La lettre juridique n°300 du 10 avril 2008

La lettre juridique - Édition n°300

Éditorial

Compensation pour travail effectif : adieu prestige de l'uniforme

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N6584BEL

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


"Sire voilà l'heure" : entre le petit lever et le grand lever, l'office du valet du cabinet des perruques de monsieur Binet et celui du Grand Maître de la garde robe, passant veste, justaucorps et cravate, s'écoulait pas moins d'une heure chaque matin et chaque soir... à cela, s'ajoutait le trajet entre la chambre d'apparat et la Chapelle royale pour assister à la messe. Sur 72 années de règne, 365 jours par an, imagine-t-on les compensations qu'il eut fallu verser pour cette contrainte qui pesait sur le quotidien d'un roi, quand cette charge en faisait encore un métier... ou plutôt oui, cette compensation s'appelait Versailles et son Etiquette...

Voilà maintenant près de cinq ans que le sujet, s'il peut prêter à sourire dans une sphère professionnelle encline à la forfaitisation absolue, emplit les prétoires de nos conseils de prud'hommes et révèle l'absence ou les difficultés de la négociation collective sur le sujet sensible du temps de travail effectif : nous voulons parler, bien entendu, du temps d'habillage et du temps de trajet du domicile vers son lieu de travail.

Il faut dire que les conseillers prud'hommes avaient, eux-mêmes, ouvert la voie ! Le 13 octobre 2004, la Chambre sociale de la Cour de cassation convenait que l'indemnité d'habillage était due au conseiller absent à temps plein de son poste de travail, précisant que les absences de l'entreprise des conseillers prud'hommes, qui sont justifiées par leur fonction, ne pouvaient entraîner aucune diminution de leur rémunération ou des avantages y afférents. Autrement dit, l'indemnité d'habillage et de déshabillage était due même lorsque le salarié-conseiller ne s'habillait pas ! Ou du moins, ne revêtait pas son uniforme de travail.

Plus généralement, comme le souligne cette semaine Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale, le bénéfice des contreparties exigées pour compenser les temps d'habillage et de déshabillage des salariés est subordonné à la réalisation des deux conditions cumulatives prévues par l'article L. 212-4, alinéa 3, du Code du travail, à savoir l'obligation de porter une tenue de travail et l'obligation de s'habiller et de se déshabiller dans l'entreprise ou sur le lieu de travail (réfutant par là la judiciarisation du port du costume-cravate).

Le cumul de ces conditions est proprement nouveau ; la Haute juridiction avait, certes, reconnu le principe d'une contrepartie à l'obligation de porter un uniforme dans un arrêt rendu le 26 janvier 2005, rejetant l'argument selon lequel les salariés avaient le choix de refuser de porter leur tenue de travail en dehors du temps de travail effectif et de se changer dans les locaux de l'entreprise pour revêtir leur tenue obligatoire.

Mais l'on atteignait le paroxysme de la question, lorsqu'il s'agissait de rémunérer ou de compenser le temps de trajet nécessaire au salarié pour se rendre à son vestiaire et revêtir ou dévêtir sa tenue de travail : telle était l'espèce soumise à la Cour de cassation le 31 octobre 2007. La Haute juridiction aura eu la sagesse de désamorcer cette poudrière et de rejeter les prétentions salariales à la lumière de sa jurisprudence constante sur le temps de trajet assimilable à un de travail effectif. La circonstance que le salarié soit astreint au port d'une tenue de travail ne permet pas de considérer qu'un temps de déplacement au sein de l'entreprise constitue un temps de travail effectif.

"C'est parfois difficile à supporter le prestige d'un homme habillé" (Céline, Voyage au bout de la nuit), surtout lorsqu'il en va de débours aux montants astronomiques (cf. le cas particulier de la Poste et de ses dizaines de milliers de postiers...).

Là où l'on voyait prestige de l'uniforme, l'on décèle, désormais, contrainte, voire risque de se faire agresser comme appartenant à une caste professionnelle régalienne ou privilégiée... et ce risque, aujourd'hui, se monnaie. Costume drapé, enfilé, cousu et fermé ou bien ouvert, costume fourreau, quel que soit l'archétype vestimentaire, l'uniforme semble se vivre, en milieu professionnel, comme une contrainte ; exit la fonction téléo-théologique du costume entendu comme port de vêtements circonstanciés selon son utilité, le différenciant ainsi du simple habillement... d'ici à ce que les militaires dénoncent les ordonnances de Louvois de 1670 et 1690 qui imposèrent l'uniforme et en reviennent aux us et coutumes celtes de se battre nus ; ou que les médecins et les infirmières des hôpitaux ôtent leurs blouses blanches faute de compensations financières...

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Marchés publics

[Jurisprudence] Des conséquences à tirer de la nullité des marchés

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 22 février 2008, n° 266755, M. Tête (N° Lexbase : A3440D7K)

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N6474BEI

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par Sophie Rimeu, Conseiller au tribunal administratif de Paris

Le 07 Octobre 2010

Dans une décision du 28 février 2008, le Conseil d'Etat précise que le dol fait obstacle à l'indemnisation du cocontractant de l'administration, dont le contrat est déclaré nul, sur le terrain quasi-contractuel de l'enrichissement sans cause. Par une notable décision d'Assemblée du 6 février 1998 (CE Contentieux, 6 février 1998, n° 138777, M. Tête, Association de sauvegarde de l'ouest lyonnais N° Lexbase : A6251ASC), le Conseil d'Etat avait annulé, comme prise sur la base de règles nationales incompatibles avec les objectifs de la Directive 89/440/CEE du 18 juillet 1989, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (N° Lexbase : L3148HU7), la délibération du conseil de la communauté urbaine de Lyon du 18 juillet 1991 autorisant son président à signer, avec la société concessionnaire du boulevard périphérique Nord de Lyon (SCBPNL), la convention de réalisation et d'exploitation du tronçon nord du boulevard périphérique de l'agglomération lyonnaise, ainsi que la décision de signer cette convention. L'annulation de ces actes entraînait donc la nullité de la convention conclue avec la SCBPNL et le président de la communauté urbaine avait dû en tirer les conséquences. Toutefois, la nullité d'un contrat, lorsqu'elle constatée, comme en l'espèce, de nombreuses années après sa signature, et alors que celui-ci est, sinon complètement, du moins partiellement exécuté, pose aux collectivités un certain nombre de problèmes. Le premier d'entre eux tient à la distinction juridique entre la résiliation, qui fixe la fin des relations contractuelles à une certaine date et la résolution, qui emporte disparition ab initio de l'acte contractuel, celui ci étant censé n'avoir jamais existé. Or, confrontées à la nullité d'une convention, les collectivités se contentent parfois d'en prononcer la résiliation à une date ultérieure. Le tribunal administratif de Nice a sanctionné une telle pratique, en annulant la délibération du conseil de la communauté d'agglomération de Fréjus-Saint-Raphaël approuvant une transaction conclue après que le tribunal ait déclaré nulles plusieurs conventions de délégation de services d'adduction d'eau et d'assainissement. Dans cette transaction, si les parties parlaient de la résolution desdites conventions, cette résiliation ne valait ne pour que l'avenir. Or, ceci méconnaissait l'autorité de la chose jugée car le tribunal avait ordonné, à la suite de la déclaration de nullité desdits contrats, que la communauté d'agglomération de Fréjus-Saint-Raphaël en prononce la résolution pure et simple (TA Nice, 23 juin 2006, n° 0601686, Comité intercommunal de défense des usagers de l'eau c/ Communauté d'agglomération de Fréjus-Saint-Raphaël).

Dans la décision "M. Tête" du 22 février 2008, les faits sont différents : à la suite de la première décision du Conseil d'Etat du 6 février 1998, le président de la communauté urbaine de Lyon a, par une décision du 27 février 1998, prononcé ce qu'il a appelé "la résiliation" de cette convention. Dès le 6 mars, il a pris possession de l'ouvrage pour l'exploiter en régie directe et il a lancé une procédure afin de parvenir à un règlement amiable des conséquences financières de la nullité de la convention de réalisation et d'exploitation du tronçon nord du boulevard périphérique de l'agglomération lyonnaise. Cette procédure a abouti à la signature d'une transaction, dont les termes ont été approuvés par une délibération du conseil de la communauté urbaine de Lyon du 21 décembre 1999.

Cette transaction prévoyait l'indemnisation par la communauté urbaine de Lyon des dépenses exposées par la SCBPNL qui lui avaient été utiles, et précisait que la SCBPNL renonçait à toute indemnisation sur un terrain quasi-délictuel. En effet, selon une jurisprudence désormais bien établie, le cocontractant dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur le terrain quasi-contractuel de l'enrichissement sans cause, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé. Dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, il peut en outre prétendre, sur un terrain quasi-délictuel, à la réparation du dommage imputable à cette faute et, le cas échéant, demander à ce titre le paiement du bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat, si toutefois le remboursement à l'entreprise de ses dépenses utiles ne lui assurent pas une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée (CE, Section, 20 octobre 2000, n° 196553, Société Citecable Est N° Lexbase : A9119AH9, au Recueil).

La décision "M. Tête" du 22 février 2008 a été l'occasion pour le Conseil d'Etat de fixer une limite au droit à indemnisation des dépenses utiles exposées par le cocontractant sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Dans cette affaire, la cour administrative d'appel de Douai, dans son arrêt du 12 février 2004 (CAA Douai, 12 février 2004, n° 02DA00230, M. Etienne Tête c/ Communauté urbaine de Lyon N° Lexbase : A6762DB3), avait écarté comme inopérant le moyen soulevé par M. Tête, tiré de ce que le contrat de concession du 19 juillet 1991 avait été conclu à la suite de manoeuvres dolosives imputables à la SCBPNL, et constitutives d'un vice de consentement de nature à faire obstacle à ce que soit engagée, dans le cadre de la convention de transaction, la responsabilité de la communauté urbaine sur le fondement de l'enrichissement sans cause. Le Conseil d'Etat a estimé que ce moyen n'était pas inopérant et a cassé, pour erreur de droit, l'arrêt de la cour.

Par une nouvelle formule de principe, la décision "M. Tête" précise que si les fautes éventuellement commises par le cocontractant antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, la circonstance que le contrat ait été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration fait obstacle à l'exercice d'une telle action. Ainsi, en cas de dol, le cocontractant de l'administration perd le droit à indemnisation de ses dépenses qui auraient été utiles à l'administration.

En l'espèce, si M. Tête soutenait que le choix de la SCBPNL par le conseil de la communauté d'agglomération de Lyon avait été déterminé par des avantages financiers dont auraient bénéficié certains de ses membres de la part des sociétés Bouygues et Dumez, actionnaires de la SCBPNL, le Conseil d'Etat a écarté l'existence de manoeuvres frauduleuses de la part des sociétés. De manière générale, les vices de consentement, qui peuvent être le fait non seulement de la personne privée contractante, mais également de la personne publique, sont peu présents dans la jurisprudence administrative relative aux marchés publics, car ils sont souvent très délicats à établir.

Pour autant, le dol commis lors de la passation d'un marché de travaux de la SNCF a récemment permis au Conseil d'Etat d'établir la compétence de la juridiction administrative pour connaître de tous les litiges nés à l'occasion du déroulement de la procédure de passation d'un marché public, comme ceux relatifs à l'exécution d'un tel marché, que ces litiges présentent ou non un caractère contractuel. Ainsi, le dol viciant le consentement d'une partie à entrer dans des liens contractuels peut donner lieu, devant la juridiction administrative, à une action en nullité devant le juge du contrat ou, comme en l'espèce, à une action en responsabilité quasi-délictuelle, y compris quand ce litige met en cause la méconnaissance par des sociétés privées de leur obligation de respecter les règles de la concurrence, et non une faute contractuelle (CE, 19 décembre 2007, n° 268918, n° 269280 et n° 269293, Société Campenon-Bernard et autres N° Lexbase : A1460D3H, au Recueil).

Pour finir quant aux conséquences indemnitaires à tirer de la nullité d'un contrat, le Conseil d'Etat devrait très prochainement préciser deux points importants, complémentaires à l'apport de l'arrêt "Tête" du 28 février 2008 : les affaires n ° 244950, n° 284439 et n° 284406, "Société JC Decaux - Conseil général des Alpes Maritimes", soumises à la Section du contentieux le 29 mars 2008, posaient en effet deux questions : la faute du cocontractant de l'administration dont le marché est déclaré nul peut-elle conduire à refuser de l'indemniser pour une partie des dépenses utiles qu'il a engagé ? ; sur le terrain quasi-délictuel, peut-on refuser toute indemnisation du manque à gagner, en raison de la gravité du comportement de l'entreprise ?

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Conventions et accords collectifs

[Jurisprudence] Versement de l'indemnité de sujétion : conditions et preuve des sujétions

Réf. : Cass. soc., 27 mars 2008, n° 06-44.612, Association départementale amis parents enfants inadaptés (ADAPEI) du Var, FS-P+B (N° Lexbase : A6051D7A)

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N6583BEK

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Le bénéfice des avantages prévus par les conventions collectives au profit de certains salariés est, parfois, subordonné à la présence de conditions particulières. Tel est le cas de l'indemnité de sujétion, prévue par l'article 12-2 de l'avenant n° 265 du 21 avril 1999 à la Convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, qui subordonne le versement de l'indemnité au fait que le cadre subisse au moins une sujétion parmi celles qu'elle énumère. Qui doit établir la présence ou, au contraire, l'absence de cette ou de ces sujétions ? La convention ne prévoit rien de particulier sur ce point. Il n'existe, en outre, aucune présomption au profit du salarié qui permettrait à ce dernier d'être déchargé d'une quelconque preuve. C'est donc à tort que les juges du second degré avaient accordé au salarié le bénéfice de cette indemnité, sans relever la présence d'aucune sujétion, en considérant qu'imposer au salarié qu'il établisse la présence des sujétions revenait à ajouter au texte une condition qu'il ne contient pas. Comme l'affirme justement la Haute juridiction, dans un arrêt du 27 mars 2008, pour se voir attribuer l'indemnité, le salarié doit subir personnellement l'une des sujétions énoncées. Cette solution doit, en tous points, être approuvée.
Résumé

Pour bénéficier de l'indemnité de sujétion prévue par l'article 12-2 de l'avenant n° 265 du 21 avril 1999 à la Convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, le salarié doit subir personnellement l'une ou plusieurs des sujétions énoncées.

Commentaire

I - Régime de l'indemnité de sujétion

  • Seuil de déclenchement

L'article 12 de la Convention collective des établissements et services pour les personnes inadaptées et handicapées a trait aux indemnités de sujétion particulière.

Dans un premier point (article 12-1), ce texte prévoit les conditions de versement aux directeurs et directeurs adjoints de l'indemnité liée au fonctionnement de l'association. Dans un second point (article 12-2), il est traité de l'indemnité liée au fonctionnement des établissements et services.

Cette dernière indemnité, dont il était question dans la décision commentée, est destinée aux cadres ayant des missions de responsabilité dans un établissement et remplissant une ou plusieurs sujétions prévues par le texte.

L'indemnité de sujétion est, ainsi, versée en raison du fonctionnement en continu avec hébergement de l'établissement, et/ou du nombre de salariés, lorsqu'il est supérieur ou égal à 30 permanents à temps plein ou à temps partiel, y compris les titulaires de contrats aidés et/ou des activité économiques de production et de commercialisation et/ou d'une mission particulière confiée par l'association ou la direction et/ou de la dispersion géographique des activités et/ou des activités liées à l'ensemble de structures comprenant au moins trois agréments ou habilitations, trois budgets différents, des comptes administratifs distincts.

Cette indemnité est fixée par l'administration en fonction du nombre et de l'importance des sujétions subies et dans les limites fixées par le texte. Il faut qu'une sujétion énumérée par l'article 12-2 soit présente pour que le salarié puisse y prétendre.

  • Montant de l'indemnité de sujétion

Il est prévu que, pour les cadres de la classe 1, l'indemnité est comprise entre 70 et 210 points et qu'elle ne peut être inférieure à 120 points pour le directeur d'un établissement ou service à fonctionnement continu avec hébergement et pour le directeur cumulant, au moins, deux sujétions.

Le minimum est porté à 140 points pour le directeur d'un établissement ou service à fonctionnement continu avec hébergement soumis à l'une, au moins, des autres sujétions, ainsi que pour le directeur cumulant, au moins, deux des sujétions dont les activités liées à un ensemble de structures comprenant au moins trois agréments ou habilitations, trois budgets différents et des comptes administratifs distincts.

Pour les cadres de la classe 2, l'indemnité est comprise entre 15 et 135 points et ne peut être inférieure à 80 points lorsque le cadre exerce son activité dans un établissent ou service à fonctionnement continu avec hébergement et à 100 points si le cadre est soumis à au moins une autre sujétion (en plus du fonctionnement continu). Il est, en outre, prévu que, lorsque le cadre est soumis à, au moins, deux sujétions, il ne peut se voir attribuer une indemnité inférieure à 70 points.

Enfin, une disposition spéciale est prévue pour les cadres et administratifs de la classe 3. Ces derniers bénéficient d'une indemnité en fonction des sujétions spécifiques qu'ils supportent et qui ne sont pas liées au fonctionnement de l'établissement ou du service. Cette indemnité est fixée entre 15 et 135 points.

C'est cette catégorie de salariés qui était concernée dans la décision commentée et qui demandait le versement de l'indemnité de sujétion. Pour y prétendre, encore faut-il que l'une ou plusieurs sujétions soit effectivement subie par le salarié et que cela soit démontré.

  • Espèce

Dans cette affaire, un salarié engagé en qualité de psychologue cadre, classe 3, à temps partiel, occupait un poste rattaché administrativement à un foyer et exerçait, également, au sein de deux autres structures autonomes. Il avait saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le versement de l'indemnité de sujétion prévue par l'article 12-2 de l'avenant n° 265, du 21 avril 1999, à la Convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

La cour d'appel avait fait droit à sa demande.

La Cour de cassation ne l'entend pas de la même manière. Cette dernière vient, en effet, au visa de l'article 12-2 de l'avenant n° 265, du 21 avril 1999, à la Convention collective nationale des établissement et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, affirmer que, pour bénéficier de l'indemnité, le salarié doit subir personnellement une ou plusieurs sujétions particulières prévues par ce texte.

Relevant que les juges du second degré, pour condamner l'employeur à verser l'indemnité de sujétion, avaient refusé d'imposer au salarié d'établir qu'il supportait effectivement et personnellement une des sujétions prévues par le texte, elle casse cette décision.

Cette solution est parfaitement logique. En décidant dans ce sens, les juges du fonds avaient fait comme si les partenaires sociaux avaient institué, au profit du salarié cadre de troisième classe, une présomption, laquelle ne résulte ni expressément, ni implicitement, des termes de la convention.

II - Une preuve partagée

  • Une preuve partagée

L'article 12-2 de l'avenant n° 265, du 21 avril 1999, subordonne le versement de l'indemnité aux cadres ayant des missions de responsabilité et subissant une ou plusieurs sujétions prévues par la convention.

Le fait de subir une sujétion est le seuil de déclenchement du versement de l'indemnité, le seuil d'accroissement étant, quant à lui, lié au nombre et à la nature des sujétions qu'est amené à subir le salarié cadre. Quid de la preuve de ces sujétions ?

L'indemnité est liée non pas à l'emploi, mais au fonctionnement des établissements et services. Il n'existe aucune présomption au profit du cadre qui permettrait de le dispenser de prouver qu'il est en charge de sujétions particulières et donc de lui attribuer l'indemnité juste en raison de sa qualité.

Tel aurait été le cas si les partenaires sociaux avaient retenu une rédaction différente prévoyant une indemnité de principe au profit des cadres, inhérente à cette qualification celle-ci impliquant théoriquement des sujétions particulières (limitativement énumérées par la convention), tout en laissant à l'employeur la possibilité de combattre cette présomption en établissant qu'à l'occasion de son travail, le salarié particulier ne subit aucune des sujétions énumérées.

En l'absence de présomption sur ce point, la charge de la preuve doit être partagée. Il appartient donc aux parties de faire la preuve de leurs prétentions, le salarié devant démontrer la présence d'au moins une sujétion, l'employeur devant, quant à lui, établir que le cadre ne subit, à l'occasion de son travail, aucune des sujétions particulières prévues par l'article 12-2 de la convention.

Le juge, face à une telle situation, ne peut prendre de décision qu'aux vus des éléments fournis par les parties et n'a pas d'autre alternative que d'accorder le bénéfice de la prime au salarié qui subit au moins une sujétion et de le refuser au salarié qui n'établit pas subir au moins une sujétion.

Cette solution a été confirmée par plusieurs décisions inédites du même jour.

  • Une solution confirmée

L'espèce commentée n'est pas la seule décision rendue le 27 mars 2008 dans laquelle il était question de l'indemnité de sujétion prévue par la Convention collective nationale des établissement et services pour personnes inadaptées et handicapées (Cass. soc., 27 mars 2008, Association départementale des parents et amis de personnes handicapées mentales (ADAPEI) du Var, FS-D, 8 espèces, n° 06-44.617, N° Lexbase : A6055D7E ; n° 06-44.618 N° Lexbase : A6056D7G ; n° 06-44.609 N° Lexbase : A6048D77 ; n° 06-44.610 N° Lexbase : A6049D78 ; n° 06-44.614 N° Lexbase : A6053D7C ; n° 06-44.613 N° Lexbase : A6052D7B ; n° 06-44.611 N° Lexbase : A6050D79 ; n° 06-44.615 N° Lexbase : A6054D7D). Dans tous ces arrêts, il est dégagé et appliqué le même principe, principe en vertu duquel, "le salarié doit subir personnellement une ou plusieurs sujétions énoncées pour bénéficier de l'indemnité".

Lorsque la présence de ces sujétions avait effectivement été relevée par les juges du second degré, la Haute juridiction confirme leur décision. Au contraire, lorsque l'attribution de l'indemnité a été faite sans qu'aucun critère ne soit expressément relevé, comme dans l'espèce commentée, au motif qu'imposer au salarié d'établir qu'il supporte effectivement et personnellement une ou plusieurs sujétions, c'est ajouter au texte un critère qui n'y figure pas, la décision est cassée et les parties renvoyées pour qu'il soit à nouveau jugé... et les éventuelles sujétions dégagées.

Décision

Cass. soc., 27 mars 2008, n° 06-44.612, Association départementale amis parents enfants inadaptés (ADAPEI) du Var, FS-P+B (N° Lexbase : A6051D7A)

Cassation de CA Aix-en-Provence, 18ème ch., 6 juin 2006

Mots clefs : indemnité de sujétion ; convention collective ; critères de versement limitativement énumérés ; preuve de la présence de ces sujétions ; partage de la charge de la preuve.

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Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Jurisprudence] Déduction de la TVA d'amont pour l'émission d'actions "tacites atypiques" : imputation "classique explicite" et modalité "librement exercée"

Réf. : CJCE, 13 mars 2008, aff. C-437/06, Securenta Göttinger Immobilienanlagen und Vermögensmanagement AG c/ Finanzamt Göttingen (N° Lexbase : A3765D7L)

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N6384BE8

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par Guy Quillévéré, Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nantes

Le 07 Octobre 2010

Par une décision du 13 mars 2008, la CJCE, sur question préjudicielle au titre de l'article 234 CE introduite par le Niedersächsisches Finanzgericht (Allemangne), est venue préciser les conditions de déduction de la TVA d'amont ayant grevé des dépenses liées à l'acquisition de capitaux d'un assujetti qui exerce à la fois une activité professionnelle et une activité privée. La CJCE indique que la détermination des méthodes et des critères de ventilation des montants de TVA payée en amont entre activités économiques et activités non économiques, au sens de la 6ème Directive-TVA (N° Lexbase : L9279AU9), relève de l'appréciation des Etats membres qui, dans l'exercice de ce pouvoir doivent tenir compte de la finalité de l'économie de la 6ème Directive-TVA et, à ce titre, prévoir un mode de calcul reflétant objectivement la part d'imputation réelle des dépenses en amont à chacune de ces deux activités. Les faits dans cette affaire sont les suivants : Securenta avait pour activité, au cours de l'année 1994 en cause dans le litige au principal, l'acquisition, la gestion et l'exploitation de biens immobiliers, de valeurs mobilières ainsi que de participations et de placements de toute nature. Faisant appel public à l'épargne, cette société collectait le capital nécessaire à ces activités en émettant des actions et des participations tacites atypiques. Ce faisant, elle intégrait un grand nombre d'associés tacites en agissant comme une société faisant appel public à l'épargne. Les personnes ainsi associées apportaient des capitaux que Securenta réinvestissait.

Au cours de l'année 1994, Securenta a réalisé des opérations imposables s'élevant à la somme de 1 513 321 euros. Le chiffre d'affaires global de Securenta s'élevait à 3 313 174 euros. Ce montant incluait des dividendes à hauteur de 115 880 euros et des revenus tirés de la vente de valeurs mobilières pour un montant de 700 434 euros, soit au total 826 540 euros. Sur les montants correspondant à la TVA payée en amont, soit au total 3 496 487 euros, la majeure partie de ceux-ci à savoir un montant de 3 150 416 euros n'était pas imputable à des opérations en aval déterminées.

Lors de la procédure administrative relative à la détermination des obligations fiscales de Securenta, cette dernière a affirmé que tous les montants de TVA versés en amont ayant grevé des dépenses liées à l'acquisition de nouveaux capitaux étaient déductibles au motif que l'émission d'actions était liée à un renforcement de son capital et que cette opération avait bénéficié à son activité économique en général.

La Finanzamt a refusé la déduction, d'une part, des montants de TVA payés en amont ayant grevé les dépenses relatives à l'émission de participations tacites atypiques, soit 2 132 815 euros, et, d'autre part, des montants de TVA payés en amont ayant grevé des opérations de location réalisées par Securenta soit 346 070 euros. Le Finanzamt a alors évalué à 1 017 600 euros le montant de TVA acquitté en amont ne se rapportant pas directement à des opérations en aval déterminées. Sur cette base, le Finanzamt a déterminé une quote-part en utilisant une clé de répartition d'environ 45 % résultant de l'application d'un critère lié à l'étendue des placements réalisés, de sorte que les montants de TVA payés en amont déductibles s'élevaient à 801 509 euros et les montants à rembourser au titre de l'année 1974 à 574 511 euros.

Devant la Cour, Securenta soutenait que tous les montants de TVA payés en amont ayant grevé les dépenses liées à l'acquisition de capitaux étaient déductibles étant donné qu'une émission d'actions sert à augmenter les ressources financières d'une société au profit de son activité économique en général. Afin de déterminer l'étendue du droit à déduction, il faudrait définir le rapport qui existe entre les opérations imposables et assujetties, d'une part, et les opérations imposables et exonérées, d'autre part.

L'intérêt de la solution réside dans les précisions apportées par la CJCE sur le droit à déduction de la TVA d'amont pour un assujetti exerçant trois types d'activités, et sur les modalités de détermination de cette taxe. La Cour précise que la déduction n'est admise que dans la mesure où ces dépenses peuvent être imputées à l'activité économique de l'assujetti au sens de l'article 2 §1 de la 6ème Directive-TVA, et réaffirme la nécessité de l'existence d'un lien direct permettant l'imputation des dépenses à une activité économique. La Cour se place ainsi classiquement dans le prolongement de sa décision du 26 mai 2005 (CJCE, 26 mai 2005, aff. C-465/03 Kretztechnik N° Lexbase : A3969DIT, RJF 8-9/05, n° 982). Par ailleurs, la CJCE précise que la méthode de ventilation de la déduction payée en amont n'est pas régie par les dispositions de la 6ème Directive-TVA et relève du pouvoir d'appréciation des Etats qui doivent exercer la liberté née du silence de la 6ème Directive-TVA dans le respect du principe de la neutralité fiscale sur lequel repose le système commun de la TVA.

1. La déduction de la taxe n'est possible que si le capital acquis a été affecté aux activités économiques de l'intéressé

La TVA ayant grevé en amont des dépenses encourues par un assujetti ne saurait ouvrir droit à déduction dans la mesure où elles se rapportent à des activités qui, eu égard à leur caractère non économique, ne tombent pas dans le champ d'application de la 6ème Directive-TVA.

1.1. Pour l'émission d'action, le droit de déduire la TVA d'amont est déterminée classiquement en raison de l'existence d'un lien direct

Aux termes de l'article 2 § 1 de la 6ème Directive-TVA, les opérations soumises à la TVA comprennent "les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel" et les importations de biens.

L'article 4 de la 6ème Directive-TVA énonce, de son côté, que : "[...] les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataires de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme une activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue de tirer des recettes ayant un caractère de permanence".

Pour éviter que la taxe frappe de manière cumulative une série d'opérations s'enchaînant dans la sphère économique, ce qui aboutirait à en modifier la charge et à en aggraver éventuellement le poids en fonction du nombre d'opérations s'enchaînant dans la série, la logique du régime de la TVA veut que l'assujetti ait le droit de déduire, dans la déclaration TVA qu'il fait aux autorités fiscales, le montant des taxes versées sur les livraisons reçues en amont du montant qu'il a facturé à ses clients pour ses livraisons. Les éléments essentiels de ce droit à déduction sont inscrits à l'article 17 de la 6ème Directive-TVA.

L'article 17 § 2 énonce : "Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable : a) la TVA due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti". Conformément à l'article 17 § 1, le droit prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

La TVA d'amont grevant les dépenses engagées pour l'émission d'actions ou de participations tacites atypiques fait naître un droit à déduction d'opérations d'aval taxées s'il existe un lien direct faisant des dépenses engagées en amont un élément du prix des opérations taxées. La CJCE, pour identifier un droit à déduction d'amont, ne se fonde pas sur l'existence d'un rapport entre opérations assujetties et imposables ou imposables et exonérées, mais sur l'existence d'un lien direct et immédiat entre l'opération d'émission d'amont et les opérations d'aval ouvrant droit à déduction. C'est cette solution que la CJCE a fait valoir s'agissant des biens et services acquis et des opérations d'aval ouvrant droit à déduction (CJCE, 6 avril 1995, aff. C-4/94, BLP Group plc N° Lexbase : A9796AUD et CJCE, 26 mai 2005, aff. C-465/03, Kretztechnik N° Lexbase : A3969DIT).

Pour que la TVA acquittée en amont et relative à des opérations d'émissions d'actions ou de participations tacites atypiques fassent naître un droit à déductions, les dépenses effectuées dans ce cadre doivent faire partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction. La Cour recherche si les coûts exposés par la société dans le cadre des opérations d'émission d'actions sont des éléments constitutifs du prix des opérations. Elle se place dans le prolongement de la solution avancée dans un arrêt du 27 septembre 2001 (CJCE, 27 septembre 2001, aff. C-16/00, Cibo Participations SA N° Lexbase : A5734AWB, RJF 12/01, n° 1611 : les dépenses exposées par une holding pour les différents services qu'il a acquis dans le cadre d'une prise de participation dans une filiale font partie de ses frais généraux) ou dans un arrêt du 22 février 2001 (CJCE, 22 février 2001, aff. C-408/98, Abbey National plc N° Lexbase : A1648AWX, RJF 6/01, n° 894, conclusions F.-G. Jacobs, BDCF, 6/01, n° 77, à propos des services acquis afin de réaliser la transmission d'une universalité de biens. Cf. aussi : CJCE, 8 février 2007, C-435/05, Investrand N° Lexbase : A9405DTI, Rec p. I-1315, point 23, RJF 4/07, n° 524 ; CJCE, 8 juin 2000, aff. C-98/98, Midland Bank plc N° Lexbase : A2016AII, RJF 9-10/00, n° 1187, concl. A. Saggio ; CJCE, 26 mai 2005, aff. C-465/03, Kretztechnik N° Lexbase : A3969DIT, RJF 8-9/05, n° 982, concl. F.-G. Jacob).

La cour administrative d'appel de Bordeaux (CAA Bordeaux, 2 mai 2007, 3ème ch., n° 04BX00741 et 06BX001716, Minefi c/ Banque Populaire du Sud-Ouest N° Lexbase : A5448DWP) a ainsi jugé qu'il existe un lien direct et immédiat entre la mise à disposition des chèques et la gestion de ces comptes, soumise à la TVA sur option, dont doit être distinguée celle des autorisations de découvert (obligatoirement exonérée), laquelle relève d'opérations de crédit distinctes. La fourniture à ses clients, par une banque, de formules de chèques associés aux comptes de dépôt de ces derniers ne saurait être regardée comme la proposition d'un service autonome, susceptible d'être recherché pour lui-même en dehors de l'utilisation desdits comptes.

Mais, en l'espèce, les prestations concernées ne font pas partie des seuls éléments constitutifs du prix des opérations relevant des activités économiques effectuées en aval par Securenta. La question se posait, donc, dans le contexte particulier des trois activités exercées par Securenta de la déduction de la TVA d'amont ayant grevé des dépenses qui ne peuvent pas être rattachées à des activités en aval déterminées.

1.2. La TVA ayant grevé en amont les dépenses encourues par un assujetti n'ouvrent pas droit à déduction dans la mesure où elles se rapportent à des activités qui, eu égard à leur caractère non économique, ne tombent pas dans le champ d'application de la 6ème Directive-TVA

Securenta exerce trois types d'activités : des activités non économiques, ne relevant pas du champ d'application de la 6ème Directive-TVA, des activités économiques relevant du champ d'application de cette Directive mais exonérées de la TVA et des activités exonérées. L'émission d'actions nouvelles par une société n'est pas une livraison, ni une prestation accomplie par la société. Il ne peut ainsi y avoir droit à déduction de la TVA grevant les frais d'émission et toute dépense encourue que si l'augmentation de capital se rattache à des opérations taxables en aval.

Pour l'émission d'actions nouvelles par une société, la CJCE a estimé que, si elle ne constitue pas une prestation de services effectuée à titre onéreux au sens de l'article 2, point 1, de la 6ème Directive-TVA, l'article 17, 1 et 2, de la même Directive ouvre droit à déduction, au titre des frais généraux, de l'intégralité de la TVA grevant les dépenses exposées par un assujetti pour les différentes prestations qu'il a acquises dans ce cadre, celui de l'émission d'actions, et ce dans la mesure où l'intégralité des opérations effectuées par cet assujetti dans le cadre de son activité économique constitue des opérations taxées (CJCE, 26 mai 2005, aff. C-465/03, Kretztechnik, précité, RJF 8-9/05 n° 982, conclusions F.-G. Jacobs, BDCF 8-9/05, n° 102).

En l'absence de rattachement à des activités d'aval, la TVA acquittée en amont ayant grevé les dépenses liées à l'émission d'actions et de participations tacites atypiques n'ouvre droit à déduction que si le capital acquis a été affecté aux activités économiques de Securenta. La Cour juge, en effet, que le régime des déductions établi par la 6ème Directive-TVA porte sur l'ensemble des activités économiques d'un assujetti, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que ces dernières soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (CJCE, aff. C-110/98 à C-147/98, Gabalfrisa e.a N° Lexbase : A1997AIS, Rec. p. I-1577, point 43).

La Cour a examiné, à plusieurs reprises, dans quelles circonstances des biens ou des services sont utilisés "pour les besoins" d'opérations en aval taxées, ce qui donne lieu à un droit à déduction au titre de l'article 17 § 2 de la 6ème Directive-TVA. La CJCE a précisé sa position sous les arrêts "Rompelman", "Inzo", "Ghent Coal Terminal", "Gabalfrisa", "SchloBstraBe" et "Breitsohl" (CJCE, 14 février 1985, aff. C-268/83, D.A. Rompelman et E.A. Rompelman-Van Deelen c/ Minister van Financiën N° Lexbase : A8121AUC, CJCE, 29 février 1996, aff. C-110/94, Intercommunale voor zeewaterontzilting (INZO) c/ Belgische Staat N° Lexbase : A9700AUS, CJCE, 15 janvier 1998, aff. C-37/95, Belgische Staat c/ Ghent Coal Terminal NV N° Lexbase : A9657AU9, CJCE, 21 mars 2000, aff. C-110/98, Gabalfrisa SL e.a. c/ Agencia Estatal de Administración Tributaria (AEAT) N° Lexbase : A1997AIS, CJCE, 8 juin 2000, aff. C-396/98, Grundstückgemeinschaft SchloBstraBe GbR c/ Finanzamt Paderborn N° Lexbase : A1801AWM, CJCE, 8 juin 2000, aff. C-400/98, Finanzamt Goslar c/ Brigitte Breitsohl N° Lexbase : A1912AWQ) qui ont établi que, lorsqu'une personne a l'intention, confirmée par des éléments objectifs, de commencer une activité économique et qu'elle acquiert, à cet effet, des livraisons ou prestations taxées initiales, elle doit être considérée comme un assujetti agissant en tant que tel et comme ayant le droit de déduire immédiatement la TVA relative aux acquisitions effectuées pour les besoins des opérations taxées qu'elle envisage, sans devoir attendre le début de l'exploitation effective de l'entreprise et ce, même si l'exploitation ne débute pas en fait.

En l'absence de TVA exposée et qui ne fait pas intégralement partie des éléments constitutifs du prix de revient des opérations, donc en l'absence de situation où les prestations revêtent un lien direct et immédiat avec les activités économiques de l'assujetti au sens des décisions de la CJCE (CJCE, 22 février 2001, aff. C-408/98, Abbey National plc c/ Commissioners of Customs & Excise N° Lexbase : A1648AWX, points 35 et 36 et CJCE, 27 septembre 2001, aff. C-16/00, Cibo Participations SA c/ Directeur régional des impôts du Nord-Pas-de-Calais, points 33 N° Lexbase : A5734AWB), le droit à déduction qui fait, rappelle la Cour, partie intégrante du mécanisme de la TVA, ne peut toutefois s'exercer. Lorsque, comme pour les opérations auxquelles se livre Securenta, les dépenses réalisées dans le cadre de l'émission d'actions et de participations financières ne sont pas exclusivement imputables à des activités économiques effectuées en aval par Securenta et ne font donc pas partie des seuls éléments constitutifs du prix des opérations relevant de ces activités, la TVA ayant grevé en amont des dépenses encourues par un assujetti ne saurait ouvrir droit à déduction dans la mesure où elle se rapporte à des activités qui, eu égard à leur caractère non économique, ne tombent pas dans le champ d'application de la 6ème Directive-TVA.

2. La détermination des méthodes et des critères de ventilation des montants de TVA payée en amont entre activités économiques et activités non économiques au sens de la 6ème Directive-TVA relève du pouvoir d'appréciation des Etats

Dans le silence de la 6ème Directive-TVA sur les méthodes ou critères que les Etats membres sont tenus d'appliquer lorsqu'ils adoptent des dispositions permettant une ventilation des montants de TVA acquittés en amont, les Etats membres disposent d'une marge de manoeuvre dans le respect du principe de la neutralité fiscale.

2.1. La clé de répartition selon la nature des opérations n'est pas objective et dépend d'une appréciation in concreto de la part des Etats membres selon la nature de l'opération

La CJCE laisse une marge de manoeuvre importante aux Etats en soulignant que la 6ème Directive-TVA ne comporte pas les indications nécessaires pour de telles déterminations chiffrées. De plus, les règles contenues aux articles 17, § 5 et 19 de la 6ème Directive-TVA ne sont pas d'un réel secours pour déterminer une méthode ou des clés de répartition.

Les règles de l'article 17 portent, en effet, sur la TVA d'amont qui grève des dépenses se rattachant exclusivement à des activités économiques, en opérant une ventilation parmi les activités, entre celles, taxées qui ouvrent droit à déduction et celles exonérées qui n'ouvrent pas un tel droit.

Les Etats membres sont donc renvoyés à un devoir d'imaginer dans le silence de la 6ème Directive-TVA, dans le respect des principes et en tenant compte de la finalité et de l'économie de cette Directive (CJCE, 14 septembre 2006, aff. C-72/05, Hausgemeinschaft Jörg und Stefanie Wollny c/ Finanzamt Landshut N° Lexbase : A9711DQQ, Rec. p. I-8297, point 28). La demande avait été présentée dans le cadre d'un litige portant sur la détermination de la base de l'imposition de la TVA relative à l'utilisation par un assujetti, pour ses besoins privés, d'une partie d'un immeuble affecté dans sa totalité à son entreprise.

Avec la décision "Securenta", la CJCE se place dans le prolongement de sa jurisprudence relative aux biens mixtes (CJCE, 14 juillet 2005, aff. C-434/03, P. Charles, TS Charles-Tijmens N° Lexbase : A1685DKM). Dans cette décision, la CJCE avait jugé que les articles 6 § 2 et 17 § 2 et § 6 de la 6ème Directive-TVA doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une législation nationale, adoptée avant l'entrée en vigueur de cette Directive, qui ne permet pas à un assujetti d'affecter à son entreprise la totalité d'un bien d'investissement utilisé en partie pour les besoins de l'entreprise et en partie à des fins étrangères à celle-ci et, le cas échéant, de déduire intégralement et immédiatement la TVA due sur l'acquisition d'un tel bien. C'est dans l'esprit de cette décision que la CJCE, dans sa décision "Securenta", propose de se placer.

Toutefois, dans l'exercice de ce pouvoir, les Etats membres sont habilités à appliquer soit une clé de répartition selon la nature de l'investissement, soit une clé de répartition selon la nature de l'opération, soit encore toute clé appropriée, sans être obligés de se limiter à une seule de ces méthodes. La Cour applique une logique de prorata, même sans texte, qu'elle a déjà eu l'occasion de mettre en oeuvre (CJCE, 15 décembre 2005 aff. C-63/04, Centralan Property Ltd N° Lexbase : A9548DL9, et aussi CJCE, 4 octobre 1995, aff. C-291/92, Dieter Armbrecht N° Lexbase : A7278AHZ, RJF 12/95, n° 1447 ; CJCE, 26 septembre 1996, aff. C-230/94, Renate Enkler c/ Finanzamt Homburg N° Lexbase : A0096AWH, RJF 11/96, n° 1370).

2.2. Les Etats membres doivent simplement exercer la liberté née du silence de la 6ème Directive-TVA en veillant au respect de la neutralité fiscale

L'Avocat général a relevé au point 47 de ses conclusions que les mesures que les Etats membres sont appelés à adopter à cet égard doivent respecter le principe de neutralité fiscale sur lequel repose le système commun de la TVA. Le but du système TVA est de garantir que l'impôt soit neutre, afin notamment de ne pas fausser les conditions de concurrence. Il faut donc mettre en oeuvre un pouvoir d'appréciation qui garantisse d'éviter une double imposition d'une même valeur ajoutée.

La CJCE rappelle un principe essentiel qu'elle eu l'occasion d'exposer dans plusieurs décisions (notamment, CJCE, 14 février 1985, aff. C-268/83, Rompelman, précité, Rec. p. 655, point 19, CJCE, 5 mai 1982, aff. C-15/81, Gaston Schul Douane Expediteur BV c/ Inspecteur des droits d'importation et des accises, de Roosendaal N° Lexbase : A2306AWC, Rec. p. 1409, point 10, CJCE, 21 septembre 1988, aff. C-50/87, Commission c/ République française N° Lexbase : A7265AHK, points 16 et 17). De la même manière, la CJCE, dans un arrêt du 15 décembre 2005 (CJCE, 15 décembre 2005, aff. C-63/04, Centralan Property Ltd, précité), a rappelé que le système commun de la TVA garantit la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de celles-ci, à condition que lesdites activités soient elles-mêmes soumises à la TVA (CJCE, 15 janvier 1998, Ghent Coal Terminal, aff. C-37/95, précité, Rec. p. I-1, point 15, et CJCE, 26 mai 2005, Kretztechnik, aff. C-465/03, précité, Rec. p. I-4357).

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Contrats et obligations

[Jurisprudence] Incidence du droit de la preuve électronique sur la mise en oeuvre de l'exigence de l'article 1326 du Code civil

Réf. : Cass. civ. 1, 13 mars 2008, n° 06-17.534, M. Jean-Claude Darmon, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3931D7Q)

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

Le 07 Octobre 2010

La mise en oeuvre de la règle posée par l'article 1326 du Code civil (N° Lexbase : L1437ABT), aux termes duquel "l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent [...] doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme [...] en toutes lettres et en chiffres", n'est pas sans soulever un certain nombre de difficultés. Nul n'ignore que la question de la nature de la règle a ainsi fait l'objet d'un certain nombre d'hésitations, la jurisprudence (spécialement la première chambre civile de la Cour de cassation) ayant été tentée, à une certaine époque, d'y voir une règle non plus de preuve (ce qu'elle avait pourtant toujours été), mais bien une règle de forme et, donc, de considérer que le non-respect de la règle emportait la nullité de l'opération (1). La discussion fut finalement tranchée par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation qui, en affirmant que l'engagement souscrit par la caution doit comporter sa signature ainsi que la mention, écrite de sa main, de la somme en toutes lettres et en chiffres de toute obligation déterminable au jour de l'engagement et, surtout, en décidant que ces règles de preuve ont pour finalité la protection de la caution, marquait un retour à une plus grande orthodoxie juridique (2). Mais si cette question a reçu une réponse satisfaisante, ainsi, d'ailleurs, que celle, non moins discutée, des accessoires dus par la caution (3), il reste que l'exigence de l'article 1326 continue de susciter un contentieux non négligeable (4). A quoi s'ajoute le fait que la modification de l'article 1326 par la loi du 13 mars 2000, portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et signature électronique (loi n° 2000-230 N° Lexbase : L0274AIY) n'est pas, elle non plus, sans soulever quelques incertitudes : le texte exige en effet, depuis cette date, que la mention soit écrite par le débiteur "lui-même", et plus forcément, comme c'était le cas auparavant, "de sa main". Un important arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 13 mars 2008, faisant l'objet d'une diffusion maximale (à paraître au Bulletin, en ligne sur le site de la Cour et annoncé comme devant figurer dans son prochain Rapport annuel), mérite à cet égard d'être ici signalé.

En l'espèce, produisant seulement un acte sous seing privé au contenu intégralement dactylographié, et par lequel un individu reconnaissait lui devoir, en lettres et en chiffres, le montant d'un prêt antérieurement consenti par virement bancaire, le prêteur l'avait assigné en remboursement. Mais, pour le débouter de sa demande, les juges du fond avaient retenu que l'acte produit, sur lequel seule la signature était de la main du débiteur, ne constituait qu'un commencement de preuve par écrit.

Autrement dit, les juges, qui avaient considérer que l'instrumentum était, au regard des exigences de l'article 1326 du Code civil, irrégulier, en avaient, assez classiquement d'ailleurs, une fois ce constat établi, déduit que l'acte ne valait que commencement de preuve par écrit au sens de l'article 1347 du Code civil (5). Leur décision est cassée, sous le visa de l'article 1326 du Code civil, la Haute juridiction décidant en effet "qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé", étant entendu, affirme-t-elle, qu'il résulte de ce texte, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 [...], que si la mention de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres, écrite par la partie même qui s'engage, n'est plus nécessairement manuscrite, elle doit alors résulter, selon la nature du support, d'un des procédés d'identification, conforme aux règles qui gouvernent la signature électronique ou de tout autre procédé permettant de s'assurer que le signataire est le souscripteur de ladite mention".

Il faut bien comprendre que l'arrêt ne tranche pas la question, souvent rencontrée en jurisprudence, de savoir quelle est la valeur probante de l'acte au cas où la mention serait éventuellement incomplète -par exemple absence de la mention en chiffres (6)-. Ici, la mention était, en tant que telle, complète, mais le problème venait du fait que le contenu de l'acte (et donc la mention elle-même) était intégralement dactylographié, seule la signature étant de la main du débiteur (7). Or, la loi du 13 mars 2000 ayant permis que l'instrumentum soit constitué sur support papier ou sous forme électronique (C. civ., art. 1316 N° Lexbase : L1427ABH, 1316-1 N° Lexbase : L0627ANK et 1316-3 N° Lexbase : L0629ANM), écartant ainsi le caractère nécessairement manuscrit de la mention, la mesure de l'incidence de cette réforme sur la mise en oeuvre de l'article 1326 pouvait sembler quelque peu incertaine (8). Et il est manifeste que la solution des juges du fond décidant, en l'espèce, que l'acte était irrégulier au regard des exigences de l'article 1326 du Code civil au motif que la mention n'était pas manuscrite, conduisait à vider de sa substance la modification du texte par la loi du 13 mars 2000. L'arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 13 mars dernier aura, au moins, le mérite d'apporter une précision utile en la matière : le fait que l'acte ne soit pas manuscrit ne signifie pas que la prescription de l'article 1326 n'est pas satisfaite, dès lors, au moins, que des procédés fiables permettent d'avoir la certitude que le signataire de l'acte est bien l'auteur de la mention. Si tel est bien le cas, alors l'instrumentum fera pleinement la preuve de l'existence et de l'étendue de l'engagement du débiteur. Sans doute, d'un point de vue théorique, la solution est-elle acceptable. Mais, pratiquement, peut-on réellement considérer qu'un simple document dactylographié, certes signé, offre des garanties suffisantes permettant de s'assurer que l'auteur de la mention en est bien le signataire ?


(1) Voir, not., P. Sargos, Rapport à la Cour de cassation, 1986, p. 39 et s..
(2) Cass. civ. 1, 15 novembre 1989, n° 87-18.003, M. Delous c/ Société Europe computer systèmes (N° Lexbase : A8588AHK), Bull. civ. I, n° 348, Grands arrêts de la jurisprudence civile, n° 276.
(3) Cass. civ. 1, 29 octobre 2002, n° 00-15.223, M. Gérard Gendilloux c/ Caisse de Crédit mutuel Herserange-Longlaville, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4051A3G), n° 99-18.017, M. Jean-Louis Lapie c/ Caisse méditerranéenne de financement (CAMEFI), FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4093A3Y) et n° 00-21.881, Mme Christiane Boutic, épouse Thivel c/ Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) du Centre-Est, FS-P (N° Lexbase : A4008A3T), Bull. civ. I, n° 247, 248 et 250 ; lire nos obs., Mention manuscrite : retour rapide sur la preuve complémentaire au commencement de preuve constitué par l'instrumentum irrégulier, Lexbase Hebdo n° 133 du 8 septembre 2004 - édition affaires (N° Lexbase : N2692ABC).
(4) Voir, not., Cass. civ. 1, 25 mai 2005, n° 04-14.695, Mme Micheline Desmarecaux, veuve Maret c/ Caisse régionale du Crédit agricole mutuel Nord de France, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3991DIN), Bull. civ. I, n° 228 ; Cass. civ. 1, 14 juin 2005, n° 04-11.760, Union bancaire du Nord c/ M. Gérard Jouan, F-D (N° Lexbase : A7581DIM), Gaz. Pal., 2005, p. 3443, note Daussy-Roman.
(5) Cass. civ. 1, 16 janvier 1985, n° 83-11.029, Epoux Migraine c/ Crédit d'équipement (N° Lexbase : A3815AGE), Bull. civ. I, n° 24 ; Cass. com., 26 juin 1990, deux arrêts, n° 88-14.659, M. Scerri c/ Société Crédit universel (N° Lexbase : A3658AHX) et n° 89-11.555, Mme X. c/ Société Crédit universel (N° Lexbase : A4171AGL), Bull. civ. IV, n° 188 et n° 189 ; Cass. civ. 1, 15 octobre 1991, n° 89-21.936, M. Frédéric Suma c/ Epoux Del Giudice et autres (N° Lexbase : A0589AYH), GAJC, 11ème éd., n° 275-277.
(6) Cass. civ. 1, 18 septembre 2002, n° 99-13.192, M. Christian Vandenheuvel c/ M. Michel Cappelli, F-P+B (N° Lexbase : A4423AZT), Bull. civ. I, n° 207 ; Cass. civ. 1, 6 juillet 2004, n° 01-15.041, M. Gabriel Chambon c/ M. Jacques Balber, FS-P (N° Lexbase : A0153DDZ), Bull. civ. I, n° 199 ; Cass. civ. 1, 21 mars 2006, n° 04-18.673, M. Roland Martin c/ M. Guy Martin, F-P+B (N° Lexbase : A7972DNL), Bull. civ. I, n° 167.
(7) En tout état de cause, à défaut de signature, le débiteur n'est pas obligé : Cass. civ. 1, 13 novembre 2002, n° 99-15.299, M. Guy Deromedi c/ Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME), F-P (N° Lexbase : A7269A3M), Bull. civ. I, n° 158.
(8) Voir, not., pour le cautionnement, Ph. Simler et Ph. Delebecque, Droit civil, Les sûretés, La publicité foncière, Précis Dalloz, 4ème éd., n° 135, p. 116.

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Famille et personnes

[Jurisprudence] Le mari, la femme et l'amant... mais où est donc passé l'enfant ?

Réf. : Cass. civ. 1, 19 mars 2008, n° 07-11.573, Mme Hélène Debay, épouse Bel, FS-P+B (N° Lexbase : A4900D7M)

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N6628BE9

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux

Le 07 Octobre 2010

L'arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 mars 2008 semble sonner le glas de la faveur traditionnelle de la Cour de cassation pour le mari dans les affaires de "rapt juridique" de l'enfant de l'amant par les époux réconciliés. En l'espèce, en effet, l'enfant né quelques neuf mois après la liaison d'une femme mariée avec son amant avait bénéficié de la mise en oeuvre de la présomption de paternité du mari et d'une reconnaissance de l'amant intervenue quatre mois avant sa naissance. Sous l'empire du droit ancien, l'ordonnance du 4 juillet 2005 (ordonnance n° 2005-759, portant réforme de la filiation N° Lexbase : L8392G9P) étant inapplicable en l'espèce (1), la Cour de cassation admet la recevabilité et le bien fondé de l'action en contestation de filiation légitime intentée par l'auteur de la reconnaissance, considérant qu'aucune "possession d'état d'enfant légitime paisible, sans équivoque et continue" ne s'était constituée. Cette position assez inédite de la Cour de cassation s'inscrit dans un contexte procédural particulièrement contestable puisque l'enfant est singulièrement absent du débat judiciaire. I - L'absence regrettable de l'enfant

L'enfant représenté. Les époux B. critiquaient, à juste titre, l'absence de mise en cause de l'enfant par le demandeur dans la procédure relative à l'action en contestation de sa filiation légitime. La Cour de cassation approuve cependant la cour d'appel d'avoir considéré que les époux étaient les représentants de l'enfant "dont les intérêts ne sont pas en opposition avec ceux des époux", ces derniers ayant été attraits à la procédure "tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de l'enfant". Si le fait que les époux B. puissent en droit représenter leur fille, même en l'absence de précision en ce sens de l'assignation, n'était pas contestable, il n'en va pas de même de l'opportunité de cette représentation.

L'opposition d'intérêts. L'action en contestation de filiation est par nature susceptible de susciter une opposition d'intérêts entre l'enfant et son représentant. Celle-ci est, en effet, évidente à l'égard du parent dont la filiation est contestée, mais elle peut également exister à l'égard de l'autre parent dont l'implication personnelle est incontestable. Avant l'ordonnance du 4 juillet 2005, l'article 317 du Code civil (N° Lexbase : L2759ABS) prévoyait que l'action en désaveu était dirigée contre un administrateur ad hoc désigné à l'enfant par le juge des tutelles, sans que ce dernier n'ait aucun pouvoir d'appréciation, la loi posant dans cette hypothèse une présomption irréfragable d'opposition d'intérêts. Il est regrettable que cette disposition n'ait pas été maintenue et étendue à toutes les actions en contestation de la filiation, voire à toutes les actions relatives à la filiation qui portent en germe une opposition d'intérêts entre l'enfant et son représentant légal. En l'espèce, il est vraisemblable que le mari ne soit pas le père de l'enfant, ce qui expliquerait qu'il ait refusé de se prêter à une expertise génétique.

La représentation de l'enfant par un tiers. L'intervention d'un tiers, représentant indépendant des intérêts de l'enfant, en la personne de l'administrateur ad hoc de l'article 388-2 du Code civil (N° Lexbase : L2943ABM) parait pour le moins nécessaire. L'opposition d'intérêts n'exige pas qu'un conflit d'intérêts soit caractérisé mais seulement qu'existent des intérêts susceptibles de diverger. Il est vrai que cette opposition d'intérêts est moins marquée lorsque, comme en l'espèce, le représentant légal ne prend pas l'initiative de la contestation de la filiation puisqu'il ne s'agit pas pour lui de prendre de décision quant à l'opportunité de cette action. Il n'en reste pas moins que, même dans le cadre de la défense de l'enfant dans la procédure en contestation de la filiation légitime, la représentation de ses intérêts devrait être distincte de la représentation des intérêts de celui dont la paternité est contestée. De ce point de vue, l'arrêt du 19 mars 2008 tranche, de manière critiquable, avec certaines décisions antérieures qui confèrent une place essentielle à la représentation autonome de l'intérêt de l'enfant dans les procédures relatives à la contestation de sa filiation (2).

II - La recevabilité opportune de l'action en contestation de filiation légitime

La fin du privilège de la présomption de paternité. L'arrêt du 19 mars 2008 rompt avec une jurisprudence plutôt favorable au mari dans les hypothèses de conflit de filiations. La Cour de cassation avait, en effet, tendance, dans des situations similaires, à privilégier la présomption de paternité au prix parfois d'une application extensive de la possession d'état d'enfant légitime. Il avait, en effet, été jugé précédemment que la reconnaissance de l'amant est efficace, seulement s'il n'y a pas de possession d'état d'enfant légitime en vertu de l'ancien article 334-9 du Code civil (N° Lexbase : L2805ABI) (3), la constitution postérieure d'une possession d'état à l'égard du mari de la mère pouvant, selon certains auteurs, permettre à la présomption de paternité de retrouver son empire, en dépit d'une reconnaissance antérieure à la naissance (4). En l'espèce, les époux invoquaient une possession d'état prénatale. La Cour de cassation considère que la cour d'appel n'a pas rejeté la possibilité qu'existe une telle possession d'état. Les juges du fond ont estimé, au regard des circonstances de la cause et particulièrement du fait que l'amant avait revendiqué sa paternité durant la grossesse, que la possession d'état invoqué ne revêtait pas les qualités exigées par la loi. Le fait même que deux hommes se prétendent le père du même enfant contribue, en effet, à troubler la possession d'état de cet enfant à l'égard de l'un d'entre eux ! L'absence de possession d'état rendait l'action en contestation de filiation légitime recevable et le juge était, ensuite, contraint d'ordonner une expertise génétique. Le refus des époux de se soumettre à un examen comparé des sangs a naturellement conduit le tribunal à accueillir la contestation de la filiation et à déclarer valable la reconnaissance du demandeur.

Réforme de la filiation. La solution adoptée par la Cour de cassation constitue une anticipation de la réforme de la filiation issue de l'ordonnance du 4 juillet 2005, qui ne pouvait être appliquée en l'espèce. L'article 333 du Code civil (N° Lexbase : L8835G94) dispose, désormais, que la filiation fondée sur un titre corroboré par une possession d'état conforme inférieure à cinq ans peut être contestée, notamment par le parent prétendu, pendant cinq ans après la cessation de cette possession d'état. En l'espèce, l'application de cette disposition aurait abouti à la même décision, en faisant l'économie de la démonstration de l'absence de possession d'état.

Conflit de filiations. La décision du 19 mars 2008 soulève, cependant, la question délicate du conflit de filiations. En l'espèce, comme dans toutes les affaires similaires, on a considéré que la filiation légitime était établie en premier lieu et qu'il fallait la contester pour que la reconnaissance puisse être valable. Or, la reconnaissance était intervenue avant la naissance. Si on peut considérer que, avant comme après la réforme, la reconnaissance prénatale n'empêche pas le jeu de la présomption de paternité (5), il faut admettre que la reconnaissance prénatale n'établit la filiation qu'au jour de la naissance (6) et que dans le même temps, la présomption de paternité joue à la même date (7), ce qui devrait provoquer un conflit de filiations. Une telle espèce met en évidence les limites du principe chronologique posé par l'article 320 du Code civil (N° Lexbase : L8822G9M) tel qu'issu de l'ordonnance du 4 juillet 2005. La circulaire n° 2006-13 portant présentation de l'ordonnance (circulaire du 30 juin 2006 N° Lexbase : L8645H3L) propose une solution favorable à la présomption de paternité en considérant que, si le lien de filiation indiqué dans la déclaration de naissance contredit une filiation antérieurement établie, notamment par une reconnaissance prénatale, l'officier d'état civil doit en référer au parquet qui doit avertir son auteur de la nécessité de contester la filiation inscrite dans l'acte de naissance (8). Le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 4 juillet 2005 (9) propose une autre solution, sans doute plus opportune. Un nouvel article 336-1 du Code civil prévoirait ainsi que, "lorsqu'il détient une reconnaissance paternelle prénatale dont les énonciations relatives à son auteur sont contredites par les informations concernant le père que lui communique le déclarant, l'officier de l'état civil [...] établit l'acte de naissance au vue des informations communiquées par le déclarant. Il en avise sans délai le procureur de la République qui élève le conflit de paternité sur le fondement de l'article 336".


(1) L'assignation étant intervenue le 5 octobre 2001, c'est le droit antérieur à l'ordonnance du 4 juillet 2005 qui s'appliquait en l'espèce.
(2) TGI Lyon, 5 juillet 2007, D., 2007, p. 3052, obs. A. Gouttenoire ; Cass. civ. 1, 25 avril 2007, n° 06-13.872, M. Henri Gabert, F-P+B (N° Lexbase : A0331DW8), AJFamille, 2007, p. 273, obs. F. Chénédé, Dr. fam., 2007, comm. n° 170, obs. P. Murat.
(3) Cass. civ. 1, 14 février 2006, n° 03-19.533, M. Lionel Salley c/ M. Dominique Leverd, FS-P+B (N° Lexbase : A9793DMN), Petites affiches, 28 février 2006, p. 5, obs. E. Barret ; Cass. civ. 1, 4 mai 1994, n° 92-14.537, M. X c/ Epoux Y (N° Lexbase : A3883ACS), D., 1995, p. 601, note S. Mirabail.
(4) F. Terré et D. Fenouillet, Les personnes, La famille, Les incapacités, 7ème éd., Dalloz, 2005, p. 785, n° 840 ; cette possibilité a été exclue par l'ordonnance du 4 juillet 2005 : cf. infra.
(5) A. Dionisi-Peyrusse, La sécurisation de la filiation paternelle par l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, D., 2006, p. 612.
(6) Cass. civ. 1, 7 avril 2006, n° 05-11.285, M. Philippe X c/ M. Jean-Luc Z, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9588DNG), Dr. fam., 2006, n° 214, comm. P. Murat ; RJPF, 2006, n° 6, p. 23, obs. M.-C. Le Boursicot.
(7) A supposer que la naissance soit déclarée le jour même.
(8) F. Granet-Lambrechts, J.-Cl. civ., V° Filiation, 2006, fasc. 212.
(9) G. Vial, Réforme de la filiation : les surprises du projet de ratification de l'ordonnance du 4 juillet 2005, Dr. fam., 2008, Etude n° 5.

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Social général

[Panorama] Panorama des arrêts inédits rendus par la Cour de cassation - Semaine du 31 mars 2008 au 5 avril 2008

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N6587BEP

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Le 07 Octobre 2010

Retrouvez, chaque semaine, une sélection des arrêts inédits de la Cour de cassation, les plus pertinents, classés par thème.
  • Réorganisation d'une entreprise/Licenciement économique

- Cass. soc., 2 avril 2008, n° 07-40.640, Mme Marie-Yvette Carval, épouse Picard, F-D (N° Lexbase : A7746D7Z) : La réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique autonome de licenciement. Dès lors, la cour d'appel, qui a constaté que la lettre de licenciement faisait état de l'ouverture, par une association, d'un centre multimédia entraînant la suppression de l'emploi de la salariée, n'a pas méconnu les articles L. 122-14-2 (N° Lexbase : L5567AC8) et L. 321-1 (N° Lexbase : L8921G7K) du Code du travail .

  • Modification du contrat de travail/Refus du salarié/Obligation de reclassement

- Cass. soc., 2 avril 2008, n° 06-42.438, M. Marc Boucaron, F-D (N° Lexbase : A7667D74) : La proposition d'une modification du contrat de travail, que le salarié peut refuser, ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement. Dès lors, en statuant comme elle l'a fait, alors que l'employeur s'était borné à proposer au salarié, dans le cadre de la modification du contrat de travail, le transfert de son poste de travail sur le nouveau site, après fermeture de l'ancien, sans effectuer aucune recherche de reclassement, avant de lui notifier son licenciement pour motif économique, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8921G7K) .

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Sécurité sociale

[Jurisprudence] Les URSSAF ne sont pas des entreprises au sens du droit européen de la concurrence

Réf. : Cass. civ. 2, 20 mars 2008, n° 07-13.321, M. Bertrand Vallier, F-P+B (N° Lexbase : A4924D7I)

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N6502BEK

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

En Europe comme en France, le marché de la santé, pour une large part encore fermé aux compagnies d'assurance en raison de la situation monopolistique des caisses de Sécurité sociale, continue d'attiser leur convoitise, alors même que la jurisprudence, tant communautaire qu'interne, a refusé de qualifier les organismes de Sécurité sociale d'entreprise et de les soumettre au droit européen de la concurrence. Tel est le principe rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 20 mars dernier. En l'espèce, une URSSAF avait rejeté la demande, formée par un agent d'assurances, de remboursement des cotisations sociales dont il s'était acquitté au titre des années 2002 à 2005. Celui-ci a saisi la juridiction de Sécurité sociale. La cour d'appel d'Amiens, dans un arrêt du 30 janvier 2007 (CA Amiens, 5ème ch. soc., cabinet A, 30 janvier 2007) décidait que l'URSSAF avait la capacité juridique et était compétente pour recouvrer auprès de lui les cotisations et contributions sociales. Le pourvoi, formé contre cet arrêt, par l'agent d'assurance, est rejeté par la Cour de cassation, qui se conforme à une jurisprudence constante. Les URSSAF sont des organismes de droit privé chargés de l'exécution d'une mission de service public. Ils tiennent des dispositions de l'article L. 213-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L3386HWC), qui les institue, leur capacité juridique et leur qualité à agir dans l'exécution des missions qui leur ont été confiées par le législateur. N'étant pas soumises au droit de la concurrence et leur activité de recouvrement n'entrant dans aucune des catégories définies à l'article 1er du Code des marchés publics (N° Lexbase : L2661HPA), les unions de recouvrement ne sauraient être assujetties aux Directives communautaires concernant ces marchés.

Pour résumer, la jurisprudence aussi bien communautaire qu'interne rejette la qualification d'entreprise aux organismes de Sécurité sociale (I) ainsi qu'à certains organismes de protection sociale (II).

Résumé

Les URSSAF sont des organismes de droit privé chargés de l'exécution d'une mission de service public. Ils tiennent des dispositions de l'article L. 213-1 du Code de la Sécurité sociale, qui les institue, leur capacité juridique et leur qualité à agir dans l'exécution des missions qui leur ont été confiées par le législateur. N'étant pas soumises au droit de la concurrence et leur activité de recouvrement n'entrant dans aucune des catégories définies à l'article 1er du Code des marchés publics, les unions de recouvrement ne sauraient être assujetties aux Directives communautaires concernant ces marchés. Les URSSAF, instituées en vue de répondre à une mission exclusivement sociale fondée sur le principe de la solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif, ne constituent pas des entreprises au sens des règles européennes de la concurrence.

Commentaire

I - Statut des Caisses d'assurance maladie et autres organismes de la Sécurité sociale en droit européen de la concurrence

A - Organismes de droit interne

  • URSSAF

En l'espèce, un agent d'assurances fait grief à l'arrêt de dire que l'URSSAF avait la capacité juridique et était compétente pour recouvrer auprès de lui les cotisations et contributions sociales. Il invoquait, devant la Cour de cassation, qu'en retenant que cet organisme de droit privé ne serait pas soumis aux dispositions des Directives 92/50 CEE du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (N° Lexbase : L7532AUI), et 2004/18 CEE du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés de travaux, de fournitures et de services (N° Lexbase : L1896DYU), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des textes susvisés. Au contraire, la Cour de cassation rappelle, comme nous l'avons déjà noté, que les URSSAF sont des organismes de droit privé chargés de l'exécution d'une mission de service public. Ils tiennent des dispositions de l'article L. 213-1 du Code de la Sécurité sociale, qui les institue, leur capacité juridique et leur qualité à agir dans l'exécution des missions qui leur ont été confiées par le législateur. N'étant pas soumises au droit de la concurrence et leur activité de recouvrement n'entrant dans aucune des catégories définies à l'article 1er du Code des marchés publics, les unions de recouvrement ne sauraient être assujetties aux Directives communautaires concernant ces marchés.

Par ailleurs, le même agent faisait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir poser devant la Cour de justice des Communautés européennes les trois questions préjudicielles formulées dans ses conclusions, alors que les questions tirées de la capacité, au regard des règles communautaires des URSSAF à percevoir des cotisations sociales pour le compte d'organismes de Sécurité sociale apparaissaient pertinentes. En refusant de faire droit aux demandes de questions préjudicielles formées par lui, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 49 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2734ADM). Mais, selon la Cour de cassation, les URSSAF, instituées en vue de répondre à une mission exclusivement sociale fondée sur le principe de la solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif, ne constituent pas des entreprises au sens des règles européennes de la concurrence. Leur activité de recouvrement n'entre dans aucune des catégories définies à l'article 1er du Code des marchés publics. Les Directives européennes concernant ces marchés ne leurs sont pas applicables.

  • La CNAM

La jurisprudence administrative s'est alignée sur celle de la CJCE. En effet, pour le Conseil d'Etat, il résulte de l'interprétation donnée par la CJCE (CJCE, 17 février 1993, aff. C-159/91 et aff. C-160/91, Christian Poucet c/ Assurances générales de France et Caisse mutuelle régionale du Languedoc-Roussillon et Daniel Pistre c/ Caisse autonome nationale de compensation de l'assurance vieillesse des artisans (Cancava) N° Lexbase : A5814AYY), que les caisses du régime général de Sécurité sociale, qui concourent à la gestion du service public de la Sécurité sociale dans le cadre d'un régime obligatoire mettant en oeuvre le principe de la solidarité et sans poursuivre de but lucratif, n'exercent pas une activité économique (CE Contentieux, 10 novembre 1999, n° 203779, Syndicat national de l'industrie pharmaceutique et autres N° Lexbase : A4247AXL). Elles ne constituent pas des entreprises au sens de l'article 85 du Traité de Rome . Il en va, ainsi, en particulier, des caisses nationales d'assurance maladie, y compris lorsqu'elles concluent avec les organisations syndicales représentatives de médecins, en application des articles L. 162-5 (N° Lexbase : L1382GUQ) et L. 162-5-2 (N° Lexbase : L1383GUR) du Code de la Sécurité sociale, une ou des conventions destinées à définir les conditions de la prise en charge par le régime obligatoire de Sécurité sociale des soins dispensés aux assurés sociaux par les médecins d'exercice libéral, conventions qui peuvent prévoir la mise en place de filières de soins.

  • Régime des travailleurs non salariés non agricoles

La CJCE avait interprété l'article 2 § 2 de la Directive 92/49 du 18 juin 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie et modifiant les Directives 73/239/CEE et 88/357/CEE (N° Lexbase : L7533AUK), en ce sens que des régimes de Sécurité sociale, tels que les régimes légaux de Sécurité sociale français, dont relèvent l'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles, l'assurance vieillesse des professions artisanales et l'assurance vieillesse des professions industrielles et commerciales, en sont exclus (CJCE, 26 mars 1996, aff. C-238/94, José García e.a. c/ Mutuelle de prévoyance sociale d'Aquitaine e.a. N° Lexbase : A9570AUY (1)). En effet, cette disposition établit clairement qu'elle exclut du champ d'application de la Directive, non seulement les organismes de Sécurité sociale, mais, également, les assurances et les opérations qu'ils effectuent à ce titre. Les Etats membres ont conservé leur compétence pour aménager leurs systèmes de Sécurité sociale et donc pour organiser des régimes obligatoires fondés sur la solidarité, régimes qui ne pourraient survivre si la Directive qui implique la suppression de l'obligation d'affiliation devait leur être appliquée.

De même, en droit interne, la Cour de cassation s'est alignée sur cette solution, en précisant que le régime de Sécurité sociale des travailleurs non salariés des professions non agricoles constitue un régime légal obligatoire de Sécurité sociale fondé sur un principe de solidarité et fonctionnant sur la répartition, et non la capitalisation. Quelle que soit leur forme juridique, les caisses en assurant la gestion ne constituent pas des entreprises au sens du Traité instituant la Communauté européenne. L'activité de ces organismes n'entrent pas dans le champs d'application des Directives concernant la concurrence en matière d'assurance (Cass. civ. 2, 23 mai 2007, n° 06-13.467, F-D N° Lexbase : A4922DW9 ; dans le même sens, et dans les mêmes termes, Cass. civ. 2, 25 avril 2007, n° 06-13.743, F-D N° Lexbase : A0329DW4).

La cour d'appel de Paris s'est ralliée à cette solution, s'agissant d'un travailleur indépendant (CA Paris, 18ème ch., sect. B, 11 octobre 2007, n° 05/00764, Mme Jacqueline Burlot Ecole de danse Lyne Burlot c/ Service N° Lexbase : A5850D33). En l'espèce, la cour a relevée que l'intéressée est fiscalement domiciliée en France. Elle est donc bien redevable de la CSG et de la CRDS sur les revenus qu'elle tire de son activité libérale, peu important qu'elle ait décidé de souscrire une assurance privée dans un autre pays de l'Union, son affiliation à ce régime légal de Sécurité sociale demeurant obligatoire sans que les risques encourus puissent être dissociés. Selon la cour d'appel, il est donc inexact de soutenir que les organismes de Sécurité sociale français chargés de la gestion d'un régime de Sécurité sociale légal et obligatoire, comme c'est le cas de l'URSSAF, sont tous apparentés à des mutuelles et qu'ils ont été privés de leur monopole faute de poursuivre une mission de service public et d'oeuvrer pour la solidarité nationale, en refusant l'ouverture du marché de la protection sociale à la libre concurrence des opérateurs privés proposant une tarification individualisée (mutuelles, société d'assurance), alors même que la France a fait le choix d'une Sécurité sociale protégeant solidairement l'ensemble de la population, quelles que soient les caractéristiques d'âge ou de santé des bénéficiaires. La contrepartie de cette solidarité est l'obligation, pour tous, de participer et de cotiser à un socle commun de base, qui est la meilleure garantie d'une protection sociale de haut niveau, solidaire et durable pour tous, peu important que le financement de cette protection sociale ne repose pas essentiellement sur le produit de l'impôt, mais sur des cotisations et contributions sociales dont l'assiette a été élargie à l'ensemble des revenus d'activité et de remplacement, contribuant ainsi à renforcer la participation de tous les acteurs sociaux à la cohésion nationale.

Toujours en droit communautaire, la CJCE avait précisé que les caisses de maladie ou les organismes qui concourent à la gestion du service public de la Sécurité sociale remplissent une fonction de caractère exclusivement social (CJCE, 17 février 1993, aff. C-159/91, préc. (2)). Cette activité est fondée sur le principe de la solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif. Les prestations versées sont des prestations légales et indépendantes du montant des cotisations. Cette activité n'est pas une activité économique. Les organismes qui en sont chargés ne constituent pas des entreprises au sens des articles 85 et 86 du Traité de Rome. La notion d'entreprise, au sens des articles 85 et 86 du Traité, ne vise pas, en effet, les organismes chargés de la gestion de régimes de Sécurité sociale.

Enfin, la Cour de cassation estimait que la Caisse autonome de retraite des médecins français (CARMF) gère un régime légal obligatoire de Sécurité sociale fonctionnant sur la répartition et non sur la capitalisation et fondé tant en ce qui concerne le régime de base que les régimes complémentaires sur la solidarité (Cass. soc., 22 juin 2000, n° 98-22.495, M. Pierron c/ Caisse autonome de retraite des médecins français N° Lexbase : A3766AUZ, Bull. civ. V, n° 241, p. 188). Elle ne constitue pas une entreprise au sens du Traité instituant la Communauté européenne. Les régimes qu'elle gère n'entrent pas dans le champ d'application des Directives concernant la concurrence en matière d'assurance.

B - Organismes en droit comparé

  • Caisse de maladie (droit allemand)

La CJCE a considéré que certains organismes chargés de la gestion de régimes légaux d'assurance maladie et d'assurance vieillesse poursuivent un objectif exclusivement social et n'exercent pas une activité économique (CJCE, 16 mars 2004, aff. C-264/01, AOK Bundesverband c/ Ichthyol-Gesellschaft Cordes, Hermani & Co N° Lexbase : A5822DBA (3)). Tel est le cas de caisses de maladie qui ne font qu'appliquer la loi et n'ont aucune possibilité d'influer sur le montant des cotisations, l'utilisation des fonds et la détermination du niveau des prestations. En effet, leur activité, fondée sur le principe de la solidarité nationale, est dépourvue de tout but lucratif et les prestations versées sont des prestations légales, indépendantes du montant des cotisations (CJCE, 17 février 1993, aff. C-159/91, préc., points 15 et 18) (point 47).

Les caisses de maladie sont légalement contraintes d'offrir à leurs affiliés des prestations obligatoires, qui sont indépendantes du montant des cotisations. Ces caisses n'ont, ainsi, aucune possibilité d'influer sur ces prestations (point 52). Les caisses de maladie ne sont donc pas en concurrence entre elles, ni avec des établissements privés pour l'octroi des prestations légales obligatoires en matière de soins ou de médicaments qui constitue leur fonction essentielle (point 53). Ces caisses de maladie s'apparentent aux organismes visés dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts "Poucet" (CJCE, 17 février 1993, aff. C-159/91, préc.) et "Pistre" (CJCE, 17 février 1993, aff. C-160/91, préc.), ainsi que "Cisal" (CJCE, 22 janvier 2002, aff. C-218/00, Cisal di Battistello Venanzio & C. Sas c/ Istituto nazionale per l'assicurazione contro gli infortuni sul lavoro (INAIL) N° Lexbase : A8473AX4) et que leur activité doit être considérée comme étant de nature non économique. L'activité d'organismes tels que les caisses de maladie n'étant pas de nature économique, il s'ensuit que ces organismes ne constituent pas des entreprises au sens des articles 81 et 82 du Traité CE.

  • Régime d'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles (droit italien)

En concourant à la gestion de l'une des branches traditionnelles de la Sécurité sociale (assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles), l'INAIL (Institut national d'assurance contre les accidents du travail) remplit une fonction de caractère exclusivement social (CJCE, 22 janvier 2002, aff. C-218/00, Cisal di Battistello Venanzio & C. Sas c/ Istituto nazionale per l'assicurazione contro gli infortuni sul lavoro (INAIL) N° Lexbase : A8473AX4 (4)). Son activité n'est pas une activité économique au sens du droit de la concurrence. Cet organisme ne constitue pas une entreprise au sens des articles 85 et 86 du Traité (point 45). La notion d'entreprise, au sens des articles 85 et 86 du Traité, ne vise pas un organisme qui est chargé par la loi de la gestion d'un régime d'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, tel que l'INAIL (point 46).

II - Autres organismes de protection sociale

A - Fonds de pension gérant un régime de vieillesse

Un fonds de pension, qui détermine lui-même le montant des cotisations et des prestations et fonctionne selon le principe de la capitalisation, qui a été chargé de la gestion d'un régime de pension complémentaire, instauré par une organisation représentative des membres d'une profession libérale, et auquel l'affiliation a été rendue obligatoire par les pouvoirs publics pour tous les membres de cette profession, est une entreprise au sens des articles 85, 86 et 90 du Traité de Rome (CJCE, 12 septembre 2000, aff. C-180/98, Pavel Pavlov e. a. c/ Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten N° Lexbase : A5114AY3 (5)).

Il résulte d'une interprétation des articles 3-g et i , 85 § 1 du traité , 118 et 118 B du Traité , que des accords conclus dans le cadre de négociations collectives entre partenaires sociaux en vue d'atteindre des objectifs de politique sociale, tels que l'amélioration des conditions d'emploi et de travail, doivent être considérés, en raison de leur nature et de leur objet, comme ne relevant pas de l'article 85 § 1 du Traité (CJCE, 21 septembre 1999, aff. C-67/96, Albany International BV c/ Stichting Bedrijfspensioenfonds Textielindustrie N° Lexbase : A8062AYA (6)).

Ne relève pas de l'article 85 § 1 du Traité, en raison de sa nature et de son objet, un accord conclu sous la forme d'une convention collective qui met en place, dans un secteur déterminé, un régime de pension complémentaire géré par un fonds de pension auquel l'affiliation peut être rendue obligatoire par les pouvoirs publics. Un tel régime vise à garantir un certain niveau de pension à tous les travailleurs de ce secteur et contribue, dès lors, directement à l'amélioration de l'une des conditions de travail des travailleurs, à savoir leur rémunération. Les articles 3-g, 5 et 85 du Traité ne s'opposent pas à la décision des pouvoirs publics de rendre obligatoire, à la demande des organisations représentatives des employeurs et des travailleurs d'un secteur déterminé, l'affiliation à un fonds sectoriel de pension.

Pour la CJCE, est une entreprise un fonds de pension chargé de la gestion d'un régime de pension complémentaire, instauré par une convention collective conclue entre les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs d'un secteur déterminé, auquel l'affiliation a été rendue obligatoire par les pouvoirs publics pour tous les travailleurs de ce secteur et qui fonctionne selon le principe de la capitalisation et exerce une activité économique en concurrence avec les compagnies d'assurances. Ni l'absence de but lucratif, ni la poursuite d'une finalité sociale ne suffisent à enlever à un tel fonds sa qualité d'entreprise au sens des règles de concurrence du traité.

Ne relève pas de l'article 85 § 1 du Traité, en raison de sa nature et de son objet, un accord conclu sous la forme d'une convention collective, qui met en place, dans un secteur déterminé, un régime de pension complémentaire géré par un fonds de pension auquel l'affiliation peut être rendue obligatoire par les pouvoirs publics. Un tel régime vise à garantir un certain niveau de pension à tous les travailleurs de ce secteur et contribue dès lors directement à l'amélioration de l'une des conditions de travail des travailleurs, à savoir leur rémunération (CJCE, 21 septembre 1999, aff. C-115/97, Brentjens' Handelsonderneming BV c/ Stichting Bedrijfspensioenfonds voor de Handel in Bouwmaterialen N° Lexbase : A8074AYP (7)).

B - Centrale d'achat de produits pharmaceutiques

Dès lors qu'une entité achète un produit, non pas pour offrir des biens ou des services dans le cadre d'une activité économique, mais pour en faire usage dans le cadre d'une autre activité, par exemple, une activité de nature purement sociale, elle n'agit pas en tant qu'entreprise du seul fait de sa qualité d'acheteur sur un marché (TPICE, 4 mars 2003, aff. T-319/99, Federación Nacional de Empresas de Instrumentación Científica, Médica, Técnica y Dental (FENIN) c/ Commission des Communautés européennes N° Lexbase : A3680A7G, RJS, 6/03, p. 470). Une telle entité peut exercer un pouvoir économique très important, lequel pourrait donner lieu à une situation de monopsone, il n'en reste pas moins que, dans la mesure où l'activité pour l'exercice de laquelle elle achète ces produits n'est pas de nature économique, elle n'agit pas en tant qu'entreprise au sens des règles communautaires en matière de concurrence et n'est donc pas visée par les interdictions prévues aux articles 81 § 1 et 82du Traité CE. Le SNS, géré par les ministères et autres entités, fonctionne conformément au principe de solidarité dans son mode de financement par des cotisations sociales et autres contributions étatiques et dans sa prestation gratuite de services à ses affiliés sur la base d'une couverture universelle. Ainsi, ces organismes n'agissent pas en tant qu'entreprises dans leur activité de gestion du SNS. Ces organismes n'agissent pas non plus en tant qu'entreprises lorsqu'ils achètent le matériel sanitaire vendu par les entreprises membres de l'association requérante aux fins d'offrir des services de santé gratuits aux affiliés du SNS.


(1) Recueil 1996, p. I-01673 ; Europe, 1996, mai, Comm. nº 202, p. 17 ; P. Laigre, Régimes de Sécurité sociale et entreprises d'assurance, Dr. soc., 1996, p. 705 ; C. Gavalda, et G. Parléani, JCP éd. E, 1997, I, 653, nº 20.
(2) Recueil 1993, p. I-00637 ; RJS, 1993, p. 206 ; P. Laigre, Les organismes de Sécurité sociale sont-ils des entreprises ?, Dr. Soc., 1993, p. 488 ; Europe 1993, avril, Comm. nº 172, p. 12 ; C. Bolze, Droit communautaire de l'entreprise, Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique, 1993, p. 429 ; D., 1993, Som., p. 277 ; P. Chenillet, Assurance vieillesse, Communauté européenne et libre concurrence, RDSS, 1993, p. 556 ; M.-A. Hermitte, Chronique de jurisprudence du Tribunal et de la Cour de justice des Communautés européennes. Concurrence, Journal du droit international, 1994, p. 503-505.
(3) Recueil 2004 p. I-02493 ; M. Bazex et S. Blazy, Nature de la décision fixant les prix des médicaments remboursables, Dr. adm., 2004, nº 74 ; J.-P. Lhernould, La fixation du taux de remboursement des médicaments est-elle contraire aux règles du droit de la concurrence ?, RJS, 2004, p. 440-442 ; J.-M. Belorgey, S. Gervasoni et C. Lambert, Les caisses d'assurance maladie allemandes ne sont pas des entreprises, AJDA, 2004, p. 1085 ; S. Poillot-Peruzzetto, Nouvelle rencontre entre le droit de la concurrence et la matière sociale, Contrats - concurrence - consommation, 2004, nº 144, p. 30 ; L. Idot, Champ d'application, Europe 2004, mai, Comm. nº 142, p. 26 ; B. Kotschy, La notion d'"entreprise" de l'article 81 CE et les caisses de maladie allemandes, Revue du droit de l'Union européenne, 2004, nº 1, p.104.
(4) Recueil 2002, p. I-00691.
(5) Recueil 2000, p. I-06451 ; J.-P. Lhernould, Nouvelles dérives libérales de la CJCE en matière de retraite complémentaire, Dr. soc., 2000, p. 1114 ; S. Poillot-Peruzzetto, Contrats - concurrence - consommation, 2000, nº 180, p. 18 ; A. Rigaux, Europe 2000, novembre, Comm. nº 341, p. 11 ; L. Idot, Europe 2000, novembre, Comm. nº 355, p. 20 ; C. Humpe, Revue du droit de l'Union européenne 2000, nº 4, p. 937 ; F. Muller, Affiliation obligatoire de médecins spécialistes à un fonds de pension : compatibilité avec les règles du droit de la concurrence, RDSS, 2001, p. 179.
(6) Recueil 1999, p. I-05751 ; C. Humpe, La jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance, Revue du marché unique européen, 1999, nº 4, p. 200-205 ; A. Rigaux, et D. Simon, Europe 1999, novembre, Comm. nº 369, p. 14 ; H. Nyssens, Revue de droit commercial belge 2000, p. 64 ; C. Prieto, Chronique de jurisprudence du Tribunal et de la Cour de justice des Communautés européennes, Journal du droit international 2000, p. 510.
(7) Recueil 1999 p. I-06025 ; C. Humpe, La jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance, Revue du marché unique européen 1999, nº 4, p. 200 ; A. Rigaux et D. Simon, Europe 1999, novembre, Comm. nº 369, p. 14 ; H. Nyssens, Revue de droit commercial belge 2000, p. 64 ; RJS 2000, p. 239 ; J.-P. Lhernould, Le monopole des organismes de protection sociale (encore) à l'épreuve du droit communautaire de la concurrence, JCP 2000, II, 10325 ; C. Prieto, Chronique de jurisprudence du Tribunal et de la Cour de justice des Communautés européennes, Journal du droit international 2000, p. 510 ; S. Poillot-Peruzzetto, Droit européen des affaires, Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique 2000, p. 491.


Décision

Cass. civ. 2, 20 mars 2008, n° 07-13.321, M. Bertrand Vallier, F-P+B (N° Lexbase : A4924D7I)

Rejet (CA Amiens, 5ème ch. soc., cabinet A, 30 janvier 2007)

Textes visés : Directive 92/50 CEE du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (N° Lexbase : L7532AUI) ; Directive 2004/18 CEE du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés de travaux, de fournitures et de services (N° Lexbase : L1896DYU)

Mots-clefs : droit européen de la concurrence ; URSSAF ; qualification d'entreprise (non) ; Directive 92/50 CEE du 18 juin 1992 ; Directive 2004/18 CEE du 31 mars 2004 ; application aux URSSAF (non).

Liens bases : (N° Lexbase : E6626ABZ)

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Internet - Bulletin d'actualités n° 3

[Panorama] Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Mars 2008

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N6556BEK

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Le 07 Octobre 2010

Tous les mois, Marc d'Haultfoeuille, avocat associé chez Clifford Chance, vous propose de retrouver l'actualité juridique en matière de Communication Média & Technologies. A noter ce mois-ci, l'adoption d'une délibération de la CNIL portant autorisation unique pour les traitements de pharmacovigilance mis en oeuvre par les exploitants de médicaments, un arrêt du Conseil d'Etat sur la responsabilité du fournisseur de progiciel pour fautes, ou encore, deux jugements du tribunal de grande instance de Paris, le premier concernant la distinction entre un éditeur et un fournisseur d'accès, et le second relatif à l'affaire "Note2be". I - Données personnelles
  • En sa qualité d'autorité de contrôle des traitements de données à caractère personnel, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a adopté, le 10 janvier 2008, une autorisation unique pour les traitements de pharmacovigilance mis en oeuvre par les exploitants de médicaments (délibération n° 2008-005 portant autorisation unique de mise en oeuvre par les entreprises ou organismes exploitants de médicaments de traitements automatisés de données à caractère personnel relatifs à la gestion des données de santé recueillies dans le cadre de la pharmacovigilance des médicaments postérieurement à leur mise sur le marché N° Lexbase : X2519AEZ)

Contenu :

La CNIL a adopté le 10 janvier 2008 une autorisation unique pour les traitements automatisés de données personnelles liés à la gestion des données de santé recueillies par les exploitants de médicaments dans le cadre de la pharmacovigilance.

La pharmacovigilance, dont les règles sont harmonisées au plan communautaire, a pour objet la surveillance du risque d'effets indésirables résultant de l'utilisation des médicaments et produits à usage humain.

Désormais, dès lors que le traitement mis en oeuvre par un exploitant de médicaments satisfait à l'ensemble des dispositions de l'autorisation unique, rappelées ci-après, il lui suffira de procéder à une simple déclaration de conformité auprès de la CNIL pour mettre en oeuvre ce traitement.

Finalités du traitement

Relèvent de l'autorisation unique de la CNIL, les traitements ayant pour finalité la collecte, la conservation, l'analyse, le suivi, la documentation et la transmission des données relatives aux risques d'effets indésirables résultant de l'utilisation de médicaments et produits à usage humain, des contraceptifs, ainsi que les informations relatives à un mésusage, un surdosage, un abus ou à une utilisation d'un médicament pendant l'allaitement ou la grossesse.

Est également concernée, la gestion des contacts, par le laboratoire, avec les professionnels de santé ayant signalé un effet indésirable, un mésusage, un surdosage, un abus ou une utilisation d'un médicament pendant l'allaitement ou la grossesse ou devant être interrogés pour obtenir des précisions sur l'effet indésirable.

Nature des données à caractère personnel faisant l'objet du traitement

Les données à caractère personnel traitées par les laboratoires dans le cadre de la pharmacovigilance sont limitativement énumérées par l'autorisation unique, qui distingue trois types de données :
- les données dont la collecte est systématique et faite sous forme de code alphanumérique, telles que l'identité ou les données de santé (par exemple : traitements administrés, résultats d'examens, nature du ou des effets indésirables, antécédents personnels ou familiaux, maladies ou événements associés, facteurs de risque ; informations relatives au mode de prescription et d'utilisation des médicaments) ;
- les données qui ne seront collectées que si elles s'avèrent nécessaires à l'appréciation de l'effet indésirable. Il s'agit de la vie professionnelle, de la consommation de tabac, alcool, drogues, des habitudes de vie et comportements, des modes de vie et de la vie sexuelle ;
- les données relatives aux professionnels de santé notificateurs ou ayant été interrogés par le laboratoire (notamment le nom, prénom et l'adresse professionnelle) peuvent également être traitées par le laboratoire pour obtenir des précisions dans le cadre de la pharmacovigilance.

Destinataires des données

L'autorisation unique précise, aussi, de manière restrictive, les différents destinataires des données collectées. Il s'agit, notamment, des différents services d'un laboratoire, les prestataires de services intervenant dans la pharmacovigilance, les autres sociétés du groupe auquel appartient un laboratoire, et les laboratoires tiers dont un des médicaments pourrait être mis en cause.

Mesures de sécurité

Le responsable de traitement doit prendre toute précaution utile pour préserver la sécurité et la confidentialité des données traitées et, notamment, pour empêcher qu'elles ne soient déformées, endommagées ou que des tiers non autorisés puissent en prendre connaissance.

Information des personnes dont les données sont traitées

Conformément à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés telle que modifiée (N° Lexbase : L8794AGS), les personnes dont les données sont traitées doivent être dûment informées du traitement de leurs données et notamment de leur droit d'accès et de rectification. L'autorisation unique précise les modalités d'information des personnes concernées en distinguant selon que la notification est faite par courrier ou par le patient lui même ou un professionnel de santé.

Transfert de données hors de l'Union européenne (UE)

L'autorisation unique prévoit que, dès lors que les données relatives aux patients ne comprennent comme données d'identité qu'un code alphanumérique, elles peuvent être transférées hors de l'UE, en particulier vers les organismes publics étrangers en charge de la pharmacovigilance, les autorités et agences sanitaires internationales et les prestataires de service liés par contrat à l'exploitant.

L'autorisation unique précise que les données relatives aux professionnels de santé peuvent être transférées, en tant que de besoin, hors de l'UE à l'exclusion de l'identité complète du professionnel de santé. Tout transfert de l'identité complète d'un professionnel de santé vers une personne morale établie dans un pays non membre de l'UE n'accordant pas une protection suffisante au sens de l'article 68 de la loi "Informatique et Libertés" doit faire l'objet d'une autorisation particulière de la CNIL.

Commentaire :

Les règles relatives à la pharmacovigilance ont été harmonisées au niveau européen par la Directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001, instituant un Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (N° Lexbase : L4483BHI), Directive dont les dispositions ont été transposées en France à l'article R. 5121-150 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L0253GUW).

Ces textes imposent aux exploitants de médicaments et autres professionnels du secteur de lourdes responsabilités quant aux traitements automatisés de données à caractère personnel auxquels ils doivent procéder. Par exemple, les laboratoires ont l'obligation de transmettre électroniquement les informations relatives aux effets indésirables à l'Agence européenne du médicament (European medicines agency home - EMEA).

La CNIL, en prenant cette autorisation unique, s'aligne enfin sur le mouvement européen tendant à alléger les formalités administratives pesant sur les exploitants de médicaments.

Les traitements de pharmacovigilance, qui relèvent du régime de l'autorisation préalable de la CNIL conformément aux articles 8-I, 8-IV et 25-II de la loi "Informatique et Libertés", font donc, désormais, l'objet d'une procédure simplifiée d'autorisation. Dès lors que les traitements répondent à une même finalité, portent sur des catégories de données identiques et ont les mêmes catégories de destinataires, les exploitants de médicaments peuvent désormais, grâce à cette autorisation unique, procéder à une simple déclaration de conformité auprès de la CNIL par internet.

Pour mémoire, certains fichiers ou traitements de données personnelles sensibles ou à risques, qui visent une même finalité et des catégories de données et de destinataires identiques, sont autorisés par la CNIL au travers de décisions-cadre, appelées autorisations uniques. Ces autorisations sont disponibles à l'adresse internet suivante : http://www.cnil.fr/index.php?id=1745.

II - Informatique

  • Dans un arrêt du 21 novembre 2007, le Conseil d'Etat a considéré que le fournisseur de progiciels, en l'espèce la société IBM France, qui demande la destruction des progiciels à une personne publique, plus d'un an et demi après l'échéance du contrat de fourniture des progiciels, et qui avait connaissance de l'utilisation illégale par la personne publique des progiciels au cours de cette période, commet une faute entraînant une réduction de moitié de l'indemnisation du préjudice subi par celle-ci (CE 2° et 7° s-s-r., 21 novembre 2007, n° 262908, Société IBM France N° Lexbase : A7233DZW)

Faits :

Le 1er janvier 1992, la société IBM France a conclu un contrat de concession des droits d'usage sur des progiciels avec l'Agence de l'eau Loire-Bretagne. Ce contrat est arrivé à terme le 31 décembre 1996. L'Agence a, cependant, continué à utiliser les progiciels sans s'acquitter des redevances correspondantes jusqu'au 12 août 1998 (i.e. un an et demi après), alors que l'article 12.3 du contrat prévoyait expressément que l'administration devait détruire les progiciels et ses reproductions totales ou partielles dans un délai d'un mois après l'échéance du contrat.

La société IBM a saisi le tribunal administratif d'Orléans afin d'obtenir la condamnation de l'Agence à lui payer les redevances dues au titre de l'utilisation des progiciels entre le 1er janvier 1997 et le 12 août 1998. Par un jugement du 25 juillet 2000, le tribunal a condamné l'Agence à verser à la société IBM une somme de 1 342 218,48 francs (soit 204 619,88 euros). Le tribunal a considéré que l'Agence avait poursuivi l'utilisation des progiciels sans s'acquitter du paiement des redevances alors que le marché était arrivé à son terme.

L'Agence a interjeté appel de ce jugement. Par un arrêt du 17 octobre 2003, la cour administrative d'appel de Nantes a réduit l'indemnité à 62 937 euros, dans la mesure où la société IBM avait commis une faute en attendant un an et demi pour demander le paiement des redevances correspondant à l'utilisation des progiciels par l'Agence durant cette période.

La société IBM s'est pourvue en cassation de cet arrêt.

Devant le Conseil d'Etat, elle a estimé que la cour administrative d'appel avait commis une erreur de droit car elle n'avait pas recherché si elle avait consenti à une reconduction tacite du marché. La société IBM a également considéré que le fait de ne pas avoir invoqué l'article 12-3 du contrat dans un bref délai après l'échéance de ce dernier n'exonérait pas l'Agence de sa responsabilité contractuelle.

Sur le fond, la société IBM considérait que son préjudice découlait de la violation de l'article 12-3 du contrat par l'Agence, ainsi que de l'utilisation illégale des progiciels entre le 1er janvier 1997 et le 12 août 1998. En conséquence, elle demandait le versement de dommages et intérêts.

De son côté, l'Agence concluait à la confirmation de l'arrêt d'appel. Dans la mesure où la société IBM n'avait pas invoqué l'article 12-3 du contrat pendant plus d'un an et demi, elle estimait que celle-ci avait commis une faute exonérant l'Agence de sa responsabilité contractuelle.

Décision :

Le Conseil d'Etat a estimé que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. A cet égard, il relève qu'elle n'a pas recherché si la société IBM avait consenti à une reconduction tacite du marché entre le 1er janvier 1997 et le 12 août 1998. Par ailleurs, il a considéré que si la société IBM a commis une faute du fait de pas avoir invoqué l'article 12-3 du contrat dans un bref délai après l'échéance de ce dernier, cette seule circonstance ne permettait pas d'exonérer l'Agence de son entière responsabilité contractuelle. Par conséquent, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour.

En application de l'article L. 821-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3298ALQ), le Conseil d'Etat s'est aussi prononcé sur le fond du litige. Il a estimé que l'utilisation des progiciels par l'Agence entre le 1er janvier 1997 et le 12 août 1998 était illégale et avait engendré un préjudice pour la société IBM justifiant ainsi le versement d'une indemnité calculée sur la base des redevances contractuelles.

Néanmoins, le Conseil d'Etat a relevé que celle-ci, qui avait connaissance de l'utilisation des progiciels par l'Agence dans cette période, n'avait demandé leur destruction que plus d'un an et demi après l'échéance du contrat. En agissant ainsi, elle avait commis une faute justifiant la réduction de moitié de l'indemnité qui lui était attribuée. Le Conseil d'Etat lui a ainsi accordé une indemnité de 152 623,42 euros.

Commentaire :

Le Conseil d'Etat ne donne pas une définition claire et précise de la faute commise par le fournisseur des progiciels. Néanmoins, il constate que la faute de la société IBM justifie la réduction de moitié de l'indemnité due au titre de l'utilisation illégale des progiciels par l'Agence dans le délai de plus de dix-huit mois.

La cour administrative d'appel de Douai avait suivi une position analogue dans une affaire opposant un fournisseur de logiciel à une personne publique (CAA Douai, 3 mai 2005, n° 03DA00786, CNAMTS N° Lexbase : A2695DKZ). En l'espèce, le fournisseur n'avait agi que sept mois après l'échéance du contrat pour demander à l'administration de cesser toute utilisation des logiciels. Du fait de ce retard, il ne pouvait être indemnisé de l'intégralité de son préjudice.

III - Internet

  • Dans un jugement du 5 février 2008, le tribunal de grande instance de Paris a considéré que la société Free, en ses qualités de fournisseur d'accès et d'hébergeur, n'était pas responsable de la présence de contenus contrefaisants sur des serveurs qu'elle gérait, dans la mesure où les formalités de notification de la présence de tels contenus, prévues par l'article 6-I-5 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, n'avaient pas été respectées par les demandeurs (TGI Paris, 5 février 2008, n° RG 05/07148, Syndicat national de l'édition c/ SA Iliad N° Lexbase : A0704D79)

Faits :

Le Syndicat national de l'édition (SNE) a fait procéder à la constatation, sur un serveur Usenet géré par la société Free, de la présence d'articles contrefaisant des oeuvres, dont les droits étaient détenus par certains de ses membres. Le SNE et certains éditeurs (dont Dupuis et Lucky comics) ont adressé une lettre de mise en demeure à la société Free le 4 janvier 2005, lui enjoignant d'interdire l'accès au serveur et de leur fournir les données de connexion des rédacteurs de ces messages. Free a, néanmoins, refusé. Le SNE et plusieurs éditeurs ont alors assigné Free devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de fermeture du serveur et de paiement de dommages et intérêts.

Le SNE soutenait, d'une part, que Free avait la qualité d'éditeur en ce qu'elle introduisait et stockait temporairement les fichiers sur le serveur. Ce stockage temporaire induisait nécessairement que Free exerçait un contrôle sur les fichiers. En conséquence, Free s'était comportée comme un éditeur de contenus contrefaisants. D'autre part, le SNE faisait valoir que Free était le seul fournisseur d'accès à internet (FAI) permettant l'accès à ce serveur qui se vantait de donner accès à des canaux non censurés et anonymes. De ce seul fait, le SNE considérait que Free avait ainsi laissé des actes de contrefaçon se réaliser et engageait, en conséquence, sa responsabilité envers le SNE et les titulaires de droits.

La société Free considérait, en revanche, qu'elle avait la qualité de fournisseur d'accès et d'hébergeur et qu'elle avait respecté les obligations lui incombant à ce titre. En effet, elle n'avait pas été informée de la localisation exacte des éléments contrefaisants sur le serveur. Dès lors, n'étant pas avertie de leur caractère illicite, elle n'était pas censée en interdire l'accès.

Décision :

Le TGI de Paris rejette toutes les demandes du SNE et de ses adhérents.

Il constate, en effet, que le réseau Usenet est comparable au réseau internet en ce qu'il est basé sur l'interconnexion de plusieurs serveurs et qu'il permet aux utilisateurs d'échanger des messages et de mettre des fichiers en ligne. Par conséquent, Usenet est un réseau de communication électronique. Il obéit aux mêmes lois qu'internet, ce qui implique que les hébergeurs et les fournisseurs d'accès à Usenet ne doivent censurer que les propos manifestement illicites tels que les messages à caractère raciste ou pédo-pornographique. Dès lors, la société Free n'était pas tenue de censurer les messages argués de contrefaçon tant qu'elle n'avait pas connaissance de leur présence ou de leur transmission.

En outre, selon le TGI, le fait que Free donne accès à son serveur Usenet à des internautes auquel elle ne fournit pas d'accès à internet ne lui confère pas la qualification d'éditeur. Le TGI note, également, que Free n'a assuré aucun contrôle ou aucune sélection de ces messages, de sorte qu'elle n'était pas éditeur. L'effacement des fichiers après une période donnée n'est conçu qu'à des fins d'amélioration du service de communications électroniques. Par conséquent, la société Free s'est comportée comme un fournisseur d'accès et bénéficie, en tant que tel, d'un régime de responsabilité limitée tel que prévu par les articles L. 32-3-3 (N° Lexbase : L1088HHR) et L. 32-3-4 (N° Lexbase : L1090HHT) du Code des postes et des communications électroniques. Seuls les internautes qui ont posté les messages contrefaisants peuvent être considérés comme ayant la qualité d'éditeur.

Enfin, le TGI relève que Free n'a pas agi promptement pour interdire l'accès aux contenus litigieux. Néanmoins, dans la mesure où les demandeurs n'avaient pas respecté les dispositions de l'article 6-I-5 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, pour la confiance dans l'économie numérique ("LCEN") (N° Lexbase : L2600DZC), la responsabilité de Free ne pouvait être engagée. En effet, les demandeurs n'avaient pas pris soin d'indiquer, comme exigé par la "LCEN", les adresses des internautes qui postaient des contenus contrefaisants sur le serveur.

Par conséquent, le TGI rejette toutes les prétentions des demandeurs et condamne ces derniers à payer solidairement une somme de 30 000 euros à Free au titre des frais de justice et d'avocats.

Commentaire :

Dans cette affaire, le TGI de Paris aborde la question de la distinction entre un éditeur et un fournisseur d'accès. La position ici adoptée est similaire à celle déjà prise dans les affaires "Dailymotion" (TGI Paris, 13 juillet 2007, n° RG 07/05198, M. C. C. c/ SA Dailymotion N° Lexbase : A5139DXM, et lire nos obs., Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Juillet 2007, Lexbase Hebdo n° 272 du 13 septembre 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N2734BCA) et "Google" (TGI Paris, 19 octobre 2007, n° RG 06/11874, SARL Zadig Productions c/ Société Google INC N° Lexbase : A5562DZZ, et lire nos obs., Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Novembre 2007, Lexbase Hebdo n° 285 du 12 décembre 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N3876BDW). En effet, la qualité d'éditeur est encore une fois écartée pour qualifier la société Free dans le cadre du service fourni en l'espèce (newsgroup).

Dans un premier temps, le tribunal rappelle que l'éditeur est la personne "qui détermine les contenus qui doivent être mis à la disposition du public sur le service qu'[elle] a créé et dont [elle] a la charge". En l'espèce, le TGI a relevé que les internautes étaient à l'origine de la diffusion des fichiers litigieux sur le serveur et que Free ne contrôlait, ni ne sélectionnait les fichiers mis en ligne. Par conséquent, Free ne pouvait donc pas avoir la qualité d'éditeur.

Le tribunal écarte, à nouveau, la qualité d'éditeur au regard des opérations de stockage temporaire et automatique réalisées au niveau des serveurs. Le TGI relève qu'il s'agit, ici, d'opération de "caching" consistant à enregistrer temporairement les données disponibles sur le réseau utilisé dans le but de préserver et d'améliorer la transmission. Ce point est expressément prévu par l'article L. 32-3-4 du Code des postes et des communications électroniques et la responsabilité de Free a donc été exclue par le tribunal qui a relevé, à nouveau, l'absence d'interaction de Free sur les contenus.

La responsabilité de Free, en sa qualité d'hébergeur, ne pouvait, dès lors, être engagée que du fait des contenus illicites dont elle avait connaissance et pour lesquels elle n'avait pas promptement bloqué l'accès (articles 6-I-2 et 6-I-3 de la "LCEN").

Le jugement a, par conséquent, statué sur la question de la notification de la présence d'un contenu illicite au fournisseur d'accès et a confirmé la jurisprudence "Wikimedia Foundation" (TGI Paris, 29 octobre 2007, n° RG 07/58288, Madame B. et autres c/ Wikimedia Foundation Inc N° Lexbase : A5779DZ3, et lire nos obs., Bulletin d'actualités Clifford Chance - Département Communication Média & Technologies - Décembre 2007, Lexbase Hebdo n° 289 du 24 janvier 2008 - édition privée générale N° Lexbase : N8248BDT), dans la mesure où il a considéré que, lorsque les formalités de l'article 6-I-5 de la "LCEN" ne sont pas respectées par celui qui demande le retrait ou le blocage d'un contenu prétendument illicite, l'hébergeur ou le FAI est considéré comme n'étant pas informé.

Les mentions imposées par l'article 6-I-5 de la "LCEN" sont nombreuses et le tribunal ne laisse, au regard de la jurisprudence actuelle, aucune marge d'erreur. Pour rappel, les informations requises dans la notification de contenus illicites sont les suivantes : la date de la notification ; si le notifiant est une personne physique ses nom, prénom(s), profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance, et si le requérant est une personne morale sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement ; les nom et domicile du destinataire ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social ; la description des faits litigieux et leur localisation précise ; les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ; et, enfin, la copie de la correspondance adressée à l'auteur ou à l'éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l'auteur ou l'éditeur n'a pu être contacté.

La décision du TGI de Paris du 5 février 2008, bien que fondée sur une analyse a priori complète, apparaît, cependant, quelque peu contestable au regard de la réalité entourant les services de newsgroup. Un certain nombre de décisions relatives à des services de newsgroup ont déjà été prises dans différents pays et les positions des juridictions respectives ne permettent pas à l'heure actuelle au fournisseur d'un tel service de s'abriter de manière certaine derrière la qualité d'hébergeur et donc du régime de responsabilité limitée qui en découle.

A titre d'exemple, une décision récente d'un tribunal régional allemand en date du 23 janvier 2008 a adopté une position contraire à celle du TGI de Paris en ordonnant au fournisseur du newsgroup (Rapidshare) de contrôler les fichiers mis en ligne, de retirer tout élément illicite et d'instaurer des mesures rendant le service moins attractif. La juridiction allemande a motivé sa décision en s'appuyant sur le fait que le fournisseur dudit service retirait des bénéfices financiers d'un service "particulièrement bien adapté à la distribution illicite de contenus protégés".

  • Par une décision du 3 mars 2008, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné à la société Note2be.com de suspendre sur le site www.note2be.com l'utilisation et le traitement de données nominatives d'enseignants pour leur notation et dans le cadre du forum de discussion (TGI Paris, 3 mars 2008, n° RG 08/51650, Syndicat national des enseignements du second degré - Fédération syndicale unitaire (SNES-FSU) c/ SARL Note2be.com N° Lexbase : A1955D7K)

Faits :

La société Note2be.com ("Note2be.com") a conçu et édité un site internet gratuit accessible à l'adresse www.note2be.com et dédié aux enfants et adolescents. Ce site permettait de noter et de porter des appréciations sur les professeurs et les établissements scolaires.

Le principe de la base de données ainsi constituée reposait sur un mode opératoire de type Web 2.0, c'est-à-dire sur l'interaction des internautes et leurs contributions.

La notation des professeurs et des établissements scolaires s'effectuait sur la base de six critères (intéressant, clair, disponible, équitable, respecté, motivé) et un forum était mis à disposition sans modération préalable.

A la suite de l'ouverture du site le 29 janvier 2008, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a été saisie de plusieurs centaines de plaintes et de plus de 160 signalements. Elle a, dès lors, effectué, en urgence, des contrôles sur place les 13 et 18 février 2008 en vertu de son pouvoir de contrôle conformément à l'article 44 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés telle que modifiée.

Sans attendre les conclusions de la CNIL, une trentaine d'enseignants, le Syndicat national des enseignants du second degré (SNES) et la Fédération syndicale unitaire ("FSU") ont assigné, le 18 février 2008, la société Note2be.com et l'un de ses co-gérants, Monsieur C..

Le SNES et la FSU, rejoints par d'autres syndicats intervenants volontaires à l'action, considéraient que le principe de fonctionnement du site www.note2be.com constituait un trouble manifestement illicite au regard des dispositions de la loi "Informatique et Libertés". Ledit site procédait, en effet, à la constitution d'un fichier nominatif de personnes objets d'appréciations, au surplus sans avoir obtenu le consentement des personnes dont les données étaient ainsi utilisées.

Par ailleurs, l'évaluation des professeurs était faite de manière subjective et potentiellement préjudiciable, dans la mesure où les appréciations pouvaient être accompagnées de commentaires à connotation favorable ou défavorable sans aucune modération préalable à la mise en ligne au public.

La société Note2be.com et Monsieur C., outre leur contestation quant à l'intérêt à agir des syndicats d'enseignants, justifiaient le fonctionnement de leur site par la possibilité laissée aux personnes dont les données étaient utilisées d'exercer leurs droits d'accès, de rectification et d'opposition conformément aux articles 38 à 40 de la loi "Informatique et Libertés".

Toute atteinte au droit au respect à la vie privée des enseignants et professeurs ainsi notés était contestée par les défendeurs qui, s'appuyant sur une décision rendue par la juridiction allemande, faisaient valoir que les appréciations portées par les élèves ne concernaient que la vie professionnelle et n'emportaient pas de jugement de valeur à l'encontre des enseignants, de nature à porter atteinte à leur vie privée.

Décision :

Par une ordonnance de référé du 3 mars 2008, le tribunal de grande instance de Paris a donné raison aux syndicats d'enseignants et à la trentaine d'enseignants. Le tribunal a ordonné à la société Note2be.com de suspendre sur le site www.note2be.com toute utilisation de données nominatives d'enseignants "aux fins de leur notation et leur traitement, ainsi que leur affichage sur les pages du site en question, y compris sur le forum de discussion qui devra comporter une modération préalable".

En d'autres termes, le tribunal de grande instance a ainsi estimé que le traitement des données nominatives opéré par le site www.note2be.com violait les dispositions de la loi "Informatique et Libertés", dans la mesure où le dispositif mis en place présentait, "faute de précautions suffisantes, un risque de déséquilibre au détriment de la nécessaire prise en compte du point de vue des enseignants".

Commentaire :

Par cette ordonnance du 3 mars 2008, le TGI de Paris a suspendu l'utilisation des données nominatives relatives aux enseignants sur le site www.note2be.com estimant ainsi que, même si les élèves bénéficiaient de la liberté d'expression, il n'était pas possible d'autoriser l'usage d'identités de professeurs dans un "dispositif présentant, faute de précautions suffisantes, un risque de déséquilibre au détriment de la nécessaire prise en compte du point de vue des enseignants".

La CNIL, dans sa décision en date du 6 mars 2008, a adopté une position similaire en considérant que le site www.note2be.com était illégitime au regard de la protection des données personnelles dans la mesure où la société Note2be.com poursuivait une activité commerciale reposant sur l'audience d'un site internet dont le principe était susceptible de créer une confusion dans l'esprit du public avec un système officiel de notation des enseignants. Il est par ailleurs relevé que les notes étaient attribuées de façon subjective par des tiers dont la qualité ne pouvait être vérifiée.

La CNIL met donc un terme aux discussions entourant le site www.note2be.com de notation des professeurs français. On notera que la formation contentieuse de la CNIL n'a pas jugé utile de faire usage de son pouvoir de sanction compte tenu de l'ordonnance de référé du 3 mars 2008, mais qu'elle s'est réservée la possibilité d'agir en cas de nouveau manquement.

Décision considérée comme "étonnante, surprenante, voir inquiétante pour le développement du Web 2.0", la société Note2be.com a immédiatement fait savoir qu'elle interjetait appel. Pour cela, Note2be.com envisage de s'appuyer, notamment, sur la décision allemande qu'elle avait invoquée devant le juge des référés (sans la traduire, rendant cet élément irrecevable devant le tribunal) et qui autorisait des sites allemands de même nature sans retenir de violation du droit au respect de sa vie privée ou au respect de ses données personnelles.

La problématique des sites de notation de professionnels n'est, cependant, pas close comme en atteste le lancement le 15 mars dernier d'un site dénommé www.note2bib.com proposant aux internautes de pouvoir noter leur médecin. Le fondateur de Note2bib.com semble, cependant, confiant pour l'avenir de son site estimant la situation différente de celle ici jugée dans la mesure où "les professionnels évalués ne sont pas des fonctionnaires mais des professions libérales qui mettent leur plaque, avec leur nom, dans la rue [...] et il existe déjà des forums où les internautes s'échangent leurs impressions sur leur médecin".

La question de la légitimité de sites de notation de professionnels reste donc ouverte tant au plan français qu'européen.

Marc d'Haultfoeuille
Avocat associé
Département Communication Média & Technologies
Cabinet Clifford Chance

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Sociétés

[Le point sur...] Les conséquences d'une cession d'actions de SAS intervenue en violation d'une clause statutaire d'agrément

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N6585BEM

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par Anne Lebescond - SGR Droit des affaires

Le 07 Octobre 2010

Le souci de maîtriser le plus efficacement possible la détention du capital social (et donc la politique d'une société) recommande, au minimum, à tous les associés de sociétés non cotées l'insertion d'une clause statutaire ou extrastatutaire d'agrément. L'enjeu de l'insertion d'une telle clause dans un pacte ou dans les statuts tient à l'opposabilité de la clause et, donc, à son efficacité ; insérée dans les statuts, elle est opposable à tous, insérée dans un pacte, elle ne l'est qu'à l'égard des autres contractants. La possibilité d'insérer une clause d'agrément dans des statuts d'une société par actions simplifiée (ci-après "SAS") est affirmée par l'article L. 227-14 du Code de commerce (N° Lexbase : L6169AIC), qui dispose que "les statuts peuvent soumettre toute cession d'actions à l'agrément préalable de la société". Alors que dans les sociétés anonymes, lorsque de telles clauses d'agrément sont prévues, un dispositif législatif assez récent détermine l'essentiel des conditions dans lesquelles cet agrément est délivré (1), toute la procédure d'agrément de cessions d'actions d'une SAS doit être fixée dans les statuts. Ceci n'est guère surprenant compte tenu de la liberté statutaire voulue pour cette forme de société. Cependant, il est recommandé, une nouvelle fois, de détailler autant que possible dans les statuts le mécanisme voulu par les associés, d'une part, parce qu'une telle clause d'agrément, en vertu de l'article L. 227-19 du Code de commerce (N° Lexbase : L6174AII), ne se modifie qu'à l'unanimité des associés (celle-ci n'étant pas toujours simple à obtenir) et, d'autre part, parce que l'inobservation d'une disposition statutaire d'agrément est sanctionnée par la nullité, ainsi que le prévoit l'article L. 227-15 du Code de commerce (N° Lexbase : L6170AID) : "toute cession effectuée en violation des clauses statutaires est nulle".

Autant, donc, éviter des procédures d'agrément trop complexes ou des contraintes peu utiles mais dangereuses. Surtout que la nullité concerne toute inobservation d'une condition ou modalité statutaire quelle qu'elle soit : prendre conscience que la simple omission d'une notification à la société, quand tous les associés et les dirigeants ont été informés selon "les règles de l'art" (en l'occurrence, les modalités statutaires) des cessions envisagées, est susceptible d'entraîner la nullité des cessions peut être douloureux. Comme le souligne la doctrine, l'importance de la clause est indifférente, le fait qu'elle concerne la forme ou le fond également. Il ne s'agit donc plus, ici, de s'autoriser une lettre remise en main propre, lorsque le recommandé avec demande d'avis de réception est exigé.

Une autre conséquence, indirecte celle-ci, rend la situation plus inconfortable encore : les décisions collectives prises postérieurement aux cessions litigieuses sont, elles aussi, susceptibles d'être annulées pour inobservation d'une disposition statutaire, telle l'absence de convocation des cédants, par exemple. Le mécanisme est identique : la contrepartie de la liberté statutaire laissée tant en matière de procédure d'agrément qu'en matière de décision collective est la nullité (énoncée pour cette dernière de façon explicite par l'article L. 227-9 du Code de commerce N° Lexbase : L6164AI7 : "les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient [...] les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé"). L'analyse des quelques dispositions légales afférentes à la SAS fait ressortir ce constat : lorsque la loi réprime les abus permis par cette liberté dont dispose les associés, elle le fait sévèrement.

Outre les questions de responsabilité personnelle de l'auteur du manquement, la violation d'une clause statutaire d'agrément est susceptible d'entraîner, tant la nullité des cessions litigieuses (I), que celle des assemblées postérieures (II). Il sera, alors, prudent de "rectifier le tir" avant le prononcé de telles sanctions (III).

I - Sanction directe de l'inobservation d'une procédure d'agrément : la nullité des cessions d'actions irrégulières

Les cessions d'actions de SAS intervenues en violation d'une clause d'agrément sont susceptibles d'être annulées, elles ne sont donc pas, par définition, nulles de plein droit. En effet, la question s'était posée, pour la première fois en 1983 (2), de savoir si les associés pouvaient eux-mêmes prononcer la nullité d'une société ou d'une mesure la concernant. La cour d'appel de Grenoble a répondu par l'affirmative, entraînant les foudres de la doctrine qui relevait, notamment, qu'en droit commun, la nullité devait toujours être prononcée par le juge. Cette solution n'a, toutefois, pas été suivie par la jurisprudence postérieure (3) et il est, aujourd'hui, acquis que la nullité n'"emporte effet" que si elle est prononcée par le juge, voire, compte tenu de l'absence d'appréciation laissée à ce dernier par les termes de l'article L. 227-15 précité, constatée par lui.

Reste à déterminer quelles règles gouvernent cette action en nullité : la compétence rationae materiae des tribunaux de commerce pour tout litige afférent à une cession d'actions, avec ou sans changement de contrôle, a, récemment, été confirmée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation (4), ce sujet ayant fait l'objet d'un article récent dans nos colonnes, nous ne reviendrons pas dessus, mais nous nous attacherons, plutôt, au caractère relatif ou absolu de la nullité, en ce qu'il détermine qui a qualité pour agir (A) et à la nature de la prescription, question qui, semble-t-il, a été plus difficile à trancher (B).

A Caractère relatif de l'action en nullité qualité à agir

De l'avis de la doctrine et de la jurisprudence (5), la nullité qui sanctionne la violation d'une clause d'agrément ne peut être qu'une nullité relative, qui implique que l'action en justice soit intentée par la société ou par un ou plusieurs associés autres que le cédant, puisque ce sont eux qu'il s'agit de protéger. Elle doit, donc, être refusée, non seulement aux tiers, mais aussi aux parties à l'acte de cession, le cédant comme le cessionnaire (6). La nullité est encourue alors même que le cessionnaire n'aurait pas eu connaissance de la clause d'agrément, les statuts étant publiés au greffe, et donc tenus à la disposition de tous.

La solution n'a pas toujours été évidente, la cour d'appel de Paris (7) ayant jugé précédemment que la nullité était absolue, entraînant, par là, de vives critiques de la part de la doctrine.

B Nature de la prescription de l'action en nullité

Hormis les vices du consentement susceptibles d'affecter la cession des actions en tant que telle, pour lesquels la prescription quinquennale de droit commun s'applique, il convient de distinguer, ici, deux cas de figure : celui d'une irrégularité dans la procédure d'agrément, pour laquelle aucun doute sur la nature de la prescription n'est permis, et celui de la méconnaissance totale de la procédure d'agrément.

  • Prescription en cas d'irrégularité dans la procédure d'agrément

Lorsque la cession d'actions est irrégulière en raison de l'inobservation d'une condition de la procédure d'agrément, mais que l'agrément a, tout de même, été délivré par l'organe compétent, la prescription est triennale, ainsi que le prévoit l'article L. 235-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L8351GQD), qui dispose que "les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue". Dans ce cas de figure, la réunion de l'organe social compétent, visée par les termes "délibérations postérieures" de l'article L. 235-9, ayant bien eu lieu, il n'y a aucune raison d'écarter les dispositions de cet article.

Le délai de prescription court à compter du jour où la nullité est encourue, soit, à compter du jour du dépôt au greffe du tribunal de commerce de l'acte de cession.

  • Prescription en cas de méconnaissance totale de la procédure d'agrément

La doctrine s'est interrogée sur la nature de la prescription de l'action en nullité intentée à la suite d'une cession d'actions pour laquelle aucune des dispositions statutaires régissant la procédure d'agrément n'a été observée. En effet, dans cette hypothèse, l'organe compétent pour délivrer l'agrément ne s'étant pas réuni, il n'existe pas de "délibérations" au sens de l'article L. 235-9 du Code de commerce, ce qui amène à se demander si les dispositions de cet article s'appliquent, ou si la prescription en la matière est celle du droit commun de cinq ans, fixée à l'article 1304 du Code civil ("dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans" N° Lexbase : L1415ABZ).

La majorité des auteurs s'accordent, aujourd'hui, à dire que la prescription est triennale, en application des dispositions de l'article L. 235-9 du Code de commerce. Il n'y a, en effet, aucune logique à écarter ces dispositions car "cela conduirait à soumettre à des régimes de prescription différents les actions en nullité visant l'agrément d'une part, et celles concernant la cession, d'autre part, alors qu'il s'agit d'une même opération juridique" (8).

La jurisprudence a, d'ailleurs, retenu cette solution, dans un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation en matière de SARL, mais transposable aux sociétés par actions (9). La Cour a jugé que l'action en nullité d'une cession de parts pour inobservation des dispositions de l'article L. 223-14 du Code de commerce (N° Lexbase : L3178DYD) est celle de trois ans prévue par l'article L. 235-9 de ce code.

La sanction directe de l'inobservation d'une procédure d'agrément insérée dans les statuts d'une SAS est la nullité de la cession litigieuse. Cette sanction est renforcée par une autre sanction, indirecte cette fois, mais dont les conséquences sont tout autant néfastes, la nullité des décisions collectives adoptées postérieurement.

II - Sanction indirecte de l'inobservation d'une procédure d'agrément : la nullité des délibérations collectives adoptées postérieurement aux cessions d'actions irrégulières

La nullité d'une cession d'actions intervenue en violation des dispositions statutaires relatives à l'agrément a un effet rétroactif. Ainsi, si elle est prononcée, elle produit ses effets même dans les rapports entre les parties à la cession, le cessionnaire étant considéré comme n'ayant jamais été associé. Il doit, par conséquent, restituer au cédant les actions, mais, également, les dividendes qu'il aurait éventuellement perçus. Le cédant, de son côté, sera considéré comme ayant toujours eu la qualité d'associé.

Aucun problème ne se pose lorsque le cédant a seulement cédé une partie de sa participation, puisqu'il est resté associé de la société et a, en principe, en cette qualité, été mis en mesure de participer à la prise des décisions collectives, selon les modalités prévues par les statuts. La question est plus délicate lorsque le cédant a cédé irrégulièrement la totalité de sa participation. En pareil cas, il n'a, jusqu'au prononcé de la nullité de la cession en cause, pas été considéré, et donc traité, comme un associé de la société. Il n'a, en particulier, pas été invité à participer à la prise des décisions collectives, puisque le cessionnaire litigieux l'a été à sa place.

L'article L. 227-9 du Code de commerce sanctionne, comme indiqué plus haut, par la nullité l'inobservation des dispositions statutaires régissant la prise des décisions collectives, toute personne intéressée pouvant intenter une action en nullité. Bien qu'il n'existe pas, à notre connaissance, de jurisprudence l'ayant affirmé clairement dans le cas des SAS, la nullité semble relative, puisque les dispositions de l'article L. 227-9 du Code de commerce tendent à protéger l'intérêt de la société et des associés de celle-ci. Ainsi, ces derniers seraient seuls à avoir intérêt à agir. La jurisprudence juge usuellement, d'ailleurs, en ce sens pour les autres formes de sociétés (10).

Un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation avait fait naître quelques hésitations (11), les juges ayant décidé que des associés autres que le cédant pouvaient obtenir la nullité d'assemblées pour défaut de convocation de ce dernier. Pour certains auteurs, cette solution sous-entendait que la nullité était absolue, puisque le demandeur avait été convoqué dans les règles, il ne s'agissait donc pas de protéger ses propres intérêts. Des arrêts postérieurs ont, toutefois, fort heureusement, opté pour la solution inverse (12).

Les conséquences susceptibles d'être entraînées par une cession d'actions de SAS irrégulière, en raison de l'inobservation de la procédure statutaire d'agrément, étant pour le moins très fâcheuses, il sera conseillé de régulariser la cession litigieuse avant le prononcé de sa nullité, si aucune confirmation n'est intervenue jusque là.

III - Confirmation et régularisation des cessions litigieuses

Le droit des sociétés étant particulièrement frileux en matière de nullité, il n'existe que très peu de cas dans lesquels celle-ci sera inévitable. En effet, aux termes de l'article L. 235-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L6340AIN) "l'action en nullité est éteinte lorsque la cause de la nullité a cessé d'exister au jour où le tribunal statue sur le fond en première instance, sauf si cette nullité est fondée sur l'illicéité de l'objet social". La nullité peut, donc, être valablement couverte jusqu'à ce que le tribunal ait statué sur le fond en première instance, ceci, soit par le biais d'une confirmation (A), soit par le biais d'une régularisation (B).

A La confirmation

La confirmation consiste, pour une personne habilitée à agir en nullité, à renoncer à cette action, en toute connaissance du vice affectant l'acte nul.

La confirmation de l'acte nul doit, pour être valablement effectuée, répondre à un certain nombre de conditions : elle ne peut intervenir que si le vice a cessé ; et, ne se présumant pas, elle doit être clairement formulée dans un acte exprès reprenant le contenu de l'acte nul, le vice à confirmer et la volonté de réparer. Toutefois, la confirmation peut être tacite, dans la mesure où la volonté de confirmer est non équivoque, ce qui est rarement retenu par la jurisprudence, en pratique.

La confirmation a, cependant, une portée limitée, car, tout d'abord, elle n'est envisageable qu'en cas de nullité relative. En outre, la confirmation, si elle a plein effet à l'égard du confirmant de par son caractère rétroactif (la cession étant réputée valable dès son origine), sera moins efficace à l'encontre des tiers, puisque la rétroactivité, dans ce cas, fait défaut. La cession ne leur sera opposable qu'une fois la confirmation intervenue. Par ailleurs, toute personne qui n'aura pas confirmé l'acte nul, alors même que certains l'auront fait, sera autorisée à agir en nullité.

Procéder à une régularisation est, il est vrai, beaucoup plus intéressant, mais elle peut se révéler être bien plus complexe en pratique.

B La régularisation

La régularisation consiste à ôter de l'acte nul le vice dont il est atteint, le principe étant de reprendre l'intégralité de la procédure d'agrément, cette fois-ci, en prenant garde, bien entendu, de ne pas répéter le vice. Par conséquent, elle ne peut résulter que d'une décision de l'organe compétent pour statuer sur l'agrément. Elle suppose, également, que la volonté de régulariser apparaisse clairement, mais surtout, il convient, autant que possible, de se replacer dans la situation initiale.

La question se pose de savoir si la régularisation implique que ce soit les associés antérieurs à la cession irrégulière qui statuent sur l'agrément ou si les associés entrés postérieurement dans le capital peuvent valablement régulariser la cession irrégulière. A notre connaissance, seul un arrêt, qui, nous le regrettons, ne répond pas clairement à la question, a traité du sujet (13). Dans cette espèce, il a été jugé que l'irrégularité d'une cession de parts de SARL en raison de l'inobservation de la règle imposant le consentement de la majorité des associés représentant les trois quarts des parts sociales peut être couverte par l'associé majoritaire, qui, en approuvant les nouveaux statuts de la société et en approuvant sans réserve les résolutions mentionnant, notamment, que le capital est réparti entre trois associés, dont les deux cessionnaires litigieux, a donné a posteriori son consentement aux cessions de parts sociales.

Cet arrêt semble indiquer que les nouveaux entrants doivent être associés au processus de régularisation. Pour éviter tout risque de contestation, il sera, néanmoins, conseillé de faire voter la régularisation, tant par les anciens que par les nouveaux associés de la société, ce qui, en pratique, ne sera pas toujours aisé.

Plus difficile à mettre en oeuvre, la régularisation est, néanmoins, bien plus efficace, puisqu'elle peut intervenir que la nullité soit relative ou absolue, et, surtout, puisque, rétroactive à l'égard de tous, elle interdit l'action en nullité quel qu'en soit l'auteur.

Il importe de souligner, enfin, que la régularisation peut être permise par le juge, qui, en application de l'article L. 235-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L6341AIP), accordera un délai pour couvrir la nullité.


(1) Lire Guy de Foresta, Les clauses d'agrément en société anonyme depuis l'ordonnance du 24 juin, Lexbase Hebdo n° 178 du 28 juillet 2005 - édition affaires (N° Lexbase : N6994AIU).
(2) Voir CA Grenoble, 31 mai 1983, RJ Com., 1983, p. 379, note L. Mestre, JCP éd. G, 1984, II, n° 20177, note Reinhard.
(3) Voir Cass. com., 10 février 1998, n° 95-22.052, Société Sidergie c/ M. Marmonier (N° Lexbase : A2489AC8) et CA Paris, 3ème ch., sect. C, 5 juillet 2002, n° 2002/06359, Société Le Grandville (N° Lexbase : A9877B4L).
(4) Lire Vincent Téchené, Compétence d'attribution des tribunaux de commerce pour connaître des litiges relatifs à une cession de parts ou d'actions de sociétés commerciales, Lexbase Hebdo n° 270 du 26 juillet 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N9610BBK) et lire Compétence des tribunaux de commerce pour connaître des contestations relatives aux sociétés commerciales : la Cour de cassation confirme sa jurisprudence, Lexbase Hebdo n° 294 du 28 février 2008 - édition privée générale (N° Lexbase : N2219BEW).
(5) Voir Cass. com., 11 février 1992, n° 89-14.596, Epoux Claden c/ Consorts Ziggelaar (N° Lexbase : A3948ABT).
(6) Voir CA Paris, 26 février 1992, 15ème ch., Le Guiffant c/ Bui.
(7) Voir Cass. com., 14 février 2004, n° 00-20.287, M. Bernard Chupin c/ M. Philippe Vouloir, F-D (N° Lexbase : A6268DEU).
(8) Voir Mémento Francis Lefebvre, Cessions de parts et actions, 2005-2006, n° 32465, p. 328.
(9) Voir Cass. com., 9 novembre 1993, n° 91-19.724, M. Barrault c/ Société Créations JP Simart et autre (N° Lexbase : A6548AB7).
(10) Voir par ex., Cass. com., 17 décembre 2002, n° 98-21.918, Société Marquette Hellige c/ M. Claude Brousse, FS-P (N° Lexbase : A4872A49).
(11) Voir Cass. civ. 3, 21 octobre 1998, n° 96-16.537, Mme Angeli et autre c/ Société Domaine de Grignon et autres (N° Lexbase : A5482ACZ).
(12) Voir Cass. com., 17 décembre 2002, n° 98-21.918, Société Marquette Hellige c/ M. Claude Brousse, précité.
(13) CA Paris, 23ème ch., 23 novembre 1977, Martins c/ Augendre, Bull. sociétés, 1978, p. 253.

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Droit financier

[Textes] Réflexions sur les aspects de droit des marchés financiers du rapport "Coulon"

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par Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)

Le 07 Octobre 2010

"L'honnêteté n'est pas spectaculaire ; c'est pourquoi elle n'est pas médiatisée" (1), cette citation, qui figurait dans le rapport "Clément" en 2003, aurait tout aussi bien pu être utilisée, 5 ans après, dans le rapport remis au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, le 20 février 2008, sur la dépénalisation du droit des affaires (ci-après le rapport "Coulon"), à propos de la dépénalisation du droit des marchés financiers. L'encadrement des marchés se singularise, en effet, dans la sphère de la régulation boursière, par une certaine forme de discrétion, de ce qu'on appelait, auparavant, police de marchés qui, s'exerçant au plus près des comportements illicites, est le plus souvent à même de les prévenir ou d'en contenir les conséquences, loin de la publicité qui accompagne, souvent, les affaires pénales. La commission -dit "groupe de travail"-, auteur du rapport "Coulon" sur la dépénalisation, semble avoir pris en considération cette spécificité avant de rendre ses conclusions qui pourront être aisément résumées : les infractions boursières n'auront pas à être modifiées. Tenue, par la lettre de mission du ministre de la Justice, d'envisager une dépénalisation du droit des marchés financiers, ladite commission devait, ainsi, renoncer, d'elle-même, à formuler des propositions concrètes en droit des marchés financiers. Elle s'est limitée, de la sorte, à une analyse prospective du fonctionnement institutionnel, en préconisant une réforme de fond, essentiellement de nature procédurale, excluant toute proposition relevant du droit substantiel.

Cependant, si aucune proposition pratique de dépénalisation n'a été formulée, le rapport "Coulon", paradoxalement, propose d'augmenter de 2 à 3 ans, les peines d'emprisonnement sanctionnant le délit d'initié (2). Sans doute faut-il y voir le souci de préconiser au moins une modification textuelle, car, autrement, la commission semble s'être heurtée à l'autonomie de l'encadrement juridique boursier, cette dernière la contraignant à exclure les solutions de dépénalisation traditionnelles dans l'intérêt même du marché et des investisseurs. A la lecture du rapport, il apparaît, en effet, que les solutions théoriques (I) de dépénalisation sont, à la différence du droit des sociétés, assez limitées, ce qui explique la nature procédurale des seules préconisations pratiques (II) qu'il emporte.

I - Des solutions théoriques de dépénalisation limitées

La partie précédente de cette étude, consacrée à la dépénalisation du droit des sociétés (J.-B. Lenhof, Dépénalisation du droit des affaires et droit des sociétés, réflexions sur le rapport "Coulon", Lexbase Hebdo n° 299 du 3 avril 2008 - édition privée générale N° Lexbase : N6366BEI), a fait apparaître la diversité, au plan théorique, des méthodes envisagées pour opérer une diminution des sanctions, sans porter atteinte à la protection des sociétés et des consommateurs. Le cadre du droit des marchés financiers semble, en revanche, offrir moins de solutions que celui des sociétés. Il ne permet que d'associer, de façon spécifique au droit boursier, des acteurs privés au mécanisme de dépénalisation (A), ou d'accroître les pouvoirs de la puissance publique (B) pour compenser la diminution des sanctions pénales.

A - Le rôle des acteurs privés dans la dépénalisation

Le rôle pratique des acteurs privés du droit des marchés financiers ne peut être appréhendé sans rappeler les différents mécanismes identifiés, dans le rapport, comme constituant les techniques de base de la dépénalisation. Ces techniques se décomposent, selon la commission, en un triptyque :

- la première, qualifiée de "sèche [...], consiste à mettre fin à l'illicéité d'un comportement" (3) ;

- la deuxième repose sur une substitution de mécanismes civils, administratifs, ou disciplinaires à la sanction pénale ;

- la troisième consiste, enfin, en une "réduction du périmètre de la qualification pénale, en modifiant ses éléments constitutifs, matériel ou moral" (4).

Selon le rapport, c'est la deuxième solution qui constitue le procédé le plus efficace, compte tenu de la nécessité de maintenir un encadrement juridique suffisamment dissuasif pour juguler les comportements néfastes des acteurs économiques. Cependant, parmi l'ensemble des mécanismes que ce dernier propose de mettre en oeuvre (cf. le volet de l'étude consacrée au droit des sociétés, précité), seuls quelques-uns d'entre eux sont susceptibles d'être utilisés en droit des marchés financiers.

Le contrôle préalable exercé par des acteurs économiques privés (et accessoirement administratifs) est, en premier lieu, présenté comme permettant d'encadrer, a priori, certaines situations critiques, soit par un contrôle des personnes elles-mêmes, soit par celui -dans le cas des sociétés- de la structure de l'organisation interne. La technique, amplement illustrée par l'intervention administrative, à l'époque où le dirigisme économique était de rigueur, tranche, semble-t-il, avec une certaine forme de privatisation des marchés, introduite par la loi n° 96-597, du 2 juillet 1996, de modernisation des activités financières (ci-après la loi "MAF") (N° Lexbase : L5893A4Z), privatisation qui caractérise, encore, les réformes les plus récentes du droit boursier.

L'instauration de ce mécanisme préventif encourt, par ailleurs, une autre critique, soulignée par la commission elle-même, qui relève que la Banque mondiale dans son rapport annuel "Doing Business" a émis des réserves d'importance sur l'efficacité de ce type de procédure, estimant, en effet, que, lorsqu'il est confié à l'administration, ce contrôle est générateur de surcoûts et de perte de temps pour les entreprises. On ajoutera, sur un plan plus juridique, qu'il présente le défaut (que le contrôleur soit public ou privé) d'en mutualiser le prix et de le faire supporter, indistinctement, par tous les groupements, et non par ceux d'entre eux qui mériteraient d'être sanctionnés. Il convient, enfin, de souligner que le recours à des opérateurs privés, au delà du contrôle de l'AMF, a déjà été largement mis en place en droit des marchés financiers. Il est, ainsi, institutionnalisé par les divers contrôles réalisés par les entreprises de marché au titre des compétences générales d'encadrement des opérations de l'article L. 421-2 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2995HZX) (5). Mieux encore, sur certains marchés -comme Alternext-, ce sont des intermédiaires financiers privés qui sont chargés de réaliser un contrôle sur les émetteurs (6).

L'autre proposition, faite par la commission, et concernant l'édiction de codes de déontologie dont les acteurs du marché seraient les destinataires, appelle le même type de remarque. En effet, les marchés financiers connaissent, depuis la loi "MAF", un régime comparable, avec l'introduction de codes de conduite ou de "bonne" conduite. Ces règles, dont la Directive 93/22 du 10 mai 1993, concernant les services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières (ci-après la "DSI") (N° Lexbase : L7726AUP) a posé les principes directeurs, ont été retranscrites dans la loi "MAF", assorties d'une disposition imposant aux acteurs des marchés financiers de les matérialiser et d'y assujettir leurs collaborateurs. Elles sont, donc, imposées, au titre du pouvoir réglementaire et disciplinaire de l'employeur (7), aux salariés ou aux préposés des entreprises d'investissement et des entreprises de marché. Ce contrôle des comportements s'avère, ainsi, difficile à accroître, compte tenu, en premier lieu, de son emprise actuelle sur les personnes assujetties et, en second lieu, parce que son existence est liée à la transposition d'une Directive et que l'organisation boursière qui en résulte ne peut être modifiée librement par le législateur.

Ces différents constats permettent de comprendre pourquoi, revenant sur le mouvement de désengagement de la puissance publique, la commission s'en soit tenue à des solutions très traditionnelles -du moins dans la tradition de régulation française- de contrôle administratif des acteurs économiques.

B - Le rôle de la puissance publique dans la dépénalisation

Le rapport préconise, à partir de ce constat, l'introduction de mécanismes d'injonctions administratives, qui constituent la troisième technique de substitution. Il s'agit de mettre en oeuvre, en l'espèce, des "pouvoirs de mise en demeure des acteurs économiques dans des domaines techniques particuliers" (8), essentiellement destinés à permettre de substituer une solution négociée à une sanction (9). Mais, là également, le Code monétaire et financier a déjà institué des mécanismes comparables, en raison de la nécessité de maintenir, même dans un contexte de contractualisation, une forme de pouvoir de police des marchés. Certes, le terme d'injonction n'est pas expressément utilisé dans les textes boursiers, mais leur économie tend à répondre aux mêmes préoccupations que celles qui animent la commission de dépénalisation : permettre à la puissance publique de corriger les agissements répréhensibles, dès l'origine, et avec plus d'efficacité et de célérité que dans le cas d'une action judiciaire (pour deux exemples topiques, ceux des articles L. 532-20 N° Lexbase : L3066HZL (10) ou L. 621-8-1N° Lexbase : L8006HB7 (11) du Code monétaire et financier).

Sur ce point, l'AMF est au coeur du mécanisme de substitution évoqué par la commission : celui des sanctions administratives prononcées par les autorités administratives indépendantes (ci-après les AAI). Le rapport souligne, à cette occasion, les avantages apportés par cette technique de régulation, caractérisée par sa rapidité, la connaissance du secteur d'activité, ainsi que la compétence technique. Il relève, en revanche, les faiblesses institutionnelles qu'elle recèle car l'AAI cumule fréquemment les qualités de source normative et de juge du secteur d'activité dont elle est en charge. Cette situation a, ainsi, rendu les décisions de l'autorité boursière vulnérable à des recours fondés sur le respect des principes posés par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) (notamment sous l'empire de l'organisation ancienne avec la Commission des opérations de bourse -COB-). Les justiciables de la COB, puis de l'AMF, ont, ainsi, pu faire prospérer nombre de recours fondés sur la présomption d'innocence, la partialité du juge boursier, et le non-respect du principe de légalité (12). Un autre reproche, adressé au système de sanction propre aux AAI, est que les victimes, de surcroît, ne peuvent, dans l'hypothèse d'une sanction de l'auteur de l'infraction, être indemnisées par l'AMF et doivent intenter un recours en réparation, sur le fondement du droit commun, ce qui complique, inutilement, l'action punitive de l'autorité et diminue son efficacité.

Cette organisation institutionnelle particulière pose, enfin, le problème de la dualité de l'action répressive. En effet, lorsqu'une entreprise ou un particulier est sanctionné par l'AMF, il risque, au surplus, de subir une sanction pénale et, donc, de faire l'objet d'un cumul de sanctions, au mépris, en théorie, du respect du principe non bis idem (13). La validité de ce cumul a, toutefois, été reconnue par le Conseil constitutionnel (14), mais à la condition que les sanctions ne soient pas supérieures au maximum prévu par l'une ou l'autre des deux peines applicables. Cette solution se fonde, au plan textuel, sur les réserves émises par la France à l'égard du texte de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (15), réserves tendant à considérer que la règle de non-cumul ne s'applique que pour les sanctions dont le juge pénal peut connaître. Sur ce point, cependant, le rapport fait valoir que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (16), qui assimile la matière pénale à toute matière punitive, fait peser sur la position française un risque non négligeable de remise en cause de l'approche des sanctions boursières par le droit interne.

C'est, sans doute, au regard des incertitudes qui pèsent sur la pérennité des attributions juridictionnelles des autorités administratives indépendantes, que la commission a été conduite à préconiser le recours à des sanctions administratives des services de l'Etat. Le prononcé de la sanction, dans ce cadre, peut, en effet, être réalisé par une direction particulière, telle la DGCCRF, ou des AAI. Cette solution n'est, cependant, pas, elle non plus, exempte de critiques. Elle diminue, notamment, les garanties procédurales pour le justiciable et éparpille le contentieux de la sanction entre les deux ordres de juridiction, le recours contre ces décisions étant, en principe, porté devant les juridictions administratives, mais relevant, exceptionnellement, pour certaines AAI -comme l'AMF-, de l'ordre judiciaire.

En définitive, les difficultés rencontrées s'avérant essentiellement d'ordre institutionnel, une des solutions à la dépénalisation, en matière de droit des marchés financiers, serait, donc, selon la commission, de restaurer le pouvoir du juge. Il s'agirait, principalement, de faire de ce dernier, au moyen de réformes procédurales, le pivot des différents mécanismes de sanction.

II - Des solutions pratiques centrées sur de nouveaux pouvoirs des juges

La procédure, au coeur de tout dispositif répressif, conserve une importance particulière, même lorsque la sanction n'est pas de nature pénale. Un mouvement de dépénalisation ne saurait, donc, que prendre en considération le poids des garanties procédurales dans la mise en oeuvre d'un pouvoir de sanction. Comme, sur ce plan, le droit des marchés financiers est encore sujet à un certain nombre de critiques, la dépénalisation peut fournir l'occasion, en transposant des mécanismes de protection du justiciable inhérents au droit pénal, d'améliorer globalement le régime des sanctions du droit boursier. C'est la raison pour laquelle les pouvoirs du juge sont repensés par les auteurs du rapport, au point d'en faire le pivot de la procédure de sanction (A), tout en s'appuyant, au fond, sur l'ancienne logique du droit des marchés financiers. La place privilégiée donnée au juge permet, par ailleurs, d'envisager d'accroître son rôle central, en lui confiant la mise en oeuvre des mécanismes transactionnels et alternatifs (B).

A - Le juge, pivot de la procédure de sanction

Faire du juge le pivot de la procédure, tout en conservant de larges compétences à l'AMF, tel est l'objectif des propositions de la commission dont les membres ont souligné qu'il convenait de maintenir un équilibre entre l'efficacité, unanimement soulignée, de l'Autorité boursière, et la nécessité de régler le problème de la double sanction. En ce sens, la récente réforme de la commission des sanctions par la loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier (N° Lexbase : L5471H3Z), qui a introduit une procédure de récusation de ses membres, permettrait, selon le rapport, de conserver l'organisation et la composition actuelle (17) de l'organe répressif de l'AMF, sans risquer de subir des recours concernant l'impartialité de ses membres (18).

Ceci posé, les pouvoirs de l'AMF en seraient, toutefois, amoindris en matière pénale. Le rapport se prononce, en effet, pour la clarification des compétences, l'Autorité demeurant juge des manquements à son règlement général, le juge pénal connaissant, lui, exclusivement des abus de marché les plus graves. Cette solution, en tout état de cause, ne permettrait de mettre fin au cumul des sanctions qu'au prix d'une séparation stricte des compétences. L'hypothèse est, certes, envisageable, mais elle constituerait un recul quant à l'efficacité et la pertinence des décisions, alors que, précisément, la qualité de l'action de l'AMF a toujours constitué la justification au caractère dérogatoire des sanctions du droit boursier. Le rapport propose, donc, plutôt qu'une séparation stricte des pouvoirs, de réaliser un véritable partage des compétences qui permettrait d'allier l'expertise technique dont dispose l'Autorité avec les garanties procédurales que le juge pénal est plus à même d'offrir. Cette réorganisation se déclinerait en quatre points.

1 - En premier lieu, pour tous les manquements ne faisant pas l'objet d'un cumul avec le droit pénal, maintien d'un statu quo pour l'AMF, avec conservation des procédures et de l'organisation actuelle ;

2 - Pour les faits relevant à la fois d'un manquement au règlement général de l'AMF et d'une infraction pénale, mise en place d'une procédure conjointe d'enquête, fruit d'une collaboration entre l'Autorité et le parquet et reposant sur les règles obéissant à la chronologie suivante :

  • transmission par l'AMF au parquet, sans attendre la notification des griefs, des faits relevant d'une qualification pénale ;
  • enquête parallèle, judiciaire et administrative, avec communication des pièces et demande d'avis (la création d'une équipe commune d'enquête étant envisageable) ;
  • sursis à statuer de l'AMF, dans l'attente de la décision du parquet ;
  • attribution de compétence, avec deux solutions possibles : qualification pénale, avec transmission aux tribunaux de l'ordre judiciaire ou possibilité d'un simple renvoi à l'AMF pour sanction administrative à l'issue de l'enquête pénale et après avis de l'Autorité ;

3 - Ouverture aux victimes d'une action civile par voie d'intervention directe durant cette procédure, donnant un droit d'accès à l'enquête de l'AMF aux fins de constitution de preuves ;

4 - Echevinage, en première instance et en appel, avec adjonction à la formation collégiale de deux assesseurs supplémentaires spécialisés en matière de marchés financiers.

Cet ensemble de propositions est, ainsi, susceptible de modifier profondément le traitement des infractions boursières. L'importance des préconisations contraste, de la sorte, avec la retenue dont la commission a fait preuve quant aux modifications substantielles des sanctions. Ce qui pourrait apparaître comme une certaine forme de frilosité, alors que des représentants éminents du groupe de travail -au sein duquel figurait, entre autres, M. Prada, président de l'Autorité-, s'explique, cependant, aisément. D'une part, les modifications des sanctions pénales en matière de droit boursier dépendent de sujétions supra-législatives et, en particulier, de la Directive 2003/6, du 28 janvier 2003, sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (abus de marché) (N° Lexbase : L8022BBQ), qui rendent les réformes relatives aux sanctions particulièrement délicates. D'autre part, le projet de loi de modernisation de l'économie (ci-après "LME"), qui vient d'être transmis au Conseil d'Etat, prévoit d'autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour, entre autres dispositions, moderniser la place financière de Paris, ce qui laisse augurer une réforme institutionnelle, celle-ci devant précéder, en toute logique, une modification éventuelle du droit substantiel.

Au-delà de cette partie spécifiquement dédiée au droit des marchés financiers, le rapport émet d'autres propositions, générales celles-ci, et destinées à améliorer la procédure au profit des victimes d'infractions. Parmi ces propositions que nous avons détaillées par ailleurs (voir J.-B. Lenhof, Dépénalisation du droit des affaires et droit des sociétés, réflexions sur le rapport "Coulon", précité), certaines d'entre elles pourraient, si elles étaient adoptées, avoir des conséquences importantes pour les marchés.

Nous évoquerons ainsi, pour mémoire, une partie du rapport dédié au renforcement de "l'efficacité de la justice pénale pour la sanction des comportements frauduleux" qui se propose de limiter l'instrumentalisation de la justice pénale à l'appui de quatre mesures :

  • en allongeant le délai de recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile de 3 à 6 mois après la plainte devant le procureur de la République ;
  • en contraignant à motiver les classements sans suite ;
  • en exigeant la production de pièces comptables pour fixer la consignation ;
  • en convertissant la consignation en amende civile en cas de non lieu, sauf décision contraire du juge.

Cette partie enjoint, également, d'améliorer la spécialisation des magistrats et des juridictions, ainsi que le régime des frais de justice civile.

Ce qui, en revanche, à notre sens, influerait considérablement sur le jeu des forces opposant les investisseurs aux émetteurs, serait la reconnaissance éventuelle d'une action de groupe, au profit des consommateurs en général, mais dont on peut supposer qu'elle s'applique également aux investisseurs boursiers. Cette action, envisagée comme un contrepoids à la limitation de la constitution des parties civiles, devrait permettre à des associations -avec ou sans mandat, précise la commission- d'assigner un acteur économique au nom de personnes ayant subi, de son fait, le même type de préjudice. On pourra objecter que les groupements d'actionnaires ne sont pas dépourvus de moyens d'action contre les auteurs d'infractions, comme en attestent les succès des recours intentés par les associations d'actionnaires minoritaires, mais, face aux préjudices collectifs, le juge ne dispose pas de la possibilité de prononcer une décision -notamment d'indemnisation- ayant autorité de la chose jugée à l'égard de l'ensemble des plaignants ou des victimes représentés. Comment indemniser individuellement, pourtant, comme les plaignants l'exigent, des milliers, voire des dizaines de milliers d'actionnaires ? On a vu, à l'occasion de l'affaire "Sidel" (19) que le juge a récemment été amené à conclure, en dehors de tout texte, à une indemnisation collective, face à la multitude de victimes d'un délit boursier. La question de la légalisation d'une telle solution, qui n'est pas expressément évoquée pour le droit des marchés financiers, figure, cependant, en filigrane dans la rédaction du rapport.

B - Le juge, maître des mécanismes transactionnels et alternatifs

Au-delà de son rôle de garant de la procédure pénale, la situation du juge va être reconsidérée, jusque dans ses aspects les moins judiciaires. En effet, la commission consacre une partie importante de sa réflexion au recensement des solutions alternatives susceptibles d'être substituées à la sanction pénale. Encore faut-il distinguer, en ce domaine, les solutions générales, susceptibles d'être mises en oeuvre pour dépénaliser l'essentiel du droit des affaires, des solutions spécifiques, nées du particularisme des marchés financiers.

S'agissant des solutions générales, le rapport préconise, en premier lieu, de faire en sorte que le procureur de la République soit incité à recourir aux mécanismes prévus à l'article 41-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8616HWZ), qui lui permettent, préalablement à toute action publique, d'opérer un rappel à la loi, un classement sous condition de régularisation, un classement sous condition de réparation ou une médiation pénale. Il souligne, en second lieu, les avantages susceptibles d'être retirés d'une réforme permettant d'appliquer aux personnes morales la composition pénale prévue à l'article 41-2 de ce code (N° Lexbase : L3848HCI). Ce mécanisme serait, comme pour les personnes physiques, réservé aux faits punis d'emprisonnement inférieur à 5 ans, et emporterait, outre l'amende, la condamnation à réparer le préjudice. Il propose, enfin, de transposer la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité des articles 495-7 (N° Lexbase : L0876DY4) et suivants du Code de procédure pénale (20).

Mais, c'est surtout, s'agissant des solutions relatives aux marchés financiers, la création d'un mécanisme transactionnel spécifique que le rapport envisage, mécanisme dont la mise en oeuvre serait, en principe, soumise à une homologation judiciaire si ces transactions avaient pour objet des agissements susceptibles de faire l'objet d'une transaction pénale (21). Cette mise en oeuvre se heurte, toutefois, à un certain nombre de difficultés.

Il s'agit, en effet, d'étendre, en pratique, la transaction hors du champ pénal, tout en maintenant des garanties procédurales importantes. A ce titre, l'instauration d'un tel mécanisme avait déjà été envisagée en 2005 par l'AMF, le projet prévoyant que le juge pénal n'intervenait pas dans la procédure et que la transaction n'était pas subordonnée à une reconnaissance de culpabilité. Ce projet, à l'époque, n'avait pu aboutir en raison de l'encadrement juridique strict de la transaction. En effet, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est établie, de longue date (22) qui fait du juge judiciaire le garant des sanctions susceptibles de porter atteinte aux libertés individuelles, comme c'est le cas pour certaines sanctions du droit des marchés financiers (comme l'interdiction d'exercer, par exemple). Par ailleurs, la transaction, par principe, est subordonnée à la reconnaissance des faits reprochés. Cette solution s'impose, en effet, puisque, à défaut de cette reconnaissance, la transaction éteignant l'action pénale, les éventuelles victimes se verraient privées de toute action contre l'auteur de l'infraction ayant fait l'objet d'une transaction. On peut, enfin, s'interroger sur la constitutionnalité de l'attribution par le législateur du pouvoir d'éteindre l'action publique à une AAI.

En toute hypothèse, les solutions envisageables consisteraient, ainsi, en la mise en place d'une procédure associant le juge pénal aux transactions concernant des agissements susceptibles d'être qualifiés pénalement.

La conclusion, quant à l'éventuelle suite législative à donner au rapport "Coulon", renvoie sans doute davantage à une réforme institutionnelle et procédurale qu'à une véritable dépénalisation. L'idée de réformer, par ordonnance, le fonctionnement de la place de Paris, que nous avons évoqué précédemment, constitue, ainsi, le recours indirect à une forme de dépénalisation du droit des sanctions boursières qui pourrait passer, éventuellement, par une diminution des compétences de l'AMF.


(1) Voir rapport "Clément", Mission d'information sur la réforme du droit des sociétés, p. 3, attribuée à Xavier Fontanet, Président d'Essilor (2 décembre 2003).
(2) Voir rapport "Coulon", p. 24.
(3) Voir rapport "Coulon", p.11.
(4) Voir rapport "Coulon", p. 13.
(5) C. mon. et fin., art. L. 421-2 du Code monétaire et financier, "un marché réglementé est géré par une entreprise de marché. Celle-ci a la forme d'une société commerciale. Lorsque l'entreprise de marché gère un marché réglementé régi par les dispositions du présent code, son siège social et sa direction effective sont établis sur le territoire de la France métropolitaine ou des départements d'outre-mer. L'entreprise de marché doit satisfaire à tout moment aux dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables. L'entreprise de marché effectue les actes afférents à l'organisation et l'exploitation de chaque marché réglementé qu'elle gère. Elle veille à ce que chaque marché réglementé qu'elle gère remplisse en permanence les exigences qui lui sont applicables".
(6) Voir le lien sur le site internet d'Euronext.
(7) C. trav., art. L. 122-34 (N° Lexbase : L5547ACG).
(8) Voir rapport "Coulon", p. 21.
(9) Ainsi, dans le cadre de leur pouvoir administratif d'enquête, les agents de la DGCCRF peuvent enjoindre au professionnel de se conformer à la réglementation telle qu'elle résulte des livres Ier et III du Code de la consommation, dans un délai raisonnable, ou de faire cesser des agissements illicites ou abusifs. Voir C. consom., art. L. 141-1 (N° Lexbase : L2199HWD) : "IV. - les agents habilités à constater les infractions mentionnées au présent article peuvent enjoindre au professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer aux obligations résultant des livres Ier et III du Code de la consommation ou de faire cesser les agissements illicites ou abusifs mentionnés aux I et II du présent article".
(10) C. mon. et fin., art. L. 532-20 (N° Lexbase : L3066HZL), "les personnes mentionnées à l'article L. 532-18-1 transmettent à l'Autorité des marchés financiers, à des fins statistiques, des rapports périodiques sur les activités de leur succursale". L'Autorité des marchés financiers peut exiger des succursales mentionnées à l'article L. 532-18-1 qu'elles lui transmettent les informations nécessaires pour lui permettre de vérifier qu'elles se conforment aux dispositions qui leur sont applicables sur le territoire de la France métropolitaine et des départements d'outre-mer, pour les cas prévus à l'article L. 532-18-2 (N° Lexbase : L3064HZI). Les obligations ainsi imposées à ces succursales ne peuvent être plus strictes que celles qui sont applicables aux prestataires de services d'investissement mentionnés à l'article L. 531-1 (N° Lexbase : L9338DYI).
(11) C. mon. fin., art. L. 621-8-1, "I. - Pour délivrer le visa mentionné à l'article L. 621-8 (N° Lexbase : L3299HIZ), l'Autorité des marchés financiers vérifie si le document est complet et compréhensible, et si les informations qu'il contient sont cohérentes. L'Autorité des marchés financiers indique, le cas échéant, les énonciations à modifier ou les informations complémentaires à insérer. L'Autorité des marchés financiers peut également demander toutes explications ou justifications, notamment au sujet de la situation, de l'activité et des résultats de l'émetteur ainsi que des garants éventuels des instruments financiers objets de l'opération.
II. - L'Autorité des marchés financiers peut suspendre l'opération pour une durée qui ne peut excéder une limite fixée par son règlement général lorsqu'elle a des motifs raisonnables de soupçonner qu'elle est contraire aux dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables. L'Autorité des marchés financiers peut interdire l'opération :
1° Lorsqu'elle a des motifs raisonnables de soupçonner qu'une émission ou une cession est contraire aux dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables ;
2° Lorsqu'elle constate qu'un projet d'admission aux négociations sur un marché réglementé est contraire aux dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables
".
(12) Lire Y. Paclot, Le pouvoir de sanction administrative de l'Autorité des marchés financiers, Lexbase Hebdo n° 72 du 21 mai 2003 - édition affaires (N° Lexbase : N7312AA3).
(13) Principe garanti par le protocole n° 7 du 22 novembre 1984, relatif à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, "article 4 Droit à ne pas être jugé ou puni deux fois. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat".
(14) Voir Cons. const., DC n° 88-248 du 17 janvier 1989, Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (N° Lexbase : A8194ACH), et Cons. const., DC n° 89-260 du 28 juillet 1989, Commission des opérations de bourse (N° Lexbase : A8202ACR).
(15) Réserve contenue dans l'instrument de ratification, déposé le 17 février 1986 : "le Gouvernement de la République française déclare que seules les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale doivent être regardées comme des infractions au sens des articles 2 à 4 du présent Protocole".
(16) "La matière pénale s'entend de toute matière punitive et ayant une certaine gravité" (CEDH, 21 février 1984, Req. 8544/79, Öztürk N° Lexbase : A5092AYA).
(17) Cf. C. mon. et fin., art. L. 621-2 (N° Lexbase : L6274DI9), la composition de la commission des sanctions est actuellement la suivante :
- douze membres distincts des membres du Collège:
- deux conseillers d'Etat désignés par le vice-président du Conseil d'Etat ;
- deux conseillers à la Cour de cassation désignés par le premier président de la Cour de cassation ;
- six membres désignés, à raison de leur compétence financière et juridique, ainsi que de leur expérience en matière d'appel public à l'épargne et d'investissement de l'épargne dans des instruments financiers, par le ministre chargé de l'Economie, après consultation des organisations représentatives des sociétés industrielles et commerciales dont les titres font l'objet d'appel public à l'épargne, des sociétés de gestion d'organismes de placements collectifs et des autres investisseurs, des prestataires de services d'investissement, des entreprises de marché, des chambres de compensation, des gestionnaires de systèmes de règlement livraison et des dépositaires centraux ;
- deux représentants des salariés des entreprises ou établissements prestataires de services d'investissement, des sociétés de gestion d'organismes de placements collectifs, des entreprises de marché, des chambres de compensation, des gestionnaires de systèmes de règlement livraison et des dépositaires centraux, désignés par le ministre chargé de l'Economie et des Finances après consultation des organisations syndicales représentatives.
(18) Voir rapport "Coulon", p. 54 : "le Conseil d'Etat qui a annulé des décisions de sanctions de l'AMF pour défaut d'impartialité d'un membre de la commission des sanctions, ce dernier étant soit en relation d'affaires, soit en litige, soit concurrent des sociétés mises en cause" (CE Contentieux, 27 octobre 2006, n° 276069, M. Parent et autres N° Lexbase : A1923DSZ ; CE 1° et 6° s.s.r., 30 mai 2007, n° 288538, Société Europe Finance et Industrie N° Lexbase : A5267DWY ; CE 1/6 SSR., 26 juillet 2007, n° 293627, Société Global Gestion N° Lexbase : A4834DXC).
(19) Voir TC Paris, 12 septembre 2006.
(20) Le recours à cette procédure est, toutefois, limité par les sujétions imposées par la circulaire du 14 septembre 2004 (Circ. min., n° CRIM 04-14/G3, du 14 septembre 2004, présentation des dispositions pénales ou à incidence pénale de la loi du 1er août 2003 relative à la sécurité financière, de la loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique, et de l'ordonnance du 25 mars 2004 N° Lexbase : L7828GT4), qui prévoit que le texte ne doit être appliqué que pour des affaires simples, en état d'être jugées, dans lesquelles il existe une certaine prévisibilité de la sanction, et qui ne justifient pas une audience devant le tribunal correctionnel. Ce cadre assez strict n'empêche pas, cependant, le traitement d'infractions mineures, sans audience, ce qui permettrait d'éviter de faire supporter à l'entreprise, outre la sanction, une publicité des débats qui serait nuisible à son activité commerciale.
(21) Voir rapport "Coulon", p. 63.
(22) Cons. const., DC n° 95-360, du 2 février 1995 (N° Lexbase : A8324ACB).

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Temps de trajet et d'habillage : la Cour de cassation veille au grain

Réf. : Cass. soc., 26 mars 2008, n° 05-41.476, Société transports publics de l'agglomération stéphanoise (STAS) c/ Union régionale UNSA Rhône Alpes et autres, FS P+B+R+I (N° Lexbase : A5897D7K)

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N6475BEK

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010



La question de la qualification des temps de trajet ou d'habillage, temps mixtes par excellence, fait difficulté en dépit des interventions successives du législateur. Dans un arrêt rendu le 26 mars 2008, la Chambre sociale de la Cour refuse d'étendre l'application des dispositions légales et s'en tient aux textes, et rien qu'aux textes, pour rappeler que le temps de trajet n'est pas, en principe, un temps de travail effectif, dès lors que le salarié peut librement vaquer à ses occupations personnelles (I), et que les temps d'habillage ne doivent être compensés que si la tenue que doivent obligatoirement revêtir les salariés doit l'être sur le lieu de travail (II).
Résumé

Le temps habituel du trajet entre le domicile et le lieu de travail ne constitue pas du temps de travail effectif. La cour d'appel, qui constate que les salariés n'étaient tenus de passer au dépôt de l'entreprise ni avant, ni après leur prise de service, et ne s'y rendaient que pour des raisons de convenance personnelle, doit en déduire que ces temps de trajet, pendant lesquels les intéressés ne sont pas à la disposition de l'employeur et ne doivent pas se conformer à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, ne constituent pas un temps de travail effectif.

Le bénéfice des contreparties exigées pour compenser les temps d'habillage et de déshabillage des salariés est subordonné à la réalisation des deux conditions cumulatives prévues par l'article L. 212-4, alinéa 3, du Code du travail (N° Lexbase : L8959G7X, art. L. 3121-3, recod. N° Lexbase : L1134HXB), à savoir l'obligation de porter une tenue de travail et l'obligation de s'habiller et de se déshabiller dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.


Commentaire

I - La qualification des temps de trajet

  • Principes

Le temps habituel de trajet entre le domicile et le lieu de travail ne constitue pas en soi un temps de travail effectif (1). Dès lors, le régime des heures supplémentaires ne peut leur être appliqué (2).

Il en va différemment si le trajet entre le domicile du salarié et les différents lieux, où il est amené à travailler, déroge au temps normal du trajet d'un travailleur se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel (3).Cette jurisprudence a été confortée par l'article 69 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 (N° Lexbase : L6384G49), qui a modifié l'article L. 212-4 du Code du travail ; ce texte dispose, désormais, que "le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif", sauf "s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail"(4).

Selon les termes de la jurisprudence, quatre conditions sont nécessaires pour que le temps de trajet puisse être qualifié de temps de travail effectif : les déplacements doivent présenter un caractère professionnel ; ils doivent être réalisés à la demande de l'employeur et ils doivent être effectués hors période de travail et dépasser, en durée, le temps normal du déplacement entre le domicile et le lieu de travail habituel.

Ces décisions, et la modification de l'article L. 212-4 du Code du travail intervenue en 2005, ne concernent, toutefois, que l'hypothèse où le salarié est amené à se rendre sur un lieu de travail inhabituel, et non celle où les salariés prétendraient obtenir la qualification de temps de travail effectif pour les temps normaux de trajet. Si la formulation du nouvel article L. 212-4 du Code du travail semble exclure toute autre possibilité que celle d'établir le dépassement du temps normal de trajet, rien ne vient contraindre la Cour de cassation pour des faits antérieurs à la loi du 18 janvier 2005 ; c'est tout l'intérêt de cet arrêt rendu le 26 mars 2008.


  • Qualification du temps de trajet considéré comme contraignant par les salariés

Cette affaire concernait les chauffeurs de bus de la Société de transports publics de l'agglomération stéphanoise (STAS). Ces derniers prétendaient, en effet, faire qualifier de temps de travail effectif le temps de trajet nécessaire pour effectuer la relève ou regagner le dépôt en fin de service.

La cour d'appel de Lyon leur avait donné raison, au prix d'un assouplissement des critères dégagés par la Cour de cassation. Alors que cette dernière exige, en effet, que le temps de trajet en cause soit du temps contraint, la juridiction lyonnaise avait constaté que le retour au dépôt n'était pas imposé par le règlement au-delà d'une fois par jour, sauf accident devant faire l'objet d'un rapport immédiat. Elle avait, toutefois, estimé que c'est l'organisation du service, par la dissociation des sites de prise et de fin de service, nécessitée par la continuité du service public, qui imposait aux conducteurs et contrôleurs d'effectuer, à la fin de leur service ou avant la prise de relève, ce passage au dépôt, et que cette contrainte ne répondait pas à une simple convenance personnelle. La cour d'appel de Lyon avait, également, considéré que, pendant ce trajet qui pourrait être effectué par le biais de navettes et dont la durée peut être parfaitement quantifiable, le conducteur ne peut vaquer librement à ses activités personnelles puisqu'il demeure soumis à un horaire et reste sous le contrôle de l'employeur dont il porte l'uniforme et qui l'autorise à pénétrer dans l'enceinte de l'entreprise pour y stationner ou récupérer son véhicule, voire ses affaires personnelles. En d'autres termes, la cour de Lyon avait considéré que les salariés n'étaient pas juridiquement contraints par l'employeur de réaliser ces temps supplémentaires, mais que c'est bien l'organisation même de l'activité de l'entreprise qui les y contraignait de fait.

Cette extension du critère de la contrainte n'a pas convaincu la Chambre sociale de la Cour de cassation qui casse, sur ce point, l'arrêt. Après avoir rappelé le principe selon lequel "le temps habituel du trajet entre le domicile et le lieu de travail ne constitue pas du temps de travail effectif", la Haute juridiction relève que la cour d'appel avait elle-même "constaté que les salariés n'étaient tenus de passer au dépôt de l'entreprise ni avant, ni après leur prise de service, et ne s'y rendaient que pour des raisons de convenance personnelle, ce dont elle aurait dû déduire que ces temps de trajet, pendant lesquels les intéressés n'étaient pas à la disposition de l'employeur et ne devaient pas se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, ne constituaient pas un temps de travail effectif".


  • Une solution justifiée

La cassation de l'arrêt est justifiée par une solide argumentation. En constatant que les salarié n'étaient pas juridiquement contraints de repasser par le dépôt pour y reprendre leur véhicule personnel, la Cour de cassation fait une application très orthodoxe de la définition du temps de travail effectif, tel qu'elle résulte de l'article L. 212-4, alinéa 1er, du Code du travail, et qui repose sur le constat que le salarié doit être "à la disposition de son employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles". Or, tel n'était pas le cas en l'espèce.

C'est donc bien le critère de l'autorité juridique de l'employeur qui doit prévaloir, et non celui des nécessités du service retenu par la cour d'appel. Ce faisant, la Chambre sociale entend bien maintenir la différence de traitement du trajet selon que sont en cause les rapports professionnels entre salariés et employeur, régis par le droit du travail, ou qu'est en cause l'application des dispositions du livre IV du Code la Sécurité sociale fondée sur la notion plus large de risque de l'activité.


II - La compensation financière des temps d'habillage et de déshabillage


  • Principes

La loi du 19 janvier 2000 (loi n° 2000-37 du 19 janvier, relative à la réduction négociée du temps de travail N° Lexbase : L0988AH3) a modifié le régime juridique des temps d'habillage et de déshabillage en introduisant le principe d'une compensation financière : "Lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail, et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail"(5).

La loi a donc choisi ici de retenir deux critères : celui du caractère juridiquement obligatoire de l'habillage, mais, également, celui du lieu de l'habillage, de manière à exclure la compensation des temps d'habillage réalisés à domicile.


  • Caractère cumulatif des conditions légales de la compensation

C'est le caractère cumulatif de ces deux critères qui se trouve ici explicité, pour la première fois, à notre connaissance, dans un arrêt publié, par la Chambre sociale de la Cour de cassation (6).

Sur ce point, également, la juridiction lyonnaise avait pris des libertés avec le texte en imposant l'ouverture de négociations portant sur les compensations à accorder aux salariés, et ce, en se fondant sur les dispositions des articles L. 120-2 (N° Lexbase : L5441ACI, art. L. 1121-1, recod. N° Lexbase : L9684HWL) et L. 122-35 (N° Lexbase : L5548ACH, art. L. 1321-3 N° Lexbase : L0244HXC et L. 1321-6, recod. N° Lexbase : L0247HXG) du Code du travail qui interdisent à l'employeur de porter aux droits des salariés des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché. Pour la cour d'appel de Lyon, en effet, il ne pouvait être imposé à un salarié, sur la base d'une pratique antérieure à la loi du 19 janvier 2000, d'afficher, en dehors de son temps de travail, son appartenance à une entreprise, une telle identification présentant, de surcroît, des risques pour sa sécurité personnelle en raison de la nature des tâches qui lui sont confiées, et ce, même si ce risque ne s'est pas encore réalisé. En d'autres termes, la cour considérait que, bien que non astreints à se vêtir dans l'entreprise, les salariés y étaient conduits de fait s'ils prétendaient exercer leur liberté de se vêtir librement sur leurs temps de vie personnelle.

L'argument n'a pas convaincu la Chambre sociale de la Cour de cassation, qui censure, sur ce point, également, l'arrêt, après avoir relevé que les deux conditions imposées par le texte sont cumulatives, et que "les salariés, astreints en vertu du règlement intérieur au port d'une tenue de travail, n'avaient pas l'obligation de la revêtir et l'enlever sur leur lieu de travail".


  • Une solution justifiée

Cette solution nous paraît, également, pleinement justifiée, ne serait-ce que parce que les termes du troisième alinéa de l'article L. 212-4 du Code du travail sont limpides et parfaitement explicites sur le caractère cumulatif des deux conditions nécessaires à l'octroi de compensations financières. Comme précédemment, la cour d'appel de Lyon était passée du critère de l'autorité à celui de la nécessité, en parfaite violation de la loi ; or, le juge doit appliquer la loi, et non la refaire.

Reste que ce conflit montre que la réponse apportée par le Code du travail à ces questions de temps de trajet ou d'habillage n'est pas suffisante pour régler toutes les questions qui peuvent se poser en pratique. La saisine du juge dans ces affaires ne nous semble pas la plus appropriée et c'est, sans doute, ce qu'a voulu faire passer comme message la Haute juridiction en conférant à cet arrêt la plus large publicité. Toutes ces questions portant sur les contraintes que l'organisation du travail fait peser sur les salariés doivent se régler non à la barre, mais autour de la table des négociations ; mais encore faut-il que toutes les parties en aient le désir...


(1) G. Lyon-Caen, Les libertés publiques et l'emploi, Rapport pour le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle, décembre 1991, La Documentation Française.
(2) Cass. soc., 21 mars 2006, n° 04-40.605, M. Alain Forment c/ M. Hardinder Singh, F-D (N° Lexbase : A8000DNM).
(3) Cass. soc., 5 novembre 2003, n° 01-43.109, Association Nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) c/ M. Antoine Marini, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0662DAR), D. 2004, somm. 391, obs. Wollmark ; JCP éd. E, 2004, p. 138, note Demoustier ; Cass. soc., 5 mai 2004, n° 01-43.918, Mme Christine Pennequin c/ Société Segec, FS-P+B (N° Lexbase : A0461DC3), Dr. soc., 2004, p. 899, et les obs. ; Cass. soc., 25 avril 2006, n° 05-42.904, Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) c/ M. Antoine Marini, F-D (N° Lexbase : A2199DP7) ; Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-45.217, M. Henri Fontaine c/ Association professionnelle pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), FS-P (N° Lexbase : A7492DP8) ; Cass. soc., 20 décembre 2006, n° 04-47.569, M. Patrick Roudière, F-D (N° Lexbase : A0858DTX) et Cass. soc., 20 décembre 2006, n° 04-48.525, Société Saint-Gobain Desjonquères, F-D (N° Lexbase : A3707DTH) ; CA Paris, 18ème ch., sect. D, 12 septembre 2006, n° 06/00155, M. Pierre Martin c/ Association pour la formation professionnelle des adultes (N° Lexbase : A7420DSM) ; Cass. soc., 30 mai 2007, n° 04-45.774, M. Bernard Van de Velde, F-D (N° Lexbase : A5091DWH) ; Cass. soc., 17 octobre 2007, n° 06-41.053, M. Francis Boullier, F-D (N° Lexbase : A8147DYE) ; Cass. soc., 12 mars 2008, n° 06-45.412, Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), F-D (N° Lexbase : A4000D7B).
(4) P.-A. Antonmattéi, "Temps de trajet : il ne manquait plus qu'une intervention législative !", Dr. soc., 2005, p. 410
(5) Ce qui n'exclut, d'ailleurs, pas de qualifier ces temps de travail effectif si le salarié doit, pendant qu'il s'habille ou se déshabille, demeurer à la disposition de son employeur sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles : Cass. soc., 10 mars 2004, n° 02-40.061, M. Thierry Brunori c/ Union pour la gestion des établissements des Caisses d'assurances maladies (UGECAM), F-D (N° Lexbase : A4928DB7)
(6) Cass. soc., 5 décembre 2007, n° 06-43.888, M. Andy Oussou, F-D (N° Lexbase : A0460D3G) : la cour d'appel avait justifié l'obligation de verser une compensation par le seul fait qu'une note de service de l'employeur prescrit à l'employé de bord de se présenter en tenue à sa prise de service ; l'arrêt est cassé après que la Cour eut rappelé que "l'habillage et le déshabillage doivent se réaliser dans l'entreprise ou sur le lieu de travail".

Décision


Cass. soc., 26 mars 2008, n° 05-41.476, Société transports publics de l'agglomération stéphanoise (STAS) c/ Union régionale UNSA Rhône Alpes et autres, FS P+B+R+I N° Lexbase : A5897D7K)

Cassation partielle (CA Lyon, ch. soc., 21 janvier 2005)

Textes visés : C. trav., art. L. 212-4 (N° Lexbase : L8959G7X)

Mots clef : travail effectif ; temps de trajet ; temps d'habillage ; compensation ; conditions ; caractère cumulatif


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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Les conventions individuelles de forfait dans le collimateur de la Cour de cassation

Réf. : Cass. soc., 26 mars 2008, n° 06-45.990, M. Jean Genieis c/ Société Paindor Côte-d'Azur, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6062D7N)

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Ce que l'on pouvait pressentir après l'arrêt "Blue Green" du 31 octobre 2007 (1), se trouve confirmé par une importante décision rendue le 26 mars 2008 : les conventions individuelles de forfait, et spécialement les conventions de forfait en jours, sont dans le collimateur de la Cour de cassation. Cette position n'est, à dire vrai, guère surprenante, dès lors que l'on tient compte du caractère dérogatoire de ce dispositif. Ce qui l'est, en revanche, plus, au regard des textes applicables, c'est l'affirmation selon laquelle les conventions individuelles de forfait établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle doivent nécessairement être passées par écrit. Rendue au visa de l'article L. 212-15-3 du Code du travail (N° Lexbase : L7755HBT, art. L. 3121-38, recod. N° Lexbase : L1169HXL), dans sa rédaction applicable au moment des faits, cette solution peut être critiquée et sa portée circonscrite. Par ailleurs, l'arrêt rapporté démontre que la Cour de cassation entend faire une application très stricte des stipulations conventionnelles sur le fondement desquelles ces conventions individuelles de forfait peuvent être établies.
Résumé

Selon l'article L. 212-15-3, I, du Code du travail, la durée de travail des cadres ne relevant pas des dispositions des articles L. 212-15-1 (N° Lexbase : L7949AIA, art. L. 3111-2, recod. N° Lexbase : L1131HX8) et L. 212-15-2 (N° Lexbase : L7950AIB, art. L. 3121-39, recod. N° Lexbase : L1170HXM) peut être fixée par des conventions individuelles de forfait établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle. Il en résulte que ces conventions doivent nécessairement être passées par écrit.

Dès lors que le salarié n'appartient pas à l'une des catégories de cadres expressément visées par l'accord collectif applicable dans l'entreprise, il ne peut être soumis à une convention de forfait en jours.

Commentaire

I La nécessité de rédiger la convention individuelle de forfait par écrit

  • Une exigence nouvelle

On doit à la loi "Aubry II" du 19 janvier 2000 (loi n° 2000-37, relative à la réduction négociée du temps de travail N° Lexbase : L0988AH3) d'avoir fait apparaître, dans le Code du travail, des dispositions spécifiques au temps de travail des cadres. Depuis cette date, il convient, en la matière, de distinguer trois catégories de cadres soumises à des régimes différents : les cadres "dirigeants" (C. trav., art. L. 212-15-1 ; art. L. 3111-2, recod.), les cadres "intégrés" (C. trav., art. L. 212-15-2 ; art. L. 3121-39, recod.) et les cadres "intermédiaires" (2), ne relevant pas des catégories précédentes (C. trav., art. L. 212-15-3 ; art. L. 3121-38, recod.). S'agissant, plus spécialement, de ces derniers, la loi prévoit des régimes de forfait spécifiques, dont on sait qu'ils peuvent, désormais, s'appliquer à certains salariés non cadres disposant d'une large autonomie.

Ainsi que le précise l'article L. 212-15-3, I (art. L. 3121-38, recod.) du Code du travail, la durée du travail des cadres "intermédiaires" peut être fixée par des conventions individuelles de forfait, qui peuvent être établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle (3). Ces conventions de forfait ont en commun de ne pouvoir être conclues que sur le fondement d'une convention ou d'un accord collectif de travail. Toutefois, ce n'est pas parce qu'un tel acte juridique est applicable dans une entreprise que l'employeur est en droit d'imposer une convention de forfait à un cadre. En effet, il découle du texte précité que le forfait n'est valable qu'à la stricte condition d'avoir été accepté par le cadre concerné. En d'autres termes, et ainsi que l'a décidé la Cour de cassation à propos des conventions de forfait de droit commun, seul un accord entre les parties peut fonder le forfait (4). Cette exigence est parfaitement justifiée, dans la mesure où la convention individuelle de forfait relève, par nature, de la catégorie des contrats (5).

Si la validité d'une convention de forfait suppose l'accord des parties, la Cour de cassation a jugé que celui-ci n'a pas besoin d'être formalisé, étant entendu "qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'exige l'existence d'un écrit pour l'établissement d'une convention de forfait" (6). Partant, la preuve de l'existence du forfait peut être apportée par tous moyens (7).

En l'espèce, les juges du fond avaient fait application de ces principes de solution, retenus à propos des conventions de forfait de droit commun. Pour débouter le salarié de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt attaqué avait, en effet, considéré que le salarié, à compter de sa promotion, en mai 2002, avait bénéficié de jours de réduction du temps de travail au titre du forfait annuel en jours. La cour d'appel en avait déduit que cet accord avait donné au salaire convenu un caractère forfaitaire excluant la rémunération d'heures supplémentaires, peu important l'inexistence d'un écrit pour l'établissement de la convention de forfait.

Cette argumentation est censurée par la Cour de cassation qui affirme que, "selon l'article L. 212-15-3, I du Code du travail, la durée du travail des cadres ne relevant pas des dispositions des articles L. 212-15-1 et L. 212-15-2 peut être fixée par des conventions individuelles de forfait établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle ; qu'il en résulte que ces conventions doivent nécessairement être passées par écrit".

  • Une solution critiquable

S'il doit, désormais, être tenu pour acquis que les conventions individuelles de forfait doivent être rédigées par écrit, on ne peut qu'être dubitatif quant au fondement de cette exigence. Ainsi qu'il a été vu précédemment, la Cour de cassation fonde la solution nouvelle sur l'article L. 212-15-3, I du Code du travail (art. L. 3121-38, recod.). Or, cette disposition n'exige pas, de manière expresse, la rédaction d'un écrit. Sans doute évoque-t-elle l'"établissement" ou, encore, la "conclusion" de ces conventions. Mais, dans un système qui reste, encore, dominé par le principe du consensualisme, il est, pour le moins, excessif d'en inférer une exigence de forme particulière. Un contrat peut être conclu ou établi par une simple manifestation de volonté, sans que celle-ci soit constatée par la rédaction d'un écrit.

Ensuite, l'arrêt ne permet pas de savoir si l'exigence d'écrit est posée ad solemnitatem ou ad probationem. Si l'on retient la première analyse, le non-respect de la prescription sera sanctionné par la nullité de la convention ; tandis que, dans la seconde analyse, celle-ci sera valable, mais ne pourra, sauf commencement de preuve par écrit ou impossibilité de production d'un écrit, être prouvé par tous moyens (8). Il est évidemment difficile de déterminer quelle sera la position retenue par la Cour de cassation. A notre sens, dans la mesure où la loi n'exige pas la rédaction d'un écrit de manière expresse, il est, pour le moins, délicat d'affirmer que l'exigence de forme posée par la Chambre sociale l'est ad solemnitatem.

A dire vrai, cette question n'a de sens qu'à l'égard des conventions individuelles de forfait signées antérieurement à l'arrêt rapporté, à une époque où les employeurs et leurs conseils pouvaient légitimement penser, au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, que l'écrit n'était pas exigé en matière de convention individuelle de forfait (9). Il n'est, en effet, guère besoin de souligner que la décision rendue le 26 mars 2008 présente un caractère rétroactif, ainsi que l'illustre, d'ailleurs, l'affaire en cause. Pour autant, il nous paraît prématuré de parler de revirement de jurisprudence, eu égard à la portée de la décision.

Il convient de rappeler que l'arrêt a été rendu au visa de l'article L. 212-15-3, I (art. L. 3121-38, recod.) du Code du travail, dont on a vu qu'il ne vise que les cadres "intermédiaires". Partant, on peut considérer que la solution retenue ne vaut que pour les conventions individuelles de forfait conclues avec des cadres relevant de cette catégorie, auxquels il conviendrait d'ajouter les "salariés itinérants non cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée" et les salariés "qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées". En d'autres termes, il est possible d'avancer que les conventions individuelles de forfait de droit commun continuent d'être soumises au seul principe du consensualisme, dès lors qu'elles ne sont pas conclues avec les salariés précités.

La plus élémentaire des prudences commande, cependant, désormais, de rédiger par écrit toutes les conventions individuelles de forfait.

Pour conclure sur cette question, nous souhaiterions souligner que, pour être critiquable en droit, la solution peut, néanmoins, être jugée opportune en fait. Outre qu'elle évite de délicats problèmes de preuve, elle permet au salarié de connaître très précisément les conditions particulières de son forfait (10) qui, dans une mesure certes limitée, peut adapter les prescriptions de l'accord collectif de travail applicable, sur le fondement duquel la convention est établie.

II Le nécessaire respect des stipulations conventionnelles

  • L'importance des dispositions conventionnelles

La conclusion, avec un cadre intermédiaire, d'une convention individuelle de forfait, qu'elle soit hebdomadaire, mensuelle ou annuelle, en heures ou en jours, n'est possible que si une convention ou un accord collectif applicable dans l'entreprise le prévoit. La loi exige, en outre, que la norme conventionnelle comporte un certain nombre de précisions, telles que, par exemple, pour les conventions de forfait en heures sur l'année, la durée annuelle de travail sur la base de laquelle le forfait est établi.

S'agissant, plus spécialement, des conventions de forfait en jours, l'article L. 212-15-3, III du Code du travail (art. L. 3121-38, recod.), dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, disposait que la convention ou l'accord doit définir "les catégories de salariés concernés pour lesquels la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée du fait de la nature de leurs fonctions, des responsabilités qu'ils exercent et du degré d'autonomie dont ils bénéficient dans l'organisation de leur emploi du temps" (11).

Cette disposition doit être bien comprise. S'il appartient aux partenaires sociaux de déterminer les catégories de salariés qui peuvent se voir proposer une convention de forfait en jours, leur liberté n'est pas totale puisque ne peuvent relever de ces catégories que les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée. Il en résulte que le texte conventionnel ne saurait se borner à viser, de manière générale, les salariés dont la durée du travail ne peut être prédéterminée. En outre, quand bien même il viserait des catégories particulières de salariés parmi ceux-là, le juge disposera toujours du pouvoir de contrôler que ces salariés remplissent bien les conditions fixées par le texte légal.

Les prescriptions légale avaient été respectées, en l'espèce, puisque l'article 10 de l'accord d'entreprise de réduction et d'aménagement du temps de travail du 29 juin 2000 stipulait qu'il est possible de conclure des conventions de forfait annuel en jours à hauteur de 217 jours travaillés pour les "cadres, au sens de la convention collective, qui ne sont pas intégrés dans un service particulier et pour lesquels l'horaire de travail ne peut être prédéterminé. Ces cadres qui bénéficient d'une autonomie dans l'organisation de leur travail et dont l'horaire est aléatoire, appartiennent aux catégories suivantes : cadre dirigeant, cadre commercial".

  • La stricte mise en oeuvre des stipulations conventionnelles

En l'espèce, la cour d'appel avait retenu que le salarié demandeur, à compter de sa promotion, en mai 2002, faisait partie de la catégorie des cadres visés par l'accord d'entreprise. Bien que l'on n'en sache guère plus en lisant l'arrêt, sans doute les juges du fond avaient-ils, par voie de conséquence, déduit que ce salarié pouvait être soumis à une convention de forfait en jours.

Là encore, la décision est censurée par la Cour de cassation qui relève "qu'en statuant ainsi, alors que l'accord d'entreprise ne prévoyait pas la possibilité de conclure une convention de forfait annuel en jours avec un cadre technique, catégorie à laquelle appartenait le salarié selon ses propres constatations, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

Rendue, entre autres textes, au visa de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), cette solution doit être entièrement approuvée. Les stipulations de la convention, dont on ose à peine rappeler qu'elles font la loi des parties, étaient, ici, très claires : seuls les cadres dirigeants et les cadres commerciaux pouvaient se voir proposer des conventions de forfait en jours. Le salarié ne relevant pas de l'une de ces catégories, il était donc exclu de ce dispositif.

Envisagée de ce point de vue, la décision démontre, une nouvelle fois, le soin qui doit être apporté à la rédaction des stipulations conventionnelles. Cela est d'autant plus vrai que, en la matière, on se trouve en présence de stipulations dérogatoires qui, de ce fait, doivent être interprétées strictement par le juge.


(1) Cass. soc., 31 octobre 2007, n° 06-43.876, SARL Blue Green c/ Loustaud (N° Lexbase : A2447DZN). Lire aussi nos obs., Le forfait jours sous la surveillance de la Cour de cassation, Lexbase Hebdo n° 281 du 15 novembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N0155BD4) et A. Bugada, Arrêt Blue Green : la convention de forfait-jours sous contrôle judiciaire, Dr. soc., 2008, p. 443.
(2) Encore qualifiés de cadres "autonomes".
(3) Il convient de préciser que les cadres "intégrés" peuvent, comme les autres salariés, être soumis à des conventions de forfait de droit commun, dès lors qu'ils accomplissent régulièrement des heures supplémentaires.
(4) Cass. soc., 6 juillet 1999, n° 97-41.290, M. Quintana c/ M. Charpentier (N° Lexbase : A3549CGK) ; Cass. soc., 10 mars 2004, n° 01-46.369, Société Castorama France c/ M. Roy Cerezo, FS-P+B (N° Lexbase : A4840DBU).
(5) V., en ce sens, Cass. soc., 6 juillet 1999, n° 96-45.787, Société Saint-Frères Protection c/ M Lamarre (N° Lexbase : A4666AGW).
(6) Cass. soc., 11 janvier 1995, Joanne c/ Société Club Méditerrannée (N° Lexbase : A8637AGY), RJS, 2/95, n° 109.
(7) La charge de l'existence d'un forfait incombant à celui qui l'invoque, c'est-à-dire, dans la plupart des cas, à l'employeur (Cass. soc., 21 novembre 2000, n° 98-44.026, La Cuma de l'Hermine c/ M. Le Roy N° Lexbase : A7534AXC, Dr. soc., 2001, p. 317, obs. Ch. Radé).
(8) V., sur cette question, F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 9ème éd., 2005, p. 154.
(9) Relevons que, antérieurement, il était fréquemment conseillé de rédiger un écrit.
(10) Ce qui permet, au passage, de considérer que l'écrit a, avant tout, ici, une valeur informative.
(11) Modifiée par la loi du 17 janvier 2003 (loi n° 2003-47, relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi N° Lexbase : L0300A9Y), ce texte dispose, désormais, que "la convention ou l'accord définit, au regard de leur autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, les catégories de cadres concernés". Dans la mesure où la loi continue d'exiger que l'acte collectif définisse les "catégories de cadres concernés", la solution retenue dans le présent arrêt doit recevoir application nonobstant la réforme apportée .

Décision

Cass. soc., 26 mars 2008, n° 06-45.990, M. Jean Genieis c/ Société Paindor Côte-d'Azur, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6062D7N)

Cassation partielle de CA Aix-en-Provence, 17ème ch., 11 septembre 2006

Textes visés : C. trav., article L. 212-15-3, dans sa rédaction alors applicable (N° Lexbase : L7755HBT, art. L. 3121-38, recod. N° Lexbase : L1169HXL) ; C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) ; article 10 de l'accord d'entreprise de réduction et d'aménagement du temps de travail du 29 juin 2000

Mots-clefs : cadres "intermédiaires" ; convention individuelle de forfait ; exigence d'un écrit ; respect des dispositions conventionnelles.

Liens base : et

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Durée hebdomadaire maximale de travail, horaire d'équivalence et entreprise de transports

Réf. : Cass. soc., 26 mars 2008, n° 06-45.469, Société Ambulances des Volcans, FS-P+B (N° Lexbase : A6058D7I)

Lecture: 6 min

N6553BEG

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par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Le Code du travail, comme le droit communautaire, fixe à quarante-huit heures la durée maximale durant laquelle un salarié peut être employé par une entreprise (1). Si la Cour de justice des Communautés européennes avait déjà précisé qu'un régime d'horaire d'équivalence ne pouvait porter atteinte à une telle limite, la solution n'avait pas été clairement transposée dans la jurisprudence de la Cour de cassation. C'est, désormais, chose faite par l'arrêt commenté en date du 26 mars 2008 (I). Un autre moyen, ouvrant cassation, concernait, également, la durée maximale de travail. Il s'agissait, pour la Chambre sociale, de déterminer quels étaient les effets d'une violation de cette limite maximale lorsque celle-ci constitue une condition pour bénéficier d'un mode de calcul, dérogatoire et règlementaire, de la durée du travail par quatorzaine. La Cour de cassation précise, ici, que seules les quatorzaines durant lesquelles la limite avait été excédée sont privées du mode de calcul dérogatoire, sans préjudice sur les autres cycles de deux semaines respectueux de cette condition (II).
Résumé

Il ne peut être tenu compte d'un système d'équivalence, au sens de l'article L. 212-4 alinéa 5 du Code du travail (N° Lexbase : L8959G7X, art. L. 3121-9, recod. N° Lexbase : L1140HXI), pour vérifier, en matière de temps de travail effectif, le respect des seuils et plafonds communautaires fixés par la Directive 93/104/CE, du Conseil, du 23 novembre 1993 (N° Lexbase : L7793AU8), telle qu'interprétée par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE, 1er décembre 2005, aff. C-14/04, Abdelkader Dellas c/ Premier ministre N° Lexbase : A7836DLS), dont celui de la durée hebdomadaire maximale de 48 heures.

Selon l'article 4 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983, relatif à la durée du travail dans les transports routiers (N° Lexbase : L4671APP), la durée hebdomadaire de travail peut être calculée sur deux semaines consécutives, à condition que cette période comprenne, au moins, trois jours de repos et que soit respectée, pour chacune des semaines, la durée maximale pouvant être accomplie au cours d'une même semaine, telle que définie à l'article L. 212-7 du Code du travail (N° Lexbase : L5854ACS, art. L. 3121-35 et s., recod. N° Lexbase : L1166HXH). En conséquence, la durée hebdomadaire maximale de 48 heures sur une semaine ou le non-respect des trois jours de repos par quatorzaine interdit un décompte par période de deux semaines de la durée du travail pour les deux semaines considérées.

Commentaire

I - Confirmation de l'impossibilité d'excéder les limites communautaires de la durée hebdomadaire de travail par le biais d'un horaire d'équivalence

  • Horaires d'équivalence et droit communautaire

Après une véritable saga judiciaire, la Cour de cassation a pris, en 2007 (2), une position claire à l'égard de la compatibilité des horaires d'équivalence, avec l'application faite par la Cour de justice des Communautés européennes (3) de la Directive 93/104/CE, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (4). Appliquant pleinement la solution rendue par la juridiction communautaire, elle décidait, alors, que le régime des horaires d'équivalence permettait de ne pas rémunérer l'ensemble des heures effectuées. "Il ressort tant de la finalité que du libellé même de ses dispositions, que la Directive européenne du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, ne trouve pas à s'appliquer à la rémunération des travailleurs" (5).

En revanche, et c'était bien là l'objet de la Directive communautaire concernée, le régime des horaires d'équivalence ne pouvait faire échec aux durées maximales de travail et, en creux, aux durées de repos minimales prévues par le texte. Cette solution, déjà affirmée dans l'arrêt "Dellas" rendu par la CJCE, n'avait pas encore reçu d'application dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation.

  • Les durées maximales hebdomadaires ne peuvent être écartées par le jeu d'un horaire d'équivalence

C'est, désormais, chose faite. Sans surprise, la Chambre sociale estime, dans l'espèce commentée, qu'il ne peut être tenu compte d'un système d'équivalence pour vérifier le respect des seuils et plafonds communautaires fixés par la Directive, dont celui de la durée hebdomadaire maximale de 48 heures. L'usage du terme "dont" implique qu'il ne pourra être porté atteinte à l'ensemble des durées maximales de travail ou des durées minimales de repos par le biais des régimes d'équivalence.

L'utilité des horaires d'équivalence semble donc définitivement réduite à la détermination de la rémunération due au salarié et, spécialement, à l'existence, ou non, d'heures supplémentaires. Aucune entorse aux règles de limitation des durées maximales de travail ne pourra intervenir.

On pourra relever, également, que la Cour de cassation fait application de la Directive dans une entreprise n'appartenant pas au secteur médico-social, ce qui est, là encore, parfaitement logique, puisque la Directive communautaire est d'application générale. L'impression pouvait, pourtant, se dégager de la jurisprudence de la Chambre sociale que seul ce secteur était visé, puisque les différentes affaires l'avaient toutes concerné. S'il est certain que la mise en place d'horaires d'équivalence et l'existence de permanences du salarié sur le lieu de travail est plus fréquent dans le secteur médico-social que d'en d'autres, il n'y aurait, cependant, eu aucune raison de limiter la règle à ce type d'activités.

Si la Cour de cassation ne fait donc, ici, qu'appliquer la jurisprudence communautaire, ce qui méritait d'être relevé sans que de nombreux commentaires soient rendus nécessaires, elle prend, en revanche, une position moins attendue s'agissant du mode de calcul de la durée hebdomadaire dans certaines professions.

II - Effet du dépassement de la durée hebdomadaire maximale sur le mode de calcul de la durée de travail spécifique aux entreprises de transport

  • Calcul dérogatoire de la durée du travail dans les entreprises de transport

Le décret du 26 janvier 1983 aménage certaines dispositions du Code du travail en matière de transports routiers (6). Spécialement, l'article 4 de ce texte prévoit des modes particuliers de calcul de la durée hebdomadaire de travail. En effet, pour les personnels roulants effectuant des transports de voyageurs, la durée hebdomadaire peut se calculer sur deux semaines. La durée hebdomadaire de travail des intéressés est considérée comme étant le résultat de la division par deux du nombre d'heures accomplies pendant les deux semaines.

Concrètement, un tel mode de calcul par quatorzaine permet à l'employeur de faire dépasser la durée hebdomadaire de travail de la première semaine sans être contraint de rémunérer des heures supplémentaires au salarié, à la condition, bien sûr, que la semaine qui suit comporte un nombre d'heures de travail inférieur et compensant l'excédant accumulé durant les sept premiers jours.

  • Les conditions de la dérogation

Le texte pose, néanmoins, deux conditions afin qu'un tel mode de calcul puisse être retenu. Il est, tout d'abord, indispensable que le salarié bénéficie, sur l'ensemble des quatorze jours concernés, d'au moins trois jours de repos, soit un jour de repos supplémentaire par rapport à un calcul effectué de manière hebdomadaire (7). En outre, si l'employeur impose au salarié de dépasser la durée hebdomadaire de travail, le mode de calcul ne peut être utilisé dès lors que cette durée excèderait la limite maximale des 48 heures par semaine, limite imposée par l'article L. 212-7 du Code du travail (N° Lexbase : L5854ACS, art. L. 3121-35 et s., recod. N° Lexbase : L1166HXH).

Il en résulte, pour la Chambre sociale, que le "dépassement de la durée hebdomadaire maximale de 48 heures sur une semaine ou le non respect des trois jours de repos par quatorzaine interdit un décompte par période de deux semaines de la durée du travail pour les deux semaines considérées".

  • Les conséquences du manquement à l'une des conditions de la dérogation

D'application sans grande difficulté, cette règle permettait, néanmoins, de se poser la question de son champ d'application temporel. Si l'employeur ne respecte pas l'une des deux conditions, faut-il limiter l'exclusion du mode de calcul à la quatorzaine pour les deux semaines concernées ou, plus largement, refuser ce mode de calcul pour l'ensemble de la période de travail du salarié litigieuse invoquée par le salarié, sans distinguer les quatorzaines respectueuses des conditions susvisées de celles les ayant, au contraire, respectées ?

La Cour de cassation choisit, dans cette affaire, d'apporter une réponse restrictive à cette interrogation. Si l'employeur vient à manquer à l'une des deux conditions en cause, ce n'est pas l'ensemble du mode de calcul qui est remis en cause, mais, seulement, le calcul par quatorzaine sur les deux semaines durant lesquelles les conditions n'ont pas été respectées. D'un strict point de vue logique, la décision n'est guère contestable. Rien ne permet de penser, dans le texte du décret, que l'employeur devrait, en permanence, respecter ces conditions pour que le calcul s'applique à toutes les semaines de travail de ses salariés.

Il est, néanmoins, permis de se demander si les deux conditions posées par le texte n'auraient pas dû emporter des conséquences différentes. En effet, si la violation de l'exigence que trois jours de repos soient octroyés au salarié n'emporte pas nécessairement atteinte aux durées hebdomadaires de repos, le non-respect de la durée maximale de 48 heures constitue, en revanche, une atteinte à une règle d'ordre public absolu. La solution de la Cour de cassation mène à valider la possibilité de l'établissement d'un mode de calcul de la durée du travail "à la carte". Certes, l'employeur pourra toujours être poursuivi pénalement pour violation de cette règle (8). Mais encore faudra-t-il qu'une action devant les juridictions pénales soit engagée.

Le mécanisme institué par décret du calcul à la quatorzaine est très nettement favorable aux employeurs. Il est contestable de leur permettre, en plus de cet avantage, de pouvoir choisir, pour une quatorzaine d'en bénéficier, et pour celle qui suit de l'éviter.


(1) Si l'on excepte la possibilité, jusqu'ici inutilisée en France, de mettre en oeuvre la faculté d'"opt-out", prévue par l'article 22 de la Directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 (N° Lexbase : L5806DLM).
(2) Cass. soc., 13 juin 2007, n° 06-40.823, Mme Marie Addou, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8016DWS) ; Cass. soc., 13 juin 2007, n° 05-45.694, Association Apaei du Bocage Virois et de la Suisse Normande c/ Mme Claudine X et autres, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8179DWT) et les obs. de G. Auzero, Heures d'équivalence dans le secteur social et médico-social : enfin le bout du tunnel !, Lexbase Hebdo n° 266 du 28 juin 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N5840BBW) ; D., 2007, p. 2439, note Pérès ; RJS, 2007, p. 740, n° 959 ; Dr. soc., 2007, p. 1178, obs. Morand.
(3) CJCE, 1er décembre 2005, aff. C-14/04, Abdelkader Dellas c/ Premier ministre (N° Lexbase : A7836DLS) ; JCP éd. S, 2006, II, 10194, note Lallement.
(4) Directive (CE) 93/104 du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L7793AU8).
(5) Cass. soc., 13 juin 2007, n° 05-45.694, préc..
(6) Décret n° 83-40 du 26 janvier 1983, relatif aux modalités d'application des dispositions du Code du travail concernant la durée du travail dans les entreprises de transport routier (N° Lexbase : L4671APP).
(7) En effet, en application de l'article L. 221-4 du Code du travail (N° Lexbase : L4702DZ8, art. L. 3132-2, recod. N° Lexbase : L1273HXG), le salarié doit bénéficier de 24 heures consécutives de repos par semaine, soit deux jours pour deux semaines.
(8) C. trav., art. R. 261-4 (N° Lexbase : L8797ACS, art. R. 3124-11 recod.).


Décision

Cass. soc., 26 mars 2008, n° 06-45.469, Société Ambulances des Volcans, FS-P+B (N° Lexbase : A6058D7I)

Cassation partielle, CA Riom, ch. soc., 12 septembre 2006

Textes visés ou concernés : C. trav., art. L. 212-4, alinéa 5 (N° Lexbase : L8959G7X, L. 3121-9 recod. N° Lexbase : L1140HXI) et L. 212-7 (N° Lexbase : L5854ACS, L. 3121-35 et s., recod. N° Lexbase : L1166HXH) ; Directive 93/104/CE du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L7793AU8) ; décret n° 83-40 du 26 janvier 1983, relatif aux modalités d'application des dispositions du Code du travail concernant la durée du travail dans les entreprises de transport routier, art. 4 (N° Lexbase : L4671APP).

Mots-clés : horaires d'équivalence ; durée hebdomadaire de travail ; heures supplémentaires ; temps de repos ; calcul dérogatoire du temps de travail par quatorzaine ; conditions.

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Rel. individuelles de travail

[Questions à...] La clause de mobilité... questions à Maître Le Dimeet, avocat spécialisé en droit social

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par Charlotte Figerou, Juriste en droit social

Le 07 Octobre 2010



La clause de mobilité permet à un employeur d'anticiper les flux migratoires dans son entreprise et de se prémunir contre les éventuels réticences de ses salariés à voir leur lieu de travail modifié. Depuis quelques années déjà, la clause de mobilité est à l'origine d'un contentieux abondant devant les tribunaux et, notamment, devant la Chambre sociale de la Cour de cassation. Afin de faire le point sur ce sujet brûlant, Lexbase Hebdo - édition sociale a choisi, cette semaine, de recueillir le point de vue d'une praticienne du droit, Maître Maryline Le Dimeet, avocat spécialisé en droit social au barreau de Bordeaux.


Lexbase : Quels sont, en pratique, les contrats de travail contenant une clause de mobilité ? Les cadres sont-ils les seuls à être concernés ?

Maître Le Dimeet : La clause de mobilité est une clause qui peut être insérée dans tous les contrats de travail, qu'il s'agisse d'employés ou d'ouvriers, d'agents de maîtrise ou de cadres. En revanche, si cette possibilité est laissée à la faculté de l'employeur, il est évident que, pour la Chambre sociale de la Cour de cassation, la clause de mobilité trouve son intérêt dans des fonctions, d'une part, commerciales et, d'autre part, d'encadrement. Mais, on peut trouver des clauses de mobilité dans des contrats basiques, sans qu'elles soient pour autant remises en cause.

Lexbase : Quelles sont les exigences rédactionnelles requises pour que la clause de mobilité soit valablement insérée dans le contrat de travail ?

Maître Le Dimeet : Avant tout, l'employeur doit veiller à ne pas stipuler une clause de mobilité qui serait contraire aux dispositions de la convention collective, si ces dernières sont plus favorables. Ensuite, la clause de mobilité doit être énoncée de manière à ce que le salarié, au cours de l'évolution de sa carrière, sache très précisément où on peut le muter. C'est toute la portée d'une évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation depuis une décision rendue le 19 avril 2000 (Cass. soc., 19 avril 2000, n° 98-41.078, Caisse régionale d'Aquitaine du crédit maritime c/ Mme Maïté Ugarte, inédit N° Lexbase : A9042AGY), qui estime qu'une salariée ayant signé, lors de son engagement, une clause de mobilité, puis qui est mutée dans un établissement qui n'existait pas lors de la signature du contrat, est en droit de refuser la mutation, son licenciement étant, dès lors, dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le salarié doit donc avoir, dès la signature de la clause de mobilité, parfaitement connaissance de l'étendue de son engagement. De deux choses l'une : soit la clause de mobilité est extrêmement précise et vise les établissements et les zones géographiques concernés par la clause ; soit la clause de mobilité indique la mention "dans les établissement actuels et tous ceux qui pourraient être créés". Mais, cette dernière hypothèse suppose que, au fil de la création des établissements, l'employeur précise que la clause de mobilité s'étend, désormais, à tel établissement créé récemment, afin d'éviter toute équivoque lors de sa mise en jeu.

Cette jurisprudence a été confirmée par un arrêt rendu le 12 mai 2004 (Cass. soc., 12 mai 2004, n° 02-42.018, F-D N° Lexbase : A1684DCD), dans lequel la Cour de cassation a estimé qu'une clause de mobilité couvrant tous les établissements de la société, mais n'ayant pas précisé qu'elle pouvait s'appliquer aux établissements ouverts postérieurement à la signature du contrat, n'était pas opposable au salarié, son application étant cantonnée aux établissements existant lors de la signature du contrat.

Cette jurisprudence a, par la suite, été consacrée par deux arrêts rendus le 7 juin 2006 (Cass. soc., 7 juin 2006, n° 04-45.846, FS-P+B N° Lexbase : A9457DPX ; lire les obs. de G. Auzero, La clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application, Lexbase Hebdo n° 221 du 29 juin 2006 - édition sociale N° Lexbase : N0070AL8) et le 12 juillet 2006 (Cass. soc., 12 juillet 2006, n° 04-45.396, F-P+B N° Lexbase : A4407DQB ; lire les obs. de S. Tournaux, La précision de la zone géographique de la clause de mobilité : principe et sanction, Lexbase Hebdo n° 227 du 14 septembre 2006 - édition sociale N° Lexbase : N2633AL4). Le but est, pour la Cour suprême, de renforcer encore la protection des droits attachés au salarié, puisqu'elle indique qu'"une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d'application et qu'elle ne peut conférer à l'employeur le pouvoir d'en étendre unilatéralement la portée".

On est, ici, même s'il ne s'agit pas du même type de clause, sur un pouvoir de contrôle accru de la Cour de cassation sur la clause de non-concurrence, la clause de mobilité, la clause de domicile -dont on sait qu'elle est invalidée par la Cour suprême (Cass. soc., 15mai 2007, n° 06-41.277, FS-P+B N° Lexbase : A2639DWN).

Lexbase : La clause de mobilité doit donc prévoir la zone géographique dans laquelle la mutation peut s'opérer. Quels peuvent être les contours de cette zone ? Est-elle limitée ?

Maître Le Dimeet : Dès lors que le contrat de travail du salarié comporte une clause de mobilité, même s'il faut qu'elle soit limitée géographiquement, ce n'est pas pour autant qu'elle doit être cantonnée à une zone précise. Tout dépend des responsabilités confiées au salarié. Si celui-ci travaille à l'international, il est possible d'étendre la zone géographique de la clause de mobilité à l'étranger. En revanche, il est évident qu'un salarié occupant des responsabilités plus limitées pourra difficilement être muté au-delà des limites du territoire national.

Mais, là encore, tout dépend des particularités de la relation de travail, car une société étrangère, qui a son siège à l'étranger, et qui comporte plusieurs établissements en France, peut prévoir une clause de mobilité avec un rattachement au siège social. Tout est fonction des spécificités de la situation de la société et des responsabilités confiées au salarié. Le plus important étant, au final, la bonne foi de l'employeur dans la mise en oeuvre de la clause.

Lexbase : Quid de la clause de mobilité insérée uniquement dans la convention collective ? A quelles conditions peut-elle valablement s'appliquer à la relation de travail ?

Maître Le Dimeet : Si la convention collective prévoit, pour certaines catégories de salariés ou pour l'ensemble de ceux-ci, l'introduction d'une clause de mobilité, le contrat de travail peut s'y référer sans reprendre textuellement la disposition conventionnelle, à condition néanmoins que le contrat de travail soit suffisamment précis en renvoyant à tel ou tel article de la convention collective qui réglemente la clause de mobilité, et, surtout, en indiquant bien que le salarié a parfaitement connaissance de la disposition conventionnelle (Cass. soc., 27 juin 2002, n° 00-42.646, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0076AZT).

Donc, au final, il faut quand même aborder, dans le contrat de travail, la question de la clause de mobilité, même si n'y figure qu'un simple renvoi aux articles concernés de la convention collective. Omettre cette formalité reviendrait à placer l'employeur dans une insécurité juridique, car le salarié pourra toujours arguer que son contrat de travail ne prévoyait pas de clause de mobilité.

Lexbase : La Cour de cassation impose à l'employeur de respecter un délai de prévenance suffisant pour actionner la clause. Quelle est, en pratique, la durée de ce délai de prévenance ?

Maître Le Dimeet : Le lieu de travail n'est pas, en soi, un élément intégré au socle contractuel, autrefois qualifié d'"élément substantiel du contrat de travail". Il relève du simple changement des conditions de travail, à tout le moins lorsque l'on reste dans le même secteur géographique. Au-delà, c'est l'application de la clause de mobilité, si le contrat en prévoit une. S'agissant du changement d'affectation dans le même secteur géographique, l'employeur étant, ici, dans son plein pouvoir de direction, on trouve des délais de prévenance très courts, de l'ordre de 24 ou 48 heures, ou 7 jours. En revanche, s'agissant de la mise en oeuvre d'une clause de mobilité, et même si l'on reste, ici encore, dans le domaine du simple changement des conditions de travail, dès lors que l'affectation du salarié à un lieu de travail assez éloigné du précédent est envisagée, il faut respecter un délai suffisant, pour lui permettre de s'organiser sur le plan personnel, notamment.

A mon sens, un délai d'un mois constitue un grand minimum. Mais, ici encore, c'est la bonne foi de l'employeur qui prévaut. Plus la distance sera importante par rapport au nouveau lieu de travail, et plus l'employeur sera considéré comme étant de bonne foi en donnant au salarié un temps suffisant pour s'organiser.

Lexbase : Compte tenu de la position de la Cour de cassation, qui se veut très protectrice des intérêts du salarié lors de la mise en oeuvre d'une clause de mobilité, cet outil, qui est censé faciliter la mutation, ne devient-il pas source de difficultés pour l'employeur ?

Maître Le Dimeet : Effectivement, la Cour de cassation est de plus en plus protectrice des intérêts du salarié. Néanmoins, la clause de mobilité régulièrement insérée dans le contrat de travail, c'est-à-dire prenant en compte les derniers éléments tranchés par la Cour de cassation, ne peut être qu'un atout pour l'employeur. Dans certaines situations, elle favorise grandement la mobilité des salariés.

Par exemple, en cas de fermeture de sites sur le territoire national, si on ne peut pas mettre en oeuvre la procédure de licenciement économique, parce que toutes les conditions propres à un tel licenciement ne sont pas réunies, il est très intéressant d'user de la clause de mobilité pour rapatrier un salarié d'un site fermé à un nouveau site. Il faut simplement établir que cette mise en jeu s'effectue dans l'intérêt de l'entreprise. Au final, si la clause de mobilité est conforme aux dispositions de la convention collective, qu'elle est en adéquation avec la dernière jurisprudence de la Cour de cassation et que sa mise en oeuvre est loyale, il serait dommage de se priver de cet avantage. Peu d'éléments relèvent, encore aujourd'hui, du pouvoir de direction de l'employeur et la clause de mobilité reste l'un des derniers bastions de ce pouvoir discrétionnaire.

Lexbase : Un arrêt récent a écarté la faute grave du salarié qui refuse la mise en jeu d'une clause de mobilité pourtant valablement insérée dans le contrat de travail. Que pensez-vous de cette jurisprudence ?

Maître Le Dimeet : L'arrêt du 23 janvier 2008, qui écarte la faute grave en cas de refus d'un salarié de se soumettre à sa clause de mobilité, pourtant valablement insérée dans le contrat de travail et conforme aux prescriptions légales et jurisprudentielles, consacre l'évolution de la Cour suprême (Cass. soc., 23 janvier 2008, n° 07-40.522, FS-P+B+R N° Lexbase : A1079D4Q). On considère que cette clause de mobilité emporte d'importantes conséquences, de nature à remettre en cause l'environnement à la fois professionnel et personnel du salarié. Le refus ne peut donc, selon la Cour de cassation, entraîner le licenciement pour faute grave, mais, simplement, une faute sérieuse.

Cette position s'inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de notre Cour suprême. Prenons-en, pour exemple, le refus de reclassement, consécutif à une inaptitude d'origine professionnelle, ou non, et qui, auparavant, privait le salarié du droit à l'indemnité de licenciement majorée. Ce n'est, aujourd'hui, plus le cas.

La Cour de cassation est très sensible au fait que le salarié doit pouvoir, aujourd'hui, évoluer au sein d'une société, non plus par le seul fait du prince, même s'il est censé avoir connaissance de son engagement. On sort donc du terrain de la faute grave pour se placer sur celui de la faute sérieuse, tout en restant dans le domaine du droit disciplinaire.

Lexbase : Dans quelle mesure une clause de mobilité peut-elle être actionnée à des fins disciplinaires ?

Maître Le Dimeet : Dans une telle situation, on se place sur le terrain de la mutation disciplinaire, avec, ou non, clause de mobilité dans le contrat de travail. La mutation disciplinaire a, ici, pour conséquence de modifier le contrat de travail, modification que le salarié est en droit de refuser (Cass. soc., 16 juin 1998, n° 95-45.033, Société Hôtel Le Berry c/ Mme Khouhli N° Lexbase : A5390ACM). Dans ce dernier cas, l'employeur peut substituer à la première sanction, c'est-à-dire la mutation disciplinaire, une sanction autre, et plus grave, qui est le licenciement.

On est là sur un domaine où la Cour de cassation achève sa construction jurisprudentielle, en ce sens que tout ce qui relève de la modification contractuelle ne peut se faire sans l'aval du salarié.

Lexbase : Quelles conséquences va entraîner l'accord de modernisation du marché du travail sur les clauses de mobilité, lorsqu'il dispose que "les contrats de travail devront préciser les conditions de mise en oeuvre des clauses de non-concurrence, de mobilité, ou de délégation de pouvoir" ?

Maître Le Dimeet : Le législateur souhaite, ici, à mon sens, parachever la construction jurisprudentielle et il s'agirait donc de la consécration légale d'une jurisprudence déjà parfaitement établie. Le souci du législateur, comme celui de la Cour de cassation, est de ne pas laisser, au salarié, la place au doute. Celui-ci doit, dès le départ, avoir une entière connaissance de son engagement. Pour ce faire, il faut que les clauses, tant de non-concurrence que de mobilité, soient suffisamment précises pour que le salarié sache à quoi il s'engage. Dans l'exemple de la clause de mobilité, le salarié doit avoir connaissance, dès le départ, de l'endroit où il pourra être muté, des délais de prévenance applicables et des raisons de sa mutation, liées, bien évidemment, à l'intérêt de l'entreprise. Il lui appartiendra, le cas échéant, de prouver que la clause de mobilité serait détournée de ses fins.

Lexbase : Est-il possible d'imposer à un salarié protégé la mise en oeuvre d'une clause de mobilité ?

Maître Le Dimeet : La particularité est, qu'ici, à l'inverse du salarié ordinaire, que l'on soit dans le domaine du simple changement des conditions de travail ou dans celui de la modification contractuelle, l'inspecteur du travail doit intervenir en premier lieu.

Lexbase : Un arrêt de 1997 autorise la mise en oeuvre de la clause de mobilité de la salariée de retour de congé maternité (Cass. soc., 7 octobre 1997, n° 95-41.857, Mme Saadia Moutalib c/ Société Clarte Otor groupe N° Lexbase : A0521ABW). Pensez-vous qu'une telle solution pourrait être, aujourd'hui encore, d'actualité ?

Maître Le Dimeet : La salariée qui rentre de congé maternité doit retrouver son poste ou, à tout le moins, un poste équivalent. Néanmoins, si dans son contrat de travail, cette clause de mobilité est correctement insérée et si elle ne soupçonne pas son employeur de l'avoir mise en jeu pour l'inciter à démissionner (auquel cas elle devra prouver le détournement de la clause de mobilité), il n'y a pas de raison de considérer comme abusive cette mise en oeuvre. Bien entendu, le poste doit être identique ou similaire, la rémunération doit rester inchangée et aucune modification contractuelle ne doit être relevée.

Lexbase : Quels sont, en pratique, les éléments qui caractérisent l'abus de droit de l'employeur ?

Maître Le Dimeet : C'est un faisceau d'indices qui permettra d'indiquer si la clause de mobilité a été ou non mise en oeuvre de manière loyale. Si l'on est en présence d'un salarié qui a déjà fait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires, ou qui s'est manifesté par voie épistolaire pour déplorer certaines conditions de travail, ou réclamer le paiement d'heures supplémentaires ou autre, alors on peut considérer, le cas échéant, si le salarié produit les pièces adéquates, que la mise en oeuvre est déloyale. Mais ce faisceau d'indices est laissé à l'appréciation des juges du fond et il appartient au salarié d'établir que sa thèse prévaut sur l'intérêt de l'entreprise.

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