La lettre juridique n°595 du 18 décembre 2014

La lettre juridique - Édition n°595

Éditorial

Huit valeurs qui justifient une information numérique (juridique)... payante

Lecture: 7 min

N5085BUU

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/22018580-edition-n-595-du-18122014#article-445085
Copier

par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 20 Décembre 2014


"Rien n'est jamais sans conséquence. En conséquence, rien n'est jamais gratuit" - Confucius

Coup sur coup, les juges parisiens tentent d'endiguer, à la demande des producteurs, la diffusion gratuite et illégale de produits musicaux ou télévisuels, tant en ordonnant aux fournisseurs d'accès à internet (FAI) de bloquer l'accès aux sites de téléchargement illégal de musique, ainsi qu'à leurs sites miroirs (TGI Paris, 3ème ch., 4 décembre 2014, n° 14/03236), qu'en condamnant un hébergeur pour défaut de prompt retrait (CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 2 décembre 2014, n° 13/08052). L'affaire n'est pas nouvelle ; les juges souhaitent régulièrement responsabiliser les hébergeurs quant à leurs obligations, si minimes soient-elles, pour favoriser le respect des droits d'auteur, comme ils enjoignent, une fois par an, aux FAI de "fermer les vannes" du téléchargement et du streaming illégal : un coup d'épée dans l'eau ?

Les deux décisions parisiennes sont intéressantes car elles témoignent de la philosophie du net toute entière, à travers les dispositifs coercitifs jurisprudentiels mis en oeuvre par les magistrats à l'adresse des acteurs d'internet facilitant, à leur corps défendant le plus souvent, ou non, l'accès illégal à des contenus protégés. D'une part, la cour d'appel de Paris condamne l'hébergeur à la somme conséquente de 1 132 000 euros pour pas moins de 566 manquements à son obligation de prompt retrait ; les juges précisant sans ambages que la diffusion illicite d'émissions a ainsi nécessairement un impact négatif sur l'audience télévisée et par voie de conséquence sur les recettes publicitaires de cette société privée, ne bénéficiant pas de la redevance de l'audiovisuel. D'autre part, le tribunal de grande instance de Paris précise que le nombre de sites qui doivent faire l'objet de l'interdiction d'accès est limitativement fixé par le jugement et toute mesure touchant un autre site doit être autorisée par une autorité judiciaire, les FAI n'ayant pas d'obligation de surveillance de contenus et la société collective demanderesse ne disposant pas du droit de faire bloquer l'accès des sites sans le contrôle préalable de l'autorité judiciaire. Les FAI ont donc l'obligation de mettre en place des mesures qui ne doivent répondre qu'à ce qui apparaît nécessaire à la préservation des droits en cause, sans risquer de devenir obsolètes. Quant au coût de ces mesures, le TGI estime qu'il ne peut être mis à la charge des FAI et qu'il leur appartiendra de solliciter le remboursement, s'ils le souhaitent, auprès des demandeurs. Deux poids, deux mesures ? Non, c'est le principe de responsabilisation qui s'applique pour autant que l'acteur du net (hébergeur ou FAI) soit conscient et débiteur d'une obligation particulière en faveur du respect des droits des ayants-droit sur les oeuvres copiées illégalement. Une fois encore, ce n'est pas le fait d'héberger des oeuvres reproduites illégalement qui est sanctionné lourdement, mais le défaut de prompt retrait sur demande régulière du titulaire des droits sur les oeuvres en cause.

Mais, l'on sait que le morceau musical ou la vidéo protégée sera remis en ligne quelques heures après le prompt retrait respecté ; comme les sites de téléchargement ou de streaming illégal seront dupliqués vers de nouvelles adresses ou de nouvelles plateformes que les FAI n'auront pas pu bloquer -faute pour l'ordonnance, bien souvent, de citer le site miroir ou la nouvelle adresse non encore mis en service au moment de son prononcé-. C'est le jeu du chat et de la souris, dont l'enjeu intrinsèque apparaît nul. Car personne ne se fait d'illusions sur l'issue plus que probable : comme dans Tom et Jerry, le rongeur s'échappe.

Il s'échappe parce que l'économie, en général, et l'économie numérique, en particulier, tendraient vers la gratuité. L'économie digitale surferait sur une vague de copies : Anderson explique très bien que, là où Gilette offrait des rasoirs qui allaient avec les lames que nous payions, les coûts de reproduction régressant chaque année, par l'amélioration des technologies de la numérisation, associés à un foisonnement de l'offre sur une toile débridée, conduisent l'économie du web vers le "prix nul" -ce qui n'est pas la même chose que la gratuité à proprement parler-. "Il n'y a jamais eu un marché plus concurrentiel que l'internet, et chaque jour le coût marginal de l'information devient plus proche de rien du tout" expose le journaliste américain, auteur de Free ! Entrez dans l'économie du gratuit. Ou encore : "la constante diminution des coûts de production de l'économie numérique incitera bientôt la plupart des entreprises à donner la majorité de leurs produits". En cela, l'économie numérique ne ferait qu'exacerber la baisse des coûts résultant de l'hégémonie des productions à bas coûts chinoises ou indiennes : les coûts des biens marchands réels enregistrant une baisse constante, l'internaute refuse de payer les produits immatériels dont il peine à reconnaître et/ou quantifier la valeur.

Pour autant, les actions entreprises par les producteurs de musique, films et autres émissions télévisuelles ont-ils tort de saisir les juges pour ce qui ne constituera qu'une goutte d'eau (bénite) dans l'océan libertaire d'internet ? L'enjeu extrinsèque de ces actions est alors le temps : le temps gagné, le temps ainsi accordé pour trouver un nouveau business model compatible avec l'explosion de la contrefaçon culturelle et informative. Le temps de choisir entre le modèle fremium, qui couple une version gratuite grand public à une version payante, plus évoluée pour un marché de niche ; le modèle publicitaire ; celui des "subventions croisées", qui permet d'offrir gratuitement un produit pour inciter à en acheter un autre ; celui du coût marginal nul, pour lequel il est plus simple d'offrir que de faire payer -mais il faut alors trouver une autre source de revenu- ; le modèle de l'échange de travail collaboratif et mutualisé ; enfin celui de l'économie du don, pour lequel l'argent n'est pas la seule motivation, mais le partage des savoirs, notamment, est primordial. Bien évidement, aucun de ces modèles ne satisfait les acteurs de l'économie dite réelle, parce qu'inexorablement aucun d'entre eux ne permet d'atteindre les sommets de rentabilité enregistrés sous l'ère pré-numérique. Mais, il leur faudra nécessairement renoncer à leurs avantages acquis pour inventer un nouveau corps business et contrarier la gratuité rampante d'internet et de ses contenus.

Et, les éditeurs juridiques dans tout cela ? Un peu de ceci, un peu de cela... Une chose est certaine : la profusion de l'information gratuite et celle de l'offre d'accès numérique à des bases de données juridiques obligent les acteurs de cette "niche" économique -de 250 millions d'euros tout de même- à repenser, sinon à améliorer, leur conception de la rentabilité, sinon leur business model lui-même. Quand le coeur de l'information juridique (les sources juridiques via Légifrance ou Eur-Lex) est gratuit ; quand le traitement de l'information est largement diffusé (sites officiels, blogs, réseaux sociaux, etc.) ; quand les systèmes de veille sont, eux-mêmes, gratuits ou peu onéreux (Mozilla Update Scanner, Website Watcher, Google Alerts, Talkwalker Alerts, Netvibes et Feedly) : que faire payer à l'abonné ? Qu'est-ce qui peut bien le motiver à débourser pour accéder aux contenus d'un voire, comble du luxe aujourd'hui, plusieurs éditeurs juridiques ?

Kevin Kelly, fondateur de Wired, nous éclaire tous, lecteurs, abonnés et éditeurs :

- l'immédiateté. Avoir accès à une jurisprudence le surlendemain de son prononcé dans son intégralité ; à son commentaire la semaine en cours ; à l'actualisation rapide de l'ensemble des bases de données concernées : quel éditeur respecte cet engagement ?

- la personnalisation. Avoir accès à sa jurisprudence locale ; pouvoir composer son e-book avec ses propres recherches ; actualiser ses recherches et poser des veilles personnelles sur ses domaines de compétence : quel éditeur respecte cet engagement ?

- l'interprétation. L'accès aux sources principales est gratuit, mais quid de leur intelligibilité ? Un arrêt de la Cour de cassation est-il compréhensible sans l'arrêt d'appel ? Et ce dernier sans sa première instance ? Avoir accès à une contextualisation et une mise en perspective exhaustive de l'information : quel éditeur respecte cet engagement ?

- l'authenticité. Avoir accès à l'analyse d'un collège d'auteurs spécialistes reconnus dans leurs matières respectives et diversifié ; être certain de la fiabilité de leur analyse parce que vous êtes certains que ce sont bien eux qui écrivent et non une cohorte de doctorants : quel éditeur respecte cet engagement ?

- l'accessibilité. Avoir accès à sa base de données à tout instant, sans interruption de service, sans problème de connexion, voire sans sésame (logins/mots de passe) obligatoire, sur tous supports médias, tablettes et smartphones compris ; avoir accès à des liens profonds permanents et intangibles ; être certain de l'intégrité des informations communiquées : quel éditeur respecte cet engagement ?

- l'incarnation. Avoir accès à un véritable service en qualité d'abonné ; pouvoir commander des décisions introuvables ; pouvoir demander une aide documentaire pour trouver une information précise ; pouvoir joindre toute la semaine, soir et week-end son conseiller : quel éditeur respecte cet engagement ?

- le mécénat. Trouver auprès de l'éditeur un véritable partenaire dans sa vie professionnelle, au-delà du simple encaissement du prix de l'abonnement ; élaborer ensemble des projets collaboratifs éditoriaux ; pouvoir compter sur le soutien technique, logistique et éditorial d'un partenaire pour des colloques, conférences, commissions, etc. : quel éditeur respecte cet engagement ?

- la trouvabilité. Que vaut un site d'information pléthorique dans lequel on ne distingue rien ; dans lequel il n'y a pas de hiérarchie de l'information ; dans lequel il est plus difficile de trouver sa documentation pertinente que de chercher dans le livre correspondant ? Que vaut un site d'information dont le moteur de recherche ne sert qu'à trouver des documents, sans les classer, les ordonner, les valoriser, les référencer ? Quel éditeur respecte cet engagement ?

"Ces 8 valeurs génératives demandent une compréhension de la façon dont l'abondance engendre un nouvel état d'esprit", conclut Kevin Kelly.

J'ajouterai que ces huit valeurs sont génératrices de la confiance d'un abonné, professionnel du droit, à l'adresse de l'éditeur. Et, finalement, il n'est pas incongru que l'économie de l'immatériel soit fondée et prospère sur la valeur immatérielle par excellence que constitue la confiance ; seule valeur capable de bourse délier, seule capable de justifier que l'économie numérique demeure une économie payante.

"Rien n'est gratuit en ce bas monde. Tout s'expie, le bien comme le mal, se paie tôt ou tard. Le bien c'est beaucoup plus cher forcément" - Céline dans Semmelweis.

newsid:445085

Assurances

[Chronique] Chronique de droit des assurances - Décembre 2014

Lecture: 8 min

N5083BUS

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/22018580-edition-n-595-du-18122014#article-445083
Copier

par Didier Krajeski, Professeur à l'Université de Toulouse

Le 20 Décembre 2014

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose de retrouver la chronique mensuelle de droit des assurances de Didier Krajeski, Professeur à l'Université de Toulouse. Trois arrêts ont retenu l'attention de l'auteur : le premier est relatif à la nullité du contrat assurant une exposition de cadavres humains (Cass. civ. 2, 23 octobre 2014, n° 13-19.729, FS-P+B+I) ; le deuxième revient sur la distinction à opérer entre les conséquences d'un accident (prises en charge par le contrat) et les conséquences d'une pathologie, en matière d'assurance accident corporel (Cass. civ. 2, 29 octobre 2014, n° 12-35.306, F-D) ; le troisième a trait à la mise en oeuvre d'une assurance de responsabilité, couvrait en l'espèce intermédiaire immobilier (Cass. civ. 2, 29 octobre 2014, n° 13-23.506, F-P+B). I - Validité du contrat
  • Le contrat d'assurance ayant pour objet de garantir les conséquences de l'annulation d'une exposition utilisant des dépouilles et organes de personnes humaines à des fins commerciales, la cour d'appel en a exactement déduit que, bien qu'ayant été conclu avant l'entrée en vigueur de l'article 16-1-1 du Code civil, le contrat litigieux avait une cause illicite et, partant, qu'il était nul. Les assureurs devaient attirer l'attention de l'assuré sur les risques d'annulation de l'exposition litigieuse (Cass. civ. 2, 23 octobre 2014, n° 13-19.729, FS-P+B+I N° Lexbase : A2832MZW)

L'affaire ayant donné lieu au présent arrêt est connue dans la mesure où elle a, d'abord, eu un retentissement en dehors de la sphère juridique : l'émotion qu'a pu susciter l'exposition de restes humains. Indépendamment des débats mêlant l'art et la morale (toujours très riches !), une autre discussion a lieu sur le terrain du droit et plus particulièrement du droit des assurances (1).

De ce point de vue, on peut d'ailleurs se demander si la morale ne plane pas un peu sur la décision de la Cour de cassation qui décide que le contrat d'assurance garantissant l'exposition est nul, mais que les assureurs engagent leur responsabilité sur le fondement du devoir de conseil. En résumé, si la première partie de la décision paraît indiscutable, la deuxième partie l'est peut-être un peu plus.

Sur la question de la nullité du contrat d'assurance, cet arrêt vient illustrer l'exigence d'un risque licite lors de la souscription du contrat (2). Les faits permettaient de discuter de l'exigence du point de vue temporel. Un des arguments du pourvoi est, en effet, de souligner que la nullité de l'exposition pour cause illicite se fonde sur un texte postérieur à la souscription du contrat (3) : la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008, relative à la législation funéraire (N° Lexbase : L3148ICL) adoptant l'article 16-1-1 du Code civil (N° Lexbase : L3148ICL). L'objection est facilement écartée par la Cour de cassation : "le principe d'ordre public, selon lequel le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort, préexistait à la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 d'où est issu l'article 16-1-1 du Code civil". Il est évident, qu'il n'a pas fallu attendre le début du 21ème siècle pour décider que le principe de respect de dignité de la personne humaine s'étendait à la dépouille !

En l'espèce, la nullité du contrat d'assurance procède par voie incidente. Ce n'est pas le fait d'assurer qui est considéré, en soi, comme illicite. La nullité pour cause illicite du contrat d'assurance sur le fondement de l'article 1131 du Code civil (N° Lexbase : L1231AB9), résulte de la reconnaissance du caractère illicite de l'activité qui est l'objet de l'assurance : une exposition. Il est d'ailleurs reproché aux assureurs de ne pas avoir mis en garde les assurés contre le risque d'annulation de l'exposition litigieuse.

Sur la question du devoir de conseil de l'assureur, la solution de l'arrêt paraît sévère. L'argumentation de la cour d'appel sur cette question était essentiellement orientée vers la qualité des parties en présence. Les assureurs avaient affaire à une entreprise spécialisée dans l'événementiel et cette société était elle-même conseillée par un courtier. Il est certain que l'intensité du devoir de conseil dépend en partie de la compétence des personnes assurées (4). En l'espèce, les assureurs avaient sollicité cette compétence en s'inquiétant auprès des assurés de la tenue de l'exposition. Il leur est reproché, en quelque sorte, de ne pas avoir adopté l'attitude inverse en mettant en question les certitudes de leur client !

La question pourrait, cependant, être considérée d'un autre point de vue. Au lieu d'être envisagée sous l'angle des protagonistes, elle pourrait être considérée sous l'angle du périmètre du devoir de conseil. Quelle est l'étendue du devoir de conseil de l'assureur ? Il convient de rappeler qu'il consiste à favoriser la souscription d'une garantie conforme aux intérêts de l'assuré quant aux risques garantis et leur tarification (5). Or, si l'on suit la logique de la Cour de cassation, il était demandé aux assureurs d'émettre un avis sur l'activité garantie elle-même. C'est-à-dire, hors du domaine de l'assurance, demander à l'assureur d'émettre un avis pertinent sur les chances d'annulation de l'événement assuré alors même que l'assuré lui a indiqué que cet événement n'a pas fait l'objet d'interdictions dans d'autres pays. De ce point de vue, le devoir de conseil semble être étendu au-delà de son domaine raisonnable : ce qui relève de la maîtrise technique de l'assureur. Autrement dit : "l'obligation de conseil de l'assureur ne peut s'étendre à des circonstances qui excèdent le cadre de l'opération d'assurance qu'il propose" (6).

On ne peut s'empêcher de penser que les assureurs sont ici sanctionnés pour avoir prêté leur concours à une macabre affaire. Ne sont-ils pas simplement punis pour avoir contribué à rendre possible l'exposition litigieuse dont ils auraient dû empêcher la tenue en refusant, comme d'autres assureurs avant eux, la couverture demandée ?

II - Contenu de la garantie

  • L'assuré a été amené, au cours d'un exercice intensif et soutenu, à solliciter son dos, de manière importante et répétée, et ce pendant une durée de deux heures, ce qui exclut le caractère soudain de l'événement. Ce dernier ne peut être qualifié d'accident au sens des conditions générales du contrat d'assurance souscrit (Cass. civ. 2, 29 octobre 2014, n° 12-35.306, F-D N° Lexbase : A0472MZI)

La présente solution vient alimenter une jurisprudence classique en matière d'assurance accident corporel : la distinction entre les conséquences d'un accident (prises en charge par le contrat) et les conséquences d'une pathologie. Elle permet, en outre, d'illustrer le fait que la notion d'accident est relative en droit, ce qui ne contribue pas à en préciser le sens. En effet, la lésion ressentie par la victime a pu être qualifiée d'accident du travail, mais les circonstances de sa survenance ne permettent pas de retenir la qualification d'accident au sens du contrat souscrit par la victime. La qualification retenue dans un cas n'a donc pas d'incidence sur l'autre, ce qui peut être source d'incompréhension pour les victimes pour lesquelles un accident est un accident !

Ce n'est pas la nature de la lésion, une douleur lombosciatique, qui justifie l'exclusion de la qualification d'accident. Celui-ci peut procéder d'une lésion interne à la victime : le décès provoqué par le paludisme (7), un infarctus (8), une asphyxie due à une fausse route alimentaire (9). Pour distinguer la lésion provenant d'un accident de la simple pathologie, les contrats, comme en l'espèce, exigent "une atteinte à l'intégrité corporelle de l'assuré non intentionnelle de sa part et provenant de l'action soudaine d'une cause extérieure". Ce qui compte, c'est donc l'origine de la lésion (10).

En l'espèce, le rejet de la garantie de l'assureur est justifié au regard des circonstances de la survenance de la lésion : elle est intervenue alors que la victime tentait d'empêcher la chute de placoplâtres mais au terme de deux heures d'efforts continus pendant lesquels elle a particulièrement sollicité son dos. L'événement à l'origine de l'accident étant dépourvu de soudaineté, la garantie ne pouvait être accordée. La solution aurait pu être différente si la lésion de la victime était survenue à l'occasion d'un effort unique produit pour échapper à un écrasement : la condition de soudaineté se serait trouvée remplie (11). Cela montre à quel point la garantie dépend de l'enchaînement des faits souverainement appréciés par les juges du fond.

Cette distinction, purement contractuelle, entre pathologie et accident se conçoit parfaitement au regard des finalités de la garantie : couvrir l'assuré ou ses proches contre les conséquences, parfois dramatiques, d'un événement qui, par nature, ne leur permet pas de se préparer.

On peut être plus réservé au regard de la tendance actuelle de la jurisprudence de réduire l'accident à des événements purement fortuits excluant la négligence de l'assuré (12).

III - Mise en oeuvre de la garantie

  • La décision judiciaire condamnant l'assuré à raison de sa responsabilité constitue pour l'assureur de cette responsabilité la réalisation, tant dans son principe que dans son étendue, du risque couvert et lui est dès lors opposable, à moins de fraude à son encontre (Cass. civ. 2, 29 octobre 2014, n° 13-23.506, F-P+B N° Lexbase : A4956MZL)

Dans la présente espèce, relative à la mise en oeuvre d'une assurance de responsabilité, il est reproché à un intermédiaire dans le domaine de l'immobilier d'avoir entretenu un bailleur dans la croyance de l'existence d'une assurance de loyers impayés. Les faits se doublent d'une particularité : le mandat en vertu duquel l'intermédiaire intervient ne respecte pas les conditions légales et il est susceptible d'être annulé. Le professionnel serait dès lors intervenu en dehors d'un cadre légal et réglementaire.

Le tiers lésé suit, ici, une voie classique (action contre l'assuré, puis assignation en intervention forcée de l'assureur du professionnel) qu'il n'est plus obligé de suivre depuis que la Cour de cassation a décidé que la mise en oeuvre de l'action directe ne nécessite pas la mise en cause de l'assuré responsable (13). Les faits montreront que cette voie lui permet d'obtenir ce dont il aurait été privé en suivant l'autre.

Les juges du fond considèrent que la responsabilité de l'intermédiaire est engagée pour les loyers impayés, cependant l'assureur est fondé à se prévaloir de la nullité du mandat qui, selon lui, exclut l'activité considérée du cadre de la couverture. La décision est cassée. La Cour de cassation estime que la décision des juges du fond (reconnaissance d'une faute professionnelle de l'assuré) est opposable à l'assureur pour lequel elle constitue la réalisation du risque couvert (14). La jurisprudence est, sur cette question, constante. Elle est renforcée par le fondement que lui donne ici la Cour de cassation : l'article L. 113-5 du Code des assurances (N° Lexbase : L0066AAP) qui évoque la réalisation du risque et l'obligation pour l'assureur de verser l'indemnité. Il faut mettre cette disposition en perspective avec l'article L. 124-1-1 (N° Lexbase : L6252DIE) qui définit le sinistre en assurance de responsabilité comme étant constitué d'un "dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable de l'assuré, et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations". En l'espèce on se trouve dans l'étape suivante puisque la réclamation a donné lieu à condamnation de l'assuré. Le sinistre est complétement réalisé !

La garantie est due. Le fondement textuel choisi par la Cour de cassation paraît préférable à celui qu'elle utilise parfois comme visa de la même solution, l'article L. 124-3. Il ne s'agit pas, en effet, d'une solution propre à l'action du tiers lésé mais de l'application, à une forme particulière d'assurance, d'une règle générale du droit des assurances.

La règle d'opposabilité ainsi posée a pour effet de limiter les arguments susceptibles d'être invoqués par l'assureur à l'encontre d'une demande de garantie. Sans préjuger de la validité au fond de ces arguments, il ne peut se prévaloir de ceux qui sont susceptibles de remettre en question l'existence de la responsabilité de son assuré qui est considérée comme acquise.

Dans cette situation, il ne reste à l'assureur que deux possibilités proposées par l'arrêt. La première consiste à démontrer l'existence d'une fraude dont il serait victime. La seconde est de contester sa garantie "au regard des stipulations de la police" (15).


(1) L. Bloch, Our body : une exposition nulle à tous points de vue, RCA, 2013, alerte 11.
(2) S. Abravanel-Jolly, Droit des assurances, Ellipses, 2013, n° 268.
(3) Cass. civ. 1, 16 septembre 2010, n° 09-67.456, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4756E9Z), RTDCiv., 2010, 760, obs. J. Hauser.
(4) Cass. civ. 2, 11 juin 2009, n° 08-17.586, F-D (N° Lexbase : A0752EIP), RGDA, 2009, 885, note S. Abravanel-Jolly.
(5) Ibidem.
(6) Cass. civ. 1, 2 juillet 2002, n° 99-14.765, F-P (N° Lexbase : A0638AZN), Bull. civ. I, n° 178 ; RGDA, 2002, 688, note A. Favre-Rochex ; RCA, 2002, 347, obs. H. Groutel.
(7) Cass. civ. 1, 20 janvier 1993, n° 89-19.322 (N° Lexbase : A3709CXN), RGAT, 1993, 328, note A. Favre-Rochex.
(8) Parmi de nombreux exemples : Cass. civ. 1, 22 avril 1992, n° 90-11.546 (N° Lexbase : A5914CYP), RGAT, 1992, 582, note Vincent.
(9) Cass. civ. 2, 24 mai 2006, n° 05-13.639, F-D (N° Lexbase : A7597DP3), RGDA, 2006, 721, note Maleville.
(10) Pour un autre cas de rejet fondé sur une réaction endogène : Cass. civ. 2, 25 février 2010, n° 09-10.136, FS-D (N° Lexbase : A4473ESH).
(11) Cass. civ. 1, 30 novembre 1977, n° 76-11.426 (N° Lexbase : A5934CKY), Bull. civ. I, n° 452.
(12) Sur ce point : Ph. Le Tourneau et alii, Droit de la responsabilité et des contrats, régimes d'indemnisation, Dalloz Action, 2014/2015, n° 2781.
(13) Sur cette question : Ph. le Tourneau et alii, Droit de la responsabilité et des contrats, régimes d'indemnisation, Dalloz Action, 2014/2015, n° 2853.
(14) Cass. civ. 1, 12 juin 1968, JCP 1968, II, n° 15584 ; D., 1969, 249, note Besson ; Cass. civ. 2, 13 juillet 2006, n° 05-19.823, F-D (N° Lexbase : A4644DQ3), RCA, 2006, 354, obs. H. Groutel.
(15) Cass. civ. 1, 26 avril 1972, n° 71-10.779 (N° Lexbase : A0562CKZ), Bull. civ. I, n° 110 ; Cass. civ. 2, 18 décembre 2008, n° 08-12.041, F-D (N° Lexbase : A9236EBP).

newsid:445083

Avocats/Gestion de cabinet

[Jurisprudence] Redressement judiciaire de l'avocat associé : quand la société n'existe pas, l'indépendance perdure

Réf. : CA Aix-en-Provence, ord. référé, 1er président, 19 septembre 2014, n° 14/00507 (N° Lexbase : A6777MWW)

Lecture: 17 min

N5078BUM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/22018580-edition-n-595-du-18122014#article-445078
Copier

par Bastien Brignon, Maître de conférences HDR à l'Université d'Aix-Marseille, Membre du Centre de droit économique (EA 4224) et du Centre de droit du sport d'Aix-Marseille

Le 20 Décembre 2014

Dans un arrêt du 19 septembre 2014, la cour d'appel d'Aix-en-Provence rejette la demande de suspension de l'exécution provisoire d'un jugement plaçant deux époux avocats, personnes physiques, en redressement judiciaire, ladite procédure diligentée à leur encontre n'étant pas forclose (C. com., art. L. 631-5 N° Lexbase : L6249IUY et L. 640-5 N° Lexbase : L7323IZA). En effet, leur qualité d'associés au sein d'une SCP, qui leur aurait fait perdre leur statut de personne physique exerçant à titre indépendant, n'était pas avérée, faute pour la SCP d'apparaître dans l'annuaire professionnel des avocats. En l'espèce, un jugement en date du 3 juillet 2014 avait déclaré ouverte la procédure de redressement judiciaire de deux époux, avocats, ouvert une période d'observation d'une durée de six mois qui pourrait être renouvelée une fois à la demande des débiteurs ou du ministère public, dit que le conseil de l'Ordre pris en la personne de son représentant légal en exercice est de plein droit contrôleur à la procédure et désigné un mandataire judiciaire et un commissaire-priseur judiciaire pour procéder à l'inventaire précis et à la prisée du patrimoine des débiteurs, et a renvoyé l'affaire à l'audience du jeudi 4 septembre 2014 afin de vérifier si les débiteurs disposent de capacités de financement suffisantes pour poursuivre la période d'observation. Les deux avocats avaient fait appel du jugement précité et assigné les parties à l'instance en référé, devant le premier président, afin de demander la suspension de l'exécution provisoire. L'un des avocats estimait que la procédure à son encontre était forclose, intervenant plus d'un an après la cessation de son activité à titre individuel. Mais, pour les juges du Palais Verdun, s'il est vrai que l'assignation d'un créancier doit intervenir comme le prévoient les articles L. 631-5 et L. 640-5 du Code de commerce dans le délai d'un an à compter de la cessation de l'activité s'il s'agit d'une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale, il n'en demeure pas moins que la SCP créée le 2 avril 2010 n'apparaissait pas dans l'annuaire professionnel des avocats de l'année 2011 et que seul figurait dans les tableaux de l'Ordre des avocats l'avocat redressé. Par voie de conséquence, la demande de suspension de l'exécution provisoire est rejetée (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E2411EUT).

Cet arrêt rappelle que la personne exerçant une profession indépendante, qui a cessé d'exercer son activité à titre individuel pour devenir associé d'une société (SCM, SCP ou SEL), n'agit plus en son nom propre mais exerce ses fonctions au nom de la société. Elle cesse dès lors d'exercer une activité professionnelle indépendante au sens de l'article L. 631-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L8853IN9). Le tribunal peut ouvrir à son égard une procédure de redressement judiciaire après cette cessation d'activité, lorsque tout ou partie du passif provient de l'activité professionnelle antérieure (ou, à l'identique, une procédure de liquidation judiciaire conformément à l'article L. 640-2 du Code de commerce). Toutefois, si la procédure est ouverte sur l'assignation d'un créancier, celle-ci doit intervenir dans le délai d'un an à compter de la cessation de l'activité individuelle. Cette solution, désormais acquise, n'en reste pas moins critiquable (I), d'autant que la procédure de redressement judiciaire ne saurait être au cas d'espèce tenue en échec par un référé premier président (II).

I - Perte d'indépendance à l'occasion du passage en société

La loi de sauvegarde n° 2005-845 du 26 juillet 2005 (N° Lexbase : L5150HGT) a ouvert le champ d'application des procédures collectives aux professionnels libéraux exerçant à titre individuel, en particulier aux avocats (1). Jusqu'alors, seules les sociétés professionnelles -SCP, SEL, SCM- étaient soumises au droit des entreprises en difficulté (2).

Malgré une rédaction assez claire de la loi de 2005, la Cour de cassation a adopté une position de retrait : comme tout professionnel libéral exerçant pour le compte d'une société, les associés personnes physiques n'exercent pas une activité professionnelle indépendante au sens des articles L. 631-2 et L. 640-2 du Code de commerce et ne relèvent pas, à titre personnel, des procédures de traitement des difficultés des entreprises, sauf pour l'activité professionnelle qu'ils auraient accomplie en nom propre dans l'année qui aurait précédé leur entrée dans la société en qualité d'associés. Pour la Chambre commerciale de la Cour de cassation, le professionnel libéral qui exerce au sein d'une société n'exerce donc pas une activité professionnelle indépendante au sens du droit des procédures collectives. Une fois associé, le professionnel libéral n'est plus "un professionnel indépendant". Toutefois, d'une part, le tribunal peut ouvrir à son égard une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires, sans condition de délai, après cette cessation d'activité lorsque tout ou partie du passif provient de l'activité professionnelle antérieure, d'autre part, si la procédure est ouverte sur l'assignation d'un créancier, cette dernière doit intervenir dans le délai d'un an à compter de la cessation de l'activité individuelle. Tout cela a été jugé par la Cour de cassation dans ses trois arrêts du 9 février 2010 relatifs aux avocats (3). Et a été par la suite maintes fois confirmé, pour tous les professionnels libéraux (4).

L'arrêt sous commentaire le précise de nouveau, les avocats en redressement judiciaire ne le contestant pas, bien au contraire. Voici l'argumentation qu'ils développaient :

"Monsieur Bruno R. et Madame Christine R. font valoir :

- que la SA X dont le siège social est à Hambourg ne fait pas, dans l'acte introductif d'instance devant le tribunal de grande instance de Toulon, élection de domicile en France,

- que l'assignation introductive d'instance délivrée par cette dernière ne contient aucune indication sur la qualité de ses dirigeants et qu'il s'agit d'une nullité de fond prévue par l'article 117 du Code de procédure civile,

- que les premiers juges ont, à tort, interprété le jugement de désistement d'instance et d'action rendu le 3 février 2010 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Villefranche sur Saône,

- que Maître Bruno R. avocat, est associé au sein de la SCP Y créée en avril 2010, qu'il n'exerce donc pas une activité professionnelle indépendante au sens des articles L. 631-1 et L. 631-2 du Code du commerce en sorte que la procédure de redressement judiciaire diligentée à son encontre par la SA X, en raison d'un prêt professionnel conclu le 14 février 2000 est forclose,

- que la créance de la SA X n'a pas été liquidée par le juge des saisies immobilières au motif que l'instance s'est éteinte par l'effet de la transaction du désistement d'instance ou d'action le 3 février 2010,

- que la créance de la SA X n'est ni certaine ni liquide et exigible,

- que la résiliation du prêt contracté auprès de la SA X est intervenue le 9 janvier 2002 et que le désistement d'instance par jugement du tribunal de grande instance de Villefranche sur Saône du 3 février 2010 a eu pour effet de rendre non avenus les commandements aux fins de saisie-immobilière délivrés le 25 février 2003,

- qu'aucun acte n'a interrompu la prescription depuis le 9 janvier 2002, en sorte que celle-ci est incontestablement acquise,

- que des pourparlers transactionnels ne sont pas constitutifs d'une reconnaissance de responsabilité interruptive du délai de prescription, et que la prescription n'était pas encore acquise lors des pourparlers transactionnels entre les époux R. et la SA X,

- que le passif exigible prévu dans la cessation des paiements n'est pas établi et que les premiers juges n'ont pas tenu compte de leurs bilans largement bénéficiaires,

- que le jugement déféré n'a pas, pour apprécier l'état de cessation des paiements, tenu compte de leur actif disponible.

Monsieur Bruno R. et Madame Christine R. soutiennent au vu des arguments sus-développés :

- que doit être écarté des débats le listing de la SA X en langue allemande,

- que seul le juge des saisies immobilières du tribunal de grande instance de Villefranche sur Saône a compétence pour interpréter le jugement de désistement d'instance et d'action qu'il a rendu le 3 février 2010,

- que l'action engagée à leur encontre le 8 avril 2010 par la SA X sur la base d'un acte notarié de prêt du 14 février 2010 est forclose,

- que cette dernière ne dispose pas d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible pour en poursuivre l'exécution forcée par voie d'assignation en liquidation ou en redressement judiciaire,

- que la demande en liquidation judiciaire et en redressement judiciaire de la SA X est irrecevable et non fondée,

- que la procédure de redressement judiciaire prononcée a des conséquences manifestement excessives puisqu'elle affecte la SCP Y laquelle n'est pas portée au litige et au sein de laquelle Maître Bruno R., avocat, exerce en qualité d'associé.

Monsieur Bruno R. et Madame Christine R. demandent dès lors à la cour :

- d'arrêter l'exécution provisoire du jugement du tribunal de grande instance de Toulon en date du 3 juillet 2014 ayant prononcé leur redressement judiciaire, [...]".

Les avocats en redressement judiciaire estimaient donc que la procédure diligentée à leur égard par la banque était forclose, car intervenant au-delà du délai d'un an.

Avant de s'intéresser au délibéré de l'arrêt sous commentaire qui reprend la solution à son actif, on notera ici que les avocats tentaient de tourner à leur avantage cette solution qui, pourtant, est critiquable.

En effet, non seulement elle peut conduire à ce que certaines difficultés financières ne soient pas traitées si par exemple les créanciers n'agissent pas dans le délai d'un an étant précisé, d'une part, que l'on peut s'interroger sur le point de départ de ce délai (5), d'autre part, que le tribunal ne peut plus se saisir d'office en la matière depuis l'ordonnance du 12 mars 2014 (6), mais encore et surtout elle revient à nier la notion d'indépendance. Or, en principe, le professionnel libéral, au premier rang duquel se trouve l'avocat, est par essence indépendant (7), quel que soit son mode d'exercice. Confirmant cette indépendance, l'article 2 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat (N° Lexbase : L6025IGA), dispose que "la profession d'avocat est une profession libérale et indépendante quel que soit son mode d'exercice". Certes, les articles 20 et 21 du décret du 25 mars 1993 pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, sur les sociétés d'exercice libéral (N° Lexbase : L3046AIN), énonce que chaque avocat exerçant au sein d'une société d'exercice libéral exerce les fonctions d'avocat au nom de la société. Pour autant, même associé, l'avocat est un professionnel libéral qui exerce à titre indépendant. L'exercice de la profession reste indépendant. Qu'il soit exploitant individuel, salarié, collaborateur, associé d'une société, sociétaire d'une association, voire demain d'entreprise, l'avocat est indépendant.

La solution est d'autant plus critiquable qu'elle manque crucialement de cohérence. La Cour de cassation estime ainsi que le gérant de SARL n'est pas un indépendant et n'est donc pas éligible aux procédures collectives du Livre VI du Code commerce bien qu'il cotise auprès de l'URSSAF (8), tandis que l'associé de SNC est quant à lui à l'inverse bel et bien un indépendant (9), tout comme le gérant d'EARL qui est également indépendant (10), ou encore, sur un registre un peu différent, qu'est valable la clause compromissoire même passée par des non-professionnels dès lors du moins qu'elle est afférente à une cession de contrôle, par nature commerciale, et donc soumise en tant que telle à la compétence du juge consulaire qui, par exception, cède le pas au tribunal arbitral en reconnaissant expressément et paradoxalement l'activité professionnelle (11). On avoue ne plus savoir ce qu'est un professionnel, un indépendant, un commerçant, un agriculteur, etc., les confusions ayant pour source l'amalgame entre la nature de l'acte passé, la qualité de l'auteur passant l'acte, la nature professionnelle ou pas de l'activité, et l'indépendance ou pas du professionnel en exercice.

Les conséquences de cette perte d'indépendance (12), ou plus largement, du passage en société, ont des répercussions jusque sur le terrain procédural (13).

II - Rejet de la demande en suspension de l'exécution provisoire

L'avocat mis en redressement judiciaire demandait la suspension de l'exécution provisoire du jugement au motif que l'assignation de la banque avait été introduite plus d'un an après le passage en société, et qu'elle était dès lors forclose.

Les juges aixois ne font pas droit à cette demande. Voici leur motivation :

"Par application de l'article R. 661-1 du Code du commerce, lorsque les moyens invoqués à l'appui de l'appel apparaissent sérieux le premier Président de la cour d'appel peut arrêter l'exécution provisoire notamment des jugements statuant sur la liquidation judiciaire.

Il est constant que la SA X a indiqué dans ses écritures devant les premiers juges qu'elle était représentée par Maître L. associé de l'AARPI A. avocats au barreau de Strasbourg qu'elle a élu domicile au cabinet de son conseil, et qu'elle a notifié aux époux R. les pièces visées dans l'acte introductif d'instance et celles complémentaires produites au cours de la procédure, en sorte que ces derniers seront déboutés de leur demande tendant à voir annuler l'assignation délivrée le 8 avril 2014 à leur encontre par la société X devant le tribunal de grande instance de Toulon et de leur demande tendant à l'annulation du jugement du tribunal de grande instance de Toulon en date du 3 juillet 2014.

Il est constant que la SA X a délivré le 19 mars 2003 un commandement de saisie-immobilière sur la base du prêt notarié du 14 janvier 2000, et que le juge de l'exécution du tribunal de Villefranche sur Saône a par jugement du 10 janvier 2007 sursis à statuer sur la validité de la saisie immobilière dans l'attente de la décision étrangère sur les intérêts contractuels, la juridiction allemande devant être saisie par les époux R. dans le délai de trois mois suivant la date ou le jugement devenait définitif et que sur contredit la cour d'appel de Lyon a, par arrêt du 27 septembre 2007, confirmé le jugement susvisé, la Cour de cassation ayant rejeté le pourvoi par arrêt du 28 janvier 2009.

Il s'avère qu'en l'absence de saisine de la juridiction allemande la procédure de saisie immobilière a repris son cours jusqu'à la vente de l'immeuble hypothéqué sis à Amplepuis (Rhône) intervenue au mois de janvier 2010.

Force est de constater que le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Villefranche sur Rhône a, par jugement en date du 3 février 2010 donné acte à la SA X de son désistement d'instance et d'action et a constaté l'extinction de l'instance et le dessaisissement du tribunal.

Les époux R. ne sauraient soutenir que le jugement susvisé emporte renonciation par la SA X du solde de sa créance, étant observé que les échanges de courriers entre les parties ne mentionnent aucune renonciation par la SA X du solde de sa créance, et que le juge de l'exécution du tribunal de grande instance susvisé, chambre des criées, n'était pas saisi d'une action en condamnation à paiement de la créance.

S'il est vrai que l'assignation d'un créancier doit intervenir comme le prévoient les articles L. 631-5 et L. 640-5 du Code de commerce dans le délai d'un an à compter de la cessation de l'activité s'il s'agit d'une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale, il n'en demeure pas moins que la SCP Y créée le 2 avril 2010 n'apparaît pas dans l'annuaire professionnel des avocats de l'année 2011 et que seuls figurent dans les tableaux de l'ordre des avocats Maître Bruno R., avocat au barreau de Lyon et Maître Christine R. avocat au barreau de Toulon et que des vérifications de comptabilité ont été décidées en mars 2014 à l'égard de ces derniers et non de la SCP précitée, étant précisé que Maître Christine R. a toujours exercé à titre individuel.

Il n'est pas sans intérêt de rappeler que les appelants ont accepté dans le cadre de la procédure de saisie-immobilière engagée à leur encontre par la SA X de procéder à la vente de l'appartement sis à Amplepuis (Rhône), que le prix de cette vente a été remis par ces derniers à la SA X pour être imputé sur la créance, de sorte que cette dernière est fondée à invoquer la reconnaissance par les débiteurs de l'existence de leur dette et du caractère interruptif de l'acte de vente.

Les époux R. ne sauraient dès lors soutenir qu'aucun acte n'a interrompu la prescription quinquennale prévue par l'article 2224 du Code civil depuis le 9 janvier 2002 date de la résiliation du prêt qui leur a été consenti le 14 janvier 2000, et que la créance de la SA X à leur égard est prescrite.

Il est acquis au vu des pièces produites que l'existence d'un reliquat de créance est établie, en l'occurrence la somme de 67 940,42 euros représentant le solde en principal, la somme de 7 601,95 euros au titre des intérêts échus et impayés au 3 juillet 2014, et celle de 5 393,40 euros au titre des frais exposés.

Il n'est pas indifférent de relever que Maître B. huissier de justice à Toulon, a mentionné dans son procès-verbal en date du 25 novembre 2013 que les époux R. ne possédaient aucun actif saisissable.

Il apparaît en outre que ces derniers ne rapportent pas la preuve qu'ils peuvent faire face à leur passif exigible étant rappelé que l'état de cessation des paiements peut être retenu quand bien même la créance serait discutée dans son montant.

Il s'avère que le décompte actualisé de la créance de la SA X en date du 3 juillet 2014 produit en la cause par cette dernière a certes été traduit en langue française, de façon imparfaite mais qu'il y a cependant lieu de rejeter la demande de Monsieur Bruno R. et de Madame Christine R. tendant à voir écarter des débats ledit décompte, la créance de l'intimée étant justifiée.

Il convient au regard des développements susvisés de rejeter la demande de Monsieur Bruno R. et de Madame Christine R. tendant à voir ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 3 juillet 2014 [...]".

Si les faits laissent apparaître divers éléments sur lesquels nous ne reviendrons pas, on comprend en somme que les avocats exerçant en société n'obtiennent pas la suspension de l'exécution provisoire du jugement les plaçant en redressement judiciaire et ce, parce que l'assignation de la banque créancière respectait le délai d'un an.

Quelle preuve a-t-on du respect de ce délai ? Au-delà de l'interruption de prescription, le fait que la société -SCP en l'occurrence- créée le 2 avril 2010 n'apparaissait pas dans l'annuaire professionnel des avocats de l'année 2011 et que seuls figurent dans les tableaux de l'Ordre des avocats les deux époux intéressés pris en tant que personnes physiques, avocats inscrits au barreau (de Toulon), d'autant plus que des vérifications de comptabilité ont été décidées en mars 2014 à l'égard encore une fois de ces derniers en tant que personnes physiques et non de la SCP précitée.

En d'autres termes, si la SCP avait été immatriculée au RCS, elle n'avait visiblement pas été prise en compte au niveau de l'Ordre. Or, l'inscription auprès de l'Ordre, ou plutôt ici l'absence d'inscription (dont les raisons peuvent être diverses), l'emporte sur l'immatriculation au RCS. En effet, l'originalité de la SCP d'avocats réside en ce qu'elle est nécessairement constituée sous la condition suspensive de son inscription auprès d'un barreau (14), comme la SEL d'ailleurs. Les futurs associés doivent ainsi déposer leurs statuts auprès de l'Ordre dont la future société dépendra, en sollicitant du conseil dudit Ordre l'inscription de la société. La demande est adressée par courtoisie au Bâtonnier, mais c'est bel et bien le conseil qui, juridiquement, a la pouvoir d'inscrire, ou pas, la société, en émettant un avis favorable ou défavorable. Une fois la société (en formation) inscrite au barreau, les associés produisent au greffe une ampliation de cette décision d'inscription (15), ainsi que tous les documents habituellement produits pour toute création de société (16). Autrement dit, les avocats continuaient à exercer individuellement, faute pour la société d'exister aux yeux du barreau concerné, les empêchant dès lors de demander l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement les plaçant en redressement judiciaire.

La configuration dans laquelle se sont ainsi retrouvés les avocats est à notre connaissance inédite et assez exceptionnelle.

En conclusion, on rappellera l'article R. 661-1 du Code de commerce (17) qui a été réformé par le décret d'application n° 2014-736 du 30 juin 2014 (art. 115 N° Lexbase : L5913I3E) de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 du 12 mars 2014 (N° Lexbase : L7194IZH). Voici les modifications :

Alinéa 1er - Les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, "de redressement et de liquidation judiciaires" remplacé par : "de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire" sont exécutoires de plein droit à titre provisoire.

Alinéa 2 (sans changement) - Toutefois, ne sont pas exécutoires de plein droit à titre provisoire les jugements et ordonnances rendus en application des articles L. 622-8, L. 626-22, du premier alinéa de l'article L. 642-20-1, de l'article L. 651-2, des articles L. 663-1 à L. 663-4 ainsi que les décisions prises sur le fondement de l'article L. 663-1-1et les jugements qui prononcent la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8.

Alinéa 3 - "Par dérogation aux dispositions de l'article 524 du Code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire que des décisions mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 5°, 6° et 8° du I de l'article L. 661-1, et lorsque les moyens invoqués à l'appui de l'appel paraissent sérieux. Dans les mêmes conditions, le premier président de la cour d'appel peut arrêter l'exécution provisoire des décisions qui ne sont pas exécutoires de plein droit" remplacé par : "Par dérogation aux dispositions de l'article 524 du Code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l'appui de l'appel paraissent sérieux". L'exécution provisoire des décisions prises sur le fondement de l'article L. 663-1-1 peut être arrêtée, en outre, lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Dès le prononcé de la décision du premier président arrêtant l'exécution provisoire, le greffier de la cour d'appel en informe le greffier du tribunal (sans changement).

Alinéa 4 - En cas d'appel du ministère public d'un jugement mentionné aux articles L. 645-11 (ajouté), L. 661-1, à l'exception du jugement statuant sur l'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, L. 661-6 et L. 661-11, l'exécution provisoire est arrêtée de plein droit à compter du jour de cet appel. Le premier président de la cour d'appel peut, sur requête du procureur général, prendre toute mesure conservatoire pour la durée de l'instance d'appel.

La modification la plus importante concerne l'alinéa 3 du texte, le reste ne concernant que l'intégration du rétablissement professionnel. La rédaction de cet alinéa 3 évolue vers une mouture plus simple, les décisions de justice relatives aux procédures de collectives pouvant toujours être classée en deux catégories, à savoir les jugements et ordonnances exécutoires de plein droit à titre provisoire et les jugements et ordonnances non exécutoires de plein droit à titre provisoire. De plus, que les jugements et ordonnances soient exécutoires de plein droit à titre provisoire ou pas, le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, peut en arrêter l'exécution provisoire, toujours en démontrant des moyens sérieux. En droit commun en revanche, le référé premier président est cantonné aux conséquences manifestement excessives (C. proc. civ., art. 524 N° Lexbase : L6668H74).

Quoi qu'il en soit, l'exercice en société n'étant pas effectif à l'époque des faits, à défaut pour la société d'exister, les avocats en redressement judiciaire ne sauraient tirer avantage d'une solution jurisprudentielle soumettant l'assignation des créanciers en ouverture de procédures collectives à un délai d'un an, inapplicable en l'espèce, faute pour les avocats de démontrer leur qualité d'associé.


(1) H. Lécuyer, Les nouveaux débiteurs, Rev. proc. coll., 2006, p. 332 ; R. Martin et P. Neveu, L'application à la profession d'avocat de la loi du 26 juillet 2005 sur la sauvegarde des entreprises, JCP éd. G, 2006, I, 125 ; T. Favario, L'avocat en difficulté (Application de la loi de sauvegarde à l'avocat exerçant en nom), Bull. Joly 2006, p. 691 ; N. Vignal, L'extension du droit des entreprises en difficulté aux professions libérales, in La loi du 26 juillet 2005 sur la sauvegarde des entreprises, PUAM, 2006, p. 31 ; S. Rétif, L'extension des procédures collectives aux professions libérales, Dr. et patrimoine, mars 2006, p. 95 ; C. Lisanti, L'originalité des procédures collectives, in Dossier "Les Groupements libéraux", Journal des sociétés, n° 76, mai 2010, p. 38, spéc. p. 39 ; A. Cerati-Gauthier, Application de la loi de sauvegarde des entreprises aux professions libérales, JCP éd. E, 2008 2436. V. avant la réforme, B. Soinne, Profession libérale et procédure collective, Rev. proc. coll. 1997, p. 377.
(2) Avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005, l'avocat associé d'une SCP, solidairement et indéfiniment tenu du passif social, pouvait se voir étendre la procédure ouverte contre la société (C. com., art. L. 624-1 : Cass. com. 22 mai 2007, n° 06-12.193 N° Lexbase : A5223DWD, Bull. civ. IV, n° 139 ; Act. proc. coll., 2007, n° 138, obs. S. Rétif ; Rev. proc. coll., 2007, p. 167, obs. Ch. Lebel ; Dr. sociétés, 2007, n° 178, note J.-P. Legros ; D., 2007, p. 1668). Cette disposition a été supprimée par la loi de sauvegarde.
(3) Cass. com., 9 février 2010, trois arrêts, n° 08-15.191 (N° Lexbase : A7436ERT), n° 08-17.144 (N° Lexbase : A7437ERU), n° 08-17.670 (N° Lexbase : A7438ERW), FS-P+B+R+I, Bull. civ. IV, n° 35, 36 et 38 ; D., 2010. Chron. C. cass. p. 1113, obs. Orsini ; D., 2010, AJ, p. 434, obs. A. Lienhard ; RTDCom., 2010, p. 391, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ; Defrénois, 2010, p. 1474, obs. D. Gibirila ; JCP éd. E, 2010, 1296, spéc. n° 1, obs. Ph. Pétel et 1267, note A. Cerati-Gauthier ; JCP éd. G, 2010, 220 et 602, note J.-J. Barbièri ; LEDEN, mars 2010, p. 1, obs. F.-X. Lucas ; Act. proc. coll., 2010, n° 70, obs. J. Vallansan ; Dr. Sociétés, 2010, n° 76, note J.-P. Legros ; Gaz. Pal., 14-16 mars 2010, p. 8, note M.-P. Dumont-Lefrand ; Gaz. Pal., 2-3 juillet 2010, p. 19, obs. F. Reille ; Rev. proc. coll., 2010, n° 131, obs. Ch. Lebel, et n° 148, obs. B. Saintourens ; RJDA, 2010, n° 538 ; BJS, 2010. 489, note J.-J. Daigre ; Dr. et patr., octobre 2010, 83, obs. C. Saint-Alary-Houin et M.-H. Monsèrié-Bon ; BJED, mars 2011, p. 12, note V. Martineau-Bourgninaud ; Rev. proc. coll., 2010, étude 6, concl. R. Bonhomme ; RJDA, 5/10, n° 538, et 6/10, p. 564, chron. D. Gibirila.
(4) Pour un chirurgien-dentiste passé d'un exercice individuel à un exercice en SELEURL : Cass. com., 16 septembre 2014, n° 13-17.147, F-P+B (N° Lexbase : A8462MWC), D., 2014, p. 1869 ; BJS, 2014, note à paraître, note J.-F. Barbièri ; JCP éd. E, 2014, 1550, note A. Cerati-Gauthier ; Journal des sociétés, novembre 2014, chron. CEDI, à paraître, nos observations. Pour une infirmière libérale : CA Paris, 3ème ch., sect. A, 20 novembre 2007, RG n° 07/03 359 (N° Lexbase : A8583D3B), BJS, 2008, p. 210, note N. Tagliarino-Vignal, et Cass. com., 17 mai 2011, n° 10-13.460 (N° Lexbase : A2867HRM), BJED, 2011, p. 240, note N. Tagliarino-Vignal.
(5) L'article L. 631-5 du Code de commerce impose d'agir dans le délai d'un an à compter du retrait du débiteur. Lorsque la cessation d'activité est effective, le texte fixe le point de départ du délai d'un an à compter "de la cessation de l'activité, s'il s'agit d'une personne exerçant une activité artisanale, d'un agriculteur ou d'une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé". Mais, à propos d'un avocat, cela dépend des circonstances. Ainsi, le point de départ peut être la date à laquelle il a été omis du tableau de l'Ordre des avocats (CA Paris, 3ème ch., sect. B, 6 septembre 2007, n° 07/02072 N° Lexbase : A3951DYY, refusant de tenir compte des cessations temporaires d'activité liées à l'état de santé de l'intéressé ; V. toutefois à propos d'un médecin, CA Aix-en-Provence, 8ème ch., sect. C, 20 décembre 2007, RG n° 07/07026 N° Lexbase : A9179E4Q : "la cessation de l'activité est une notion de fait dont la preuve peut être rapportée librement et qui n'est pas subordonnée à la radiation des inscriptions auprès des organismes administratifs et sociaux"). Le point de départ peut être également la date d'entrée de l'avocat dans la société, lorsque l'avocat reste inscrit et passe simplement d'un exercice individuel à un exercice en société. Et alors de deux choses l'une : si la société est constituée à cette occasion, l'entrée dans la société est concomitante à la signature du pacte social voire à l'immatriculation de la société ; si l'avocat entre dans la société en cours de vie sociale, on devrait faire courir le délai d'un an à compter de la souscription de l'associé au capital de la société en cas d'augmentation de capital ou à compter du transfert de droits sociaux en cas de cession.
(6) Mais il peut informer le ministère public par une note exposant les faits de nature à motiver la saisine du tribunal (C. com., art. L. 631-3-1 N° Lexbase : L7264IZ3). De plus, la demande peut émaner du débiteur ou du ministère public, sans condition de délai.
(7) Cf. art. 29, I, de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives (N° Lexbase : L5099ISN) : "I. - Les professions libérales groupent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité de nature généralement civile ayant pour objet d'assurer, dans l'intérêt du client ou du public, des prestations principalement intellectuelles, techniques ou de soins mises en oeuvre au moyen de qualifications professionnelles appropriées et dans le respect de principes éthiques ou d'une déontologie professionnelle, sans préjudice des dispositions législatives applicables aux autres formes de travail indépendant".
(8) Cass. com., 12 novembre 2008, n° 07-16.998, FS P+B+R+I (N° Lexbase : A2091EB3), Bull. civ. IV, n° 191 ; D., 2008, p. 2929, obs. A. Lienhard, JCP éd. E, 2009, 1023, note Ch. Lebel ; Dr. sociétés, 2009, comm. 15, note J.-P. Legros ; BJS, 2009, p. 278, note P.-M. Le Corre ; Defrénois, 2009, 1397, obs. D. Gibirila ; Rev. Sociétés, 2009, p. 607, note Ph. Roussel Galle ; Dr. & patr., septembre 2009, p. 107, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ; Cass. civ. 2, 21 janvier 2010, n° 08-19.984 (N° Lexbase : A4641EQX), Bull. civ. II, n° 20 ; D., 2010, p. 321, obs. A. Lienhard ; RTDCom., 2010, p. 437, obs. G. Paisant ; JCP éd. E, 2010, 1296, n° 2, obs. Ph. Pétel, JCP éd. E, 2010, 1357, note Ch. Lebel, LEDEN, avril 2010, p. 3, obs. P. Rubellin ; Defrénois, 2010, 1472, obs. D. Gibirila, RJ com., 2010, p. 305, note J.-P. Sortais.
(9) Cass. civ. 2, 5 décembre 2013, n° 11-28.092, F-P+B (N° Lexbase : A8437KQK), D. actu., 11 décembre 2013, et D., 2013, actu. p. 2911, obs. A. Lienhard, JCP éd. E, 2014, 1021, note A. Cerati-Gauthier et 1173, spéc. n° 1, obs. Ph. Pétel ; BJS, mars 2014, p. 184, note F.-X. Lucas ; Rev. Sociétés, 2014, p. 199, obs. L.-C. Henry ; JCP éd. G, 2014, 96, note Ph. Roussel-Galle ; LEDEN, janvier, 2014, p. 2, obs. I. Parachkévova ; Act. proc. coll., 2014, n° 20, obs. N. Borga ; LPA, 5 février 2014, note Nemoz-Rajot ; RLDA, février 2014, 16, obs. H. Guyader ; BJED, 2014, p. 78, note J.-P. Sortais ; Dr. Sociétés, mai 2014, 89, note J.-P. Legros ; Rev. proc. coll., 2014, n° 42, obs. Gjidara-Decaix, et n° 51 (Rev. proc. coll. 2/2014, p. 29), obs. B. Saintourens ; Dr. et patrim., septembre 2014, p. 103, note F. Macorig-Venier ; Rev. Sociétés, 2014, p. 443, note A. Quiquerez ; et les obs. de V. Téchené, Possibilité d'ouvrir une procédure collective à l'encontre d'un associé de SNC, Lexbase Hebdo n° 365 du 16 janvier 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N0224BUT). V. égal. Ch. Lebel, Eligibilité des associés de certaines sociétés de personnes aux procédures collectives, JCP éd. E, 2014, Etude 1207 ; A. Albarian, B. Brignon et Ph. Mouron, Droit commercial Sociétés commerciales, 2014, Lamy Axe droit, n° 169.
(10) Cass. com., 4 novembre 2014, n° 13-20.711, inédit (N° Lexbase : A9251MZN) ; BJED 2014, note à paraître, A. Cerati-Gauthier : le gérant d'une société exploitant une activité agricole, affilié à la mutualité sociale agricole pour être réputé participer à titre personnel aux travaux agricoles par son travail de gestion juridique et financière, est soumis aux procédures collectives.
(11) Cass. civ. 1, 22 octobre 2014, n° 13-11.568, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8071MYL), BJS, décembre 2014, p. 685, note J.-F. Barbièri ; nos obs., Cession de contrôle et clause compromissoire, Lexbase Hebdo n° 403 du 27 novembre 2014 - édition affaires (N° Lexbase : N4745BUB).
(12) Sur lesquelles V., A. Cerati-Gauthier, Avocat et droit des entreprises en difficulté in Dossier "Avocat et droit des affaires", Journal des sociétés, janvier 2012, n° 94, p. 26 ; J.-F. Barbièri, Exercice professionnel en SEL : responsabilités civiles, in Dossier "Le renouveau des SEL et des SPFPL", Journal des sociétés, février 2014, p. 27, spéc. n° 12 ; A. Reygrobellet, Responsabilités professionnelles et sociétés d'exercice professionnel, in Les Cahiers du chiffre et du droit : RJ com., 2013, p. 31 ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" (N° Lexbase : E2411EUT). Adde nos obs., L'impact des réformes 2014 des procédures collectives sur la profession d'avocat, Lexbase Hebdo n° 181 du 6 novembre 2014 - édition professions (N° Lexbase : N4447BUA).
(13) V. égal. Cass. civ. 2, 25 septembre 2014, n° 13-24.642, F-P+B (N° Lexbase : A3174MXT), BJS, novembre 2014, p. 438, note J.-F. Barbièri : l'avocat constitué par une partie qui délaisse l'exercice individuel de sa profession pour continuer de l'exercer dans une société d'avocats ne cesse pas pour autant de représenter cette partie.
(14) Décret n° 92-680, 20 juillet 1992, art. 3.
(15) J. de Mourzitch, JurisClasseur Sociétés Formulaires, Fasc. S-140, Société civile professionnelle d'avocats - Constitution - Statuts.
(16) B. Brignon, La SCP d'avocats : constitution et fonctionnement d'une société pleine d'avenir ?, Dr. Sociétés, mai 2011, alerte 18.
(17) Sur lequel V., Cass. com., 1er octobre 2013, n° 12-23.999, FS-P+B (N° Lexbase : A3238KMU) : et nos obs., Cheminement procédural d'une vente d'actif en liquidation judiciaire : lorsque l'acheteur ne veut plus acheter ! Lexbase Hebdo n° 357 du 7 novembre 2013 - édition affaires (N° Lexbase : N9196BTR).

newsid:445078

Avocats/Procédure

[Brèves] Articulation entre aide juridictionnelle et assurance de protection juridique

Réf. : Décret n° 2014-1502 du 12 décembre 2014, relatif aux demandes d'aide juridictionnelle en cas de prise en charge par un dispositif de protection juridique (N° Lexbase : L0159I7Z)

Lecture: 1 min

N5087BUX

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/22018580-edition-n-595-du-18122014#article-445087
Copier

Le 20 Décembre 2014

A été publié au Journal officiel du 14 décembre 2014 le décret n° 2014-1502 du 12 décembre 2014, relatif aux demandes d'aide juridictionnelle en cas de prise en charge par un dispositif de protection juridique (N° Lexbase : L0159I7Z). Ce texte, pris pour l'application des articles 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique (N° Lexbase : L8607BBE), et 33 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 (N° Lexbase : L0627ATE), a pour objectif d'améliorer l'articulation entre l'aide juridictionnelle et l'assurance de protection juridique en évitant le dépôt des demandes d'aide juridictionnelle si l'assureur peut prendre en charge le litige. Si le demandeur de l'aide juridictionnelle a déclaré disposer d'un contrat ou d'une garantie de protection juridique qui ne couvre pas les frais du procès et notamment la rémunération des auxiliaires de justice, il devra fournir une attestation de non-prise en charge délivrée par son assureur à l'appui de sa demande (décret n° 91-1266, art. 34, 9, nouv.). Un arrêté du 12 décembre 2014, publié le même jour, fixe le modèle de cette attestation (NOR : JUST1417223A N° Lexbase : L0185I7Y) (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E9616ETC).

newsid:445087

Avocats/Procédure

[Brèves] AJ : les délais impartis pour conclure courent à compter de la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive

Réf. : Cass. civ. 3, 3 décembre 2014, n° 13-25.330, FS-P+B (N° Lexbase : A0652M7B)

Lecture: 1 min

N5015BUB

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/22018580-edition-n-595-du-18122014#article-445015
Copier

Le 20 Décembre 2014

Le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance d'un avocat et les délais impartis pour conclure courent à compter de la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive. Tel est le principe énoncé par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 3 décembre 2014 (Cass. civ. 3, 3 décembre 2014, n° 13-25.330, FS-P+B N° Lexbase : A0652M7B). En l'espèce, la société A., propriétaire d'un foyer-résidence, a assigné M. B., résident, aux fins d'acquisition de la clause résolutoire et d'expulsion. Pour dire qu'il n'y a pas lieu à révocation de l'ordonnance de clôture, ni admission des conclusions sur le principal signifiées au nom de M. B. le 12 décembre 2012, la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 29 janvier 2013 (CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 29 janvier 2013, n° 12/11935 N° Lexbase : A0865I4S), retient que l'absence de l'avocat suivant le dossier, la signification par voie électronique (RPVA) de conclusions antérieures et le fait que l'appelante a conclu le 10 décembre au soir pour une clôture le 11 suivant ne constituent pas des causes graves s'étant révélées postérieurement à l'ordonnance de clôture et que la société A. n'a fait que répondre, dans ses dernières conclusions à celles de M. B. et n'a développé ni prétention nouvelle, ni moyen nouveau. L'arrêt sera censuré par la Haute juridiction au visa des articles 25 de la loi du 10 juillet 1991 (N° Lexbase : L8607BBE) et 38-1 du décret du 19 décembre 1991 (N° Lexbase : L0627ATE), ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) : en statuant ainsi, alors que l'aide juridictionnelle totale avait été accordée à M. B le 10 décembre 2012, la cour d'appel, qui a constaté que celui-ci avait constitué avocat mais n'avait pas déposé au greffe des conclusions avant l'ordonnance de clôture du 11 décembre 2012, a violé les textes susvisés (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0420E7P).

newsid:445015

Construction

[Brèves] Obligation d'information et de conseil, à la charge du maître d'oeuvre chargé d'une mission de surveillance des travaux et à l'égard du maître de l'ouvrage, concernant la présence d'un sous-traitant

Réf. : Cass. civ. 3, 10 décembre 2014, n° 13-24.892, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1169M7G)

Lecture: 2 min

N5070BUC

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/22018580-edition-n-595-du-18122014#article-445070
Copier

Le 20 Décembre 2014

Le maître d'oeuvre chargé d'une mission de surveillance des travaux a pour obligation d'informer le maître de l'ouvrage de la présence d'un sous-traitant et de lui conseiller de se le faire présenter et, le cas échéant, de l'agréer et de définir les modalités de règlement de ses situations. Tel est l'apport de l'arrêt rendu le 10 décembre 2014 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 10 décembre 2014, n° 13-24.892, FS-P+B+I N° Lexbase : A1169M7G). En l'espèce, le syndicat des copropriétaires avait confié la réfection de ses "parkings" et aires de circulation à la société V., laquelle avait sous-traité le lot de reprise des revêtements des places de stationnement à la société C.. Cette société, après production de sa créance à la procédure collective de la société V. placée en redressement judiciaire, avait assigné le syndicat en règlement de ses travaux sur le fondement de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 (N° Lexbase : L5127A8E) ; le syndicat avait appelé en garantie la société S. en qualité de maître d'oeuvre. Cette dernière faisait grief à l'arrêt de la condamner à garantir le syndicat de la condamnation prononcée au profit de la société C., soutenant que le simple fait que le maître d'oeuvre ait été chargé d'une mission de direction et de surveillance du chantier ne pouvait suffire à faire peser sur lui une obligation de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage relativement à la nécessité de se faire présenter et d'agréer les sous-traitants, et que seul un mandat expressément donné sur ce point par le maître de l'ouvrage était de nature à faire naître une telle obligation ; aussi, selon la société requérante, en estimant dès lors que la société S., maître d'oeuvre, avait manqué à son obligation de conseil vis-à-vis du maître de l'ouvrage, au seul motif que le bureau d'études techniques avait assumé une "mission de direction et de surveillance du chantier" et que, "dans ce cadre, il lui appartenait de conseiller le maître de l'ouvrage, non spécialiste de la construction, sur la nécessité de faire présenter et le cas échéant d'agréer les sous-traitants", la cour d'appel avait méconnu les principes susvisés et avait violé l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 et l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT). L'argument est écarté par la Haute juridiction approuvant les juges d'appel qui, ayant énoncé le principe précité, avaient pu en déduire que la société S. était tenue à garantie.

newsid:445070

Discrimination et harcèlement

[Brèves] Régime particulier de preuve applicable à la victime d'un harcèlement moral : non-application au salarié qui n'est pas partie au litige

Réf. : CE 4° et 5° s-s-r., 10 décembre 2014, n° 362663, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6164M7G)

Lecture: 2 min

N5107BUP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/22018580-edition-n-595-du-18122014#article-445107
Copier

Le 20 Décembre 2014

Le régime particulier de preuve prévu par le Code du travail au bénéfice du salarié s'estimant victime de harcèlement moral n'est pas applicable lorsque survient un litige, auquel ce dernier n'est pas partie, opposant un employeur à l'un de ses salariés auquel il est reproché d'être l'auteur de tels faits. Pour apprécier si des agissements sont constitutifs d'un harcèlement moral, l'inspecteur du travail doit, sous le contrôle du juge administratif, tenir compte des comportements respectifs du salarié auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et du salarié susceptible d'en être victime, indépendamment du comportement de l'employeur ; il appartient, en revanche, à l'inspecteur du travail, lorsqu'il estime, par l'appréciation ainsi portée, qu'un comportement de harcèlement moral est caractérisé, de prendre en compte le comportement de l'employeur pour apprécier si la faute résultant d'un tel comportement est d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement ; commet une erreur de droit la cour administrative d'appel (CAA Marseille, 10 juillet 2012, n° 11MA01556 N° Lexbase : A4002IRN) qui tient compte, pour écarter la qualification de harcèlement, du système de management mis en place par l'employeur ainsi que de l'inaction prolongée de ce dernier face aux agissements de sa salariée. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 10 décembre 2014 (CE 4° et 5° s-s-r., 10 décembre 2014, n° 362663, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6164M7G). Dans cette affaire, par une décision du 22 décembre 2008, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser l'association S. à licencier pour faute Mme A., médecin du travail employée par cette association, qui lui reprochait des agissements considérés comme constitutifs de harcèlement moral à l'encontre de trois secrétaires médicales. Par une décision du 18 juin 2009, le ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville a confirmé ce refus en rejetant le recours hiérarchique formé par l'association contre la décision de l'inspecteur. Par un arrêt du 10 juillet 2012 contre lequel cette association se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel a rejeté l'appel formé par cette dernière contre le jugement du tribunal administratif rejetant sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux décisions.
Rappelant la règle susvisée, le Conseil d'Etat considère que l'association est fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0280E7I).

newsid:445107

Droit des étrangers

[Brèves] Droit d'être entendus des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière : la CJUE apporte des précisions

Réf. : CJUE, 11 décembre 2014, aff. C-249/13 (N° Lexbase : A2151M7S)

Lecture: 2 min

N5128BUH

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/22018580-edition-n-595-du-18122014#article-445128
Copier

Le 20 Décembre 2014

Dans un arrêt rendu le 11 décembre 2014, la CJUE précise la portée du droit d'être entendus des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière (CJUE, 11 décembre 2014, aff. C-249/13 N° Lexbase : A2151M7S). La Directive (CE) 2008/115 du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (N° Lexbase : L3289ICS), décrit les normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, mais ne précise pas si, et dans quelles conditions, doit être assuré le respect du droit des ressortissants de pays tiers d'être entendus avant l'adoption d'une décision de retour les concernant. Une décision de retour doit être prise à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers, dès lors que l'irrégularité du séjour de ce dernier a été constatée et il doit pouvoir exprimer son point de vue sur la légalité de son séjour, ainsi que sur les modalités des conditions de son retour (voir CJUE, 5 novembre 2014, aff. C-166/13 N° Lexbase : A6445MZQ). En outre, l'autorité nationale compétente n'est pas tenue de prévenir le ressortissant de ce qu'elle envisage d'adopter à son égard une décision de retour, ni de lui communiquer les éléments sur lesquels elle entend fonder cette décision, ni de lui laisser un délai de réflexion avant de recueillir ses observations. S'agissant de la question de savoir si le droit d'être entendu comprend le droit de bénéficier de l'assistance d'un conseil lors de l'audition, la CJUE répond que le droit à l'assistance juridique n'est prévu par la Directive (CE) 2008/115 que dans le cadre des recours intentés contre les décisions de retour. Elle précise, cependant, qu'un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier peut toujours faire appel, à ses frais, à un conseil juridique afin de bénéficier d'une assistance juridique lors de son audition, à condition que l'exercice de ce droit n'affecte pas le bon déroulement de la procédure de retour et ne compromette pas la mise en oeuvre efficace de la Directive. Les Etats membres ne sont pas tenus de prendre en charge cette assistance dans le cadre de l'aide juridique gratuite .

newsid:445128

Droit des étrangers

[Brèves] Droit de séjour des étrangers parents de citoyens mineurs de l'Union : illégalité du refus d'octroi du titre de séjour dès lors que les conditions de ressources sont remplies

Réf. : CE référé, 9 décembre 2014, n° 386029, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1168M7E)

Lecture: 2 min

N5073BUG

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/22018580-edition-n-595-du-18122014#article-445073
Copier

Le 20 Décembre 2014

Dans une ordonnance rendue le 9 décembre 2014, le Conseil d'Etat rappelle que le parent d'un mineur citoyen de l'Union européenne qui en assume la charge dispose d'un droit au séjour, même s'il n'est pas lui-même ressortissant de l'Union, dès lors que les conditions tenant au niveau des ressources et à l'assurance maladie des intéressés sont remplies (CE référé, 9 décembre 2014, n° 386029, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1168M7E). Une ressortissante camerounaise, dont la fille mineure est ressortissante espagnole, avait demandé au préfet de la Loire-Atlantique de lui accorder un titre de séjour. Devant le refus du préfet, elle avait saisi, dans le cadre d'une procédure d'urgence, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes. Par une ordonnance du 25 novembre 2014, celui-ci a rejeté sa demande. Saisi d'un appel de cette ordonnance, le juge des référés du Conseil d'Etat rappelle que les dispositions combinées de l'article 20 du TFUE (N° Lexbase : L2507IPK), telles qu'interprétées par la CJUE (voir, dans le même sens, CJUE, aff. C-413/99 du 17 septembre 2002 N° Lexbase : A3665AZR, aff. C- 200/02 du 19 octobre 2004 N° Lexbase : A6217DDM, aff. C-34/09 du 8 mars 2011 N° Lexbase : A8752G4W, aff. C-86/12 du 10 octobre 2013 N° Lexbase : A4727KMZ), confèrent au ressortissant mineur d'un Etat membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un Etat tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil, à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes. Ces conditions étant bien remplies en l'espèce, la mère et l'enfant ne pouvaient pas se voir refuser le droit de séjourner en France. En leur refusant un titre de séjour, le préfet a donc porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales qui découlent du statut de citoyen de l'Union. Le juge des référés du Conseil d'Etat a donc enjoint au préfet de réexaminer la demande de titre de séjour (cf. l’Ouvrage "Droit des étrangers" N° Lexbase : E4333EY7).

newsid:445073

Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique de droit des entreprises en difficulté - Décembre 2014

Lecture: 11 min

N5104BUL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/22018580-edition-n-595-du-18122014#article-445104
Copier

par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Sophia-Antipolis

Le 20 Décembre 2014

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Sophia-Antipolis, Co-directrice du Master 2 Droit des difficultés d'entreprise, Membre du CERDP (EA 1201), retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Emmanuelle Le Corre-Broly commente un arrêt publié au Bulletin, rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 18 novembre 2014, répondant à la question de savoir si, lorsque la résiliation de plein droit est acquise pour défaut de paiement de loyers antérieurs à l'ouverture de la procédure du preneur, le crédit-bailleur peut, après l'ouverture de la procédure collective, poursuivre ou introduire une action en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire (Cass. com., 18 novembre 2014, n° 13-23.997, F-P+B). Le Professeur Le Corre a sélectionné, quant à lui, un arrêt rendu par la cour d'appel de Toulouse le 3 décembre 2014 relatif à la fin de non-recevoir atteignant l'assignation en redressement ou en liquidation judiciaire tirée de l'existence d'une conciliation en cours (CA Toulouse, 3ème ch., sect. 2, 3 décembre 2014 n° 14/05510).
  • Constat de l'acquisition de la clause résolutoire en matière de crédit-bail immobilier et de bail des locaux professionnels : dualité de régime (Cass. com., 18 novembre 2014, n° 13-23.997, F-P+B N° Lexbase : A9374M3L ; cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E5056EUS)

Les contrats de crédit-bail, notamment ceux portant sur des immeubles, comportent une clause de style prévoyant la résiliation de plein droit du contrat en cas de défaut de paiement de loyers. Lorsque la résiliation de plein droit est acquise pour défaut de paiement de loyers antérieurs à l'ouverture de la procédure du preneur, le crédit-bailleur peut-il, après l'ouverture de la procédure collective, poursuivre ou introduire une action en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire ? C'est sur cette question que s'est prononcé la Chambre commerciale de la Cour de cassation par un arrêt du 18 novembre 2014, appelé à la publication au Bulletin.

Dans l'espèce rapportée, des crédit-bailleurs immobiliers avaient obtenu du juge des référés le constat de l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le contrat. Le crédit-preneur avait alors interjeté appel de l'ordonnance du juge des référés avant d'être placé en liquidation judiciaire. La cour d'appel avait alors rejeté la demande des crédit-bailleurs au motif que l'acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement de loyers du crédit-bail immobilier n'avait pas été constatée par une décision passée en force de chose jugée au jour de l'ouverture de la procédure collective (CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 2 juillet 2013, n° 12/21068 N° Lexbase : A7673MTD). En statuant de la sorte, la cour d'appel avait, à tort, fait application, en matière de crédit-bail immobilier, des règles propres au bail commercial.

Sur le pourvoi formé par les crédit-bailleurs, l'arrêt d'appel est cassé au visa des articles 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) et L. 622-21 du Code de commerce (N° Lexbase : L3452ICT), la Chambre commerciale jugeant que la cour d'appel a violé ces textes dès lors que "l'article L. 622-21 du Code de commerce ne fait pas obstacle à l'action aux fins de constat de la résolution d'un contrat de crédit-bail immobilier par application d'une clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du crédit-preneur".

La position de la Chambre commerciale n'étonne guère. Cet arrêt ne fait en effet que rappeler une solution antérieurement adoptée (1) qui, en droit, ne peut qu'être approuvée. En effet, en matière de contrat de crédit-bail, aucun texte n'interdit au cocontractant d'obtenir, après jugement d'ouverture, une décision définitive constatant le jeu d'une clause résolutoire antérieurement au jugement d'ouverture. Seule l'action qui tend au prononcé -et non au seul constat- de la résiliation d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent antérieurement au jugement d'ouverture est interdite ou interrompue après jugement d'ouverture par l'article L. 622-21 du Code de commerce.

Si la solution est à l'abri de toute critique sur le plan strictement juridique, elle peut cependant apparaître peu opportune lorsque le contrat concerné est un contrat de crédit-bail immobilier portant sur les locaux professionnels abritant l'activité de l'entreprise en difficulté (2).

Force est, en effet, de constater une dualité de régime inopportune, selon que les locaux mis à la disposition de l'entreprise en difficulté le sont en vertu d'un bail commercial ou en exécution d'un contrat de crédit-bail. A l'image des contrats de crédit-bail immobiliers, les baux commerciaux contiennent également une clause de style prévoyant la résiliation de plein droit du contrat pour défaut de paiement de loyers. Cependant, en matière de baux commerciaux, pour que cette clause résolutoire ait joué au jour du jugement d'ouverture et que le contrat ne soit donc plus en cours au jour du jugement d'ouverture, plusieurs conditions doivent être réunies à cette date, dans le respect de l'article L. 145-41 du Code de commerce (N° Lexbase : L5769AII) :

- il faut qu'ait été délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire et que celui-ci soit resté infructueux, c'est-à-dire que le paiement n'ait pas été effectué dans le mois du commandement ;

- il faut que le bailleur ait saisi le juge compétent (le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés), pour faire constater la résiliation ;

- il faut que la juridiction ait rendu l'ordonnance de constat de l'acquisition de la clause résolutoire avant jugement d'ouverture de la procédure collective et que cette ordonnance soit passée en force de chose jugée, c'est-à-dire qu'elle ne soit plus susceptible de recours, au jour de l'ouverture de la procédure (3). Tel ne serait donc pas le cas d'une ordonnance de référé frappée d'appel avant intervention du jugement d'ouverture (4). L'infirmation de cette ordonnance s'imposerait alors (5).

Ces dispositions, et plus largement le statut des baux commerciaux (6), sont inapplicables en matière de crédit-bail immobilier. En conséquence, en cette matière, faute de dispositions spéciales analogues, il n'y a aucun obstacle à ce que le crédit-bailleur puisse faire constater, après jugement d'ouverture, le jeu, antérieur au jugement d'ouverture, d'une clause résolutoire de plein droit.

Cette dualité de régime est à déplorer et, par égard pour l'entreprise en difficulté, il semblerait opportun que le législateur protège le crédit-preneur immobilier comme il protège le preneur à bail commercial. Aussi, de lege ferenda, pourrait-on suggérer au législateur de s'orienter dans cette voie car la constatation, après jugement d'ouverture, de l'acquisition de la clause résolutoire du contrat de crédit-bail immobilier ôte tout espoir de sauvetage à l'entreprise dans l'hypothèse où l'immeuble crédit-baillé abrite l'activité du crédit-preneur. Pourrait ainsi être insérée, dans le livre VI du Code de commerce, une disposition prévoyant, en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaire assortie d'une période de poursuite d'activité, que le jeu de la clause résolutoire de plein droit ayant opéré avant jugement d'ouverture est neutralisé dès lors qu'il n'aura pas été constaté avant l'ouverture de la procédure collective par une décision ayant force de chose jugée à cette date.

Seraient ainsi mieux préservées les chances de sauvetage du crédit-preneur immobilier en difficulté.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Sophia-Antipolis, Co-directrice du Master 2 Droit des difficultés d'entreprise, Membre du CERDP (EA 1201)

  • La fin de non-recevoir atteignant l'assignation en redressement ou en liquidation judiciaire tirée de l'existence d'une conciliation en cours (CA Toulouse, 3ème ch., sect. 2, 3 décembre 2014 n° 14/05510 N° Lexbase : A6742M7T ; cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E4374E77)

Singuliers, les faits de la présente espèce le sont assurément et, logiquement, non moins atypiques sont les difficultés qu'elle soulève.

Une société a été placée en redressement judiciaire en 2009. En cours d'exécution de son plan de redressement, elle a sollicité et obtenu en décembre 2013 l'ouverture d'une conciliation pour une durée de 4 mois. Pendant cette conciliation, l'URSSAF a assigné la société débitrice en redressement ou en liquidation judiciaire et en résolution du plan, en raison de l'état de cessation des paiements. Le tribunal, après de multiples renvois, devait retenir l'affaire en juillet 2014 et, en septembre 2014, ouvrait la liquidation judiciaire et prononçait la résolution du plan.

Le tribunal pouvait-il ouvrir la procédure collective, après la fin de la durée de la conciliation, alors qu'il était saisi de la demande en cours de conciliation ? Derrière cette question, il s'agit de déterminer la portée de l'interdiction d'agir en ouverture d'une procédure collective pendant la durée d'une conciliation.

La cour d'appel va censurer la désignation des premiers juges par une motivation d'une clarté exemplaire.

Elle va commencer par analyser la nature juridique de l'interdiction énoncée par l'article L. 631-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L6249IUY). Selon l'alinéa 1er, "lorsqu'il n'y a pas de procédure de conciliation en cours, le tribunal peut également être saisi sur requête du ministère public aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire".

L'alinéa 2 du même article précise que "sous cette même réserve, la procédure peut aussi être ouverte sur l'assignation d'un créancier".

La même solution est posée par l'article L. 640-5 (N° Lexbase : L7323IZA) pour l'ouverture d'une liquidation judiciaire.

Ainsi, en vertu de ces textes, un créancier ne peut assigner en ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire si une procédure de conciliation est en cours.

La cour d'appel analyse cette interdiction en une fin de non-recevoir. Il s'agit évidemment d'une fin de non-recevoir d'ordre public, que le juge doit donc relever d'office (C. proc. civ., art. 125, al. 1er N° Lexbase : L1421H4E).

Cette fin de non-recevoir vaut pour tout créancier et la cour d'appel juge donc logiquement que le fait que le créancier assignant n'ait pas été partie à la conciliation ne change pas la solution. La règle ubi lex... justifie au demeurant la solution, faute pour le texte de distinguer entre créancier partie ou non à la conciliation.

Une difficulté peut toutefois se présenter si le créancier, non partie à la conciliation, ignore l'existence de cette procédure confidentielle. Le créancier peut être confronté à la difficulté de connaître l'existence de la procédure de conciliation, lorsqu'il n'y a pas été appelé (7). En pareille occurrence, le tribunal ne pourra statuer sur la demande d'ouverture de la procédure collective émanant du créancier tant qu'il n'a pas été mis fin à la procédure de conciliation. Comme cela a été le cas en l'espèce, la technique la plus adaptée pour le tribunal sera de renvoyer l'affaire tant que dure la procédure de conciliation, car sa confidentialité interdit que l'on la dévoile au créancier assignant qui était resté dans son ignorance.

En l'espèce, le tribunal a été saisi d'une demande d'ouverture d'un redressement ou d'une liquidation alors que la conciliation était en cours, mais n'a statué qu'après la fin de la procédure de conciliation qui avait échoué. La fin de non-recevoir n'avait-elle pas, dès lors, disparu ? La disposition en cause est l'article 126 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1423H4H), selon lequel "dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue".

Certes, en l'espèce, la cause d'irrecevabilité a disparu au moment où le juge a statué sur l'ouverture de la procédure collective, puisque la procédure de conciliation avait pris fin. Pourtant, la cour d'appel ne valide pas pour autant l'assignation et écarte le jeu de l'article 126 du Code de procédure civile, car la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir n'est pas, selon elle, susceptible de régularisation. Le tribunal devait, en l'espèce, déclarer immédiatement irrecevable l'assignation en ouverture de la procédure collective. La ratio legis justifie la mise à l'écart du jeu de l'article 126 du Code de procédure civile. Comme l'énonce à la façon d'un principe directeur la cour d'appel, "en interdisant à un créancier d'assigner un débiteur aux fins d'ouverture d'une procédure collective alors qu'une procédure de conciliation est en cours, le législateur a entendu favoriser les procédures amiables et empêcher un créancier de faire échouer les chances de négociation ou de parvenir à un accord". Ainsi, la raison d'être du texte justifie que la fin de non-recevoir ne soit pas susceptible de régularisation. Si le raisonnement séduit le faillitiste, il restera aux processualistes à examiner toute sa justesse par rapport à la notion de fin de non-recevoir, les manuels de procédure civile étant bien taisants sur cette possibilité d'écarter le jeu de l'article 126 du Code de procédure civile, lorsque la cause d'irrecevabilité a disparu au moment où le juge statue.

Logiquement, la cour d'appel va donc infirmer la décision des premiers juges et déclarer irrecevable l'assignation de l'URSSAF. Le plan de redressement reprend plein effet, en conséquence, du fait de l'infirmation de la décision d'ouverture de la procédure collective et de résolution du plan. Pour l'anecdote, notons que l'URSSAF retrouve son droit d'agir.

L'URSSAF, qui n'ignorait pas l'existence de la conciliation, n'aurait donc pas du agir. Au surplus, pendant l'exécution d'un plan, on ne peut agir en ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire. Le principe "faillite sur faillite ne vaut" est aujourd'hui bien connu. Or, la procédure collective ne prend fin que par la résolution du plan, sa complète exécution ou l'expiration de la durée du plan sans complète exécution. Il y avait donc là une seconde cause d'irrecevabilité. L'URSSAF aurait dû se contenter d'assigner en résolution du plan sur le fondement de la cessation des paiements et l'ouverture de la liquidation judiciaire n'aurait alors été que la conséquence de la résolution du plan.

Pour terminer, deux observations complémentaires nous semblent devoir être apportées.

Le présent arrêt ne prend pas position sur l'interdiction d'agir en résolution du plan pendant la recherche de l'accord de conciliation. Le créancier ne peut assigner aux fins d'ouverture d'une procédure collective pendant une conciliation. La solution n'est pas étendue au cas de l'assignation en résolution du plan. Faut-il dès lors étendre par analogie la solution posée pour l'assignation en ouverture d'une procédure collective ? Tout dépend, serait-on tenté de dire. Si la résolution est fondée sur l'inexécution, mais non sur la cessation des paiements, il n'est pas de bonne raison d'interdire l'assignation, car elle ne tend pas à l'ouverture d'une procédure collective, même par voie de conséquence. La résolution du plan sans cessation des paiements n'entraîne en effet pas l'ouverture d'une nouvelle procédure. En revanche, si l'assignation en résolution du plan est fondée sur la cessation des paiements, la résolution du plan va entraîner l'ouverture concomitante d'une nouvelle procédure collective. Cette ouverture de la procédure collective par voie de conséquence de la résolution du plan semble conduire à décider qu'elle est irrecevable si elle est présentée pendant une conciliation.

Plus fondamentalement, le présent arrêt ne prend pas position sur la possibilité d'ouvrir une conciliation pendant l'exécution d'un plan de redressement. Pourtant, cette question de fond est loin d'être évidente. Le législateur n'a pas envisagé la solution. C'est pourquoi il n'a pu songer à l'interdire. Ainsi, les textes n'interdisent-ils pas le procédé. Mais il nous semble pour le moins surprenant, même s'il est pratiqué. En effet, cette technique va permettre de modifier les conditions d'exécution du plan, sans passer par la seule voie envisagée par le législateur, celle de la modification substantielle dans les moyens du plan. Cette observation nous apparaît décisive pour rendre irrecevable la demande d'ouverture d'une conciliation pendant l'exécution d'un plan. Ainsi, au final, la question très bien résolue par le présent arrêt n'aurait pas dû, à notre sens, se poser.

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises


(1) Cass. civ. 3, 11 juin 1997, n° 94-21.056 (N° Lexbase : A0129ACR), RJDA, 1997, n° 1262, p. 871, Rev. proc. coll., 1998, 285, obs. F. M.-V.
(2) Cela est nécessairement le cas puisque les opérations de crédit-bail immobilier visées par l'article L. 313-7 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7976HBZ) doivent avoir pour objet des "biens immobiliers à usage professionnel".
(3) Cass. com., 12 juin 1990, n° 88-19.808, publié (N° Lexbase : A4395ACR), Bull. civ. IV, n° 172, D., 1990, 450, note F. Derrida ; Cass. com., 14 mai 1991, n° 89-16.924, publié (N° Lexbase : A2727ABM), Bull. civ. IV, n° 166, Rev. loyers, 1993, 397, note Ch.-H. Gallet ; Cass. civ. 3, 26 juin 1991, n° 90-11.948, publié (N° Lexbase : A9623ATL), Bull. civ. III, n° 193 ; Cass. civ. 3, 13 mai 1992, n° 90-18.399, publié (N° Lexbase : A7914AG9), Bull. civ III, n° 146 ; Cass. civ. 3, 13 octobre 1993, n° 91-19.434, inédit (N° Lexbase : A6896CS9), Rev. huissiers, 1994, 185, note D. Vidal ; Cass. com., 30 novembre 1993, n° 91-13.783, inédit (N° Lexbase : A6443C7R), Rev. loyers, 1994, 461, note Ch.-H. Gallet ; Cass. com., 17 janvier 1995, n° 90-18.439, inédit (N° Lexbase : A5658CU4), Rev. proc. coll., 1995, 294, n° 2, obs. J. Mestre et A. Laude ; Cass. com., 28 septembre 2004, n° 02-15.818, F-D (N° Lexbase : A4650DDL) ; Cass civ. 3, 18 septembre 2012, n° 11-19.571, F-D (N° Lexbase : A2449ITU) ; CA Paris, 14ème ch., sect. B, 19 septembre 2003, n° 2003/02326 (N° Lexbase : A7374C9Y) ; CA Paris, 14ème ch., sect. B, 12 mars 2004, n° 2003/12975 (N° Lexbase : A6982DB9) ; CA Paris, 14ème ch., sect. B, 12 mars 2004, n° 2003/12975 (N° Lexbase : A6982DB9) ; CA Paris, 14ème ch., sect. A, 17 mai 2006, n° 2005/19124 (N° Lexbase : A1775DR8). Adde, IFPPC, 1999, recomm. n° 2051-3 et 6038-2, p. 50 et 168 ; F. Kendérian, Le sort du bail commercial dans les procédures collectives, Litec, 2ème éd., 2008, n° 28.
(4) Cass. civ. 3, 27 juin 2006, n° 05-14.329, F-D (N° Lexbase : A1144DQG), JCP éd. E, 2007, 1523, p. 26, n° 38, obs. J. Monéger, Loyers et copr., 2006, comm. 201, obs. Ph-H. Brault ; Cass. com., 30 janvier 2007, n° 05-19.045, F-D (N° Lexbase : A7835DTD) ; Gaz. proc. coll., 2007/2, p. 39, note Ph. Roussel Galle, Rev. proc. coll., 2007/3, p. 134, n° 3, obs. F. Macorig-Vénier ; Cass. com., 3 juillet 2007, n° 05-21.030, F-D (N° Lexbase : A0735DXI) ; JCP éd. E, 2007, 2210, p. 38, note J.-P. Réméry, Rev. proc. coll., 2008/3, p. 49, n° 126, note F. Macorig-Venier, Rev. proc. coll., 2008/3, p. 52, n° 130, note O. Staes ; Cass. com., 3 juillet 2007, n° 05-20.519, F-D (N° Lexbase : A0732DXE), Gaz. proc. coll., 2007/4, p. 44, note I. Rohart-Messager; JCP éd. E, 2007, 2210, p. 38, note J.-P. Réméry, Rev. proc. coll., 2008/3, p. 49, n° 126, note F. Macorig-Venier, Rev. proc. coll., 2008/3, p. 52, n° 130, note O. Staes ; Cass. com., 28 octobre 2008, n° 07-17.662, F-P+B (N° Lexbase : A0621EBM), Bull. civ. IV, n° 184, D., 2008, AJ 2865, note A. Lienhard, JCP éd. E, 2009, 1382, note Bourgeois ; Cass. civ. 3, 17 mai 2011, n° 10-12.866, F-D (N° Lexbase : A2574HS7), D., 2012, chron. 1850, obs. Dumont-Lefrand, Gaz. pal., 7 octobre 2011, n° 280, p. 25, note F. Kendérian ; CA Paris, 14ème ch., sect. B, 14 octobre 2005, n° 05/7470 (N° Lexbase : A2467DLX) ; CA Aix-en-Provence, 1ère ch., sect. C, 14 novembre 2006, n° 05/21833, Rev. proc. coll., 2007/3, p. 137, n° 1, obs. O. Staes ; CA Paris, 14ème ch., sect. B, 5 octobre 2007, n° 07/04540 (N° Lexbase : A3497DZK).
(5) CA Paris, 14ème ch., sect. B, 14 mai 2004, n° 2003/21646 (N° Lexbase : A5765DCI) ; CA Paris, 14ème ch., sect. A, 29 septembre 2004, n° 04/08582 (N° Lexbase : A7569DE3).
(6) Solution de principe adoptée de longue date : Cass. civ. 3, 10 juin 1980, deux arrêts, n° 78-11.032, publié (N° Lexbase : A7327AGH) et n° 79-13.330, publié (N° Lexbase : A7425AG4), Bull. civ. III, n° 113 et 114, D., 1980, jur., p. 566, note V. Guyon, JCP éd. G, 1981, II, n° 19655, note E.- M. Bey, RTDCiv., 1982, p. 434, obs. Ph. Rémy : "les dispositions du décret du 30 septembre 1953 ne s'appliquent qu'au louage d'immeuble" or le "crédit-bail immobilier, quelle que soit la forme sous laquelle il est réalisé, est une opération qui a pour objet l'acquisition d'un immeuble par celui qui s'oblige à faire des versements échelonnés sur la durée du contrat" ; v. égal., Cass. civ. 3, 7 mai 1997, n° 95-15.504, publié (N° Lexbase : A1891ACZ), Bull. civ. III, n° 99, D. Aff., 1997, p. 723 ; RJDA, 1998, n° 97.
(7) F. Pérochon, Entreprises en difficulté, 9ème éd., LGDJ, 2012, 9ème éd., n° 418.

newsid:445104

Entreprises en difficulté

[Brèves] Sanction de la violation du droit du débiteur à être jugé dans un délai raisonnable en raison de la durée excessive d'une procédure collective

Réf. : Cass. com., 16 décembre 2014, n° 13-19.402, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A6743M7U)

Lecture: 2 min

N5171BU3

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/22018580-edition-n-595-du-18122014#article-445171
Copier

Le 20 Décembre 2014

Lorsqu'il existe un actif réalisable de nature à désintéresser en tout ou partie les créanciers, la violation du droit du débiteur à être jugé dans un délai raisonnable et de celle, qui en résulte, de son droit d'administrer ses biens et d'en disposer, n'est pas sanctionnée par la clôture de la procédure de liquidation des biens mais lui ouvre l'action en réparation prévue à l'article L. 141-1 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L7823HN3), qu'il peut exercer au titre de ses droits propres. Tel est le principe énoncé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 16 décembre 2014 en formation plénière et promis à la plus large publicité (Cass. com., 16 décembre 2014, n° 13-19.402, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A6743M7U). En l'espèce, un débiteur, mis en règlement judiciaire puis liquidation des biens les 23 juillet 1976 et 26 octobre 1979, a saisi le tribunal, par requête du 24 mars 2011, d'une demande de clôture de la procédure au motif que sa durée excédait le délai raisonnable au sens de l'article 6 § 1 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR) et constituait une violation de son droit de propriété protégé par l'article 1er du protocole n° 1 à ladite Convention (N° Lexbase : L1625AZ9). La cour d'appel de Nancy (CA Nancy, 17 avril 2013, n° 11/02817 N° Lexbase : A2376KCY) a prononcé la clôture de la procédure de liquidation des biens. Pour ce faire, après avoir relevé que le comportement du débiteur a été dilatoire à l'extrême mais qu'en parallèle, le mandataire n'a pas rempli sa mission en usant de ses pouvoirs de contrainte pour poursuivre la vente forcée des immeubles, elle retient que la durée totale de trente-trois ans de la procédure est excessive au regard des exigences d'un procès équitable, qu'elle a privé la procédure de sa justification économique qui est de désintéresser les créanciers de sorte que la privation du débiteur de ses droits sur son patrimoine ne se justifie plus. Mais, énonçant le principe précité, la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel, au visa de l'article L. 643-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L7337IZR), dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises (N° Lexbase : L5150HGT) ensemble les articles 6 § 1 de la CESDH et 1er du protocole n° 1 additionnel à cette Convention : "en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté l'existence d'actifs immobiliers réalisables, la cour d'appel a violé les textes susvisés" (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E4996EUL).

newsid:445171

Filiation

[Brèves] GPA : rejet de la demande d'annulation de la circulaire de la Garde des Sceaux du 25 janvier 2013 demandant à ce que puissent être accordés des certificats de nationalité française aux enfants nés à l'étranger par GPA

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 12 décembre 2014, n° 367324 (N° Lexbase : A3276M7H)

Lecture: 2 min

N5077BUL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/22018580-edition-n-595-du-18122014#article-445077
Copier

Le 20 Décembre 2014

Par un arrêt rendu le 12 décembre 2014, le Conseil d'Etat rejette la demande d'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire de la Garde des Sceaux en date du 25 janvier 2013 (circulaire du 25 janvier 2013, JUSC1301528C, relative à la délivrance des certificats de nationalité française - convention de mère porteuse - Etat civil étranger N° Lexbase : L6121I34) demandant à ce que puissent être accordés des certificats de nationalité française aux enfants nés à l'étranger par GPA (CE 2° et 7° s-s-r., 12 décembre 2014, n° 367324 N° Lexbase : A3276M7H). Pour rappel, la circulaire attaquée concerne la délivrance de certificats de nationalité française aux enfants nés à l'étranger de parents français "lorsqu'il apparaît, avec suffisamment de vraisemblance qu'il a été fait recours à une convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui". Cette circulaire indique que dans un tel cas, cette circonstance "ne peut suffire à opposer un refus aux demandes de certificats de nationalité française". Elle invite ses destinataires à veiller à ce qu'il soit fait droit aux demandes de délivrance lorsque les conditions légales sont remplies. Après avoir rappelé que les contrats de gestation ou de procréation pour autrui sont interdits par le Code civil et que cette interdiction est d'ordre public, le Conseil d'Etat juge, cependant, que la seule circonstance que la naissance d'un enfant à l'étranger ait pour origine un contrat qui est entaché de nullité au regard de l'ordre public français ne peut, sans porter une atteinte disproportionnée à ce qu'implique, en termes de nationalité, le droit de l'enfant au respect de sa vie privée, garanti par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4798AQR), conduire à priver cet enfant de la nationalité française à laquelle il a droit, en vertu de l'article 18 du Code civil et sous le contrôle de l'autorité judiciaire, lorsque sa filiation avec un Français est établie. Par suite, en ce qu'elle expose que le seul soupçon de recours à une convention portant sur la procréation ou la gestation pour autrui conclue à l'étranger ne peut suffire à opposer un refus aux demandes de certificats de nationalité française dès lors que les actes d'état-civil local attestant du lien de filiation avec un Français, légalisés ou apostillés sauf dispositions conventionnelles contraires, peuvent être, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, regardés comme probants, au sens de l'article 47 du Code civil (N° Lexbase : L1215HWW), la circulaire attaquée n'est entachée d'aucun excès de pouvoir (cf. l’Ouvrage "La filiation" N° Lexbase : E4415EY8).

newsid:445077

Fiscalité des particuliers

[Jurisprudence] Soumission à l'impôt sur le revenu du gain résultant d'une indemnité de compensation - Conclusions du Rapporteur public

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 5 novembre 2014, n° 370845, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9402MZA)

Lecture: 12 min

N5019BUG

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/22018580-edition-n-595-du-18122014#article-445019
Copier

par Vincent Daumas, Maître des Requêtes au Conseil d'Etat et Rapporteur public à la 3ème sous-section

Le 20 Décembre 2014

Une indemnité de compensation, dont le montant correspond au gain que le contribuable aurait réalisé s'il avait pu exercer son droit d'option, trouve, comme ce dernier, sa source dans le contrat de travail, même si, à la date où elle a été accordée, celui-ci avait pris fin. La somme en litige est alors imposable dans la catégorie des traitements et salaires, selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières, au même titre que le gain que le contribuable aurait réalisé s'il avait pu effectivement exercer son droit d'option. Telle est la portée de la décision rendue par le Conseil d'Etat le 5 novembre 2014. Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver les conclusions anonymisées du Rapporteur public sur cet arrêt, Vincent Daumas, Maître des Requêtes au Conseil d'Etat. Cette affaire permettra d'apporter une précision supplémentaire à la jurisprudence, qui s'est beaucoup enrichie ces dernières années, sur les modalités d'imposition des revenus des options de souscription ou d'achat d'actions (ou stock-options). Il s'agit de droits qu'une société accorde à ses salariés ou dirigeants leur permettant, pendant une certaine durée, de souscrire à une augmentation de capital ou d'acheter des actions à un prix déterminé. Plusieurs types de gains peuvent être réalisés par ce biais :

- il y a d'abord l'avantage correspondant à la différence entre la valeur réelle de l'action à la date d'exercice de l'option et le prix de souscription ou d'achat de cette action (ce qu'on appelle la plus-value d'acquisition ou encore le gain de levée de l'option) ;

- il y a ensuite la plus-value de cession réalisée lors de la vente du titre, qui correspond à la différence entre le prix de cession et la valeur réelle de l'action lors de la levée de l'option.

En pratique, ce second type de gain n'est pas toujours constaté. Très souvent, en effet, les bénéficiaires d'options de souscription ou d'achat d'actions lèvent leurs options et cèdent les actions ainsi obtenues le même jour, afin de n'avoir aucun fonds à débourser. Dans ce cas, le prix de cession correspondant normalement à la valeur réelle des actions lors de la levée des options, il n'y a pas de plus-value de cession, seulement un gain de levée des options.

La chronologie des faits de l'espèce est importante. Un contribuable était salarié d'une société ayant son activité dans l'audiovisuel. Le 11 octobre 1995, des options de souscription des actions de cette même société lui ont été attribuées par son employeur, valables pendant une durée de sept ans. A la fin de l'année 2000, la société a entamé une procédure de licenciement du contribuable (licenciement pour faute grave). Alors que la procédure était en cours, mais avant d'être licencié, celui-ci a demandé à son employeur la levée de ses options. La société n'a pas donné suite à cette demande et ce contribuable a été licencié le 18 janvier 2001. Un contentieux s'est ensuite noué entre lui et la société sur les conditions de son licenciement. Saisie en dernier lieu du litige, la cour d'appel de Paris a statué par un arrêt du 18 mai 2004 (CA Paris, 18ème ch., sect. A, 18 mai 2004, n° 02/35501 N° Lexbase : A9149DGX). Elle a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et elle a condamné l'employeur à verser à son ancien salarié diverses indemnités dont une indemnité d'un peu plus d'un million et demi d'euros "à titre de dommages intérêts pour perte du droit de lever les options". Cette indemnité n'a pas été déclarée par le contribuable. C'est ici qu'intervient l'administration fiscale, qui a réintégré cette somme dans ses revenus de l'année 2004 et l'a imposée dans la catégorie des traitements et salaires. Le contribuable a contesté les sommes mises à sa charge à ce titre jusque devant le juge de l'impôt.

Dans l'état du droit applicable à cette année d'imposition, le gain résultant de la levée d'options était en principe imposé, selon les termes mêmes de l'article 80 bis du CGI (N° Lexbase : L9932IWR), comme un complément de salaire. Toutefois, ce texte renvoyait à l'article 163 bis C du même code (N° Lexbase : L9241HZB), qui soumettait ce gain à un régime d'imposition spécifique, normalement plus favorable que les règles des traitements et salaires, si deux conditions se trouvaient cumulativement remplies : en premier lieu, que les actions revêtent la forme nominative ; en second lieu, que le bénéficiaire respecte un délai d'indisponibilité (1) entre la date d'attribution des options et celle de la cession des actions. Dans ce cas, le gain de levée des options était imposé lors de la cession des actions et selon le régime d'imposition prévu aux articles 150-0 A (N° Lexbase : L0970IZX) et 200 A (N° Lexbase : L0957IZH) du CGI, c'est-à-dire le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières.

Devant la cour administrative d'appel de Versailles (CAA Versailles, 18 avril 2013, n° 11VE02958 N° Lexbase : A1886MRB) (2), saisie du litige opposant l'administration fiscale au contribuable, ce dernier a notamment soutenu que l'indemnité reçue de la société en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Paris devait être imposée selon le régime spécifique de l'article 163 bis C, et non selon les règles des traitements et salaires. Il faisait valoir, à l'appui de cette argumentation, qu'il remplissait les conditions pour bénéficier de ce régime puisque les actions qui devaient lui être attribuées revêtaient la forme nominative et qu'à la fin de l'année 2000, lorsqu'il a manifesté sa volonté de lever les options, le délai légal d'indisponibilité était expiré (3).

La réponse de la cour administrative d'appel est la suivante : elle a d'abord estimé que l'indemnité litigieuse avait été attribuée au requérant "à raison de la perte des gains qu'il aurait pu réaliser en levant l'option" ; elle a ensuite relevé "qu'en l'absence de dispositions particulières régissant sa taxation, cette indemnité [devait] être regardée comme ayant la même nature et comme étant soumise au même régime de taxation que les gains qu'elle a eu vocation à compenser" ; enfin, constatant que le requérant avait "manifesté son intention de lever son option postérieurement à l'expiration du délai d'indisponibilité", la cour a jugé "que l'indemnité en litige compensant la perte de la plus-value d'acquisition à laquelle il pouvait prétendre en levant effectivement cette option était donc imposable selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières". La cour, en conséquence, a réduit la base imposable du contribuable d'un montant égal à celui de l'indemnité en question (en l'absence de demande de substitution de base légale présentée par l'administration).

Le ministre chargé du Budget se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour. Son pourvoi, sur certains points, est un peu étrange puisqu'il soulève des questions qui n'ont pas été abordées devant la cour et que celle-ci n'a pas tranchées (par exemple celle de la domiciliation fiscale en Belgique du contribuable). Si l'on ne retient que la partie utile de ce pourvoi, le ministre conteste le raisonnement adopté par la cour pour juger que l'indemnité en litige devait être imposée selon le régime d'imposition spécifique prévu par l'article 163 bis C (et il soulève à cette fin à peu près tous les moyens imaginables : erreur de droit, erreur de qualification juridique des faits, insuffisance de motivation, dénaturation des faits, contradiction de motifs).

Il semble louable de faire droit à ce pourvoi.

Rappelons, à titre liminaire, le cadre jurisprudentiel dans lequel doit s'inscrire la solution du litige. Il n'est pas vierge.

Tout d'abord, deux décisions des 23 juillet 2010 et 1er octobre 2013 sont à signaler.

Dans la première de ces affaires (CE 9° et 10° s-s-r., 23 juillet 2010, n° 313445, mentionné dans les tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9878E4M, RJF, 11/2010, n° 1016, concl. D. Hedary à Dr. fisc., 2010, n° 46, comm. 560) se posait la question des modalités d'imposition d'une indemnité perçue par un salarié en contrepartie de sa renonciation volontaire à lever les options qui lui avaient été attribuées. Pour trancher la question, le Conseil d'Etat avez relevé que le versement de cette indemnité manifestait le choix du salarié de renoncer à un avantage potentiel (le gain de levée d'option) au profit d'un avantage immédiat (l'indemnité, ce qui ne relevait ni d'une opération en capital, ni de la réparation d'un préjudice). Il a ensuite jugé que la somme versée en contrepartie de la renonciation au droit d'option trouve, comme lui, sa source dans le contrat de travail, alors même qu'à la date où le versement de cette somme intervient, ce contrat peut avoir pris fin et que l'auteur du versement peut ne pas être l'employeur du salarié concerné. Les Hauts magistrats ont enfin ajouté que l'exercice du droit auquel il est renoncé entraîne une imposition sur le fondement de l'article 79 du CGI par application de l'article 80 bis du même code. De tout cela, vous avez déduit que l'indemnité reçue en contrepartie de la renonciation au droit de lever les options doit être regardée, en l'absence de disposition particulière régissant sa taxation, comme une indemnité au sens de l'article 79 du CGI (N° Lexbase : L1765HLX), imposable conformément aux prescriptions de son article 82 (N° Lexbase : L1172ITL). Le Conseil d'Etat ne s'est pas arrêté, dans ce raisonnement, à la circonstance que l'avantage résultant de la levée des options pouvait être soumis au régime prévu par l'article 163 bis C du CGI.

Dans l'autre affaire mentionnée (CE 3° et 8° s-s-r., 1er octobre 2013, n° 361440, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3413KMD, RJF, 12/2013, n° 1137) était en cause l'imposition d'un contribuable qui n'avait pas son domicile fiscal en France et n'était donc imposable dans ce pays que sur ses revenus de source française. Il avait réalisé des gains résultant de la levée d'options sur des actions d'une société américaine mais ces options lui avaient été attribuées dans le cadre de son activité salariée exercée en France. Se posait, dès lors, la question de la nature du gain de levée d'option : revenu en capital réalisé à l'étranger ou complément de salaire de source française ? Le Conseil d'Etat a tranché dans le sens du complément de salaire, en précisant que n'avait pas d'incidence sur cette qualification la circonstance que ce gain pût être imposé, conformément au régime spécifique prévu à l'article 163 bis C, selon les modalités applicables aux plus-values de cession de valeurs mobilières.

Ces deux précédents, toutefois, ne suffisent pas à régler la question posée au cas présent.

Dans cette affaire est en cause une indemnité qui répare un préjudice (hypothèse que le précédent du 23 juillet 2010 a expressément réservée). C'est pourquoi il faut partir, pour la résoudre, de la jurisprudence selon laquelle une indemnité perçue en réparation de la perte de revenus imposables est imposée dans la même catégorie que les revenus qu'elle a pour objet de compenser (CE ass. plén., 12 mars 1982, n° 17074, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9809AKI, RJF, 4/1982, n° 334, concl. O. Schrameck ; CE 8° et 9° s-s-r., 9 décembre 1992, n° 119298, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8546ARX, RJF, 2/1993, n° 217 ; CE 3° et 8° s-s-r., 21 mars 2003, n° 235874, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7333B9H, RJF, 6/2003, n° 714, concl. S. Austry au BDCF, 6/2003, n° 79 ; CE 3° et 8° s-s-r., 30 mars 2009, n° 296463, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4964EEL, RJF, 6/2009, n° 557).

Si l'on applique cette grille d'analyse au présent litige, comment l'indemnité perçue par le contribuable devait-elle être imposée ?

L'objet de cette indemnité ne fait pas débat : il est constant qu'elle tend à réparer la perte des gains que le contribuable aurait réalisés s'il avait pu normalement lever les options qui lui avaient été attribuées par son employeur. Selon la jurisprudence, cette indemnité doit donc être imposée dans la même catégorie que ces gains. Et, dès lors que le précédent du 1er octobre 2013 a tranché la question de leur nature, dans le sens du complément de salaire, il y aurait lieu de faire application des règles des traitements et salaires.

Toutefois, l'argumentation du contribuable invite à ne pas s'arrêter là et à pousser jusqu'à son terme la logique qu'il croit voir dans la jurisprudence sur les conditions d'imposition des indemnités versées pour compenser des pertes de revenus taxables. Selon lui, cette jurisprudence impliquerait que le traitement fiscal d'une telle indemnité soit identique à celui des revenus auxquels elle se substitue, non seulement en ce qui concerne la catégorie d'imposition mais aussi en ce qui concerne les modalités d'imposition. Il faudrait donc rechercher quelles auraient été les modalités d'imposition des gains qu'il aurait normalement pu réaliser. Or, fait-il valoir, s'il avait pu effectivement exercer son droit d'option lorsqu'il en a manifesté la volonté, donc en décembre 2000 ou janvier 2001, les gains réalisés à cette occasion auraient été soumis de plein droit au régime d'imposition spécifique prévu à l'article 163 bis C du CGI puisque, comme il le soutient, les conditions auxquelles est subordonnée l'application de ce régime auraient alors été remplies. C'est cette argumentation qui a convaincu la cour administrative d'appel.

Toutefois, il semble qu'à deux reprises au moins dans sa jurisprudence, le Haut conseil a écarté une argumentation similaire.

Dans l'affaire n° 235874 du 21 mars 2003, précitée, était en cause une indemnité d'assurance perçue par un bailleur en réparation de la destruction d'un immeuble qui aurait dû lui revenir sans indemnité au terme d'un bail à construction. Le Conseil d'Etat a confirmé, dans cette affaire, la taxation de cette indemnité dans la catégorie des revenus fonciers, conformément à l'article 33 bis du CGI (N° Lexbase : L2427HN9), dès lors que la remise de l'immeuble constituait un élément des loyers versés par le preneur. Mais il a été aussi jugé que le montant de l'indemnité devait être soumis entièrement à l'impôt, même s'il excédait le revenu qui, en l'absence de sinistre, aurait été imposable après application des abattements prévus par les dispositions combinées des articles 33 ter du CGI (N° Lexbase : L2054IG8) et 2 sexies de son annexe III (N° Lexbase : L6307HL8), en raison de la durée du bail. Le Conseil a donc refusé de faire application du raisonnement consistant à identifier, de manière hypothétique, quelles auraient été les modalités d'imposition des revenus qui auraient été réalisés si l'événement à l'origine du versement de l'indemnité ne s'était pas produit.

Dans l'affaire n° 296463 du 30 mars 2009 était en cause une indemnité versée à un agent général d'assurances en compensation du manque à gagner résultant de la baisse des commissions rémunérant son activité. Ici, le Conseil d'Etat a confirmé l'imposition de cette indemnité dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Et, réglant l'affaire au fond, a écarté une argumentation présentée à titre subsidiaire par le contribuable, qui sollicitait le bénéfice des dispositions du 1 ter de l'article 93 du CGI (N° Lexbase : L1409IZ9), celles-ci ouvrant aux agents généraux d'assurances un droit d'option en faveur d'une imposition selon les règles des traitements et salaires. Il a alors été jugé que le contribuable "n'est pas fondé à demander le bénéfice de ces dispositions qui ne sont applicables qu'aux commissions reçues en contrepartie d'un service rendu à la compagnie d'assurance et non à des aides financières". Autrement dit, l'option n'était applicable qu'aux revenus effectivement perçus et non à l'indemnité destinée à en compenser la perte. Là aussi, le Conseil s'est refusé à entrer dans un raisonnement hypothétique.

La jurisprudence, si elle n'a pas théorisé ces solutions, nous semble donc reposer sur l'idée que pour l'imposition d'une indemnité réparant la perte d'un revenu taxable, il y a lieu de s'arrêter à la nature de ce revenu et de faire application des règles les plus générales prévues par les dispositions relatives à la catégorie de revenus correspondante. Les modalités d'imposition de l'indemnité suivraient le droit commun de la catégorie de revenus pertinente. Ou, pour l'exprimer autrement, il n'y a pas lieu de pousser jusqu'au bout l'assimilation de l'indemnité au revenu dont elle compense la perte. Fiscalement parlant, cette indemnité a la même nature que ce revenu. Mais il n'y a pas de rapport d'identité entre l'un et l'autre.

Cette ligne conduit, dans la présente affaire, à faire application des règles générales relatives à l'imposition des traitements et salaires, donc à écarter le régime d'imposition spécifique de l'article 163 bis C du CGI revendiqué par le contribuable requérant. En tout état de cause, l'application de ce régime mènerait à une impasse puisque ces dispositions prévoient que le gain de levée d'option est seulement imposé lors de la cession des titres obtenus par l'exercice de l'option (c'est un autre avantage du régime spécifique). La solution que défend le contribuable paraît donc tout simplement impraticable, sauf à pousser encore un cran plus loin le raisonnement hypothétique auquel il prétend en considérant que, s'il avait exercé son droit d'option, alors il aurait cédé les titres acquis le jour même ou peu après. Mais rien ne permet de l'affirmer. Raisonner de la sorte mènerait bien au-delà des frontières du réel, dans un monde d'imposition-fiction...

Le moyen d'erreur de droit soulevé par le ministre doit donc être accueilli.


(1) Précisons qu'il existe aussi, coexistant avec ce délai légal d'indisponibilité, des délais contractuels d'indisponibilité fixés par les plans d'attribution des options.
(2) Le jugement du tribunal administratif de Montreuil, qui avait rejeté la demande en décharge du contribuable, a été publié à la Revue de jurisprudence fiscale : TA Montreuil, 1er juin 2011, n° 1004530 (N° Lexbase : A9905HZU), RJF, 3/2012, n° 245.
(3) Ce délai était alors de cinq années à compter de la date d'attribution de l'option.

newsid:445019

Licenciement

[Jurisprudence] L'absence d'influence de la réussite de l'essai sur la qualification de faute disciplinaire

Réf. : Cass. soc., 3 décembre 2014, n° 13-19.815, F-D (N° Lexbase : A0555M7P)

Lecture: 7 min

N5105BUM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/22018580-edition-n-595-du-18122014#article-445105
Copier

par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 20 Décembre 2014

La période d'essai du contrat de travail permet aux parties d'apprécier si la relation de travail naissante leur convient. Il peut alors être tentant de déduire de la réussite de l'essai et de la pérennisation du contrat de travail qui l'accompagne que tout s'est bien passé pendant la période d'essai, que les parties n'ont aucun reproche à se faire l'une à l'autre. Il y a pourtant plusieurs situations dans lesquelles l'employeur peut être tenté d'attendre avant de prendre une décision, soit qu'il ait besoin d'avoir la certitude que des comportements fautifs ont eu lieu, soit tout simplement qu'il n'a pas eu connaissance de ces faits durant l'essai. Comme le juge la Chambre sociale de la Cour de cassation par un arrêt rendu le 3 décembre 2014, l'employeur doit pouvoir fonder un licenciement disciplinaire sur des fautes commises par le salarié durant l'essai (I). La solution semble davantage justifiée par la qualification de faute que par l'objet de la période d'essai elle-même. Si elle doit être approuvée, on peut déceler derrière cette décision les redoutables difficultés tenant à la distinction entre insuffisance professionnelle et faute disciplinaire (II).
Résumé

L'employeur peut, pour fonder un licenciement disciplinaire, invoquer même après l'expiration de la période d'essai des fautes que le salarié aurait commises au cours de cette période.

Commentaire

I - Le licenciement pour des fautes commises durant la période d'essai

Objet de la période d'essai et justification de la rupture. La période d'essai du contrat de travail a, comme l'énonce l'article L. 1221-20 du Code du travail (N° Lexbase : L9174IAZ), pour objet de permettre "à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent". Si l'immense majorité des règles du droit du travail est déjà applicable au salarié à l'essai, c'est la rupture du contrat de travail qui est sensiblement aménagée durant cette période puisqu'il ne pourra pas s'agir d'une démission ou d'un licenciement mais d'une rupture d'essai à l'initiative de l'une des parties.

Les motifs de rupture du contrat de travail durant l'essai et au-delà de l'essai ne sont pourtant pas toujours très différents.

Il n'est certes pas possible de rompre la période d'essai pour un motif qui ne serait pas inhérent à la personne du salarié, puisque la raison d'être de l'essai est l'évaluation des aptitudes et compétences du salarié et non la viabilité économique de l'embauche réalisée (1). Mais à cette exception près, d'autres situations qui permettraient le licenciement après l'essai peuvent être invoquées au soutien d'une rupture d'essai à l'initiative de l'employeur.

L'insuffisance professionnelle est la première à venir à l'esprit et semble caractériser une situation dans laquelle la rupture d'essai ou le licenciement sont justifiés. Tel est également le cas de la rupture d'essai en raison d'une faute disciplinaire qui est parfaitement admise par la Chambre sociale de la Cour de cassation, à la condition, toutefois, que l'employeur respecte la procédure disciplinaire, la rupture d'essai étant ici constitutive d'une sanction (2).

Puisque l'essai peut être rompu en cas de faute, l'employeur ne doit-il pas prendre des mesures à ce moment, battre le fer tant qu'il est chaud plutôt que d'attendre que l'essai soit terminé pour prononcer un licenciement disciplinaire ?

La faute comme motif de rupture du contrat de travail. Malgré la possibilité d'invoquer une faute pendant ou après l'essai, il demeure une différence importante entre rupture de la période d'essai pour faute et le licenciement disciplinaire. En effet, alors que la rupture d'essai peut parfaitement ne pas être motivée, l'employeur doit justifier le licenciement par une motivation présentée dans la lettre de notification de la mesure.

Ainsi, le licenciement pour faute devra s'appuyer sur des faits fautifs suffisamment sérieux, constitutifs d'une faute sérieuse, grave ou lourde. Les comportements reprochés au salarié ne devront pas avoir été commis plus de deux mois avant le prononcé du licenciement (3) ni avoir déjà été sanctionnés par une autre mesure (4). Ce sont là, toutefois, les seules règles de fond qui encadrent ce licenciement.

Peut-on ajouter d'autres conditions ? Il pourrait être tentant, par exemple, d'invoquer la réussite de la période d'essai menée jusqu'à son terme pour considérer que le licenciement disciplinaire s'appuyant sur des faits ayant eu lieu durant l'essai est injustifié. Autrement dit, la réussite de l'essai couvre-t-elle les comportements fautifs du salarié ? Ce sont ces questions qui étaient présentées à la Chambre sociale dans l'espèce commentée.

L'espèce. Un salarié avait été recruté en qualité de directeur des ventes à l'international, le contrat comportant une période d'essai de trois mois. Quelques semaines après le terme de l'essai, l'employeur licenciait le salarié pour faute grave. La lettre de licenciement reprochait au salarié un défaut de reporting, une absence de traces de son travail, de mauvais contact avec la clientèle qui ne souhaitait plus travailler avec le salarié, du travail accompli sur des points non prioritaires, des critiques portées à l'encontre de la direction et de l'organisation de la société, un maniement insuffisant de la langue anglaise ou, encore, une absence injustifiée d'une journée. Certains de ces comportements avaient eu lieu avant l'issue de la période d'essai (5).

Le salarié contesta le caractère réel et sérieux de son licenciement et fut entendu par la cour d'appel d'Orléans qui jugea que le contrat s'étant poursuivi au-delà de la période d'essai, cela signifiait que l'exécution de la prestation de travail durant cette période était satisfaisante et que, par conséquent, l'employeur ne pouvait invoquer que des faits ayant eu lieu après l'échéance de l'essai.

Par un arrêt rendu le 3 décembre 2014, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse cette décision au visa des articles L. 1221-20 et L. 1235-1 (N° Lexbase : L0733IXG) du Code du travail. Elle juge que "l'employeur peut, pour fonder un licenciement disciplinaire, invoquer même après l'expiration de la période d'essai des fautes que le salarié aurait commises au cours de cette période".

II - L'étroite frontière entre insuffisance professionnelle et faute disciplinaire

La qualification de faute indifférente à la réussite de l'essai. Le raisonnement adopté par la Chambre sociale semble entièrement logique. Aucun texte ne permet d'occulter des faits survenu durant l'essai au prétexte que la période d'essai n'aurait pas été rompue. A condition que les faits invoqués aient bien eu lieu dans la limite du délai de prescription de deux mois, la réussite de l'essai n'a donc aucun effet.

Implicitement, la Chambre sociale refuse donc de juger que la réussite de l'essai couvre les fautes du salarié. Le doute était permis puisque la Cour de cassation a déjà eu l'occasion de considérer qu'une attitude passive de l'employeur à l'égard de comportements fautifs du salarié puisse ensuite lui interdire de les sanctionner. On se souviendra, par exemple, que la Chambre sociale juge depuis 2010 que l'employeur, informé de l'existence de comportements fautifs et qui choisit de n'en sanctionner que certains, épuise son pouvoir disciplinaire et ne peut donc plus, ensuite, sanctionner les faits impunis (6).

Le visa de l'article L. 1221-20 du Code du travail surprend tout de même. Cela donne, en effet, le sentiment que la raison pour laquelle le juge ne peut s'appuyer sur la réussite de l'essai pour apprécier la cause disciplinaire de licenciement tient à l'objet de la période d'essai, qui n'est pas de s'assurer que le salarié ne commettra pas de faute mais de vérifier que ses aptitudes professionnelles sont suffisantes.

Or, la référence à l'objet de la période d'essai pour expliquer la validité du licenciement disciplinaire est, au minimum, inutile, au pire, contreproductive. Si la période d'essai a pour objet de permettre d'évaluer les compétences du salarié, les comportements fautifs du salarié durant l'essai caractérisent eux aussi l'insuffisance de ces compétences et justifient la rupture d'essai. La faute est l'archétype du motif de rupture inhérent à la personne du salarié. Ce n'est donc pas en raison de l'objet de l'essai, mais en raison de la seule existence d'un comportement fautif que le licenciement était justifié.

La solution est également opportune en ce qu'elle évite que l'employeur soit privé du pouvoir disciplinaire s'il découvre tout ou partie des faits reprochés après l'issue de l'essai.

Compte tenu de la solidité du raisonnement de la Chambre sociale, on ne peut donc s'empêcher de se demander ce qui a poussé les juges d'appel à considérer que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La frontière entre faute et insuffisance professionnelle. Il arrive parfois que les juges du fond et la Chambre sociale de la Cour de cassation tiennent compte de la période d'essai réussie pour apprécier la cause réelle et sérieuse d'un licenciement.

Cela arrivait couramment au temps où l'insuffisance de résultats constituait un motif de licenciement aisément invocable. Les juges refusaient généralement que le licenciement pour insuffisance de résultat prononcé quelques semaines ou quelques mois après une période d'essai réussie soit justifié (7). La Chambre sociale approuvait ainsi, en 1998, des juges d'appel ayant considéré que "compte tenu du court délai entre la fin de la période d'essai jugée satisfaisante et le licenciement, la société ne pouvait se prévaloir d'une insuffisance de résultats qu'elle n'a pas laissé à son collaborateur le temps d'obtenir" (8). Cette position réapparait parfois aujourd'hui à propos du licenciement pour insuffisance professionnelle prononcé peu de temps après l'achèvement de la période d'essai (9).

Cette jurisprudence a peut-être influencé les juges d'appel sur cette question. En effet, les comportements reprochés au salarié auraient parfaitement pu être rattachés à une insuffisance professionnelle plutôt qu'à une faute disciplinaire (10). Plusieurs des comportements qui lui étaient reprochés ont déjà été jugés constitutifs d'insuffisance professionnelle comme, par exemple, l'insatisfaction de la clientèle (11) ou le manque d'organisation dans le travail que constitue le fait de réaliser des tâches non prioritaires ou d'oublier de rendre compte (12). S'il est vrai que plusieurs de ses comportements étaient probablement fautifs, comme le fait de ne pas justifier une absence ou d'adopter une attitude insolente à l'égard de sa hiérarchie, on peut toutefois penser qu'il s'agissait alors de manquements relativement légers pour un salarié assumant des fonctions d'encadrement.

En somme, les juges d'appel ont pu avoir le sentiment que le véritable reproche fait au salarié était son insuffisance professionnelle davantage qu'un comportement fautif (13), ce qui les a conduit à tenir compte de la réussite de l'essai pour considérer que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il aurait toutefois été bien plus simple de se contenter, à l'appui de l'article L. 1235-1 du Code du travail d'ailleurs visé par la Chambre sociale, de considérer que les comportements reprochés n'étant pas fautifs, la cause de licenciement invoquée par la lettre de licenciement n'était pas réelle et sérieuse.


(1) Cass. soc., 20 novembre 2007, n° 06-41.212, FP-P+B+R (N° Lexbase : A7171DZM) et les obs. de Ch. Radé, Rupture du contrat de travail en période d'essai : l'étau se resserre, Lexbase Hebdo n° 283 du 29 novembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2219BDK) ; D., 2008, p. 196, obs. J. Mouly ; RDT, 2008, p. 29, note J. Pélissier.
(2) Cass. soc., 10 mars 2004, n° 01-44.750, FS-P+B (N° Lexbase : A4834DBN) ; D., 2004, p. 2189, obs. B. Géniaut ; JCP éd. E, 2004, 1064, note D. Corrignan-Carsin.
(3) C. trav., art. L. 1332-4 (N° Lexbase : L1867H9Z). S'il s'agit d'une faute grave ou lourde, l'employeur doit agir plus rapidement encore car, dans le cas contraire, il est démontré que le maintien du salarié dans l'entreprise n'était pas impossible si bien que la qualification de faute grave ne peut être acceptée, v. Cass. soc., 24 novembre 2010, n° 09-40.928, FP-P+B+R (N° Lexbase : A7544GLY) et les obs. de G. Auzero, Rappels sur l'obligation de célérité de l'employeur en cas de licenciement pour faute grave et l'obligation pesant sur le salarié en cas de litige sur les heures de travail, Lexbase Hebdo n° 420 du 9 décembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N8246BQH).
(4) Cass. soc., 27 septembre 1984, n° 82-41.346 (N° Lexbase : A0614AAY) ; Cass. soc., 27 juin 2001, n° 99-42.216 (N° Lexbase : A5738AGM) ; J. Pélissier, A. Lyon-Caen, A. Jeammaud, E. Dockès, Les grands arrêts du droit du travail, D., 4ème éd., 2008, pp. 319 et s..
(5) V. la liste précise des griefs dans l'arrêt rendu par la CA Orléans, 17 avril 2013, n° 11/03267 (N° Lexbase : A2254KCH).
(6) Cass. soc., 16 mars 2010, n° 08-43.057, FS-P+B (N° Lexbase : A8091ETT) et nos obs., Quand l'employeur épuise son pouvoir disciplinaire, Lexbase Hebdo n° 389 du 31 mars 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N7184BNE) ; Cass. soc., 25 septembre 2013, n° 12-12.976, F-P+B (N° Lexbase : A9395KLK).
(7) V. CA Rennes, 25 septembre 2007, n° 06/07321 (N° Lexbase : A4241D8L).
(8) Cass. soc., 14 janvier 1998, n° 95-43.882, inédit (N° Lexbase : A9111CSA).
(9) CA Rennes, 12 juin 2013, n° 11/08520 (N° Lexbase : A3753MT8) : "il est contradictoire pour l'employeur de soutenir aujourd'hui que ce salarié est insuffisant professionnellement depuis son embauche, alors qu'il n'a pas profité de la période d'essai pour rompre le contrat", si bien que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
(10) Sur le licenciement pour insuffisance professionnelle, v. P. Lokiec, Le licenciement pour insuffisance professionnelle, Dr. soc., 2014, p. 38.
(11) Cass. soc., 19 avril 2000, n° 98-40.112, inédit (N° Lexbase : A8271AHS).
(12) Cass. soc., 4 juin 2008, n° 07-42.596, F-D (N° Lexbase : A9405D8T).
(13) La confusion entre licenciement pour faute et licenciement pour insuffisance professionnelle est entretenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui juge parfois que des comportements identiques peuvent parfois justifier le recours à l'un ou l'autre des motifs de licenciement, v. Cass. soc., 5 février 2014, n° 12-28.831, F-D (N° Lexbase : A9102MDH), Dr. soc., 2014, p. 381 et les obs. éclairantes de J. Mouly.

Décision

Cass. soc., 3 décembre 2014, n° 13-19.815, F-D (N° Lexbase : A0555M7P).

Cassation partielle (CA Orléans, 17 avril 2013, n° 11/03267 N° Lexbase : A2254KCH).

Textes visés : C. trav., art. L. 1221-20 (N° Lexbase : L9174IAZ) et art. L. 1235-1 (N° Lexbase : L0733IXG).

Mots-clés : période d'essai ; faute ; licenciement.

Lien base : .

newsid:445105

Procédure prud'homale

[Brèves] Conformité à la Constitution de la loi relative à la désignation des conseillers prud'hommes

Réf. : Cons. const., décision n° 2014-704 DC du 11 décembre 2014 (N° Lexbase : A2168M7G)

Lecture: 2 min

N5075BUI

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/22018580-edition-n-595-du-18122014#article-445075
Copier

Le 20 Décembre 2014

Saisi de la loi relative à la désignation des conseillers prud'hommes, le Conseil constitutionnel l'a déclarée conforme à la Constitution dans une décision rendue le 24 novembre 2014 (Cons. const., décision n° 2014-704 DC du 11 décembre 2014 N° Lexbase : A2168M7G).
Sur le grief tiré du caractère insuffisamment précis de l'habilitation donnée au Gouvernement pour réformer par voie d'ordonnances le mode de désignation des conseillers prud'hommes, le Conseil d'Etat rappelle que l'audience des organisations syndicales de salariés est définie à l'article L. 2121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L3727IBN) et celle des organisations professionnelles d'employeurs est définie à l'article L. 2151-1 du même code (N° Lexbase : L6254IZN) ; que les alinéas 2 à 10 de l'article 1er de la loi relative à la désignation des conseillers prud'hommes, fixent précisément les dispositions qui pourront être modifiées par ordonnances et que le nouveau mode de désignation devra respecter le caractère paritaire de la juridiction. Il en conclut que ces dispositions ne méconnaissent pas les exigences qui résultent de l'article 38 de la Constitution (N° Lexbase : L1298A9X).
Sur les griefs tirés de l'atteinte aux principes d'égalité devant la loi et d'égal accès aux emplois publics, le Conseil précise notamment que tous les salariés sont électeurs aux élections qu'ils soient ou non affiliés à un syndicat. En outre, les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet d'empêcher que des personnes qui ont la qualité de demandeur d'emploi ou des personnes non affiliées à un syndicat soient désignées comme conseiller prud'hommes, de sorte qu'en prévoyant que les conseillers prud'hommes seront désignés en fonction de l'audience des organisations syndicales de salariés et de celle des organisations professionnelles d'employeurs, les dispositions contestées ne créent de différence de traitement ni entre les salariés syndiqués et ceux qui ne le sont pas ni entre les salariés et les demandeurs d'emplois. Enfin, les dispositions contestées maintiennent le caractère paritaire de la composition des conseils de prud'hommes de sorte qu'en prévoyant que les conseillers prud'hommes seront désignés en fonction du critère d'audience qui fonde la représentativité des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs, les dispositions contestées ont fixé un critère de désignation des candidats en lien direct avec l'objet de la loi.
Sur les griefs tirés de l'atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions le Conseil constitutionnel précise que l'article 1er de la loi prévoit que les dispositions qui seront prises par ordonnances devront respecter les principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions et, par suite, comporter les garanties légales de nature à assurer le respect de ces principes dans la désignation des membres de cette juridiction (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3657ETM).

newsid:445075

Procédures fiscales

[Brèves] Le délai spécial de reprise en matière de TVA

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 12 décembre 2014, n° 356872, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6158M79)

Lecture: 1 min

N5124BUC

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/22018580-edition-n-595-du-18122014#article-445124
Copier

Le 17 Mars 2015

Il résulte des dispositions de l'article L. 176 du LPF (N° Lexbase : L1446IZL) que l'administration est en droit de faire application du délai spécial de reprise prévu au deuxième alinéa de cet article lorsque, à la date du fait générateur de l'impôt, le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Telle est la solution dégagée par un arrêt rendu le 12 décembre 2014 par le Conseil d'Etat (CE 9° et 10° s-s-r., 12 décembre 2014, n° 356872, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6158M79). En effet, si l'administration ne peut faire application du délai spécial de reprise prévu par les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 176 du LPF pour la TVA due au titre de la période postérieure à la déclaration, par une société, d'ouverture d'un premier établissement en France, par laquelle cette société a fait connaître son activité, elle peut, en revanche, faire application de ce délai pour la taxe due au titre de la période antérieure à cette déclaration. En l'espèce, il n'est pas contesté que la société requérante a déposé le 30 octobre 1997 une déclaration d'ouverture d'un premier établissement en France, par laquelle elle a fait connaître son activité. Dès lors, l'administration ne pouvait faire application du délai spécial de reprise de six ans pour la TVA due au titre de la période du 31 octobre au 31 décembre 1997, mais elle pouvait, en revanche, faire application de ce délai pour la taxe due au titre de la période du 1er janvier au 30 octobre 1997 .

newsid:445124

Responsabilité administrative

[Chronique] Chronique de droit de la responsabilité administrative - Décembre 2014

Lecture: 11 min

N5071BUD

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/22018580-edition-n-595-du-18122014#article-445071
Copier

par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine et directeur adjoint de l'Institut de recherches sur l'évolution de la Nation et de l'Etat (IRENEE), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 20 Décembre 2014

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, la deuxième chronique d'actualité de droit de la responsabilité administrative rédigée par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine et directeur adjoint de l'Institut de recherches sur l'évolution de la Nation et de l'Etat (IRENEE). Elle traitera, tout d'abord, d'un arrêt rendu le 23 juillet 2014 par lequel la Haute juridiction administrative précise le régime de responsabilité de l'Etat législateur en cas de violation des principes généraux du droit de l'Union européenne (CE 1° et 6° s-s-r., 23 juillet 2014, n° 354365, publié au recueil Lebon). Cette chronique reviendra ensuite sur deux arrêts rendus le 17 juillet 2014 par le Tribunal des conflits qui déterminent la juridiction compétente en cas de méconnaissance par une personne publique des droits de propriété littéraire et artistique.
  • La responsabilité de l'Etat législateur en cas de violation des principes généraux du droit de l'Union européenne (CE 1° et 6° s-s-r., 23 juillet 2014, n° 354365, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7254MU9 ; cf. l’Ouvrage "Responsabilité administrative" N° Lexbase : E3768EU4)

Dans son arrêt n° 354365 du 23 juillet 2014, le Conseil d'Etat rappelle et précise les règles applicables à l'engagement de la responsabilité de l'Etat législateur en cas de violation du droit de l'Union européenne. Elle étend la jurisprudence "Gardedieu" (1) aux hypothèses de violation des principes généraux du droit de l'Union européenne, ce qui était attendu, tout en fixant des limites à l'application de cette jurisprudence lorsque sont en cause les principes de confiance légitime et de sécurité juridique.

Dans la présente affaire, la société X avait été condamnée par le juge judiciaire à verser plus de 900 000 euros à des salariés suite à l'annulation de plusieurs procédures de licenciement au motif qu'elle n'avait pas établi de plan social. La société a alors exercé un recours en responsabilité contre l'Etat, considérant que ces condamnations trouvaient leur origine dans le manque de clarté de l'ancien article L. 321-1-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8922G7L), devenu les articles L. 1233-5 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L1106H9T), ce qui constituerait un manquement aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime. Selon la société, en effet, ce manque de clarté l'aurait empêchée de prévoir l'interprétation de cet article faite par la Cour de cassation dans deux arrêts du 3 décembre 1996 (2).

Après avoir écarté l'engagement de la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la rupture de l'égalité devant les charges publiques (A), le Conseil d'Etat applique le régime de responsabilité issu de la jurisprudence "Gardedieu" (B), pour finalement rejeter la demande indemnitaire présentée par la société SEPR au motif que la violation alléguée des principes de sécurité juridique et de confiance légitime n'est pas le fait du législateur mais d'une interprétation juridictionnelle de la loi (C).

A - Le Conseil d'Etat écarte l'application du régime de responsabilité sans faute pour rupture de l'égalité devant les charges publiques

En matière de responsabilité de l'Etat législateur, c'est normalement un régime de responsabilité sans faute fondé sur le principe d'égalité devant les charges publiques qui est applicable, tel qu'il a été admis par le Conseil d'Etat à l'occasion de l'arrêt d'Assemblée du 14 janvier 1938 "Société des produits laitiers La Fleurette" (3). Comme le rappellent les juges dans l'arrêt rapporté, "la responsabilité de l'Etat du fait des lois est susceptible d'être engagée, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de l'adoption d'une loi, à la condition que cette loi n'ait pas exclu toute indemnisation et que le préjudice dont il est demandé réparation, revêtant un caractère grave et spécial, ne puisse, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés".

L'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat suppose que quatre conditions soient réunies : la loi ne doit pas avoir exclu l'indemnisation ; il doit exister un lien de causalité suffisamment direct entre l'intervention de la loi et le préjudice invoqué (4) ; le préjudice doit avoir un caractère anormal ; il doit présenter un caractère spécial. Dans la jurisprudence récente, l'essentiel des difficultés porte sur les conditions de spécialité et d'anormalité, c'est-à-dire sur l'exigence que le préjudice constitue une rupture manifeste de l'égalité des citoyens devant les charges qu'ils doivent normalement supporter dans l'intérêt général. Comme souvent, c'est la condition de spécialité qui pose problème en l'espèce (5).

Les juges relèvent, en effet, que les dispositions de l'ancien article L. 321-1-3 du Code du travail, issues de la loi n° 92-722 du 29 juillet 1992 (N° Lexbase : L7461AI8) , concernant, notamment, l'obligation d'établir un plan social, se sont appliquées à tous les employeurs envisageant, dans le cadre d'une restructuration, le licenciement de plus de dix salariés à la suite de leur refus d'une modification substantielle de leur contrat de travail. Tous les employeurs étaient donc placés dans la même situation, ce qui fait que la société requérante n'était pas fondée, faute de pouvoir se prévaloir d'un préjudice spécial, à mettre en cause la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'égalité devant les charges publiques.

B - Le régime de responsabilité "sui generis" défini par l'arrêt "Gardedieu" s'applique en cas de violation par l'Etat législateur des principes généraux du droit de l'Union européenne

Après avoir écarté l'engagement de la responsabilité de l'Etat pour rupture de l'égalité devant les charges publiques, le Conseil d'Etat envisage la question de l'application du mécanisme de responsabilité spécifique aux cas de violation du droit de l'Union européenne défini par l'arrêt "Gardedieu". Selon cet arrêt, la responsabilité de l'Etat du fait des lois est susceptible d'être engagée "en raison des obligations qui sont les siennes pour assurer le respect des conventions internationales par les autorités publiques, pour réparer l'ensemble des préjudices qui résultent de l'intervention d'une loi adoptée en méconnaissance des engagements internationaux de la France".

Si dans ses conclusions le commissaire du Gouvernement Derepas considère qu'il s'agit ici d'un régime de responsabilité sui generis, -c'est-à-dire ni un régime de responsabilité pour faute, ni un régime de responsabilité sans faute- il s'agit pourtant bien de sanctionner l'Etat législateur qui n'a pas rempli ses obligations eu égard au principe de primauté du droit de l'Union européenne et des dispositions des articles 55 (N° Lexbase : L0884AH9) et 88-1 (N° Lexbase : L0911AH9) de la Constitution. L'arrêt "Gardedieu" établit donc bien un régime de responsabilité pour faute de l'Etat législateur que le juge, pour des raisons plus historiques et politiques que juridiques, est bien embarrassé de reconnaître comme tel. D'ailleurs, on ne voit pas comment un régime de responsabilité peut être autre chose qu'un régime de responsabilité pour faute, ou sans faute. En effet, soit c'est une faute qui conditionne l'engagement de la responsabilité de l'Etat, soit cet engagement est conditionné par un autre fait générateur qui est alors nécessairement non fautif.

Si l'on met de côté de ce débat doctrinal, l'arrêt rapporté présente comme principal apport de préciser le considérant de principe de l'arrêt "Gardedieu". En effet, le Conseil d'Etat précise que, parmi les engagements internationaux de la France "figure le respect des principes de sécurité juridique et de confiance légitime reconnus par le droit communautaire et, désormais, par le droit de l'Union européenne". La violation de ces principes, qui sont reconnus dans le champ du droit de l'Union européenne par le Conseil d'Etat (6), permet donc désormais l'engagement de la responsabilité l'Etat du fait des lois en cas de méconnaissance de ses engagements internationaux.

C - La responsabilité de l'Etat législateur est écartée lorsque c'est une interprétation juridictionnelle de la loi qui est en cause

Dans la présente affaire, ce n'est pas directement la loi qui est mise en cause par la société requérante, mais le fait qu'elle n'avait pas été en mesure d'anticiper l'interprétation qui en a été faite par la Cour de cassation. C'est donc "la portée qui lui a été ultérieurement conférée par la jurisprudence" qui est à l'origine des difficultés de la société requérante qui n'était, dès lors, "pas fondée à mettre en cause la responsabilité de l'Etat au motif que la loi aurait été adoptée en méconnaissance des principes".

  • Détermination de la juridiction compétente en cas de méconnaissance par une personne publique des droits de propriété littéraire et artistique (T. confl., 7 juillet 2014, deux décisions, n° 3954 N° Lexbase : A4394MUB et 3955 N° Lexbase : A4395MUC)

M. X, qui exerce la profession de photographe, avait conclu avec le département de Meurthe-et-Moselle un contrat relevant du Code des marchés publics portant sur la cession des droits de reproduction et de diffusion de l'ensemble des photos prises par lui pour le compte du département. Estimant que celui-ci avait exploité des photographies pour lesquelles il ne lui avait pas cédé de droits, et qu'il en avait diffusé d'autres sans mentionner son nom, il, a exercé une action en responsabilité contractuelle devant les juridictions administratives.

Dans un arrêt du 16 octobre 2013 (7), le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi dirigé contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 22 novembre 2012, condamnant le département à verser au requérant une somme de 10 000 euros. Toutefois, par trois jugements rendus le 16 octobre 2012, le tribunal administratif de Nancy avait rejeté d'autres demandes indemnitaires formées contre le département de Meurthe-et-Moselle. Par un quatrième jugement rendu le même jour, le même tribunal avait également condamné la maison départementale des personnes handicapées de Meurthe-et-Moselle au versement d'une indemnité limitée à 908 euros.

Conformément aux dispositions combinées des articles R. 811-1 (N° Lexbase : L0865IYP) et R. 222-13 10° (N° Lexbase : L0863IYM) du Code de justice administrative, ces quatre jugements portant sur des demandes indemnitaires inférieures à 10 000 euros ont directement fait l'objet de pourvois en cassation devant le Conseil d'Etat. Mais dans deux arrêts rendus le 14 février 2014 (8), la juridiction administrative suprême a considéré qu'elle était en présence d'une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse de nature à justifier la saisine du Tribunal des conflits, en application de l'article 35 du décret du 26 octobre 1849, réglant les formes de procéder du Tribunal des conflits (N° Lexbase : L5010IPA).

Plus précisément, il s'agissait ici de déterminer la portée de l'article L. 331-1 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3425IQW) qui dispose que les "actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire". Ces dispositions sont issues de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit (N° Lexbase : L2893IQ9). Elles sont complétées par l'article D. 331-1-1 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L8568IE3), qui attribue compétence à certains tribunaux d'instance. Après avoir relevé que le juge judiciaire est désormais exclusivement compétent en matière de propriété littéraire et artistique (A), le Conseil d'Etat rappelle que les dispositions législatives portant sur la répartition des compétences s'appliquent aux instances en cours (B).

A - Le juge judiciaire est exclusivement compétent en matière de propriété littéraire et artistique

La loi du 17 mai 2011 avait modifié l'article L. 331-1 du Code de la propriété industrielle (N° Lexbase : L2854IBC) qui précisait, dans sa version résultant de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 (N° Lexbase : L7358IAR), que "toutes les contestations relatives à l'application des dispositions de la première partie du présent code qui relèvent des juridictions de l'ordre judiciaire sont exclusivement portées devant les tribunaux de grande instance, sans préjudice du droit pour la partie lésée de se pourvoir devant la juridiction répressive dans les termes du droit commun". Ces dispositions n'excluaient donc pas la compétence du juge administratif pour les litiges relatifs à la propriété intellectuelle dans les cas où était en cause la mise en oeuvre d'un contrat administratif et une faute commise par une personne morale de droit public (9).

Il en va autrement en application de la nouvelle rédaction de l'article L. 331-1 de Code de la propriété intellectuelle qui attribue une compétence désormais exclusive au juge judiciaire pour les litiges en matière de propriété littéraire et artistique puisqu'elle concerne "les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale ". Cette solution avait déjà été appliquée en matière de marques et de brevets, respectivement par la loi n° 64-1360 du 31 décembre 1964 (N° Lexbase : L5324DSY) et par la loi n° 68-1 du 2 janvier 1968. Dans ces deux domaines, la compétence du juge judiciaire avait été reconnue par le Conseil d'Etat dans un arrêt "Société design programmes et Tallon" du 27 juin 1988 (10) et dans un arrêt "Préfet de la région Ile-de-France" du 6 juin 1989 (11).

La loi du 17 mai 2011 marque une extension du bloc de compétence judiciaire, non seulement en matière de propriété intellectuelle, mais également pour ce qui concerne les litiges en matière de dessins et modèles (12), d'indications géographiques (13) et d'obtention végétale (14). Dans un arrêt "Société d'équipements industriels urbains" du 2 mai 2011, concernant l'article L. 521-3-1 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L3424IQU), le Tribunal des conflits a confirmé cette extension en considérant que "le législateur a entendu, par dérogation aux principes gouvernant la responsabilité des personnes publiques, faire relever de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire la recherche de la responsabilité des personnes morales de droit public en raison d'une contrefaçon de dessins et modèles qui leur serait imputée" (15).

De façon on ne peut plus cohérente, c'est cette solution qui est également retenue en l'espèce, à propos de l'article L. 331-1 du Code de la propriété intellectuelle relatif aux droits d'auteurs.

Il est à noter, toutefois, que la compétence du juge administratif n'est pas totalement exclue en matière de litiges relatifs à la propriété intellectuelle. En effet, en application des articles L. 615-17 (N° Lexbase : L7013IZR) et L. 623-31 (N° Lexbase : L7014IZS) du Code de la propriété intellectuelle, le juge de l'excès de pouvoir est toujours compétent pour connaître des recours formés contre les décrets, arrêtés et autres décisions ministérielles. Si le code ne prévoit pas de dispositions équivalentes en matière de droit d'auteur, la compétence du juge de l'excès de pouvoir n'est pas pour autant exclue, dès lors que c'est une décision ministérielle qui est cause, qu'il s'agisse d'un décret ou d'une autre décision administrative (16). En revanche, et c'est l'apport principal des décisions commentées, la compétence du juge administratif est désormais clairement exclue en matière de responsabilité contractuelle, y compris lorsqu'est en cause un marché public (dans l'affaire n° 3955) comme en matière de responsabilité extracontractuelle (dans l'affaire n° 3954).

B - Les lois portant sur la répartition des compétences s'appliquant aux instances en cours

Dans la présente affaire, le Tribunal des conflits, faisant l'application d'une jurisprudence classique, rappelle que les règles de compétence s'appliquent aux instances en cours, sauf dans le cas où les premiers juges se sont déjà prononcés (17). Or, la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 était en vigueur lorsqu'ont été rendus les jugements du tribunal administratif de Nancy du 12 octobre 2012. Certes, dans l'affaire n° 3954, le juge des référés avait ordonné le versement d'une provision avant l'entrée en vigueur de cette loi. Les juges vont toutefois faire l'application d'une solution qu'ils avaient précédemment retenue à l'occasion d'un arrêt "Consorts Laugeais" du 28 février 2011 (18) pour décider qu'"une ordonnance en référé [...] n'avait pas le caractère d'une décision sur le fond". La loi du 17 mai 2011 était donc bien applicable dans les deux litiges soumis au Tribunal des conflits, lesquels relèvent donc de la compétence des juridictions judiciaires.


(1) CE, Ass., 8 février 2007, n° 279522, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2006DUT), p.78, concl. L. Derepas, RFDA, 2007, p. 631, concl. L. Derepas, p. 525, note D. Pouyaud et p.789, note M. Canedo-Paris, AJDA, 2007, chron. F. Lénica et L. Boucher, JCP éd. A, 2007, 2083, note C. Broyelle.
(2) Cass. soc., 13 janvier 2009, deux arrêts FS-P+B, n° 07-44.398 (N° Lexbase : A3525ECK) et n° 95-20.360 (N° Lexbase : A2182AA3).
(3) CE, Sect., 14 janvier 1938, n° 51704, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9868B7M), p. 25, D., 1938, III, p. 41, concl. Roujou, note Rolland, RDP, 1938, p. 87, concl. Roujou, note Jèze, S., 1938, III, p.25, concl. Roujou, note Laroque. V., dans la jurisprudence récente, CE, Sect. 30 juillet 2003, n° 215957, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2353C9Z), p. 367, JCP éd. G, 2003, II, 10173, note J.-C. Jobart, JCP éd. A, 2003, 1896, note C. Broyelle ; CE 1° et 6° s-s-r., 2 novembre 2005, n° 266564, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2760DLS), p. 468, AJDA, 2006, p. 142, chron. C. Landais et F. Lenica, RFDA, 2006, p. 214 et p. 349, concl. M. Guyomar, note Ch. Guettier, Droit adm., 2006, 34, Environnement, 2005, comm. 91, note P. Trouilly.
(4) V. CAA Versailles, 4ème ch., 11 juillet 1992, n° 11VE02892, (N° Lexbase : A0160IRD).
(5) V., ainsi, dans la jurisprudence récente, CAA Paris, 4ème ch., 19 octobre 2010, n° 09PA02715 (N° Lexbase : A8229GKY) ; CAA Nancy, 3ème ch., 28 janvier 2010, n° 09NC00135 (N° Lexbase : A6946ERP) ; CAA Bordeaux, 1ère ch., 6 septembre 2007, n° 04BX02071 (N° Lexbase : A6989DYI).
(6) V., pour ce qui concerne le principe de confiance légitime, CE, Ass., 11 juillet 2001, n° 219494 et 221573, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5543AUT), p. 340, RFDA, 2002, p. 33, concl. F. Séners ; V. également CE 8° et 3° s-s-r., 27 juin 2008, n° 276848, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3493D9A), BDCF 11/2008, n° 139, concl. L. Olléon, Dr. fisc., 2008, com. 492, concl. L. Olléon, RJF 11/2008, n° 1241. Le principe de sécurité juridique a par ailleurs également été consacré en tant que principe général du droit par le célèbre arrêt d'Assemblée "KPMG" du 24 mars 2006, CE, Ass., 24 mars 2006, n° 288460, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7837DNL), AJDA, 2006, p. 1028, chron. C. Landais et F. Lenica, Dr. adm., 2006, 71, JCP éd. A, 2006,1120, note J.-.M. Belorgey, RFDA, 2006, p. 545, concl. Y. Aguila, Europe, 2006, 142, note D.Simon.
(7) CE 7° s-s., 16 octobre 2013, n° 365429, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1107KNC).
(8) CE 2° et 7° s-s-r., 10 février 2014, n° 366782, 366783, 366784, 366785, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3837MET).
(9) T. confl., 15 octobre 1973, n° 01982 (N° Lexbase : A8297BDN), JCP éd. G, 1974, II, 17663, concl. G. Braibant, note A. Françon. T. confl., 6 janvier 1975, n° 01995 (N° Lexbase : A8120BD4), Rec. p. 790, D. 1975, jurispr. p. 702, note Plouvin, JCP éd. G, 1976, II, 1828, note F. Moderne. CE 9° et 10° s-s-r., 27 avril 2011, n° 314577, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4317HPL), JCP éd. G, 2011, p. 1435, note J. Antippas, RLDI, juillet 2011, n° 73, note J.-M. Bruguière.
(10) T. confl., 27 juin 1988, n° 02542 (N° Lexbase : A8490BDS), Rec., p. 490.
(11) T. confl., 6 juin 1989, n° 02572 (N° Lexbase : A8127BDD), Rec. Tables p. 794.
(12) C. prop. intell., art. L. 521-3 (N° Lexbase : L7091IZN).
(13) C. prop. intell., art. L. 722-8 (N° Lexbase : L3422IQS).
(14) C. prop. intell., art. L. 623-31 (N° Lexbase : L7014IZS).
(15) T. confl., 2 mai 2011, n° 3770 (N° Lexbase : A2855HQS), Rec. p.684, JCP éd. E, 2011, n° 1467, JCP éd. G, 2011, 768, concl. J.-D. Sarcelet, Propr. industr., 2011, comm. 50, concl. J.-D. Sarcelet, Propr. intell. 2011, n° 40, p. 189, note P. Sirinelli, p. 306, note J.-M. Bruguière, RIDA, 2011, p. 189, obs. P. Sirinelli, RJDA, 2011, n° 868, RJDA, 2012, n° 217, Rev. Lamy, dr. aff., 2011, n° 3533.
(16) V., ainsi, à propos d'une décision de la commission de la copie privée, CE 9° et 10° s-s-r., 25 juin 2014, n° 347914, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2836MT9).
(17) CE, 4 mars 1927, Société L'Économique, Rec., p. 293, DP, 1928, p. 72. CE, 9 mars 1927, Rocheray, Rec., p. 305, DP 1928, p. 70, note R. Mayer. CE, Sect., 6 juilet 1990, n° 62716, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5644AQ4). CE 1° et 4° s-s-r., 28 juillet 1993, n° 123857, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0317AN3), p. 863.
(18) T. confl., 28 février 2011, n° 3750 (N° Lexbase : A3052G4S), Rec. p. 663.

newsid:445071

Sociétés

[Brèves] Modification de la date et des critères d'établissement de la liste des actionnaires habilités à participer à une assemblée générale d'actionnaires et de la liste des obligataires habilités à participer à une assemblée d'obligataires

Réf. : Décret n° 2014-1466 du 8 décembre 2014, modifiant la date et les modalités d'établissement de la liste des personnes habilitées à participer aux assemblées d'actionnaires et d'obligataires des sociétés commerciales (N° Lexbase : L0020I7U)

Lecture: 2 min

N5072BUE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/22018580-edition-n-595-du-18122014#article-445072
Copier

Le 20 Décembre 2014

Un décret, publié au Journal officiel du 10 décembre 2014, modifie la date d'établissement de la liste des actionnaires habilités à participer à une assemblée générale des actionnaires, la date d'établissement de la liste des obligataires habilités à participer à une assemblée d'obligataires et la date butoir d'inscription à l'ordre du jour d'un point ou d'une résolution déposés par un actionnaire (décret n° 2014-1466 du 8 décembre 2014, modifiant la date et les modalités d'établissement de la liste des personnes habilitées à participer aux assemblées d'actionnaires et d'obligataires des sociétés commerciales N° Lexbase : L0020I7U). Ces dates sont désormais fixées au deuxième jour ouvré précédant l'assemblée à zéro heure, heure de Paris (en lieu et place du troisième jour ouvré précédant l'assemblée à zéro heure, heure de Paris). Par ailleurs, s'agissant des sociétés cotées, l'article 3 modifie les conditions d'inscription requises pour participer au vote au sein de ces assemblées : abandonnant le critère de la date d'enregistrement comptable du titre sur le compte-titre de l'acheteur (position négociée), ce texte fixe, désormais, comme condition nécessaire au vote l'inscription définitive du titre au compte-titre de l'acheteur (position dénouée), qui correspond au transfert de propriété de ce titre au sens de l'article L. 211-17 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L5540IC8). Ainsi, les transactions déjà négociées mais non encore dénouées (le délai entre la négociation et le dénouement étant de deux jours à partir du 6 octobre 2014) ne seront plus prises en compte pour déterminer les droits d'un actionnaire à la date de l'assemblée de référence. S'agissant des sociétés non-cotées, l'article 4 continue de prévoir qu'il est justifié du droit de voter en assemblée générale par l'inscription des titres au nom de l'actionnaire dans les comptes de titres nominatifs tenus par la société (dont résulte le transfert de propriété), et ce au jour de l'assemblée. En revanche, il est désormais énoncé qu'en cas de disposition spéciale figurant dans les statuts, cette date pourra désormais être fixée au deuxième jour ouvré (et non plus au troisième jour ouvré comme c'est le cas actuellement) précédant l'assemblée à zéro heure, heure de Paris. Enfin, s'agissant des assemblées d'obligataires, l'article 5 prévoit également que le droit de participer au vote de l'assemblée d'obligataires sera déterminé en fonction du transfert de propriété intervenu sur la base des positions dénouées. Comme en matière d'assemblées d'actionnaires, il est prévu que les statuts peuvent prévoir que la date de référence pour comptabiliser les obligataires autorisés à voter à l'assemblée d'obligataires pourra désormais être fixée au deuxième jour ouvré (et non plus au troisième jour ouvré comme c'est le cas actuellement) précédant l'assemblée à zéro heure, heure de Paris. Ce décret entre en vigueur le 1er janvier 2015.

newsid:445072

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Possibilité de ne pas respecter les obligations formelles dans le cadre du régime de l'auto-liquidation de la TVA

Réf. : CJUE, 11 décembre 2014, aff. C-590/13 (N° Lexbase : A2156M7Y)

Lecture: 2 min

N5099BUE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/22018580-edition-n-595-du-18122014#article-445099
Copier

Le 17 Mars 2015

Dans le cadre du régime de l'auto-liquidation, le principe fondamental de neutralité de la TVA réclame que la déduction de la taxe en amont soit accordée si les exigences de fond sont satisfaites, même si certaines obligations formelles ont été omises par l'assujetti. Telle est la solution rendue par la CJUE dans un arrêt rendu le 11 décembre 2014 (CJUE, 11 décembre 2014, aff. C-590/13 N° Lexbase : A2156M7Y). En l'espèce, une société italienne a effectué des acquisitions intracommunautaires auprès d'une société française et d'une société hollandaise, sans toutefois s'être acquittée des formalités requises par le droit national. Cette société n'avait pas inscrit dans le registre TVA certaines factures établies par la société française. Quant aux factures établies par la société hollandaise, celles-ci n'avaient pas été inscrites dans le registre des factures émises par la société italienne, mais uniquement dans son registre des achats avec l'indication "hors TVA". Après un contrôle effectué par l'administration fiscale, cette dernière a considéré que lesdites opérations représentaient des acquisitions intracommunautaires assujetties à la TVA et soumises, en tant que telles, au régime d'auto-liquidation. Selon une première approche, le droit à déduction requiert que les obligations d'auto-facturation et d'enregistrement prévues dans le cadre du régime d'auto-liquidation par les normes nationales et le droit de l'Union doivent être remplies, ces obligations étant considérées comme des obligations de fond. Selon la seconde approche, le droit à déduction naîtrait au moment de l'exigibilité de la TVA, c'est-à-dire non pas à la suite de l'accomplissement des formalités prévues pour l'exercice dudit droit, mais, en principe, au moment de la réalisation de l'opération de cession de biens ou de la prestation de services. Partant, le non-accomplissement des obligations formelles auxquelles l'assujetti est tenu aux fins de l'exercice de ce droit ne pourrait pas entraîner la perte du droit lui-même, dès lors que serait établie, également par d'autres moyens, la preuve que la somme due a effectivement été versée et que les éléments constitutifs du droit à déduction ne sont pas contestés. Le manquement aux obligations formelles pourrait, toutefois, dans certains cas, justifier l'application d'amendes administratives. La CJUE a opté pour la seconde approche. En effet, pour la Cour, dès lors que l'administration fiscale dispose des données nécessaires pour établir que les exigences de fond sont satisfaites, elle ne saurait imposer, en ce qui concerne le droit de l'assujetti de déduire cette taxe, des conditions supplémentaires pouvant avoir pour effet de réduire à néant l'exercice de ce droit .

newsid:445099

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.