La lettre juridique n°239 du 7 décembre 2006

La lettre juridique - Édition n°239

Éditorial

"Marges arrière" et vente à perte :
une loi pour rien ?

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N2930A9E

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une loi pour rien ? - par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction">

par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


Tous les opérateurs économiques, ou presque, étaient d'accord : le système des "marges arrière" mis en place par les grands distributeurs afin de revendre à perte ou au coût de revient les produits de consommation courante, et, ainsi, d'aiguiser leur propre compétitivité, nécessitait qu'on en limite la portée, notamment, vis-à-vis des fournisseurs assujettis à ce régime, voire qu'on en définisse clairement les tenants et aboutissants. Pour rappel, afin de vendre au plus bas prix, les grands distributeurs (en situation de monopsone) exigeaient de leurs fournisseurs qu'ils leur rétrocèdent une partie de leurs marges sous forme d'un pourcentage des ventes réalisées par l'intermédiaire de leurs grandes et moyennes surfaces en contrepartie d'une coopération commerciale renforcée (prime de gondole, prime de coopération commerciale, primes d'objectifs, etc.). Problème de taille : non seulement la réalité ou l'efficacité de cette coopération était mise en doute par certains fournisseurs ; mais aussi, le système amputant de facto une part importante des marges des fournisseurs dont les coûts fixes de production demeuraient stables ou en inflation, les plus faibles ou les plus petits d'entre eux se voyaient contraints à disparaître, dans un premier temps, des étaux, puis, par là-même, du marché. Même, si certains fournisseurs se sont opposés à ce système, comme le producteur de crème de marrons de l'Ardèche Clément Faugier, qui a disparu des rayons de marchandises de toutes les grandes surfaces sans être remplacé, car aucun concurrent ne proposait de produit similaire, mais qui est revenu sur les étaux sur demande expresse des clients ; rares sont les produits ou fournisseurs non substituables. La loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises est venue poser sur la place publique l'ensemble de ce mécanisme et de ses travers afin d'en limiter l'emprise sur les petits fournisseurs. Désormais, le contrat de coopération commerciale, convention par laquelle un distributeur ou un prestataire de services s'oblige envers un fournisseur à lui rendre, à l'occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs, des services propres à favoriser leur commercialisation qui ne relèvent pas des obligations d'achat et de vente, est censé clarifier les obligations des distributeurs et des fournisseurs dans un esprit d'équilibre du contrat, évitant la lésion. Pour autant, cette loi était-elle nécessaire pour constater de la réalité et de la proportionnalité des services rendus par les distributeurs aux fournisseurs en échange de ce prix rétrocédé ? Une décision du tribunal de commerce de Nanterre du 24 octobre 2006, d'ores et déjà commentée dans nos colonnes, témoigne de l'inanité des dispositions introduites dans la loi du 2 août 2005 afin de remédier au phénomène du développement des "marges arrière". Par une argumentation claire et limpide, le tribunal examine point par point les éléments composant les tenants de la "coopération commerciale" contestée par la DGCCRF, pour en dégager l'absence totale d'efficacité, mettant en doute la réalité des prestations fournies par la centrale concernée en échange de la rétrocession d'une partie du chiffre d'affaires réalisé par l'intermédiaire de ces adhérents. Or, cet exemple de limitation des "marges arrière" s'est fait sous l'empire de l'ancienne loi "Galland". L'attention des agents de la DGCCRF et le rôle des tribunaux de commerce sont des armes tout aussi efficaces, en l'espèce, que les nouvelles contraintes législatives encadrant le régime des coopérations commerciales entre distributeurs et fournisseurs ; et ce d'autant plus volontiers que l'instauration d'un contrat cadre de coopération commerciale ne change en rien le rapport de force établi entre les grands distributeurs, peu nombreux et incontournables sur le marché, et la majorité des fournisseurs. Sur cette décision et sur l'appréciation des "marges arrière", les éditions juridiques Lexbase vous invitent à lire le commentaire éclairé de André-Paul Weber, Professeur d'économie et ancien rapporteur au Conseil de la concurrence, Le rôle essentiel des tribunaux de commerce dans la dénonciation des "marges arrière".

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Immobilier - Bulletin d'actualités n° 4

[Jurisprudence] Bulletin d'actualités en droit immobilier : actualités jurisprudentielles - Cabinet Peisse Dupichot Zirah & Associés - Décembre 2006

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N2895A94

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Le 07 Octobre 2010

Tous les deux mois, le Cabinet Peisse Dupichot Zirah & Associés, en partenariat avec les éditions Lexbase, sélectionne l'essentiel de l'actualité jurisprudentielle relative au droit immobilier.

1. Isolation phonique : des désordres d'isolation acoustique peuvent-ils engager la responsabilité décennale des constructeurs alors même que l'isolation de la construction serait conforme aux normes réglementaires ?

Dans son arrêt en date du 27 octobre 2006, l'Assemblée plénière de la Cour de cassation confirme une solution jurisprudentielle antérieure et rappelle, dans un attendu de principe, que les désordres d'isolation phonique peuvent relever de la garantie décennale même lorsque les exigences minimales légales ou réglementaires ont été respectées (Ass. plén., 27 octobre 2006, n° 05-19.408, M. Emile Sladic c/ Société civile immobilière (SCI) Résidence du Belvedère, P+B+R+I N° Lexbase : A0473DSC).

En l'espèce, un particulier avait acquis, en l'état futur d'achèvement, un studio à usage d'habitation dans un immeuble édifié par la SCI Résidence du Belvédère.

Se plaignant d'un défaut d'isolation phonique, l'acquéreur a assigné, notamment, le maître d'ouvrage en référé expertise. A la suite du dépôt du rapport d'expertise judiciaire, il a assigné en ouverture dudit rapport la SCI et son assureur sur le fondement de la garantie décennale.

Le tribunal de grande instance de Nanterre, dans un jugement en date du 6 décembre 2000, a condamné la SCI à effectuer les travaux nécessaires dans l'appartement, afin que le niveau sonore de cet appartement soit conforme aux normes d'isolation acoustique des logements d'habitation, exclusion faite des tolérances.

Par un arrêt du 24 juin 2002, le jugement a été infirmé par la cour d'appel de Versailles, laquelle a considéré que la prescription était acquise sur le fondement de l'article L. 111-11 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7123ABG).

Cet arrêt a été cassé par la Haute juridiction qui a rappelé, au visa de l'article 1792 du Code civil (N° Lexbase : L1920ABQ), que les désordres d'isolation phonique peuvent relever de la garantie décennale même lorsque les exigences minimales légales ou réglementaires ont été respectées (Cass. civ. 3, 9 décembre 2003, n° 02-18.628, M. Emile Sladic c/ Société civile immobilière (SCI) Résidence du Belvédère, F-D N° Lexbase : A4366DAX).

Statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel de Paris a, par un arrêt du 30 juin 2005, infirmé le jugement (CA Paris, 23ème Ch., sect. B, 30 juin 2005, n° 04/03646, S.C.I. Résidence du Belvédère c/ M. Emile Sladic N° Lexbase : A4804DK7).

C'est dans ces circonstances que l'Assemblée plénière, saisie de cette affaire, a rendu l'arrêt commenté.

Rappelons brièvement que la garantie des constructeurs peut être mise en cause sur trois fondements différents à compter de la réception qui sont, outre la garantie de bon fonctionnement (C. civ., art. 1792-3 N° Lexbase : L6350G93) :
- la garantie de parfait achèvement (C. civ., art. 1792-6 N° Lexbase : L1926ABX) : cette garantie à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception ;
- la garantie décennale (C. civ., art. 1792) : tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Plus spécifiquement, en matière d'isolation phonique, l'article L. 111-11 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7123ABG) prévoit que les contrats de louage d'ouvrage ayant pour objet la construction de bâtiments d'habitation sont réputés contenir les prescriptions légales ou réglementaires relatives aux exigences minimales requises en matière d'isolation phonique. Les travaux de nature à satisfaire à ces exigences relèvent de la garantie de parfait achèvement visée à l'article 1792-6 du Code civil.

Le vendeur ou le promoteur immobilier est garant, à l'égard du premier occupant de chaque logement, de la conformité à ces exigences pendant un an à compter de la prise de possession.

En principe, les désordres d'isolation phonique relèvent de la garantie de parfait achèvement.

Toutefois, la Cour de cassation n'a jamais cessé de considérer, malgré la réforme de la responsabilité des constructeurs par la loi du 4 janvier 1978, que les dispositions spécifiques de l'article L. 111-11 du Code de la construction et de l'habitation ne sont pas exclusives de celles, générales, de l'article 1792 du Code civil.

Ainsi, dans un arrêt du 1er avril 1992, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a-t-elle considéré que les désordres d'isolation phonique, même lorsqu'ils proviennent du non-respect des prescriptions légales, peuvent donner lieu à réparation sur le fondement de la garantie décennale lorsqu'ils sont constitutifs d'un vice caché rendant l'ouvrage impropre à sa destination (Cass. civ. 3, 1er avril 1992, n° 90-14.438, Consorts Le Bugle et autres c/ Société Résidence du Mont Bizane et autres N° Lexbase : A5305AHX).

Dans un arrêt du 24 février 1993, il a été précisé que l'article L. 111-11 du Code de la construction et de l'habitation n'avait pas exclu, même pour les désordres provenant du non-respect des prescriptions légales, l'application des dispositions de l'article 1792 du Code civil. Dès lors, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que les désordres rendaient l'ouvrage impropre à sa destination et que ce n'était qu'à l'usage, et non lors de la réception, que le vice affectant l'isolation phonique avait pu se révéler dans sa vraie nature, dans son ampleur et dans ses conséquences, a légalement justifié sa décision (Cass. civ. 3, 24 février 1993, n° 91-15.960, Peron et autre SAEP c/ SARL Renom du bon et autres N° Lexbase : A4786CZB).

Dans l'espèce commentée, la cour d'appel de renvoi (cour d'appel de Paris) avait considéré que les nuisances acoustiques dénoncées par l'acquéreur n'étaient pas objectivées par les différentes mesures effectuées par les experts judiciaires et amiables. Dès lors, selon les juges parisiens, en l'absence de preuve de l'existence du désordre allégué, la SCI ne saurait être condamnée à entreprendre des travaux d'isolation acoustique.

En conséquence, et comme le précise Monsieur Guérin, avocat général, dans son avis, "dès lors qu'aucun désordre n'est constaté, la Cour d'appel n'avait pas à rechercher si une mauvaise isolation acoustique ne provenait pas de la division d'un duplex en deux studios indépendants".

Monsieur Guérin en concluait donc au rejet du pourvoi.

L'Assemblée plénière n'a pas été de cet avis.

Elle relève que, pour rejeter la demande de condamnation de la SCI, l'arrêt d'appel a retenu que, dès lors que les normes ont été respectées, et que les nuisances acoustiques dénoncées par l'acquéreur n'ont pas été objectivées par les différentes mesures effectuées, la preuve de l'existence du désordre allégué n'était pas rapportée.

Or, ainsi que le précise l'Assemblée plénière, la cour d'appel ne pouvait déduire de la seule conformité aux normes d'isolation phoniques applicables l'absence de désordre relevant de la garantie décennale et, en l'occurrence, l'absence d'impropriété à destination.

La Haute juridiction invite donc les juges à rechercher si, malgré le respect de la réglementation en vigueur applicable, le défaut d'isolation phonique dont se plaint l'acquéreur rend ou non l'ouvrage impropre à sa destination.

2. Indemnité d'occupation due par un occupant sans droit ni titre : la prescription quinquennale prévue par l'article 2277 du Code civil est-elle applicable ?

Dans un arrêt en date du 8 novembre 2006, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance et a indiqué que le créancier d'une indemnité d'occupation ne peut obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande (Cass. civ. 3, 8 novembre 2006, n° 05-11.994, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A2865DSW).

Ce faisant, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rejoint la position adoptée par la première chambre civile.

Jusqu'à l'arrêt rapporté, en effet, la troisième chambre civile considérait qu'une indemnité d'occupation ayant un caractère mixte, compensatoire et indemnitaire, même si son montant correspond à celui des loyers convenus, une cour d'appel pouvait, à bon droit, retenir que l'indemnité demandée par le bailleur étant globale, la prescription quinquennale ne pouvait s'appliquer, en l'absence de condamnation préalable des anciens locataires, au paiement d'une indemnité mensuelle (Cass. civ. 3, 26 novembre 1997, n° 96-12.003, Consorts Gierak c/ Office public d'aménagement et de construction de la ville de Paris N° Lexbase : A1021ACS, Bull. civ. III, n° 210).

La première chambre civile de la Cour de cassation, au visa de l'article 2277 du Code civil (N° Lexbase : L5385G7L), considérait que la prescription quinquennale concerne les actions en paiement, non seulement des loyers, mais de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts. En conséquence, elle appliquait la courte prescription à une indemnité d'occupation correspondant au montant du loyer annuel réajusté (Cass. civ. 1, 5 mai 1998, n° 96-16.500, Epoux Quesnel c/ Mme Bouctot [LXB=LA2283ACK], Bull. civ. I, n° 160).

Dans l'arrêt rapporté, la troisième chambre civile uniformise donc la position de la Haute juridiction eu égard à l'application de la prescription quinquennale au recouvrement d'une indemnité d'occupation.

James Alexandre Dupichot,
Avocat associé du Cabinet Peisse Dupichot Zirah & Associés

Marine Parmentier,
Avocat du Cabinet Peisse Dupichot Zirah & Associés

Contact :
Association Peisse Dupichot Zirah & Associés,
22 avenue de Friedland
75008 Paris

http://www.peisse-dupichot-zirah.com/

peisse-dupichot-zirah@wanadoo.fr

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Sociétés

[Jurisprudence] Garantie de passif et cession de contrôle : la solidarité des garants issue du caractère commercial de l'acte de cession

Réf. : Cass. com., 28 novembre 2006, n° 05-14.827, M. Jean-Paul Bonin, F-D (N° Lexbase : A7782DSZ)

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N2901A9C

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par Vincent Téchené, SGR - Droit des affaires

Le 07 Octobre 2010

La prise de contrôle d'une société résulte de l'acquisition directe ou indirecte d'un nombre d'actions ou de parts d'une société suffisant pour imposer sa volonté lors des assemblées générales. La cession de contrôle d'une société non cotée n'est pas réglementée. Cette opération est assimilée à une cession de titres ordinaires, à savoir à un acte n'intervenant qu'entre le cédant et le cessionnaire. Les procédures prévues pour les sociétés cotées, telles que les procédures d'offres publiques d'achat ou d'échange, de retrait ou de garantie de cours en cas de cession de bloc de contrôle ne sont donc pas transposables aux sociétés non cotées. La cour de cassation a, ainsi, précisé que l'opération de cession de contrôle ne présente pas de spécificités ; elle reste une simple cession d'actions dont le régime est indifférent au nombre d'actions cédées (Cass. com., 21 janvier 1970, n° 68-11.085, Société Cassegrain c/ Garnier N° Lexbase : A6545AGI). Si la cession de contrôle d'une société non cotée n'est pas soumise à des règles spécifiques, elle emporte, néanmoins, des effets divergents de ceux résultant d'une cession "classique de droits sociaux".
La loi, et la jurisprudence ont, par conséquent, pris en compte les conséquences économiques inhérentes à une telle opération.

Ainsi, aux termes de l'article L. 430-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6583AIN), une opération de concentration est, notamment, réalisée lorsqu'une ou plusieurs personnes, détenant déjà le contrôle d'une entreprise, au moins, ou lorsqu'une ou plusieurs sociétés acquièrent le contrôle de l'ensemble ou de parties d'une ou plusieurs autres entreprises. La prise de contrôle, si elle dépasse certains seuils (C. com., art. L. 430-2 N° Lexbase : L3095DYB), consiste en une opération de concentration, soumise à une autorisation administrative (C. com., art. L. 430-3 et s. N° Lexbase : L5403G7A).

La jurisprudence a également consacré certaines règles propres à la cession de contrôle, la différenciant de la cession de droits sociaux qui n'emporte pas prise de contrôle. Ainsi, alors que la cession de parts sociales ou d'actions est, en principe, un acte civil (voir, notamment, Cass. com., 11 octobre 1971, n° 70-13.387, SARL Serigni et Cie, époux Serigni c/ Société Cabinet Roux N° Lexbase : A8358AHZ qui précise qu'en cas de litige relatif à la cession de droits sociaux, l'acte étant, par principe, civil, la juridiction compétente est le tribunal de grande instance), la Cour de cassation a posé une exception, désormais acquise, selon laquelle la cession d'un nombre important de parts sociales, tel qu'il permet d'assurer le contrôle de la société, revêt un caractère commercial (Cass. com., 28 novembre 1978, n° 77-12.609, Société RBB Transports, Morere, Leveugle c/ Richard N° Lexbase : A3370AGW).

Ce principe, la Cour de cassation l'a rappelé dans un arrêt récent, du 28 novembre 2006, et en tire comme conséquence que "les obligations contractées par les vendeurs s'exécutent solidairement de sorte que l'interruption de la prescription à l'encontre de l'un vaut à l'égard de tous" et "que la cession [portant] sur les 2 250 des 2 500 actions de la société, [il en] résultait que l'opération avait un caractère commercial et que l'engagement commun de passif pris par [les cédants] était affecté d'une présomption simple de solidarité".

En l'espèce, les époux F. et leurs trois enfants (les consorts F.) ont vendu 2 250 actions sur les 2 500 qui composaient le capital d'une société anonyme. L'acte contenait une garantie de passif stipulant que toute demande d'indemnisation devait être formulée dans un délai de trois ans à compter du 22 mai 1997. Postérieurement à la cession, un passif s'étant révélé, les époux F. ont accepté d'en prendre en charge une partie. L'acquéreur, estimant la somme versée par les époux F. insuffisante, a adressé à ceux-ci une lettre recommandée, du 10 avril 2000, faisant état d'une demande indemnitaire plus globale. Par exploit du 1er mars 2001, ce dernier attrait les consorts F. devant le tribunal de grande instance aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire d'une certaine somme en exécution de la garantie de passif.
La cour d'appel de Reims a déclaré prescrite la demande indemnitaire formée par l'acquéreur à l'encontre des trois enfants, retenant que ces derniers n'ont pas été destinataires de la lettre du 10 avril 2000 et que le cessionnaire ne produit pas d'autres documents que la délivrance de l'exploit introductif d'instance intervenu à l'expiration du délai de trois ans prévue dans la clause de garantie de passif. La Cour de cassation sanctionne la décision des juges du fond au visa des articles 2249 (N° Lexbase : L2537ABL) et 1202, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L1304ABW).

L'arrêt rapporté permet de revenir sur la notion de cession de contrôle (I), et sur la nature commerciale d'une telle opération (II).

I - La notion de cession de contrôle

Pour déterminer le régime juridique d'un acte encore faut-il identifier la nature de cet acte. Ramené à notre cas d'espèce, pour déterminer si l'opération a un caractère civil ou commercial encore faut-il déterminer s'il s'agit d'une cession de contrôle ou non. Ainsi, ni le Code civil, ni le Code de commerce ne définissent expressément la notion de cession de contrôle. Mais, la Cour de cassation, dans un arrêt du 24 novembre 1992 (Cass. com., 24 novembre 1992, n° 91-10.699, Société Disco gros c/ Consorts Farre N° Lexbase : A4811ABS), a retenu, au visa de l'article 355-1 de la loi du 24 juillet 1966 (loi n° 66-537, sur les sociétés commerciales, art. 355-1 N° Lexbase : L6198AHZ), aujourd'hui codifié à l'article L. 233-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L6304AIC), que la cession de contrôle a pour objet et pour effet d'assurer aux acquéreurs le contrôle de la société dont les titres sont ainsi cédés.

Il convient, par conséquent, de se reporter à l'article L. 233-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L6304AIC), relatif à la notion de contrôle, aux termes duquel "une société est considérée [...] comme en contrôlant une autre :
1° Lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ;
2° Lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ;
3° Lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ;
4° Lorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette sociét
é".

De plus, elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou indirectement une fraction supérieure à la sienne (C. com., art. L. 233-1, II).

Ainsi, les juges estiment-ils, logiquement, que la cession de la totalité des parts sociales (CA Paris, 1ère ch., sect. D, 26 janvier 2000, n° 1999/20946, Consorts Valensi c / Spciété VTB2 "Edition Spéciale" N° Lexbase : A1293DBI), ou de la majorité des titres (par ex., Cass. com., 28 novembre 1978, n° 77-12.609, où la cession portait sur 2 250 parts sur les 3 000 parts que comptait le capital social) constitue une cession de contrôle.

L'appréciation du contrôle doit être regardée au niveau du cessionnaire et non du cédant (CA Paris, 1ère ch., sect. D, 17 octobre 2001, n° 2000/21085, SARL Conseil en organisation comptable et informatique c/ Belkacem Remous N° Lexbase : A2314A4H). Les juges apprécieront, par conséquent, le caractère global de l'opération. En application de ce principe, il a ainsi été jugé que les deux actes de cession de participations minoritaires par deux associés, conférant en totalité au cessionnaire 31 des 60 parts qui constituent le capital social sont considérés comme une cession de contrôle. Chaque acte sera donc regardé comme ayant une nature commerciale (Cass. com., 28 avril 1987, n° 85-17.093, Mme Szenkman c/ Mme Sabella N° Lexbase : A7547AAR). Une cour d'appel a même retenu que, si les cédants se sont engagés à céder les 1 250 parts qu'ils détenaient chacun dans la société, ce qui ne permettait pas aux cessionnaires d'en prendre le contrôle, la validité de leur offre étant expressément conditionnée à l'acquisition des 5 000 parts détenues par d'autres associés, cette acquisition s'inscrit pour avoir été réalisée le même jour dans une opération juridique globale permettant aux acquéreurs de prendre le contrôle de la société dont les parts étaient cédées en devenant propriétaire de 7 500 parts sur les 10 000 parts composant le capital de la société (CA Paris, 1ère ch., sect. D, 22 septembre1999, n° 1999/00777, V. Nassif c/ Société Agrisol N° Lexbase : A9392A7Y.

Enfin, l'acte pourra, également, être qualifié de cession de contrôle lorsque, alors même que l'opération porte sur une part minoritaire du capital, elle permet au cessionnaire de détenir, parce qu'il est déjà associé de la société, la majorité du capital. La Cour de cassation en a jugé ainsi s'agissant de la cession de 34 % du capital d'une société, à un associé en détenant, préalablement, 28 % (Cass. com., 15 mars 1994, n° 92-12.617, M. Elias Boustani et autres c/ M. Antoun Chiha et autres, inédit N° Lexbase : A5551CTR).

Dans l'arrêt du 28 novembre 2006, la cession était effectuée par 5 associés : les époux F. et leurs trois enfants, et portait sur 90 % du capital social ; elle correspondait sans conteste à une cession de contrôle, et revêtait donc un caractère commercial.

II - Les incidences du caractère commercial de la cession de contrôle

Avant d'étudier les nombreuses conséquences issues du caractère commercial de l'acte de cession de contrôle, il convient de rappeler que classiquement la cession de parts ou actions revêt un caractère civil et la jurisprudence refusait, à cet égard de distinguer selon que l'acte portait sur une part importante ou non du capital social, le fait qu'elle porte sur un bloc de contrôle ne modifiant pas pour autant la nature du contrat (voir, Cass. com., 21 janvier 1970, n° 68-11.085, préc.).

Or, cette position ne faisait pas l'unanimité au sein de la doctrine (cf. doyen Houin, RTDcom 1969, n° 9, p. 1 006), et la Cour de cassation a opéré un important revirement jurisprudentiel en décidant, au visa de l'article 631 de l'ancien Code de commerce, qu'en retenant la compétence de la juridiction civile pour connaître de l'action en nullité d'un acte de cession de 2 250 parts sociales sur les 3 000 qui composaient le capital social, la cour d'appel n'avait pas donné de base légale à sa décision, en s'abstenant de rechercher si, étant donné le nombre de parts sociales acquises, lequel assurait le contrôle de la société au cessionnaire, la cession litigieuse ne revêtait pas un caractère commercial.

Aujourd'hui cette solution n'est pas contestée, et les tribunaux en ont tiré toutes les conclusions qui s'imposaient.

Par conséquent, comme le consacre l'arrêt de principe du 21 janvier 1970, les tribunaux compétents pour connaître des contestations nées de l'acte de cession sont les tribunaux de commerce. Autre conséquence attachée au caractère commercial de la cession de contrôle, la convention de garantie de passif qui fait corps avec l'acte de cession de contrôle revêt un caractère commercial, peu important que les cédants n'aient pas la qualité de commerçant et qu'ils n'aient plus celle d'associés (CA Paris, 1ère ch., section D, 26-01-2000, n° 1999/20946, préc.).

De même, lorsque la cession de droits sociaux revêt un caractère commercial, le formalisme de l'article 1326 du Code civil n'est pas applicable (CA Paris, 15ème ch., sect. B, 4 octobre 1991, Salomon dit Darmon c/ BussonBulletin, note P. Lecannu, Bull. Joly Sociétés 1991, § 393, p. 1 131). Conformément à l'article L. 110-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L5547AIB), la preuve d'une cession de nature commerciale peut donc être rapportée par tous moyens.

Tirant, toujours, les conclusions du caractère commercial d'une cession de droits sociaux qui s'imposent, les juges du fond et la Cour de cassation ont jugé à plusieurs reprises (CA Paris, 1ère ch., sect. C, 17 novembre 1994, n° 93.12261, Monsieur Laurent Calmel c/ Société SAGA SA N° Lexbase : A1975AXG ; Cass. com., 2 juillet 2002, n° 99-21.440, F-D N° Lexbase : A0473AZK) que la clause compromissoire contenue dans l'acte de cession de contrôle était valable. Les parties peuvent donc, préalablement à tout différend, prévoir que celui-ci sera porté devant un arbitre.

De plus, aux termes de l'article 1202 du Code civil, premier article visé par l'arrêt du 28 novembre 2006, la solidarité ne se présume point, sauf dans les cas où elle a lieu de plein droit, en vertu d'une disposition de la loi. Or, une jurisprudence constante considère qu'en matière commerciale la solidarité passive est présumée (Cass. civ., 18 juillet 1927, DH 1929, p. 556, pour une réaffirmation plus récente de ce principe, cf. Cass. com., 21 avril 1980, n° 78-14.765, Société Copharmest c/ Société Jenn, Société Pierron N° Lexbase : A9815AGM). La Cour de cassation en a donc déduit, s'agissant des cessions de contrôle, que la promesse de vente d'une cession de contrôle valant vente, et la cession revêtant un caractère commercial, les acheteurs sont tenus solidairement au paiement du prix des actions cédées (Cass. com., 16 janvier 1990, n° 88-16.265, Consorts Beauguerlange c/ Mme Brunel et autre N° Lexbase : A1935AGR).
La solidarité peut également se manifester du côté des vendeurs. Ainsi, en raison du caractère commercial de l'acte de cession, la garantie de passif contenue dans l'acte de cession est réputée solidaire, le paiement du passif garanti pouvant, alors être demandé à un seul des cessionnaires (Cass. com., 28 avril 1987, n° 85-17.093, Mme Szenkman c/ Mme Sabella N° Lexbase : A7547AAR).

C'est ce premier point que rappelle la Chambre commerciale dans son arrêt du 28 novembre 2006 en relevant que la cession ayant un caractère commercial, l'engagement commun de passif pris par les cédants était affecté d'une présomption simple de solidarité.

La présomption étant simple, les cédants pourront rapporter la preuve que la garantie de passif, qu'ils ont consentie au cessionnaire, ne supposait aucune solidarité de leur part.

Enfin, l'arrêt du 28 novembre 2006 tire une autre conséquence de la présomption de solidarité issue de la commercialité de l'acte de cession : la prescription à l'encontre de l'un vaut à l'égard de tous. En effet l'article 2249 du Code civil dispose que "l'interpellation faite, conformément aux articles ci-dessus, à l'un des débiteurs solidaires, ou sa reconnaissance, interrompt la prescription contre tous les autres". La Cour de cassation en conclue donc que le délai de prescription de trois ans prévu dans l'acte de garantie ayant été interrompu à l'égard de deux cessionnaires, les époux F., celui-ci l'était tout autant à l'égard de leurs enfants, codébiteurs solidaires.

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Bancaire

[Evénement] L'application des règles en matière d'aides d'Etat au secteur bancaire et financier

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N2900A9B

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Le 07 Octobre 2010

La revue "Concurrences" et la Revue trimestrielle de droit financier ont organisé, en collaboration avec le Centre de droit bancaire et financier de l'Université de Genève, un colloque international sur la concurrence dans le secteur bancaire intitulé "Banque, finance & concurrences", le jeudi 30 novembre dernier, à Paris. Au cours de cette journée, déroulée sous le Haut patronage de Mme Pervenche Béres, députée européenne et Présidente de la Commission des affaires économiques et monétaires, divers sujets ont été abordés quant au rôle du droit de la concurrence dans les secteurs financier et bancaire. Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, un compte-rendu des points abordés lors de cette journée et, plus particulièrement, de l'application des règles en matière d'aides d'Etat au secteur bancaire et financier. Sont intervenus, sur ce sujet, Dominique Berlin, Professeur, Université de Paris I, Avocat (LeBoeuf, Lamb, Greene & MacRae, Paris), Jean-Louis Colson, DG COMP, Chef de l'unité H2 (Aides d'Etat-Services financiers), Commission européenne, Thomas Pommera, Caisse des Dépôts et Consignations, Paris, et Massimo Merrola, Professeur au Collège de Bruges, Avocat (Bonelli Erede Pappalardo, Bruxelles). Il convient, tout d'abord, de rappeler que le contrôle des aides d'Etat porte sur des aides qui sont, par principe, déclarées incompatibles avec le marché commun. Il doit s'agir d'aides qui apportent un avantage sélectif et financé sur des ressources publiques (à travers, par exemple, des avantages fiscaux). Plusieurs aspects particuliers, propres au régime des aides d'Etat, doivent être soulignés :
- il s'agit, en premier lieu, des procédures en matière de contrôle des aides d'Etat, qui peuvent avoir des incidences importantes pour les opérateurs. En effet, notamment, une obligation de notification pèse sur l'autorité publique, de sorte que, parfois, les autres opérateurs concernés peuvent rencontrer des difficultés pour défendre leurs intérêts dans la procédure ;
- il s'agit, en second lieu, de l'obligation de suspension du versement de l'aide jusqu'à l'autorisation de la Commission.
Les questions d'ordre procédural sont donc importantes et ces obligations sont sévèrement encadrées par la jurisprudence, tant nationale que communautaire.

Il s'agit alors, plus exactement, de savoir en quoi l'application de ces règles en matière d'aides d'Etat présente une spécificité dans le domaine bancaire et financier.
En voici les raisons :
- l'établissement de crédit peut être la victime des aides d'Etat dont bénéficient ses concurrents (publics) ;
- l'établissement de crédit peut être le bénéficiaire de l'aide ;
- l'établissement de crédit peut être le vecteur ;
- l'établissement bancaire peut être un intervenant dans le cadre d'un montage mettant en cause une aide publique.

L'activité de la Commission dans le cadre du contrôle des aides aux banques est relativement récente, puisque le premier cas date de 1992 et mettait en cause la banque espagnole Banesto. Depuis lors, le nombre d'affaires soumises à ce contrôle a évolué de façon notable, ce nombre s'expliquant par :
- la libéralisation des marchés financiers ;
- la banalisation des établissements de crédit ; et
- l'internationalisation des activités.

L'attitude de la Commission a été d'exercer un contrôle pour les aides dans le domaine bancaire comme pour les autres domaines, appliquant des règles normales. Il n'en reste pas moins que les banques forment, à elles-mêmes, un secteur particulier.

Tout d'abord, la volonté de la Commission est de mettre fin à des aides qui résultent du passé et qui ne sont, aujourd'hui, plus justifiées, telles que les garanties publiques. Celles-ci avaient souvent comme conséquence une séparation des tâches au sein des établissements, entre la partie publique et la partie commerciale. Les garanties, pour les banques, conditionnent les modalités de refinancement de l'établissement concerné. Dans ce domaine, l'action de la Commission est aujourd'hui, pour l'essentiel, terminée.

Se pose, ensuite, la question des aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté. La Commission n'a jamais utilisé, ici, l'article 87 § 3, b) du Traité , aux termes duquel "peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun : [...] les aides destinées à [...] remédier à une perturbation grave de l'économie d'un Etat membre".
Il convient de noter l'existence d'une disposition spécifique au secteur bancaire, permettant d'accepter les aides en sauvetage, à condition que celles-ci prennent la forme de garantie ou de prêt (car elles ne doivent pas avoir de caractère permanent). Il y aura, de toute façon, peu de cas de restructurations bancaires dans les temps à venir. Il peut, toutefois, exister des cas particuliers où la consolidation n'est pas encore réalisée dans certains Etats membres (tels que l'Italie et l'Allemagne).

Enfin, est soulevée la question du traitement accordé aux services d'intérêt économique général.
Tout d'abord, certains Etats membres, pour lutter contre l'exclusion bancaire, mettent en place des services d'intérêt économique général à cet effet. C'est le cas, par exemple, d'un certain nombre de banques postales.
Par ailleurs, un Etat membre peut utiliser une banque pour assurer un service d'intérêt économique général. C'est le cas du Crédit mutuel avec le "Livret bleu" (assurant, pour sa part, un service pour le logement social) (1).
Enfin, existent des aides au fonctionnement dans le secteur bancaire, dans trois cas de figure :
1. les liens qui peuvent exister entre la maison mère -La Poste- et les banques postales : la Commission doit, ici, s'assurer que la facturation est bien effectuée au prix du marché ;
2. les injections de capital dans les banques publiques : la Commission doit vérifier que l'Etat agit en actionnaire avisé ;
3. enfin, les dispositions fiscales spécifiques propres au secteur bancaire.

L'on peut donc, d'ores et déjà, conclure qu'il n'y a pas de démarche particulière de la Commission, mais que l'on trouve des types d'aides particulières au secteur bancaire. Et de souligner, finalement, la banalité du régime des aides d'Etat qui s'appliquent au secteur bancaire.
Toutefois, malgré cette approche de droit commun, il existe des spécificités, tenant à deux raisons : le secteur bancaire est, d'une part, un secteur stratégique et, d'autre part, un secteur présentant le "risque systémique" (en d'autres termes, un effet de contagion en provoquant des paniques bancaires, etc.). Les Etats ont jugé nécessaire d'imposer un certain nombre d'obligations publiques. Il existe donc de fortes spécificités du point de vue de l'intérêt des Etats. Trois points sont, ici, à évoquer.

En premier lieu, il convient de souligner la complémentarité entre les objectifs prudentiels et l'objectif concurrentiel du régime des aides d'Etat. La Commission partage, à ce sujet, l'avis de la Commission bancaire française dans son rapport pour l'année 1995. Il y a donc une forte convergence des intérêts prudentiels et concurrentiels et la Commission conclut qu'il faut davantage distinguer la responsabilité de l'Etat en tant qu'actionnaire et la responsabilité de l'Etat en tant que personne publique. La Commission n'accepte pas le fait qu'un ratio prudentiel ne soit plus respecté, une intervention de l'Etat devant être légitime et justifiée.

Il convient, en deuxième lieu, d'aborder la façon dont la Commission traite le risque systémique. Ce risque est en permanence suivi, contrôlé par les autorités de supervision. L'article 87 § 3, b) du Traité prévoit que les aides d'Etat "peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun [si elles sont] destinées [...] à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un Etat membre". La dérogation de l'article 87 § 3, b) du Traité pourra donc être invoquée en cas de grave crise systémique. Toutefois, les conditions sont vagues. En effet, qu'est-ce qu'un grave risque systémique ? De plus, il faudra sans doute prévoir des dispositions procédurales particulières car la compétence d'appréciation du risque systémique est, ici, du côté du régulateur !
La Commission a su prendre en compte la spécificité de certains types de situations. Si elle ne fait preuve d'aucune souplesse quant à l'existence d'une aide d'Etat, elle en fait preuve lors de l'appréciation de la compatibilité de l'aide. Ainsi, si le risque de la faillite d'un Etat isolé présente un risque systémique, la Commission se montre plus souple (V. l'affaire "Crédit Lyonnais" en 1995) (2).
La Commission reconnaît également pleinement la légitimité des dépôts de garantie préservant les dépôts de l'épargnant et ce, afin d'éviter la contagion et la panique bancaire.
La Commission a aussi reconnu la légitimité de "mesures coupe-feu" -interventions publiques ayant pour but d'organiser la liquidation d'une société de façon ordonnée-.
Le cadre des aides d'Etat présente donc un certain nombre de souplesses.

Enfin, en troisième lieu, la spécificité des services d'intérêt économique général appliqués aux établissements de crédit a été reconnue par la Commission dans son rapport de 1997 (XXVIIe Rapport sur la Politique de la Concurrence 1997 de la Commission européenne), et ce dans trois domaines :
1. Le service universel. Il s'agit, ici, du sujet de l'accessibilité sociale, soulevée à l'occasion de la procédure ouverte pour le Livret A. De fortes composantes d'accessibilité sociale se trouvent dans le service d'intérêt économique général rendu à travers le Livret A (logement, etc.). Il s'agit là, cependant, d'un droit exclusif accordé à La Poste, aux banques postales et aux Caisses d'épargne, droit exclusif dont se sont plaints certains établissements.
2. Le financement d'intérêt général. Des souplesses supplémentaires ont désormais été accordées dans le cadre du financement du capital risque : les aides inférieures à 1,5 millions d'euros sont, en effet, exemptées de l'obligation de notification.
3. Le financement de la dette de l'Etat.

Propos recueillis par Florence Labasque
SGR - Droit commercial


(1) Lire J.-P. Lehman et A.-P. Weber, Les décisions de la Commission doivent être motivées, à défaut ses décisions sont annulées : le cas du dossier Crédit Mutuel, Lexbase Hebdo n° 155 du 17 février 2005 - édition affaires (N° Lexbase : N4697ABL).
(2) Décision de la Commission 95/547/CE, du 26 juillet 1995, portant approbation conditionnée de l'aide accordée par la France à la banque Crédit Lyonnais, JO L308 du 21 décembre 1995.

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Concurrence

[Jurisprudence] Le rôle essentiel des tribunaux de commerce dans la dénonciation des "marges arrière"

Réf. : T. com., Créteil, 24 octobre 2006, aff. n° 2005F00025, Directeur départemental de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du Val de Marne c/ Centrale Système U (N° Lexbase : A7982DSG)

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N2893A9Z

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Le 07 Octobre 2010

Une nouvelle fois, une juridiction commerciale administre la preuve que l'ordre juridique tiré des articles L. 442-6 (N° Lexbase : L6607AIK) et L. 441-6 (N° Lexbase : L6601AIC) du Code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (N° Lexbase : L7582HEK) (1), permettait de remédier au phénomène du développement des "marges arrière". En effet, par un jugement du 24 octobre 2006, le tribunal de commerce de Créteil vient de prononcer la nullité des contrats de coopération commerciale conclus par la SAS Système U Centrale Nationale (ci-après dénommée Système U) avec quatre fournisseurs de produits de grande consommation car les avantages obtenus par Système U auprès des fournisseurs en cause ne correspondaient à aucun service spécifique qui aurait été rendu par les adhérents de la centrale. De plus, la juridiction a ordonné à la partie visée de cesser les pratiques illicites dénoncées ainsi que le remboursement au Trésor Public des sommes que Système U a indûment perçues, à charge pour lui de les reverser aux fournisseurs concernés. Système U est enfin condamné à une amende civile de 100 000 euros. L'affaire se situe dans la lignée du jugement prononcé le 15 novembre 2005 par le tribunal de commerce de Nanterre, 7ème chambre (2). Elle démontre, une fois de plus, que le phénomène des "marges arrière" a toujours pu être éradiqué dès lors que les services de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes exerçaient les missions que le législateur lui a dévolues. Une fois encore, cette affaire témoigne de l'inanité des dispositions qui ont été introduites dans la loi du 2 août 2005 précitée afin de remédier au phénomène du développement des marges arrière.

I - Les entreprises concernées et les faits en cause

Système U est un groupement de commerçants juridiquement et financièrement indépendants. Ses membres sont propriétaires de leurs points de vente et responsables de la gestion de leur entreprise. Il s'agit là d'une société par actions simplifiées coopérative qui intervient en tant que centrale d'achat pour le compte de ses membres intervenant sur le marché de la grande distribution sous les dénominations hyper U, super U et magasins U qui l'ont mandatée. Elle a vocation à conclure, auprès de ses fournisseurs, les conditions d'achat des points de vente et les conditions accessoires liées à la publicité et aux promotions. Système U a créé quatre centrales régionales, chaque point de vente est rattaché à l'une d'elles. Les magasins s'approvisionnent auprès de la centrale à laquelle ils sont rattachés dans des proportions variant entre 85 % et 90 %.

Au moment des faits soumis à l'appréciation du tribunal, en particulier en 2003, les 854 magasins relevant de l'enseigne Système U disposent d'une surface commerciale évaluée à 1,487 millions de m2, le chiffre d'affaires cumulé de l'enseigne s'établit alors à 13,8 milliards d'euros. La part de marché du groupe ainsi constitué se situe aux alentours de 7,8 %.

Dès la fin 2001, et pour les années 2002 et 2003, Système U a régulièrement adressé à quatre fournisseurs -Lavazza France, Nestlé Produits Laitiers Frais, Yoplait France et Danone- des factures comportant la mention "Action de construction et de diffusion du Tronc d'Assortiment Commun (TAC)". Pour Système U, ces factures sont alors émises dans le cadre d'accords de coopération commerciale. Ces accords ont été conclus postérieurement à la publication de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques (N° Lexbase : L8295ASZ) et qui a, notamment, modifié les articles L. 124-1 (N° Lexbase : L5587AIR), L. 441-6 et L. 442-6 du Code de commerce.

Ce service TAC est constitué de trois composantes : revente aux fournisseurs d'informations sur les perspectives du marché telles qu'appréciées par la centrale, ce qui donne lieu à des réunions annuelles ou semestrielles avec les fournisseurs, et qui est dénommée "collaboration marketing"; définition des assortiments de produits devant être proposés selon les types de magasins concernés encore appelée "aide au positionnement des produits en magasin" ; incitation à la vente des produits auprès des membres afin que les produits des fournisseurs soient effectivement présents dans les linéaires.

Les rémunérations liées au service TAC sont alors facturées sur la base d'un pourcentage de chiffre d'affaires. Pour les années 2002 et 2003, ce pourcentage passe dans l'ordre, s'agissant de Danone, de 13,25 % à 14, % des achats réalisés, les paiements opérés par le fournisseur se montent alors pour chacune des années concernées à 16,23 et 18,13 millions d'euros. La rémunération versée par Nestlé demeure stable, soit 20 % du chiffre d'affaires, ses dépenses annuelles se situent respectivement et toujours par année à 10,9 et 11,63 millions d'euros. La contribution de Yoplait, passant de 18 % à 19,6 % du chiffre d'affaires, les sommes versées se montent à 8,83 et 10,17 millions d'euros. S'agissant, enfin, de Lavazza, là encore, la rémunération demandée augmente de 9 % à 9,9 % du chiffre d'affaires, les reversements s'établissent alors 0,51 et 0,48 million d'euros.

Ainsi, le service TAC a-t-il permis à Système U d'enregistrer au titre de la coopération commerciale avec ces quatre fournisseurs une recette globale se montant globalement à 78,71 millions d'euros (36,47 millions pour 2002 et 40,40 millions pour 2003), ce montant ayant été reversé aux adhérents.

II - Le cadre législatif alors en vigueur et son application au cas d'espèce

Dans sa version alors applicable l'article L. 442-6 du Code de commerce prévoit en son I qu'"engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan : [...]
2° a) d'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu".

De même, toujours dans sa version applicable au moment des faits examinés, le III de ce même article dispose que "l'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'Economie ou par le président du Conseil de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article. Lors de cette action, le ministère chargé de l'Economie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites, demander la répétition de l'indu et le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 2 millions d'euros. La réparation des préjudices subis peut également être demandée".

De son côté, l'article L. 441-6 prévoit, dans son premier alinéa, que tout producteur, prestataires de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer à tout acheteur de produit ou demandeur de prestation de services pour une activité professionnelle qui en fait la demande son barème de pris et ses conditions de vente. Les 5ème et 6ème alinéas de ce même article prévoient par ailleurs que "les conditions dans lesquelles un distributeur ou un prestataire de services se fait rémunérer par ses fournisseurs, en contrepartie de services spécifiques, doivent faire l'objet d'un contrat écrit en double exemplaire détenu par chacune des parties. Toute infraction aux dispositions visées ci-dessus est punie d'une amende de 15 000 euros".

Au motif que les magasins réunis sous l'enseigne Système U ne pouvaient prétendre avoir rendu un quelconque service aux fournisseurs, l'article L. 441-6 étant par conséquent inapplicable, c'est sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 que, le 25 novembre 2004, le ministre chargé de l'Economie a saisi le tribunal de commerce de Créteil en lui demandant de considérer que Système U avait obtenu des fournisseurs des rémunérations ne correspondant à aucun service, de prononcer, en conséquence, la nullité des contrats conclus, d'ordonner la répétition des sommes indûment perçues et lui infliger une amende civile de 1 million d'euros.

Le ministre considère que l'action engagée par Système U ne peut pas être qualifiée de coopération commerciale en ce sens qu'elle se situe à l'amont des achats que les adhérents réalisent en produits des fournisseurs. Les prestations offertes par Système U sont inhérentes à la mission d'une centrale et il convient d'opérer une stricte distinction entre, d'un côté, les actions engagées par la centrale vis-à-vis des fournisseurs et, d'un autre côté, la question des services que seuls les adhérents sont susceptibles de rendre aux fournisseurs concernés. En bref, le ministre considère que la facturation qui a été imposée aux fournisseurs est indue, elle ne correspond en aucune façon à une opération de coopération commerciale, Système U a donc contrevenu aux dispositions de l'article L. 442-I 2 a) du Code de commerce.

Outre les arguments de procédure opposés par Système U, et que le tribunal a rejetés, l'intérêt doit se porter sur l'appréciation qui est portée par la juridiction sur les aspects de fond.

Pour Système U, la prestation dénommée "Action de construction et de diffusion du TAC" relève de l'article L. 124-1 du Code de commerce (3). Il s'agit d'une opération de coopération commerciale telle que prévue à son article L. 441-6. Contestant la thèse ministérielle, Système U expose trois séries d'arguments, factuels, juridiques et enfin économiques.

Au plan factuel, trois points sont avancés.

Dans les procès-verbaux versés au dossier, les fournisseurs entendus ne contestent en aucune façon l'existence des services rendus.

La preuve de la réalité des services rendus est attestée par le fait que les fournisseurs ont honoré les factures qui leur ont été adressées.

Dans leurs dépositions, des directeurs de magasins U ont, de leur côté, fait état sans équivoque de la connaissance qu'ils avaient du service "TAC".

Au plan juridique, Système U fait remarquer que le ministre ne conteste pas la réalité des services rendus mais la qualification qui en est faite, pour le ministre les services rendus ne relèvent pas de la coopération commerciale. Ne retenant pas cette qualification, le ministre s'est ouvert un espace de liberté en ayant la faculté de saisir le tribunal de commerce, de demander l'annulation des contrats et la répétition des sommes indues, facultés qui ne lui sont pas ouvertes par l'article L. 441-6 du Code de commerce précédemment cité.

Et pour contrer la position du ministre, pour bien mettre en relief la réalité de la coopération commerciale nouée entre les magasins et les fournisseurs, Système U fait remarquer que la "collaboration marketing" donne lieu à des réunions systématiques distributeurs/fournisseurs, à la transmission d'informations des points de vente vers les fournisseurs ainsi qu'à l'établissement de documents de synthèse adressés aux fournisseurs.

Système U soutient de plus que l'"aide au positionnement des produits en magasin" repose sur le travail de sélection des produits selon les zones et les besoins particuliers des consommateurs ainsi que la diffusion de recommandations sur la tenue des linéaires.

L'incitation à la vente des produits sélectionnés est, enfin, notamment, démontrée par l'élaboration de documents concernant le positionnement des produits et la mise à disposition de ces derniers aux adhérents.

En dernier ressort, sur un plan économique, Système U fait observer que les performances enregistrées par les fournisseurs sont liées au "TAC", elles témoignent de la réalité des services rendus. Ainsi est-il avancé que le chiffre d'affaires des fournisseurs concernés avec l'enseigne U a crû de 4,9 % en 2002 par rapport à 2001 et que la croissance en 2003 par rapport à 2002 s'est établie à 4,1 %. Or, dans la même période, les progressions globales de marché enregistrées tant par la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution, que par le panel Nielsen ont été sensiblement inférieures. Est enfin avancée l'idée que les fournisseurs en cause avaient en raison de leur puissance la possibilité de résister à des demandes ne correspondant pas à une prestation effective.

Point par point, le tribunal va dénoncer l'argumentation exposée par Système U.

Se fondant sur les dépositions tant des représentants des fournisseurs, que de dirigeants de magasins U, le tribunal note que les "services rendus" par la centrale au titre de la collaboration marketing, du positionnement des produits dans les linéaires et à l'incitation à le vente des produits sélectionnés sont tout à fait résiduels au regard des prestations que les fournisseurs offrent aux distributeurs. Les informations commerciales transmises par Système U aux fournisseurs ne sont que la reproduction d'informations acquises auprès de tiers dont les fournisseurs ont déjà connaissance. Les services "TAC" ne dispensent nullement les fournisseurs d'entretenir des liens directs et étroits avec les points de vente.

Le tribunal relève encore que les préconisations relatives à l'aménagement des magasins proposées par Système U sont tout à fait sommaires au regard des services que les fournisseurs proposent. D'un mot, le tribunal se range à l'argument du plaignant en considérant "que le service commercial rendu par Système U à ses fournisseurs n'est pas établi".

C'est donc à bon droit que l'action a été engagée sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce.

Au plan économique enfin, deux points essentiels sont exposés.

A la thèse développée selon laquelle les fournisseurs n'ont jamais contesté la réalisation des prestations proposées, et donc accepté de payer les factures transmises, alors qu'ils étaient suffisamment puissants pour résister à des demandes qui n'auraient pas été justifiées, le tribunal fait remarquer que Système U constitue un partenaire obligé dès lors qu'il détient une part substantielle du marché de la distribution de biens de grande consommation laquelle est passée de 7,5 % à 8,1 % de 2002 à 2004. Les fournisseurs n'étaient donc pas en mesure de résister aux requêtes dont ils ont été l'objet.

Le tribunal observe également que Système U n'est pas fondé à justifier des bienfaits de son action au motif que les quatre fournisseurs ont vu leur chiffre d'affaires croître à un rythme supérieur aux moyennes nationales constatées par la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution et le panel Nielsen. En effet, en raison de l'accroissement du nombre des magasins affiliés, le chiffre d'affaires global de l'enseigne Système U a crû de 8,5 % entre 2002 et 2003 et, dans le même laps de temps, la croissance des chiffres d'affaires des fournisseurs avec les distributeurs en cause a été inférieure (5,7 % pour Danone, 6,7 % pour Nestlé, 5,8 % pour Yoplait et -1,4 % pour Lavazza). Or, dans le même temps, le coût du TAC, stable s'agissant de Nestlé (soit 20% du chiffre d'affaires réalisé), avait subi des hausses : de 13,25 % à 14 % pour Danone, de 18 % à 19,6 % pour Yoplait, et de 9 % à 9,9 % pour Lavazza.

C'est donc dans de telles conditions que le tribunal de commerce de Créteil a pu juger que Système U avait obtenu des quatre fournisseurs ci-dessus cités des avantages ne correspondant à aucun service commercial spécifique, prononcer la nullité des contrats conclus et ordonner le remboursement au bénéfice des fournisseurs des sommes indûment perçues.

III - En conclusion

A l'instar du tribunal de commerce de Nanterre dans son jugement du 15 novembre 2005 déjà cité, le jugement que le tribunal de commerce de Créteil vient de rendre témoigne une nouvelle fois du fait que notre dispositif législatif a toujours permis de remédier au phénomène des "marges arrière". Face à la puissance d'achat que les centrales représentent, aux pressions qu'elles sont susceptibles d'exercer vis-à-vis des fournisseurs, ce nouveau cas démontre que la stricte application des dispositions de l'article L. 442-6 I du Code de commerce comporte les correctifs appropriés pour éradiquer les excès. Parce que les victimes des pressions, susceptibles d'être l'objet de rétorsions économiquement et socialement coûteuses, sont dans l'incapacité de mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 442-6 III lequel les autorise à engager des actions devant les juridictions civiles ou commerciales, encore faut-il alors que la puissance publique se substitue aux victimes et exerce les pouvoirs qui sont les siens en la matière. En l'espèce, les services de la DGCCRF avaient procédé aux enquêtes appropriées, le ministre avait saisi la juridiction, au total les avantages indus ont été reversés. La preuve est, une nouvelle fois, rapportée que la correction des comportements abusifs des centrales d'achat n'exigeait pas l'encadrement contraignant qui pèse désormais sur les contrats de coopération commerciale.

Rappelons à cet égard que l'article L. 441-7 I du Code de commerce (N° Lexbase : L3804HBI) impose, notamment, que les contrats de coopération commerciale soient conclus avant le 15 février de chaque année. Ils doivent préciser la date à laquelle les services sont rendus et les produits visés, la rémunération des services étant exprimée en pourcentage du prix unitaire net du produit auquel il se rapporte.

André-Paul Weber
Professeur d'économie
Ancien rapporteur au Conseil de la concurrence


(1) Loi réformant en particulier le dispositif de la loi "Galland" et codifiant, notamment, le concept de coopération commerciale ; lire nos obs., Modernisation des relations commerciales ou bureaucratisation accrue ?, Lexbase Hebdo n° 166 du 5 mai 2005 - édition affaires (N° Lexbase : N3756AIX).
(2) Tribunal de commerce de Nanterre, 7ème ch., 15 novembre 2005, aff. 2004F01493 (N° Lexbase : A6708DLZ) et nos observations, La question des relations industrie-commerce : la solution exemplaire apportée par le tribunal de commerce de Nanterre, Lexbase Hebdo n° 192 du 1er décembre 2005 - édition affaires (N° Lexbase : N1334AKM).
(3) On rappelle, à cet égard, qu'en application de l'article 64 I, II et III de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, "les sociétés coopératives de commerçants détaillants ont pour objet d'améliorer par l'effort commun de leurs associés les conditions dans lesquelles ceux-ci exercent leur activité commerciale. A cet effet elles peuvent notamment exercer directement ou indirectement pour le compte de leurs associés les activités suivantes :
1° Fournir en totalité ou en partie à leurs associés les marchandises, denrées ou services, l'équipement et le matériel nécessaires à l'exercice de leur commerce, notamment par la construction et l'entretien de tout stock de marchandises, la construction, l'acquisition ou la location ainsi que la gestion de magasins et entrepôts particuliers, l'accomplissement dans leurs établissements ou dans ceux de leurs associés de toutes opérations, transformations et modernisations utiles ;
2° Regrouper dans une même enceinte les commerces appartenant à leurs associés, créer et gérer tous services communs à l'exploitation de ces commerces, construire, acquérir ou louer les immeubles nécessaires à leur activité et en particulier assurer la gestion
".

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Validité des licenciements préventifs pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise

Réf. : Cass. soc., 21 novembre 2006, n° 05-40.656, M. Michel Baraud, FS-P+B (N° Lexbase : A5396DSN)

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

Reprenant à son compte l'adage populaire selon lequel "Mieux vaut prévenir que guérir", la Cour de cassation précise, dans un arrêt en date du 21 novembre 2006, les modalités d'application de sa jurisprudence "Pages jaunes" et l'articulation entre la GPEC et la possibilité reconnue aux entreprises de procéder à des licenciements préventifs (1) et admet le bien-fondé, dans cette affaire, de près de 400 suppressions d'emplois (2).

Résumé

L'évolution du marché des pneumatiques, la baisse des prix de ces produits et l'augmentation du coût des matières premières plaçaient l'entreprise dans l'impossibilité de réaliser les investissements qui étaient nécessaires pour remédier à la faible dimension des sites de production par rapport à ceux des concurrents et à la diversification excessive des fabrications, cette situation lui imposant de se réorganiser pour pouvoir affronter la concurrence.

La nouvelle organisation mise en place procédait d'une gestion prévisionnelle des emplois, destinée à prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi, et était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise et du secteur d'activité du groupe dont elle relevait.

Décision

Cass. soc., 21 novembre 2006, n° 05-40.656, M. Michel Baraud, FS-P+B (N° Lexbase : A5396DSN)

Rejet (CA Riom, 4ème chambre civile, 30 novembre 2004)

Textes concernés : C. trav., art. L. 121-7 (N° Lexbase : L5449ACS) ; C. trav., art. L. 122-14-4 (N° Lexbase : L8990G74) ; C. trav., art. L. 321-1 (N° Lexbase : L8921G7K).

Mots-clefs : licenciement pour motif économique ; sauvegarde de la compétitivité ; reclassement ; ordre des licenciements.

Lien base :

Faits

1. Envisageant la mise en place d'une nouvelle organisation de ses productions, qui affectait, notamment, son établissement de Montluçon, la société Dunlop France, dépendant du groupe Sumitomo industries Ltd, a mis en place, au cours de l'année 2000, un projet de licenciement économique qui impliquait la suppression de 391 emplois dans cet établissement. Elle a établi à cet effet un plan social, présenté aux représentants du personnel.

2. Des salariés ensuite licenciés pour motif économique ont saisi le juge prud'homal de demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, violation de l'ordre des licenciements et violation de la priorité de réembauchage.

3. La cour d'appel de Riom les a déboutés de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Solution

1. "La cour d'appel, appréciant souverainement l'ensemble des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a retenu que l'évolution du marché des pneumatiques, la baisse des prix de ces produits et l'augmentation du coût des matières premières, plaçaient l'entreprise dans l'impossibilité de réaliser les investissements qui étaient nécessaires pour remédier à la faible dimension des sites de production par rapport à ceux des concurrents et à la diversification excessive des fabrications, et que cette situation lui imposait de se réorganiser pour pouvoir affronter la concurrence ; qu'elle a ainsi fait ressortir que la nouvelle organisation mise en place qui procédait d'une gestion prévisionnelle des emplois destinée à prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise et du secteur d'activité du groupe dont elle relevait".

2. "La cour d'appel a constaté que la société Dunlop France avait recherché et proposé aux intéressés toutes les possibilités de reclassement qui existaient dans l'entreprise et dans le groupe ; que les 'offres valables d'emplois' (OVE) prévues dans le plan n'étant destinées qu'à assurer la reconversion professionnelle des salariés, hors de l'entreprise et hors du groupe, après leur licenciement, l'inobservation de ce dispositif par l'employeur n'était pas de nature à caractériser un manquement à son obligation de reclassement, préalable aux licenciements, de sorte qu'il n'y avait pas lieu, pour se prononcer sur la cause des licenciements, de vérifier si cet engagement avait été tenu".

3. "Si la méconnaissance par l'employeur de son obligation d'informer préalablement les salariés des techniques et méthodes d'évaluation qu'il met en oeuvre à leur égard peut justifier l'allocation de dommages-intérêts, elle n'est pas de nature à caractériser à sa charge une inobservation des critères d'ordre des licenciements, dès lors que l'appréciation des qualités professionnelles repose sur des éléments objectifs et vérifiables ; que la cour d'appel, qui a retenu que l'employeur avait défini et appliqué un ordre des licenciements prenant en compte l'ensemble des critères et reposant sur des bases objectives, dont elle a vérifié les conditions d'application, a légalement justifié sa décision".

4. Rejet

Commentaire

1. La confirmation des principes dégagés dans les arrêts "Pages Jaunes"

  • La réorganisation rendue nécessaire par la sauvegarde de la compétitivité

La définition souple du licenciement économique, retenue dans l'article L. 321-1 du Code du travail, permet de retenir comme motif économique d'autres causes que les difficultés économiques ou les mutations technologiques à l'origine de la suppression ou transformation d'emploi, ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail.

C'est ainsi qu'à partir de 1995, la Cour de cassation a admis que "lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité" (Cass. soc., 5 avril 1995, n° 93-42.690, Société Thomson Tubes et Displays c/ Mme Steenhoute et autres, publié N° Lexbase : A4018AA3 ; RJS 1995, n° 496 et p. 321 et s., concl. Y. Chauvy ; SSL n° 740 du 18 avril 1995, rapp. B. Boubli ; D. 1995, jurispr. p. 503, note M. Keller ; JCP éd. G, 1995, II, 22443, note G. Picca ; Dr. ouvrier 1995, p. 281, note A. Lyon-Caen ; Dr. soc. 1995, p. 489, chron. G. Lyon-Caen).

A partir de 2002, la Haute juridiction a affirmé l'autonomie de ce motif économique par rapport aux difficultés économiques ou aux mutations technologiques (Cass. soc., 24 septembre 2002, n° 00-44.007, FS-P sur le premier moyen N° Lexbase : A4873AZI ; Cass. soc., 12 juillet 2005, n° 02-47.629, F-D N° Lexbase : A9130DIY ; Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-41.076, Société Omnium de gestion et de financement (OGF) c/ M. Didier Bedin, F-D N° Lexbase : A7454DPR ; Cass. soc., 17 octobre 2006, n° 04-41.083, Mme Gloria Naulet, F-D N° Lexbase : A9592DRP), avant de la confirmer, et d'en tirer les conséquences logiques, dans les arrêts "Pages jaunes" du 11 janvier 2006, où la Cour a précisé que ce motif n'était logiquement pas subordonné à la preuve de difficultés économiques contemporaines de la réorganisation (Cass. soc., 11 janvier 2006, n° 04-46.201, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3500DML ; Cass. soc., 11 janvier 2006, n° 05-40.977, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3522DME ; lire nos obs., Un nouveau pas en avant pour le licenciement économique fondé sur la sauvegarde de la compétitivité des entreprises, Lexbase Hebdo n° 198 du 19 janvier 2006 - édition sociale N° Lexbase : N3341AKX).

  • Les incertitudes postérieures aux arrêts "Pages Jaunes"

Dans ces affaires, Pages Jaunes n'avait toutefois pas envisagé de suppressions d'emplois mais simplement la modification du contrat de travail de près d'un millier de salariés, de telle sorte que l'on pouvait se demander si cette circonstance n'était pas de nature à justifier la solution finalement retenue par la Cour dans cette affaire (en ce sens, notre commentaire préc.), même si, dans un certain nombre d'hypothèses, le refus de ces modifications avait conduit l'entreprise à licencier, pour motif économique, les salariés réfractaires.

Dans des décisions ultérieures, la Cour de cassation, suivie d'ailleurs en cela par de nombreuses juridictions du fond tant dans d'autres volets du contentieux "Pages Jaunes" (refusant ainsi la justification avancée : CA Lyon, 5ème ch., 11 janvier 2006, n° 04/00816, M. David Brunet c/ Brunet N° Lexbase : A8963DRE, mais l'admettant CA Versailles, 17ème ch., 27 octobre 2005, M. J.-M. Caillens c/ SA Pages Jaunes, RG n° 04/00310) que dans d'autres contentieux (CA Chambéry, 21 mars 2006, n° 05/01362, Madame Michelle Aubry et autres c/ SA Fromageries Piconca N° Lexbase : A3286DPE), avait d'ailleurs bien montré son désir de ne pas admettre trop largement des mesures affectant l'emploi et justifiées par la nécessité de prévenir les difficultés économiques.

Dans un arrêt en date du 31 mai 2006, la Cour avait, en effet, considéré que des motifs d'ordre général étaient impropres à caractériser l'existence d'une menace pesant sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe dont relevait l'entreprise (Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-47.376, F-P N° Lexbase : A7525DPE), puis avait rappelé que la seule volonté d'améliorer "des marges qui étaient positives, ne justifiaient pas d'une telle nécessité" (Cass. soc., 13 septembre 2006, n° 05-41.665, F-D N° Lexbase : A0358DRP ; également, Cass. soc., 12 juillet 2006, n° 04-47.724, F-P N° Lexbase : A4461DQB).

La Cour avait, également, considéré qu'une "réorganisation de l'entreprise liée aux prescriptions d'une autorité de tutelle ne constitue pas une cause économique de licenciement en l'absence de difficultés économiques ou de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise" (Cass. soc., 17 octobre 2006, n° 04-43.201, F-D N° Lexbase : A9597DRU).

Le Conseil d'Etat, qui avait à son tour, quoique tardivement, admis le motif tiré de la volonté de sauvegarder la compétitivité, avait considéré, dans la même affaire, qu'un simple "tassement de l'activité d'une des branches d'une société" ne peut justifier le licenciement pour motif économique (CE 4° et 5° s-s-r., 8 mars 2006, n° 270857, Mme Moranzoni N° Lexbase : A4876DNW ; Dr. soc. 2006, p. 857, concl. R. Keller).

2. La confirmation des arrêts "Pages Jaunes" en présence de licenciements préventifs

  • La légitimité des licenciements préventifs

On attendait donc que la Cour de cassation confirme véritablement cette jurisprudence "Pages Jaunes" et en fasse application dans une affaire où des licenciements étaient envisagés, dès le départ, par l'entreprise.

Dans cette affaire qui concernait la société Dunlop, 391 emplois devaient être supprimés dans le cadre d'un plan de réorganisation de l'activité pour faire face aux défis de la concurrence à l'échelle planétaire.

La cour d'appel avait considéré ces licenciements comme justifiés, ce que contestaient les salariés, notamment au regard de l'absence de difficultés économiques contemporaines de la décision et de nature à justifier les licenciements envisagés.

Or, la Cour de cassation donne, ici, raison aux juges du fond et relève, avec ces derniers, les arguments économiques qui justifiaient ces licenciements. Pour la Cour, en effet, "appréciant souverainement l'ensemble des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, [la cour d'appel] a retenu que l'évolution du marché des pneumatiques, la baisse des prix de ces produits et l'augmentation du coût des matières premières, plaçaient l'entreprise dans l'impossibilité de réaliser les investissements qui étaient nécessaires pour remédier à la faible dimension des sites de production par rapport à ceux des concurrents et à la diversification excessive des fabrications, et que cette situation lui imposait de se réorganiser pour pouvoir affronter la concurrence". Or, "la nouvelle organisation mise en place qui procédait d'une gestion prévisionnelle des emplois destinée à prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise et du secteur d'activité du groupe dont elle relevait".

En d'autres termes, le nombre des suppressions d'emplois et des licenciements consécutifs était limité compte tenu des enjeux. Bref, mieux valait licencier un peu tout de suite que beaucoup plus tard.

  • L'articulation de la GPEC et du droit du licenciement économique

La solution est particulièrement intéressante dans la mesure où la Cour de cassation vise expressément, ici, la gestion prévisionnelle des emplois de l'entreprise.

Or, la lecture du rapport 2005 avait bien montré que la Cour était particulièrement sensible à l'articulation entre GPEC et licenciement économique. Pour reprendre les termes mêmes de l'auteur du rapport 2005, concernant les arrêts "Pages Jaunes", "on peut d'ailleurs se demander si dans les entreprises où l'article L. 320-2 du Code du travail s'applique, la nouvelle obligation de négocier sur la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences et les mesures d'accompagnement susceptibles d'y être associées ainsi que sur les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise sur la stratégie de l'entreprise et ses effets prévisibles sur l'emploi et les salaires, ne devrait pas conduire à une approche plus rigoureuse des mesures de licenciement économique qui interviendraient par la suite, notamment lorsque la gestion prévisionnelle aura été défaillante" (voir notre commentaire, La jurisprudence de la Cour de cassation rendue en 2005 à la lumière du rapport de la Cour de cassation : social général (1ère partie) N° Lexbase : N9294AKG ; La jurisprudence de la Cour de cassation rendue en 2005 à la lumière du rapport de la Cour de cassation : social général (2ème partie) N° Lexbase : N9327AKN, Lexbase Hebdo n° 218 du 8 juin 2006 - édition sociale).

Bien avant la loi du 18 janvier 2005 et l'introduction dans le Code du travail de l'articulation entre GPEC et licenciement pour motif économique (C. trav., art. L. 320-2 N° Lexbase : L8919G7H et C. trav., art. L. 320-3 N° Lexbase : L8920G7I), la Cour de cassation avait, d'ailleurs, manifesté son intérêt pour la prévention des licenciements économiques.

En 1999, déjà, elle avait exonéré l'entreprise qui procède à des mesures de "gestion prévisionnelle du personnel" de la mise en place d'un plan social tant que des licenciements n'avaient pas été envisagés, dérogeant ainsi à sa jurisprudence "Framatome" et "Majorette" (Cass. soc., 12 janvier 1999, n° 97-12.962, Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT et autres c/ Compagnie IBM France, publié N° Lexbase : A4682AGI ; Dr. soc. 1999, p. 297, obs. F. Favennec-Héry ; Cass. soc., 23 octobre 2002, n° 00-41.996, F-D N° Lexbase : A3390A3X solution a contrario visant, cette fois-ci, la notion de "gestion prévisionnelle des emplois" ; Cass. soc., 12 juillet 2004, n° 02-19.175, F-D N° Lexbase : A1037DDR ; Cass. soc., 4 avril 2006, n° 04-48.055, F-D N° Lexbase : A9739DNZ).

Dans toutes ces hypothèses, ces mesures de GPE ne s'étaient, toutefois, pas traduites par des licenciements, ce qui avait également été le cas dans les affaires "Pages Jaunes".

Le pas est, cette fois-ci, franchi puisque l'entreprise avait tout de même supprimé près de 400 emplois, mais pour en sauver un plus grand nombre à l'échelle européenne et mondiale.

Cette solution appelle logiquement de notre part la même approbation que précédemment (notre chron. préc. sous les arrêts "Pages jaunes"), dès lors que la Cour de cassation demeurera vigilante pour que tout, et n'importe quoi, ne soit pas admis, au titre de la sauvegarde de la compétitivité.

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Procédures fiscales

[Jurisprudence] Extension prétorienne du champ d'application de la vérification de comptabilité aux droits d'enregistrement et taxes assimilées

Réf. : Cass. com., 31 octobre 2006, n° 04-11.180 (N° Lexbase : A1921DSX) et n° 04-10.353 [N° Lexbase : A1919DSU), Directeur général des impôts, ministère de l'économie des finances et de l'industrie, FSP+B+I+R

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N2917A9W

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Le 07 Octobre 2010


La procédure fiscale française se distingue par l'abondance des textes adoptés par les autorités : à ce titre, elle fait l'objet d'un contentieux nourri entre l'administration fiscale et les contribuables. Mais au-delà de la technicité de ce contentieux, la procédure fiscale n'a pas échappé au dogme du "politiquement correct" qui a envahi toutes les sphères de la vie sociale française : ainsi, depuis 2004, la terminologie a sensiblement évolué puisque la "proposition de rectification", traduisant la volonté de dialogue, remplace la "notification de redressement" jugée trop directive (ordonnance n° 2004-281 du 25 mars 2004, N° Lexbase : L9556DQY) et le "manquement délibéré" est censé assainir les relations entre l'administration et les contribuables qui, visiblement, n'assumaient plus leur "mauvaise foi", fût-elle mise en évidence par une administration d'Etat ! (ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005, relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et à l'aménagement du régime des pénalités N° Lexbase : L4620HDH).

Ces divers changements terminologiques, qui n'emportent aucune conséquence procédurale, ne sauraient faire oublier à nos concitoyens que le corollaire du système déclaratif, véritable pierre angulaire du droit fiscal français moderne, est le pouvoir de vérification, issu de l'article L. 10 du LPF (N° Lexbase : L3904AL8), confié aux bons soins de l'administration fiscale.

Pour ce faire, cette dernière peut, aux termes de l'article L. 13 du LPF (N° Lexbase : L3925ALX), vérifier la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables.

Par deux arrêts en date du 31 octobre 2006 promis à la plus large diffusion, la Cour de cassation vient d'étendre le régime de la vérification de comptabilité aux droits d'enregistrement et aux taxes assimilées.

Ces deux décisions constituent un véritable revirement par rapport à la jurisprudence traditionnellement adoptée à cet égard (1) dont on précisera la portée (2).

1. La jurisprudence traditionnelle quant au champ d'application de la vérification de comptabilité

Aux termes de l'article L. 13 du LPF, la vérification de comptabilité ne peut être menée qu'à l'encontre des contribuables tenus d'établir une comptabilité : le législateur n'a pas précisé les impôts concernés, mais seuls devraient être touchés les contribuables soumis aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux, aux bénéfices agricoles réels, à l'impôt sur les sociétés et aux taxes sur le chiffre d'affaires.

Ainsi, la Cour de cassation a jugé qu'une société civile immobilière, dont l'objet est la location de locaux nus, n'est pas astreinte à tenir une comptabilité. Ce faisant, la procédure d'imposition opérée à partir d'une vérification de comptabilité doit être annulée (Cass. com., 23 octobre 1990, n° 89-14.878, SCI Courcelles-Monceau N° Lexbase : A2862CZZ).

Cependant, le droit civil (C. civil art. 1856 N° Lexbase : L2053ABN) astreint le gérant d'une société civile immobilière à présenter les comptes de la SCI annuellement, mais cette reddition de comptes n'est pas assimilable à une comptabilité au sens du droit commercial (1) (C. de commerce, art. L. 123-12, N° Lexbase : L5570AI7) et le manquement du gérant à ses obligations découlant de la loi entraîne sa responsabilité civile (2) (QE n° 42005 de M. Delalande Jean-Pierre, JOANQ 22 avril 1991 p. 1577, min. Just., réponse publ. 30 novembre 1992 p. 5456, 9ème législature N° Lexbase : L4166GUT).

Les magistrats de l'ordre judiciaire refusent tout contrôle direct des droits d'enregistrement au moyen d'une vérification de comptabilité (CA Paris, 1ère, B, 17 mars 2006, n° 04/07415, Société Continent IARD- SA N° Lexbase : A0490DQ9). Mais, la mention des droits d'enregistrement portée sur l'avis de vérification ne signifie pas, à elle seule, que la vérification de comptabilité a effectivement porté sur cette catégorie d'impôts (Cass. com., 19 octobre 1999, n° 97-16786, M. Darras N° Lexbase : A1821CIB).

En revanche, l'administration fiscale peut, à partir des éléments collectés lors d'une vérification de comptabilité portant sur un impôt déclaratif, émettre ultérieurement une proposition de rectification visant les droits d'enregistrement (Cass. com., 3 mars 2004, n° 01-11.732, F-D N° Lexbase : A4811DBS). Il en est de même d'éléments portés à la connaissance de l'administration fiscale lors d'un examen de la situation fiscale personnelle du contribuable (ESFP). En d'autres termes, la vérification de comptabilité et l'ESFP sont potentiellement une source indirecte de redressement en matière de droits d'enregistrement.

Ainsi, afin d'établir l'insuffisance d'évaluation de biens, l'administration fiscale pourra notifier un redressement "en matière de droits d'enregistrement en se fondant sur des renseignements, extérieurs à l'acte soumis à la formalité, recueillis lors d'une telle vérification effectuée régulièrement au titre d'une période au cours de laquelle les droits rappelés étaient estimés dus" (Cass. com., 11 octobre 1988, n° 87-12.608, Mme Colloud, N° Lexbase : A2811AHL).

La Haute juridiction précisera, également, que l'administration fiscale peut notifier un redressement portant sur des droits d'enregistrement même si leur fait générateur est antérieur à la période sur laquelle porte la vérification de comptabilité (Cass. com., 18 novembre 1997, n° 95-17.599, M Chouraqui N° Lexbase : A1953ACC) pourvu que les droits ne soient pas prescrits (Cass. com., 7 janvier 2004, n° 02-12.263, F-D, N° Lexbase : A6945DAH).

La question de la preuve étrangère ou non aux années vérifiées a fait l'objet d'une jurisprudence sinueuse. En 1994 (Cass. com., 1er février 1994, n° 92-10.160, Société Ségur N° Lexbase : A6713ABA), la Cour de cassation estimait que la procédure de redressement était viciée du fait que le document, sur lequel l'administration fondait ses prétentions, appartenait à une période différente, en l'espèce postérieure, à la période mentionnée dans l'avis de vérification et faisant l'objet des investigations de l'administration. Puis, l'arrêt du 18 novembre 1997 est remarquable en ce sens qu'il constitue un revirement de jurisprudence : la Cour de cassation valide le redressement fondé sur des éléments de preuve étrangers à la période vérifiée.

Enfin, dans le dernier état de la jurisprudence, la Cour de cassation admet que l'administration ne puisse s'appuyer sur des documents étrangers à la période vérifiée : "Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Fil control qui soutenait que l'administration s'était fondée sur des documents étrangers à la période vérifiée, la cour d'appel a violé le texte susvisé" (Cass. com., 3 mars 2004, n° 01-11.732, F-D, N° Lexbase : A4811DBS).

2. Extension prétorienne du champ d'application de la vérification de comptabilité aux droits d'enregistrement : revirement de jurisprudence

Les deux arrêts feront l'objet d'un rappel des faits et de la procédure (2.1.) avant d'évoquer la portée du revirement (2.2.).

2.1. Faits et procédure

Les deux décisions rendues par la Cour de cassation ont trait l'une aux droits d'enregistrement, l'autre à la taxe sur les assurances.

Concernant l'arrêt n° 04-10.353

La contribuable, qui exerçait la profession de marchands de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a mis en lumière l'absence de tenue régulière de son répertoire professionnel afin de bénéficier du régime de faveur quant aux droits d'enregistrement dont le taux réduit est fixé, depuis le 1er janvier 2006, à 0,715 % au lieu de 5 % (3) pour le régime de droit commun.

Les dispositions du Code général des impôts (CGI art. 852 2° N° Lexbase : L8697HLP) imposent alors, notamment, la tenue d'un tel répertoire "à colonnes non sujet au timbre, présentant, jour par jour, sans blanc ni interligne et par ordre de numéros, tous les mandats, promesses de vente, actes translatifs de propriété et, d'une manière générale, tous actes se rattachant à la profession de marchand de biens".

En l'absence d'un tel répertoire professionnel, le redressement est assuré et il est assorti des pénalités prévues par l'article 1831 du CGI (N° Lexbase : L4642HMU) (4) (Cass. com., 24 mai 1994, n° 92-15.981, M Coleno, N° Lexbase : A7055ABW). La jurisprudence est foisonnante et constante à cet égard : Cass. com., 7 octobre 1997, n° 95-19.861, M. Broisin, N° Lexbase : A2003AC8 ; Cass. com., 13 janvier 1998, n° 95-21.478, Mme Eva Gaon, épouse divorcée Van Steenlandt N° Lexbase : A3422CSK).

Elle retient, par exemple, que le répertoire ne peut se substituer aux informations issues de la comptabilité, quand bien même elles seraient équivalentes (Cass. com., 9 avril 1996, n° 93-21.503, Société'SNC Country Club de Chaumont-en-Vexin et compagnie', société en nom collectif N° Lexbase : A2301CQB). La Haute juridiction considère que la présentation tardive de ce répertoire rend suspect son authenticité dont l'existence doit être, par essence, antérieure aux opérations de vérification de comptabilité ! (Cass. com., 20 décembre 1988, n° 87-14.603, Mme Duprix N° Lexbase : A8415CXX).

En effet, la Cour de cassation a validé des redressements notifiés sur la base d'une présentation du répertoire après la clôture des opérations de contrôle (Cass. com., 1er décembre 1998, n° 96-21781, Société Bizeul promotion N° Lexbase : A7008CEB).

Cette solution, pour rigoureuse qu'elle soit, correspond à la logique du législateur : il infère du texte de loi que le répertoire est mis à jour quotidiennement. Par conséquent, on ne saurait tolérer le retard dans la production de ce document qui conditionne, notamment, le régime des droits d'enregistrement au taux réduit : sa reconstitution après coup, sur "invitation" implicite de l'administration fiscale du fait de sa présence dans l'entreprise pendant les opérations de contrôle externe, est incompatible avec la volonté du législateur.

On touche ici aux limites d'une obligation fiscale dont chacun comprendra les conséquences rigoureuses que devra subir le contribuable : le régime de faveur n'étant pas subordonné à la présentation a priori du répertoire aux services de l'enregistrement, il appartient aux marchands de biens de suivre scrupuleusement toutes les dispositions du Code général des impôts sous peine de voir leur régime dérogatoire remis en cause.

Concernant l'arrêt n° 04-11.180

Le second arrêt a trait à la vérification de comptabilité d'une compagnie d'assurances dont l'avis de vérification visait "l'ensemble des déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées sur la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1995 et pour les impôts ci-après désignés sur la période suivante : droits d'enregistrement et assimilés : années 1990 à 1995 dans la limite des prescriptions des articles L. 180 à L. 186 du livre des procédures fiscales".

Le contribuable s'est alors vu notifier un redressement portant sur la taxe sur les conventions d'assurances "pour la garantie couvrant les dommages corporels subis par les personnes transportées à titre gratuit".

La cour d'appel jugera la procédure suivie par l'administration comme irrégulière : alors qu'un redressement peut être notifié, en matière de droits d'enregistrement, sur la base de renseignements extérieurs à l'acte soumis à la formalité, ce qui est conforme à l'état actuel de la jurisprudence, l'administration fiscale ne peut, en revanche, motiver le redressement "directement par un contrôle exercé sur des droits d'enregistrement ou taxes assimilées".

La cour d'appel soulignera que l'inscription spéciale en comptabilité de la taxe sur les conventions d'assurance n'entraîne aucune conséquence sur le régime procédural de l'impôt qui ne peut dépendre de la nomenclature du plan comptable.

2.2. Portée du revirement de jurisprudence

Aux visas des articles L. 10, L. 13, R. 13-1 (N° Lexbase : L7836AEX), et L. 45 (N° Lexbase : L5356G7I) du LPF, la Cour de cassation étend la procédure de vérification de comptabilité aux droits d'enregistrement et taxes assimilées : d'une part, concernant la taxe sur les conventions d'assurance, elle souligne qu'elle est déterminée à partir de la comptabilité de l'assureur de sorte que l'administration fiscale pouvait user de la vérification de comptabilité afin d'en assurer le contrôle ; d'autre part, concernant les droits de mutation dus par les marchands de biens à raison des immeubles acquis, la Cour de cassation, dans un attendu de principe, juge que "lorsque le contribuable est astreint à tenir et à présenter des documents comptables à raison de son activité professionnelle, l'administration fiscale peut, dans le cadre de la vérification de cette comptabilité, contrôler les droits d'enregistrement et taxes assimilées dus à l'occasion de l'exercice de cette activité, qui apparaissent ou devraient apparaître en comptabilité".

Il reste, désormais, à la jurisprudence future de confirmer si cette extension prétorienne du champ d'application de la vérification de comptabilité aux droits d'enregistrement et taxes assimilées s'accompagnera bien des garanties qui l'entourent...

Frédéric Dal Vecchio
Juriste-fiscaliste
Doctorant en Droit
Chargé d'enseignement à la Faculté de Droit de Versailles Saint-Quentin en Yvelines


(1) Signalons toutefois l'existence d'une réglementation particulière applicable aux sociétés civiles professionnelles et aux sociétés civiles de placement immobilier.
(2)"Le prononcé de la nullité attachée à l'obligation faite au gérant de rendre compte de sa gestion par écrit est subordonné à l'existence d'un préjudice causé par cette irrégularité" : Cass. com., 19 avril 2005, n° 02-13.599, M. Jean Lecca c/ Société Cabinet Plasseraud, FS-P+B+R (N° Lexbase : A9509DHN)
(3) Antérieurement au 1er janvier 2006, les taux étaient respectivement de 0,615 %, compte tenu des frais d'assiette et de recouvrement, pour le régime de faveur et de 4,80 % pour le régime de droit commun.
(4) Ce texte a été abrogé par l'ordonnance n° 2004-281 du 25 mars 2004, art. 9, précité.

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Sécurité sociale

[Jurisprudence] Précisions sur les limites de l'immunité de l'employeur dans le cadre de l'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles

Réf. : Cass. soc., 15 novembre 2006, n° 05-41.489, Société UFP international, FS-P+B (N° Lexbase : A3457DST)

Lecture: 8 min

N2610A9K

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Le 07 Octobre 2010

Les règles spécifiques qui régissent l'indemnisation des accidents du travail et maladies professionnelles limitent cette dernière. Cette limitation découle de deux principes : le principe de la réparation forfaitaire et le principe de l'immunité de l'employeur. Le second de ces principes s'exprime dans l'impossibilité pour le salarié d'exercer une action contre son employeur sur le fondement du droit de la responsabilité civile pour obtenir une indemnisation complémentaire à celle que lui offre la législation professionnelle. Cependant, le principe d'immunité de l'employeur n'exclut pas toute action sur le fondement de la responsabilité civile : un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation, en date du 15 novembre 2006, est l'occasion de le préciser.

Résumé

La législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles ne fait pas obstacle à l'attribution de dommages-intérêts au salarié en réparation du préjudice que lui a causé le harcèlement moral dont il a été victime antérieurement à la prise en charge de son affection par la Sécurité sociale.

Décision

Cass. soc., 15 novembre 2006, n° 05-41.489, Société UFP international, FS-P+B (N° Lexbase : A3457DST)

Rejet (CA Paris, 18ème ch., sect. C, 20 janvier 2005, n° 04/30920, M. Pascal Goffin c/ SA UFP International N° Lexbase : A0606DHW)

Texte concerné : CSS, art. L. 451-1 (N° Lexbase : L4467ADS).

Mots-clefs : arrêt de travail ; inaptitude ; délégué syndical ; maladie professionnelle ; harcèlement moral ; dommages et intérêts ; immunité de l'employeur (limites).

Lien bases :

Faits

Directeur commercial au sein de la société UFP international, M. Pascal Goffin a été en arrêt de travail du 15 avril au 30 juin 2002, puis déclaré inapte à son poste et à tout autre poste dans l'entreprise le 1er juillet 2002. Enfin, le salarié a été licencié le 26 août 2002, après autorisation de l'inspecteur du travail, compte tenu de sa qualité de délégué syndical. Le 20 mars 2003, la caisse primaire d'assurance maladie a pris en charge au titre de la législation professionnelle son affection déclarée le 24 mai 2002. Le salarié a, alors, saisi la juridiction prud'homale pour obtenir des dommages et intérêts pour les faits commis par son employeur antérieurement à la déclaration de sa maladie. Dans un arrêt en date du 20 janvier 2005, la cour d'appel de Paris a condamné l'employeur au paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral. Cet arrêt a fait l'objet d'un pourvoi en cassation de l'employeur sur lequel la Chambre sociale se prononce dans l'arrêt commenté du 15 novembre 2006.

Solution

1. Rejet.

2."[...] la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles ne fait pas obstacle à l'attribution de dommages et intérêts au salarié en réparation du préjudice que lui a causé le harcèlement moral dont il a été victime antérieurement à la prise en charge de son affection par la Sécurité sociale [...]".

Commentaire

Dans la droite ligne du compromis historique issu de la loi du 9 avril 1898, l'indemnisation des accidents du travail et maladies professionnelles revêt des caractères spécifiques eu égard aux principes classiques du droit de la responsabilité civile. Ainsi, on le sait, l'indemnisation est tout d'abord forfaitaire, caractère qui se démarque du principe de réparation intégrale des préjudices qui prévaut en droit de la responsabilité civile. L'indemnisation est, également, spécifique du fait de son caractère automatique. Plus exactement, la victime n'a pas à établir de faute, seule lui incombe la preuve de l'existence d'un risque professionnel. Ce second caractère est assorti d'une règle corollaire : celle de l'immunité de l'employeur. L'affaire, objet de l'arrêt rendu le 15 novembre 2006 par la Chambre sociale de la Cour de cassation, intéresse le second caractère de l'indemnisation des risques professionnels et son principe corollaire d'immunité de l'employeur.

Dans sa décision, la Chambre sociale précise qu'un salarié peut exercer une action sur le fondement du droit commun en réparation d'un préjudice subi antérieurement à la prise en charge de son affection au titre de la législation professionnelle. La décision paraît logique, mais mérite quelques observations eu égard aux principes habituellement retenus en matière d'indemnisation des risques professionnels (1). En particulier, il faut remarquer que le préjudice, dont la réparation en marge de l'indemnisation professionnelle est considérée comme légitime par la Cour de cassation, est celui qui a été causé au salarié par le harcèlement moral dont il a été victime antérieurement à la prise en charge de son affection par la Sécurité sociale (2).

Après quelques rappels sur le principe d'immunité de l'employeur et les nombreuses critiques qu'il a pu susciter, quelques observations relatives au cas d'espèce méritent d'être faites, car il pourrait annoncer d'autres évolutions.

1. Le principe de l'immunité de l'employeur

L'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles repose sur plusieurs piliers adoptés dès la loi du 9 avril 1898 et jamais remis en cause depuis : les caractères automatique et forfaitaire de cette indemnisation, ainsi que le principe d'immunité de l'employeur. Porteuse d'un véritable compromis entre les intérêts des employeurs et ceux des salariés, la loi de 1898 prévoit que l'indemnisation doit intervenir sans que le salarié ait à prouver une faute de son employeur, en échange de quoi l'indemnisation est forfaitaire et ne saurait être complétée par le biais d'une action contre l'employeur sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun. Le caractère forfaitaire de l'indemnisation s'articule ainsi avec l'impossibilité pour le salarié d'agir contre son employeur pour obtenir un éventuel complément d'indemnisation. En vertu de l'article L. 451-1 du Code de la Sécurité sociale, le droit de la Sécurité sociale se substitue, en principe, intégralement au droit de la responsabilité civile et en écarte l'application (1).

Cependant, le Code de la Sécurité sociale prévoit que l'immunité de l'employeur peut parfois être levée, notamment quand ce dernier a été l'auteur d'une faute d'une gravité particulière. Contrairement à une fausse idée assez répandue, la faute inexcusable de l'employeur ne permet pas la levée de son immunité : elle permet à la victime d'obtenir, tout en restant sur le terrain du droit de la Sécurité sociale, une majoration de son indemnisation (CSS, art. L. 452-1 N° Lexbase : L5300ADN). Seule la faute intentionnelle de l'employeur, d'une gravité plus importante, permet à la victime d'obtenir une réparation intégrale de son préjudice en lui rouvrant la possibilité d'une action contre l'employeur sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile délictuelle (CSS, art. L. 452-5 N° Lexbase : L5304ADS).

L'exclusion de l'action en réparation sur le terrain de la responsabilité civile de droit commun est également écartée quand le dommage a été causé au salarié par un tiers (2) ou, encore, quand il résulte d'un accident de trajet. Enfin, fort logiquement et sans surprise, le principe d'immunité ne peut être opposé qu'aux personnes bénéficiant d'une indemnisation au titre de la législation professionnelle. Dans une décision désormais célèbre, et dont la solution reste valable, la Cour de cassation a, en effet, eu l'occasion de préciser que toute autre personne conserve ses droits sur le terrain de la responsabilité civile (Ass. plén., 2 février 1990, n° 89-10.682, Mme Rodriguez, publié N° Lexbase : A4207AA3).

Mais, comme le principe de réparation forfaitaire, le principe d'immunité de l'employeur fait l'objet de très nombreuses critiques. En premier lieu, ce principe apparaît contraire à l'égalité entre les victimes : selon qu'elles "bénéficient" ou non d'une indemnisation au titre de la législation professionnelle, leur indemnisation peut être différente. Les principes du droit de la responsabilité civile ayant eux-mêmes beaucoup évolué, il n'est pas rare que le "bénéficiaire" de la législation professionnelle soit moins bien indemnisé que la victime agissant sur le fondement du droit commun. En second lieu, l'immunité de l'employeur est critiquable en tant que corollaire du principe de réparation forfaitaire, c'est-à-dire en ce qu'elle prive les victimes d'une possibilité de réparation intégrale qui prévaut en droit commun. D'aucuns ont pu dénoncer le fait que le régime d'indemnisation des risques professionnels était souvent devenu un carcan empêchant des actions plus porteuses sur le terrain de la responsabilité civile. Or, un tel raisonnement a de fortes chances d'être entendu dans l'avenir. De nombreuses décisions portent remise en cause du fondement même de l'immunité de l'employeur. On peut, ici, évoquer, par exemple, une décision du Conseil constitutionnel en date du 19 décembre 2000, rendue à propos de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2001 (Cons. const., décision n° 2000-437 DC, du 19 décembre 2000, Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2001 N° Lexbase : A1162AIU). Le Conseil constitutionnel valide, certes, l'article 53 de la loi instituant le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, mais non sans avoir pris la précaution de préciser que tout recours devant les juridictions de droit commun n'était pas exclu (4). Plus généralement, on a déjà eu l'occasion de souligner que, faute d'une intervention législative abandonnant le principe de la réparation forfaitaire, la jurisprudence force, assez régulièrement, son raisonnement pour aboutir à des solutions similaires (v., notamment, l'élargissement manifeste de la définition de la faute inexcusable dans le souci de permettre l'octroi de majorations). Il n'est pas impossible que l'arrêt commenté constitue un nouvel appel du pied en direction du législateur !

2. Le harcèlement moral, hypothèse de dérogation à l'immunité de l'employeur ?

Prenant, sans doute, conscience qu'elle va parfois un peu loin pour développer les cas de réparation intégrale, notamment en multipliant les hypothèses de levée de l'immunité de l'employeur, la Cour de cassation n'est pas sans manifester, elle-même, quelques hésitations.

Il y a quelques années, dès lors que le préjudice résultait d'un fait ayant le caractère d'une infraction pénale, la Cour de cassation a pu étendre l'applicabilité de l'article 706-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5612DYI) aux victimes d'accidents du travail, ouvrant ainsi la voie à une réparation intégrale (v., notamment, Cass. civ. 2, 18 juin 1997, n° 95-11.223, Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions c/ M. Sorribes et autres, publié N° Lexbase : A0301AC7). Mais, la Cour de cassation a, par la suite, abandonné cette position audacieuse. Dans plusieurs décisions postérieures, la deuxième chambre civile exclut, pour les victimes d'accidents du travail, la mise en oeuvre d'autres mécanismes d'indemnisation des victimes d'infraction (v., notamment, Cass. civ. 2, 7 mai 2003, n° 01-00.815, Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGVAT) c/ M. Nicolas Brevot, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A8229BSL ; Cass. civ. 2, 23 octobre 2003, n° 02-16.580, M. Saïd Fadili c/ Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, FS-P+B N° Lexbase : A9452C9X).

Il n'est pas impossible que, dans l'arrêt commenté, la Cour de cassation retrouve le chemin qu'elle tentait déjà d'emprunter en 1997. En effet, alors que l'employeur auteur du pourvoi insiste sur le fait que les juges d'appel n'ont pas recherché si la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ne constituait pas une action en réparation de la maladie professionnelle du salarié, la Chambre sociale affirme, dans sa décision, la possibilité pour un salarié dont l'affection a été prise en charge au titre de la législation professionnelle, d'intenter une action sur le fondement du droit commun pour obtenir réparation du préjudice résultant du harcèlement moral dont il a été victime antérieurement. Le caractère d'infraction pénale du harcèlement moral n'est, certes, pas expressément mentionné, mais il ne saurait être trop rapidement oublié dans l'analyse de la décision...

Cependant, la portée de la décision peut être fortement relativisée : dans la rédaction de sa décision, la Chambre sociale insiste tout particulièrement sur la chronologie des événements de l'espèce. Du rappel des faits et de la procédure tel que la Cour de cassation le rédige, dates à l'appui, il ressort que le harcèlement moral était manifestement antérieur à la prise en charge au titre de la législation professionnelle. La Cour de cassation insiste également, dans son troisième attendu, en faisant référence au harcèlement moral dont le salarié a été victime "antérieurement à la prise en charge de son affection par la Sécurité sociale".

La Chambre sociale a-t-elle voulu faire sienne la jurisprudence de la deuxième chambre civile antérieure à 2003 ou ne rend-elle qu'une décision entièrement fondée sur des considérations chronologiques ? Le doute est au moins permis quant à la réponse à apporter à cette question. Au surplus, la nature même du harcèlement moral, enchaînement de faits sur une assez longue période, n'est pas sans brouiller quelque peu les pistes.

Affaire à suivre !

Olivier Pujolar
Maître de conférences à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV


(1) En ce sens, v., notamment, J.-J. Dupeyroux, M. Borgetto, R. Lafore et R. Ruellan, Droit de la Sécurité sociale, 15ème éd., Dalloz 2005, spéc. p. 623.
(2) Les principes d'immunité de l'employeur et de réparation forfaitaire sont, notamment, destinés à simplifier et pacifier les rapports internes à la collectivité de travail. Ils n'ont donc pas vocation à s'exporter en dehors de l'entreprise. La victime peut donc agir contre les tiers à l'entreprise. A ce propos, v., notamment, M. Badel, Droit de la Sécurité sociale, Ed. Ellipses, 2006, spéc. p. 86.
(3) Plus précisément, le Conseil constitutionnel retient que : "le législateur a entendu garantir aux victimes" la réparation intégrale de leurs préjudices "tout en instituant une procédure d'indemnisation simple et rapide ; que la personne qui a choisi de présenter une demande d'indemnisation devant le fonds a la possibilité d'introduire un recours devant la cour d'appel si sa demande a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans un délai de six mois ou encore si elle a rejeté l'offre qui lui a été faite ; qu'en toute hypothèse, la décision de la cour d'appel pourra faire l'objet d'un pourvoi en cassation ; que les dispositions du dernier alinéa du IV de l'article 53, relatives au désistement et à l'irrecevabilité des actions en réparation, s'entendent compte tenu de celles de son deuxième alinéa ; que les actions juridictionnelles de droit commun demeurent ouvertes, aux fins de réparation, aux personnes qui ne saisissent pas le fonds ; qu'enfin, la victime conserve la possibilité de saisir la juridiction pénale ; qu'ainsi, les dispositions contestées, qui trouvent leur justification dans la volonté de simplifier les procédures contentieuses, d'éviter qu'un même élément de préjudice ne soit deux fois indemnisé et d'énoncer clairement les droits des victimes, ne méconnaissent pas le droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen".

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Sociétés

[Questions à...] Optimiser la rémunération des dirigeants : Questions à Gérard Picovschi, avocat au Barreau de Paris

Lecture: 4 min

N2793A9C

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Le 07 Octobre 2010

L'optimisation de la rémunération du dirigeant de société est un sujet indémodable. En effet, les dirigeants d'entreprises, face à l'augmentation constante des prélèvements obligatoires, cherchent par tout moyen à améliorer leur situation personnelle. Lexbase Hebdo a rencontré Maître Gérard Picovshi, avocat au Barreau de Paris (1) pour faire le point sur cette question. Lexbase : L'optimisation de la rémunération du dirigeant d'entreprise peut-elle passer par l'allègement des charges sociales ?

Maître Gérard Picovschi : La bonne connaissance de l'environnement social et juridique de l'entreprise peut permettre, dans certains cas, d'abaisser, d'environ 60 % à 25 %, le taux des charges sociales appliquées à la rémunération du dirigeant lorsqu'il est salarié. Cela peut également avantager sa force de vente et/ou certaines catégories de salariés à "privilégier".

Il est, en effet, possible de modifier et d'adapter le statut du dirigeant à l'égard des organismes sociaux pour réduire de façon très importante les cotisations obligatoires, qu'elles concernent aussi bien les régimes de prévoyance, de maladie, que de retraite.

En effet, le Code de la Sécurité sociale détermine, par le biais de critères d'assujettissement clairement définis, l'appartenance à tel ou tel statut social, lui-même définissant le taux de charges sociales applicable ainsi que les organismes obligatoires d'affiliation. Le taux de charges sociales pourra ainsi varier, en fonction du statut (salarié ou non salarié), de 60 % à 20-25 %. Les critères d'assujettissement se basent sur le statut du dirigeant et sur la forme de la société (SA, SAS ou SARL).

L'optimisation du statut social peut donc permettre d'agir de façon notable sur la "pression sociale". Il est alors essentiel de définir le meilleur rapport cotisations-prestations qui prenne en compte l'âge de l'assuré social ainsi que sa situation de famille.

Dans la plupart des cas, cette étude d'optimisation conduira à retenir le statut non salarié (qui ne signifie pas "non assujetti" à la Sécurité sociale puisqu'il en constitue l'un des régimes !!!)

Concernant les prestations offertes par ce régime, celles relatives à la couverture des frais liés à la "maladie" resteront identiques, les régimes ayant été alignés au 1er janvier 2001 (loi n° 2000-1257, 23 décembre 2000, de financement de la sécurité sociale pour 2001 N° Lexbase : L5178AR9). Seules les prestations de prévoyance et de retraite en seront légèrement affectées.

Or, il existe diverses dispositions fiscales (loi "Madelin", loi n° 94-126, 11 février 1994, relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle N° Lexbase : L3026AIW) permettant, de façon très avantageuse, pour l'entreprise et l'intéressé de financer un complément de retraite individuelle et des garanties de prévoyance par le biais de contrat d'assurance adapté. Ce complément de retraite ainsi constitué le sera de façon certaine puisque calculé selon le principe de la capitalisation, et non pas de la répartition. Or, tout le monde connaît le problème qui se posera aux régimes de répartition, dès 2010... (2).

Il est donc possible d'échapper à cette fatalité qui figure en tête de la liste des préoccupations des patrons de PME, selon la plupart des sondages effectués auprès d'eux. En outre, le fait de générer pour l'entreprise des capitaux mobilisables par le mécanisme de réduction de charges sociales permet d'envisager des opérations de développement exclues jusqu'alors des perspectives de l'entreprise (comme le recrutement de cadres à l'export par exemple).

La solution est de nature purement juridique donc parfaitement légale. Elle résulte de la parfaite connaissance du droit de la Sécurité sociale, du droit des sociétés, du droit social notamment. Mais, elle relève également d'un savoir et d'un savoir-faire spécifique acquis sur une longue période qui permet d'en évaluer tous les aspects et toutes les conséquences, en matières juridiques ou d'assurances par exemple.

Lexbase : Comment procéder à cette optimisation ?

Maître Gérard Picovschi : La démarche procède en différentes étapes :

- quantification des économies de charges sociales potentielles et détermination des cibles (dirigeants, associés, force de vente...) à l'aide de logiciels mis au point par les caisses obligatoires elle-même ;
- étude de faisabilité, fonction de la situation juridique de la société ou du groupe de sociétés ; toutes les situations pouvant faire l'objet d'une telle optimisation ;
- réalisation matérielle par les soins d'un avocat spécialisé en droit de la Sécurité sociale : préconisations et mise en oeuvre.

Lexbase : Afin d'illustrer ces explications, auriez-vous un exemple chiffré à nous proposer ?

Maître Gérard Picovschi : A titre d'exemple, voici détaillé un cas type (vécu) :

Messieurs B et C ont une entreprise de nouvelles technologies. Elle réalise un chiffre d'affaires de 4 300 000 euros par an. Ils se versent chacun un salaire dont le coût pour l'entreprise est de 167 000 euros.

Avant Après
Coût pour l'entreprise 167 000 euros 167 000 euros
Cotisation employeur 44 800 euros Sans objet
Rémunération brute 122 000 euros 167 000 euros
Cotisations sociales personnelles + CSG + RDS 21 800 euros 40 100 euros
Rémunération nette 100 200 euros 126 900 euros

Economie de charges sociales annuelles : 26 700 euros

* Source : CANAM 2006

L'entreprise de Messieurs B et C emploie 10 commerciaux salariés. Le coût moyen d'un commercial pour l'entreprise est de 55 700 euros.

Avant Après
Coût pour l'entreprise 55 700 euros 55 700 euros
Cotisation employeur 15 200 euros Sans objet
Rémunération brute 40 500 euros 55 700 euros
Cotisations sociales personnelles +CSG+RDS 7 600 euros 17 400 euros
Rémunération nette 32 900 euros 38 300 euros

Economie de charges sociales annuelles : 5 400 euros

* Source : CANAM 2006

Propos recueillis par Anne-Laure Blouet Patin
Rédactrice en chef du Pôle Presse


(1) Gérard Picovschi est avocat au Barreau de Paris, formé à la Sorbonne. Il a créé son cabinet d'avocat d'affaires en 1988 en le constituant autour de pôles de compétences comme le droit des affaires, le droit social, le droit fiscal, le droit de la propriété intellectuelle et, bien évidement, le droit des sociétés. Son but est d'apporter assistance et conseils à ses clients dirigeants d'entreprises. Dans cet esprit, il développe des concepts juridiques destinés à appuyer l'action de ses clients dans le management de leurs entreprises. La réduction des charges sociales en est un exemple, tout comme l'est son approche de l'optimisation de la cession d'entreprises. Il a mis en ligne un site internet : http://www.avocats-picovschi.com/..
(2) Le régime de répartition veut que les retraites versées au cours d'une année soient financées directement par un prélèvement sur les revenus d'activité de la même période.

newsid:262793

Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Changement des conditions de travail du salarié protégé et résiliation judiciaire de son contrat de travail

Réf. : Cass. soc., 21 novembre 2006, n° 04-47.068, Mme Marie-Luce Ratier, FS-P+B (N° Lexbase : A5221DS8)

Lecture: 9 min

N2867A93

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Le 07 Octobre 2010

A s'en tenir à son seul motif de principe, l'arrêt rendu le 21 novembre 2006 pourrait apparaître d'un intérêt bien relatif. En effet, en affirmant "qu'aucun changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé et qu'en cas de refus par celui-ci de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement", la Chambre sociale ne fait que confirmer une solution solidement ancrée dans notre droit positif. La décision en cause revêt, en réalité, une importance certaine dès lors que l'on s'intéresse à l'ensemble de l'affaire. En effet, visant les articles L. 425-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0054HDD) et 1184 du Code civil (N° Lexbase : L1286ABA), la Cour de cassation censure une cour d'appel qui, pour rejeter la demande en résiliation judiciaire introduite par une salariée protégée, postérieurement licenciée pour faute grave, avait retenu que l'employeur n'avait en aucune façon modifié le contrat de travail de cette dernière. Par suite, l'arrêt commenté conduit non seulement à revenir sur la faculté pour un salarié protégé de refuser un changement de ses conditions de travail, mais aussi sur la possibilité qui est la sienne, consécutivement au maintien de ce changement par l'employeur, de saisir le juge d'une demande en résiliation judiciaire.
Résumé

Aucun changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé. En cas de refus par celui-ci de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement. Par suite, une cour d'appel ne peut rejeter la demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail introduite par une salariée, après avoir constaté que l'employeur avait seulement changé ses conditions de travail.

Décision

Cass. soc., 21 novembre 2006, n° 04-47.068, Mme Marie-Luce Ratier, FS-P+B (N° Lexbase : A5221DS8)

Cassation (CA Toulouse, 4ème ch. soc., section 2, 3 septembre 2004)

Textes visés : C. trav., art. L. 425-1 (N° Lexbase : L0054HDD) ; C. civ., art. 1184 (N° Lexbase : L1286ABA).

Mots-clés : salarié protégé ; changement de ses conditions de travail ; refus ; conséquence ; résiliation judiciaire.

Lien bases :

Faits

Mme Ratier a été engagée le 10 mai 1982 par la société Sodemag, exploitant un supermarché, en qualité de vendeuse de légumes. Son contrat de travail a été, par la suite, transféré à la société Soram puis, en 1998, alors qu'elle était délégué du personnel, à la société Disram. Cette dernière a mis en oeuvre une réorganisation du magasin, entraînant un changement de ses conditions de travail auquel elle s'est opposée. La salariée a saisi, le 16 novembre 2000, la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Elle a finalement été licenciée pour faute grave le 26 octobre 2002, pour n'avoir pas repris son poste de travail à l'issue de son dernier arrêt maladie, le 16 janvier 2002, et n'avoir donné aucune justification d'absence.

Pour débouter la salariée de sa demande de résiliation judiciaire, la cour d'appel, après avoir constaté que la période de protection avait pris fin le 1er juin 1999, a retenu que le changement des conditions de travail, qui concerne la seule exécution du contrat de travail, relève du pouvoir de direction et d'organisation de l'employeur. Or, aucune modification de contrat de travail de l'intéressée n'est intervenue, l'employeur s'étant borné, pendant sa période de travail effectif, à lui attribuer des tâches différentes de celles exécutées antérieurement (rayon poissonnerie au lieu du rayon alimentaire), une simple participation lui ayant, en outre, été demandée à tour de rôle, comme aux autres employées libre service, au nettoyage du magasin et du parking.

Solution

Cassation au visa des articles L. 425-1 du Code du travail et 1184 du Code civil.

"Attendu, cependant, qu'aucun changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé et qu'en cas de refus par celui-ci de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement".

"Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

Observations

1. Le changement des conditions de travail du salarié protégé

  • Le droit de refuser le changement

Comme tout salarié, le salarié investi de fonctions représentatives ne peut se voir imposer une modification de son contrat de travail par son employeur. Si le principe de la force obligatoire du contrat est évidemment en cause ici, il n'explique pas, à lui seul, la solution. En effet, le caractère impératif du statut protecteur légal est, également, à prendre en considération. En revanche, dès lors que l'on s'attache au changement des conditions de travail du salarié protégé, ce statut protecteur légal devient décisif. Il exige qu'un tel changement ne puisse lui être imposé par l'employeur.

Aussi ne faut-il pas s'étonner que, dès 1997, la Cour de cassation ait fermement affirmé qu'"aucune modification de son contrat de travail et aucun changement de ses conditions de travail ne peuvent être imposés à un salarié protégé ; il appartient donc à l'employeur, en cas de refus du salarié, soit de le maintenir dans ses fonctions, soit d'engager une procédure de licenciement, sauf manifestation de volonté non équivoque de l'intéressé de démissionner" (Cass. soc., 30 avril 1997, n° 95-40.573, M. Grelot c/ Caisse d'épargne Aquitaine-Nord, publié N° Lexbase : A9637AA8) (1).

C'est cette solution de principe que la Chambre sociale vient reprendre en l'espèce, en rappelant aux juges du fond "qu'aucun changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé et qu'en cas de refus par celui-ci de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement".

On l'aura donc compris, un salarié protégé ne saurait se voir imposer ni une modification de son contrat de travail, ni un changement de ses conditions de travail. Dans les deux cas, son accord est nécessaire (2). Relevons qu'en l'espèce, la salariée s'était opposée à un changement de ses conditions de travail mis en oeuvre par l'employeur, alors qu'elle bénéficiait encore, semble-t-il, de la protection légale contre le licenciement.

  • Les conséquences du refus

Ainsi que le rappelle très clairement la Cour de cassation dans l'arrêt sous examen, lorsque le salarié protégé s'oppose à un changement de ses conditions de travail, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement (3). En d'autres termes, si l'employeur ne souhaite pas renoncer à la mesure qu'il a décidée, il ne peut qu'engager la procédure spéciale de licenciement.

Il convient, à ce propos, de souligner que, pour le Conseil d'Etat, le refus d'un simple changement des conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction peut constituer une faute justifiant le licenciement du salarié (CE, 10 mars 1997, n° 170114, M. Vincent N° Lexbase : A9062ADY) (4), sauf si ce changement interdit l'exercice normal des fonctions représentatives (CE, 29 décembre 2000, n° 207613, M. Lautier N° Lexbase : A2115AI8).

On l'aura donc compris, l'employeur n'est pas en mesure d'imposer au salarié un changement de ses conditions de travail. Outre qu'une telle attitude l'expose à une condamnation pour délit d'entrave, elle peut, également, entraîner une réaction du salarié protégé qui, confronté à l'attitude de son employeur, peut prendre l'initiative de rompre son contrat de travail. C'est d'ailleurs ce qui s'était passé dans l'espèce commentée, le salarié ayant saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail.

2. La résiliation judiciaire à l'initiative du salarié protégé

  • Le droit pour le salarié protégé de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail

On se souvient que, dans un important arrêt rendu le 16 mars 2005, la Cour de cassation a affirmé que "si la procédure de licenciement du salarié représentant du personnel est d'ordre public, ce salarié ne peut être privé de la possibilité de poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations" (Cass. soc., 16 mars 2005, n° 03-40.251, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2739DHW ; D. 2005, p. 1613, note J. Mouly ; lire Ch. Radé, Le représentant du personnel peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 160 du 24 mars 2005 - édition sociale N° Lexbase : N2298AIX).

Au même titre qu'un salarié ordinaire, un salarié protégé peut donc, aujourd'hui, introduire en justice une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail. Notons qu'en l'espèce, la cour d'appel, alors même qu'elle s'était prononcée antérieurement à l'arrêt du 16 mars 2005, avait admis la demande en résiliation judiciaire formée par la salariée protégée. Si elle a finalement débouté celle-ci de sa demande, c'est uniquement en raison du fait que l'employeur n'avait nullement modifié le contrat de travail du salarié. On peut, ce faisant, considérer que les juges d'appel avaient fait une application très stricte de l'article 1184 du Code civil. En effet, il n'est guère besoin de s'étendre sur le fait que cette disposition soumet le prononcé de la résiliation judiciaire à la constatation de l'inexécution de ses obligations par le débiteur. Or, en imposant un changement de ses conditions de travail à un salarié, quand bien même il serait protégé, l'employeur ne viole pas, à proprement parler, ses engagements contractuels. Sans doute manque-t-il aux impératifs du statut protecteur dont bénéficie le salarié représentant du personnel. Mais, celui-ci est défini par la loi, non par le contrat.

Encore qu'elle ne se prononce pas expressément sur la question de la résiliation judiciaire, en censurant la décision des juges du fond au visa de l'article 1184 du Code civil, la Cour de cassation montre qu'elle n'est point sensible à une telle distinction. En d'autres termes, il semble bien que, pour la Chambre sociale, en imposant un changement de ses conditions de travail au salarié protégé, l'employeur manque à ses obligations contractuelles et autorise, par suite, le salarié à demander en justice la résiliation de son contrat de travail.

Il reste, encore, à se demander quelles seront les conséquences d'une telle résiliation judiciaire. On sait que lorsque les juges du fond prononcent la résiliation aux torts de l'employeur, celle-ci produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 20 janvier 1998, n° 95-43.350, M. Leudière c/ Société Trouillard, publié N° Lexbase : A4150AAX). Cela étant, il y a de grandes chances que la Cour de cassation aille plus loin, s'agissant de la résiliation judiciaire demandée par un salarié protégé, en décidant que, dès lors qu'elle est prononcée aux torts de l'employeur, elle doit produire les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur. Le fait qu'elle ait récemment adopté une telle solution lorsqu'un salarié protégé prend acte de la rupture de son contrat de travail milite en ce sens (Cass. soc., 5 juillet 2006, n° 04-46.009, FS-P+B N° Lexbase : A3701DQ7) (5).

  • Résiliation judiciaire à la demande du salarié et licenciement

L'arrêt rendu le 21 novembre 2006, décidément très riche, invite à se poser une dernière question. En effet, il apparaît que la salariée, qui avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire le 16 novembre 2000, avait été, ensuite, licenciée par son employeur pour faute grave le 26 octobre 2002, soit pratiquement 2 ans avant que la cour d'appel ne se prononce sur la demande en résiliation judiciaire.

Cette chronologie conduit à s'interroger sur le télescopage entre résiliation judiciaire à la demande du salarié et licenciement. La Cour de cassation a, certes, décidé que, lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire du contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat de travail, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation est justifiée (Cass. soc., 22 mars 2006, n° 04-43.933, Société Axa France Iard, publié N° Lexbase : A8118DNY ; Cass. soc., 16 février 2005, n° 02-46.649, Mme Linka c/ Mme Geiger, publié N° Lexbase : A7356DGK).

Des décisions plus récentes ont, cependant, pu faire douter de la pérennité de cette jurisprudence. En effet, par trois arrêts en date du 31 octobre 2006, commentés dans ces mêmes colonnes, la Cour de cassation a affirmé que la prise d'acte par le salarié de son contrat de travail rend sans objet la demande en résiliation judiciaire introduite auparavant par ce dernier, pour la bonne et simple raison que la prise d'acte rompt immédiatement le contrat de travail (Cass. soc., 31 octobre 2006, n° 05-42.158, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0483DSP ; Cass. soc., 31 octobre 2006, n° 04-46.280, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0481DSM ; Cass. soc., 31 octobre 2006, n° 04-48.234, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0482DSN ; lire nos obs., La prise d'acte de la rupture par le salarié rend sans objet la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant, Lexbase Hebdo n° 236 du 16 novembre 2006 - édition sociale N° Lexbase : N5061ALZ).

Or, si l'on considère que la résiliation judiciaire ne met pas un terme au contrat de travail, l'employeur, comme le salarié, devraient être à même de pouvoir mettre unilatéralement un terme à la relation de travail. Rupture qui devrait, alors, être seule examinée par le juge.

Sans doute, la Cour de cassation n'était-elle pas appelée à se prononcer sur cette question dans l'arrêt sous examen. Cela étant, on peut supputer, à la lecture de celui-ci, qu'elle n'abandonnera pas la jurisprudence précitée, sans doute par souci de protection du salarié.

Gilles Auzero
Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV


(1) Pour être tout à fait précis, il convient de souligner que la jurisprudence était en ce sens depuis un arrêt du 12 décembre 1990 (Cass. soc., 12 décembre 1990, n° 87-43.988, Société Fermière des Etablissements Tilly c/ M Héliés, publié N° Lexbase : A2088ABX). L'arrêt du 30 avril 1997 ne faisait donc que reprendre cette solution, mais en mettant en oeuvre la distinction établie par la Chambre sociale en 1996 entre modification du contrat de travail et changement des conditions de travail.
(2) Il importe, à ce propos, de rappeler que "l'acceptation par un salarié protégé d'une modification du contrat de travail ou d'un changement de ses conditions de travail ne peut résulter ni de l'absence de protestation de celui-ci, ni de la poursuite par l'intéressé de son contrat de travail" (Cass. soc., 13 janvier 1999, n° 97-41.519, M. Robert Vallar c/ Société Cophoc, société anonyme, inédit N° Lexbase : A3096AGR)
(3) Il en va a fortiori de même dans l'hypothèse d'une modification du contrat de travail.
(4) A l'opposé, le refus d'une modification de son contrat de travail par le salarié n'est pas fautif (CE, 27 juin 1997, n° 163522, M. Valadou N° Lexbase : A0308AE7). V., toutefois, dans l'hypothèse où la modification du contrat réside dans une sanction disciplinaire justifiée : CE, 6 mai 1996, n° 147250, M. Perrotey (N° Lexbase : A9040AN7).
(5) "Attendu cependant que lorsqu'un salarié titulaire d'un mandat électif ou de représentation prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit soit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur lorsque les faits invoqués par le salarié la justifiaient, soit, dans le cas contraire, les effets d'une démission".

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