Jurisprudence : TA Montreuil, du 01-06-2011, n° 1004530


TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE MONTREUIL
N° 1004530
___________
M. Robert L.
___________
M. Ouillon
Rapporteur
___________
M. Toutain
Rapporteur public
___________
Audience du 19 mai 2011
Lecture du 1er juin 2011
___________
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Tribunal administratif de Montreuil
(1ère chambre)
19-04-02-07
C+
Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2010, présentée pour M. Robert L., par Me Dillemann et Me
Prost ; M. L. demande au tribunal :
1°) la décharge et la restitution des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que
les pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2004 pour un
montant de 720 559 euros ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du
code de justice administrative ;
Il soutient que les dommages et intérêts qui lui ont été attribué par la Cour d'appel de Paris pour
compenser la perte du droit de lever les options ne sont pas imposables en raison, d'une part, du
caractère involontaire du renoncement à l'exercice de ces options et, d'autre part, de
l'exonération d'impôt sur le revenu des indemnités versées au salarié victime d'un licenciement
abusif au sens de l'article 80 duodecies du code général des impôts, comme le prévoit
l'instruction administrative 5 F 8-00 du 31 mai 2000 ;
Vu la décision par laquelle le délégué chargé de la direction des vérifications nationales et
internationales a statué sur la réclamation préalable ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 juillet 2010, présenté par le délégué chargé de la direction des
vérifications nationales et internationales qui conclut au rejet de la requête ;
Il fait valoir que le litige porte sur l'imposition de la seule indemnité pour perte de levée d'option
d'achat d'actions ; que cette indemnité est un revenu imposable dans la catégorie traitements et
salaires ; que cette indemnité n'est pas exonérée par l'article 80 duodecies du code général des
impôts ;
Vu le mémoire, enregistré le 13 septembre 2010, présenté pour M. Robert L. par Me Dillemann
et Me Prost qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et soutient, en
outre, qu'ayant contesté la taxation des intérêts alloués en justice, les impositions en litige
s'élèvent à 720 559 euros ; que l'indemnité octroyée en raison du non exercice des options
d'achat a la nature d'une plus-value de cession de valeurs mobilières et étant résident belge celleci
était imposable en Belgique par application de l'article 18 de la convention franco belge du
10 mars 1964 ;
Vu le mémoire, enregistré le 12 octobre 2010, présenté par le délégué chargé de la direction des
vérifications nationales et internationales qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes
écritures par les mêmes moyens et soutient, en outre, que la demande du requérant tendant à la
décharge de l'imposition litigieuse en ce qui concerne les intérêts alloués en justice est
irrecevable pour tardiveté ; qu'au regard tant de la législation française que de la convention
franco-belge, l'indemnité litigieuse est imposable en France ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 décembre 2010, présenté pour M. Robert L. par Me Dillemann
et Me Prost qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et soutient, en
outre, que l'indemnité en litige présente le caractère de dommage et intérêt ; que la plus-value
d'acquisition des options d'achat d'actions relève du régime fiscal des plus-values de cession de
valeurs mobilières comme le prévoit d'ailleurs l'instruction administratives 5 F 5-91 ; que
Vu le mémoire, enregistré le 30 décembre 2010, présenté par le délégué chargé de la direction
des vérifications nationales et internationales qui persiste dans ses précédentes écritures ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 mars 2011, présenté pour M. Robert L. par Me Dillemann et Me
Prost qui conclut à la décharge et la restitution des cotisations supplémentaires d'impôt sur le
revenu mises à sa charge au titre l'année 2004 à raison de la somme de 1 562 700 euros ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et a
établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les
revenus du 10 mars 1964 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 2011 :
- le rapport de M. Ouillon, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Toutain, rapporteur public ;
Considérant que M. L., qui occupait un emploi salarié de directeur chargé de la télévente au sein
de la société TF1 et exerçait les fonctions de président directeur général de sa filiale, la société
Téléshopping, s'est vu attribuer, le 11 octobre 1995, une option de souscription des actions de la
société TF1 consentie pour une durée de 7 ans ; que le 18 janvier 2001 , M. L. a été licencié
pour faute grave ; que saisie du bien-fondé de son licenciement, la Cour d'appel de Paris, par un
arrêt du 18 mai 2004, après avoir reconnu que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse,
a, notamment, accordé à l'intéressé une indemnité d'un montant de 1 562 700 euros
correspondant à l'avantage potentiel dont il aurait bénéficié s'il avait pu opter pour la
souscription d'actions de la société TF1 ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration
a réintégré dans les revenus imposables de M. L., au titre de l'année 2004, le montant de cette
indemnité que l'intéressé n'avait pas déclaré ; que M. L., dans le dernier état de ses écritures,
demande la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités
correspondantes auxquelles il a été assujetti à raison de cette réintégration ;
Sur le bien-fondé de l'imposition et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de nonrecevoir
opposée par l'administration :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 79 du code général des impôts, dans sa
rédaction alors en vigueur : « Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et
rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le
revenu. » ; qu'aux termes du I de l'article 80 bis du même code : « L'avantage correspondant à la
différence entre la valeur réelle de l'action à la date de levée d'une option accordée dans les
conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce, et le prix de
souscription ou d'achat de cette action constitue pour le bénéficiaire un complément de salaire
imposable dans les conditions prévues au II de l'article 163 bis C » ;
Considérant qu'une option de souscription ou d'achat d'actions doit être regardée, au moins tant
que l'option n'est pas levée, comme un complément de rémunération ; que, dès lors, l'indemnité
en litige perçue par M. L. ne peut constituer qu'une somme destinée à compenser exclusivement
la perte de rémunération potentielle dont il aurait bénéficié s'il avait pu opter pour la souscription
d'actions de la société TF1 et ne peut être regardée, comme le soutient le requérant, comme la
réparation du préjudice tenant à l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé, du fait de son
licenciement, d'exercer cette option ; que cette indemnité constitue dès lors, pour l'intéressé, un
revenu imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires ; que, M. L.
ne saurait se prévaloir, sur le fondement de l' article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des
énonciations de l'instruction administrative 5 F 9-91 du 31 mai 2000, lesquelles ne comportent
aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 80 duodecies du code général des
impôts dans sa rédaction alors en vigueur : « 1. Sous réserve de l'exonération prévue au 22° de
l'article 81, constitue une rémunération imposable toute indemnité versée à l'occasion de la
rupture du contrat de travail, à l'exception des indemnités de licenciement ou de départ
volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 321-4
et L. 321-4-1 du code du travail, des indemnités mentionnées à l'article L. 122-14-4 du même
code ainsi que de la fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite qui n'excède
pas le montant prévu par la convention collective de branche, par l'accord professionnel et
interprofessionnel ou, à défaut, par la loi. (…). » ; qu'il résulte de ces dispositions que toute
indemnité perçue à l'occasion de la rupture du contrat de travail est imposable, sauf si elle
correspond à l'une des indemnités limitativement énumérées qui, par exception, sont exonérées ;
Considérant que l'indemnité d'un montant de 1 562 700 euros, qui a été versée à M. L. à
l'occasion de la rupture de son contrat de travail, n'a pas pour objet de réparer le préjudice lié à
son licenciement sans cause réelle et sérieuse mais correspond à l' avantage dont l'intéressé
aurait bénéficié s'il avait pu opter pour la souscription d'actions de la société TF1 ; que cette
indemnité ne correspond à aucune de celles exonérées en vertu des dispositions précitées de
l'article 80 duodecies et constitue dès lors une rémunération imposable en application de la loi
fiscale ; que, M. L. ne saurait se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des
procédures fiscales, des énonciations du paragraphe 12 de l'instruction administrative 5 F 8-00
du 31 mai 2000, lesquelles ne comportent aucune interprétation formelle de la loi fiscale
différente de celle dont il a été fait application ;
Considérant, en dernier lieu, ainsi qu'il a été rappelé, que l'indemnité en litige constitue pour
l'intéressé un complément de rémunération imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie
des traitements et salaires ; que par suite, M. L. ne peut utilement se prévaloir des dispositions de
l'article 163 bis C du code général des impôts, de l'instruction administrative 5 F-9-91 du 21
juillet 1991, ni demander à bénéficier des stipulations de l'article 18 de la convention fiscale
franco-belge du 10 mars 1964 qui sont relatives au régime d'imposition des plus-values de
cession de valeurs mobilières;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. L. n'est pas fondé à demander la
décharge, ni par de voie de conséquence la restitution, des cotisations supplémentaires d'impôt
sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2004 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est
pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. L. demande au titre des frais
exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. Robert L. est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. Robert L. et au délégué chargé de la direction
des vérifications nationales et internationales.
Copie en sera adressée au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de
la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2011, à laquelle siégeaient :
M. Barbillon, président,
M. Ouillon, premier conseiller,
M. Hamzawi, conseiller,
Lu en audience publique le 1er juin 2011.
Le rapporteur,
Signé
S. Ouillon
Le président,
Signé
J-Y. Barbillon
Le greffier,
Signé
H. Herber
La République mande et ordonne au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction
publique et de la réforme de l'Etat en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis
en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à
l'exécution de la présente décision.

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