Jurisprudence : Ass. plén., 13-07-2001, n° 98-19.190, Rejet

Ass. plén., 13-07-2001, n° 98-19.190, Rejet

A1080AUK

Référence

Ass. plén., 13-07-2001, n° 98-19.190, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1066401-ass-plen-13072001-n-9819190-rejet
Copier
ARRÊT N° 3
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 avril 1998), que Mme X... a donné naissance, le 15 mai 1990, à un enfant prénommé Thomas, affecté d'une malformation du membre supérieur droit ; que les consorts X... ont engagé contre M. Y..., médecin gynécologue chargé du suivi de la grossesse, une action en réparation des préjudices afférents au handicap de Thomas ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande, alors, selon le moyen, qu'ayant relevé qu'ils avaient marqué leur volonté, en cas d'anomalie, de recourir à un avortement thérapeutique, mais que les fautes du médecin, qui avait sous-estimé le précédent malformatif, et qui n'avait pas apporté tous les soins nécessaires à l'étude morphologique du foetus, ont faussement induit les parents dans la croyance que leur enfant était normal ; qu'il en résulte donc que les fautes du médecin sont bien la cause directe de la naissance et du handicap souffert par l'enfant ; qu'en refusant pourtant d'indemniser M. et Mme X..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de Thomas et Patrice, ainsi que Véronique X..., en raison de la prétendue absence de lien de causalité entre le dommage et les fautes du docteur Y..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que l'enfant né handicapé peut demander la réparation du préjudice résultant de son handicap si ce dernier est en relation de causalité directe avec les fautes commises par le médecin dans l'exécution du contrat formé avec sa mère et qui ont empêché celle-ci d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse ; que dans le cas d'une interruption pour motif thérapeutique, il doit être établi que les conditions médicales prescrites par l'article L. 2213-1 du Code de la santé publique étaient réunies ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel qu'il n'en avait pas été ainsi ; que, dès lors, abstraction faite de tous autres motifs, l'arrêt est légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

MOYEN ANNEXÉ


Moyen produit par M. Le Prado, avocat aux Conseils pour les consorts X....

MOYEN UNIQUE DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que le préjudice subi par l'enfant Thomas X... et par ses frère et soeur n'était pas en relation de causalité avec les fautes commises par le docteur Y... et qu'en conséquence ni M. et Mme X... agissant en qualité de représentants légaux de Thomas et Patrice, ni Véronique X..., ne pouvaient être indemnisés,

AUX MOTIFS ADOPTES QUE les requérants ne peuvent être suivis dans leur évaluation du dommage qui s'agissant de l'enfant n'est pas imputable au docteur Y... auquel ne peut être reproché aucun acte à l'origine de la malformation de l'enfant résultant selon le rapport d'expertise de façon quasi certaine d'un défaut d'origine génétique ; que M. et Mme X... agissant tant en leur nom personnel qu'ès qualités de représentants légaux de leur fils mineur Thomas ne peuvent prétendre à la réparation du préjudice subi par ce dernier du fait de son état qui ne présente pas un lien de causalité direct avec la faute commise ;

ET QUE cette même absence de lien de causalité entre la faute et le dommage conduit à rejeter les demandes formées pour le compte des enfants mineurs et par Véronique X... ;

ET AUX MOTIFS PROPRES QU'il est établi et non contesté que la malformation dont est atteint Thomas est congénitale et qu'il n'y avait pas de moyens d'y remédier in utero ; que le préjudice que les époux X... demandent au nom de leur enfant, de prendre en considération, est le fait même pour Thomas d'être en vie, alors qu'il est handicapé et que ses parents disposaient de la possibilité de refuser sa naissance ; qu'ils demandent ainsi à la Cour de juger qu'il vaut mieux ne pas naître que naître handicapé ; que ce problème recouvre deux séries de questions : celle du fondement du droit allégué et celle de la légitimité de l'intérêt protégé ; que l'examen de ces questions doit également inclure, compte tenu de la nature du problème posé et de l'argumentation des époux X..., une interrogation sur le fondement éthique d'une telle action ; que les époux X... fondent leur demande sur le droit de leur enfant de ne pas exister comme handicapé, ce droit découlant de leur propre droit à recourir à une IVG ; que la possibilité offerte par les dispositions de l'article L. 162-12 du Code de la santé publique est strictement personnelle à la mère, dans son expression ultime, même si le père doit être associé à son élaboration ; que ce droit n'est pas transmissible et ne saurait légalement fonder la possibilité pour l'enfant lui-même de revendiquer la non-vie plutôt que le handicap vécu ; que par ailleurs cette revendication implique que l'enfant fasse totalement sien le double regard que ses parents portent en son nom et par l'intermédiaire de la représentation légale de ses intérêts, sur lui : un regard d'amour et de vie pour l'enfant qu'il est ; un regard de négation et de mort pour l'handicapé qu'il est ; qu'au plan éthique, la destructuration psychique dont ce comportement mortifère est porteur ne permet pas, en l'absence de dispositions législatives spécifiques, de fonder juridiquement une telle action ; qu'il est enfin demandé à la Cour de reconnaître la légitimité de l'intérêt de l'enfant à préférer ne pas être en vie dans ces conditions et d'en demander réparation à un tiers ; que la reconnaissance de cette légitimité se heurte à l'ensemble de la législation protectrice des handicapés ; à la contradiction qui en résulterait pour une société qui affirme que le tragique ne se situe pas dans ce qui naît et qui apparaît mais qu'il réside dans les conditions et les représentations où l'on accueille ce qui naît et ce qui apparaît, comme le révèle le succès qu'a connu une oeuvre cinématographique récente mettant en pratique ces principes à propos de trisomiques et donnant le rôle principal à un handicapé ; à l'illégitimité d'un eugénisme qui, au delà de l'affirmation qu'il y aurait des vies qui ne valent pas d'être vécues, institutionnaliserait le refus, totalitaire, de la différence, définie par les tenants de la normalité ;

ET QUE la possibilité offerte par l'article L. 162-12 du Code de la santé publique ne saurait pas plus fonder le droit de frère et soeur à revendiquer une fratrie exempte de handicap qu'elle ne peut fonder celui de l'enfant lui-même et l'intérêt dont il est demandé protection est aussi illégitime que celui de l'enfant concerné ;

ALORS QUE la cour d'appel a relevé que M. et Mme X... avaient marqué leur volonté, en cas d'anomalies, de recourir à un avortement thérapeutique, mais que les fautes du médecin, qui avait sous-estimé le précédent malformatif, et qui n'avait pas apporté tous les soins nécessaires à l'étude morphologique du foetus, ont faussement induit les parents dans la croyance que leur enfant était normal ; qu'il en résulte donc que les fautes du médecin sont bien la cause directe de la naissance et du handicap souffert par l'enfant ; qu'en refusant pourtant d'indemniser M. et Mme X..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de Thomas et Patrice X..., ainsi que Véronique X..., en raison de la prétendue absence de lien de causalité entre le dommage et les fautes du docteur Y..., la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1137 du Code civil.

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.