Jurisprudence : Ass. plén., 28-11-2001, n° 00-14.248, Cassation partielle.

Ass. plén., 28-11-2001, n° 00-14.248, Cassation partielle.

A2338AXU

Référence

Ass. plén., 28-11-2001, n° 00-14.248, Cassation partielle.. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1072900-ass-plen-28112001-n-0014248-cassation-partielle
Copier


Assemblée plénière
Audience publique du 28 novembre 2001
Pourvoi n° 00-14.248
Mme Z
COUR DE CASSATION
___________________
ASSEMBLEE PLENIERE
_____________________
Audience publique du 28 novembre 2001
Cassation partielle
M. Y, premier président
Pourvoi n° N 00-14.248
Arrêt n° 486 P RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
_________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant

Sur le pourvoi formé par Mme Z, agissant tant en son nom personnel, qu'ès qualités de représentante légale de l'enfant mineur Lionel,
en cassation d'un arrêt rendu le 19 janvier 2000 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre), au profit

1°/ de M. W,

2°/ de la MNEF, dont le siège est Brest Cedex,

3°/ de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Nord-Finistère, dont le siège est Brest Cedex,
défendeurs à la cassation ;
M. W, défendeur au pourvoi principal, a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
M. X premier président a, par ordonnance du 30 mars 2001, renvoyé la cause et les parties devant l'Assemblée plénière ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, devant l'Assemblée plénière, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de Cassation par Me Le Prado, avocat de Mme Z ;
Un mémoire en défense et pourvoi incident ont été déposés au greffe de la Cour de Cassation par Me Vuitton, avocat de M. W ;
Le demandeur au pourvoi incident invoque, devant l'Assemblée plénière, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;
Un mémoire en défense à pourvoi incident a été déposé par Me Le X ;
Par acte déposé au greffe de la Cour de Cassation le 12 septembre 2001 la SCP Rouvière et Boutet s'est substituée à Me Le X et a déposé des observations ;
Vu les ordonnances du premier président en date des 20 novembre 2001 et 22 novembre 2001 relatives à la composition de l'Assemblée plénière ;
Sur quoi, LA COUR, siégeant en Assemblée plénière, en l'audience publique du 23 novembre 2001, où étaient présents M. Y, premier président, MM. T, T, T, T, T, T, présidents, M. S, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Renard-Payen, Mlle Fossereau, MM. Guerder, Tricot, Gougé, Guerrini, Mme Garnier, MM. Mazars, Croze, Rognon, conseillers, M. R, avocat général, Mme Q, greffier en chef ;
Sur le rapport de M. S, conseiller, assisté de M. P, greffier en chef, les observations de la SCP Rouvière et Boutet, de Me O, les conclusions de M. R, avocat général, tendant à la cassation sur le pourvoi incident, auxquelles les parties invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z, alors âgée de 20 ans, a donné naissance, le 27 janvier 1995, à un enfant atteint d'une trisomie 21 ; qu'elle a engagé une action en réparation des préjudices subis par celui-ci du fait de son handicap contre M. W, médecin gynécologue chargé de suivre l'évolution de sa grossesse ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, du pourvoi incident, qui est préalable
Attendu que M. W reproche à l'arrêt attaqué d'avoir accueilli la demande, alors, selon le moyen
1/ qu'en le condamnant à indemniser l'enfant Lionel du préjudice résultant de son handicap au seul motif que son défaut d'information était en relation directe avec la naissance de l'enfant porteur de trisomie 21, sans toutefois caractériser le lien de causalité entre ce défaut d'information et la trisomie 21 de l'enfant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1383 du Code civil ;
2/ que le fait de naître ne saurait constituer un préjudice pour celui qui est né ; que, dès lors, en condamnant M. W à indemniser l'enfant Lionel des conséquences de son handicap, et ce alors que le défaut d'information de M. W, sans aucune incidence sur la trisomie 21 de l'enfant, n'aurait pu avoir pour effet que d'empêcher l'enfant de ne pas naître, la cour d'appel a nécessairement estimé que le préjudice de l'enfant résultait de sa naissance et a violé l'article 1383 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que le médecin n'avait pas communiqué à la patiente les résultats d'un dosage de bêta HCG qu'il lui avait proposé à seize semaines d'aménorrhée, alors que ces résultats, corroborés par des examens échographiques révélant la discordance entre un diamètre bipariétal important et un fémur trop court, étaient alarmants et justifiaient une consultation spécialisée en génétique et en échographie ; qu'en l'état de ces constatations, et dès lors qu'il n'avait pas été contesté par M. W que les conditions médicales d'une interruption de grossesse pour motif thérapeutique auraient été réunies, la cour d'appel a pu retenir que la faute ainsi commise, qui avait fait perdre à Mme Z la possibilité de recourir à une amniocentèse et à une telle interruption de grossesse, était en relation directe avec le préjudice résultant pour l'enfant de son handicap ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé en la seconde ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal
Vu les articles 1165 et 1382 du Code civil ;
Attendu que la réparation du préjudice doit être intégrale ;
Attendu que, pour limiter à une certaine somme l'indemnisation des préjudices de Lionel Z, la cour d'appel, après avoir énoncé que la perte de chance subie par la faute du médecin ne peut entraîner la réparation intégrale du dommage causé à l'enfant lui-même, mais seulement partie de celui-ci à hauteur de 50 %, relève que l'enfant, dont la charge ouvre droit à une allocation spéciale, figure au quatrième rang d'une liste d'admission dans un établissement d'éducation spéciale dont les prestations seront prises en charge par les organismes sociaux ; que les juges ajoutent que la demanderesse n'a pas précisé si elle rémunérait sa propre mère, éducatrice de formation, à laquelle elle a confié l'éducation de l'enfant, en lui reversant l'allocation d'éducation spéciale ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que le préjudice de l'enfant n'est pas constitué par une perte de chance mais par son handicap, d'autre part, que le montant de l'indemnité due au titre de l'assistance de tierces personnes à domicile pour les gestes de la vie quotidienne ne saurait être réduit en cas d'assistance familiale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions relatives au préjudice de Lionel Z, l'arrêt rendu le 19 janvier 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. W aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, siégeant en Assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille un.
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Rouvière et Boutet, avocat aux Conseils pour Mme Z.

MOYENS ANNEXES à
l'arrêt n° 486 (Assemblée plénière)
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué,
DE N'AVOIR évalué qu'à la somme de 650 000 Frs le préjudice subi par le jeune Lionel Z ;
AUX MOTIFS QUE, la faute commise par le praticien qui n'a pas donné à la mère une information complète sur les risques d'anomalie foetale encourus en présence d'un taux de dosage anormal de bêta HCG est en relation directe avec la naissance de l'enfant porteur de trisomie 21 ; que la mère est donc fondée à demander l'indemnisation du préjudice subi par l'enfant lui-même ; que ce préjudice est constitué par les conséquences dommageables du handicap et plus particulièrement la nécessité de prévoir une assistance permanente de l'enfant telle que préconisée par l'expert ;
que le préjudice résultant de l'assistance d'une tierce personne a été établi par Madame Z en tenant compte d'une tierce personne, rémunérée au niveau de qualification 2 de la convention collective des employés de maison, présente dix heures par jour au tarif horaire de 40,33 Frs majoré pendant les jours fériés et les dimanches soit
10 heures x 7 jours x 52 semaines = 3 640 heures outre les majorations de 25 % pour jours fériés et dimanchés = 158 heures
Soit 40,33 Frs x 3 798 = 153 173,34 Frs
Outre les remplacements pendant les congés (salaires, majorations, congés) = 13 712,30 Frs
Coût total = 153 173,34 + 13 712,30 = 166 885,64 Frs outre les charges sociales de 66 754,25 Frs soit 233 639,89 Frs,
Ce qui représente pendant les cinq premières années de la vie de l'enfant une somme de 1 168 195 Frs et ensuite un capital représentatif de 233 639 x 14,86 (prix du franc de rente) = 3 471 875,54 Frs ;
Que toutefois, cette estimation du coût de l'enfant ne peut être admise intégralement dans la mesure où c'est actuellement la mère de Madame Z qui est éducatrice de formation qui prend en charge l'éducation de l'enfant sans que Madame Z n'indique si elle rémunère sa mère, en lui reversant par exemple l'allocation d'éducation spéciale qu'elle doit normalement percevoir ; qu'il faut observer en outre que si l'enfant âgé de cinq ans ne peut être admis aujourd'hui dans une institution, cette situation est susceptible d'évoluer rapidement, dans la mesure où l'enfant figure sur une liste d'attente en rang 4, auquel cas ses frais d'internat seront pris en charge par les organismes sociaux ; qu'en conséquence, le préjudice subi par l'enfant est principalement constitué par les frais d'éducation de la prime enfance à défaut de prise en charge spécifique qui interviendra ultérieurement ; qu'enfin, la perte de chance subie par la faute du praticien ne peut entraîner la réparation intégrale du dommage causé à l'enfant lui-même mais seulement partie de celui-ci à hauteur de 50 % ; qu'il a lieu en conséquence d'évaluer le préjudice subi par l'enfant à la somme de 650 000 Frs" ;
ALORS QUE, l'indemnisation du préjudice subi par une victime doit être intégrale, la victime ne devant subir aucune perte ;
ALORS QUE, D'UNE PART, le préjudice subi par un enfant né atteint de Trisomie 21 est nécessairement constitué par l'I.P.P. dont reste atteint l'enfant et ne saurait être réduit aux seules conséquences dommageables du handicap ; que, dès lors, en écartant la demande fondée sur l'I.P.P. dont est atteint le jeune Lionel, la Cour d'appel n'a pas réparé l'entier dommage subi par l'enfant et violé, en conséquence, l'article 1382 du Code Civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, l'indemnité due au titre de l'assistance de tierces personnes à domicile ne peut être réduite en cas d'assistance familiale ; qu'en réduisant l'indemnité due au jeune Lionel au titre de la tierce personne, au prétexte de la prise en charge de l'éducation de l'enfant par sa grand-mère, les juges du fond ont de nouveau, violé l'article 1382 du Code Civil ;
ALORS QUE, EN OUTRE, QU'en réduisant l'indemnisation du préjudice résultant de la tierce personne, en tenant compte non de la situation actuelle (non admission de l'enfant dans une institution) mais d'une situation "susceptible" d'intervenir (admission de l'enfant dans une institution et prise en charge des frais d'internat par les organismes sociaux), laquelle est purement hypothétique, la Cour d'appel a entaché sa décision de défaut de motifs et violé l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
ALORS QUE, ENFIN, en refusant l'indemnisation intégrale du préjudice causé au jeune Lionel né atteint de Trisomie 21 et en ne réparant le dommage de l'enfant qu'à hauteur de 50 % au titre de la perte de chance, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code Civil.
Moyen produit au pourvoi incident par Me Vuitton, avocat aux Conseils pour M. W.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué
D'AVOIR condamné Monsieur W, à payer à Madame Z ès qualités de représentante légale de son fils mineur une somme de 650 000 francs au titre du préjudice subi par l'enfant ;
AUX MOTIFS QUE la faute commise par le praticien qui n'a pas donné à la mère une information complète sur les risques d'anomalie foetale encourus en présence d'un taux de dosage anormal de bêta HCG est en relation directe avec la naissance de l'enfant porteur de trisomie 21 ; que la mère est donc fondée à demander l'indemnisation du préjudice subi par l'enfant lui-même ; que ce préjudice est constitué par les conséquences dommageables du handicap et plus particulièrement la nécessité de prévoir une assistance permanente de l'enfant telle que préconisée par l'expert ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en condamnant Monsieur W à indemniser l'enfant Lionel du préjudice résultant de son handicap au seul motif que son défaut d'information était en relation directe avec la naissance de l'enfant porteur de trisomie 21, sans toutefois caractériser le lien de causalité entre ce défaut d'information et la trisomie 21 de l'enfant, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1383 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le fait de naître ne saurait constituer un préjudice pour celui qui est né ; que dès lors, en condamnant Monsieur W à indemniser l'enfant Lionel des conséquences de son handicap, et ce alors que le défaut d'information de Monsieur W, sans aucune incidence sur la trisomie 21 de l'enfant, n'aurait pu avoir pour effet que d'empêcher l'enfant de ne pas naître, la Cour d'appel a nécessairement estimé que le préjudice de l'enfant résultait de sa naissance et a violé l'article 1383 du Code civil.

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

Lancer la recherche par visa

Domaine juridique - DIVORCE, SEPARATION DE CORPS

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.