Jurisprudence : Cass. soc., 19-04-2000, n° 98-41.078, Cassation partielle



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Sociale
19 Avril 2000
Pourvoi N° 98-41.078
Caisse régionale d'Aquitaine du crédit maritime
contre
Mme Maïté ...
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par la Caisse régionale d'Aquitaine du crédit maritime, dont le siège est Saint-Jean-de-Luz Cedex, en cassation d'un arrêt rendu le 22 décembre 1997 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), au profit de Mme Maïté ..., demeurant Bidart, défenderesse à la cassation ;
Mme ... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 8 mars 2000, où étaient présents M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Texier, conseiller rapporteur, M. Finance, conseiller, M. Poisot, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Guénée-Sourie, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Texier, conseiller, les observations de Me ..., avocat de la Caisse régionale d'Aquitaine du crédit maritime, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de Mme ..., les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que Mme ... a été embauchée par la Caisse régionale de Bayonne du crédit maritime le 7 mars 1978, par contrat à durée déterminée, transformé en contrat à durée indéterminée le 7 mars 1979, en qualité de secrétaire ; qu'à la suite d'une restructuration de l'entreprise, l'employeur a transféré le poste de Mme Ugarte ... ... au GIE créé à Bordeaux Mérignac ; que la salariée a refusé cette mutation et a été licenciée pour faute grave ;
qu'estimant que son contrat de travail avait été modifié, elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal formé par la Caisse régionale d'Aquitaine du crédit maritime
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Pau, 22 décembre 1997) d'avoir dit que le licenciement de Mme ... ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamné, en conséquence, à lui verser diverses indemnités de rupture, alors, selon le moyen, d'une part, que le juge doit rigoureusement respecter les termes de la clause de mobilité insérée dans un contrat de travail ; qu'il est constant, en l'espèce, qu'une clause du contrat de travail conclu le 10 avril 1979 par Mme ... stipulait "Il est convenu que vous pourrez être détachée dans l'un des établissements de la Caisse régionale de crédit maritime mutuel, sans que cette affectation ne modifie vos avantages" et que la salariée, qui avait été affectée, en 1978, à l'agence de Saint-Jean-de-Luz a refusé, en 1995, d'être temporairement détachée au sein d'un GIE, que son employeur avait constitué avec deux autres caisses régionales et qui avait son siège à Mérignac ; que, dès lors, en retenant, pour statuer comme elle l'a fait "qu'ayant prévu dans la lettre d'embauche une clause de détachement dans l'un de ses établissements de l'époque, Anglet, Biarritz, Hendaye, la Caisse régionale de Bayonne du crédit maritime mutuel, devenue par la suite la Caisse régionale d'Aquitaine, ne saurait invoquer cette disposition à l'appui d'une mesure de détachement temporaire à Bordeaux-Mérignac, sans violer délibérément les prévisions de son cocontractant par une extension de son aire d'application géographique au gré des fusions et rapprochements entre caisses intervenus depuis la conclusion du contrat de travail" ; alors que la clause litigieuse ne précisait nullement que le détachement envisagé était exclusivement limité au sein des établissements d'Anglet, Biarritz ou Hendaye, la cour d'appel en a dénaturé par adjonction les termes clairs et précis, violant ainsi l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que la notion d'établissement est déterminée en considération de circonstances de fait ; qu'il s'ensuit qu'en déclarant que le GIE institué par la Caisse régionale d'Aquitaine du crédit maritime mutuel ne pouvait être assimilé à l'un de ses établissements, alors qu'un tel groupement, qui ne jouit que d'une personnalité juridique très réduite, ne constitue qu'une unité de production ou de gestion sans réelle indépendance économique ou juridique au regard de l'entreprise qui l'a créé et peut dès lors être assimilé à un établissement de celle-ci, la cour d'appel a violé les articles 1 et 3 de l'ordonnance du 23 septembre 1967, ensemble l'article 1134 du Code civil ; alors, en outre, que le salarié, qui refuse une modification non substantielle de ses conditions de travail, justifiée par l'intérêt de l'entreprise, commet une faute grave qu'il appartient à l'employeur de sanctionner par un licenciement ; qu'en l'espèce, dès lors qu'elle jugeait la clause de mobilité inapplicable, la cour d'appel devait rechercher si le détachement temporaire imposé à Mme ... ne constituait pas, abstraction faite de ladite clause, une modification non substantielle de ses conditions de travail et si le refus de l'intéressée ne caractérisait pas une faute grave justifiant son licenciement ; qu'en s'en abstenant, elle a privé sa décision de base légale au regard des articles L 122-6, L 122-8, L 122-9, L. 122-14-3 et L 122-14-4 du Code du travail ; alors, enfin, que si un salarié est toujours en droit de refuser la modification substantielle de son contrat de travail et si l'employeur, qui entend maintenir cette modification, est alors tenu de le licencier, le licenciement qui est prononcé n'est pas, en soi, dépourvu de cause réelle et sérieuse, de telle sorte qu'il appartient au juge, saisi du litige, de rechercher si le motif de la modification constitue ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
qu'en l'espèce, la cour d'appel devait rechercher si le détachement temporaire imposé à Mme ..., même s'il ne pouvait être fondé sur une clause de mobilité, ne constituait pas une modification de son contrat de travail justifiée par l'intérêt de l'entreprise et si le refus de la salariée ne constituait pas à tout le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en s'en abstenant, la cour d'appel a, en toute hypothèse privé sa décision de base légale au regard des articles L 122-14-3 et L 122-14-4 du Code du travail ;
Mais attendu que c'est par une interprétation de la clause de mobilité litigieuse que la cour d'appel a estimé qu'elle ne s'appliquait qu'aux établissements existants au moment de la signature du contrat de travail ; qu'elle a pu, dès lors, décider qu'en voulant imposer à Mme ... un transfert de son lieu de travail de Saint-Jean-de-Luz à Bordeaux, son employeur entendait lui imposer une modification de son contrat de travail qu'elle était en droit de refuser ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen
Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné à verser à Mme ... une indemnité de licenciement calculée conformément à l'article 22 de la Convention collective du crédit maritime, alors, selon le moyen, que l'article 38 de la convention collective du crédit maritime du 3 juin 1988 détermine le montant de "l'indemnité versée en cas de licenciement pour l'un des motifs prévus à l'article 22", lequel énonce 'l'insuffisance de travail, les manquements à la discipline et d'une manière générale, les fautes y compris les fautes professionnelles commises par un agent, sont passibles des sanctions suivantes, à l'exclusion de toutes autres. Les sanctions appliquées par la direction sont suivant la gravité de la faute, du premier ou du deuxième degré a/ - sanctions du premier degré avertissement écrit, blâme b/ - sanctions du second degré mise à pied pour une durée de un à cinq jours ouvrés, rétrogradation, licenciement pour insuffisance de travail, après avoir eu une sanction du premier degré, révocation" ; qu'il ressort de ces dispositions claires et précises de la Convention collective applicable que l'indemnité conventionnelle de licenciement ne peut être allouée qu'au salarié ayant fait l'objet d'un congédiement pour insuffisance de travail intervenant après le prononcé d'une sanction du premier degré ; que, dès lors, en affirmant, pour condamner la Caisse régionale d'Aquitaine du crédit maritime mutuel à verser à ce titre à Mme ... la somme de 195 747,66 francs, que "si un salarié licencié pour insuffisance de travail, après sanction du premier degré peut y prétendre", a fortiori un salarié congédié sans cause réelle et sérieuse", alors que cette dernière hypothèse n'était nullement envisagée par la Convention collective applicable, la cour d'appel en a violé les articles 22 et 38, ensemble, l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que l'article 22 de la Convention collective énumère, parmi la liste des sanctions entraînant application de l'article 38 de ladite Convention, les manquements à la discipline et d'une manière générale les fautes, y compris les fautes professionnelles ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le licenciement du salarié se fondait sur une faute professionnelle, a pu décider que les articles susvisés de la Convention collective étaient applicables ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le pourvoi incident formé par Mme ...
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la cour d'appel énonce, dans les motifs de sa décision, que le licenciement sans cause réelle et sérieuse sera sanctionné par une indemnité conventionnelle de licenciement de 197 747,66 francs et confirme, dans le dispositif, le jugement de prud'hommes qui a condamné l'employeur à payer à Mme ... une indemnité conventionnelle de licenciement de 165 897,72 francs ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé la condamnation de la Caisse régionale d'Aquitaine de crédit maritime à payer à Mme ... une somme de 165 897,72 francs à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 22 décembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau, autrement composée ; Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Caisse régionale d'Aquitaine du crédit maritime à payer à Mme ... la somme de 15 000 francs ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf avril deux mille.

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