La lettre juridique n°364 du 24 septembre 2009

La lettre juridique - Édition n°364

Éditorial

Transsexualisme et droit social : vers une nouvelle scolastique

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N9266BLR

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


"Le ridicule est qu'on cultive l'apparence à l'encontre d'autrui jusqu'à s'imaginer qu'elle est vérité..." - Emmanuel Kant. Mais, en matière de transsexualisme, que sont l'apparence et la réalité ?

De mauvaises langues diront que, même dans cette tribune, on pêche par facilité et que l'on cherche à profiter de l'intérêt naturel du lecteur pour le "sensationnel", afin d'écrire un papier attrayant affublé, de facto, des sigles bien connues de P+B+I ! Qu'il me soit, alors, permis de m'inscrire en faux, en partageant, ci-après, un modeste éclairage sur l'arrêt médiatique rendu le 3 juin 2009 par la cour d'appel de Montpellier, au sujet du licenciement abusif d'un homme ayant annoncé à son employeur sa volonté de changer de sexe ; arrêt sur lequel revient, cette semaine, pour une analyse et une contextualisation nécessaire, en droit social, sur fond de prise d'acte de rupture du contrat de travail, Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale.

A priori, cette affaire et, plus fondamentalement, cet arrêt suscitent trois séries de questions qui permettent de dépasser une approche superficielle du transsexualisme, approche qui aurait pu être menée à grand renfort de bons mots, comme on pourra sans doute les lire dans d'autres colonnes pourtant prestigieuses.

La première série de réflexions a trait à la terminologie employée par les juges de Montpellier. Cet arrêt demeure, en effet, dans une approche constante de l'appréhension du transsexualisme au plan juridique, en fondant son dispositif concluant au licenciement abusif, dépourvu de cause réelle et sérieuse, sur une discrimination d'ordre sexuel ; discrimination qui, chacun le sait, est prohibée, comme d'autres, par l'article L. 1132-1 du Code du travail. Or, en l'espèce, peut-on dire qu'il s'agit d'une discrimination fondée sur le sexe du salarié concerné ? A-t-il été licencié parce qu'il est un homme ou bien, parce qu'il est une femme ? Assurément, ni l'un, ni l'autre. Si bien que soit il existe un troisième sexe, "trans", dans lequel les personnes concernées ne se reconnaissent cependant aucunement, souhaitant être reconnues comme appartenant à un genre ou un autre, et ce qui bouleverse tout de même le partage universel de l'humanité ; soit la cour aurait bien fait d'introduire clairement en droit français le concept "d'identité de genre" issu des principes de Jogjakarta, reconnus par les Nations-Unies, sur l'application du droit international des droits de l'Homme en matière d'orientation sexuelle et d'identité de genre. Ainsi, la discrimination relevée par la cour de Montpellier a trait, plus évidemment, à la prise de position de l'employeur quant à une identité de genre, qu'à l'appartenance du salarié à un sexe ou à un autre. On relèvera, toutefois, que la cour aura fait un premier pas vers la singularisation de la discrimination à l'encontre du transsexualisme, en évoquant dans son dispositif un "changement d'apparence physique et de genre". Mais, pour être plus précis, on notera que la cour ne condamne pas une discrimination afférente à un état, mais à une action : la volonté du salarié de changer de sexe. Ce qui, on s'en réjouira, satisfera les fidèles du droit romain, et plus particulièrement de la sumna divisio du jurisconsulte Gaius, si bien explicitée par Paul-Frédéric Girard. Souvenons nous, en effet, des paroles du jurisconsulte : "Omne jus quo utimur, vel ad personas pertinet, vel ad res, vel ad actiones" (Tout le droit que nous faisons se rapporte ou aux personnes, ou aux choses ou aux actions). Et, si le droit contemporain eut tendance à englober les actions dans le concept de choses, du fait d'une contractualisation massive des obligations civiles, au détriment de la délictualisation, la structuration tripartite de notre droit d'inspiration romaine perdure assurément.

La deuxième série de réflexions suscitées par cet arrêt révèle une contrariété entre l'employeur et le salarié quant l'usage du corps de ce dernier. Excluons d'emblée l'idée d'un jusforti au bénéfice de l'employeur ; celui-ci n'ayant pas (ou plus) de pouvoir (abusus) sur le corps de son salarié. En revanche, on pourra extrapoler les théories franciscaines d'Occam, en considérant que, si le salarié dispose d'un droit d'usage (juspoli) sur son corps aux fins de changer même de genre, l'employeur ne considère-t-il pas que, durant le temps de travail, il a l'usage de ce même corps aux fins d'exécuter un travail particulier. Et, voici que deux droits d'usage, l'un permanent mais mis à disposition -ce que l'on a appelé au temps ouvrier la force de travail- et l'autre temporaire -à l'image d'une location de main d'oeuvre-, s'affrontent alors que le salarié entend changer de genre, pour ne pas dire opérer une modification corporelle telle qu'elle mettrait en cause le droit d'usage temporaire issu du contrat de travail. Par ailleurs, on notera l'opposition des identités juridiques sujet et chose, à considérer le droit au travail et à la vie privée comme relevant des droits de la personne et le droit du licenciement relevant des droits patrimoniaux -le lecteur prêtera attention aux conjonctions à et de significatives à cet égard-.

Enfin, la troisième série de réflexions a trait aux effets de la toute récente disponibilité de l'état, c'est-à-dire de la possibilité pour un transsexuel de modifier son genre au registre de l'état civil, sur la relation contractuelle spécifique qu'est la relation de travail. On sait qu'à l'état civil, que Lacan classe dans le domaine du symbolique (lire Jean Périn, Le transsexuel et le droit à la vie privée), s'adjoint la réalité sexuelle (le réel chez le psychanalyste), et la possession d'état (l'imaginaire, fruit de la représentation sociale de la personne). Si, pendant longtemps, le symbolique et le réel prédominaient parce que immuables, la science -pour le réel- et la jurisprudence -pour le symbolique- auront permis une adéquation parfaite entre les trois tenant de la personnalité juridique. La possession d'état faisant basculer l'ensemble (application singulière de la théorie des apparences). Mais, en va-t-il différemment en droit du travail ? En vérité, l'analyse s'avère plus compliquée car le droit du travail, aussi étonnant que cela puisse paraître, fait abstraction, pour ne pas dire ablation du réel ! Le sexe réel ou le changement de genre relève de la vie privée et n'ont pas vocation à pénétrer la sphère professionnelle. Par conséquent, le droit du travail ne jongle qu'entre le symbolique (le genre inscrit au contrat de travail) et l'imaginaire (la représentation du genre du salarié sur son lieu de travail)... et là encore, à la lecture de cet arrêt de juin dernier, la possession d'état doit ou plus exactement devra faire plier le symbolique. L'affaire n'est pas neuve ! Il suffira de se souvenir de ce contentieux de 1903, aux termes duquel sous, l'impulsion du procureur général Baudoin, "une femme", ou plus précisément considérée comme telle depuis sa tendre enfance, aura pu conserver l'identité de son genre, malgré l'absence d'organes génitaux féminins déterminés. La possession d'état ayant, déjà, emporté la conviction des juges. Plus récemment, on se souviendra de cet arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes, le 27 avril 2006, aux termes duquel le droit communautaire "s'oppose à une législation qui refuse le bénéfice d'une pension de retraite à une personne passée, conformément aux conditions déterminées par le droit national, du sexe masculin au sexe féminin au motif qu'elle n'a pas 65 ans, alors que cette même personne aurait eu droit à une telle pension à 60 ans si elle avait été considérée comme une femme selon le droit national".

Après tout, "la vérité ne fait pas tant de bien dans le monde que ses apparences y font de mal" (La Rochefoucauld). Alors, admettons avec Malraux que "le réel est apparence ; et autre chose existe, qui n'est pas apparence et ne s'appelle pas toujours Dieu"... dans un pays où règne l'absence de législation sur le transsexualisme, la jurispudence peut-être ?

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Famille et personnes

[Jurisprudence] La fin de la toute puissance maternelle....

Réf. : TGI de Bordeaux, 15 septembre 2009, RG n° 09/01408, M. X c/ Mme Y (N° Lexbase : A2048ELG)

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N9309BLD

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux

Le 07 Octobre 2010

La décision du 15 septembre 2009 rendue par un juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux constitue une illustration assez remarquable du refus de laisser l'un des parents détruire les relations de l'enfant avec l'autre. Il impose, en effet, l'effectivité du maintien des liens de l'enfant avec ses deux parents malgré une opposition persistante de la mère. Celle-ci, qui avait été victime de violence de la part de son ex-compagnon, faisait systématiquement obstruction au droit de visite de ce dernier depuis la séparation et ce, malgré plusieurs injonctions du juge aux affaires familiales et de plusieurs condamnations pour non-représentation d'enfant du tribunal correctionnel. La ténacité du père, qui a multiplié les démarches et les procédures pour voir son enfant, a trouvé un écho favorable auprès du juge de la famille comme d'ailleurs auprès du juge pénal. Après avoir tenté à plusieurs reprises d'obliger la mère à respecter le droit du visite du père (I), le juge aux affaires familiales n'a finalement pas hésité, face à l'obstination de la mère, à modifier la résidence de l'enfant, seule façon d'obtenir le maintien du lien de l'enfant avec son père (II). I - Les tentatives pour imposer le respect du droit de visite du père

Evolution des modalités d'exercice de l'autorité parentale. La première décision rendue en 2006 à propos de l'enfant alors âgé de dix mois était particulièrement favorable à la mère puisqu'elle lui attribuait l'exercice unilatéral de l'autorité parentale, la résidence de l'enfant et fixait seulement un droit de visite en lieu neutre -dans un point rencontre- pour le père en attendant les résultats de l'enquête sociale qui avait été, par ailleurs, ordonnée. Sept mois plus tard, "au vu du rapport d'enquête sociale et de la non présentation de l'enfant au point rencontre cinq samedis", l'exercice de l'autorité parentale devenait conjointe et un droit de visite progressif du père était organisé, d'abord au domicile de la mère puis au domicile du père. Au moment où le juge aux affaires familiales statue le 15 septembre 2009, la mère n'a toujours pas respecté le droit de visite, alors même que le magistrat lui avait laissé une dernière chance, en lui enjoignant, à l'audience début août, de la confier à son père jusqu'au délibéré.

Procédure pénale pour non-représentation d'enfant. La juridiction pénale a également fait preuve de patience avec la mère. En janvier 2009, elle l'a, en effet, déclarée coupable du délit de non représentation d'enfant tout en ajournant le prononcé de la peine avec obligation de présenter l'enfant au point rencontre. Devant le non-respect de cette obligation, l'ajournement de la peine a ensuite été prorogé jusqu'en juin avec obligation de présenter l'enfant au point rencontre ! Finalement, devant l'obstination de la mère, le tribunal correctionnel l'a condamnée à deux mois de prison ferme en juin 2009.

La négation totale des relations de l'enfant avec son père. La résistance acharnée de la mère aboutit effectivement à l'absence de relations de l'enfant, âgée de plus de trois ans, avec son père depuis la séparation de ses parents, au mépris à la fois des droits de ce dernier mais également -et surtout- du droit de l'enfant d'entretenir des relations avec ses deux parents consacré, notamment, par la Convention internationale des droits de l'enfant (N° Lexbase : L6807BHL). D'aucuns, à la place du père, auraient pu se lasser et renoncer. Heureusement, en l'espèce, le père lui aussi s'est acharné. Il a fini par obtenir gain de cause, et ce, alors même que la mère, avec une mauvaise foi sans commune mesure, mettait en avant le fait que l'enfant ne connaissant pas son père -et pour cause-, il n'était pas de son intérêt de vivre avec lui !

II - Le maintien des relations de l'enfant avec son père par le transfert de la résidence

Transfert de la résidence. Même s'il peut être perçu comme tel, le transfert de la résidence de l'enfant chez son père ne constitue pas, juridiquement, une sanction de l'attitude de la mère, contrairement à la condamnation pénale. C'est, en effet, bien l'intérêt de l'enfant qui motive le choix de la résidence de ce dernier chez son père. Le juge bordelais considère, à juste titre, que "l'abandon des liens d'un enfant avec son parent est analysé comme une amputation pour ce dernier d'un élément essentiel à son développement harmonieux. [...]". Cette analyse est au fondement de l'article 373-2-6 du Code civil (N° Lexbase : L6973A4Z) enjoignant au juge aux affaires familiales de prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l'effectivité du maintien des liens de l'enfant avec chacun de ses parents. Dans la mesure où le changement de résidence est, comme en l'espèce, le seul moyen de maintenir ce lien, il est conforme à l'intérêt de l'enfant.

Le refus du "fait accompli". L'argument de la non-connaissance par l'enfant de son père est écarté au motif que c'est l'attitude de la mère qui a provoqué cette situation, alors même que le père avait multiplié les démarches pour voir sa fille. Ce faisant, le juge aux affaires familiales s'inscrit dans une tendance générale récente visant à refuser la manoeuvre "du fait accompli" consistant pour un parent -souvent la mère il faut bien l'admettre- à provoquer une situation de fait en violation des droits de l'autre parent, pour ensuite la faire entériner par le juge au nom de la nécessité de faire correspondre le droit et le fait (1). Les violences exercées par le père contre la mère au moment de la séparation ne sont pas, non plus, retenues par le juge qui, tout en les qualifiant d'inadmissibles, constate qu'"elles ne se sont jamais tournées contre l'enfant et ne doivent pas priver celui-ci de tout contact avec son père".

Mesure d'accompagnement. La décision, quoique sévère pour la mère, est, néanmoins, tempérée par une certaine prudence. Le changement de résidence est en effet ordonné à titre provisoire, dans l'attente d'une expertise médico-psychologique et d'une enquête sociale pour apprécier l'évolution de chacun des parents, notamment la capacité de la mère à admettre la place du père.

Droit de visite conditionné par le respect des droits du père. La mère n'est, en outre, pas privée de tous ses droits à l'égard de l'enfant. Le juge refuse, tout d'abord, lui retirer l'exercice de l'autorité parentale qui reste conjoint. Il lui accorde, ensuite, un droit de visite et d'hébergement une fin de semaine sur deux qui pourra être élargi par l'accord des parties. Toutefois, la mère est clairement avertie qu'en cas de non représentation de l'enfant à l'issue de son droit de visite, celui-ci sera supprimé jusqu'à la prochaine audience.

Exécution forcée. La question de l'exécution de la décision de justice reste, cependant, entière. Il est, en effet, probable que l'enfant, au moment de la signification de la décision, sera avec sa mère. Il n'est pas certain que celle-ci se soumette à la décision rendue "contre elle" et qu'elle accepte de confier l'enfant au père. Si tel est le cas, la seule issue consisterait en une véritable exécution forcée des décisions de justice, civile et pénale, sous la forme sans aucun doute tragique pour l'enfant de l'intervention autoritaire des forces de l'ordre. Face à une situation similaire, quoique rendue dans des circonstances quelque peu différentes (2), la Cour européenne des droits de l'Homme a estimé que le respect du maintien des liens de l'enfant avec ses deux parents, conforme à son intérêt, justifiait le recours à la force (3). Si l'on ne peut qu'approuver le raisonnement, on ne peut s'empêcher de penser que le prix à payer est bien lourd pour un enfant...


(1) Dans le même sens, Cass. civ. 1, 4 juillet 2006, n° 05-14.442, Mme Marie-José Bonomi, F-D (N° Lexbase : A3771DQQ), Dr. fam., 2006, comm. n° 188, obs. P. Murat.
(2) Il s'agissait d'un enlèvement international d'enfant.
(3) CEDH, Req. 39388/05, 6 décembre 2007, Maumousseau Washignton c/ France (N° Lexbase : A9936DZZ), Dr. fam., 2008, Etude n° 14, obs. A. Gouttenoire.

newsid:369309

Sécurité sociale

[Textes] La réforme de la procédure d'instruction des déclarations AT-MP

Réf. : Décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, relatif à la procédure d'instruction des déclarations d'AT-MP (N° Lexbase : L5899IE9) ; circulaire DSS n° 2C/2009/267 du 21 août 2009, relative à la procédure d'instruction des déclarations d'AT-MP (N° Lexbase : L6732IE3)

Lecture: 9 min

N9352BLX

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par Marion Del Sol, Professeur à l'Université de Bretagne Occidentale (IODE UMR CNRS 6262 - Université de Rennes 1)

Le 07 Octobre 2010

Annoncée depuis quelques années déjà, la réforme de la procédure d'instruction des déclarations d'accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) est intervenue à l'occasion d'un décret du 29 juillet 2009, complété par une circulaire de la Direction de la Sécurité sociale du 21 août 2009. Afin de bien en comprendre les enjeux, il convient de revenir sur des éléments de contexte (I) avant d'examiner en détail les nouvelles modalités de déclaration des AT-MP (II), qui entreront en vigueur au 1er janvier 2010. I - Retour nécessaire sur quelques éléments de contexte

La complexité du mode de tarification des AT-MP n'est plus à souligner et il ne s'agira pas, ici, d'en détailler les "subtilités". Il importe, cependant, de mettre en évidence les enjeux financiers pour l'entreprise de la reconnaissance des AT-MP, enjeux qui expliquent assez largement le développement d'un contentieux quelque peu "biaisé", auquel les employeurs ont eu parfois recours ces dernières années.

  • Le contexte financier et ses effets induits

Pour les entreprises d'au moins 200 salariés, le montant de la cotisation AT-MP est fonction de leur sinistralité passée calculée à partir de la somme des prestations versées aux salariés en réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles survenus dans l'établissement au cours des trois dernières années (tarification individuelle réelle (1)). Autrement dit, la reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie présente un enjeu économique dont l'ampleur dépend à la fois du nombre des AT-MP et de leur gravité. En moyenne, la cotisation AT-MP s'élève à 2,28 % de la masse salariale (2). Mais ce chiffre cache de grands écarts. Qui plus est, la cotisation d'une entreprise peut significativement augmenter à la suite d'un accident particulièrement grave (lourdes séquelles emportant un taux élevé d'incapacité permanente, voire le décès du salarié).

Ce dispositif de tarification doit inciter les entreprises à entrer dans une logique d'optimisation du coût des AT-MP. Il a d'ailleurs été conçu afin de promouvoir des démarches de prévention. Pour autant, ce sont également des pratiques plus contestables qui sont mises en oeuvre par le recours à une optimisation que l'on pourrait qualifier de négative : réduire le montant de la cotisation AT-MP sans nécessairement chercher à prévenir les accidents et maladies. Ainsi, des employeurs peuvent faire pression sur leurs salariés afin qu'ils ne déclarent pas l'accident ou la maladie dont ils sont victimes au titre des risques professionnels. Dès lors, la prise en charge est le fait de l'assurance maladie et non plus de la branche AT-MP, avec deux conséquences : d'une part, une indemnisation moins importante pour le salarié et, d'autre part, l'absence de répercussion sur le montant de la cotisation AT-MP.

Au-delà de ce phénomène de sous-déclaration, les entreprises peuvent agir en contestant le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie. Mais certaines ont, également, cherché à annihiler les effets que la reconnaissance d'un accident du travail emporte sur le montant de leur cotisation et c'est ainsi que s'est développé le contentieux de l'inopposabilité. Sans que cela ait d'incidence sur l'indemnisation du salarié (3), il s'agit de rendre inopposable à l'employeur les dépenses afférentes à l'indemnisation de la victime, qui ne pourront être imputées sur le compte AT-MP de l'entreprise. En conséquence, le montant de sa cotisation ne sera pas affecté par l'existence de l'accident professionnel.

  • Le contexte juridique

Le contentieux en inopposabilité repose sur une contestation portant sur la procédure d'instruction et de reconnaissance des AT-MP (et non sur la qualification elle-même). Et le moins que l'on puisse dire est qu'il s'agit là d'une voie qui a été très largement empruntée ces dernières années. Ainsi, le rapport "Fouquet" (4) estime que le coût annuel direct de ces procédures contentieuses initiées par plus de 4 000 entreprises s'élève à 200 millions d'euros en 2007 (5), ce qui représenterait une "facture" de 50 millions supplémentaires par rapport à 2005.

Par l'inopposabilité, il s'agit donc de sanctionner les irrégularités commises par les CPAM dans la mise en oeuvre de la procédure de reconnaissance des AT-MP, notamment les manquements à leur obligation générale d'information, qui est la traduction du principe du contradictoire. Par exemple, il a pu être reproché à des CPAM de ne pas avoir informé l'employeur des éléments susceptibles de faire grief, de la possibilité de consulter le dossier ou, encore, de la date de fin de la procédure d'instruction et de la date prévisible de prise de décision. On le voit, ces démarches contentieuses ont trouvé un écho favorable devant les tribunaux, la Cour de cassation entendant faire respecter les droits fondamentaux des usagers face aux prérogatives de la Sécurité sociale, au premier rang desquels se trouve le principe de la contradiction (6). Il n'en fallait pas plus pour qu'une brèche s'ouvre, dont les effets sur l'équilibre financier de la branche AT-MP n'ont pas tardé à se manifester, rendant inévitable une réforme de la procédure d'instruction intervenue finalement en juillet 2009.

II - La nouvelle procédure d'instruction des déclarations d'accidents du travail et maladies professionnelles

D'emblée, la circulaire DSS du 21 août 2009 rappelle l'objectif affiché de la réforme : d'une part, "encadrer et sécuriser la procédure d'instruction des déclarations AT-MP" et, d'autre part, "définir les règles conduisant au respect du contradictoire". Pour y parvenir, le décret du 29 juillet 2009 modifie cinq articles du Code de la Sécurité sociale intéressant la procédure d'instruction proprement dite, mais également les phases amont et aval de celle-ci, modification dont on rappellera que l'entrée en vigueur interviendra au 1er janvier 2010.

  • Modification du point de départ du délai d'instruction

- Etat du droit : depuis un décret du 27 avril 1999 (décret n° 99-323, relatif aux procédures de reconnaissance du caractère professionnel des AT-MP N° Lexbase : L5076BCY), la CPAM dispose d'un délai de trente jours pour statuer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, l'article R. 441-10 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7288ADB), indiquant que le point de départ de ce délai est le jour où la CPAM a eu connaissance de la déclaration d'accident ou de maladie professionnelle. A noter que les délais sont identiques dans les hypothèses de nouvelle lésion ou de rechute. Le point de départ est le jour où il est fait état, pour la première fois, d'une lésion ou d'une maladie présentée comme se rattachant à un accident du travail ou maladie professionnelle.

- Ce qui change : dans sa rédaction actuelle, l'article R. 441-10 laisse planer des incertitudes sur la détermination du point de départ du délai d'instruction. La réforme tend donc à le préciser. Désormais, le point de départ du délai d'instruction de la caisse correspondra au jour où la CPAM "a reçu la déclaration d'accident [ou de maladie professionnelle] et le certificat médical initial" (CSS, art. R. 441-10, al. 1er).

La modification doit permettre de préserver les droits des victimes. En effet, il était assez fréquent qu'en l'absence de certificat médical -dont le contenu est essentiel sur le fond-, les caisses notifient une décision de refus afin d'éviter le jeu de la reconnaissance implicite de l'alinéa 3 de l'article R. 441-10 (l'absence de décision dans le délai d'instruction emportant reconnaissance du caractère professionnel). Cette pratique "défensive" n'a plus lieu d'être, car le délai d'instruction partira dorénavant du jour à compter duquel la CPAM sera en possession tant de la déclaration d'accident (ou de maladie), que du certificat médical initial. Si la réception du certificat médical tarde, la phase d'instruction ne peut juridiquement s'ouvrir, ni le délai d'instruction courir (7). Par conséquent, les décisions "préventives" de refus devraient disparaître à compter du 1er janvier 2010 (8).

  • Clarification de la phase d'instruction et de l'obligation d'information de l'employeur

Le décret de juillet 2009 modifie les articles R. 441-11 (N° Lexbase : L6173IED) et R. 441-14 (N° Lexbase : L6170IEA) du Code de la Sécurité sociale. Pour l'essentiel, il s'agit de tirer les enseignements du contentieux de l'inopposabilité et de donner une traduction réglementaire à certaines décisions jurisprudentielles relatives au respect du contradictoire lors de la phase d'instruction.

- Nouvelles précisions et exigences concernant l'émission de réserves : la possibilité, pour l'employeur, d'assortir la déclaration d'accident de réserves lui était déjà reconnue. Le décret de 2009 exige, désormais, qu'il s'agisse de réserves motivées (CSS, art. R. 441-11-I et II) (9). Ainsi, tendent à être dissuadées d'éventuelles manoeuvres dilatoires puisque les réserves emportent le recours à des mesures supplémentaires d'investigation allongeant le délai d'instruction et retardant la prise de décision (10).

A défaut de précision réglementaire, la Direction de la Sécurité sociale considère qu'il revient aux caisses le soin d'apprécier le caractère motivé des réserves... ce qui ne relève pas de l'évidence. La circulaire d'août leur recommande, pour ce faire, de prendre appui sur la notion jurisprudentielle de "réserves motivées" qui renvoie à des réserves centrées sur la contestation du caractère professionnel de l'accident et qui ne peuvent donc porter que sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail (11).

- Obligation d'information de l'employeur : la réécriture de l'article R. 441-10 fait la part belle aux garanties de contradictoire. Elle reformule l'obligation pour la caisse d'adresser à l'employeur le double de la déclaration de maladie professionnelle réalisée par la victime ou de la demande de reconnaissance de la rechute, car il s'agit là d'une décision susceptible de lui faire grief. A la caisse de se ménager la preuve de la date de réception par l'employeur du document. Pour des raisons de sécurité juridique, les CPAM seront enclines à recourir à une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, même si l'envoi peut se faire par tout moyen.

L'obligation d'information à la charge de la CPAM est renforcée par l'article R. 441-14, qui fait de la procédure d'instruction stricto sensu une phase nécessairement contradictoire (12). "La caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier".

Au plan procédural, la circulaire précise que les jours francs se définissent comme étant des jours entiers décomptés de 0 h à 24 h, le jour de la notification ne comptant pas et le point de départ du délai se situant au lendemain de la notification. Lorsque le délai expire un dimanche ou un jour férié, il est reporté de 24 h. L'apport principal du décret réside dans la fixation d'un délai précis qui mettra un terme à certains contentieux fondés sur la brièveté du temps accordé par les caisses aux employeurs pour prendre connaissance des éléments du dossier.

Sur le fond, ces nouvelles dispositions ne surprennent pas, car elles trouvent leur origine dans le contentieux de l'inopposabilité. Elles ne résolvent pas pour autant toutes les difficultés. Au plan juridique, elles ne permettent pas de mieux cerner les contours des éléments susceptibles de faire grief, ce qui ne devrait pas tarir tout le contentieux sur cette question ; au plan pratique, elles imposent toujours aux employeurs de se déplacer pour consulter le dossier d'instruction alors que l'envoi d'une copie pourrait peut-être désamorcer d'éventuels litiges.

  • Nouvelles règles de notification des décisions relatives à la reconnaissance du caractère professionnel et à l'incapacité permanente

- Etat du droit : jusqu'à présent, seul le salarié (ou ses ayants droit) se voyait notifier la décision de la caisse. Tout au plus, en cas de refus de prise en charge, était-il prévu que le double de cette décision devait être envoyé pour information à l'employeur, ainsi qu'au médecin traitant.

- Ce qui change : à compter du 1er janvier 2010, les décisions de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute devront être notifiées par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception à l'employeur au service duquel se trouvait la victime au moment de l'accident. Il s'agit, en effet, là d'une décision lui faisant grief car emportant des effets sur la cotisation AT-MP, ce qui justifie également que la notification précise les voies et délais de recours (CSS, art. R. 441-14). La même obligation s'impose pour les décisions relatives à l'incapacité permanente (CSS, art. R. 434-32, al. 3). En revanche, lorsque la décision ne fait pas grief à l'employeur (refus de prise en charge au titre de la branche AT-MP), les CPAM peuvent recourir à une notification "allégée", la circulaire évoquant le possible recours à une lettre simple (13).

Au-delà du décret, la circulaire rappelle opportunément les conséquences de ces nouvelles règles de notification sur les actions contentieuses. A compter de la date de notification de la décision lui faisant grief, l'employeur dispose d'un délai de deux mois pour la contester sous peine de forclusion. Une fois ce délai expiré, la décision de reconnaissance est définitive à son égard ; autrement dit, lui sont alors fermées certaines actions en contestation de son taux de cotisation AT-MP... spécialement celles en inopposabilité dont la mise en oeuvre intervenait souvent des années après la décision de reconnaissance de la CPAM (mais une décision dont l'employeur n'était pas à l'époque destinataire). Par le simple effet de ces règles rénovées de notification, c'est tout un pan du contentieux de l'inopposabilité qui devrait s'effondrer.


(1) La sinistralité "personnelle" de l'entreprise est également prise en compte pour les structures dont l'effectif est compris entre 10 à 199 salariés, mais cette prise en compte est partielle (système de tarification mixte composé d'une part de taux collectif et d'une part de taux réel).
(2) Au total, c'est un peu plus de 10 millions d'euros qui sont collectés au titre de la cotisation AT-MP (chiffres 2008).
(3) Voir, pour une décision récente et fort explicite, Cass. civ. 2, 19 février 2009, n° 08-10.544, Mme Lahidja Boubeka, FS-P+B (N° Lexbase : A3989ED4), Bull. civ. II, n° 58l : "les rapports entre la caisse et la victime sont indépendants des rapports entre la caisse et l'employeur, de sorte que la décision rendue sur la contestation par ce dernier du caractère professionnel d'une affection demeure sans incidence sur la prise en charge au titre de la législation professionnelle de cette affection décidée par la caisse au profit de la victime".
(4) Rapport d'Olivier Fouquet sur la sécurité juridique en matière de cotisations et contributions sociales, juillet 2008.
(5) Le rapport "Fouquet" souligne également que la rémunération des conseils des entreprises requérantes représenterait entre 30 % et 50 % de ces 200 millions.
(6) B. Thavaud et S. Petit, Les droits fondamentaux dans le contentieux général de la Sécurité sociale, Rapport de la Cour de cassation, 2001, Etudes et documents.
(7) La circulaire prend, cependant, soin de rappeler qu'en cas d'absence de certificat médical initial dans les deux ans qui suivent la déclaration d'accident ou de maladie, le dossier sera définitivement classé en application des règles de prescription de l'article L. 431-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5309DYB).
(8) A la victime de se ménager la preuve de la réception du certificat médical par la caisse afin de pouvoir, le cas échéant, faire jouer à son bénéfice le dispositif de reconnaissance implicite.
(9) L'exigence vaut également lorsque l'employeur reçoit le double de la déclaration faite par le salarié et en cas de rechute.
(10) Questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident (ou de la maladie) ou enquête (CSS, art. R. 441-11-III N° Lexbase : L0816HHP).
(11) Cass. civ. 2, 10 juillet 2008, n° 07-18.110, Caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor, FS-P+B (N° Lexbase : A6353D98). Pour un exemple de réserves non motivées, voir Cass. civ. 2, 11 juin 2009, n° 08-11.029, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Ille-et-Vilaine, F-D (N° Lexbase : A0637EIG).
(12) Cette exigence de contradictoire est "limitée" aux seules hypothèses où une instruction est diligentée ou est obligatoire (cas visés au dernier alinéa de l'article R. 441-11).
(13) Ces nouvelles règles de notification valent tant pour la victime (ou ses ayants droit) que pour l'employeur, les modalités à respecter dépendant du point de savoir à qui la décision fait grief.

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] La fusion Caisse d'épargne-Banque populaire suspendue à la consultation du comité d'entreprise

Réf. : CA Paris, pôle 1, ch. 1, 31 juillet 2009, n° 09/14577, Comité d'entreprise de la Caisse d'épargne d'Ile-de-France et a. c/ Caisse d'épargne d'Ile-de-France et a. (N° Lexbase : A9544EKP)

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N9289BLM

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu - Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Mené "tambour battant" sous la pression du Gouvernement, le processus de rapprochement de la Caisse d'épargne et de la Banque populaire a, semble-t-il, été quelque peu précipité, au moins au regard des exigences du droit du travail. C'est ce qui ressort d'un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 31 juillet 2009, qui met un sérieux coup d'arrêt, certes provisoire, au processus précité. La faute en revient aux représentants légaux de la Caisse d'épargne d'Ile-de-France, coupables, selon les magistrats parisiens, de n'avoir pas suffisamment informé le comité lors de la procédure d'information/consultation précédant la décision de rapprochement. De facture fort classique, cette décision invite à revenir sur les attributions du comité dans le domaine économique et sur les sanctions civiles encourues par l'employeur qui ne les respecte pas.



Résumé

A défaut d'une information suffisante délivrée au comité d'entreprise sur le projet en cours, il convient de considérer que l'institution représentative n'a pas été valablement informée et consultée. Par conséquent, il convient d'interdire à l'employeur de mettre en oeuvre le projet en cause tant qu'il n'aura pas respecté les obligations que la loi lui impose en matière d'information/consultation du comité d'entreprise.

I - L'obligation d'information

  • Les exigences légales

S'il est des hypothèses dans lesquelles le comité d'entreprise doit être informé sans qu'il ait pour autant à formuler un avis, il ne saurait y avoir de consultation sans information. C'est ce que signifie clairement l'article L. 2323-4 du Code du travail (N° Lexbase : L2727H9U) en affirmant que "pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur".

Une telle exigence relève de l'évidence dans la mesure où l'on ne voit pas comment le comité d'entreprise pourrait formuler un avis motivé sur une décision de l'employeur sans être pleinement informé de celle-ci, spécialement lorsqu'elle revêt un caractère complexe. Tel était le cas dans l'espèce rapportée qui concernait le "projet de rapprochement" des Caisses d'épargne et de la Banque populaire. Il ne fait aucun doute que ce projet devait être soumis à l'avis du comité d'entreprise, que ce soit sur le fondement de sa compétence générale (C. trav., art. L. 2323-6 N° Lexbase : L2734H97), ou de sa compétence spéciale en matière de modification dans l'organisation économique ou juridique de l'entreprise visée par l'article L. 2323-19 (N° Lexbase : L2773H9L). Selon cette dernière disposition, en effet, "le comité d'entreprise est informé et consulté sur les modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise, notamment, en cas de fusion, de cession, de modification importante des structures de production de l'entreprise, ainsi que lors de l'acquisition ou de la cession de filiales". L'opération de rapprochement précitée pouvait être assimilée à une fusion entre les deux groupes bancaires.

  • L'affaire

En l'espèce, l'employeur, en l'occurrence la Caisse d'épargne d'Ile-de-France (CEIDF), n'avait pas manqué de mettre en branle la procédure d'information et de consultation de son comité d'entreprise sur le projet en cause. Il apparaît, d'ailleurs, que cinq réunions avaient eu lieu à ce titre, la dernière s'étant tenue le 23 juin 2009. Le comité d'entreprise, auquel s'étaient jointes deux organisations syndicales, a, néanmoins, saisi le juge des référés, contestant avoir été régulièrement informé et consulté.

Le comité d'entreprise soutenait que les informations qui lui avaient été fournies par l'employeur étaient insuffisantes pour lui permettre une "lisibilité minimum du projet". Il était, notamment, argué qu'aucun projet industriel précis définissant la stratégie du nouveau groupe, ni business plan, ni étude d'impact sur l'emploi ne lui avait été communiqués et que l'expert auquel le comité avait fait appel avait relevé ces carences et n'avait pu émettre que des hypothèses fondées sur les seules informations dont il disposait. On devine sans peine que l'employeur soutenait à l'inverse que les élus avaient reçu une documentation complète et précise sur le projet. En outre, il était avancé que celui-ci s'avérant d'une grande complexité, il devait être mené selon plusieurs étapes et, de ce fait, le comité d'entreprise serait appelé à être consulté à l'occasion de chacune de celles-ci.

La cour d'appel de Paris sera restée sourde à ces arguments et considère que le comité d'entreprise n'a pas été complètement et loyalement informé par l'employeur.

  • Les enseignements

Ainsi que l'a décidé la Cour de cassation, les juges du fond apprécient souverainement le caractère suffisant des informations transmises au comité d'entreprise avant la réunion et du délai dont celui-ci dispose pour en prendre connaissance (1). Il serait, dès lors, vain de discuter du caractère suffisant ou non des informations qui avaient, en l'espèce, été données au comité d'entreprise. Tout au plus peut-on relever le caractère particulièrement motivé de la décision des juges d'appel, de nature sans doute à écarter une cassation pour défaut de base légale si la décision venait à être soumise à la Haute juridiction. Il convient, par ailleurs, de relever qu'est moins reprochée à l'employeur une absence pure et simple d'information, qu'un défaut d'information suffisante.

Cela étant, l'arrêt sous examen comporte plusieurs aspects intéressants. Tout d'abord, reprenant une jurisprudence désormais bien assise de la Cour de cassation, les juges parisiens rappellent qu'en cas de projet particulièrement complexe, il est nécessaire d'informer et de consulter le comité d'entreprise à chaque étape du projet (2). C'est, cependant, moins la complexité du projet qui exige d'informer et de consulter le comité à chacune de ses étapes que la pluralité de décisions de l'employeur qu'elles impliquent. Il importe surtout de relever la précision apportée par les juges du second degré selon laquelle, dans une telle situation, "l'information fournie dès l'origine doit être suffisamment détaillée pour que les représentants du personnel puissent se prononcer en ayant une vision satisfaisante des objectifs poursuivis, des moyens pour y parvenir et des conséquences en termes d'emploi". Cela nous paraît devoir être approuvé. L'information/consultation des représentants du personnel à chaque étape d'un projet complexe ne doit pas conduire à ce qu'ils reçoivent une information morcelée et parcellaire qui leur ferait perdre de vue l'ensemble du projet. Il faut comprendre que, dès le départ, le comité doit disposer d'une information suffisante pour lui permettre d'apprécier l'ensemble des tenants et des aboutissants du projet, mais que cette information peut être précisée au fur et à mesure de l'avancement de celui-ci.

Par ailleurs, et dans la mesure où nul ne peut être tenu à l'impossible, on ne saurait exiger de l'employeur qu'il délivre des informations qu'il ne peut donner. Cela étant, et l'affaire est de ce point de vue édifiante, l'employeur ne saurait s'en tirer à bon compte en arguant que la stratégie du groupe, avec ses conséquences quant au business plan et à l'impact sur l'emploi, ne pourra être défini que par l'organe mis en place postérieurement à la fusion, en l'occurrence le "Nouvel Organe Commun", créé par la loi du 18 juin 2009 (loi n° 2009-715, relative à l'organe central des caisses d'épargne et des banques populaires N° Lexbase : L3911IEL). Ainsi que le relèvent les magistrats parisiens, cet argument ne résiste pas à l'examen, "la loi du 18 juin qui a institué cet organe central et en a défini le statut et les prérogatives ne disposant que pour l'avenir, une fois la fusion réalisée et seules les deux entités à l'origine de la fusion ayant la capacité de définir la nature de leur projet et ses conséquences". La solution doit, là encore, être approuvée. En cas de projet de fusion, le représentant de chacune des entités parties à l'opération doit être en mesure d'informer son comité sur les implications prévisibles de celle-ci, même si cela ne peut, en aucune façon, présumer de ce que fera a posteriori l'organe dirigeant de l'entité nouvellement créée.

II - Les sanctions de l'insuffisance d'information

  • Interdiction de poursuivre le projet

L'employeur qui ne respecte pas les obligations que lui impose la loi en matière d'information et de consultation du comité d'entreprise encourt une condamnation pénale sur le fondement du délit d'entrave. Mais, il peut paraître préférable que le comité saisisse le juge civil, spécialement si la procédure n'est pas arrivée à son terme.

Il est, en effet, parfaitement concevable que la violation par l'employeur de ses obligations légales se produise à un moment où cette situation ne présente aucun caractère irréversible. Il en ira ainsi lorsque le comité n'est pas convoqué à l'approche d'une décision importante, alors qu'il peut encore l'être, ou lorsque les informations transmises au comité sont insuffisantes, mais qu'il espère en obtenir d'autres avant d'avoir à formuler son avis. Dans cette dernière hypothèse, le comité ne se contentera pas de demander au juge de faire injonction à l'employeur de lui transmettre des informations précises et complètes sur le projet en cause. Il lui demandera, également, de faire interdiction à ce dernier de poursuivre la mise en oeuvre de ce projet tant qu'il n'aura pas satisfait à ses obligations. Admise par la Cour de cassation (3), cette possibilité est mise en oeuvre, à très juste titre, par la cour d'appel de Paris dans l'arrêt rapporté, qui l'assortit, en outre, d'une lourde astreinte journalière de 100 000 euros.

Conforme à la jurisprudence, la solution a quelque chose de rassurant, car elle démontre que les prérogatives du comité d'entreprise ne sauraient être "bafouées", alors même que le projet a le soutien du législateur. Il reste que l'on peut s'interroger sur les conséquences de la décision des juges du fond sur le processus de rapprochement entre la Caisse d'épargne et la Banque populaire. En effet, seule la Caisse d'épargne d'Ile-de-France était en cause dans l'espèce sous examen. Partant, pourrait-on considérer que le processus précité n'est interrompu qu'à son égard, mais qu'il peut se poursuivre entre les autres entités des groupements bancaires en question ? La loi ne l'interdit pas et cette voie, à supposer qu'elle soit concrètement possible, ne doit pas être considérée comme fermée. On peut, toutefois, se demander si la décision retenue par les magistrats parisiens ne serait pas de nature à donner quelques idées aux autres comités d'entreprise concernés par la fusion des deux groupements bancaires.

  • Suspension de la décision

Soucieuse de garantir que les prérogatives du comité d'entreprise sont bel et bien respectées par l'employeur, la Cour de cassation est allée encore plus loin. En effet, après quelques tergiversations, elle a fini par admettre que le juge peut décider qu'il y a lieu, pour permettre le respect de l'obligation de consultation du comité d'entreprise, de suspendre la mise en exécution de la décision de l'employeur, privant celle-ci de tout effet (4).

Cette sanction, au même titre, d'ailleurs, que l'interdiction de poursuivre le projet, est suffisamment dissuasive pour inciter l'employeur à respecter les prérogatives du comité d'entreprise. Elle conduit, en outre, à relativiser les regrets que fait naître l'impossibilité pour le juge d'annuler la décision prise par l'employeur en méconnaissance de ces mêmes prérogatives. Il n'y a là qu'une illustration des rapports difficiles qu'entretiennent droit du travail et droit des sociétés. Il convient, en effet, de rappeler qu'en application de l'article L. 235-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6338AIL), la nullité d'une délibération d'un organe social ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du livre II dudit code ou de la violation des dispositions régissant les contrats. Or, l'absence d'information/consultation du comité d'entreprise n'entre en aucune façon dans ces prévisions.


(1) Cass. soc., 25 juin 2003, n° 01-12.990, Société Alstom entreprise Paris c/ Comité d'établissement de Nanterre de la société anonyme Alstom entreprise Paris, FS-P (N° Lexbase : A9725C8P), Bull. civ. V, n° 210.
(2) V., en ce sens, Cass. soc., 7 février 1996, n° 93-18.756, Société générale et a. c/ Comité d'établissement des agences de Paris et banlieue de la Société générale et a., (N° Lexbase : A2346ABI), Bull. civ. V, n° 47.
(3) Cass. soc., 25 juin 2002, n° 00-20.939, Société Honeywell (N° Lexbase : A0106AZX), Bull. civ. V, n° 217.
(4) Cass. soc., 28 novembre 2000, Union des assurances de Paris (UAP) Collectivités et autres c/ Comité d'établissement de l'Union des assurances de Paris Diderot (UAP) et autres (N° Lexbase : A9364AHB), Dr. soc., 2001, p. 212, obs. Ch. Radé.

Décision

CA Paris, pôle 1, ch. 1, 31 juillet 2009, n° 09/14577, Comité d'entreprise de la Caisse d'épargne d'Ile-de-France et a. c/ Caisse d'épargne d'Ile-de-France et a. (N° Lexbase : A9544EKP)

Textes concernés : C. trav., art. L. 2323-4 (N° Lexbase : L2727H9U), L. 2323-6 (N° Lexbase : L2734H97) et L. 2323-19 (N° Lexbase : L2773H9L)

Mots-clefs : comité d'entreprise ; prérogatives économiques ; information insuffisante ; sanctions

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Procédure pénale

[Questions à...] Rapport "Léger" : questions à Bernard Blais, Avocat général honoraire à la Cour de cassation sur quelques propositions de la Commission

Lecture: 6 min

N9286BLI

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par Anne-Laure Blouet Patin, directrice de la rédaction

Le 07 Octobre 2010

En octobre 2008, le Garde des Sceaux demandait à une commission, présidée par Philippe Léger, magistrat, de "réfléchir sur les mesures propres à redonner aux Codes pénal et de procédure pénale la cohérence qui leur fait aujourd'hui défaut, en veillant à ce que ces codes rénovés répondent à la fois aux exigences d'une lutte plus efficace contre la délinquance et à un respect accru des droits des mis en cause et des victimes". Ayant limité le champ de son mandat à la procédure pénale, la commission a décidé, suivant en ceci la chronologie du procès pénal, d'examiner successivement les règles de procédure qui s'appliquent à l'enquête, celles qui concernent le jugement et, enfin, celles relatives à l'exécution des peines prononcées. Le premier rapport d'étape, qui concerne la seule phase préparatoire du procès pénal, a été remis au Garde des Sceaux le 9 mars 2009. Le rapport définitif a été remis le 1er septembre 2009. Pour faire le point sur certaines des propositions phares du rapport, Lexbase Hebdo - édition privée générale a rencontré Bernard Blais, avocat général honoraire à la Cour de cassation.



Lexbase : Les première et troisième propositions du rapport entendent transformer le juge d'instruction en juge de l'enquête et des libertés. Quel est votre avis sur ce changement de dénomination et de missions ? Et qui se chargerait alors des missions d'enquête actuellement dévolues au juge d'instruction ?

Bernard Blais : Actuellement, un peu plus de 95 % des enquêtes pénales sont menées par les services de police judiciaire -police ou gendarmerie- sous la direction des magistrats du parquet : le procureur de la République assisté d'un ou de plusieurs substituts sur lesquels il exerce une autorité hiérarchique. Un peu moins de 5 % des dossiers sont confiés, au début ou au cours de l'enquête, à un juge d'instruction, saisi par le parquet et désigné par le président du tribunal de grande instance pour instruire, en toute indépendance, à charge et à décharge, tant sur les faits eux-mêmes que sur la personnalité de leurs auteurs présumés. Seules donc, les affaires criminelles, de manière obligatoire, ou les procédures les plus complexes nécessitant de lourdes investigations ou l'emploi de mesures attentatoires aux libertés (perquisitions, saisies, écoutes téléphoniques ou détention provisoire) transitent par le cabinet d'un juge d'instruction.

A première vue, l'idée de confier au seul parquet le soin de diriger l'intégralité des enquêtes pénales peut paraître séduisante : la police judiciaire n'aurait qu'un seul interlocuteur, constitué par une équipe de magistrats placés sous l'autorité du procureur de la République et donc contrôlés dans leur activité, alors que le juge d'instruction est un homme seul, de surcroît souvent jeune et inexpérimenté (cf. affaire dite "d'Outreau").

Pourtant, les propositions du rapport "Léger" recèlent un certain nombre de mesures dangereuses en ce qu'elles ne garantissent pas l'impartialité nécessaire à la recherche de la vérité.

Les magistrats du parquet sont hiérarchisés et placés sous l'autorité du Garde des Sceaux.

La rupture de tout lien entre le pouvoir exécutif et le parquet, un temps envisagée, paraît irréaliste. Il est légitime que le ministre de la Justice, émanation d'un gouvernement démocratiquement arrivé aux responsabilités, définisse les grandes orientations de la politique pénale qu'il souhaite mener tout comme il est indispensable qu'il puisse faire entendre sa voix dans le cours du procès pénal, toute infraction constituant un trouble à l'ordre public, dont l'autorité politique ne saurait se désintéresser. Pour autant, le ministère public, partie à la procédure, soumis à l'autorité du pouvoir exécutif, peut-il devenir seul maître de l'enquête y compris dans les affaires les plus complexes et les plus sensibles susceptibles de porter atteinte à la crédibilité du pouvoir en place, quel qu'il soit ? Est-il sérieusement envisageable de laisser au seul procureur de la République le soin de poursuivre ou de classer sans suite les procédures les plus lourdes sans porter atteinte, de manière grave, à la séparation des pouvoirs ?

Seule une modification du statut actuel des magistrats du parquet serait de nature à lever les soupçons légitimes d'une justice aux ordres qu'entraînerait inévitablement un tel bouleversement.

Lexbase : Justement, parmi les préconisations des membres de la commission "Léger", l'une d'elles concerne la nomination des magistrats et envisagerait que toute nomination soit subordonnée à l'avis conforme du CSM. Pouvez-vous nous éclairer sur la situation actuelle de nomination des magistrats et nous dire quels changements cette proposition pourrait apporter ?

Bernard Blais : Actuellement, les magistrats du siège (ou de manière générique les juges) sont nommés par décret du Président de la République après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) (Const., art. 65 N° Lexbase : L0894AHL). Le pouvoir doit donc se plier aux avis émis par cette instance constitutionnelle même si les propositions de nomination lui sont présentées par la Chancellerie (à l'exception notable des plus hauts placés, les premiers présidents, dont le choix et la nomination dépendent exclusivement du CSM).

Ce mode de nomination constitue, à l'évidence, une garantie sérieuse d'indépendance de la justice, la carrière des juges ne dépendant pas du pouvoir exécutif.

Les magistrats du parquet, pour leur part, sont nommés eux aussi par décret du Président de la République mais après avis simplement consultatif du CSM auquel l'autorité politique n'est pas tenue de se soumettre. Mieux, les plus hauts placés, les procureurs généraux, sont nommés, à l'instar des préfets, en Conseil des ministres ce qui souligne davantage, si besoin était, le caractère éminemment politique de telles nominations. Le pouvoir ne s'est d'ailleurs pas privé, au cours des derniers mois, de procéder, contre l'avis du CSM et des intéressés eux mêmes, à des mutations qui s'apparentent à de vraies sanctions disciplinaires dissimulées. Plusieurs procureurs généraux dont le dernier d'entre eux, M. Marc Robert, procureur général à Riom, unanimement apprécié pour son indépendance d'esprit, en ont fait les frais.

La carrière des magistrats du parquet et l'avancement légitime auquel les meilleurs d'entre eux peuvent prétendre, est donc entièrement soumis au bon vouloir, sinon au caprice, du pouvoir en place. Dans ces conditions la marge de manoeuvre, qui leur est laissée par la loi dans l'exercice des pouvoirs propres qui sont les leurs (liberté de parole à l'audience, obligation pour le ministre de la Justice de donner des instructions écrites versées au dossier de la procédure, interdiction des instructions négatives tendant au classement d'une affaire -cf. article 30 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L0948DYR-), devient parfaitement illusoire, les "recommandations" de la Chancellerie s'exprimant de manière orale, et le plus souvent téléphoniques, sans qu'ils aient réellement la possibilité de s'y opposer.

Certains membres de la commission "Léger", mais pas la commission elle-même, comme nombre de professionnels du droit, estiment donc la réforme envisageable qu'à la condition expresse que le statut des magistrats du ministère public, et notamment leur nomination, soit le même que celui de leurs collègues du siège. Je me rallie bien évidemment à cette proposition qui était d'ailleurs celle de la conférence des procureurs généraux. Seule, cette condition est de nature à garantir au parquet une certaine autonomie dans l'exercice du pouvoir considérable qui lui serait laissé de conduire seul l'ensemble des enquêtes pénales et de décider, sans recours véritable, du classement ou de la poursuite d'une infraction. Les parquetiers ne seront, en effet, à même de refuser d'exécuter un ordre contraire à la loi ou à leur conscience et d'exiger des instructions écrites versées au dossier prévues par l'article 30 du Code de procédure pénale que lorsque leur avancement ne sera pas soumis à la seule volonté du pouvoir politique, même si je me refuse à envisager, pour les raisons exposées plus haut la rupture du "cordon ombilical" entre le ministère public et la Chancellerie.

Enfin, les pouvoirs non négligeables du juge de l'enquête et des libertés n'auraient un réel impact que s'il lui était reconnu, à lui seul, et pas seulement en matière criminelle, le pouvoir, à l'issue de l'enquête, de classer l'affaire ou de la renvoyer devant la juridiction compétente, à la condition, de surcroît, que sa décision puisse faire l'objet d'un recours. Rien de tel n'est prévu par la commission et les propositions faites me paraissent inacceptables en l'état.

Lexbase : Le rapport souhaiterait voir instaurer un "plaider coupable" criminel pour les affaires dans lesquelles les faits sont reconnus. Quel est votre avis sur cette proposition ?

Bernard Blais : La cour d'assises est compétente pour juger les affaires les plus graves, les crimes, lourdement sanctionnés par la loi. Je me refuse à envisager pour ces affaires une procédure simplifiée dans l'hypothèse d'une reconnaissance de culpabilité de la part de l'auteur présumé des faits. De telles affaires doivent être jugées dans la plus grande transparence et les faits examinés minutieusement même si l'accusé ne conteste pas sa culpabilité. Cette exigence est due à la société, au nom de laquelle l'arrêt est rendu, mais également à la victime qui a le droit sacré de connaître les circonstances exactes dans lesquelles le crime a été commis. Il est, d'ailleurs, singulier qu'une telle procédure soit envisagée à une époque où la religion de l'aveu, source de nombreuses erreurs judiciaires, est combattue à juste titre par nombre de juristes.


(1) R. Ollard, Comité de réflexion sur la justice pénale : présentation du rapport d'étape sur la phase préparatoire du procès pénal, Lexbase Hebdo n° 372 du 28 mai 2009 - édition privée générale ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 3185610, "corpus": "reviews"}, "_target": "_blank", "_class": "color-reviews", "_title": "[Textes] Comit\u00e9 de r\u00e9flexion sur la justice p\u00e9nale : pr\u00e9sentation du rapport d'\u00e9tape sur la phase pr\u00e9paratoire du proc\u00e8s p\u00e9nal", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: N4437BKK"}}).

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Affaires

[Manifestations à venir] Crise financière, un an après : le droit peut-il rétablir la confiance ?

Lecture: 1 min

N9257BLG

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Le 07 Octobre 2010

L'Association française des juristes d'entreprise (AFJE), Gide Loyrette Nouel, en partenariat avec l'ESSEC, ont le plaisir de vous convier au Collège des Bernardins, le 30 septembre 2009, pour une journée d'étude sur le thème : "Crise financière, un an après : le droit peut-il rétablir la confiance ?"
  • Thèmes abordés

Impacts et opportunités de la crise pour les acteurs de l'économie :

- Impacts et opportunités de la crise sur les opérations de fusion/acquisition et de restructuration
- Impacts et opportunités de la crise pour les entreprises
- Impacts et opportunités de la crise pour les actionnaires

Vers une nouvelle régulation du système bancaire et financier :

- Architecture et niveau de supervision des marchés
- Banque et assurance : diversité des métiers et risques de conflits d'intérêts
- Quelle réglementation pour restaurer la confiance ?

  • Intervenants

- Alain-Marc Irissou, président de l'AFJE
- Viviane de Beaufort, codirecteur du Centre européen de droit et d'économie, ESSEC
- Jean-François Copé, avocat à la Cour, député-maire de Meaux
- Matthieu Pigasse, associé gérant, Banque Lazard
- Antoine Bonnasse, avocat associé, Gide Loyrette Nouel
- Olivier Puech, avocat associé, Gide Loyrette Nouel
- Hubert de Vauplane, directeur juridique et compliance, Crédit Agricole SA
- Frédéric Jenny, conseiller à la Cour de cassation, professeur à l'ESSEC
- Philippe Legrez, directeur juridique, Michelin
- Jean-Yves Trochon, directeur juridique adjoint, Groupe Lafarge
- Colette Neuville, présidente de l'Association de défense des actionnaires minoritaires (ADAM)
- Patrick Suet, secrétaire général adjoint, Société Générale
- Emil Paulis, DG Marché intérieur et Services, Commission européenne
- Thierry Francq, secrétaire général, AMF
- Arnaud Richard, directeur juridique, Boursorama
- Jean-Guillaume de Tocqueville d'Hérouville, avocat associé, Gide Loyrette Nouel
- Xavier de Kergommeaux, avocat associé, Gide Loyrette Nouel
- Guillaume Chabert, chef de bureau Multifin 4, en charge du système financier international et de la préparation des sommets internationaux
- Edouard Fernandez-Bollo, secrétaire général adjoint, Commission bancaire
- Jean-Paul Gauzès, député européen

  • Date et lieu

Mercredi 30 septembre 2009
8h45 - 16h30

Collège des Bernardins
20 rue de Poissy
75005 Paris

  • Tarifs

250 euros

  • Renseignements et inscription

Jill Jacq
14 rue de Rome
27870 Vesly-en-Vexin
Tél : 02 32 55 66 85
Fax. 02 32 55 45 55

e-mail : admin@afje.org

http://www.afje.org/agenda/236

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Fiscalité des entreprises

[Chronique] Chronique de droit fiscal des entreprises - septembre 2009

Lecture: 12 min

N9280BLB

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par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste et Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

Le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en droit fiscal des entreprises réalisée par Frédéric Dal Vecchio, Juriste-Fiscaliste, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines. Cette chronique débute par une décision relative à l'abus de droit lorsqu'un contribuable recourt à une société en participation dans le cadre d'un montage contractuel et financier imposé par un établissement bancaire (CE 9° et 10° s-s-r., 31 juillet 2009, n° 290971, M. Bouthillon). Puis, s'agissant du régime des abandons de créances à caractère financier d'une société mère à sa filiale, le Conseil d'Etat dit pour droit qu'il faut se placer à la date de clôture de l'exercice de la société mère afin de prendre position quant à la déductibilité de l'aide en question (CE 3° et 8° s-s-r., 31 juillet 2009, n° 297274, SA Haussmann Promo Ile-de-France). Enfin, en matière de droit fiscal international, la Haute juridiction administrative offre deux illustrations de la notion d'établissement stable au regard de la convention visant à éliminer les situations de double imposition modèle OCDE (CE 3° et 8° s-s-r., 31 juillet 2009, n° 296471, Société Overseas Thoroughbred Racing Stud Farms Limited et n° 297933, Société Swiss International Air Lines AG).
  • Justification du recours à une société en participation au regard de l'abus de droit (CE 9° et 10° s-s-r., 31 juillet 2009, n° 290971, M. Bouthillon N° Lexbase : A1228EKP)

Fin mars 1987, une personne physique et une société anonyme créent ensemble une société en participation (SEP) pour une durée de neuf mois "en vue d'exercer tous les droits détenus par la SA [...] pour l'exploitation en location-gérance de deux fonds de commerce". Dans un second temps, ces deux associés vont constituer une seconde société en participation, ayant la même dénomination et le même objet, pour une durée de douze mois à compter du 1er janvier 1988. Aux termes de ces deux contrats, d'une part, la gérance des deux sociétés en participation était confiée à l'un des associés : la société anonyme -dont le président était le second associé des deux SEP- ; d'autre part, la dissolution de plein droit des deux SEP était prévue, respectivement, à la fin du mois de décembre 1987, et au début du mois de janvier 1989.

En 1990, l'administration fiscale diligente une vérification de comptabilité et met en oeuvre une procédure de répression des abus de droit (LPF, art. L. 64 N° Lexbase : L3908ALC) qui débouchera -après avis favorable du Comité consultatif de répression des abus de droit- sur la réintégration des déficits que l'associé personne physique avait déduit de son impôt sur le revenu pour les années 1987 et 1988. Sur le plan fiscal, la SEP étant semi-transparente (CGI, art. 8 N° Lexbase : L2311IB9) pour ses associés indéfiniment responsables, les associés personnes physiques peuvent imputer sur leur revenu les déficits issus de son exploitation pour autant qu'ils aient eu la précaution de fournir à l'administration fiscale leur nom et leur adresse "au plus tard avant l'expiration du délai dans lequel la déclaration relative au premier exercice en cause doit être déposée" (CE 9° et 10° s-s-r., 21 avril 2000, n° 179092, SA Danone N° Lexbase : A9248AGM). Pour l'avoir ignoré, une célèbre actrice française l'a appris à ses dépends puisque le non-respect de la loi fiscale rend la SEP opaque -c'est-à-dire soumise à l'IS- et interdit alors toute imputation des déficits sur l'IR des associés (CAA Paris, 2ème ch., 17 avril 2001, n° 97PA01515, Mme Annie Girardot N° Lexbase : A6093A7S). Le contribuable, qui contestait tant la régularité de la procédure au moyen de nombreux griefs que le bien-fondé de l'imposition, sera débouté en appel (CAA Paris, 5ème ch., 30 décembre 2005, n° 01PA03603, M. Xavier Bouthillon N° Lexbase : A6944DM7), les juges du fond considérant comme non probante l'attestation fournie par le professionnel du chiffre relatif aux pertes supportées directement par le contribuable, dès lors qu'elle n'était pas assez précise quant aux sommes apportées à la SEP. Frappé d'un pourvoi en cassation, l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Paris est censuré par le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 31 juillet 2009, qui règle l'affaire au fond (CJA, art. L. 821-2 N° Lexbase : L3298ALQ). Quant à la régularité de la vérification de comptabilité au regard des faits de l'espèce ci-dessus rapportés -c'est-à-dire à l'encontre d'une société en participation dissoute-, le Conseil d'Etat dit pour droit que l'administration fiscale devait, alors, adresser l'avis de vérification à l'ensemble des associés à la clôture des exercices vérifiés ou bien à leur mandataire "dans le cas où les associés en ont désigné un pour les représenter lors d'opérations intéressant la société après sa dissolution". L'administration peut même demander en justice la désignation d'un mandataire ad hoc. Or, la vérification de comptabilité n'a été menée qu'avec l'un des associés. Partant, la procédure était nécessairement irrégulière car l'autre associé n'a pu bénéficier des garanties légales accordées au contribuable en matière de vérification (LPF, art. L. 47 N° Lexbase : L2448DAW).

Sur le fond, la qualification d'abus de droit retenue par l'administration fiscale -et qui a fait l'objet d'une récente réforme par la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, de finances rectificative pour 2008 (N° Lexbase : L3784IC7 ; lire N° Lexbase : N2200BIC)- sera rejetée par le Conseil d'Etat : pour le service, le recours à une société en participation était un moyen d'imputer des déficits sur l'impôt sur le revenu du contribuable, alors que la SEP ne disposait d'aucun moyen d'exploitation et qu'elle avait le même objet social que la société anonyme associée de la SEP qui détenait les droits d'exploiter en location-gérance les deux fonds de commerce. L'administration fiscale a également souligné que, par voie d'avenants, le contribuable avait fait modifier les clefs de répartition des bénéfices et des pertes de la SEP de sorte qu'il s'attribuait, ainsi, 95 % des résultats qui se sont avérés être des déficits.

Le raisonnement de l'administration, commandé par l'émoi suscité par l'imputation de déficits importants sur les revenus du contribuable, a fait l'impasse sur deux points essentiels : d'une part, à aucun moment, il n'est fait référence à des actes fictifs ; les contrats de société ne pouvant être remis en cause per se. D'autre part, le contexte dans lequel s'inscrivait la reprise des entreprises en difficulté par le contribuable commandait la solution juridique finalement retenue, ou plus justement, qui lui a été imposée par la banque : c'est, en effet, pour satisfaire les impératifs imposés par l'établissement de crédit -partie prenante quant au financement des projets de reprise- que le contribuable a dû recourir à cette forme de société dont on sait que les associés engagent leur responsabilité propre. En d'autres termes, l'administration fiscale n'avait pas à confondre le but et les moyens : le recours à ce montage résultait d'une exigence imposée par les bailleurs de fonds corroborée par les faits de l'espèce -et attestée par d'anciens cadres de la banque et par le commissaire aux comptes de la société anonyme associée de la SEP- puisque le contribuable "a effectivement supporté les pertes lui revenant au titre des années 1987 et 1988 par des versements en trésorerie". Il n'y avait, par conséquent, aucune recherche d'un but exclusivement fiscal.

  • Abandon de créance : à quelle date apprécier la situation réelle de la filiale bénéficiaire de l'aide accordée par la société mère ? (CE 3° et 8° s-s-r., 31 juillet 2009, n° 297274, SA Haussmann Promo Ile-de-France N° Lexbase : A1250EKI)

La décision "SA Haussmann Promo Ile-de-France" a trait à la détermination de la date à laquelle une société mère, qui consent une aide financière à sa filiale, peut la déduire de ses résultats si elle n'est pas qualifiée d'acte anormal de gestion, transposition du "concept commercial d'acte non conforme à l'intérêt social" (concl. P.-F. Racine sous CE Contentieux, 27 juillet 1984, n° 34588, SA Renfort ServiceN° Lexbase : A7122ALD).

S'agissant des relations entre une société mère et sa filiale, l'aide ne constitue pas un acte anormal de gestion pour la société mère si elle répond à son intérêt commercial -pour maintenir des débouchés, par exemple- ou à son intérêt financier -afin de "prévenir les conséquences de graves difficultés financières d'une filiale" (1). Cette aide, qui peut notamment prendre la forme d'un abandon de créances (2), sera "sauf preuve contraire [...] réputée augmenter la valeur de la participation détenue dans le capital de la filiale". En effet, dans l'hypothèse d'un abandon de créance à titre financier, l'aide obéit à un régime particulier interdisant sa déductibilité pour la fraction excédant la situation nette négative (CE Contentieux, 1er juillet 1991, n° 61065, SA La Bellignite N° Lexbase : A0760AIY).

La question qui se pose, alors, a trait à la détermination de la date à laquelle il faut apprécier la situation de la société qui bénéficie de l'abandon de créance et celle relative à l'évaluation de la participation de la société mère au capital de sa filiale.

S'agissant de la date d'appréciation de la situation de la filiale, selon la doctrine administrative (3) : "il convient de se placer, en principe, à la date à laquelle l'abandon a été consenti" ; des exceptions étant prévues selon la situation des parties prenantes (4). Cette solution émise par l'administration fiscale a fait l'objet d'une jurisprudence rare, mais contradictoire, des juges du fond : pour les juges lorrains, il fallait se placer à la date d'octroi de l'aide ou, à défaut, à la date d'ouverture du bilan de l'exercice au cours duquel l'aide était accordée (CAA Nancy, 1ère ch., 2 avril 1991, SEB, RJF, novembre 1991, n° 1356). En revanche, pour la cour administrative d'appel de Nantes (CAA Nantes, 1ère ch., 15 octobre 1996, n° 94NT00623, SA DPC Strittmatter N° Lexbase : A2941BHE), il fallait retenir la date à laquelle la société mère clôturait l'exercice au cours duquel un abandon de créance avait été effectué. Le Conseil d'Etat offre une solution permettant de mettre fin à ces divergences de vue : si "le caractère d'acte anormal de gestion de l'aide consentie à une filiale s'apprécie à la date à laquelle cet acte est intervenu", la Haute juridiction administrative censure l'arrêt rendu par les juges du fond (CAA Paris, 5ème ch., 29 juin 2006, n° 03PA04346, Société Haussmann Promo Ile-de-France N° Lexbase : A8244DQE) et, réglant l'affaire au fond, dit pour droit que c'est "à la clôture de l'exercice au cours duquel l'aide a été consentie" que sera déterminée la situation nette réelle de la société filiale bénéficiaire de l'aide "afin de déterminer si la société mère est en droit de déduire de ses bénéfices imposables la somme correspondant à l'aide qu'elle a apportée à sa filiale". Une telle décision, qui condamne la doctrine administrative précitée et unifie une jurisprudence incertaine et discutable, est commandée par les dispositions de l'article 38-2 du CGI, selon lesquelles "le bénéfice net imposable est égal à la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice" (v. également : J. Turot, Fiscalité des groupes non intégrés : du rififi dans la jurisprudence sur les abandons de créance, RJF, janvier 1992, p. 3).

  • Retour sur la notion d'établissement stable (CE 3° et 8° s-s-r., 31 juillet 2009, 2 arrêts, n° 296471, Société Overseas Thoroughbred Racing Stud Farms Limited N° Lexbase : A1243EKA, et n° 297933, Société Swiss International Air Lines AG N° Lexbase : A1254EKN)

A défaut d'une uniformisation des juridictions fiscales, les Etats ont conclu des conventions fiscales visant à éviter les doubles impositions notamment : l'actualité récente démontre que la signature d'avenants vise, également, à faciliter l'échange d'informations entre les administrations fiscales afin d'améliorer la lutte contre l'évasion ou la fraude fiscale (5). Dans la recherche d'une répartition de la base imposable entre les Etats, l'article 5 du modèle de Convention OCDE fait référence à la notion d'établissement stable qui s'analyse comme "une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité" et s'entend principalement d'une mise à disposition d'un local comportant un certain degré de permanence, l'entreprise y exerçant tout ou partie de son activité en propre (Doc. adm. 4 H 1422, 1er mars 1995). La jurisprudence la plus récente témoigne de la persistance du contentieux sur ce point, compte tenu des enjeux pour les finances publiques françaises (CAA Bordeaux, 5ème ch., 10 mars 2008, n° 05BX01906, Société Madrigal Servicos Limitada N° Lexbase : A1601D98 ; CAA Paris, 2ème ch., 2 février 2007, n° 05PA02361, Société Zimmer Limited N° Lexbase : A4648DUP).

Les deux décisions rendues par le Conseil d'Etat offrent une illustration de ce qu'il faut entendre par établissement stable.

1. CE 3° et 8° s-s-r., 31 juillet 2009, n° 296471, Société Overseas Thoroughbred Racing Stud Farms Limited

Une société de capitaux de droit anglais est propriétaire d'un ensemble immobilier en France utilisé pour l'entraînement de chevaux. Au titre des années 1992 et 1993, l'administration fiscale française a estimé que le centre d'entraînement, utilisé par des professionnels de courses hippiques, afin de préparer des chevaux qui appartiennent à des propriétaires étrangers, devait être considéré comme un établissement stable selon les stipulations de l'article 4 de la Convention franco-britannique en vigueur (Convention France - Royaume Uni, Londres, 22 mai 1968 N° Lexbase : L6745BHB). La cour administrative d'appel de Douai (CAA Douai, 3ème ch., 11 avril 2006, n° 02DA00111, Société Overseas Thoroughbred Racing Stud Farms Limited N° Lexbase : A9165DQI) s'appuiera sur l'existence d'équipements opérationnels tels que "des chambres de lads, une sellerie, des pièces à avoine, des forges, une salle de mâche, une grange à fourrage, un emplacement pour le fumier, 92 boxes, ainsi que des paddocks" pour en conclure qu'il s'agissait d'une installation fixe d'affaires. Cet arrêt sera censuré par le Conseil d'Etat, dès lors qu'aucun personnel n'était présent sur le site (6) et -selon l'analyse de la Haute juridiction- les locaux en question étaient "dépourvus des équipements nécessaires à l'entraînement des chevaux". Jugeant l'affaire au fond, le Conseil d'Etat, constatant que la société n'exploitait aucune entreprise en France (7), prononcera la décharge des cotisations d'IS et d'IFA. L'administration fiscale, tentée de recourir à "l'ardoise magique" (E. Meier et B. Boutemy, Substitution de base légale : nouvelle ardoise magique de l'administration ?, Dr. fisc., 2002, p. 1695) que constitue la demande de substitution légale -pourvu que le contribuable ne soit pas privé des garanties procédurales légales (CE 9° et 10° s-s-r., 14 janvier 2002, n° 204573, M. Marc Tronel Ronel-Peyroz N° Lexbase : A0993AYG ; CE 3° et 8° s-s-r., 1er décembre 2004, n° 259104, Minefi c/ Société Vecteur N° Lexbase : A1088DEZ ; pour l'absence de saisine de la commission départementale des impôts : CAA Paris, 2ème ch., 26 novembre 2003, n° 00PA03133, Mlle Claire Ghighi N° Lexbase : A1664DBA)-, essaiera de "sauver" son dossier en s'appuyant sur les stipulations de l'article 5 (8) de la convention relatif aux revenus issus de biens immobiliers. Mais, si la mise à disposition d'un bien immobilier pouvait être caractérisée en l'espèce, encore fallait-il qu'il ait été productif de revenus pour les taxer ! Or, les variations des comptes de capitaux pour les années considérées n'ayant pas entraîné de conséquences sur le résultat d'exploitation de l'immeuble, les revenus nets immobiliers directement rattachables à l'exploitation du centre sont restés négatifs.

2. CE 3° et 8° s-s-r., 31 juillet 2009, n° 297933, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Société Swiss International Air Lines AG

Une société de droit suisse exerce, outre une activité de transport aérien international, des activités de maintenance d'avions et de formation de pilotes dans le secteur suisse de l'aéroport Bâle-Mulhouse situé en France. A la suite d'une vérification de comptabilité, cette entreprise s'est vue notifier un rappel de cotisation d'IS "pour les seuls bénéfices tirés d'activités de prestations de formation de pilotes et de maintenance d'appareils proposées à d'autres compagnies". S'appuyant, notamment, sur la Convention franco-suisse du 4 juillet 1949 concernant l'exploitation de l'aéroport de Bâle-Mulhouse pour en déduire que la loi fiscale française était susceptible d'y être appliquée, et sur les stipulations de la Convention fiscale du 9 septembre 1966 conclue entre la France et la Suisse (Convention France - Suisse, Paris, 9 septembre 1966 N° Lexbase : L6752BHK), la cour administrative d'appel de Nancy (CAA Nancy, 2ème ch., 4 août 2006, n° 02NC01354, Société Crossair, devenue Société Swiss International Air Lines AG N° Lexbase : A9029DQH) déboutera l'administration fiscale française de ses prétentions, dès lors que, le siège social de la société requérante étant en Suisse, les stipulations de l'article 8 (9) de la convention précitée s'opposaient à son imposition en France et que les éléments du dossier ne permettaient pas de considérer que les prestations d'entretien d'appareils et de formation de pilotes à l'intention d'autres compagnies étaient exercées à partir d'un établissement stable en France (10). En effet, l'administration fiscale n'avait pu démontrer que ces prestations étaient assurées par une structure juridique présentant une autonomie de gestion et disposant du pouvoir d'engager la société requérante. Frappé d'un pourvoi en cassation introduit par le ministre, la Haute juridiction administrative va annuler pour erreur de droit l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel qui n'a pas recherché "si les installations, les matériels et les personnels affectés aux activités en cause sur le site constituaient une installation fixe d'affaires" au sens de la Convention franco-suisse précitée. Réglant l'affaire au fond, le Conseil d'Etat considère qu'il y avait bien une exploitation d'une entreprise en France (CGI, art. 209 I N° Lexbase : L3755IAC) dès lors que les activités de maintenance d'avions et de formation des pilotes étaient effectuées à partir d'installations permanentes dotées d'un personnel propre sur le territoire français. On peut mettre cette décision en parallèle avec la doctrine administrative qui avait pris position en matière de commerce électronique : le ministre avait, alors, répondu que le critère de la présence humaine permettait -sauf exception- de faire le départ entre l'existence d'un établissement stable ou non (QE n° 56961 de M. de Chazeaux, réponse publiée au JOAN du 30 juillet 2001 p. 4395 N° Lexbase : L3111BDL). Enfin, pour la Haute juridiction administrative, de telles prestations ne pouvaient être considérées comme un simple prolongement de l'activité de transporteur aérien de sorte que la requérante n'a pu se prévaloir des stipulations de l'article 5 de la Convention franco-suisse excluant les activités secondaires et accessoires "aux seules fins de publicité, de fourniture d'informations, de recherches scientifiques ou d'activités analogues".


(1) Décision "SA Haussmann Promo Ile-de-France".
(2) Ou encore d'une subvention, d'une renonciation à recettes, d'avances sans intérêts...
(3) Doc. adm. 4 A 2163, § 19 et 20.
(4) "Cependant, lorsque l'entreprise n'est pas en mesure d'établir une telle situation à la date à laquelle l'abandon a été consenti, il est admis qu'il puisse être fait référence : - soit à la plus proche situation provisoire établie antérieurement ou postérieurement à cette même date à des fins de publication au Bulletin des annonces légales obligatoires, de gestion interne ou pour toute autre raison. [...] - soit, à défaut de situation provisoire, au plus proche bilan, que celui-ci soit établi antérieurement ou postérieurement à la date de l'abandon de créance", Doc. adm. précitée.
(5) Notamment : avenant à la Convention franco-luxembourgeoise, Dr. fisc., 2009, act. 197 ; avenant à la Convention fiscale franco-suisse, Dr. fisc., 2009, act. 206 et act. 274 ; B. Gouthière, Portée des clauses d'échanges de renseignements, Feuillet rapide Francis Lefebvre 35/09, 11 septembre 2009.
(6) Hormis un gardien.
(7) Au sens de l'article 209 I du CGI.
(8) "1. Les revenus qu'un résident d'un Etat contractant tire de biens immobiliers (y compris les revenus des exploitations agricoles ou forestières) situés dans l'autre Etat contractant, ainsi que les revenus tirés des droits attachés à ces biens sont imposables dans cet autre Etat [...] / 4. Les dispositions des paragraphes précédents s'appliquent également aux revenus provenant des biens immobiliers d'une entreprise ainsi qu'aux revenus des biens immobiliers servant à l'exercice d'une profession indépendante".
(9) "Les bénéfices provenant de l'exploitation, en trafic international, de navires ou d'aéronefs ne sont imposables que dans l'Etat contractant où le siège de direction effective de l'entreprise est situé".
(10) C'est-à-dire "dans le cadre d'une structure juridique disposant habituellement, en droit ou en fait, de pouvoirs lui permettant d'engager la société et présentant d'une manière générale une autonomie de gestion de nature à lui conférer le caractère d'un 'établissement stable' au sens des stipulations sus-rappelées de l'article 7 de ladite convention".

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Marchés publics

[Jurisprudence] La candidature des personnes publiques aux contrats de la commande publique, la liberté du commerce et de l'industrie et le principe d'égale concurrence

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 10 juillet 2009, n° 324156, Département de l'Aisne (N° Lexbase : A7176EIM)

Lecture: 9 min

N9267BLS

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par François Brenet, Professeur de droit public à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis et directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 07 Octobre 2010

La liberté du commerce et de l'industrie ne saurait faire obstacle, à elle seule, à la candidature d'une personne publique à l'obtention d'un contrat public. Posée par l'arrêt du Conseil d'Etat du 10 juillet 2009, dans l'affaire opposant le département de l'Aisne et le ministère de la Santé et des Sports à l'Institut Pasteur de Lille, cette solution sonne comme une mise au point, alors que les juges du fond avaient pu retenir des solutions divergentes au cours des derniers mois. Les faits en cause dans la présente affaire étaient tout à fait classiques. A la suite du lancement par l'Etat d'une procédure d'appel d'offres ouvert pour l'attribution d'un marché, divisé en sept lots, ayant pour objet les prélèvements et analyses du contrôle sanitaire des eaux pour les directions départementales des affaires sanitaires et sociales du Nord-Pas-de-Calais, l'Institut Pasteur de Lille s'est vu attribuer les lots n° 1, 2, 5 et 7, tandis que son offre a été rejetée pour les lots restants. Saisi par ce dernier, le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Lille a annulé la procédure de passation des lots n° 3, 4 et 6 du marché, au motif qu'ils avaient été attribués au laboratoire départemental d'analyse et de recherche, c'est-à-dire à un service du département de l'Aisne, alors qu'il ne pouvait pas justifier "d'un intérêt public local à réaliser des prestations d'analyse des eaux sur le territoire des départements du Nord et du Pas-de-Calais". Pour le juge lillois, l'illégalité de cette candidature trouvait sa source dans le non-respect des conditions fixées par la jurisprudence "Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers" (1), telle que précisée par l'arrêt "Ordre des avocats au barreau de Paris" (2) du 31 mai 2006. C'est une toute autre position que le Conseil d'Etat retient. Contrairement au juge lillois, il considère, en effet, (3) et conformément aux conclusions de son Rapporteur public, M. Frédéric Lénica, (4) que, "dès lors qu'il ne s'agit pas de la prise en charge, par le département de l'Aisne, d'une activité économique, mais uniquement de la candidature d'un de ses services, dans le respect des règles de la concurrence, à un marché public passé par des services de l'Etat, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a commis une erreur de droit en subordonnant la légalité de cette candidature à l'existence d'un intérêt public". Et de poursuivre de façon insistante, en relevant que "la simple candidature d'une personne publique, dans le respect des règles de la concurrence, à l'attribution d'un marché public, n'est pas subordonnée à une carence de l'initiative privée, ni, ainsi qu'il a été dit, à l'existence d'un intérêt public".

Nul doute que la présente décision est d'une portée pratique considérable. Elle pose en principe que toutes les personnes publiques peuvent se porter candidates à l'attribution d'un contrat public (marché public, délégation de service public, contrat de partenariat, etc.), sans qu'il leur soit nécessaire de s'assurer (et de prouver, en cas de litige) que leur candidature est justifiée par un intérêt public ou par une insuffisance, voire une carence de l'initiative privée. La portée de cette décision est, également, considérable d'un point de vue théorique. Elle consacre, en effet, une solution précieuse en posant les règles présidant à l'articulation entre trois jurisprudences ou, plus précisément, entre une jurisprudence ancienne récemment précisée et une jurisprudence récente. La jurisprudence ancienne est évidemment celle découlant des arrêts "Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers" et "Ordre des avocats au barreau de Paris" qui ont rappelé que si les personnes pouvaient légalement intervenir sur le marché, c'est sous réserve de respecter de strictes conditions visant à préserver la liberté du commerce et de l'industrie. En effet, une personne publique n'est autorisée à intervenir sur le marché, selon ces deux arrêts, que dans les limites de ses compétences et à condition de "justifier d'un intérêt public, lequel peut résulter, notamment, de la carence de l'initiative privée".

La seconde jurisprudence est celle découlant de l'avis contentieux "Société Jean-Louis Bernard Consultant" du 8 novembre 2000 (5). Consacrant un principe de liberté de candidature des personnes publiques à l'attribution d'un contrat public, le Conseil d'Etat n'a pas manqué d'exiger que cette candidature se fasse dans le respect des règles de concurrence. Obligation est, ainsi, faite aux personnes publiques de respecter un principe d'égale concurrence, ce qui signifie qu'elles ne doivent pas employer les avantages liés à leur statut de personne publique pour fausser la concurrence.

Jusqu'à l'intervention de l'arrêt commenté, le Conseil d'Etat n'avait jamais pris parti, à notre connaissance tout au moins, sur la conciliation entre ces deux solutions et l'on pouvait légitimement se poser la question suivante : le principe de liberté d'accès des personnes publiques à la commande publique était-il encore d'actualité, après la réaffirmation, par l'arrêt "Ordre des avocats au barreau de Paris", de la nécessité pour toute personne publique de respecter le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ? Le Conseil d'Etat tranche ce débat en disposant que la candidature d'une personne publique à un contrat de la commande publique n'est pas soumise au respect de la liberté du commerce et de l'industrie (I), mais que sa validité demeure conditionnée par le respect du principe d'égale concurrence (II).

I - Une candidature non soumise aux exigences du principe de la liberté du commerce et de l'industrie

Il est, désormais, acquis que la licéité de la candidature d'une personne publique à un contrat de la commande publique n'est pas liée à la démonstration de l'existence d'un intérêt public local. Cette solution, dont il faut saluer les mérites, met fin à une jurisprudence antérieure hésitante.

Au cours des dernières années, les juges du fond avaient été confrontés à la question de la validité de la candidature des personnes publiques aux contrats de la commande publique, et avaient retenu des solutions divergentes. Dans un arrêt du 16 novembre 2006 (6), la cour administrative d'appel de Douai n'avait pas vu d'obstacle à la candidature du syndicat intercommunal de distribution d'eau du Nord à la procédure de délégation de service public de distribution d'eau lancé par la commune de Quiévrechain. Pour les juges du fond, une telle candidature était légalement possible, dès lors qu'elle entrait dans le champ de compétences de l'établissement public, et il ne leur était pas apparu nécessaire de s'interroger sur l'existence d'un intérêt public la légitimant. A l'inverse, dans un arrêt du 15 juillet 2008 (7), la cour administrative d'appel de Bordeaux avait considéré que, "pour intervenir sur un marché, les personnes publiques doivent non seulement agir dans la limite de leurs compétences, mais, également, justifier d'un intérêt public, lequel peut résulter, notamment, de la carence de l'initiative privée".

Après avoir reproduit le considérant de principe l'arrêt "Ordre des avocats au barreau de Paris" de 2006, lequel rappelait clairement qu'il fallait bien distinguer les deux principes de la liberté du commerce et de l'industrie (l'intervention de la personne publique sur le marché est-elle possible par principe ?) et de l'égale concurrence (l'intervention de la personne publique sur le marché est-elle légale dans les conditions précises où elle s'opère ?), les juges bordelais avaient poursuivi en affirmant que la société requérante n'était pas fondée "à soutenir que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ou de libre concurrence aurait fait obstacle, en lui-même, à l'attribution du marché public litigieux au département de la Charente-Maritime en raison de sa qualité de collectivité territoriale". De cet arrêt, l'on pouvait donc déduire que si rien ne s'opposait, par principe, à ce qu'une personne publique se porte candidate à l'attribution d'un contrat public, encore fallait-il que cette candidature soit justifiée par l'existence d'un intérêt public, et qu'elle soit formulée dans des conditions respectueuses de la libre concurrence. Par l'arrêt du 10 juillet 2009 ici commenté, le Conseil d'Etat écarte la solution bordelaise et retient celle proposée par les juges douaisiens.

En consacrant le principe selon lequel les personnes publiques peuvent se porter candidates à l'attribution d'un contrat public sans avoir à démontrer l'existence d'un intérêt public justifiant cette intervention, le Conseil d'Etat retient une solution pragmatique. Une solution inverse aurait pu, en effet, avoir des conséquences pratiques difficilement admissibles. Obligation aurait été faite aux personnes publiques concernées d'apporter systématiquement la preuve du bien-fondé de leur candidature. Nul doute qu'une telle obligation aurait été à la source d'une perte de temps et d'énergie non négligeable, comme le relevait le Rapporteur public dans ses conclusions.

Un autre argument, lui aussi évoqué par M. Frédéric Lénica, a pu peser dans la balance. S'il avait imposé que les personnes publiques apportent la démonstration de l'existence d'un intérêt public justifiant leur candidature, le Conseil d'Etat aurait peut-être obtenu le résultat inverse de celui attendu. Le critère de l'intérêt public aurait donc pu être la source d'une double discrimination. D'une discrimination entre opérateurs publics, tout d'abord, car l'application du critère de l'intérêt public local aurait pu favoriser le localisme. Dans la présente affaire par exemple, "à démonstration identique d'un intérêt public dans son principe, un laboratoire public d'analyse et de recherche rattaché au département du Nord-Pas-de-Calais aurait davantage de facilités à démontrer un intérêt local par rapport au laboratoire rattaché au département de l'Aisne". L'application dudit critère aurait pu être, ensuite, à la source d'une discrimination plus large, prohibée par le droit communautaire. De toute évidence, il n'aurait pas été possible d'imposer le respect du critère de l'intérêt public local à une personne publique étrangère (ce qui est envisageable dans le cas de contrats publics présentant un intérêt transfrontalier, mais aussi pour tous les autres contrats), sans méconnaître le principe de non-discrimination en raison de la nationalité.

La solution retenue par le Conseil d'Etat ne signifie en aucun cas que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie connaît un nouveau déclin (8). Elle n'est, d'ailleurs, pas fondamentalement novatrice, car l'arrêt "Compagnie d'exploitation méditerranéenne des services d'eau" du 16 octobre 2000, et l'avis "Société Jean-Louis Bernard Consultants" du 8 novembre 2000, posaient, déjà, le principe de la liberté de candidature des personnes publiques à l'attribution d'un contrat public (9). Elle est, néanmoins, importante car des doutes avaient pu naître à la suite de la décision "Ordre des avocats au barreau de Paris", par laquelle le Conseil d'Etat avait réaffirmé l'actualité du principe de la liberté du commerce et de l'industrie. Il ne fait, désormais, plus aucun doute que la liberté du commerce et de l'industrie ne peut, à elle seule, faire obstacle à l'accès des personnes publiques à la commande publique. Cela ne signifie pas, pour autant, que les personnes publiques peuvent se porter candidates à l'attribution d'un contrat public sans condition. Encore leur faut-il respecter le principe d'égale concurrence.

II - Une candidature soumise aux exigences du principe d'égale concurrence

Le Conseil d'Etat rappelle fort opportunément, dans l'arrêt ici commenté, que la liberté de candidature des personnes publiques implique, en retour, le respect du principe de libre concurrence. Il ne fait, ainsi, qu'appliquer les règles posées par l'avis "Société Jean-Louis Bernard Consultants" : "pour que soient respectés tant les exigences de l'égal accès aux marchés public que le principe de la liberté de la concurrence, qui découle, notamment, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 (N° Lexbase : L8307AGR), l'attribution d'un marché public ou d'une délégation de service public à un établissement public administratif suppose, d'une part, que le prix proposé par cet établissement public administratif soit déterminé en prenant en compte l'ensemble des coûts directs et indirects concourant à la formation du prix de la prestation objet du contrat, et, d'autre part, que cet établissement public n'ait pas bénéficié, pour déterminer le prix qu'il a proposé, d'un avantage découlant des ressources ou des moyens qui lui sont attribués au titre de sa mission de service public, et enfin qu'il puisse, si nécessaire, en justifier par ses documents comptables ou tout autre moyen d'information approprié".

Ces exigences ne sont pas purement formelles. Le juge administratif se livre, en effet, à un examen précis et minutieux des éléments ayant permis à la personne publique de formuler son offre de prix. Ainsi, et à titre d'exemple, la cour administrative d'appel de Douai n'a pas hésité, dans l'arrêt précité, à analyser les composantes de l'offre proposée par le syndicat intercommunal pour la délégation du réseau d'eau potable, et à juger celle-ci illégale au regard du principe de libre concurrence. En effet, elle a relevé que le prix de l'eau au mètre cube proposé était inférieur de près de la moitié à celui pratiqué par le syndicat les années précédentes dans le cadre du précédent contrat d'affermage signé avec la même commune, et inférieur de 37 % par rapport au prix proposé par la société Eau et Force Nord-Ardennes, seule entreprise concurrente. Pour les juges douaisiens, si le prix proposé par le syndicat intercommunal pouvait se justifier par une certaine baisse des charges du syndicat résultant d'une répartition plus fine des travaux mis à la charge de la collectivité délégante et du délégataire que celle fixée par le précédent contrat, il ne pouvait en aucun cas être considéré comme respectueux d'une véritable concurrence. En effet, l'instruction a fait apparaître que, si le syndicat intercommunal avait pu proposer un prix aussi faible, c'est parce qu'il avait procédé à une péréquation générale de ses dépenses. Pour la cour administrative d'appel, le prix proposé ne pouvait, alors, que révéler une violation du principe de libre concurrence, puisqu'il "ne correspondait plus, dès lors, à l'ensemble des coûts directs et indirects concourant à la formation du prix de la prestation objet du contrat".

Dans l'affaire jugée par le Conseil d'Etat, l'Institut Pasteur de Lille soutenait que le principe de libre concurrence avait été violé au motif que le laboratoire départemental avait perçu une subvention d'équilibre de 280 000 euros. Néanmoins, le Conseil a considéré que la concurrence n'avait pas été faussée, dès lors que l'Institut Pasteur avait, lui-même, reçu en 2007 au moins 840 000 euros de subventions au titre de sa participation à des missions d'intérêt général. Au total, le présent arrêt semble témoigner de la volonté d'équilibre qui anime la jurisprudence relative à la candidature des personnes publiques à la commande publique. Sur le plan des principes, le Conseil d'Etat pose un principe de liberté d'accès à la commande publique (sous réserve, toutefois, que l'objet du contrat corresponde au champ de compétences de la personne publique), que l'on ne peut qu'approuver car il favorise l'accès des personnes publiques aux contrats publics et participe, ainsi, d'une forme de promotion de la concurrence en obligeant certains opérateurs privés à quelques efforts. Sur le plan des modalités d'intervention ensuite, il se pose en gardien du principe d'égale concurrence et se garde le droit de sanctionner toute personne publique qui ne le respecterait pas.


(1) CE Contentieux, 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers (N° Lexbase : A0744B9G), Rec. CE, p. 583, RDP, 1930, p. 530, concl. L. Josse, S., 1931, II, p. 73, note R. Alibert.
(2) CE Contentieux, 31 mai 2006, n° 275531, Ordre des avocats au barreau de Paris (N° Lexbase : A7224DPA), Rec. CE, p. 272, AJDA, 2006, p. 1592, chron. C. Landais et F. Lénica, RFDA, 2006, p. 1048, concl. D. Casas.
(3) La décision est suffisamment importante pour être mentionnée aux Tables du recueil Lebon.
(4) Que nous remercions pour l'aimable communication de ses conclusions.
(5) CE, Avis, 8 novembre 2000, n° 222208, Société Jean-Louis Bernard Consultants (N° Lexbase : A5990B7Y), Rec. CE, p. 492, concl. C. Bergeal, AJDA, 2000, p. 987, chron. M. Guyomar et P. Collin, CJEG, 2001, p. 58, note M. Degoffe et J.-D. Dreyfus ; Contrats Marchés publics, 2001, n° 2, p. 4, comm. G. Eckert, Dr. adm., 2001, n° 4, chron. Y. Laidié ; RFDA, 2001, p. 112, concl. C. Bergeal ; solution annoncée au contentieux par CE 7° et 5° s-s-r., 16 octobre 2000, n° 212054, Compagnie méditerranéenne d'exploitation des services d'eau (N° Lexbase : A1396B89), Rec. CE, p. 422, AJDA, 2001, p. 662, note A. Treppoz, BJCP, 2001, p. 105, concl. C. Bergeal.
(6) CAA Douai, 1ère ch., 16 novembre 2006, n° 05DA00341, Commune de Quievrechain (N° Lexbase : A9559DST).
(7) CAA Bordeaux, 2ème ch., 15 juillet 2008, n° 07BX00373, Société Merceron TP (N° Lexbase : A6118EAT).
(8) Pour des études récentes, lire J.-P. Kovar, Où en est la liberté du commerce et de l'industrie ?, Dr. adm., 2007, chron. 18, et A. Monpion, Le contrôle de l'interventionnisme économique public : l'affaiblissement du principe de la liberté du commerce et de l'industrie ?, AJDA, 2008, p. 232.

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Du caractère discriminatoire du licenciement d'un salarié en raison de sa transidentité

Réf. : CA Montpellier, 4ème ch., 3 juin 2009, n° 08/06324 (N° Lexbase : A4908EIM)

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 19 Novembre 2020

Même si les chiffres varient selon les sources (700 personnes opérées, selon l'Hôpital Sainte-Anne, 5 000 ayant obtenu un changement de sexe à l'état civil, selon les pouvoirs publics, et près de 60 000 transidentitaires selon Act'up), la "transidentité", qui désigne la situation dans laquelle une personne souhaite adopter une autre identité sexuelle que celle qui lui a été donnée à la naissance, n'en finit pas de bouleverser les catégories juridiques adoptées en mode binaire et qui veulent classiquement que l'on naisse et demeure d'un sexe. Après le changement de sexe à l'état civil et le droit au mariage, et bientôt le droit de changer de numéro de Sécurité sociale (1), les personnes qui adoptent une nouvelle identité sexuelle obtiennent une nouvelle victoire : le licenciement d'un salarié en raison de son désir annoncé de changer d'identité sexuelle constitue une discrimination fondée sur le sexe qui entraîne l'annulation du licenciement, comme vient de le juger la cour d'appel de Montpellier dans un arrêt en date du 3 juin 2009 (I). Reste à déterminer comment concilier cette décision parfaitement fondée et les dispositions introduites par la loi du 27 mai 2008 en matière de discrimination (2) (II).
 

Résumé

L'employeur ne rapporte pas la preuve, au sens de l'article L. 1134-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6054IAH), que cette sanction et le comportement général qu'il a adopté à l'égard du salarié, desquels il est résulté l'impossibilité pour ce dernier de reprendre normalement son travail, sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, alors qu'il est constant que le salarié avait à la mi-septembre 2006 officiellement annoncé à son employeur sa transidentité et son choix de changer d'apparence physique et de genre.

Il s'ensuit que la prise d'acte de rupture fondée sur de tels actes et comportement discriminatoires de la part de l'employeur, était justifiée. La prise d'acte de rupture était, également, justifiée, dès lors que le salarié a pu, à juste raison, faire le reproche à son employeur d'avoir modifié unilatéralement son coefficient hiérarchique lequel constitue un élément de sa rémunération et de l'avoir rémunéré en dessous des minima conventionnels. Cette prise d'acte de rupture, dès lors qu'elle est motivée au moins en partie, par des agissements discriminatoires de la part de l'employeur, produit les effets d'un licenciement nul, par application des dispositions de l'article L. 1132-4 du Code du travail (N° Lexbase : L0680H93).

Commentaire

I - La nullité de la rupture du contrat de travail pour cause de transidentité

  • Prolégomènes

Le salarié qui s'estime victime d'une discrimination se heurte classiquement à deux types de difficultés, l'une proprement juridique, qui tient aux critères mêmes de la discrimination, l'autre probatoire.

En premier lieu, et quoi que le suggère l'intitulé du paragraphe dans lequel l'article est inscrit, il n'existe pas en droit français de principe général de non-discrimination, le législateur ayant préféré opter pour une démarche énumérative des motifs discriminatoires prohibés. Figurent classiquement, parmi ces motifs visés par l'article L. 1132-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6053IAG), le sexe, les moeurs, l'orientation sexuelle ou, encore, l'apparence physique.

En second lieu, le salarié se heurte à d'évidentes difficultés probatoires. Sauf dans les hypothèses, en pratique assez rares, où l'employeur affiche ouvertement, et imprudemment, son hostilité à l'égard d'un salarié, la discrimination se cache souvent derrière d'apparents motifs plus respectables, qu'il s'agisse d'inscrire l'intéressé dans la liste des salariés dont l'emploi a été supprimé pour un motif économique ou de lui reprocher tel fait ou faute professionnelle. Le Code du travail est favorable au salarié, puisque ce dernier n'aura pas à rapporter la preuve de la discrimination, dans sa triple composante (3), mais seulement de faits qui permettent de la supposer. Au vu de ses éléments, il appartiendra alors à l'employeur de se justifier s'il veut échapper à la condamnation (4).

  • Application au salarié transidentitaire

Le salarié transidentitaire peut se définir comme celui qui s'inscrit dans une démarche de changement d'identité sexuelle, que celle-ci aille, ou non, jusqu'à l'opération chirurgicale ou la modification du sexe porté sur son état civil. C'est au moment où son employeur prend connaissance soit du désir exprimé par le salarié de mettre son apparence physique en adéquation avec son identité psychique, soit de l'ancienne identité du salarié, que des problèmes peuvent surgir.

  • L'espèce

Dans cette affaire, un salarié avait été engagé par une société d'ingénierie informatique spécialiste des architectures Web, en qualité de directeur du développement et de directeur administratif et financier. Alors que le salarié avait annoncé à son employeur sa transidentité et sa décision de changer d'apparence physique et de genre, il avait été convoqué dans la perspective de son licenciement, en raison de prétendues erreurs commises dans la gestion de dossiers et révélées par un audit d'une société d'expertise comptable, avant de prendre acte de la rupture du contrat de travail en raison du comportement discriminatoire de son employeur.

Considérant que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail résultait directement de l'annonce faite à son employeur, le salarié avait bénéficié du secours de la Halde, qui était intervenue à l'audience pour défendre la thèse de la discrimination, et obtenu du conseil de prud'hommes de Montpellier un jugement faisant produire à la rupture les effets d'un licenciement nul (5).

C'est, également, le sens de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier, qui confirme le jugement entrepris. Considérant que la simultanéité de la révélation à l'employeur de sa transidentité et de son licenciement permettait de laisser supposer que le salarié avait été victime d'une discrimination, la cour a considéré comme non convaincantes les justifications avancées par l'employeur et a donc retenu l'existence d'une discrimination.

  • Une première parfaitement justifiée

Cet arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier est, à notre connaissance, une première, à tout le moins en France. Dans des circonstances en tous points comparables, la Cour de justice des Communautés européennes avait, en effet, considéré, en 1996, que le licenciement d'un salarié en raison de sa transidentité constituait une discrimination fondée sur l'appartenance à un sexe et entrait bien dans le champ de la Directive de 1976 (6). Selon les propres termes de la Cour, "compte tenu de l'objectif visé par la Directive 76/207, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (N° Lexbase : L9232AUH), l'article 5, paragraphe 1, de cette Directive s'oppose au licenciement d'un transsexuel pour un motif lié à sa conversion sexuelle. En effet, étant donné que le droit de ne pas être discriminé en raison de son sexe constitue l'un des droits fondamentaux de la personne humaine, le champ d'application de la Directive ne saurait être réduit aux seules discriminations découlant de l'appartenance à l'un ou l'autre sexe. Il a vocation à s'étendre aux discriminations qui trouvent leur origine dans la conversion sexuelle, celles-ci étant fondées essentiellement, sinon exclusivement, sur le sexe de l'intéressé, car licencier une personne au motif qu'elle a l'intention de subir ou qu'elle a subi une conversion sexuelle, c'est lui infliger un traitement défavorable par rapport aux personnes du sexe auquel elle était réputée appartenir avant cette opération".

C'est, d'ailleurs, en se fondant sur un raisonnement comparable que la Cour européenne des droits de l'Homme avait considéré, dans l'arrêt "Goodwin", que les personnes ayant changé de sexe avaient le droit de se marier (7).

II - De la licéité du licenciement d'un salarié transidentitaire

  • Sens de la protection contre les discriminations

La protection contre la discrimination ne confère pas à son titulaire d'impunité, mais lui garantit simplement qu'il ne pourra pas être sanctionné pour le motif considéré par la loi comme illicite. Le licenciement d'une personne éventuellement protégée par la loi n'est donc pas interdit, seul la prise en compte d'un motif illicite étant prohibée. L'employeur aura donc les moyens de se défendre lorsque sa bonne foi sera mise en doute.

Suspecté de comportement discriminatoire, l'employeur dispose, en effet, de trois moyens de défense.

En premier lieu, il peut combattre la pertinence des indices avancés par le salarié et qui laissent supposer l'existence d'une discrimination, et obtenir qu'à ce stade liminaire de la procédure, le demandeur soit débouté de ses prétentions.

En deuxième lieu, l'employeur peut prouver que le véritable motif de la rupture n'est pas discriminatoire, mais tient à des raisons exclusivement professionnelles.

En troisième lieu, l'employeur peut parfaitement admettre avoir licencié un salarié en raison d'un motif qui pourrait sembler illicite, mais qui s'inscrit dans l'exception admise de manière générale depuis la loi du 27 mai 2008 et qui lui permettra d'échapper au grief de discrimination lorsque les "différences de traitement [...] répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif poursuivi soit légitime et l'exigence proportionnée" (8).

  • Les incertitudes portant sur l'interprétation des justifications admises

Comme cela été montré, cette clause dérogatoire laisse la place à de très nombreuses exceptions et ne rassurera pas ceux qui attendent un peu plus de prévisibilité de la norme, surtout sur des questions aussi sensibles (9). La lecture de la Directive 2006/54 (10) n'est, d'ailleurs, pas plus rassurante ; son article 14 dispose, en effet, qu'il faut tenir compte "de la nature des activités professionnelles particulières concernées ou du cadre dans lequel elles se déroulent" pour déterminer les exceptions admises au principe d'égalité de traitement.

En dépit de ces incertitudes, certains motifs peuvent être admis et s'appliquer à la situation du transsexuel.

On songera, tout d'abord, aux métiers où la considération du sexe est déterminante, soit pour des raisons artistiques évidentes, soit même pour des raisons sportives.

Mais certaines situations risquent de faire difficulté, notamment, lorsqu'un ou une salarié(e) qui change d'identité sexuelle occupe un poste dans l'entreprise directement en contact avec la clientèle. Jusqu'à quel point l'employeur pourra-t-il invoquer à son profit la perturbation apportée par cette situation pour justifier un éventuel licenciement (11) ? Compte tenu de l'orientation actuelle de la Cour de cassation, qui se montre très réservée à admettre l'empiètement de la sphère privée sur la sphère professionnelle et de justifier le licenciement d'un salarié dès lors qu'il n'a manqué à aucune obligation professionnelle (12), on peut imaginer qu'un tel licenciement serait nul ; mais qu'en serait-il si l'employeur tentait de s'inscrire dans le cadre défini par la Directive 2006/54 et la prise en compte de la nature particulière de l'activité de son entreprise ? On le voit, il serait certainement souhaitable que la France adopte une liste fermée, à tout le moins semi-ouverte, des dérogations admises et ce, afin de donner aux acteurs professionnels une meilleure lisibilité.


(1) Délibération de la Halde n° 2008-190 du 15 septembre 2008, Sexe / Transsexualisme / Emploi privé / Rappel à la loi / Recommandations (N° Lexbase : X8107AEY).
(2) Loi n° 2008-496 (N° Lexbase : L8986H39) ; lire nos obs., La nouvelle approche des discriminations en droit du travail, Lexbase Hebdo n° 309 du 18 juin 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N3609BGR).
(3) L'identité de situation, l'existence d'un traitement moins favorable et d'un motif illicite.
(4) C. trav., art. L. 1134-1.
(5) Décision d'ailleurs citée au Rapport annuel 2008 de la Halde, p. 75. Sur le fait que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit, le cas échéant, les effets d'un licenciement nul, lorsqu'existe une cause de nullité de la rupture du contrat de travail : Cass. soc., 21 janvier 2003, n° 00-44.502, Société Sogeposte, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7345A4S : salarié protégé) ; Cass. soc., 5 juillet 2006, n° 04-46.009, M. Jean-Louis Barbot, FS-P+B (N° Lexbase : A3701DQ7).
(6) CJCE, 30 avril 1996, aff. C-13/94, P. c/ S. et Cornwall County Council, (N° Lexbase : A7233AHD). Cette décision a, d'ailleurs, par la suite, été appliquée par la Cour du travail (Employment Appeal Tribunal) dans une décision du 27 juin 1997 (Chessington World of Adventures Ltd v. Reed, 1997, Industrial Law Reports, vol. 1). 45. A la suite de cette décision, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord ont adopté les Sex Discrimination (Gender Reassignment) Regulations 1999 (règlement de 1999 sur la discrimination sexuelle en cas de changement de sexe) qui ont modifié la loi de 1975 afin qu'elle régisse les cas de discrimination directe fondée sur le changement de sexe d'un employé.
(7) CEDH, 11 juillet 2002, Req. 28957/95, Christine Goodwin (N° Lexbase : A0682AZB) ; Dr. fam. 2002, comm. 133, obs. A. Gouttenoire. Dans le même sens, s'agissant du droit à la pension de réversion, CJCE, 7 janvier 2004, aff. C-117/01, K. B. c/ National Health Service Pensions Agency (N° Lexbase : A6500DAY).
(8) C. trav., art. L. 1133-1 (N° Lexbase : L0682H97).
(9) K. Bertou, Différences de traitement : esquisses des "exigences professionnelles essentielles" après la loi du 27 mai 2008, Dr. soc., 2009, p. 410.
(10) Directive (CE) du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L4210HK7).
(11) Soit d'ailleurs un licenciement direct, soit un licenciement qui ferait suite au refus opposé par le salarié de changer de fonctions pour tenter de diminuer la gêne.
(12) Cass. soc., 23 juin 2009, n° 07-45.256, Mme Martine Intartaglia, épouse Conia, FS-P+B (N° Lexbase : A4139EI7), v. les obs. de G. Auzero, Un fait de la vie personnelle ne peut constituer une faute disciplinaire !, Lexbase Hebdo n° 358 du 8 juillet 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N9884BKB).

Décision

CA Montpellier, 4ème ch., 3 juin 2009, n° 08/06324 (N° Lexbase : A4908EIM)

Confirmation, CPH Montpellier, n° 06/01812, 9 juin 2008 (N° Lexbase : A3055D9Z)

Texte concerné : C. trav., art. L. 1132-1 (N° Lexbase : L6053IAG)

Mots clef : contrat de travail ; prise d'acte ; transidentité ; nullité

Lien base :

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