), prévoyait une mise en demeure obligatoire du pouvoir adjudicateur de se conformer aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation du contrat, avant la saisine de la juridiction compétente dans le cadre du référé précontractuel.

Mais ce n'est qu'en cas de refus ou d'absence de réponse dans un délai de dix jours que la saisine du juge pouvait s'effectuer. De facto, ce procédé empêchait tout recours d'un candidat puisque le marché était immanquablement conclu à l'expiration des dix jours. D'où la solution retenue par la Cour de justice des Communautés européennes.

C'est pourquoi, le décret "effet utile" supprime tout simplement cette obligation de mise en demeure du pouvoir adjudicateur avant de pouvoir saisir le juge compétent.

Ce décret était attendu dans la mesure où il était indispensable de toiletter le Code des marchés publics qui contenait des scories rendant parfois sa lecture peu compréhensible.

Toutefois, ce texte a le même défaut que ceux publiés en décembre 2008, à savoir qu'il n'obéit à aucune vision d'ensemble de la matière. A ce titre, l'accentuation de la distinction entre les marchés à procédure adaptée et la procédure finalisée est un nouveau piège tendu tant aux pouvoirs adjudicateurs qu'aux opérateurs économiques. Mais quel est l'intérêt de procéder de cette manière ?

On s'éloigne ainsi, encore un peu plus, du double principe qui devrait être le seul fil conducteur de toute réforme du droit de la commande publique, à savoir, d'une part, le meilleur achat au meilleur coût pour les pouvoirs adjudicateurs et, d'autre part, la concurrence la plus large entre les opérateurs économiques.


(1) Lire notre article "Une réforme (trop) circonstancielle du Code des marchés publics", Lexbase Hebdo du 5 février 2009 - édition publique (N° Lexbase : N4850BIH).
(2) CJCE, 11 juin 2009, aff. C-327/08, Commission des Communautés européennes c/ République française (N° Lexbase : A1883EIL), JO C 180 du 1er août 2009, p. 21.
(3) L'article 50 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L7003IE4) prévoit, désormais, que la présentation des variantes peut être autorisée seulement lorsque le pouvoir adjudicateur se fonde sur plusieurs critères pour attribuer le marché.
(4) A condition, là encore, que l'attribution se fasse sur la base de plusieurs critères.
(5) Dans l'hypothèse d'un MAPA, les exigences minimales et les modalités de présentation des variantes peuvent être présentées de manière succincte si le pouvoir adjudicateur décide de les prévoir.
(6) Cf. CE 2° et 7° s-s-r., 28 avril 2006, n° 283942, Syndicat mixte de gestion et de travaux pour l'élimination des déchets ménagers et assimilés de la zone ouest du département de l'Hérault (N° Lexbase : A2020DPI) : "Si ces dispositions [de l'article 52] ont pour effet de donner à la personne publique la faculté de demander, sur un plan de stricte égalité, aux candidats de fournir certains documents liés à leur capacité technique ou financière d'exécuter le marché, elles ne sauraient lui conférer la possibilité, dès lors qu'un candidat n'a pas justifié de sa capacité juridique lui permettant de déposer sa candidature, de compléter le dossier de celle-ci pour assurer la recevabilité de sa demande".
(7) Ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des marchés publics ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 360021, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "Ordonnance n\u00b02005-649 du 6 juin 2005 relative aux march\u00e9s pass\u00e9s par certaines personnes publiques ou priv\u00e9es non soumises au code des march\u00e9s publics", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: L8429G8P"}}).

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Immobilier - Bulletin d'actualités n° 4

[Jurisprudence] Bulletin de droit immobilier - Cabinet Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés - Septembre 2009

Lecture: 9 min

N9253BLB

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Le 07 Octobre 2010

Tous les deux mois, le Cabinet Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés, en partenariat avec les éditions juridiques Lexbase, sélectionne l'essentiel de l'actualité relative au droit immobilier. A noter, entre autres, ce mois-ci, en matière de droit de la construction, un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 8 septembre 2009, qui rappelle que la faute dolosive de l'entreprise est de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard du maître d'ouvrage, nonobstant la forclusion décennale ; ou encore, en matière de droit de l'urbanisme, un arrêt rendu par la Chambre criminelle, le 30 juin 2009, qui énonce qu'un nouveau permis de construire est nécessaire lorsqu'une reconstruction fait suite à la démolition accidentelle de l'ouvrage intervenue au cours d'une opération de réhabilitation, autorisée par un précédent permis de construire.

I - Droit de la construction

  • Faute dolosive de l'entreprise de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard du maître d'ouvrage (Cass. civ. 3, 8 septembre 2009, n° 08-17.336, F-P+B N° Lexbase : A8977EKP)

La faute dolosive de l'entreprise est de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard du maître d'ouvrage, nonobstant la forclusion décennale. Tel est le principe rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 8 septembre 2009.

En l'espèce, des particuliers avaient commandé la pose d'une cheminée à une société qui avait réalisé leur maison à ossature bois. En 2003, un incendie ayant détruit leur maison, ils avaient, au vu d'un rapport d'expertise, assigné en indemnisation de leur préjudice tant la société à laquelle ils avaient fait appel que la société que cette dernière avait fait intervenir sur le chantier.

La société qui a, in fine, réalisé les travaux a été condamnée à réparer le préjudice subi par le maître d'ouvrage à la suite de l'incendie de sa maison.

Devant la Cour de cassation, elle contestait avoir commis une faute dolosive de nature à engager sa responsabilité contractuelle et faisait valoir qu'en tout état de cause l'action fondée sur sa responsabilité contractuelle était prescrite puisqu'introduite plus de dix années après la réception des travaux.

La Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle retient que l'installation de la cheminée dans une maison à ossature bois, réalisée par des personnes ignorant visiblement les règles de l'art en ce qui concerne la notion d'écart au feu, était calamiteuse et manifestement incorrecte à la traversée du plancher mais également à la traversée d'un lambris. Elle approuve les juges du fond d'avoir estimé que l'entreprise ne pouvait pas ignorer qu'elle prenait un risque de nature à entraîner presque inéluctablement un désordre, tel que celui qui est survenu. En conséquence, elle considère que la société, n'ayant pas pris les précautions élémentaires dans toute construction de cheminée de ce type, a commis, de manière délibérée, une faute dolosive de nature à engager sa responsabilité contractuelle nonobstant la forclusion décennale.

Cette solution est communément admise depuis un arrêt de principe du 27 juin 2001 (Cass. civ. 3, 27 juin 2001, n° 99-21.017, SMABTP et GAN c/ Epoux Suire et autres N° Lexbase : A7017C8E, Bull. civ. III, n° 83). Les juridictions administratives jugent dans le même sens (CE 2° et 7° s-s-r., 26 novembre 2007, n° 266423, Société Les Travaux du Midi N° Lexbase : A9594DZD et pour l'arrêt de principe CE Contentieux, 24 mai 1974, n° 85939, Société Paul Millet et Cie N° Lexbase : A6874B8P).

Ainsi, dès lors qu'elle est fondée sur une faute dolosive, la responsabilité contractuelle de l'entreprise pouvait, sous l'empire des anciens textes, être engagée pendant une durée de trente ans.

Depuis la réforme du droit commun des prescriptions par la loi du 17 juin 2008 (loi n° 2008-561, portant réforme de la prescription en matière civile N° Lexbase : L9102H3I), l'action est désormais enfermée dans un délai de cinq années à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (C. civ., art. 2224 N° Lexbase : L7184IAC).

Mais l'arrêt commenté, étant prononcé sous l'empire des anciens textes, n'avait pas à faire application de ces nouvelles dispositions.

  • Le marché à forfait, le maître d'oeuvre et le bouleversement de l'économie du marché (Cass. civ. 3, 9 septembre 2009, n° 08-15.728, FS-D N° Lexbase : A8960EK3)

S'il n'est pas révolutionnaire, cet arrêt présente l'intérêt de mettre en scène le maître d'oeuvre dans le cadre d'une procédure de règlement de solde d'honoraires, initialement fixé de manière forfaitaire.

L'article 1793 du Code civil (N° Lexbase : L1927ABY) prévoit que "lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire".

Ainsi, dès lors que l'architecte ou l'entreprise fixe son prix d'après un plan arrêté et convenu d'avance fixé par le maître d'ouvrage, il ne peut, en principe, être sollicité aucune augmentation de prix, que ce soit au motif d'une augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ou en raison de changements ou augmentations faits sur le plan.

Le paiement de travaux supplémentaires ou d'un d'honoraire complémentaire n'intervient, en principe, que lorsque les changements ou augmentations ont été autorisés par écrit par le maître d'ouvrage et le prix convenu avec ce dernier.

Les tribunaux ont ajouté, notamment, une autre hypothèse dans laquelle les parties peuvent solliciter la "sortie" du forfait : celle d'un bouleversement de l'économie du marché.

Ce contentieux du marché à forfait oppose plus régulièrement l'entrepreneur au maître d'oeuvre.

En l'espèce, il s'agissait d'un maître d'oeuvre à qui avait été confiée une mission complète pour l'édification d'une maison de retraite. Puis, la mission et la rémunération de l'architecte avaient été réduites par avenant. Un permis de construire avait été accordé le 16 novembre 1999. L'architecte, à la demande du maître de l'ouvrage, avait établi des plans modificatifs et déposé une demande de permis de construire modificatif en raison d'une translation de trois mètres de l'ensemble du bâtiment, de l'élargissement d'un mètre du bâtiment central et d'une augmentation de la surface hors oeuvre. C'est dans ce contexte que, soutenant qu'il y avait eu bouleversement de l'économie du contrat initial, l'architecte avait assigné le maître d'ouvrage en paiement d'un solde d'honoraires.

La Cour de cassation accueille favorablement cette demande et retient qu'il résultait de la demande de permis de construire modificatif que, non seulement l'ensemble du bâtiment et le parking avaient subi une translation de trois mètres et que le bâtiment central avait été élargi, mais surtout, que la surface hors oeuvre brute totale initiale était passée de 3 464 m² à 4 071 m² et que la surface hors oeuvre nette totale initiale était passée de 3 251 m² à 3 868 m², soit une augmentation respectivement de 607 m² et 617 m², représentant 19 % de cette dernière surface.

En raison de ces importantes modifications, qui avaient touché tant l'implantation du bâtiment que la création, au niveau inférieur, de différents locaux d'une superficie totale supérieure à 600 m², et qui avaient été effectuées à la demande du maître de l'ouvrage, qui les avait acceptées de manière non équivoque, les juges du fond ont pu en déduire qu'il y avait eu un bouleversement de l'économie générale du marché, autorisant le maître d'oeuvre à solliciter un honoraire supplémentaire.

La solution n'est pas innovante, mais présente l'intérêt d'être appliquée aux rapports maître d'ouvrage/maître d'oeuvre.

II - Droit de l'urbanisme

  • Un nouveau permis de construire est nécessaire lorsqu'une reconstruction fait suite à la démolition accidentelle de l'ouvrage intervenue au cours d'une opération de réhabilitation, autorisée par un précédent permis de construire (Cass. crim., 30 juin 2009, n° 08-88.022, F-P+F N° Lexbase : A5789EKM)

La reconstruction d'un bâtiment est soumise à l'obtention préalable d'un permis de construire y compris lorsque la démolition accidentelle de l'ouvrage est intervenue au cours d'une opération de réhabilitation, autorisée par un précédent permis de construire. S'il s'agit d'une solution classique en matière administrative, c'est à notre connaissance la première fois que la Cour de cassation l'énonce.

En l'espèce, des particuliers, qui avaient obtenu un permis de construire les autorisant à réhabiliter une construction existante, étaient poursuivis devant le tribunal correctionnel pour avoir, après démolition de la construction existante, édifié une nouvelle construction sans autorisation de construire. Ils avaient été condamnés en première instance au paiement d'une amende.

Visant notamment l'article L. 111-3 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1692IEE) qui dispose que "la reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié", la Cour de cassation considère que cette reconstruction est soumise à l'obtention préalable d'un permis de construire.

Cette position est celle adoptée par les juridictions administratives (notamment CE 3° et 8° s-s-r., 20 février 2002, n° 235725, M. Plan N° Lexbase : A1521AYY).

Il est, en outre, exigé que le permis de construire porte sur la totalité de l'immeuble sinistré et non pas seulement sur les parties du bâtiment qui ont souffert du sinistre (CAA Marseille, 6 mai 2004, n° 01MA00846, Commune de Saint-Chamas N° Lexbase : A8384DCI).

Rappelons que le principe du droit de reconstruction à l'identique vient d'être étendu par la loi de simplification du droit du 12 mai 2009 (loi n° 2009-526, de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures N° Lexbase : L1612IEG) : il s'applique, désormais, à tout bâtiment détruit ou démoli, quelle que soit la cause de cette destruction ou démolition, alors que précédemment, il ne s'appliquait qu'en cas de sinistre.

III - Bail d'habitation

  • Abandon de domicile et continuation du bail au profit d'un descendant (Cass. civ. 3, 8 juillet 2009, n° 08-16.992, Office public d'aménagement et de construction (OPAC) de Paris, établissement public, FS-P+B N° Lexbase : A7407EI8)

Le départ définitif du titulaire du bail, qui ne laisse pas d'adresse ni ne donne de nouvelles à sa fille demeurée dans les lieux, constitue un abandon de domicile au sens de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 (loi n° 89-462, tendant à améliorer les rapports locatifs N° Lexbase : L8461AGH) permettant la continuation du bail au profit de la fille. Tel est l'apport de l'arrêt de la Cour de cassation du 8 juillet 2009.

En l'espèce, une mère et sa fille occupaient un logement qui avait été donné à bail à la mère par l'OPAC. La fille avait assigné le bailleur afin de faire juger que le bail s'était continué à son profit après le départ de sa mère. Le bailleur sollicitait à titre reconventionnel la résiliation du bail pour inoccupation du logement. Les juges du fond faisaient droit à la demande de la fille et estimaient que le bail devait être continué à son profit à la suite de l'abandon de domicile imputable à la mère. La Cour de cassation confirme cette analyse.

Elle approuve les juges du fond d'avoir caractérisé l'abandon de domicile par le fait que la mère, à la suite de divergences d'ordre personnel survenues avec sa fille, avait quitté son logement sans l'informer de sa nouvelle adresse ni lui donner de ses nouvelles.

Rappelons que l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 dispose, notamment, qu'en cas d'abandon du domicile par le locataire, le contrat de location continue au profit des ascendants, du concubin notoire ou des personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date de l'abandon du domicile.

Il était initialement admis que, pour caractériser l'abandon de domicile, il convenait d'établir un départ brusque et imprévisible du locataire en titre, ce qui exclut un départ concerté avec les personnes vivant avec lui (CA Paris, 6ème ch., sect. B, 29 septembre 2005, n° 04/10707, OPAC de Paris c/ Mme Nathalie I. N° Lexbase : A4623DLS).

Mais, dans un arrêt du 26 novembre 2008, la Cour de cassation avait infléchi cette position en retenant que le départ définitif du locataire en titre (en l'occurrence placé en maison de retraite), imposé à l'un des bénéficiaires visés par l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, suffisait à caractériser l'abandon de domicile (Cass. civ. 3, 26 novembre 2008, n° 07-17-728, M. X c/ La société Roubaix habitat, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3949EBU).

L'arrêt commenté s'inscrit dans cette lignée puisque, loin de faire référence aux critères classiques de départ brusque et imprévisible du locataire en titre, il prend en considération le caractère définitif de ce départ et le fait que ce départ soit imposé à l'occupant restant.

James Alexandre Dupichot,
Avocat associé

Contact :
SELARL Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés,
22 avenue de Friedland
75008 Paris

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Responsabilité médicale

[Panorama] Panorama de responsabilité médicale (avril à juillet 2009) (troisième partie)

Lecture: 15 min

N9249BL7

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de l'Encyclopédie de Droit médical

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, de retrouver la troisième partie du panorama de responsabilité civile médicale de Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV et Directeur scientifique de l’Ouvrage "Droit médical", consacrée à l'actualité d'avril à juillet 2009 (pour la première partie, voir, Panorama de responsabilité civile médicale (avril à juillet 2009) (première partie), Lexbase Hebdo n° 359 du 16 juillet 2009 - édition privée générale N° Lexbase : N0028BLM ; pour la deuxième, voir, Panorama de responsabilité civile médicale (avril à juillet 2009) (deuxième partie), Lexbase Hebdo n° 360 du 23 juillet 2009 - édition privée générale N° Lexbase : N0107BLK). Seront abordés, dans cette dernière partie, en premier lieu, la responsabilité pour faute médicale dans l'élaboration du diagnostic, puis, en deuxième lieu, la responsabilité du fait des produits de santé et, plus précisément, la notion d'information à délivrer, enfin, en dernier lieu, l'auteur revient sur l'indemnisation des enfants nés handicapés et l'appréciation de la perte de chance de recourir à une interruption volontaire de grossesse, au regard du droit français. I - Responsabilité pour faute médicale (diagnostic médical)
  • Cass. civ. 1, 25 juin 2009, n° 08 15.560, M. Philippe Nevière et a. c/ M. Jean Louis Masse, F D (N° Lexbase : A4234EIN)

Ne commet pas de faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement le médecin qui commet une erreur de diagnostic, alors qu'avant le passage à l'acte de la victime rien ne permettait de déterminer si les symptômes présentés par la patiente permettaient de privilégier l'hypothèse d'une psychose puerpérale plutôt que celle d'une dépression post puerpérale, que la psychose puerpérale présente des difficultés de diagnostic mises en évidence dans la documentation médicale, en raison tant de la rareté de cette maladie (2/1000) que de l'absence de sémiologie caractéristique de celle-ci, la difficulté étant aggravée, en l'espèce, compte tenu du tableau clinique que présentait la victime qui s'apparentait à celui de la dépression post partum, que le médecin, intervenu sans retard, avait mis en oeuvre tous les moyens et précautions nécessaires pour parvenir à un bon diagnostic, en consacrant du temps et toute son attention à sa patiente et à son entourage à deux reprises en deux jours.
Ne manque pas non plus à son obligation d'information à l'égard de l'entourage familial de la patiente le médecin en présence d'une pathologie non diagnostiquée.

Exigence d'une faute. La responsabilité des médecins et des établissements de santé est depuis les origines une responsabilité pour faute prouvée. L'arrêt "Mercier" rendu en 1936 (Cass. civ. 1, 20 mai 1936, Dr Nicolas c/ Mercier N° Lexbase : A7395AHD) a, par ailleurs, précisé que le praticien était tenu d'une simple obligation de moyens, ce qui impose au juge, même en présence d'une erreur de comportement, de caractériser en quoi celle-ci constitue une faute en la comparant au comportement attendu d'un médecin type placé dans la même situation (1).

Appréciation de la faute en l'espèce. C'est cette méthode d'appréciation in abstracto de la faute dans le diagnostic qu'illustre parfaitement cet arrêt inédit rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 25 juin 2009 (2).

Dans cette affaire, un psychiatre s'était trompé dans le diagnostic de la pathologie dont souffrait une patiente qui venait d'accoucher par césarienne et qui, dans une crise de délire paroxystique, avait défénestré son nourrisson ; ce dernier, gravement blessé, est demeuré depuis lors handicapé. Les parents avaient assigné l'établissement aux fins de  le voir condamner à réparer leur préjudice moral, ainsi que le dommage subi par l'enfant.

La cour d'appel d'Aix-en-Provence, au prix d'un arrêt fortement motivé, les avait déboutés de leurs prétentions, ce que confirme le rejet du pourvoi après un examen minutieux de nombreux indices.

Prise en compte des difficultés de l'acte médical réalisé. En premier lieu, les juges mettent l'accent sur les difficultés du diagnostic de la maladie dont souffrait la patiente, compte tenu de sa rareté et du caractère non spécifique de ses symptômes ; la situation était, d'ailleurs, rendue plus complexe encore en l'espèce dans la mesure où la patiente, qui venait d'accoucher, pouvait également présenter les symptômes d'une simple dépression post-partum. La prise en compte des difficultés du diagnostic est une constante que l'on retrouve assez fréquemment (3), ce qui est logique puisqu'elle rend d'autant plus excusable l'erreur que peut commettre le médecin.

Prise en compte de la rapidité d'intervention du médecin. En deuxième lieu, le médecin avait réagi avec la rapidité nécessaire, écartant ici un retard qui aurait pu paraître fautif (4).

Prise en compte des diligences accomplies. En troisième lieu, les juges avaient relevé que le médecin avait mis en oeuvre les diligences nécessaires pour parvenir à poser le bon diagnostic en consacrant du temps et toute son attention à sa patiente et à son entourage à deux reprises en deux jours.

Mise à l'écart d'un défaut d'information. La famille se plaignait, également, de ne pas avoir été informée de l'état exact de la patiente et de n'avoir donc pas pu exercer la surveillance nécessaire qui aurait pu permettre d'éviter le drame. L'argument est écarté pour les mêmes raisons que précédemment ; dans la mesure où le médecin ne pouvait pas raisonnablement connaître l'état de santé mentale exacte de la patiente, il ne pouvait, par la force des choses, faire état à la famille des risques existants. Le manquement à l'obligation d'information du patient suppose donc que le médecin retienne volontairement, et pour des raisons non légitimes, des informations qui sont en sa possession. La Cour aurait, d'ailleurs, également pu rejeter la demande de la famille en se fondant sur le fait que celle-ci n'avait aucun droit d'être informée de l'état de santé de leur parent dans la mesure où celui-ci ne souffrait d'aucune incapacité (5).

II - Responsabilité du fait des produits de santé

A - Défaut du produit par défaut d'information du patient

Est défectueux le produit lorsque, eu égard à la gravité des effets nocifs constatés dont ni la notice d'information remise au praticien ni la brochure publicitaire destinée à la patiente ne faisaient état, celui-ci n'offrait pas, dans ces circonstances, la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre, alors même qu'il avait fait l'objet d'un certificat de libre vente.

Cadre juridique applicable. Le patient qui a subi un dommage du fait d'un produit de santé dispose de plusieurs recours pour obtenir réparation.

Il peut, en premier lieu, agir directement contre le médecin ou l'établissement qui l'a soigné ; on sait, toutefois, que ce recours risque de ne pas aboutir compte tenu de l'interprétation de l'article L. 1142-1 du Code de santé publique (N° Lexbase : L1910IEH) qui semble prévaloir et qui imposerait d'examiner cette question par le prisme du régime spécial des victimes de produits défectueux. Or, les médecins et les établissements qui se contentent de prescrire et d'administrer des produits de santé fabriqués par d'autres pourront s'exonérer dès lors qu'ils identifieront le producteur, vers lequel la victime devra alors impérativement se tourner (6).

Le patient peut, en deuxième lieu, agir directement contre le producteur soit en se fondant sur un manquement à son obligation de sécurité de résultat, pour les produits mis en circulation avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998, soit sur les dispositions des articles 1386-1 (N° Lexbase : L1494ABX) et suivants du Code civil pour les produits mis en circulation après.

Enfin, s'il ne parvient pas à obtenir réparation auprès du producteur, le patient pourra être indemnisé par l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, dans le cadre de la prise en charge des affections iatrogènes, à condition que l'acte médical soit postérieur au 4 septembre 2001 et que le seuil de gravité ait été atteint (7).

Confirmation du caractère défectueux du Dermalive. Cet arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 25 juin 2009 concernait un produit dont le caractère défectueux avait déjà été établi par la Haute juridiction, le Dermalive (8).

Dans cette nouvelle affaire, un chirurgien esthétique avait, en mars et avril 1999, procédé à plusieurs injections de Dermalive pour combler les rides du visage d'un patient, ce produit ayant été fabriqué par la société Dermatech et mis sur le marché en octobre 1998. Ayant présenté, dès septembre 1999, des nodules au niveau des sites d'injection et ayant dû subir l'ablation de nombreux granulomes, ce patient avait assigné le médecin et le fabricant du produit en insistant sur le caractère insuffisant des informations qui lui avaient été communiquées sur les risques associés à l'utilisation de ce produit.

Le médecin avait été condamné, mais le fabricant avait été mis hors de cause. Pour ce faire, la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait considéré que, compte tenu, d'une part, de ce que les éléments de la notice d'utilisation, à laquelle le praticien devait se référer, faisant état, au titre des effets indésirables, du risque de réactions inflammatoires (rougeurs, oedèmes) susceptibles "d'être associées à des démangeaisons, des douleurs à la pression pouvant survenir après l'injection", devaient être portés à la connaissance de la patiente, et, d'autre part, de la récente mise sur le marché, la patiente ne pouvait prétendre que le produit devait offrir une sécurité absolue, et que la société Dermatech, ayant obtenu un certificat de libre vente délivré par l'AFSSAPS, autorité sanitaire placée sous la tutelle du ministre de la Santé, démontrait de ce fait avoir procédé à l'ensemble des tests exigés par les dispositions légales et réglementaires en vigueur au moment de la mise en circulation.

C'est la mise hors de cause de la société Dermatech qui vaut à l'arrêt des juges aixois la cassation pour violation des articles 1386-4 (N° Lexbase : L1497AB3) et 1386-10 (N° Lexbase : L1503ABB) du Code civil. Selon la Haute juridiction, en effet, "le produit, eu égard à la gravité des effets nocifs constatés dont ni la notice d'information remise au praticien ni la brochure publicitaire destinée à la patiente ne faisaient état, n'offrait pas, dans ces circonstances, la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre, alors même qu'il avait fait l'objet d'un certificat de libre vente".

L'obligation de délivrer une information précise sur le produit. Cet arrêt est particulièrement intéressant (9) dans la mesure où il démontre que l'information due au patient sur les effets indésirables ou risques associés au produit doit porter non seulement non seulement sur leur nature, ce qui avait d'ailleurs conduit à la qualification de défaut dans la première affaire en 2007, mais également sur leur gravité. Une chose est, en effet, de dire qu'un produit est susceptible de provoquer des nodules, une autre est de préciser que ces nodules peuvent être d'une taille telle qu'une opération chirurgicale peut s'avérer nécessaire pour procéder à leur ablation.

Cette exigence d'une information qualitative permettant au patient de connaître exactement le degré de sécurité du produit utilisé est parfaitement justifiée car cette obligation doit effectivement permettre une décision prise en connaissance de cause.

B - Exonération du fabricant

Si le juge national, saisi d'un litige entrant dans le domaine d'application d'une Directive, est tenu d'interpréter son droit interne à la lumière du texte et de la finalité de cette Directive, c'est à la condition que celle-ci soit contraignante pour l'Etat membre et ne lui laisse pas une faculté d'option pour l'adaptation de son droit national au droit communautaire ; que l'article 15-1 c de la Directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (N° Lexbase : L9620AUT), leur laissait la faculté d'introduire ou non dans leur législation interne l'exonération pour risque de développement, de sorte que les dispositions de l'article 7, e) de la Directive, alors non encore transposée, prévoyant ce cas d'exonération, ne pouvaient donner lieu à une interprétation conforme des textes de droit interne, dans un litige entre particuliers.
Ayant constaté que l'affection dont avait souffert la patiente était en relation directe et certaine avec l'administration de l'Isoméride, ce dont il résultait que la société Les Laboratoires Servier avait manqué à son obligation de fournir un produit exempt de tout défaut de nature à créer un danger pour les personnes et les biens, c'est à dire un produit offrant la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre, sans faculté d'exonération pour risque de développement, la cour d'appel a violé les articles 1147
(N° Lexbase : L1248ABT) et 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) du Code civil.

Condamnation du fabricant de l'Isoméride. La Cour de cassation confirme ici la condamnation du fabricant de l'Isoméride, déjà admise en 2006, et fondée sur les insuffisances relevées dans la notice d'information de ce produit utilisé contre l'obésité, et impliqué dans des affaires ayant provoqué des hypertensions artérielles pulmonaires primitives (HTAPP) et des complications gravissimes (10).

Cette fois-ci, la cour d'appel de Versailles avait exonéré le fabricant de toute responsabilité en se fondant sur l'état des connaissances scientifiques à l'époque de la mise en circulation du produit qui ne permettaient pas de connaître l'existence de ce risque d'HTAPP, et s'était appuyée sur les dispositions de la Directive du 25 juillet 1985 qui prévoient cette faculté d'exonération.

Les faits étant antérieurs à 1998, les magistrats versaillais avaient considéré qu'il y avait lieu d'interpréter le droit commun à la lumière de la Directive et donc d'accorder au producteur le bénéfice de l'exonération pour "risque de développement" retenue, d'ailleurs, par le législateur français dans l'article 1386-11 (N° Lexbase : L1504ABC) depuis la loi de transposition intervenue le 19 mai 1998 (loi n° 98-389, relative à la responsabilité du fait des produits défectueux N° Lexbase : L2448AXX).

Une exonération du producteur provocatrice. La position adoptée par la cour de Versailles apparaissait comme une sorte de provocation dans la mesure où pareille argumentation avait déjà valu la cassation à la cour d'appel de Paris, dans l'affaire du Pentasa (11).

Rappelons simplement, ici, que l'obligation faite au juge national d'interpréter son droit à la lumière de la Directive suppose que celle-ci ne laisse pas aux Etats une option de transposition, ce qui est précisément le cas s'agissant du caractère ou non exonératoire du risque de développement. Dès lors, le juge qui s'estimerait lié par les termes de la Directive s'exposerait immanquablement à une cassation.

Il est, toutefois, intéressant de constater que même si rien ne contraint le juge français à modifier sa jurisprudence, de nombreux éléments pourraient l'y inciter.

On sait, en effet, que, classiquement, la jurisprudence refuse d'exonérer le responsable sous prétexte qu'au moment où son produit a été mis en circulation l'état des connaissances scientifiques ne lui permettait pas de déceler le défaut (12).

Or, le législateur français a fait un autre choix lorsqu'il a transposé la Directive du 25 juillet 1985 en consacrant cette cause d'exonération (13), hormis pour les éléments du corps humain et les produits issus de celui-ci (14), et la jurisprudence sur la force majeure exonératoire a également changé puisque le critère de l'extériorité a été abandonné en 2006 (15), il est vrai dans des affaires ne concernant pas la responsabilité médicale.

Cet arrêt du 9 juillet 2009 démontre la volonté persistante de la Cour de cassation de demeurer très protectrice des intérêts des victimes, ce dont on ne pourra que se réjouir. Sur un plan strictement juridique, on sait que le Code civil n'a pas défini la force majeure, laissant ainsi au juge le soin d'en ajuster les critères en fonction des circonstances. On ne saurait, par conséquent, reprocher à la Cour de cassation de jouer son rôle !

III - Indemnisation des enfants nés handicapés

  • Cass. civ. 1, 9 juillet 2009, Mme Vered Elbaz et a., c/ M. Herbert Pfeffer et a., pourvoi n° 08 12.457, Mme Vered Elbaz, FS-D (N° Lexbase : A7260EIQ)

La mise en oeuvre d'une interruption volontaire de grossesse pour motif médical, requiert que les conditions prescrites par l'article L. 2213-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L3675DLP) soient réunies. La cour d'appel, qui a constaté que la preuve n'était pas rapportée que l'affection dont était atteinte l'enfant, bien qu'incurable, présentait le seuil de particulière gravité exigée par le texte, en a déduit que les parents n'avaient perdu aucune chance de procéder à une interruption de grossesse.
La perte de chance de recourir à une interruption volontaire de grossesse s'apprécie au regard du droit français seul applicable en l'espèce.

Cadre juridique applicable. On sait que l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 1er de la loi "Kouchner" du 4 mars 2002 (loi n° 2002-303, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé N° Lexbase : L1457AXA) n'a pas totalement tari le contentieux de la naissance d'enfants nés handicapés après qu'une faute médicale a privé les parents de la possibilité d'interrompre la grossesse avant terme, dans la mesure où l'application de ces dispositions à des enfants nés avant le 6 mars 2002 viole l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel à la CESDH (N° Lexbase : L1625AZ9) (16).

Il n'est pas étonnant de voir arriver devant la Cour de cassation des affaires s'inscrivant dans le contexte des arrêts "Perruche" (Ass. plén., 17 novembre 2000, deux arrêts, n° 99-13.701, M. X, ès qualités d'administrateur légal des biens de son fils mineur Nicolas et autre c/ Mutuelle d'assurance du corps sanitaire français et autres N° Lexbase : A1704ATB et n° 99-12.701, M. P. c/ Mutuelle d'assurance du corps sanitaire français, X, Laboratoire de biologie médicale de Yerre, Caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne N° Lexbase : A7724AHK), comme c'est le cas de cet arrêt.

L'affaire. Dans cette affaire, un enfant était né fin 1996 avec une agénésie de l'avant-bras droit non détectée lors des treize échographies effectuées par deux praticiens différents. Les parents avaient assigné ces praticiens et leurs assureurs en responsabilité et réparation de leurs préjudices propres ainsi que du préjudice causé à leur fille, leur reprochant des examens insuffisamment consciencieux qui n'avaient pas permis de s'assurer de l'absence de malformation du foetus, les privant ainsi de la possibilité de recourir à une interruption de grossesse pratiquée pour motif médical. Déboutés en appel, ils avaient formé un pourvoi en cassation mais sont de nouveau déboutés, comme on pouvait s'y attendre.

Un rejet des prétentions des victimes justifiées. Le succès des prétentions des parents d'enfants nés handicapés est en effet lié à deux conditions, l'une subjective, liée à la décision que les parents auraient prise s'ils avaient eu connaissance du handicap dont souffrait le foetus, l'autre objective, dépendant du caractère effectif du droit à interrompre la grossesse dont ils ont été privés. Dès lors, et pour ne s'intéresser qu'à la seconde condition, l'imputabilité du dommage, résultant de la naissance de l'enfant handicapé, aux fautes médicales, suppose que les conditions légales du recours à une interruption de grossesse aient été réunies, soit avant la fin des douze premières semaines de la grossesse, soit dans le cadre d'une interruption pour un motif médical (17).

Dans cette affaire, les parents se fondaient non pas sur les dispositions du Code de la santé publique français, mais sur les dispositions du droit israélien qui autorise le recours à une interruption de grossesse pour motif thérapeutique dans des conditions semble-t-il plus larges que le droit français.

L'argument est balayé par la première chambre civile de la Cour de cassation qui considère que le juge français ne doit se situer qu'au regard de la loi française, "seule applicable en l'espèce", et non d'une loi étrangère qui se montrerait plus favorable aux intérêts des demandeurs, et considère que la malformation dont souffrait le foetus n'aurait pas été de nature à justifier une interruption de la grossesse pour un motif médical.

Une argumentation discutable. Qu'il nous soit permis de contester cette dernière affirmation et le rejet des prétentions des demandeurs au prétexte que seule la loi française serait applicable au litige.

Faut-il le rappeler, le différend portait non pas sur la question de savoir si les parents peuvent ou non avoir recours à une interruption de grossesse pour motif médical, dans le cadre du droit français, mais seulement de déterminer s'ils ont perdu une chance de recourir à une interruption de grossesse. Certes, dans la plupart des hypothèses, la question se règlera par référence au droit français, qu'il s'agisse d'apprécier le délai de l'interruption pour cause de détresse de la mère ou les conditions de l'interruption pour motif médical. Mais la référence à la loi française n'a ici rien d'obligatoire et ne constitue qu'une simple indication, compte tenu des faits de l'espèce. Puisqu'il s'agit de déterminer si une chance a été perdue, alors il convient de tenir compte des données concrètes propres à l'espèce : les demandeurs ont-ils déjà eu recours à une interruption de grossesse en dehors du sol français, résident-ils près d'une frontière d'un état à la législation plus libérale que la nôtre, ou sont-ils enclins, par leur nationalité ou leur origine, à envisager un acte médical à l'étranger ? Or, les demandeurs résidaient en Israël ; est-il dès lors impensable qu'ils aient pu envisager de demander l'autorisation d'interrompre la grossesse dans ce pays s'ils en avaient l'opportunité et s'ils pensaient que leur demande aurait plus de chances d'aboutir ? Certainement non (18). En fermant la porte, par principe, à l'analyse de la situation au regard du fait que les demandeurs étaient susceptibles de faire interrompre la grossesse à l'étranger, la première chambre civile de la Cour de cassation nous semble particulièrement mal inspirée et singulièrement dogmatique, dans un domaine où il ne convient pas de l'être à l'excès.


(1) Le siège de la responsabilité médicale pour faute est actuellement l'article L. 1142-1, I du Code de la santé publique (N° Lexbase : L1910IEH).
(2) Sur la responsabilité des établissements psychiatriques, et singulièrement l'absence de faute de surveillance : Cass. civ. 1, 17 janvier 2008, n° 07-14.284, Mme Marie-Christine Couffin, épouse Mourlhou, F-D (N° Lexbase : A7813D3R), et nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (janvier à mars 2008), Lexbase Hebdo n° 299 du 3 avril 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N6278BEA).
(3) Cass. civ. 1, 31 mai 2007, n° 06-12.641, M. Gérald Bureau, F-D (N° Lexbase : A5130DWW), et nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (période du 15 avril 2007 au 15 septembre 2007), Lexbase Hebdo n° 273 du 19 septembre 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N4649BC8) : "ne commet pas de faute le médecin qui ne peut poser le diagnostic exact lorsque les symptômes rendent ce diagnostic particulièrement difficile à établir".
(4) Pour une condamnation d'un médecin en raison, notamment, du caractère fautif de l'intervention : Cass. civ. 1, 28 juin 2007, n° 06-17.968, inédit (N° Lexbase : A9486DWA), et nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (période du 15 avril 2007 au 15 septembre 2007), préc. ; Cass. crim., 2 décembre 2008, n° 07-87.821, Chantal X, inédit (N° Lexbase : A7484EEW), et nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (décembre 2008 à mars 2009) (première partie), Lexbase Hebdo n° 345 du 8 avril 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N0099BKU).
(5) Cass. civ. 1, 6 décembre 2007, n° 06-19.301, Mme Jeanne Champarnaud, épouse Larénaudie, FS-P+B (N° Lexbase : A0359D3P), et nos obs. in Panorama de responsabilité médicale (novembre 2007 - janvier 2008) (première partie), Lexbase Hebdo n° 288 du 17 janvier 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N8050BDI).
(6) C. civ., art. 1386-7 (N° Lexbase : L1375HIR). Sur ce débat, nos obs. in Panorama de responsabilité civile médicale (octobre à décembre 2008), Lexbase Hebdo n° 333 du 15 janvier 2009 - édition privée générale (N° Lexbase : N2339BIH).
(7) C. santé. publ., art. L. 1142-1, II.
(8) Cass. civ. 1, 22 novembre 2007, n° 06-14.174, Société Dermatech, F-P+B (N° Lexbase : A7100DZY), et les obs. in Panorama de responsabilité médicale (novembre 2007 - janvier 2008) (seconde partie), préc..
(9) S'agissant de l'impact sur l'autorisation de distribution du produit délivrée par l'AFSSAPS, la loi elle-même (C. civ., art. 1386-10) nous dit clairement qu'elle ne saurait exonérer le producteur de sa responsabilité ; la cour d'Aix-en-Provence avait par conséquent été bien mal avisée de se fonder sur cette circonstance dans sa décision.
(10) Cass. civ. 1, 24 janvier 2006, n° 02-16.648, Société Les Laboratoires Servier c/ Mme Anna Ferreira, épouse Paulos, FS-P+B (N° Lexbase : A6042DMQ), Resp. civ. et assur., 2006, comm. 90, et Anne-Laure Blouet-Patin, Responsabilité des produits défectueux : la Cour de cassation persiste et signe, Lexbase Hebdo n° 201 du 9 février 2006 - édition affaires (N° Lexbase : N4240AKA).
(11) Cass. civ. 1, 15 mai 2007, préc. et les obs. préc., RDC, 2007, p. 1147, note J.-S. Borghetti.
(12) Notamment, Cass. civ. 1, 12 avril 1995, n° 92-20.747, Consorts X c/ Centre régional de transfusion sanguine de l'hôpital Purpan (N° Lexbase : A4877ACM), JCP éd. G, 1995, II, 22467, note P. Jourdain. Ce refus a été confirmé d'ailleurs dans l'affaire du Pentasa (préc.).
(13) C. civ., art. 1386-11, 4°.
(14) C. civ., art. 1386-12 (N° Lexbase : L9248GU3).
(15) Ass. plén., 14 avril 2006, n° 04-18.902, M. Stéphane Brugiroux c/ Régie autonome des transports parisiens (RATP), P (N° Lexbase : A2092DP8), Resp. civ. et assur., 2006, chron. 8, L. Bloch ; D., 2006, p. 1577, note P. Jourdain, p. 1566, chron. D. Noguéro ; JCP éd. G, 2006, II, 10087, note P. Grosser.
(16) Cass. civ. 1, 8 juillet 2008, n° 07-12.159, M. Eric Lallement, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A5290D9S), et nos obs. in Panorama de responsabilité médicale (avril à septembre 2008), Lexbase Hebdo n° 321 du 7 octobre 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N3835BHI).
(17) Ass. plén., 13 juillet 2001, 3 arrêts, n° 97-17.359, Epoux X c/ M. Y et autres (N° Lexbase : A1078AUH), n° 97-19.282, Epoux X c/ Mme Y et autre (N° Lexbase : A1079AUI) et n° 98-19.190, Consorts X c/ M. Y et autres (N° Lexbase : A1080AUK), D., 2001, jurispr. p. 2325, note P. Jourdain, somm. p. 1314, obs. D. Mazeaud ; également, Ass. plén., 28 novembre 2001, 2 arrêts, n° 00-11.197, M. X (N° Lexbase : A2337AXT) et n° 00-14.248, Mme X (N° Lexbase : A2338AXU), JCP éd. G, 2002, II, 10018, concl. J. Sainte-Rose, note F. Chabas ; lire M. Fabre-Magnan, Avortement et responsabilité médicale, RTDCiv., 2001, p. 285-318 et notre chron. Retour sur le phénomène Perruche : vrais enjeux et faux semblants, dans Mélanges en l'honneur de Ch. Lapoyade Deschamps, PUB, Bordeaux, 2003, p. 231 s..
(18) On estime chaque année à environ 5 000 le nombre d'IVG pratiqués à l'étranger, sur un total de 220 000 actes pratiqués chaque année.

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Rémunération

[Jurisprudence] Salaires, rémunérations et droits voisins : l'articulation complexe des rétributions de l'artiste-interprète

Réf. : Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 07-45.681, Société Emi Music France, FS-P+B (N° Lexbase : A5766EIE)

Lecture: 8 min

N9151BLI

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par Sébastien Tournaux, Maître de conférences à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

La présomption de salariat des artistes du spectacle ne s'applique pas sans difficultés, particulièrement lorsque l'artiste en cause est d'une grande renommée. En effet, le statut des artistes bâti par le droit du travail paraît nettement plus adapté aux intermittents et autres artistes peu connus qu'aux plus célèbres, pour qui la présomption de salariat est, dans les faits, assez largement fictive. Confrontée à de telles questions, la Cour de cassation tente, parfois, de s'adapter, comme ce fut le cas dans un arrêt rendu par la Chambre sociale le 1er juillet 2009. Ainsi, la Cour juge que les redevances versées à l'artiste à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement n'ont pas la nature de salaires, si bien qu'elles ne peuvent être prises en compte pour le calcul des dommages-intérêts dus en cas de rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée (I). Cette solution, loin d'être évidente sur le plan des principes juridiques, s'explique peut-être par des considérations d'opportunité, mais a pour conséquence de sérieusement bousculer la cohérence du régime juridique de la présomption de salariat des artistes de spectacle (II).
Résumé

Les redevances versées à l'artiste-interprète, qui sont fonction du seul produit de l'exploitation de l'enregistrement et ne sont pas considérées comme des salaires, rémunèrent les droits voisins qu'il a cédés au producteur et continuent à lui être versées après la rupture du contrat d'enregistrement. Par conséquent, ces redevances et avances sur redevances ne pouvaient être prises en considération dans l'évaluation du montant des rémunérations qu'aurait perçues l'artiste jusqu'au terme du contrat de travail à durée déterminée, montant représentant le minimum des dommages-intérêts dus en application de l'article L. 1243-4 du Code du travail (N° Lexbase : L1462H9Z).

Commentaire

I - L'originalité de la nature des droits liés à la cession de l'oeuvre

  • Retour sur la présomption de salariat des artistes du spectacle

Les artistes du spectacle bénéficient, par l'intermédiaire de l'article L. 7121-3 du Code du travail (N° Lexbase : L3102H9R), d'une présomption de salariat lorsqu'ils contractent avec une société de production, sauf à ce qu'il soit démontré que l'artiste exerce son activité "dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce". Cette présomption, instituée à la suite d'une forte mobilisation de la profession en 1969 (1), est destinée à garantir à différentes catégories d'artistes, parmi lesquels les artistes-interprètes, un accès à la protection sociale et au droit du travail. Cette volonté de protection s'explique aisément pour la grande majorité des artistes qui n'accèdent pas à la célébrité et dont les conditions de vie sont parfois très difficiles. En revanche, elle paraît nettement moins adaptée quand elle s'applique à une "tête d'affiche", qui a généralement les moyens d'obtenir lui-même une protection sociale adéquate.

Le texte ne fait pas une telle distinction, si bien que de nombreux artistes parmi les plus célèbres sont titulaires d'un contrat de travail à l'égard de leur maison de disques (2). Pour autant, ces différences de situation entre musiciens pourraient bien insidieusement être le ciment d'une interprétation particulièrement rigoureuse de la Cour de cassation en matière de rémunération des artistes, ce qu'illustre l'affaire commentée.

  • La distinction législative entre salaire et rémunération de l'artiste

Le Code du travail semble faire clairement la distinction entre rémunération et salaire de l'artiste. En effet, l'article L. 7121-8 (N° Lexbase : L3112H97) dispose que "la rémunération due à l'artiste à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l'employeur ou tout autre utilisateur n'est pas considérée comme salaire dès que la présence physique de l'artiste n'est plus requise pour exploiter cet enregistrement et que cette rémunération n'est pas fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l'exploitation de cet enregistrement". Autrement dit, le produit de la vente ou de l'exploitation des disques enregistrés est une rémunération, mais pas un salaire, au sens de ce texte. Si la distinction paraît d'une grande clarté, elle l'est beaucoup moins après analyse de l'arrêt commenté.

  • En l'espèce

Un célèbre artiste-interprète, lié à sa maison de disques par contrat de travail à durée déterminée, s'était vu reprocher une faute grave que l'employeur avait invoquée pour rompre le contrat de manière anticipée par application de l'article L. 1243-1 du Code du travail (N° Lexbase : L1457H9T). Pour des raisons principalement probatoires, la cour d'appel saisie de l'affaire refusait que la qualification de faute grave puisse être retenue, si bien que la rupture était jugée injustifiée. Dans ces conditions, les conséquences d'une telle rupture injustifiée sont bien connues : le salarié est en droit de bénéficier de "dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat" (3).

La Chambre sociale de la Cour de cassation refuse d'admettre le moyen relatif à la contestation de la faute grave comme n'étant pas de nature à permettre l'admission du pourvoi. En revanche, elle se prononce sur les conséquences du caractère injustifié de la rupture et, en particulier, sur le mode de calcul qu'il convient de retenir pour déterminer le montant des dommages-intérêts auxquels le salarié peut prétendre.

Le litige portait sur les sommes qu'il convenait de prendre en compte. En effet, l'artiste bénéficiait de deux types de rémunération différents. Un premier type de rémunération, qualifié de "cachet", correspondait à des sommes versées au moment de l'enregistrement de l'album par l'artiste. Un second type de rémunération, qualifié de "redevances et avances sur redevances", représentait les sommes versées à l'artiste en fonction des ventes d'albums. Toute la question était donc de savoir s'il ne fallait prendre en compte que les cachets, d'un montant visiblement très faible, ou y ajouter les redevances pour calculer les rémunérations sur lesquelles devait être assis le calcul des dommages-intérêts.

Alors que la cour d'appel de Paris avait retenu l'ensemble des rémunérations pour un tel calcul, la Chambre sociale de la Cour de cassation limite l'assiette de calcul aux seuls cachets, jugeant que "les redevances versées à l'artiste-interprète, qui sont fonction du seul produit de l'exploitation de l'enregistrement et ne sont pas considérées comme des salaires, rémunèrent les droits voisins qu'il a cédés au producteur et continuent à lui être versées après la rupture du contrat d'enregistrement".

II - L'incohérence du régime des droits liés à la cession de l'oeuvre

  • L'inadéquation de l'interprétation prétorienne à la lettre du Code du travail

Pour tout dire, cette solution ne convainc guère, car elle fait peu de cas de la distinction opérée en droit du travail entre rémunération et salaire. Certes, cette distinction est certainement l'une des plus malaisée (4). Pour autant, c'est au sujet des artistes que la Cour de cassation semblait, jusqu'ici, faire le plus nettement le distinguo entre salaire et rémunération (5). Or, l'interprétation des textes effectuée dans l'arrêt n'est pas orthodoxe.

Les sommes versées à l'artiste à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement sont exclues, sans équivoque, de la qualification de salaire par l'article L. 7121-8 du Code du travail. Il n'y a donc, de ce point de vue, rien de surprenant à ce que la Chambre sociale entérine cette disposition en énonçant que "les redevances versées à l'artiste-interprète [...] ne sont pas considérées comme des salaires".

Le même article L. 7121-8 du Code du travail qualifie expressément, et ce à deux reprises, les sommes en question de "rémunérations". A première vue donc, on devrait se satisfaire de la lecture de la motivation de la cour qui estime, dans la même phrase, que "les redevances versées à l'artiste-interprète [...] rémunèrent les droits voisins" (6).

A la suite de cette application stricte des qualifications de l'article L. 7121-8 du Code du travail, on pouvait, dès lors, s'attendre à une application aussi stricte des dispositions de l'article L. 1243-4 du même code. Ce texte prévoit, en effet, que la rupture anticipée injustifiée du contrat de travail à durée déterminée "ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat" (7). Pourtant, la Chambre sociale refuse de comptabiliser ces sommes comme des rémunérations dans l'assiette de calcul des dommages-intérêts.

  • La justification de l'exclusion des redevances

La violation de la lettre du texte est patente, si bien qu'il est, alors, essentiel de comprendre pour quelle raison une telle solution a été retenue. Pour cela, trois arguments semblent pouvoir être soutenus, les deux premiers étant d'ordre juridique, le troisième reposant plutôt sur des considérations d'opportunité.

Sur un plan juridique, d'abord, il faut relever que le langage du législateur est fréquemment critiqué en matière de salaire et de rémunération. Le législateur utiliserait régulièrement l'un pour l'autre (8). Il n'est, dès lors, pas difficile d'imaginer que la Cour de cassation juge, ici, implicitement que ce n'est pas le terme rémunération, mais celui de salaire qui aurait dû être retenu pour le calcul des dommages-intérêts dus en cas de rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée. Pour autant, une telle logique n'a pas toujours été retenue et la Cour a parfois considéré qu'entraient dans l'assiette de calcul des dommages-intérêts des sommes dont la nature de salaire était bien contestable (9).

Sur le plan juridique toujours, on peut penser que la Chambre sociale entendait donner une importance particulière au fait que l'article L. 1243-4 impose la prise en compte des sommes que le salarié aurait normalement perçues "jusqu'au terme du contrat". En effet, les sommes versées à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'oeuvre de l'artiste peuvent lui être versées bien longtemps après l'arrivée du contrat à son terme. Cependant, si une telle importance devait être donnée à cette interprétation, cela imposerait logiquement que soient distinguées les sommes touchées par l'artiste à ce titre durant la durée du contrat et celles qui lui auraient été versées après le terme initialement prévu. Or, une telle distinction n'apparaît nulle part dans la décision rendue.

Sur le plan de l'opportunité, ensuite, la Chambre sociale pourrait bien prendre insidieusement en considération le fait que l'artiste concerné dans cette affaire n'est pas représentatif de la grande majorité des artistes intermittents en faveur desquels a été mise en place la présomption de salariat. L'application du droit du travail aurait mené, peu ou prou, à l'allocation d'une somme d'un million d'euros à un artiste dont on peut penser qu'il n'est pas dans le besoin. Pour autant, une telle justification serait hautement discutable. Si la loi est mal faite, ce n'est, d'une manière générale, pas au juge de l'interpréter pour que ses effets soient plus conformes à l'équité. Cela est d'autant plus vrai que l'on se situe là dans un secteur d'activité dans lequel le lobbying de l'industrie du disque sur le législateur fonctionne relativement bien, comme en témoigne l'adoption des lois "DADVSI" (10),"Hadopi 1" (11) et, bientôt, "Hadopi 2" (12). Si la présomption légale de salariat sied mal à certaines catégories d'artistes, les maisons de production doivent se mobiliser afin que le législateur modifie les textes, mais en aucun cas ce rôle ne devrait être tenu par le juge.

  • La présomption de salariat ébranlée

Pour conclure, il faut, enfin, relever que la décision rendue implique nécessairement des incohérences dans le régime juridique applicable aux artistes salariés. Nous donnerons deux illustrations de ce constat.

En forçant le trait, on peut, d'abord, se demander si la décision rendue ne remet pas purement et simplement en cause la présomption légale de salariat des artistes-interprètes. En effet, on s'aperçoit à la lecture des moyens précieusement annexés à l'arrêt, que l'artiste percevait un salaire dérisoire en application du contrat de travail (13). Nous ne pouvons aller jusqu'à dire que la solution de la Cour de cassation mène à priver totalement de cause la prestation de travail de l'artiste salarié. Pour autant, en d'autres temps, des contreparties dérisoires furent considérées comme rendant l'obligation du cocontractant comme dépourvue de cause (14).

Il faut, ensuite, relever que la Cour de cassation n'est guère cohérente quant au traitement qu'elle réserve aux sommes versées aux artistes à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de leur oeuvre. En effet, si cette décision nous apprend que ces sommes ne peuvent être considérées comme des rémunérations dues au salarié jusqu'au terme de son contrat de travail, la Cour de cassation a, en revanche, à plusieurs reprises, estimé que ces sommes devaient être couvertes par l'AGS en cas de procédure collective (15). Or, on se souviendra que la Cour de cassation définit les créances garanties par l'AGS comme celles nées de l'exécution du contrat de travail. Au vu de l'incohérence de ces deux positions, il y a fort à parier que l'une d'elle évoluera.


(1) Réforme issue de la loi n° 69-1186 du 26 décembre 1969, relative à la situation juridique des artistes du spectacle et des mannequins (N° Lexbase : L7313IEL).
(2) L'affaire commentée opposait le chanteur Doc Gynéco à sa maison de production. On se souviendra récemment de l'affaire ayant opposé le chanteur G. de Palmas à sa maison de disques, Cass. soc., 4 février 2009, n° 08-40.184, Société Universal music, FS-P+B (N° Lexbase : A9643EC7) et nos obs., Il était sur la route de son CDD..., Lexbase Hebdo n° 340 du 4 mars 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N7637BIP).
(3) C. trav., art. L. 1243-4 (N° Lexbase : L1462H9Z).
(4) G. Couturier, Droit du travail. 1. Les relations individuelles de travail, PUF, 3ème éd., 1996, p. 506 ; P.-H. Antonmattéi, La qualification de salaire, Dr. soc., 1997, p. 571.
(5) Cass. soc., 17 novembre 1983, n° 81-41.293, Mercutio, Syndicat français des artistes interprètes SFA c/ SA Norman Graig et Kummel (N° Lexbase : A9202CHB).
(6) Nous soulignons.
(7) Nous soulignons à nouveau.
(8) P.-H. Antonmattéi, La qualification de salaire, préc..
(9) V., par ex., la prise en compte d'indemnité contractuelles d'éloignement et de sujétion ayant une nature hybride de frais professionnels et de rémunération, Cass. soc., 20 mars 1990, n° 88-40.500, Mme Gouzien c/ SARL Centrac Formation (N° Lexbase : A4984CXU).
(10) Loi n° 2006-961 du 1er août 2006, relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (N° Lexbase : L4403HKB).
(11) Loi n° 2009-669 du 12 juin 2009, favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, (N° Lexbase : L3432IET).
(12) Le projet de loi, Propriété intellectuelle : protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet, dit "Hadopi 2" a été l'un des premiers à être discuté lors de la session extraordinaire du Parlement qui s'est ouvert le 14 septembre 2009.
(13) "Le contrat qui liait les parties prévoyait une rétribution de Monsieur X... sous forme de 'cachets', d'un montant de 762,25 euros pour l'enregistrement de chaque album".
(14) Nous faisons, ici, bien entendu référence aux arrêts "Chronopost" rendus dans les années 1990 : v. Cass. com., 22 octobre 1996, n° 93-18.632, Société Banchereau c/ Société Chronopost (N° Lexbase : A2343ABE) ; Grands arrêts de la jurisprudence civile, n° 156.
(15) Cass. soc., 17 mai 2005, n° 02-47.541, AGS c/ M. Aladin Reibel (N° Lexbase : A3640DIN) ; Cass. soc., 3 décembre 2008, n° 07-42.469, M. François Pavan (N° Lexbase : A7252EB9).
Décision

Cass. soc., 1er juillet 2009, n° 07-45.681, Société Emi Music France, FS-P+B (N° Lexbase : A5766EIE)

Cassation partielle, CA Paris, 21ème ch., sect. C, 13 décembre 2007, n° 05/07345, Société Emi Music France (N° Lexbase : A7353D3Q)

Textes visés : C. prop. intell., art. L. 212-3 (N° Lexbase : L3434ADK) ; C. trav., art. L. 1243-1 (N° Lexbase : L1457H9T), L. 1243-4 (N° Lexbase : L1462H9Z), L. 7121-3 (N° Lexbase : L3102H9R) et L. 7121-8 (N° Lexbase : L3112H97)

Mots-clés : artistes-interprètes ; présomption de salariat ; rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée ; rémunération ; salaire ; droits voisins

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