Jurisprudence : CE contentieux, 10-03-1997, n° 170114

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 170114

M. VINCENT

Lecture du 10 Mars 1997

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 8ème et 9ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 8ème sous-section, de la Section du Contentieux, Vu, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 12 juin 1995, l'ordonnance du 1er juin 1995, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux transmet, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le dossier de la requête dont cette cour a été saisie par M. Jean-Louis VINCENT ;

Vu la requête, enregistrée le 17 mai 1995 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, présentée par M. VINCENT ; M. VINCENT demande au juge administratif d'appel : 1°) d'annuler le jugement du 20 mars 1995 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée, d'une part, contre la décision du 9 juillet 1992 du ministre du travail annulant la décision de l'inspecteur du travail du Tarn du 11 février 1992 qui avait autorisé l'association "Animation sociale pour la jeunesse de Castres - AJC" à le licencier pour faute, d'autre part, contre la lettre du 5 ao–t 1992 de l'inspecteur du travail du Tarn informant l'association de ce que la décision du ministre valait autorisation de procéder à son licenciement ; 2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ; 3°) de condamner l'association "Animation sociale pour la jeunesse de Castres AJC" à lui payer une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 91-547 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Musitelli, Maître des Requêtes, - les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 412-18 du code du travail, les délégués syndicaux, qui bénéficient, dans l'intérêt des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciées qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces délégués est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec le mandat normalement exercé par lui ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant que l'association "Animation sociale pour la jeunesse de Castres- AJC" a demandé l'autorisation de licencier M. VINCENT, délégué syndical, qui exerçait les fonctions d'animateur-responsable du centre de quartier d'Aillot-Bisséous, à la suite du refusqu'il a opposé à la décision prise par le conseil d'administration de l'association de le muter à la tête d'un autre centre de quartier de la ville de Castres ;

Considérant que le tribunal administratif de Toulouse a répondu à l'ensemble des conclusions de la demande de M. VINCENT, dirigée contre la décision du ministre du travail qui a autorisé son licenciement ;

Considérant que l'article L. 122-44 du code du travail impose à l'employeur d'engager la procédure de licenciement dans un délai de deux mois à compter du fait fautif reproché au salarié ; mais considérant qu' il ressort des pièces du dossier qu'informée par une lettre du 7 octobre 1991 de M. VINCENT de son refus d'être muté dans un autre centre de quartier, l'association l'a expressément invité, par lettres des 13 novembre et 11 décembre 1991,à prendre ses nouvelles fonctions ; que M. VINCENT a réitéré son refus par lettre du 18 décembre 1991 ; qu'en le convoquant à l'entretien préalable au licenciement, par lettre du 19 décembre 1991, l'association a respecté le délai de deux mois prévu par les dispositions précitées ;

Considérant qu'aucun texte n'impose à l'employeur de faire état, dans la lettre de convocation à l'entretien préalable prévu par l'article L. 122-41 du code du travail, de la possibilité, pour le salarié, de s'y faire assister par une personne inscrite sur la liste électorale ;

Considérant que le fait invoqué par M. VINCENT que le conseil d'établissement du centre de quartier d'Aillot-Bisséous n'aurait pas été régulièrement consulté sur les changements d'affectation des responsables des centres de quartier envisagés par le conseil d'administration de l'association est, à le supposer établi, sans influence sur la légalité de la décision attaquée ; qu'ainsi, M. VINCENT ne peut s'en prévaloir pour soutenir que la gravité de la faute qui lui est reprochée n'était pas suffisante pour justifier son licenciement ;

Considérant que le fait que l'association ait cru devoir convoquer M. VINCENT à un entretien, le 26 ao–t 1992, pour l'informer de son licenciement à la suite de la décision du ministre qui l'a autorisé à y procéder, est sans influence sur la légalité de cette dernière ;

Considérant que M. VINCENT ne conteste pas que le nouvel emploi auquel il a été affecté comportait des responsabilités, une charge de travail et une rémunération équivalant à celles du poste qu'il occupait précédemment et qu'ainsi, son contrat de travail n'a fait l'objet d'aucune modification subtantielle ; que le refus par M. VINCENT d'accepter le simple changement de ses conditions de travail qui avait été décidé par son employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction a constitué une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que le fait que sa mutation obligeait M. VINCENT à interrompre l'action socioéducative auprès des jeunes du quartier d'Aillot-Bisséous dans laquelle il s'était fortement impliqué, n'est pas de nature à affecter la légalité de la décision attaquée ;

Considérant que le licenciement de M. VINCENT a été sans lien avec son mandat de délégué syndical ;

Considérant qu'en ne refusant pas, pour un motif d'intérêt général, d'autoriser le licenciement de M. VINCENT, le ministre du travail n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. VINCENT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;

Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'association "Animation sociale pour la jeunesse de Castres -AJC" qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à M. VINCENT la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. VINCENT est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Louis VINCENT, à l'association "Animation sociale pour la jeunesse de Castres -AJC" et au ministre du travail et des affairessociales.

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