La lettre juridique n°586 du 9 octobre 2014

La lettre juridique - Édition n°586

Éditorial

"Administration de substances nuisibles" : un euphémisme incertain mais nécessaire

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 09 Octobre 2014


La condamnation, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le 2 octobre 2014, à 12 ans de réclusion criminelle, d'un homme ayant sciemment transmis le virus du Sida à sa partenaire et exposé cinq autres femmes au risque de contracter le VIH, après avoir déjà été condamné, en 2005, à une peine de 9 ans de prison pour des faits similaires, présente, outre une nouvelle révélation de la noirceur de l'âme au regard de la problématique de la récidive et l'avantage d'alimenter la colonne des faits divers les plus sordides, le mérite certain de replacer au centre du débat la question de la criminalisation de la transmission du virus du Sida, et plus généralement des "maladies vénériennes" ; une criminalisation écartée in extremis en 2005, à la suite d'un amendement rejeté du Sénat, mais qu'une "loi émotive" comme l'on en connaît à foison, encouragée sous la pression européenne, pourrait faire renaître de ses cendres.

Cette pénalisation de la transmission sexuelle du virus du Sida n'est absolument pas nouvelle. Certes, par un arrêt du 2 juillet 1998, la Cour de cassation a dit pour droit que le crime d'empoisonnement impliquant l'intention homicide, ne donne pas de base légale à sa décision, la chambre d'accusation qui, pour renvoyer une personne devant la cour d'assises, du chef d'empoisonnement, énonce que la seule connaissance du pouvoir mortel de la substance administrée à la victime suffit à caractériser l'intention homicide. En clair, pour la Chambre criminelle, le fait d'être porteur du VIH n'implique pas nécessairement la mort et le fait de savoir que l'on est séropositif et d'avoir des relations non protégées n'implique pas une volonté de transmettre le virus pour donner la mort. L'élément intentionnel de l'homicide par empoisonnement ferait ainsi cruellement défaut. C'est pourquoi les victimes infectées ou exposées ont bâti l'incrimination sur l'administration de substances nuisibles de l'article 222-15 du Code pénal ; infraction transposable à la transmission du virus du Sida, d'abord reconnue par la cour d'appel de Colmar en 2005, puis confirmée par la Haute juridiction en 2006, puis en 2010.

Ainsi, le fait d'entretenir des relations sexuelles non protégées en se sachant porteur du virus du Sida est constitutif, non du crime d'empoisonnement, mais du délit d'administration de substances nuisibles. La subtilité du fondement de la pénalisation de la transmission sexuelle du virus est à la mesure de l'hypocrisie entourant la gestion de la criminalisation de cette transmission ; une hypocrisie qui ne satisfait ni les victimes atteintes ou exposées du fait de cette transmission sur fond, le plus souvent, de duperie, de dol ; ni les associations de prévention ou le Conseil national du Sida qui, sans dédouaner le comportement répréhensible des infracteurs, craignent que cette pénalisation ne stigmatise les porteurs du virus et ne décourage le dépistage, au risque d'une propagation du virus certes inconsciente, mais une propagation tout de même.

Pour autant, face au tabou que constitue encore le fait d'être séropositif ou malade du Sida, mêlant "le sexe, le sang et la mort" comme l'a si "élégamment" rappelé l'infracteur récidiviste, est-il possible, en France, d'avoir une attitude qui ne soit pas ambiguë, ou plutôt entre deux eaux, face à la transmission sexuelle du VIH ?

On sait que la tyrannie commence avec la fraude des mots, mais la "tyrannie de la communication" impose sans doute cette ambiguïté. D'abord, le jeu des deux infractions proches, mais à la sémantique émotionnelle différente, -"l'empoisonnement" revêt assurément une intention meurtrière que "l'administration de substance nuisible" n'implique pas nécessairement, comme évoqué supra-, permet un glissement vers une approche moins passionnelle du débat sur cette transmission ou le risque associé à la pratique de rapports non protégés. Ensuite, l'administration "en toute conscience" diffère de l'administration "volontaire", de manière à ne pas ériger une présomption d'intention criminelle du porteur du virus, que son ou sa partenaire soit ou non au fait de la séropositivité et du risque encouru.

Cette connaissance du risque emporte, d'ailleurs, la question de la responsabilité du partenaire ayant consenti à des relations sexuelles non protégées. Cette "participation" à l'infraction emporterait-elle exonération du premier infecté ? En Allemagne, on sait que la théorie de la bewusste eigenverantwortliche selbstfährdung empêche à une victime de l'infection d'invoquer systématiquement une tromperie de la part du partenaire, car l'absence de protection implique une exposition volontaire à la contamination : l'auto-exposition consciente limiterait donc la responsabilité du porteur du virus. Ainsi, une personne séropositive qui transmet le virus du Sida alors qu'elle s'en savait porteuse tombe sous le coup de l'article du Code pénal relatif aux lésions corporelles dangereuses, à moins qu'elle n'ait fait le nécessaire pour éviter la contamination ou qu'elle n'ait prévenu son partenaire de sa séropositivité. Cette théorie n'a pas court en France, ni même dans nombre de pays occidentaux, mais elle est un signe fort de l'auto-responsabilisation dans la pratique sexuelle, incitant à la protection et au dépistage. Mais, bien évidemment, elle ne règle pas, d'abord, le cas le plus courant qui est celui du dol, ni même celui de la manipulation, tels qu'ils ont été relatés à l'occasion de la condamnation du 2 octobre 2014.

On sait à travers un rapport d'information sénatorial de 2005 que, bien que la jurisprudence soit relativement peu abondante, en particulier en Europe, il est possible d'établir une nette distinction entre plusieurs groupes de pays :

- le Danemark et la moitié des Etats américains ont érigé la transmission du virus du Sida en infraction spécifique ;

- l'Autriche, la Suisse et quelques Etats américains recourent aux dispositions pénales sur la propagation des maladies contagieuses pour punir la transmission du virus du Sida par voie sexuelle ;

- ailleurs, ce sont les dispositions pénales générales sur les voies de fait qui sont mises en oeuvre.

Et l'on voit clairement que les pays où le dogme de la responsabilisation est très prégnant adoptent une incrimination spécifique visant à sanctionner clairement et avant tout le porteur du virus. Mais, pour forcer cette prise de responsabilité, sans stigmatiser le malade et la maladie, certains pays, comme le Canada, estiment que toute personne séropositive a l'obligation de divulguer sa séropositivité avant de s'adonner à une activité sexuelle qui comporte un risque important de contamination. En 2003, la Cour suprême canadienne a même étendu l'obligation de divulgation aux personnes qui ont des doutes sur leur séropositivité.

On ne badine pas avec maladies vénériennes, qui portent bien mal leur nom quand Apaté l'emporte sur Vénus. La syphilis, "cadeau empoisonné du Nouveau monde" n'aura eu comme réparation que la variole du Vieux continent pour décimer, de part et d'autre, les populations. Et, la tromperie et la manipulation ne peuvent être que l'apanage des rois ! L'on imagine mal Louis XV s'interdire de "s'entretenir" avec la Du Barry ou Rosalie Glorieux, alors atteint de la petite vérole, à la veille même de son trépas : n'est pas le "Bien aimé" qui veut. Et, l'on sait que qui trop embrasse mal étreint, qu'au "jeu" de la manipulation des sentiments, l'on finit le plus souvent le "mal aimant". Sait-on d'ailleurs comment George Sand vécut 74 ans malgré son "amour terrible" pour un Musset adepte des grisettes et atteint du "mal de Naples" depuis l'âge de 15 ans ? Le risque n'en vaut certainement pas la chandelle !

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Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Validation de la rupture conventionnelle au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle

Réf. : Cass. soc., 30 septembre 2014, n° 13-16.297, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7882MX9)

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N4037BU3

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Le 16 Octobre 2014

Sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, non invoqués en l'espèce, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue en application de l'article L. 1237-11 du Code du travail (N° Lexbase : L8512IAI) au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle. Telle est la décision retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 30 septembre 2014 (Cass. soc., 30 septembre 2014, n° 13-16.297, FS-P+B+R N° Lexbase : A7882MX9). En l'espèce, Mme C., engagée le 11 février 1983 par la société S., victime d'un accident du travail le 27 janvier 2009, s'est trouvée en arrêt de travail jusqu'au 8 février 2009. Elle a repris son activité professionnelle sans avoir été convoquée à une visite de reprise par le médecin du travail. Par la suite, une convention de rupture du contrat de travail conclue le 7 juillet 2009 a été homologuée par l'inspecteur du travail le 10 août 2009. La salariée a alors saisi la juridiction prud'homale. La salariée fait grief à l'arrêt (CA Lyon, 14 février 2013, n° 11/07843 N° Lexbase : A8540I7G) de la débouter de ses demandes tendant à la nullité de la rupture conventionnelle de son contrat de travail et au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul, subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse. En vain, la Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve la cour d'appel en énonçant le principe précité .

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Avocats/Statut social et fiscal

[Le point sur...] Retraite complémentaire des avocats : cotiser double pour garder l'équilibre !

Lecture: 8 min

N3852BU9

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

Le 09 Octobre 2014

A compter du 1er janvier 2015, la retraite complémentaire des avocats va changer... L'Assemblée générale de la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) a voté cette réforme le 16 décembre 2013, pour une mise en oeuvre au 1er janvier 2015. L'objectif de cette réforme est double :
- assurer et consolider la pérennité des régimes de retraite des avocats, en se fondant sur des principes renouvelés de solidarité et de généralisation (en particulier en ce qui concerne le régime complémentaire) ;
- garantir l'indépendance et l'équilibre des régimes de retraite dont la CNBF a la charge, l'indépendance demeurant le principe essentiel sur lequel se fonde la profession d'avocat. Mais cette réforme n'en finit pas de faire couler de l'encre... Le barreau de Paris, dans son Bulletin du 25 septembre dernier, évoque "la corbeille de la mariée" (le projet ayant été adopté sous l'ancien Bâtonnat...), annonce la désignation d'un expert indépendant -un actuaire- aux fins de poser à la CNBF un certain nombre de questions techniques pour "éventuellement rouvrir le dossier", et suggère un rattachement des organismes techniques de la profession au Conseil national des barreaux... L'UJA de Paris, quant à elle, a souhaité obtenir de la CNBF "des réponses à des questions simples :
- Les jeunes avocats verront-ils logiquement leurs droits à retraite doubler si leurs cotisations doublent ?
- Si non, quels engagements sont pris pour garantir un niveau décent de retraite pour les avocats qui seraient soumis à ce doublement des cotisations ?
- Dans quelle proportion ce doublement de cotisations augmentera-t-il les droits à retraite ?
". Point de réponses encore et semble-t-il un système qui devrait être mis en oeuvre, en témoigne la publication au Journal officiel du 2 juillet 2014 de l'arrêté homologuant la modification du régime complémentaire de retraite des avocats (arrêté du 20 juin 2014, portant approbation des modifications apportées au règlement du régime complémentaire des avocats établi par la Caisse nationale des barreaux français N° Lexbase : L6611I3A). Avant d'en venir aux modifications opérées (II), bref retour sur le régime de retraite des avocats (I). I - Généralités sur le régime de retraite des avocats

Qu'il exerce son activité en qualité de travailleur indépendant ou de salarié, l'avocat, dès lors qu'il est inscrit au tableau de l'Ordre de l'un des barreaux français de la Métropole ou d'un département d'Outre-Mer (DOM), est affilié de plein droit aux régimes d'assurance vieillesse et d'assurance invalidité-décès de la CNBF. Sauf exception prévue par les textes, l'affiliation à la CNBF est obligatoire et soumise à cotisations à compter de la date d'inscription au barreau.

Chaque avocat inscrit à un barreau reçoit un numéro d'immatriculation et est affilié aux trois régimes obligatoires gérés par la Caisse : retraite de base, retraite complémentaire, invalidité-décès.

Les avocats salariés relèvent des mêmes régimes, à l'exception du régime invalidité-décès, au titre duquel ils sont affiliés au régime général.

Cette obligation d'affiliation résulte de nombreux textes :

- l'article 42 de la loi n° 71-1130 (N° Lexbase : L6343AGZ) ;

- les articles L. 723-1 (N° Lexbase : L7561HBN), L. 723-24 (N° Lexbase : L5623ADM), L. 311-3 (N° Lexbase : L2976IQB) et R. 723-32 (N° Lexbase : L4983IRY) du Code de la Sécurité sociale.

Le régime de retraite de base des avocats est en partie financé par les droits de plaidoirie et la contribution équivalente au droit de plaidoirie. L'acquittement de ces droits, versés par les avocats ou les sociétés d'avocats, contribue à hauteur d'un tiers des charges du régime de retraite de base. Le financement des deux autres tiers est assuré par les cotisations personnelles.

Les droits de plaidoirie et la contribution équivalente sont exclusivement destinés à financer le régime de retraite de base : ils ne permettent donc pas d'acquérir des points au régime de retraite complémentaire.

Le droit de plaidoirie est dû pour chaque plaidoirie ou représentation de partie(s) aux audiences de jugement, y compris les audiences de référé, tant devant les juridictions de l'ordre judiciaire que les juridictions de l'ordre administratif, le Conseil d'Etat et la Cour de cassation. Fixé par décret, le montant du droit de plaidoirie est actuellement de 13 euros et ne peut donner lieu à aucune remise. L'avocat qui ne verse pas les sommes dues au titre des droits de plaidoirie risque l'omission au tableau de l'Ordre.

La loi du 20 janvier 2014, garantissant l'avenir et la justice du système de retraites (loi n° 2014-40 N° Lexbase : L2496IZH) a supprimé le recouvrement du droit de plaidoirie par les barreaux depuis le 1er janvier 2014 (CSS, art. L. 723-3 N° Lexbase : L2720IZR). Le paiement de ces droits se fait directement à la CNBF, chaque trimestre, au moyen d'un bordereau adressé à tous les avocats et sociétés d'avocats par la CNBF.

Chaque année, la CNBF divise le montant total des revenus de la profession, y compris les rémunérations nettes versées aux avocats salariés, par le nombre de droits de plaidoirie nécessaire pour couvrir le tiers des charges prévisibles du régime de retraite de base, ce qui permet de déterminer la part de revenus correspondant à un droit de plaidoirie. La CNBF divise, par cette part de revenus, le revenu professionnel déclaré pour l'avant-dernière année civile, augmenté des rémunérations nettes versées par l'avocat ou la société d'avocats aux avocats salariés, et détermine ainsi un nombre théorique de droits de plaidoirie au vu du revenu. Ce nombre sera comparé aux droits de plaidoirie effectivement acquittés (recouvrés sur le client et reversés à la CNBF) au titre de la même année de revenu.

L'avocat non-salarié est redevable, au même titre que l'avocat salarié, de cotisations.

Le barème des cotisations est fixé par l'assemblée générale de la CNBF et approuvé par les pouvoirs publics.

Les cotisations sont portables. Elles sont exigibles au premier jour d'inscription ou de réinscription au barreau, et ce jusqu'au jour auquel l'inscription prend fin.

Le régime complémentaire est financé exclusivement par les cotisations des assurés, assises sur leurs revenus dans la limite d'un plafond. La retraite complémentaire s'additionne au régime de base. Plus l'avocat va cotiser, plus il va acquérir des points et bénéficier d'un revenu de remplacement élevé : c'est un régime par points (et non un régime par annuités), contrairement au régime de base. Dans ce régime complémentaire, il y a des classes optionnelles C1 (2,68 %), C2 (6,59 %) et C3 (9,48 %).

La CNBF propose à ses assurés disposant d'un revenu supérieur au plafond de la première tranche de revenus (40 857 euros en 2013) une extension de cotisation permettant d'acquérir des points supplémentaires au régime de retraite complémentaire.

L'extension de cotisation porte sur la partie du revenu qui excède le montant de la première tranche de revenus dans la limite du plafond de la seconde tranche (de 40 857 à 163 428 euros en 2013).

L'extension de cotisation est conditionnée à une adhésion à l'une des trois classes de taux proposées dont le barème est fixé chaque année, et ce dans les mêmes conditions que pour le régime complémentaire. L'adhésion est facultative et peut être réalisée à tout moment de l'année et de la carrière. Elle a un caractère définitif. Après cinq années de cotisation dans la même classe, l'assuré peut décider d'opter pour une classe supérieure à celle initialement choisie. Il n'est pas possible, en revanche, d'opter pour une classe inférieure.

Si les revenus de l'avocat ayant opté pour une extension de cotisation sont inférieurs au plafond de la première tranche pour une année donnée, il ne sera redevable d'aucune cotisation à ce titre mais n'acquerra aucun point pour l'année considérée au titre du taux supplémentaire choisi. La cotisation aux taux supplémentaires est obligatoire dès l'option et, de ce fait, déductible des revenus professionnels dans les mêmes conditions que les autres cotisations.

II - Les raisons de la réforme et les modifications opérées

Dans un courrier adressé aux avocats le 10 septembre 2014, le président de la CNBF, Pierre-Jacques Castanet explique que cette réforme était indispensable en raison de trois menaces qui pesaient sur les avocats.

D'abord, les prévisions indiquaient un déséquilibre technique (montant des prestations supérieur au montant des cotisations) à l'horizon 2018. En dépit d'un rapport démographique toujours favorable mais se dégradant (6,4 cotisants pour un retraité en 2013 contre 8,9 en 2006), l'augmentation de la masse des prestations est nettement plus forte que celle des cotisations (+ 215 % contre + 185 % sur 10 ans, de 2004 à 2013, augmentation de 4,2 ans de la durée moyenne de service d'une pension de droit direct sur 20 ans, de 1994 à 2013). La conséquence inéluctable était dès lors la nécessité d'augmenter les cotisations pour combler les déficits prévisibles.

Ensuite, était annoncée la suppression des avantages fiscaux et sociaux des cotisations à taux optionnel (les classes C1, C2 et C3) du régime complémentaire.

Enfin, les pouvoirs publics avaient clairement affiché leur volonté de mettre un terme à ces cotisations optionnelles du régime complémentaire. En effet, seul le caractère obligatoire garantit que les générations futures vont cotiser pour pouvoir assurer le paiement des pensions. L'existence de cotisations optionnelles est donc incompatible, à terme, avec un régime par répartition, même si l'option était en l'occurrence irrévocable. La suppression de la partie optionnelle du régime complémentaire aurait eu pour conséquence une baisse drastique du montant des pensions versées aux avocats.

Le principe de la réforme est de parvenir, au terme d'une période transitoire de 15 ans, à un taux unique de cotisations sur cinq tranches progressives de revenus nets (de 1 à 208 370 euros). C'est donc la solution du "tout obligatoire" et de la fin programmée de la partie optionnelle qui a été retenue car elle répond, selon le président Castanet, à une double finalité :

- garantir la pérennité des régimes de retraite des avocats et de leurs réserves (1,4 milliard d'euros), et donc sécuriser le paiement des pensions futures ;
- augmenter le niveau des pensions de retraite pour, à terme, atteindre le niveau de retraite des cadres.

De plus, et de façon tout aussi essentielle, la période transitoire de 15 ans permet une mise en oeuvre souple et progressive de la réforme. L'augmentation des cotisations sera raisonnable, mesurée et surtout planifiée tout au long de cette longue période transitoire, avec pour effet, non pas de combler un déficit à venir, mais d'acquérir plus de droits (acquisition de plus de "points"). Cinq classes de cotisations sont proposées (au lieu de trois : C1, C2 ou C3), chacune divisée en cinq tranches de revenu net (au lieu de deux).

Alors qu'auparavant le choix pour une classe était irrévocable, chacun pourra choisir, chaque année pendant la période transitoire, la classe de son choix (cotiser plus pour plus de droits ou l'inverse) en fonction de ce qu'il souhaite investir et tout en conservant les avantages fiscaux et sociaux existants. Pour le président Castanet, ces nouvelles possibilités de choix vont permettre aux revenus modestes d'accéder enfin "au cotiser plus", ce qui était jusqu'ici réservé aux seuls revenus nets supérieurs à 41 674 euros.

Et en pratique ?

Dès 2015, l'avocat cotisant aura la possibilité de choisir parmi cinq classes de cotisation, chacune divisée en cinq tranches. Le choix de la 5ème classe lui ouvre la possibilité que la dernière tranche soit majorée de 2,5 %, dans l'objectif d'acquérir davantage de points.

Les nouvelles classes de cotisations pour 2015 se présenteraient ainsi :

Classe 1 Classe 2 Classe 3 Classe 4 Classe 5
De 1 euros à 41 674 euros 3 % 3,75 % 4,50 % 5,25 % 6 %
De 41 675 euros à 83 348 euros 6 % 7,40 % 8,80 % 10,20 % 11,60 %
De 83 349 euros à 125 022 euros 6,70 % 8,45 % 10,20 % 11,95 % 13,70 %
De 125 023 euros à 166 696 euros 7,4 % 9,50 % 11,60 % 13,70 % 15,80 %
De 166 697 euros à 208 370 euros 8,1 % 10,55 % 13 % 15,45 % 17,9 % *

* Majorable de 2,5 % sur option

La CNBF écrira dès le mois de novembre 2014 à chaque avocat pour envoyer le formulaire d'option. Avec la réforme, le choix de la classe de cotisation n'est plus irrévocable et définitif. Ainsi, l'avocat cotisant pourra, chaque année, faire un autre choix que celui de l'année précédente.

Sans manifestation de sa part, l'avocat cotisant sera automatiquement affecté à la classe 1, sauf si au 31 décembre 2014 il était adhérent à l'une des anciennes classes C1, C2 ou C3. Dès lors son classement sera opéré ainsi :

Pour ceux adhérant en C1 : placement en classe 1 Pour ceux adhérant en C2 : placement en classe 2 Pour ceux adhérant en C3 : placement en classe 4
De 1 euros à 41 674 euros 3 % 3,75 % 5,25 %
De 41 675 euros à 83 348 euros 6 % 7,40 % 10,20 %
De 83 349 euros à 125 022 euros 6,70 % 8,45 % 11,95 %
De 125 023 euros à 166 696 euros 7,40 % 9,50 % 13,70 %
De 166 697 euros à 208 370 euros 8,10 % 10,55 % 15,45 %

Sur l'acquisition des droits, le principe reste le même : les cotisations versées sont converties en points tous les ans en fonction de la valeur d'acquisition d'un point fixé par l'assemblée générale de la CNBF. Le montant de la retraite complémentaire est calculé lors de la liquidation des droits à la retraite : le montant total des points acquis est multiplié par la valeur de service du point de retraite, défini également chaque année par l'assemblée générale de la CNBF.

En cas de liquidation de retraite ou de cessation d'activité, le revenu provisionnel sera définitivement considéré pour le calcul des dernières cotisations. L'année suivante, l'adhérent ne sera pas tenu de fournir son revenu définitif et ses droits à la retraite complémentaire (les points) seront définitivement acquis sur le provisionnel.

Conclusion : au vue des éléments diffusés, le taux double donc ou peu s'en faut. Et les surcotisations optionnelles disparaissent, le caractère obligatoire prévalant désormais.

En outre, il est prévu que le rendement soit réduit et ne puisse pas dépasser 7,5 % en 2029, contre 10 % actuellement. Si, la finalité affichée est de maintenir un équilibre pour dans quinze ans, force est de constater que la pilule risque d'être dure à avaler pour une profession qui porte déjà de lourdes charges.

newsid:443852

Baux commerciaux

[Jurisprudence] Régularisation de la procédure en fixation du loyer par la notification d'un mémoire après dépôt du rapport

Réf. : Cass. civ. 3, 24 septembre 2014, n° 13-17.478, FS-P+B (N° Lexbase : A3032MXL)

Lecture: 13 min

N4076BUI

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par Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"

Le 09 Octobre 2014

L'instance ayant été régulièrement engagée dans le délai de deux ans à compter de la date d'effet du congé et le bailleur justifiant avoir notifié par lettre recommandée avec accusé de réception un mémoire après le dépôt du rapport d'expertise et avant que la cour d'appel ne statue sur ce moyen de nullité qui n'avait pas été soulevé devant le premier juge, l'action du bailleur en fixation du loyer du bail renouvelé est recevable. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation du 24 septembre 2014.
  • Les faits

En l'espèce, par acte du 20 mai 1997, avaient été données à bail, pour une durée de neuf ans, deux parcelles. Par acte du 13 septembre 2006, le bailleur avait notifié à son locataire un congé avec offre de renouvellement pour un loyer déplafonné à effet du 8 avril 2007. Le bailleur a notifié un mémoire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 avril 2007. Les parties ne s'étant pas accordées sur le prix du bail renouvelé, le bailleur avait, ensuite, saisi le juge des loyers commerciaux par acte du 2 novembre 2007. L'expert judiciairement désigné avait déposé son rapport le 30 septembre 2008. Le juge de première instance avait ensuite statué sur la valeur locative par jugement du 4 septembre 2009, sans qu'aucun mémoire n'ait été notifié à la suite du dépôt du rapport d'expertise. Au cours de la procédure de l'appel interjeté à l'encontre du jugement du 4 septembre 2009, le bailleur avait notifié un mémoire le 5 décembre 2012. Le locataire, reprochant aux juges du fond d'avoir déclaré l'action du bailleur recevable alors qu'il estimait cette dernière prescrite, s'est pourvu en cassation.

I - Sur la nécessité de la notification d'un mémoire avant la saisine du juge des loyers

L'article R. 145-23 du Code de commerce (N° Lexbase : L0053HZY) dispose que "les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal de grande instance ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire [nous soulignons]".

La notification d'un mémoire est le préalable nécessaire à la saisine du président du tribunal de grande instance, dénommé par usage "juge des loyers". L'article R. 145-27 du Code de commerce (N° Lexbase : L0057HZ7) dispose en effet que "le juge ne peut, à peine d'irrecevabilité, être saisi avant l'expiration d'un délai d'un mois suivant la réception par son destinataire du premier mémoire établi".

Un mémoire préalable doit être notifié même lorsque l'affaire a été renvoyée devant le juge des loyers commerciaux après une décision d'incompétence (Cass. civ. 3, 14 septembre 2011, n° 10-10.032, FS-P+B N° Lexbase : A7544HXP). En revanche, et a priori, il n'y aura pas lieu de notifier de mémoire préalable lorsque c'est le tribunal de grande instance qui est saisi à titre accessoire d'une demande en fixation du prix du bail renouvelé (C. com., art. R. 145-23 ; en ce sens, rendu à propos du mémoire après dépôt du rapport : Cass. civ. 3, 23 mai 2013, n° 12-14.009, FS-P+B N° Lexbase : A9111KDS).

Ce formalisme "s'impose comme tel aux justiciables, ayant été édicté dans le cadre de l'organisation judiciaire et dans l'intérêt d'une meilleure administration de la justice et non dans l'intérêt particulier de l'une ou l'autre des parties" (Cass. civ. 3, 10 juin 1971, n° 70-12.678 N° Lexbase : A6697AG7 ; Cass. civ. 3, 26 octobre 2011, n° 10-18.858, FS-D N° Lexbase : A0685HZE ; Cass. civ. 3, 14 septembre 2011, n° 10-10.032, FS-P+B N° Lexbase : A7544HXP) et les parties ne peuvent y déroger (Cass. civ. 3, 10 juin 1971, n° 70-12.678 N° Lexbase : A6697AG7). Bien que l'article R. 145-27 du Code de commerce sanctionne l'absence de mémoire par l'irrecevabilité, la Cour de cassation juge que la violation de cette règle "vicie l'instance toute entière" et permet de "mettre à néant" la décision fixant le loyer (Cass. civ. 3, 10 juin 1971, n° 70-12.678 N° Lexbase : A6697AG7). Elle affecte l'assignation et les conclusions d'une nullité de fond et entraîne, en conséquence, la nullité des jugements rendus à la suite (Cass. civ. 3, 26 octobre 2011, n° 10-18.858, FS-D N° Lexbase : A0685HZE).

II - Sur la notification d'un mémoire après dépôt du rapport d'expertise

A - Sur l'exigence d'un mémoire après dépôt du rapport

La notification d'un mémoire est également nécessaire, lorsqu'un expert judiciaire a été désigné aux fins de se prononcer sur le montant du loyer, après dépôt de son rapport. Cette obligation résulte indirectement de l'article R. 145-31 du Code de commerce (N° Lexbase : L0061HZB) qui dispose que "dès le dépôt du constat ou du rapport, le greffe avise les parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, si elles sont représentées, leurs avocats, de la date à laquelle l'affaire sera reprise et de celle à laquelle les mémoires faits après l'exécution de la mesure d'instruction devront être échangés".

L'article R. 145-25 du Code de commerce (N° Lexbase : L0055HZ3) vise également les mémoires déposés après rapport en disposant que "les mémoires en réplique ou ceux rédigés après l'exécution d'une mesure d'instruction peuvent ne comporter que les explications de droit ou de fait".

La Cour de cassation, dans une espèce où le bailleur avait seulement signifié des conclusions après exécution de la mesure d'instruction, a précisé que "la notification d'un mémoire après mesure d'instruction conditionnait la régularité de l'entière procédure, même si les parties n'avaient aucun argument ou moyen supplémentaire à développer, et que la nullité des conclusions substituées au mémoire n'affectait pas seulement ces écritures mais entraînait interruption définitive et extinction de la procédure en fixation du loyer engagée par le bailleur par assignation du 24 novembre 1997" (Cass. civ. 3, 30 avril 2003, n° 01-15.508, FS-P+B N° Lexbase : A7553BSK). De la même manière, une nouvelle assignation délivrée après mesure d'instruction devant le juge des loyers commerciaux aux lieu et place de la notification d'un mémoire est affectée d'une nullité de fond qui entraîne une interruption définitive de la procédure (Cass. civ. 3, 13 octobre 2010, n° 09-66.600, FS-D N° Lexbase : A8685GBB).

Il existe une exception à cette exigence de notification d'un mémoire préalable après dépôt du rapport d'expertise lorsque la procédure se déroule devant le tribunal de grande instance saisi à titre accessoire d'une demande en fixation du prix du bail renouvelé (C. com., art. R. 145-23). La procédure, dans ce cas, est celle applicable en matière contentieuse devant cette juridiction et non la procédure spéciale sur mémoire en vigueur devant le seul juge des loyers commerciaux (Cass. civ. 3, 23 mai 2013, n° 12-14.009, FS-P+B N° Lexbase : A9111KDS).

B - Sur la sanction du défaut de mémoire après dépôt du rapport

A l'instar des règles applicables au mémoire préalable, l'exigence de notification d'un mémoire après dépôt du rapport d'expertise "s'impose aux justiciables comme ayant été édictée dans le cadre de l'organisation judiciaire et dans l'intérêt d'une meilleure administration de la justice et non dans l'intérêt de l'une ou l'autre des parties", de sorte que "les conclusions déposées devant le juge des loyers commerciaux ne peuvent suppléer l'absence de mémoire [et] sont affectées d'une nullité de fond entraînant l'extinction définitive de la procédure en fixation du loyer du bail renouvelé", même en l'absence de grief (Cass. civ. 3, 4 février 2009, n° 08-10.723, FS-P+B N° Lexbase : A9622ECD, en ce sens également, Cass. civ. 3, 24 juin 1998, n° 96-19.730 N° Lexbase : A5532ACU ; Cass. civ. 3, 22 novembre 2011, n° 10-25.686, F-D N° Lexbase : A0021H38).

La Cour de cassation a jugé que l'absence de dépôt de mémoire après expertise constitue une irrégularité de fond qui peut être soulevée en tout état de cause et rend la demande en fixation de loyer irrecevable (Cass. civ. 3, 5 avril 2005, n° 04-11.410, F-D N° Lexbase : A7600DHX).

La cour d'appel d'Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 11 janvier 2007, n° 04/04590 N° Lexbase : A4262GTZ; voir également, CA Paris, 16ème ch., sect. A, 24 mai 2000, n° 1998/17044 N° Lexbase : A1445AU3) a estimé en revanche que la demande tendant à faire sanctionner cette irrégularité constituait une exception de procédure devant "à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir" (C. proc. civ., art. 74 N° Lexbase : L1293H4N), et non une fin de non-recevoir, et plus précisément une exception de nullité qui "est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité" (C. proc. civ., art 112 N° Lexbase : L1390H4A).

Dans son arrêt du 26 octobre 2011, relatif au défaut de mémoire préalable à la saisine du juge et non au défaut de mémoire après expertise, la Cour de cassation a rejeté un pourvoi contre un arrêt qui avait prononcé la nullité des jugements rendus alors que l'une des branches du moyens soulevait l'irrecevabilité de cette demande de nullité formée par la partie qui avait préalablement conclu au fond (Cass. civ. 3, 26 octobre 2011, n° 10-18.858, FS-D N° Lexbase : A0685HZE).

C - Sur la possibilité de régulariser l'absence de mémoire après dépôt du rapport

L'irrégularité de la procédure tenant à l'absence de dépôt d'un mémoire après dépôt du rapport d'expertise n'est pas nécessairement irrémédiable. La Cour de cassation a en effet précisé, dans des espèces où les bailleurs n'avaient pas notifié régulièrement leur mémoire après du dépôt du rapport, que l'action en fixation du loyer était recevable dès lors qu'un mémoire régulier a été notifié avant que la cour d'appel ne statue (Cass. civ. 3, 17 septembre 2008, n° 07-16.973, FS-P+B N° Lexbase : A4034EAN ; voir également en ce sens, Cass. civ. 3, 17 septembre 2008, n° 07-17.362, FS-P+B N° Lexbase : A4045EA3 et Cass. civ. 3, 22 janvier 2013, n° 11-28.184, F-D N° Lexbase : A8715I38).

Aucun texte n'a été visé par la Cour de cassation pour fonder la possibilité d'une régularisation. La cour d'appel de Metz, dans un arrêt du 23 mai 2013, a justifié la solution par les dispositions de l'article 121 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1412H43) qui précisent que "dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue" (CA Metz, 23 mai 2013, n° 08/00217 N° Lexbase : A6774KEM ; également en ce sens, CA Colmar, 19 février 2014, n° A 12/01538 N° Lexbase : A5186MES).

La formulation employée par la Cour de cassation pouvait apparaître suffisamment large pour soutenir que la solution s'appliquait tant dans le cas où l'expert avait été désigné par le juge de première instance que par la cour d'appel, même si les deux arrêts précités du 17 septembre 2008 semblaient avoir été rendus dans l'hypothèse d'une désignation de l'expert par le cour d'appel (en ce sens, sur ce dernier point, E. Chavance, Loyers et copr., 2011, comm. n° 250).

L'arrêt du 24 septembre 2014 confirme la possibilité de régulariser la procédure viciée pour défaut de notification d'un mémoire préalable après dépôt du rapport, même dans l'hypothèse où c'est le juge de première instance qui a désigné l'expert et que la notification du mémoire n'intervient qu'au cours de la procédure d'appel. Il peut être souligné que dans cette décision, la Cour de cassation, approuve la cour d'appel d'avoir relevé que la notification du mémoire avait été effectué "avant qu'elle ne statue sur ce moyen de nullité qui n'avait pas été soulevé devant le premier juge".

III - Sur les effets sur l'instance de la décision ordonnant une expertise

Du point des effets procéduraux de la décision ordonnant une expertise, il semblerait, contrairement à la procédure de droit commun dans laquelle "la décision qui ordonne une mesure d'instruction ne dessaisit pas le juge" (C. proc. civ., art. 153 N° Lexbase : L1518H4Y), que la décision du juge des loyers ordonnant une expertise le dessaisisse (en ce sens J.-P. Blatter, AJDI 2009, p. 538, note sous Cass. civ. 3, 4 février 2009, n° 08-10.723, FS-P+B N° Lexbase : A9622ECD : la cour d'appel, dans cet arrêt de rejet, avait jugé l'absence de saisine régulière du juge des loyers après expertise. Cependant, jugeant que la décision du juge des loyers ordonnance une expertise ne le dessaisit pas, voir CA Paris, 16ème ch., sect. A, 26 avril 2006, n° 05/06283 N° Lexbase : A2113DRP).

A cet égard, il peut être noté que l'article R. 145-31 du Code de commerce dispose que le "greffe avise les parties [...] de la date à laquelle l'affaire sera reprise". Le Code de procédure civile emploie le terme "reprise" dans le cadre de l'interruption d'instance (C. proc. civ., art. 373 N° Lexbase : L2226H49). Or, l'interruption de l'instance, dans le cadre de la procédure de droit commun, ne dessaisit pas le juge (C. proc. civ., art. 376 N° Lexbase : L2235H4K).

Le dessaisissement ou non du juge pourrait avoir des conséquences sur le cours de la prescription : ne faudrait-il pas en effet considérer qu'un nouveau délai de deux ans cours à compter de la décision du juge des loyers ordonnant une expertise ? L'arrêt du 24 septembre 2014 inciterait à répondre par la négative dès lors qu'il se contente d'indiquer que l'instance avait valablement était engagée dans le délai de deux ans.

IV - Sur les conséquences de la nécessité d'un mémoire sur la prescription

L'exigence de notification d'un mémoire, et à défaut de cette notification, l'irrégularité subséquente de la procédure, revêtent une importance particulière en matière de bail commercial compte tenu du court délai de prescription (deux ans) auquel est soumise l'action en fixation du loyer (C. com., art. L. 145-60 N° Lexbase : L8519AID) : le fait que la procédure soit entièrement viciée pourrait entraîner en effet rétroactivement la perte de l'effet interruptif de l'assignation et des mémoires subséquents (pour l'hypothèse de l'absence de mémoire préalable à la saisine du juge pour ces derniers). Il a ainsi été jugé, dans une hypothèse où le juge des loyers avait été saisi sans qu'un mémoire préalable ait été notifié, qu'aucun acte interruptif régulier n'était intervenu dès lors que l'assignation, les conclusions et les jugements étaient nuls (Cass. civ. 3, 26 octobre 2011, n° 10-18.858, FS-D N° Lexbase : A0685HZE).

Il a été jugé à cet égard que l'article 2241 du Code civil (N° Lexbase : L7181IA9) n'était pas applicable dans ce cas. Ce texte dispose que Ce texte dispose que "la demande en justice [...] interrompt le délai de prescription [...] même [...] lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure". La cour d'appel de Rouen a précisé que "le défaut de notification du mémoire préalable à la saisine du juge des loyers ne constitue pas un simple vice de procédure" (CA Rouen, 22 mai 2014, n° 13/03276 N° Lexbase : A9602MPC).

Il pouvait être soutenu en effet que "l'interruption définitive et extinction de la procédure en fixation du loyer" faisait perdre le bénéfice de l'interruption antérieure de l'action en fixation du loyer (voir en ce sens, le moyen soulevé dans Cass. civ. 3, 17 septembre 2008, n° 07-16.973, préc.). Dans sa décision du 17 septembre 2008, la Cour de cassation a précisé que l'assignation, délivrée avant l'expiration du délai de prescription, interrompait la prescription pour toute la durée de l'instance et que l'action ne pouvait être jugée prescrite dès lors qu'un mémoire, même tardif, avait été notifié avant que la cour ne statue.

Dans l'arrêt rapporté, le bailleur avait notifié à son locataire un congé avec offre de renouvellement pour un loyer déplafonné à effet du 8 avril 2007. Le délai de prescription de deux ans, courant à compter de la date d'effet du congé (cf. Cass. civ. 3, 8 janvier 1997, n° 95-12.060 N° Lexbase : A0354AC4), expirait donc le 8 avril 2009. Le bailleur avait notifié un mémoire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 avril 2007, ce qui a priori avait interrompu le délai de prescription. Le bailleur avait ensuite saisi le juge des loyers commerciaux par acte du 2 novembre 2007. Dès lors que le vice affectant la procédure avait été régularisé par la notification du mémoire, l'action était recevable, étant rappelé que "l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance" (C. civ., art. 2242 N° Lexbase : L7180IA8). Par ailleurs, et dans le cas où la décision du juge des loyers qui ordonne une expertise le dessaisirait, il pourrait être soutenu qu'un nouveau délai de deux ans court à compter de cette décision et qu'un nouvel acte interruptif de prescription devra intervenir dans ce délai.

Il doit être rappelé que l'action en fixation du loyer est interrompue par la notification d'un mémoire (décret n° 53-960 du 30 septembre 1953, art. 33 N° Lexbase : L3462AHP). Le délai de prescription biennale court, en principe, de nouveau à compter de cette notification. La remise au greffe du mémoire aux fins de fixation de la date de l'audience ne saisit pas, en revanche, le juge des loyers commerciaux et ne peut donc interrompre le délai de la prescription (Cass. civ. 3, 23 janvier 2013, n° 11-20.313, FS-P+B N° Lexbase : A8869I3U). L'action sera donc prescrite si l'assignation est délivrée plus de deux ans après la notification du mémoire, même si le mémoire a été enrôlé au greffe avant l'expiration de ce délai (même arrêt).

La règle selon laquelle la demande en justice interrompt la prescription (C. civ., art. 2241 N° Lexbase : L7181IA9) est applicable à l'action en fixation du loyer (voir CA Versailles, 14 février 2012, n° 11/00636 N° Lexbase : A4433IC8 ; également, Cass. civ. 3, 22 janvier 2013, n° 11-28.184, F-D N° Lexbase : A8715I38 et CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 19 septembre 2012, n° 10/19259 N° Lexbase : A0723ITX), cette interruption produisant ses effets sans qu'il soit nécessaire de prendre en compte la date de sa remise au greffe, sous réserve de la question de sa caducité (C. proc. civ., art. 791 N° Lexbase : L7034H7N ; CA Versailles, 14 février 2012, n° 11/00636, préc.) et des effets de cette dernière sur la prescription.

newsid:444076

Baux commerciaux

[Brèves] Sur la prescription de l'action tendant à faire constater l'existence d'un bail commercial à l'issue d'un bail dérogatoire

Réf. : Cass. civ. 3, 1er octobre 2014, n° 13-16.806, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8014MX4)

Lecture: 1 min

N4079BUM

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Le 11 Octobre 2014

La demande tendant à faire constater l'existence d'un bail soumis au statut né du fait du maintien en possession du preneur à l'issue d'un bail dérogatoire, qui résulte du seul effet de l'article L. 145-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L5031I3Q), n'est pas soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 de ce code (N° Lexbase : L8519AID). Tel est l'un des enseignements issus d'un arrêt de la Cour de cassation du 1er octobre 2014 (Cass. civ. 3, 1er octobre 2014, n° 13-16.806, FS-P+B+I N° Lexbase : A8014MX4 ; sur cet arrêt lire également, sur l'application du statut aux baux portant sur un terrain nu : condition relative à la solidité et à la fixité des constructions, N° Lexbase : N4080BUN). En l'espèce, par acte authentique du 14 novembre 1994, ont été donnés à bail deux terrains pour une durée de vingt-trois mois courant à compter du 1er juillet 1994 avec autorisation d'y installer deux containers reliés par un toit en tôle pour y exercer une activité d'atelier et de bureaux. Par acte du 15 mars 2010, le bailleur, représenté par son liquidateur, a assigné le preneur en expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation. Plus de douze ans après le terme du bail initial, le preneur a demandé au tribunal de constater qu'il bénéficiait d'un bail soumis au statut des baux commerciaux. Les juges du fond ont fait droit à cette demande au motif qu'elle n'était pas prescrite car la nullité de la clause fixant la durée du bail à une durée inférieure à neuf années pouvait être invoquée par voie d'exception. Le propriétaire, estimant que l'action du preneur était prescrite, s'est pourvu en cassation. Enonçant le principe précité, la Cour de cassation rejette le pourvoi par substitution de motif (cf. l’Ouvrage "baux commerciaux" N° Lexbase : E4759ERP).

newsid:444079

Copropriété

[Brèves] Majorité requise pour décider une modification de la répartition des charges à la suite d'un changement d'usage d'une partie privative : notion de changement d'usage

Réf. : Cass. civ. 3, 1er octobre 2014, n° 13-21.745, FS-P+B (N° Lexbase : A7935MX8)

Lecture: 1 min

N4066BU7

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Le 10 Octobre 2014

Selon l'article 25 f) de la loi du 10 juillet 1965 dans sa rédaction applicable à la cause (cf., désormais, l'article 25 e N° Lexbase : L4825AH8 depuis la loi "ALUR" du 24 mars 2014 N° Lexbase : L8342IZY), la modification de la répartition des charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun, rendue nécessaire par un changement de l'usage d'une ou plusieurs parties privatives, peut être adoptée à la majorité des voix de tous les copropriétaires. Dans un arrêt rendu le 1er octobre 2014, la troisième chambre civile de la Cour de cassation vient rappeler que ces dispositions sont applicables alors même que le nouvel usage du lot est prévu par le règlement de copropriété (Cass. civ. 3, 1er octobre 2014, n° 13-21.745, FS-P+B N° Lexbase : A7935MX8). En l'espèce, Mme J., propriétaire d'un lot à usage d'habitation situé au quatrième étage d'un immeuble en copropriété qu'elle avait donné en location pour l'exercice d'une activité médicale, avait assigné le syndicat des copropriétaires en annulation de la décision d'assemblée générale qui avait modifié la répartition des charges d'ascenseur afférentes à son lot à la suite du changement d'usage de celui-ci. Pour accueillir la demande, la cour d'appel de Rouen avait relevé que le règlement de copropriété prévoyait que les appartements ne pourraient être occupés que bourgeoisement ou affectés à l'exercice d'une activité libérale et retenu qu'il n'y avait pas eu changement d'usage au sens de l'article 25 f) de la loi du 10 juillet 1965 dès lors que le copropriétaire n'avait fait qu'user de son lot conformément aux stipulations du règlement de copropriété. L'argument est écarté par la Haute juridiction qui rappelle que l'article 25 f) de la loi du 10 juillet 1965 est applicable alors même que le nouvel usage du lot est prévu par le règlement de copropriété (déjà en ce sens : Cass. civ. 3, 17 juillet 1996, n° 94-19.509 N° Lexbase : A0055ACZ ; cf. l’Ouvrage "Droit de la copropriété" N° Lexbase : E8049ETB).

newsid:444066

Électoral

[Brèves] Rappel du principe d'inéligibilité au poste de conseiller municipal d'une personne chargée de mission au sein d'un EPCI à fiscalité propre

Réf. : CE 9° et 10° s-s-r., 1er octobre 2014, n° 383557, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7809MXI)

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N4018BUD

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Le 10 Octobre 2014

Une personne chargée de mission au sein d'un EPCI à fiscalité propre ne peut être élue conseiller municipal, rappelle le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 1er octobre 2014 (CE 9° et 10° s-s-r., 1er octobre 2014, n° 383557, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7809MXI). M. X forme appel contre le jugement du 12 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa protestation dirigée contre les élections municipales qui se sont déroulées dans une commune de l'île de la Réunion et à l'issue desquelles la liste qu'il conduisait est arrivée en seconde position derrière celle du maire sortant. Le requérant demande, en particulier, que ce dernier soit déclaré inéligible pour une durée de cinq ans. Mme Y, élue en qualité de conseillère municipale à l'issue des élections en litige, a été affectée à compter du 29 mars 2012 sur un poste de "chargée de mission" au sein de la communauté intercommunale des villes solidaires, établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre. L'intéressée, titulaire du grade de directeur territorial, est placée sous l'autorité directe du directeur général des services de cet établissement. Or, elle s'est bornée, en réponse au grief invoqué par M. X, à faire valoir que ce dernier n'apportait pas la preuve qu'elle occupait des fonctions équivalentes à celles des agents mentionnés au 8° de l'article L. 231 du Code électoral (N° Lexbase : L7914IYR), sans fournir aucune indication relative à la mission dont elle est chargée, de nature à démentir les allégations du requérant. Dès lors, elle doit être regardée, alors même qu'elle ne dispose pas d'une délégation de signature, comme exerçant des fonctions au moins équivalentes à celles d'un chef de service de cet établissement public de coopération intercommunale. Ainsi, elle était atteinte par l'inéligibilité édictée par l'article L. 231 du Code électoral. L'élection de Mme Y en qualité de conseillère municipale de la commune est donc annulée (cf. l’Ouvrage "Droit électoral" N° Lexbase : E1535A8D).

newsid:444018

Fiscalité immobilière

[Doctrine administrative] Le feuilleton des plus-values immobilières des particuliers n'est pas terminé !

Réf. : BoFip - Impôts, BOI-RFPI-PVI-20-20 (N° Lexbase : X6870ALZ)

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N3997BUL

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par Franck Llinas, Avocat Associé, Arsene Taxand

Le 09 Octobre 2014

Il y a presque un an jour pour jour (1), nous vous faisions part dans cette revue d'une énième réforme des plus-values immobilières qui, certes, globalement, allégeait la fiscalité afférente aux plus-values réalisées sur les cessions d'immeubles, droits immobiliers ou parts dans une société à prépondérance immobilière, mais qui l'alourdissait au contraire pour les cessions de terrains à bâtir. En particulier, les commentaires de l'administration fiscale introduits au BoFip, le 9 août 2013 (2) (légalisés ensuite par la loi de finances pour 2014 (3)), permettaient de ramener le délai de détention de 30 à 22 ans pour bénéficier d'une exonération totale d'imposition des plus-values. Le délai pour bénéficier d'une exonération totale de prélèvements sociaux était, quant à lui, maintenu à 30 ans.

Par ailleurs, une exonération exceptionnelle supplémentaire de 25 % était offerte pour toute cession de bien immobilier ou de droit portant sur ce bien réalisée entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2014 (applicable sur l'assiette imposable tant pour l'impôt sur le revenu que pour les prélèvements sociaux). Il s'agissait d'une mesure tendant à favoriser un "choc d'offre" pour enrayer l'augmentation des prix de l'immobilier.

En revanche, les cessions de terrains à bâtir étaient non seulement exclues du dispositif d'abattement exceptionnel de 25 %, mais ne bénéficiaient également plus d'abattement pour durée de détention pour les cessions réalisées après le 1er mars 2014. Le Parlement pensait à l'époque pouvoir ainsi lutter contre la rétention du foncier (entraînant sa cherté) en invitant les propriétaires de terrains à bâtir à les céder avant cette date afin de bénéficier encore d'une fiscalité allégée.

Dans ces colonnes, nous regrettions, d'une part, qu'au lieu d'inciter les propriétaires à vendre à des conditions fiscales encouragées, le législateur les incitait à vendre rapidement pour ne pas subir l'assommoir fiscal. Nous doutions, d'autre part, de l'efficacité de cette stratégie.

Il semble que l'efficacité de la mesure ne se soit pas confirmée et nous assistons à un revirement complet opéré par la politique annoncée en fin d'été par le Premier ministre, Manuel Valls.

C'est une bonne chose !

Avant même l'adoption d'une loi, l'administration fiscale a publié ses commentaires par voie de mise à jour de sa base BoFip en date du 10 septembre 2014 (4). Nous assistons donc cette année encore à l'émergence d'une nouvelle norme du droit : l'administration fiscale commente un texte qui n'a pas encore été voté. Ces commentaires l'engagent pourtant dans la mesure où les contribuables peuvent s'en prévaloir tant que les commentaires ne sont pas rapportés. Le jeu peut donc être dangereux ! Il est vrai que le le projet de loi de finances 2015 présenté le mercredi 1er octobre 2014 en conseils des ministres, reprend les mesures commentées par l'administration fiscale qui pourraient donc être votées en fin d'année, validant ainsi a posteriori la position de Bercy.

Qu'en est-il exactement ?

Le dossier de presse relatif au projet de loi de finances pour 2015 explique que, dans le cadre du plan de relance de la construction de logements et face au constat que le régime fiscal actuel en matière de plus-value incite à la rétention du foncier, le Gouvernement propose deux mesures importantes qui visent spécifiquement les terrains à bâtir.

D'une part, l'administration commente l'instauration d'une mesure, qu'elle présente comme pérenne, visant à rétablir la cohérence entre les cessions d'immeubles et les cessions de terrains à bâtir. En effet, à compter du 1er septembre 2014, toute cession de terrain à bâtir sera régie par les mêmes règles d'abattement en raison de la durée de détention que celles applicables aux autres cessions d'immeubles ou de droits y afférent pour la détermination de la plus-value imposable. Ainsi, les cessions de terrains à bâtir détenus depuis au moins 22 ans seraient complètement exonérées d'impôt sur le revenu (abattement de 6 % par année de détention au-delà de la 5ème et 4 % au titre de la 22ème année). Il faudra attendre en revanche 30 ans pour être complètement exonéré de prélèvements sociaux (1,65 % par année de détention au-delà de la 5ème année, puis 1,60 % au titre de la 22ème année et enfin 9 % par année de détention au-delà de la 22ème année). On ne peut que saluer ce retour à l'équité ! Pour la simplicité du mécanisme, on aurait pu espérer également que la durée de détention soit la même pour l'impôt sur le revenu et pour les prélèvements sociaux. Les besoins en matière de recettes fiscales ont certainement eu le dernier mot.

D'autre part et de façon plus temporaire, un abattement exceptionnel supplémentaire de 30 % est instauré pour les cessions de terrain à bâtir qui répondent à certaines conditions. L'administration fiscale précise qu'il s'agit des terrains à bâtir au sens de la TVA sur les opérations immobilières définis au 1° du 2 du I de l'article 257 du CGI (N° Lexbase : L1381IZ8). Sont visés ici les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu, d'une carte communale ou de l'article L. 111-1-2 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L9350IZC). Pour être éligible au dispositif, la cession doit être engagée par une promesse de vente ayant acquis date certaine entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015 et soit réalisée au plus tard le 31 décembre de la 2ème année suivant celle de la signature de la promesse de vente. L'administration précise qu'il devra s'agir d'une promesse passée en la forme authentique ou, lorsque passée par acte sous seing privé, elle aura acquis date certaine au sens des dispositions de l'article 1328 du Code civil (N° Lexbase : L1438ABU) (enregistrement de l'acte notamment). En d'autres termes, il faut que la promesse de vente soit signée au plus tard le 31 décembre 2015 et que la vente soit définitivement conclue dans les deux ans, soit le 31 décembre 2017 au plus tard, pour les promesses signées le 31 décembre 2015. Cet abattement supplémentaire de 30 % est applicable, pour la détermination de l'assiette nette imposable, après prise en compte de l'abattement pour durée de détention calculé dans les conditions mentionnées ci-avant.

Par ailleurs, il est précisé que l'abattement exceptionnel de 30 % est applicable pour la détermination de l'assiette imposable tant à l'impôt sur le revenu qu'aux prélèvements sociaux. Il s'agit donc d'une mesure forte qui pourrait effectivement inciter les propriétaires à anticiper ou provoquer des arbitrages sur leur patrimoine foncier. Avec un afflux important de foncier sur le marché, les prix pourraient être revus à la baisse, c'est en tous les cas le souhait du Gouvernement, ce qui permettrait aux promoteurs de réaliser des programmes immobiliers moins onéreux et donc d'améliorer l'accessibilité à la propriété des primo-accédant en particulier.

Ce dispositif n'est toutefois pas applicable en cas de cession réalisée dans le cercle familiale restreint (conjoint, partenaire lié par un PACS, concubin notoire, ascendant ou descendant...).

Enfin, et même si l'on doit saluer cette mesure, on regrettera que la mesure exceptionnelle visant la cession d'immeuble applicable jusqu'au 31 août 2014 n'ait pas été reconduite dans les mêmes conditions que celles applicables aux cessions de terrain à bâtir.


(1) Nos obs., Une énième réforme des plus-values immobilières des particuliers, Lexbase Hebdo, édition fiscale n° 545, du 24 octobre 2013 (N° Lexbase : N9054BTI).
(2) BoFip-Impôts, BOI-RFPI-PVI-20-20 (N° Lexbase : X6870ALZ) et BOI-RFPI-PVINR-20-10 (N° Lexbase : X6780ALP).
(3) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, de finances pour 2014 (N° Lexbase : L7405IYW).
(4) BoFip-Impôts, BOI-RFPI-PVI-20-20 (N° Lexbase : X6870ALZ).

newsid:443997

Fiscalité internationale

[Brèves] Convention fiscale franco-algérienne : détermination du domicile fiscal

Réf. : CE, 8° s-s., 29 septembre 2014, n° 371884, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7798MX4)

Lecture: 2 min

N4006BUW

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Le 14 Octobre 2014

Aux termes d'une décision rendue le 29 septembre 2014, le Conseil d'Etat a énoncé que, si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution (N° Lexbase : L0884AH9), conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Le juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, doit alors de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale (CE, 8° s-s., 29 septembre 2014, n° 366488, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7798MX4). En l'espèce, un couple a souscrit des déclarations de revenus distinctes, se prévalant notamment de ce que le mari avait son domicile fiscal en Algérie. L'administration fiscale a remis en cause ces déclarations, ce qui a rendus les époux passibles de la taxe d'habitation au titre des années 2006 et 2007. La Haute juridiction s'est prononcée dans le même sens. Effectivement, selon elle, la domiciliation fiscale du mari en France trouve son fondement légal dans les stipulations de la Convention signée le 17 octobre 1999 entre la France et l'Algérie (N° Lexbase : L6659BH4), applicable aux années d'imposition en litige. Le mari était donc bien passible de l'impôt sur le revenu en France aux motifs qu'il y avait le centre de ses intérêts économiques au sens des dispositions du c. du 1. de l'article 4 B du CGI (N° Lexbase : L1010HLY) et que les stipulations de la Convention fiscale franco-algérienne ne pouvaient faire obstacle à cette domiciliation fiscale dès lors qu'à supposer que les époux puissent être regardés comme ayant disposé d'un foyer d'habitation permanent dans les deux Etats, la France est l'Etat avec lequel ils entretenaient les liens personnels et économiques les plus étroits au sens du a. du 2. de l'article 4 de cette Convention. En l'espèce, les époux n'ont pas apporté d'éléments suffisants afin de prouver une domiciliation en Algérie (cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E1533EUC).

newsid:444006

Fonction publique

[Brèves] Recrutement par voie de liste d'aptitude dans le corps des secrétaires médicaux : condition d'ancienneté des "neuf années de services publics"

Réf. : CE 4° et 5° s-s-r., 1er octobre 2014, n° 363482, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7776MXB)

Lecture: 1 min

N4019BUE

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Le 11 Octobre 2014

Le Conseil d'Etat précise le mode de calcul de la condition d'ancienneté des "neuf années de services publics" dans le cas du recrutement par voie de liste d'aptitude dans le corps des secrétaires médicaux dans un arrêt rendu le 1er octobre 2014 (CE 4° et 5° s-s-r., 1er octobre 2014, n° 363482, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7776MXB). Eu égard à l'objet de ces dispositions qui, ainsi que le précise l'article 35 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière (N° Lexbase : L8100AG4), est de favoriser la promotion du personnel appartenant déjà à l'administration, la condition d'ancienneté de "neuf années de services publics", que fixe le 3° de l'article 20 du décret n° 90-839 du 21 septembre 1990 (N° Lexbase : L3024IQ3), pour l'inscription sur la liste d'aptitude permettant l'accès au corps des secrétaires médicaux, doit s'entendre comme visant les personnes ayant servi pendant au moins neuf ans en qualité d'agent d'un service public administratif, y compris celles qui y ont été employées, pendant tout ou partie de cette période, dans le cadre de contrats relevant du droit privé en vertu de dispositions législatives particulières. En l'espèce, une personne recrutée par un centre hospitalier dans le cadre d'un contrat "emploi solidarité" (CES) renouvelé à plusieurs reprises, puis employée dans le cadre d'un contrat "emploi consolidé" (CEC) avant d'être recrutée comme agent contractuel de droit public puis d'être titularisée, et totalisant, au bénéfice des périodes d'emploi sous le régime des CES et CEC, plus de neuf années d'ancienneté dans ce service public administratif, justifie de neuf années de services publics au sens du 3° de l'article 20 du décret du 21 septembre 1990. A cet égard, la circonstance que ces deux formes de contrat étaient qualifiées de contrats de droit privé par les dispositions législatives qui leur étaient applicables est sans intérêt à l'égard de la résolution du litige (cf. l’Ouvrage "Fonction publique" N° Lexbase : E8850EPH).

newsid:444019

Licenciement

[Brèves] Preuve de la notification du licenciement : recevabilité du témoignage de la responsable administrative de la société établissant la remise en main propre et la connaissance par la salariée de la lettre de licenciement

Réf. : Cass. soc., 29 septembre 2014, n° 12-26.932, FS-P+B (N° Lexbase : A7961MX7)

Lecture: 2 min

N4062BUY

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Le 09 Octobre 2014

La preuve de la notification du licenciement peut être apportée par tous moyens, notamment par le témoignage de la responsable administrative de la société qui établissait que la lettre de licenciement avait été notifiée à la salariée par une remise en main propre et que cette dernière en avait eu connaissance. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 29 septembre 2014 (Cass. soc., 29 septembre 2014, n° 12-26.932, FS-P+B N° Lexbase : A7961MX7).
En l'espèce, une salariée engagée par la société G. a été licenciée le 1er juillet 2005 pour faute grave, après mise à pied conservatoire.
L'arrêt de la cour d'appel (CA Saint-Denis de la Réunion, 20 juillet 2012, n° 12/266 N° Lexbase : A0575IS4), rendu sur renvoi après cassation (Cass. soc., 7 juillet 2010, n° 08-45.139, F-D N° Lexbase : A2209E4L) ayant considéré le licenciement pour faute grave justifié, la salariée s'était pourvue en cassation.
Elle soutenait que la cour d'appel, en se fondant, pour conclure que la salariée aurait bien eu connaissance, malgré l'absence d'envoi en recommandé, de la lettre de la société G. lui notifiant son licenciement pour faute grave, sur la seule déclaration de la responsable administrative de l'entreprise affirmant qu'elle lui aurait été remise le 11 juillet en main propre, bien qu'elle émane d'une subordonnée de l'employeur et n'avait pas l'objectivité que requiert la loi et ne pouvait être retenue comme établissant, à elle seule, la réalité d'une remise en main propre, a violé l'article L. 1232-6 du Code du travail (N° Lexbase : L1084H9Z), relatif à la notification du licenciement du salarié par l'employeur.
Cependant, la Haute juridiction rejette le pourvoi. Elle précise que la preuve de la notification du licenciement pouvant être apportée par tous moyens, la cour d'appel, qui, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve, a constaté que le témoignage de la responsable administrative de la société établissait que la lettre de licenciement avait été notifiée à la salariée par une remise en main propre et que cette dernière en avait eu connaissance, a légalement justifié sa décision (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4660EXU).

newsid:444062

Pénal

[Brèves] Sanction du traitement inhumain infligé aux détenus au cours de leur incarcération

Réf. : CEDH, 2 octobre 2014, Req. 2871/11 (N° Lexbase : A4683MXQ)

Lecture: 2 min

N3984BU4

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Le 09 Octobre 2014

Les conditions de détention, qui ont causé des souffrances aussi bien physiques que mentales ainsi qu'un sentiment de profonde atteinte à leur dignité humaine, doivent être analysées en un traitement inhumain et dégradant infligé en violation de l'article 3 de la CESDH (N° Lexbase : L4764AQI). Telle est la substance de la décision rendue par la CEDH le 2 octobre 2014 (CEDH, 2 octobre 2014, Req. 2871/11 N° Lexbase : A4683MXQ). Selon les faits, à la suite d'une occupation du tarmac de l'aéroport de Nouméa par des militants du syndicat U., vingt-huit personnes, dont les requérants, furent interpellées et placées en garde à vue dans les cellules du commissariat central de police de Nouméa. A l'issue des quarante-huit heures de garde à vue, les requérants furent déférés au procureur de la République et poursuivis pour entrave à la circulation d'un aéronef et dégradation de bien public. Ils furent incarcérés pendant soixante-douze heures dans un centre de détention en situation de surpopulation carcérale, jusqu'à leur comparution devant le tribunal correctionnel. Ils ont alors soulevé plusieurs moyens de nullité de la procédure, invoquant notamment la violation de l'article 3 de la CESDH eu égard aux conditions, selon eux inhumaines et dégradantes, dans lesquelles s'est déroulée la garde vue. Par un jugement du 29 juin 2009, le tribunal correctionnel rejeta les exceptions de nullité de la procédure invoquées, considérant en particulier que les conditions d'exécution de la garde à vue des requérants n'était pas gravement attentatoires à la dignité humaine ni de nature à entraîner des souffrances mentales ou physiques d'une intensité particulière. La cour d'appel de Nouméa confirma le jugement de première instance s'agissant de la culpabilité des intéressés mais réduisit les peines prononcées. Le recours en cassation des requérants fut rejeté par la Cour de cassation qui estima que les juges du fond avaient justifié leur décision en ne retenant pas la violation de l'article 3 de la CESDH qui, tout en étant susceptible d'engager la responsabilité de la puissance publique en raison du mauvais fonctionnement du service public, ne pouvait constituer une cause de nullité de procédure. La CEDH fut alors saisie par les requérants qui alléguaient que les conditions de détention au commissariat de police et à la maison d'arrêt étaient contraires à l'article 3 de la CESDH. Aussi, ont-ils soutenu, eu égard aux conditions de détention en garde à vue puis à la maison d'arrêt, qu'ils n'avaient pas pu exercer leurs droits de défense devant le tribunal correctionnel de Nouméa. Enfin, les requérants se sont plaints d'avoir été interrogés, lors de la garde à vue, sans l'assistance d'un avocat et sans que celui-ci ait eu accès au dossier. Rejetant les autres griefs, la CEDH a tout de même retenu la violation de l'article 3 de la CESDH (cf. l’Ouvrage "Droit pénal spécial" N° Lexbase : E4904EXW).

newsid:443984

Procédure civile

[Chronique] Chronique de procédure civile - octobre 2014

Lecture: 17 min

N3992BUE

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par Etienne Vergès, Professeur à l'Université de Grenoble, membre de l'Institut universitaire de France

Le 09 Octobre 2014

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en procédure civile réalisée par Etienne Vergès, agrégé des facultés de droit et Professeur à l'Université de Grenoble II, membre de l'Institut universitaire de France. L'auteur s'intéresse, d'abord, au plan du ministère de la Justice sur la "Justice du XXIème siècle". Il revient, ensuite, sur la question du droit de la preuve face à la vie privée (Cass. civ. 1, 10 septembre 2014, n° 13-22.612, F-P+B). Enfin, il analyse, à travers certains arrêts, les pouvoirs et devoirs du juge (Cass. com., 11 juin 2014, n° 13-17.318, F-P+B et Cass. civ. 2, 5 juin 2014, n° 13-16.053, FS-P+B). 1 - Justice du XXIème siècle : le plan du ministère manque d'action

Une réflexion globale sur l'organisation juridictionnelle et sur le fonctionnement des institutions judiciaire a été entreprise l'année dernière, tant au Parlement (1) que par la Garde des Sceaux (2). A l'origine de ce mouvement, l'idée de simplifier l'organisation juridictionnelle et l'accès à la justice a conduit à orienter la réforme dans quelques directions majeures : la réunion des juridictions de première instance en un seul tribunal, la création d'un guichet unique du greffe et le développement des modes alternatifs de règlement des litiges. En 2013, la ministre de la Justice a créé plusieurs commissions de réflexion qui ont rendu trois rapports sur la Justice et les juridictions du XXIème siècle. Les 10 et 11 janvier 2014, un colloque réunissant environ 2 000 acteurs de la Justice a été organisé autour des différents rapports. Les actes du colloque ont ensuite été soumis aux différentes juridictions pour alimenter un large débat durant l'année 2014. Ce grand mouvement a donné lieu, au début du mois de septembre, à un plan d'action présenté par la Garde des Sceaux lors du conseil des ministres du 10 septembre 2014.

Le travail de synthèse n'a pas été simple. D'une part, il a fallu retenir l'essentiel des 268 propositions qui émanaient des rapports. D'autre part, il a fallu tenir compte des débats qui ont été organisés autour de ces propositions, tant au niveau national qu'en région où se sont déroulées 580 assemblées générales et où ont été produites 2 000 contributions. En définitive, ce sont quinze actions qui sont retenues par la ministre de la Justice (3), qui se déclinent en de multiples applications concrètes. D'emblée, on est frappé par le manque d'ambition de la réforme.

L'introuvable réforme de l'organisation juridictionnelle

D'un point de vue institutionnel, le coeur de cette réforme aurait dû se trouver dans une simplification juridictionnelle visant à réunir, au moins pour partie, les juridictions de première instance au sein d'un même tribunal. Dans son discours prononcé lors de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation en janvier 2013, le président de la République avait pourtant affirmé de façon claire "une juridiction de première instance sera donc instituée. Elle regroupera tous les contentieux du quotidien". De ce projet ambitieux, repris dans les différents rapports rendus la même année, il ne reste pratiquement rien. L'organisation juridictionnelle est laissée telle quelle et la réforme se contente de proposer des transferts de compétence du tribunal d'instance vers le tribunal de grande instance. L'objectif consiste à recentrer le TI sur le contentieux du quotidien et de lui retirer les contentieux trop techniques. Des transferts vers le TGI sont ainsi prévus s'agissant des préjudices corporels, des élections professionnelles ou du départage prud'homal. L'idée d'une simplification juridictionnelle a donc été tout à fait écartée. Seule la matière pénale pourrait être concernée par un transfert du tribunal de police au sein du TGI, mais l'existence de cette juridiction pénale semble préservée, de même que sa compétence. Il faut souligner que la proposition de regroupement des juridictions de première instance n'a pas reçu un accueil très favorable auprès des magistrats. La peur d'une "structure tentaculaire" et d'un manque de spécialisation au sein de cette juridiction à large compétence a été mise en avant. Les aspects humains (diminution des effectifs dus à la mutualisation, mobilité géographie imposée) ont également été exposés (4). En définitive, l'hostilité de la profession a peut-être eu raison de l'ambition politique qui avait guidé initialement le projet politique à destination des justiciables.

Enfin, rien n'est dit dans le plan ministériel sur le sort de la juridiction de proximité, dont la suppression est théoriquement programmée au 1er janvier 2015. Cette suppression avait été reportée dans l'objectif d'une réforme globale de la Justice de première instance. Cette réforme d'ensemble n'aura pas lieu et l'on peut s'interroger sur le silence du plan ministériel à l'égard d'une juridiction de proximité, dont l'existence même fait débat.

L'espoir de proximité : le guichet universel de greffe

Parmi les propositions susceptibles de simplifier l'accès à la Justice, figure la création d'un guichet unique permettant à tout justiciable de saisir la Justice et de suivre ses procédures en un seul lieu, situé à proximité de son domicile. Dans cette perspective, une expérimentation a été initiée dans cinq juridictions (5). Les justiciables doivent y trouver un point d'accès qui leur permettra de réaliser l'ensemble des démarches liées à la conduite de leurs procédures. Par exemple, ils devraient pouvoir saisir toute juridiction compétente en France depuis ce point d'accès. Ils devraient également y trouver toutes les informations sur les procédures les concernant devant une juridiction française.

Ce projet mérite toute l'attention. Dans l'hypothèse d'un succès, il aurait un impact sensible sur la vie des justiciables. Il entre également en résonnance avec les efforts qui pourraient être déployés dans le domaine de la communication électronique. Le ministère envisage ainsi de créer et de développer, à partir de 2015, une application appelée "Portalis", dont l'objectif final est de permettre aux justiciables de saisir les juridictions en ligne et de suivre l'avancée des procédures sur Internet. Cette application figure parmi le développement de l'E-Justice depuis déjà plusieurs années (6) et le plan d'action de l'actuel Garde des Sceaux semble lui donner une consistance.

La simplification des procédures demeure dans le vague

Le plan d'action ministériel comporte un volet sur l'efficacité de la Justice. Le document parle ainsi d'une "justice trop complexe" qui "varie trop fréquemment selon les contentieux". La proposition 6 projette ainsi de réduire les délais, de simplifier les règles de procédure et les recours. Cet idéal procédural est très fréquent dans les projets de réforme et il se décline ici de façon particulièrement floue. Le plan évoque l'idée de simplifier la phase de préparation de la procédure, ainsi que les difficultés d'exécution des décisions civiles.

Mais on retiendra surtout la volonté de recentrer l'appel sur "la bonne application de la loi". On voit ici poindre le spectre de l'appel, voie de réformation, qui avait été écarté du nouveau Code de procédure civile en 1975, par l'introduction habile et mesurée de l'évolution du litige. En 2013, les premiers présidents de cour d'appel ont appelé de leurs voeux un retour à une conception restrictive de l'appel et la restauration d'une voie de réformation a également été envisagée dans l'un des rapports commandés par la ministre (7). A l'heure actuelle, il est difficile de connaître avec précision l'ambition du plan ministériel et notamment de savoir si les possibilités d'évolution du litige en appel vont être réduites.

L'autre inconnue réside dans l'idée de "renforcer l'effectivité de la décision de première instance et la sécurité juridique". On peut ainsi s'interroger sur l'implication que pourrait avoir une telle formule sur l'exécution provisoire des décisions de première instance. Cette question a déjà été envisagée par le passé. Un avant-projet de décret diffusé en 2002 avait donné lieu à un intense débat doctrinal. Il pourrait revenir au premier plan, notamment dans la perspective de restreindre l'usage de la voie d'appel en supprimant par principe son effet suspensif.

L'efficacité procédurale passe enfin par les voies de contournement des juridictions. A cet égard, les modes alternatifs de règlement des litiges ont été unanimement salués par les différents rapports. Toutefois, les améliorations en ce domaine sont limitées, car la procédure civile française est déjà très largement ouverte à ce type de procédures. Qu'il s'agisse de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les modes alternatifs de règlement des litiges bénéficient de régimes juridiques qui permettent à la fois un usage aisé et une grande efficacité. Ainsi, le plan d'action qui envisage de favoriser le règlement amiable des litiges ne contient-il aucune proposition révolutionnaire, mais envisage plutôt la création d'une nouvelle instance administrative : le Conseil national de la conciliation et de la médiation.

L'anticipation judiciaire

A notre sens, l'une des propositions les plus intéressantes du plan ministériel consiste à améliorer les capacités d'anticipation des décisions judiciaires. Pour le dire rapidement, le droit n'apporte pas la sécurité juridique à laquelle on peut légitimement s'attendre. Même une bonne connaissance de la matière permet difficilement de prédire le sens d'une décision juridictionnelle. Prenant le contrepied de cette réalité, le rapport souhaite "permettre aux citoyens de mieux évaluer les possibilités de succès de leurs actions en justice". Par exemple, il s'agit de publier des barèmes relatifs aux pensions alimentaires, aux prestations compensatoires, ou à l'indemnisation des préjudices corporels. De façon plus ambitieuse encore, il s'agirait d'établir des partenariats entre les universités et les juridictions pour analyser les jurisprudences locales et fournir aux magistrats des outils pour améliorer la cohérence de leurs décisions. Ce partenariat d'un nouveau genre, s'il était effectivement mis en oeuvre, serait susceptible de combler un peu le fossé qui existe entre l'étude des règles de droit et leur mise en oeuvre dans la pratique. Il y a là une véritable occasion, mais la question demeure de savoir qui disposera du temps et de l'énergie pour s'en saisir.

En définitive, le plan d'action de la Garde des Sceaux déçoit. On y trouve beaucoup de petites propositions. Certaines peuvent améliorer le quotidien des justiciables ou des fonctionnaires du service public de la Justice. D'autres sont de nature purement institutionnelle, très éloignées de l'idée qu'on peut se faire d'une vraie réforme. Elles visent, par exemple, à la création de nouvelles instances administratives de réflexion, de débat et d'orientation sur la Justice. La principale innovation procédurale devrait résider dans la mise en place du guichet unique et dans l'espérance d'une mise en ligne réelle de l'action en justice et du suivi des procédures. Si la dématérialisation s'avère un succès, la réforme aura déjà rempli un important objectif. Mais l'expression "Justice du XXIème siècle" ne demeurera qu'un outil de communication.

2 - La vie privée cède le pas devant le droit à la preuve

  • La photographie d'une personne exerçant des tâches ménagères à son balcon ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée (Cass. civ. 1, 10 septembre 2014, n° 13-22.612, F-P+B N° Lexbase : A4236MWS ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E7396ET4).

Depuis 2012 et la consécration jurisprudentielle du droit à la preuve, la Cour de cassation semble avoir sonné le coup d'envoi d'une vaste compétition entre les principes antagonistes du droit de la preuve. Nous y avons déjà consacré plusieurs chroniques (8) et un arrêt récent nous conduit à y revenir, car la première chambre civile donne l'impression d'ébranler les lignes établies par le passé.

Le passé auquel nous faisons allusion n'est pas si lointain. Il date du temps où la Cour de cassation assurait au salarié la protection d'informations à caractère personnel contre les intrusions de son employeur (9). Une époque où la filature organisée par un employeur (10) ou par un ex-époux (11) en vue d'établir une preuve en justice était considérée comme attentatoire à la vie privée. Ce temps est-il révolu et le droit à la preuve est-il en passe de prendre le dessus sur le droit au respect de la vie privée ? La question semble posée par l'évolution récente de la jurisprudence et en particulier par l'arrêt rendu le 10 septembre 2014.

En l'espèce, un litige avait d'abord opposé un institut de beauté à une cliente qui réclamait la réparation d'un préjudice oculaire. Par la suite, la cliente avait recherché la responsabilité de l'avocat de la partie adverse, lui reprochant d'avoir versé aux débats des preuves portant atteinte à sa vie privée. En effet, pour établir la preuve de l'absence de préjudice, l'avocat avait eu recours aux services d'un détective privé qui avait pris des photos de la demanderesse dans sa vie quotidienne. Ces photos la montraient conduisant son véhicule ainsi que dans l'exercice de tâches ménagères sur son balcon. Elles permettaient de constater qu'elle ne portait pas de lunettes au cours de ces activités et tendaient à montrer que le préjudice oculaire allégué n'existait pas.

La cour d'appel rejeta le grief tiré de la violation de la vie privée, en affirmant de façon laconique que "le simple récit d'activités, visibles à partir de la voie publique, ne constitue pas une atteinte à la vie privée". Les juges du fond opéraient ainsi une confusion entre le lieu public et l'absence de vie privée, contrairement à une jurisprudence bien établie à cet égard (12). A l'inverse, l'auteur du pourvoi soutenait que "l'immixtion tenant à la photographie et au récit des activités d'une personne se trouvant sur le balcon de son propre domicile" portait atteinte à la vie privée. Elle soulevait également un moyen tenant à la violation de son droit à l'image.

La Cour de cassation rejeta le pourvoi en usant d'une motivation nuancée. Elle prit d'abord le contrepied de l'arrêt d'appel qui "énonce à tort que le simple récit d'activités, observées à partir de la voie publique, notamment en direction du balcon de l'intéressée, ne constitue pas une atteinte à sa vie privée". Mais elle mesura ensuite la portée de ce raisonnement, en affirmant "qu'une telle atteinte n'est pas disproportionnée lorsque, eu égard au droit à la preuve de toute partie en procès, elle se réduit, dans ce but et comme en l'espèce, à la simple constatation de l'absence de port de lunettes lors de la conduite d'un véhicule ou lors du ménage et rangement d'un balcon".

Par ailleurs, la Cour écarte également le moyen tiré de l'atteinte au droit à l'image en estimant que les photos produites en justice étaient suffisamment floues et rendaient impossible l'identification de la personne représentée.

Le raisonnement que tient la Cour de cassation à l'égard de la vie privée est emprunté à une méthodologie européenne bien connue. Dans un premier temps, la première chambre civile suggère l'idée que des photographies d'une personne dans l'intimité de son domicile et de son activité quotidienne constituent une atteinte potentielle à la vie privée. Dans une telle circonstance, la CEDH aurait parlé d'ingérence. Puis, dans un second temps, la Cour de cassation estime que l'atteinte est proportionnée. Cette proportionnalité confère sa licéité à l'élément de preuve. Pour l'apprécier, la première chambre civile se réfère d'abord à la finalité de l'atteinte, qu'elle trouve dans le droit à la preuve (13). Elle s'en tient également à une appréciation des faits de l'espèce. Les photographies qui étaient produites en justice visaient à la "simple constatation de l'absence de port de lunettes". Les faits capturés n'atteignaient donc pas un degré d'intimité tel qu'ils auraient mérité une protection plus haute.

La solution se comprend. D'une part, l'intimité de la vie privée subit les assauts d'autres droits antagonistes, comme le droit à l'information. La prise en compte du droit à la preuve pour justifier une atteinte à la vie privée s'inscrit donc dans la perspective de la conciliation des droits fondamentaux. D'autre part, les règles de preuve ne doivent pas s'éloigner de l'impératif de vérité, qui constitue le fondement même de cette matière. La vie privée ne peut donc s'ériger en obstacle insurmontable face à la production des preuves en justice.

Toutefois, si l'on replace cet arrêt dans un contexte plus large, on peut formuler deux séries d'observations. La première consiste à regarder l'évolution de l'obstacle tiré de la vie privée face aux techniques probatoires intrusives en matière civile. A cet égard, on peut observer que la protection de la vie privée recule. Par exemple, en 2002, la Chambre sociale de la Cour de cassation jugeait de façon tranchée qu'"une filature organisée par l'employeur pour contrôler et surveiller l'activité d'un salarié constitue un moyen de preuve illicite dès lors qu'elle implique nécessairement une atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d'être justifiée, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l'employeur" (14). Certes, il s'agissait ici de rééquilibrer une relation asymétrique entre l'employeur et l'employé. Mais l'esprit d'une telle protection se trouvait également dans le contentieux familial. A l'occasion d'un litige portant sur une prestation compensatoire, la deuxième chambre civile avait retenu l'illicéité d'un rapport de détective privé, en constatant que la partie qui faisait l'objet de ce rapport "avait été épiée, surveillée et suivie pendant plusieurs mois, ce dont il résultait que cette immixtion dans la vie privée était disproportionnée par rapport au but poursuivi" (15). Ici encore, on pourrait voir une différence de degré avec l'arrêt rendu le 10 septembre 2014 qui fait l'objet de notre commentaire. Cette différence pouvait expliquer la divergence de solutions.

En réalité, la jurisprudence semble avoir pris un tournant avec un arrêt de la Chambre commerciale rendu en 2007. Dans une affaire qui concernait la production en justice de pièces relatives à la santé du dirigeant d'une société, la Cour de cassation a mis en avant les droits de la défense pour justifier l'atteinte à la vie privée résultant de cette production (16). La première chambre civile a repris ce raisonnement un an plus tard, faisant obligation aux juges du fond de "caractériser la nécessité de la production litigieuse quant aux besoins de la défense et sa proportionnalité au but recherché" (17).

Le principe des droits de la défense s'est donc d'abord imposé pour neutraliser le filtre de la vie privée et favoriser la production des preuves en justice. Par la suite, la Cour de cassation a précisé son raisonnement. D'une part, elle a consacré le droit à la preuve comme fondement direct de la production en justice des preuves détenues par les parties (18). D'autre part, elle a indexé la puissance du droit à la preuve sur la "nécessaire et légitime préservation des droits" substantiels de la partie qui produit la preuve litigieuse. C'est en tenant un tel raisonnement qu'elle a admis la production en justice de constatations opérées par un huissier de justice qui avait suivi et filmé un assuré durant deux jours pour établir la preuve d'une fraude à l'assurance (19). La Cour introduisait alors l'idée que le droit à la preuve était au service de la "nécessaire et légitime préservation des droits de l'assureur". Même fondé sur un intérêt purement patrimonial, le droit à la preuve pouvait mettre en échec la vie privée. Dans cette affaire, la Cour de cassation prenait soin de préciser que l'atteinte à la vie privée était atténuée, car l'assuré avait été suivi uniquement dans des lieux publics et que les faits relatés dans le constat ne concernaient que ceux en cause dans le litige (la mobilité et l'autonomie de l'intéressé). En d'autres termes, le caractère intrusif de l'enquête était peu prononcé.

Toutefois, un arrêt récent est venu accentuer le recul de la vie privée face au droit à la preuve. Il s'agissait à nouveau d'un litige de fraude à l'assurance, dans lequel l'assureur demandait en justice l'annulation du contrat. Il se fondait sur un rapport d'enquête privé, dont il résultait que des investigations approfondies avaient été réalisées dans la vie privée du défendeur. En particulier, l'enquêteur avait interrogé l'ex-épouse de l'assuré, le gestionnaire de son compte bancaire et ses collègues de travail. Les renseignements collectés portaient sur ses habitudes de conduite, sa situation financière, ses problèmes personnels, ses relations intimes et ses tendances supposées à l'alcool et au jeu. Face à de telles intrusions, la Cour de cassation possédait enfin une occasion de réaffirmer l'importance du respect de la vie privée dans la recherche des preuves. Bien au contraire, elle a considéré que l'atteinte à la vie privée n'était pas disproportionnée au regard du droit de l'assureur d'établir en justice la nullité du contrat (20). Pour soutenir une telle appréciation, la Haute juridiction a dû préciser que la décision rendue par la cour d'appel ne se fondait que sur une partie des éléments recueillis par l'enquêteur privé et elle a suggéré que ces éléments étaient faiblement attentatoires à la vie privée.

Cette évolution marque une nette tendance au recul de la vie privée face au droit de rechercher et de produire des preuves en justice. Cette tendance peut être relativisée par plusieurs éléments. D'abord, elle est l'oeuvre quasi-exclusive de la première chambre civile. Ensuite, les arrêts rendus par la Haute juridiction dans ce contentieux sont souvent très motivés et ils fournissent une appréciation détaillée des faits. Il est ainsi possible de constater dans chaque espèce que les faits qui ont été retenus par les juges du fond comme support de preuve portent faiblement atteinte à la vie privée (21). Enfin, ces décisions ne remettent pas en cause la jurisprudence développée par la Chambre sociale depuis l'arrêt "Nikon" (Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942 N° Lexbase : A1200AWD), qui protège particulièrement les informations personnelles des salariés. Il n'en reste pas moins que l'usage des droits de la défense, puis la consécration du droit à la preuve ont conduit à faire pencher la balance en faveur de la recevabilité des preuves au détriment de la vie privée.

Il faut se garder de conclure à un triomphe généralisé du droit à la preuve en matière civile. La première chambre vient récemment de juger "que le droit à la preuve découlant de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) ne peut faire échec à l'intangibilité du secret professionnel du notaire, lequel n'en est délié que par la loi" (22). Le chemin vers la vérité demeure semé d'embûches.

3 - Pouvoirs et devoirs du juge

  • Le juge de l'exécution est compétent pour statuer sur la demande de modération de la clause pénale (Cass. civ. 2, 5 juin 2014, n° 13-16.053, FS-P+B N° Lexbase : A2981MQH ; cf. l’Ouvrage "Responsabilité civile" N° Lexbase : E5843ETL).

Un arrêt rendu le 5 juin 2014 est une occasion de rappeler que le juge de l'exécution, s'il est compétent pour connaître des litiges relatifs aux titres exécutoires et à l'exécution forcée, possède également une compétence au fond.

Dans cette affaire, le litige portait sur un contrat de vente immobilière dans lequel était stipulée une date de libération des lieux, assortie d'une clause pénale. Les lieux ne furent pas libérés dans les temps et le créancier sollicita devant le juge de l'exécution, différentes saisies destinées au paiement de la clause pénale. A l'occasion de cette procédure, le débiteur demanda la réduction de la clause pénale et il obtint gain de cause.

La Cour de cassation a confirmé cette analyse en rappelant que l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L4833IRG) donne compétence au juge de l'exécution pour trancher les contestations de fond qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée. Cette compétence lui donne ainsi la possibilité de modérer la clause pénale en application de l'article 1152 du Code civil (N° Lexbase : L1253ABZ).

  • Le juge a le devoir de statuer sur les dernières conclusions déposées (Cass. com., 11 juin 2014, n° 13-17.318, F-P+B N° Lexbase : A2129MRB ; cf. l'Encylclopédie "Procédure civile" N° Lexbase : E1609EU7).

Un arrêt rendu le 11 juin 2014 semble s'imposer comme une évidence, mais il rappelle en réalité une jurisprudence constante issue du mécanisme des conclusions récapitulatives. Le litige concernait le paiement de créances cédées. Le créancier avait déposé un premier jeu de conclusions précisant un certain montant, mais il avait régulièrement déposé un second jeu de conclusions développant une argumentation complémentaire ainsi qu'une augmentation des sommes réclamées au débiteur. Pourtant, les juges du fond n'avaient pas tenu compte de ce dernier jeu de conclusions pour rendre leur décision.

La décision est cassée au visa de l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0386IGE). Ce texte prévoit de façon générale que "les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif". La Cour en déduit que le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées. Cette solution n'est pas nouvelle. Elle avait été posée par la première chambre civile (23) et reprise par la Chambre mixte (24). La Cour avait d'ailleurs précisé dans cet arrêt que le juge "ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées". La Chambre commerciale s'aligne sur cette interprétation de l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile, qui montre que les conclusions récapitulatives s'imposent tant aux parties qu'au juge.


(1) Voir nos obs. in Chronique de procédure civile, Lexbase Hebdo n° 548 du 21 novembre 2013 - édition privée (N° Lexbase : N9423BT8).
(2) Cf. notre article intitulé La Justice du XXIème siècle : rapports, débats et réformes à venir, Lexbase Hebdo édition privée n° 560 du 27 février 2014 - édition privée (N° Lexbase : N0942BUG).
(3) Ces actions sont présentées sur le site du ministère de la Justice
(4) Synthèse des contributions des juridictions.
(5) Bobigny, Brest, Dunkerque, Privas, Saint-Denis de la Réunion.
(6) Il apparaissait déjà en 2009 dans le budget de l'action informatique du ministère de la Justice.
(7) Sur tous ces aspects, voir l'article éclairant de S. Amrani-Mekki, Les métamorphoses de l'appel, Gaz Pal, 31 juillet 2014, n°s 211 à 212, p. 30.
(8) Cf. nos obs. in Chronique de procédure civile, Lexbase Hebdo n° 506 du 22 novembre 2012 - édition privée (N° Lexbase : N4534BT4), à propos du droit à la preuve, et pour un aperçu général, Les nouveaux territoires du droit de la preuve, Lexbase Hebdo n° 581 du 4 septembre 2014 - édition privée (N° Lexbase : N3464BUT).
(9) Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.942 (N° Lexbase : A1200AWD).
(10) Cass. soc., 26 novembre 2002, n° 00-42.401 (N° Lexbase : A0745A4D).
(11) Cass. civ. 2, 3 juin 2004, n° 02-19.886, FS-P+B (N° Lexbase : A5489EI7).
(12) Par ex. Cass. civ. 1, 12 décembre 2000, n° 98-17.521 (N° Lexbase : A2436CHP), Bull. civ. I, n° 322.
(13) Consacré par cette même chambre depuis un arrêt du 5 avril 2012, cf. notre chronique précitée, Lexbase Hebdo n° 506 du 22 novembre 2012 - édition privée.
(14) Cass. soc., 26 novembre 2002, n° 00-42.401 (N° Lexbase : A0745A4D).
(15) Cass. civ. 2, 3 juin 2004, n° 02-19.886, FS-P+B (N° Lexbase : A5489EI7).
(16) Cass. com. 15 mai 2007, n° 06-10.606, F-P+B (N° Lexbase : A2532DWP).
(17) Cass. civ. 1, 16 octobre 2008, n° 07-15.778, FS-P+B (N° Lexbase : A8028EAL).
(18) Cass. civ. 1, 5 avril 2012 n° 11-14.177, F-P+B+I (N° Lexbase : A1166IIZ).
(19) Cass civ. 1, 31 octobre 2012, n° 11-17.476, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3196IWB).
(20) Cass. civ. 1, 5 février 2014, n° 12-20.206, FS-D (N° Lexbase : A9221MDU).
(21) Même si l'opération probatoire prise globalement a été beaucoup plus intrusive.
(22) Cass. civ. 1, 4 juin 2014, n° 12-21.244, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6787MP3).
(23) Cass. civ. 1, 27 février 2007, n° 04-13.897, FS-P+B (N° Lexbase : A4074DUG).
(24) Cass. mixte, 6 avril 2007, n° 05-16.375, P+B+R+I (N° Lexbase : A9500DUE).

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QPC

[Chronique] QPC : évolutions procédurales récentes - Avril à Juin 2014

Lecture: 27 min

N3987BU9

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par Mathieu Disant, Agrégé de droit public, Professeur à l'Université Lyon Saint-Etienne

Le 09 Octobre 2014

La question prioritaire de constitutionnalité est à l'origine d'une jurisprudence abondante du Conseil constitutionnel comme du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation. Cette chronique trimestrielle, rédigée par Mathieu Disant, Agrégé de droit public, Professeur à l'Université Lyon Saint-Etienne, Membre du CERCRID (CNRS / UMR 5137), Membre du Centre de recherche en droit constitutionnel de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Chercheur associé au Centre de recherche sur les relations entre le risque et le droit (C3RD), Expert international, s'attache à mettre en exergue les principales évolutions procédurales de la QPC, les apports au fond du droit étant quant à eux traités au sein de chacune des rubriques spécialisées de la revue. La période examinée (avril à juin 2014) atteste une nouvelle fois de la richesse et du dynamisme du contentieux constitutionnel. L'actualité est assez écrasante, les décisions rendues sont souvent riches de potentialités, les domaines abordés foisonnants. On mentionnera immédiatement le nombre important de censures prononcées par le Conseil constitutionnel (13 sur 21 décisions rendues). Des sujets importants, parfois médiatiques, se trouvent ainsi balisés au plan constitutionnel.

Ainsi, par exemple, le Conseil constitutionnel a censuré l'article L. 3132-24 du Code du travail (N° Lexbase : L0479H9M) prévoyant un effet suspensif du recours contre les dérogations préfectorales au repos dominical (Cons. const., décision n° 2014-374 QPC du 4 avril 2014 N° Lexbase : A4068MII). De tels recours avaient, en quelque sorte, un effet suspensif définitif à l'encontre des autorisations d'ouverture temporaire le dimanche, compte tenu de l'effet et de la durée de la suspension, d'une part, et du caractère temporaire de l'autorisation accordée, d'autre part. Le Conseil y a décelé une atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif et d'équilibre des droits des parties. Un élément de bonne (mauvaise, en l'occurrence) administration de la justice met ainsi en cause la constitutionnalité d'un tel effet suspensif. Voilà de quoi engager le débat de constitutionnalité sur des dispositions prévoyant une suspension automatique qui, sous l'effet de recours systématiques, conduisent à la perte du bénéfice du dispositif légal.

Se trouve censuré, sur le fondement du principe d'égalité, le deuxième alinéa de l'article 272 du Code civil (N° Lexbase : L8783G8S), qui exclut du calcul de la prestation compensatoire (tant pour l'appréciation des ressources que pour l'appréciation des besoins) les sommes versées au titre de la réparation des accidents du travail et celles versées au titre du droit à la compensation d'un handicap (Cons. const., décision n° 2014-398 QPC du 2 juin 2014 N° Lexbase : A6403MPT).

Les droits de procédure sont une nouvelle fois à l'honneur. C'est sur le fondement du droit à un recours effectif que le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions du quatrième alinéa de l'article 41-4 du Code de procédure pénale ([LXB=L1875H3T)]) prévoyant la destruction d'objets saisis sur décision du procureur de la République (Cons. const., décision n° 2014-390 QPC du 11 avril 2014 N° Lexbase : A8257MIN). L'absence de recours empêchait le propriétaire des biens concernés de contester la réunion des conditions prévues pour la destruction.

Une nouvelle QPC relative aux visites et saisies, cette fois dans les lieux de travail (Cons. const., décision n° 2014-387 QPC du 4 avril 2014 N° Lexbase : A4069MIK), conduit à la censure des dispositions de l'article L. 8271-13 du Code du travail (N° Lexbase : L3452IMS) adoptées le 26 novembre 1912.

Par ailleurs, il est constant que le principe du double degré de juridiction n'a pas, en lui-même, valeur constitutionnelle. Le législateur est donc libre d'organiser ou non un appel. En revanche, s'il décide d'ouvrir l'appel, il ne peut priver l'accusé de l'appel qu'il a régulièrement formé tout en prévoyant l'exécution immédiate de la peine, au seul motif que le condamné en première instance s'est soustrait à l'obligation de comparaître lors de l'examen de son appel. Tel est le sens de la décision n° 2014-403 QPC du 13 juin 2014 (N° Lexbase : A5442MQM) s'agissant de dispositions prévoyant la caducité de l'appel de l'accusé en fuite, lesquelles n'ont pas résisté au test de proportionnalité opéré par le Conseil sur le terrain du recours juridictionnel effectif.

Le droit fiscal n'est pas en reste, notamment par la censure notable du troisième alinéa de l'article L. 209 du LPF (N° Lexbase : L7620HEX) s'agissant des frais engagés pour la constitution des garanties de recouvrement des impôts contestés (Cons. const., décision n° 2014-400 QPC du 6 juin 2014 N° Lexbase : A0200MQH). Le Conseil a aussi considéré qu'une différence de régime fiscal méconnaissait le principe d'égalité devant la loi dans le régime applicable aux sommes ou valeurs reçues par l'actionnaire ou l'associé personne physique, dont les titres sont rachetés par la société émettrice (Cons. const., décision n° 2014-404 QPC du 20 juin 2014 N° Lexbase : A6294MRK).

Il convient surtout de relever une série de décisions en matière de droit des collectivités territoriales. On notera à nouveau l'effectivité du principe de libre administration des collectivités territoriales à l'encontre des procédures contraignantes de rationalisation des périmètres des EPCI. Le Conseil a ainsi censuré l'article L. 5210-1-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9118INZ) issu de loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010, de réforme des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9056INQ), concernant le rattachement d'office d'une commune à un EPCI à fiscalité propre (Cons. const., décision n° 2014-391 QPC du 25 avril 2014 N° Lexbase : A5361MKR). En imposant à une commune une telle intégration, même dans le cas où cette commune a exprimé sa volonté de rejoindre un autre groupement de coopération intercommunale, de telles dispositions méconnaissent l'article 72 de la Constitution (N° Lexbase : L0904AHX). Les dispositions censurées n'étaient pas limitées dans le temps et ne prévoyaient aucune consultation de la commune faisant l'objet d'un tel rattachement.

On relèvera tout spécialement la décision n° 2014-405 QPC du 20 juin 2014, relative à la répartition des sièges de conseillers communautaires entre les communes membres au sein des EPCI à fiscalité propre (N° Lexbase : A6295MRL), et tout particulièrement à la possibilité d'un accord de répartition entre les communes membres. C'est cette dernière méthode, dérogatoire et optionnelle, qui se trouvait visée. Le Conseil a considéré qu'"en permettant un accord sur la détermination du nombre et de la répartition des sièges des conseillers communautaires et en imposant seulement que, pour cette répartition, il soit tenu compte de la population, ces dispositions permettent qu'il soit dérogé au principe général de proportionnalité par rapport à la population de chaque commune membre de l'établissement public de coopération intercommunale dans une mesure qui est manifestement disproportionnée ; que, par suite, elles méconnaissent le principe d'égalité devant le suffrage et doivent être déclarées contraires à la Constitution". Un des éléments contestés de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010, portant réforme des collectivités territoriales, se trouve ainsi censuré. On peut penser que la légitimité du fait communal se trouve renforcée par cette décision retentissante. Les assemblées (inter)communales sont certes des assemblées particulières, mais elles n'en restent pas moins des assemblées démocratiques au sein desquelles le principe d'égalité devant le suffrage doit s'imposer. Comme le souligne le Conseil dans ses commentaires, un dispositif qui permettrait à tous les conseils municipaux d'un EPCI de s'accorder à l'unanimité pour déroger à l'égalité devant le suffrage serait tout autant contraire à ce principe : l'égalité devant le suffrage est avant tout un droit qui protège les électeurs, non les élus.

La décision n° 2014-397 QPC du 6 juin 2014 (N° Lexbase : A0198MQE) constitue une nouvelle QPC en matière de finances locales, plus particulièrement du fonds de péréquation horizontale spécifique à la région IDF. Le dispositif de plafonnement de la croissance du prélèvement sur les ressources des communes qui était contesté, bien qu'évolutif de 2012 à 2015, n'était pas limité dans le temps et créait une différence de traitement substantielle et pérenne entre les communes contributrices.

I - Champ d'application

A - Normes constitutionnelles invocables

1 - Droits et libertés des collectivités territoriales

Dans sa décision n° 2014-392 QPC du 25 avril 2014 (N° Lexbase : A5362MKS), le Conseil s'est, pour la première fois, prononcé sur la question de l'applicabilité des exigences de la libre-administration des collectivités territoriales aux provinces de la Nouvelle-Calédonie. En effet, depuis la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998 (loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 N° Lexbase : L3311I4E), le titre XIII relatif aux institutions de la Nouvelle-Calédonie se distingue des articles de la Constitution applicables aux collectivités territoriales, y compris aux collectivités régies par l'article 74 de la Constitution (N° Lexbase : L0906AHZ). On pouvait ainsi douter que le principe de libre-administration des collectivités territoriales, qui trouve son fondement dans l'article 72 de la Constitution (titre XII), puisse être appliqué de plein droit à la Nouvelle-Calédonie. C'est d'ailleurs ce que confirme le Conseil dans sa décision dans un premier temps de raisonnement.

Cela étant, dans un second temps, le Conseil a rappelé que les provinces de la Nouvelle-Calédonie voient leur statut fixé par la loi organique, laquelle prévoit expressément qu'en tant que collectivités territoriales, elles s'administrent librement par des conseils élus (1). Fallait-il appréhender cette (simple) mention organique comme ouvrant droit à invocabilité en QPC ? On pouvait sérieusement en douter. D'une part, il est clair que de telles dispositions organiques ne constituent pas en elles-mêmes des "droits et libertés que la Constitution garantit", elles demeurent formellement des normes distinctes. D'autre part, si la loi organique fait partie des normes dont le Conseil constitutionnel vérifie le respect par la loi ordinaire, il n'en résulte pas pour autant qu'elles devraient être assimilées à la Constitution elle-même au sens et pour l'application de l'article 61-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5160IBQ). On le sait, une loi qui méconnait une disposition organique est contraire à la Constitution car elle méconnait la règle en vertu de laquelle les lois ordinaires doivent respecter les lois organiques. Mais cela ne suffit pas à considérer que les normes contenues dans la loi organique doivent être regardées comme constituant par elles-mêmes des "droits et libertés que la Constitution garantit".

En contournant partiellement ces obstacles, le Conseil a jugé que le législateur organique a "étendu aux institutions de la Nouvelle-Calédonie les dispositions du titre XII", "sans que cette extension soit contraire aux orientations de l'accord signé à Nouméa le 5 mai 1998 auxquelles le titre XIII confère valeur constitutionnelle", précise le Conseil. Ce raisonnement demeure constructif, pragmatique et finaliste. Il peut toutefois s'appuyer sur une logique antérieure qui consiste, pour l'application de dispositions constitutionnelles telles que l'article 39 (N° Lexbase : L0865AHO) ou l'article 24, alinéa 4, (N° Lexbase : L0850AHX) à assimiler la Nouvelle-Calédonie à une collectivité territoriale. On peut aussi y voir le souci de veiller à l'unité matérielle du principe de libre-administration. Quoi qu'il en soit, la décision n° 2014-392 QPC autorise ce qu'on pourrait qualifier d'invocabilité par extension organique. Est-ce valable s'agissant des dispositions organiques prises en application de l'article 74 pour les collectivités d'outre-mer ?

2 - Portée de la Charte de l'environnement

Le Préambule de la Charte de l'environnement n'est pas invocable en QPC. Tel est l'enseignement de l'importante décision n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014 (N° Lexbase : A8792MKT). Certes, les sept alinéas qui composent ce Préambule ont bien valeur constitutionnelle, ce qui ne faisait pas débat. Mais, compte tenu de leurs termes mêmes, aucun d'eux n'institue un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Les cinq premiers alinéas formulent tout au plus des constats, les deux derniers énoncent des objectifs. Sur ce dernier point, le sixième alinéa fait écho aux articles 1 et 2 de la charte, lesquels sont parfaitement invocables ; le septième et dernier alinéa fait, quant à lui écho, à son article 6, fixant l'objectif de promotion du développement durable qui n'est pas invocable sauf à être combiné.

Le Préambule de Charte se distingue donc du Préambule de la Constitution de 1946 et même de l'incipit de ce Préambule qui réaffirme solennellement les droits de la Déclaration de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, et dont le Conseil constitutionnel a, en outre, déduit le principe de sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d'asservissement et de dégradation. Cette différence de traitement est peu harmonieuse mais compréhensible. Elle tient à la teneur indécise des énonciations contenues dans le Préambule de la Charte : il s'agit de considérations générales, idéologiques ou scientifiques, sur le lien entre humanité et environnement, de simples constats, voire des évidences sur la diversité biologique et l'évolution de l'Humanité, mais sûrement pas des droits ou des libertés ayant une portée juridique suffisamment établie, notamment pour les générations futures dont certaines associations se revendiqueraient dépositaires.

B - Normes constitutionnelles exclues du champ de la QPC

Le contrôle des lois adoptées par la voie du référendum a toujours été refusé par le Conseil constitutionnel. Leur injusticiabilité en QPC était donc prévisible, mais non clairement déterminée (2). Elle vient d'être fixée expressément par la décision n° 2014-392 QPC du 25 avril 2014 (N° Lexbase : A5362MKS) sur renvoi d'une question jugée nouvelle par la Cour de cassation en tant, précisément, qu'elle visait des dispositions issues d'une loi référendaire (3).

Le Conseil a précisé "que l'article 61-1 de la Constitution donne au Conseil constitutionnel mission d'apprécier la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions législatives, sans préciser si cette compétence s'étend à l'ensemble des textes de caractère législatif ; que toutefois au regard de l'équilibre des pouvoirs établi par la Constitution, les dispositions législatives qu'elle a entendu viser dans son article 61-1 ne sont pas celles qui, adoptées par le Peuple français à la suite d'un référendum contrôlé par le Conseil constitutionnel au titre de l'article 60 (N° Lexbase : L0889AHE), constituent l'expression directe de la souveraineté nationale". Puis, après avoir relevé "qu'aucune disposition de la Constitution ou d'une loi organique prise sur son fondement ne donne compétence au Conseil constitutionnel pour se prononcer sur une question prioritaire de constitutionnalité aux fins d'apprécier la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit d'une disposition législative adoptée par le Peuple français par la voie du référendum", il a jugé qu'il n'y avait pas lieu pour lui de connaître des dispositions de la loi adoptée par voie de référendum.

Il s'agit là d'une stricte transposition d'une jurisprudence constante posée par la décision n° 62-20 DC du 6 novembre 1962 (N° Lexbase : A7807AC7), d'autant plus attendue qu'elle se trouve renforcée par la nouvelle procédure référendaire -lex specialis- introduite par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (loi n° 2008-724 de modernisation des institutions de la Vème République N° Lexbase : L7298IAK). Il en va aussi de l'unité des contrôles a priori et a posteriori, que ni le constituant, ni le législateur organique n'avaient pour intention de déstabiliser pour réserver cette compétence à la QPC. On peut toutefois penser qu'il convient de réserver le cas où, sans remettre en cause la constitutionnalité ab initio de la loi référendaire, un changement de circonstances de fait ou de droit soulèverait une question qui, étant postérieure à l'adoption de la loi par référendum, ne pourrait être regardée comme tranchée par la peuple français. Un tel changement de circonstance a été reconnu dans la décision n° 99-410 DC du 15 mars 1999, sur la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie (N° Lexbase : A8775ACY).

II - Procédure devant le Conseil constitutionnel

A - Interventions devant le Conseil constitutionnel

Comme souligné lors de précédentes chroniques, les observations en intervention des tiers à l'occasion d'une QPC transmise au Conseil constitutionnel sont de plus en plus courantes, ce qui témoigne du caractère abstrait et d'intérêt collectif de l'examen que le Conseil opère et, dans le même temps, suscite. Il en est ainsi, par exemple, de plusieurs demandes en intervention d'associations, lesquelles peuvent intervenir en défense de la loi comme deux d'entre elles dans l'affaire n° 2014-396 QPC du 23 mai 2014 (N° Lexbase : A5119MMK).

Ces interventions sont surtout de plus en plus utiles et mieux dirigées, notamment lorsqu'elles soulèvent des griefs nouveaux au regard de ceux développés par la partie requérante ou le Gouvernement. On peut relever, à cet égard, l'intervention de la société X qui soutenait un grief complémentaire dans l'affaire n° 2014-374 QPC du 4 avril 2014 (N° Lexbase : A4068MII), tiré en l'occurrence de l'exigence de sécurité. L'association Y a fait de même dans l'affaire n° 2014-395 QPC du 7 mai 2014 (N° Lexbase : A8793MKU) en ajoutant, par une demande ciblée, une seconde branche au grief d'incompétence négative soulevé par le requérant. De façon générale, on perçoit que la stratégie des interventions est mieux rôdée.

Devant le succès grandissant des interventions, le Conseil constitutionnel est régulièrement amené à affiner les conditions et modalités de leur recevabilité.

Il est parfois conduit à faire un tri assez draconien. Ce fut le cas dans l'affaire n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014 concernant les plantations en limite de propriétés privées. L'intervention de l'association a été écartée faute de justifier d'un intérêt spécial, sans que cela ne soit mentionné aux visas, ou dans l'historique retracé par la greffière lors de l'audience publique.

Surtout, une partie intervenante ne saurait modifier par ses conclusions l'objet de la QPC renvoyée au Conseil constitutionnel. L'affaire n° 2014-373 QPC du 4 avril 2014 (N° Lexbase : A4067MIH) concernant les conditions de recours au travail de nuit a été l'occasion de le rappeler. L'intervenant ne pouvait, en l'espèce, solliciter l'énoncé d'une réserve d'interprétation sur le créneau horaire qui définit le travail de nuit, et donc contester la définition même du travail de nuit, alors que ces textes n'étaient pas ici renvoyés.

B - Contrôle de l'incompétence négative

L'incompétence négative devient un outil habituel dans la jurisprudence QPC, dans l'usage duquel le Conseil fait preuve d'une jurisprudence mieux établie pour sanctionner la méconnaissance, par le législateur, de l'étendue constitutionnelle de ses attributions.

Par un moyen soulevé d'office tiré de ce grief, le Conseil a censuré le paragraphe III de l'article 8 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, portant modernisation du marché du travail (N° Lexbase : L4999H7B) (Cons. const., décision n° 2014-388 QPC du 11 avril 2014 N° Lexbase : A8256MIM). Dans cette disposition, le législateur s'était contenté de définir le portage salarial en le rattachant au régime du salariat et en consacrant les droits de la personne portée sur son apport de clientèle. Pour le reste, il renvoyait à la négociation collective la mission de fixer le régime juridique du portage salarial, ce qui revenait à permettre aux partenaires sociaux de réglementer librement le portage salarial. Cette décision rigoureuse de censure est à mettre en rapport avec la nature particulière du portage, structure intermédiaire en rupture avec plusieurs aspects généraux et fondamentaux du droit du travail. La définition apportée par le législateur demeurait superficielle au point d'apparaître comme une subdélégation inconstitutionnelle aux partenaires sociaux.

Il est à noter qu'une nouvelle incompétence négative a été sanctionnée en matière de régime applicable aux personnes privées de leur liberté, domaine dans lequel le contrôle du Conseil est plus strict. Elle vise l'habilitation législative inscrite à l'article 728 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4466AZG), dans sa rédaction postérieure à la loi n° 87-432 du 22 juin 1987, relative au service public pénitentiaire (N° Lexbase : L5154ISP), et antérieure à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 (loi n° 2009-1436 N° Lexbase : L9344IES) qui l'a abrogé (Cons. const., décision n° 2014-393 QPC du 25 avril 2014 N° Lexbase : A5363MKT). On sait que l'absence d'encadrement législatif a permis, en cette matière, le développement d'un infra-droit pénitentiaire de nature administrative, qu'il s'agisse du régime de l'isolement, de la fouille, ou des conditions de travail au sein des prisons, etc. L'absence de limite législative protectrice des droits fondamentaux des détenus encourait une censure assez prévisible. Avec cette QPC, le Conseil constitutionnel a approfondi sa jurisprudence sur ce point. Il a formulé un principe selon lequel les personnes détenues bénéficient des droits et libertés constitutionnellement garantis dans les limites inhérentes à la détention. Il a ajouté que c'est au législateur qu'il incombe de procéder à la conciliation entre les deux logiques qui peuvent s'opposer : d'une part, l'exercice de ces droits et libertés, et, d'autre part, la sécurité du système pénitentiaire et les finalités de l'exécution des peines privatives de liberté.

Une nouvelle censure sur le fondement de l'article 7 de la Charte de l'environnement, touchant cette fois l'article L. 222-2, alinéa 1er, du Code de l'environnement (N° Lexbase : L7793IML) concernant le schéma régional éolien (Cons. const., décision n° 2014-395 QPC du 7 mai 2014 N° Lexbase : A8793MKU), s'inscrit dans le prolongement de la décision OGM en matière de principe d'information du public (4). Le Conseil constitutionnel a ainsi rappelé la charge contraignante de cette disposition : il impose que le législateur fixe lui-même les conditions et limites dans lesquelles s'exerce le principe de participation du public, sans pouvoir se contenter d'en fixer le principe en renvoyant au décret le soin d'en fixer les modalités. Avec une certaine rigueur, le Conseil a écarté l'argumentation subsidiaire selon laquelle le principe de participation du public était assuré par d'autres dispositions législatives.

C - Effets dans le temps de la décision du Conseil constitutionnel

1 - Application immédiate aux instances en cours

Dans l'affaire précitée n° 2014-374 QPC du 4 avril 2014, censurant les dispositions relatives à l'effet suspensif du recours contre les dérogations préfectorales au repos dominical, le Conseil précise que la déclaration d'inconstitutionnalité est applicable aux affaires nouvelles, ainsi qu'aux affaires non jugées définitivement à la date de publication de sa décision. Cette censure présente un effet corrélatif, celui de rendre applicable immédiatement les règles habituelles du contentieux administratif relatives à l'absence d'effet suspensif des recours devant les juridictions administratives. Il est donc possible de former un recours en référé-suspension contre les arrêtés préfectoraux en question.

Le Conseil censure aussi avec effet immédiat les dispositions de l'article L. 5210-1-2 du Code général des collectivités territoriales relatives au rattachement d'office d'une commune à un EPCI à fiscalité propre (Cons. const., décision n° 2014-391 QPC du 25 avril 2014 N° Lexbase : A5361MKR). Il est vrai qu'une telle censure n'implique pas de grand bouleversement sur l'ordonnancement juridique de l'intercommunalité, l'essentiel ayant été achevé par l'application des textes antérieurs. La censure est donc applicable aux affaires nouvelles, ainsi qu'aux affaires non jugées définitivement à la date de publication de la décision.

La même solution a été appliquée dans la décision n° 2014-393 QPC du 25 avril 2014 (N° Lexbase : A5363MKT). Le Conseil constitutionnel a noté que le législateur était déjà intervenu par une loi postérieure afin de remédier à cette inconstitutionnalité. De sorte que l'application immédiate de la censure de l'article dans sa rédaction antérieure n'entraînait pas de conséquences manifestement excessives.

Il en est de même dans la décision n° 2014-398 QPC du 2 juin 2014 (N° Lexbase : A6403MPT). Le Conseil a toutefois ôté tout effet rétroactif en précisant que "les prestations compensatoires fixées par des décisions définitives en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être remises en cause sur le fondement de cette inconstitutionnalité". La décision du Conseil constitutionnel ne peut donc constituer un motif pour demander la révision de prestations compensatoires fixées par des décisions définitives.

Le Conseil fait preuve d'une grande précision dans l'aménagement des effets dans le temps de l'inconstitutionnalité. Ainsi, l'application immédiate est aussi la solution retenue dans la décision n° 2014-403 QPC du 13 juin 2014 (N° Lexbase : A5442MQM), mais elle conduit le Conseil à faire oeuvre de reconstruction procédurale. En effet, cette censure risquait de placer les juridictions dans une impasse : la fuite de l'accusé ne permettant plus de déclarer son appel caduc, son recours doit être examiné et un nouveau procès se tenir, malgré son absence. Or, le procès devant la cour d'assises statuant en appel ne peut être mené qu'en présence de l'accusé, puisque la loi exclut l'application de la procédure du défaut en matière criminelle en appel. Aussi, dans l'attente d'une éventuelle intervention du législateur qui pourrait retenir une solution différente, le Conseil a précisé "qu'afin de permettre le jugement en appel des accusés en fuite, il y a lieu de prévoir que, nonobstant les dispositions de l'article 380-11 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L8657HWK), ils pourront être jugés selon la procédure du défaut en matière criminelle". Selon les commentaires officiels, cette solution permet d'éviter que l'abrogation à effet immédiat crée une situation de blocage. Elle rejoint la pratique qui accepte de recourir à la procédure par défaut devant la cour d'assises statuant en appel lorsque l'appel émane du ministère public à titre principal et que l'accusé ne se présente pas.

La définition des effets dans le temps des décisions de non-conformité peut s'avérer fort complexe, particulièrement s'agissant de la maitrise des effets que la disposition censurée a produit avant la déclaration d'inconstitutionnalité. La décision n° 2014-405 QPC du 20 juin 2014 (N° Lexbase : A6295MRL) en témoigne, quant à l'éventuelle remise en cause de la fixation du nombre et de la répartition des sièges dans une communauté de communes ou une communauté d'agglomération décidée avant cette décision. Au terme d'une décision instructive quant à la méthode d'analyse utilisée, le Conseil a procédé à un aménagement très fin de l'effet immédiat de sa censure, d'une part pour préserver le plus possible l'effet utile de la déclaration d'inconstitutionnalité à la solution des instances en cours, et d'autre part pour garantir le respect du principe d'égalité devant le suffrage pour les élections à venir. Sur ce dernier point, le Conseil va jusqu'à souligner qu'il "y a lieu de prévoir la remise en cause du nombre et de la répartition des sièges dans les communautés de communes et les communautés d'agglomération au sein desquelles le conseil municipal d'au moins une des communes membres est, postérieurement à la date de la publication de la présente décision, partiellement ou intégralement renouvelé". Ce qui revient à obliger que soient tirées immédiatement les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel.

Dans la décision n° 2014-390 QPC du 11 avril 2014 (N° Lexbase : A8257MIN), le Conseil a aménagé assez strictement les effets de l'application immédiate de sa censure. Il a jugé que, d'une part, "elle n'ouvre droit à aucune demande en réparation du fait de la destruction de biens opérée antérieurement à cette date", et que, d'autre part, "les poursuites engagées dans des procédures dans lesquelles des destructions ont été ordonnées en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité". Ce haut degré de restriction permet en réalité de maintenir au mieux le principe de l'application immédiate de l'inconstitutionnalité prononcée, et d'éviter le prononcé d'un report ad futurum.

2 - Abrogation à effet différé (report de la déclaration d'inconstitutionnalité) et préservation de l'effet utile

On sait que les critères exacts qui conduisent le Conseil constitutionnel, dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, à moduler les effets dans le temps de ces décisions, ne sont pas toujours parfaitement établis. Régler la question des effets dans le temps de sa déclaration d'inconstitutionnalité est un enjeu parfois fort complexe, plus encore lorsque le report ad futurum doit se concilier avec la préservation de l'effet utile et la détermination de la règle applicable pendant la période transitoire. Le Conseil constitutionnel livre de nouveaux développements sur ce point.

Dans la décision n° 2014-387 QPC du 4 avril 2014 précitée, le Conseil censure avec effet différé au 1er janvier 2015 une disposition qui aurait pu avoir des incidences négatives quant à la recherche d'auteurs d'infractions. On retrouve une logique identique à celle retenue dans les précédentes affaires en matière de visite et perquisition, ou même de garde à vue. Le Conseil ajoute "que les poursuites engagées à la suite des opérations de visite domiciliaire de perquisitions ou de saisies mises en oeuvre avant cette date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité". Il s'agit de réserver le bénéfice de la déclaration d'inconstitutionnalité aux cas dans lesquels les opérations de visite domiciliaire, perquisition et saisie ne seraient pas suivies de poursuites. Il convient d'être attentif à la réception de cette décision par la Cour de cassation, laquelle avait remis en cause ce report à propos de la présence d'un avocat lors de la garde à vue.

Un même report a été décidé dans la décision n° 2014-388 QPC du 11 avril 2014 (N° Lexbase : A8256MIM) s'agissant de la censure d'une disposition relative au "portage salarial" pour incompétence du législateur. Il s'agit de permettre au législateur de tirer les conséquences de la déclaration d'inconstitutionnalité. A défaut, un vide juridique aurait résulté de la remise en cause des accords collectifs auxquels renvoyait inconstitutionnellement la loi.

Le report prononcé dans la décision n° 2014-397 QPC du 6 juin 2014 (N° Lexbase : A0198MQE) est exemplaire des difficultés que le Conseil est amené à prendre en considération pour aménager dans le temps les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Cela tient à la nature même de la procédure incriminée, en l'occurrence au mécanisme de prélèvement annuel sur les communes contributrices et aux modalités de calcul du plafonnement. Une censure sèche aurait conduit à réviser le montant des prélèvements, notamment pour l'année en cours. Le report présente alors un double intérêt : permettre de ne pas remettre en cause les prélèvements opérés au titre de l'année 2014 et des années antérieures, et donner au législateur la possibilité d'intervenir à l'occasion des textes financiers à venir.

Une censure ne crée pas toujours l'obligation pour le législateur d'intervenir postérieurement à l'abrogation des dispositions contestées, même si des droits accordés par ces dispositions sont supprimés. Le choix du report est alors de bonne politique "afin de permettre au législateur d'apprécier les suites qu'il convient de donner à cette déclaration d'inconstitutionnalité" pour reprendre le considérant désormais classique du Conseil (5). Le Conseil estime, en effet, qu'il ne lui appartient pas d'imposer au législateur celle des solutions conforme aux exigences constitutionnelles qui aurait sa préférence.

Dans sa décision n° 2014-395 QPC du 7 mai 2014, relative au schéma régional éolien (N° Lexbase : A8793MKU), le Conseil a estimé que la remise en cause des effets produits par les dispositions déclarées contraires à la Constitution aurait des conséquences manifestement excessives, et ce en raison du nombre élevé de schémas adoptés selon une procédure non conforme. Il a précisé que "les mesures prises avant cette date sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité", ce qui signifie que les schémas adoptés avant la décision d'inconstitutionnalité ne sont pas remis en cause. On observera que, dans cette affaire, l'état du droit résultant de l'abrogation est susceptible de demeurer sans pour autant appeler nécessairement une nouvelle intervention du législateur. Il appartient donc au législateur d'apprécier, d'ici le 1er janvier 2015 fixe le Conseil, s'il entend substituer aux dispositions déclarées contraires à la Constitution un dispositif spécial de participation du public pour l'élaboration des schémas, ou s'il laisse produire tous ses effets à l'abrogation de la première phrase du premier alinéa de l'article L. 222-2 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L7793IML), ce qui aurait pour effet de rendre l'article L. 120-1 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L6346IXC) et la règle générale qu'il contient applicable à l'élaboration de ces schémas.

La même logique préside dans la décision n° 2014-400 QPC du 6 juin 2014 (N° Lexbase : A0200MQH). L'abrogation en cause supprime pour certains contribuables le droit à imputation des frais de garantie engagés lors du sursis de paiement de l'imposition contestée. Une censure à effet immédiat aurait eu pour effet de priver tous les contribuables ayant engagé des frais de garantie à l'occasion d'une action contentieuse à l'encontre de certaines impositions de la possibilité d'obtenir cette imputation. Pour le reste, il appartient donc au législateur de faire le choix, soit de mettre un terme à toute forme de récupération des frais de garantie quand la demande d'un contribuable est rejetée, soit, à l'inverse, d'appliquer les mêmes règles de récupération des frais de garantie constitués lors du sursis de paiement.

Cette affaire présente un intérêt complémentaire. L'abrogation à effet différé posait la question de la préservation de l'effet utile de la décision pour la solution des instances en cours, et notamment pour celle à l'occasion de laquelle la QPC a été soulevée, dès lors qu'aucune conséquence manifestement excessive ne pouvait résulter d'une imputation des frais engagés lors de la constitution de garanties sur les intérêts de retard (tant en raison de la faiblesse des sommes en jeu que du faible nombre d'affaires). Alors que, jusqu'à maintenant, il recourait principalement à la technique du sursis à statuer du juge jusqu'à l'intervention de la loi remédiant à l'inconstitutionnalité (6), le Conseil inaugure une nouvelle voie plus directive afin de préserver, par une réserve d'interprétation transitoire, l'effet utile de sa décision. En l'espèce, il a jugé que "les frais de constitution de garanties engagés à l'occasion d'une demande de sursis de paiement formulée en application du premier alinéa de l'article L. 277 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L4684ICH) avant l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi ou, au plus tard, avant le 1er janvier 2015 sont imputables soit sur les intérêts moratoires prévus par l'article L. 209 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L7620HEX), soit sur les intérêts de retard prévus par l'article 1727 du Code général des impôts (N° Lexbase : L0141IW7) dus en cas de rejet, par la juridiction saisie, de la contestation de l'imposition". Cette réserve neutralise les effets inconstitutionnels de la disposition en cause jusqu'à son remplacement par la loi nouvelle. Elle s'articule avec le fait que l'abrogation différée permet au législateur de choisir la solution juridique ayant sa préférence, soit qu'il intervienne et fasse bénéficier tous les contribuables contestant une imposition du même remboursement des frais de garantie, soit qu'en l'absence de toute nouvelle disposition législative, s'instaure un régime privant tous les contribuables du remboursement des frais engagés pour constituer des garanties lorsque la contestation d'une imposition en sursis de paiement est rejetée.

Le report couplé à la préservation de l'effet utile par voie de réserve d'interprétation transitoire se retrouve, dans une version plus affinée encore, dans la décision n° 2014-404 QPC du 20 juin 2014 précitée. Là encore en matière d'égalité devant l'impôt et la loi fiscale, le Conseil constitutionnel censure, en l'espèce, un dispositif législatif instaurant un régime fiscal dérogatoire taxant les rachats d'actions au régime des plus-values. L'effet de cette censure laisse au législateur le choix soit de conserver le régime fiscal hybride de taxation, lequel serait généralisé à l'ensemble des rachats d'actions, soit, à l'inverse, de prévoir en toute hypothèse un autre régime fiscal (le cas échéant, le régime fiscal dérogatoire censuré qui serait généralisé), soit d'instaurer des régimes fiscaux distincts selon des critères de taxation objectifs et rationnels et en lien avec l'objectif poursuivi. Comme dans la décision n° 2014-400 QPC, le Conseil a énoncé une réserve d'interprétation pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de l'abrogation à effet différé, permettant l'application du régime le plus favorable. Plus encore, dans la mesure où cette réserve portait pour partie sur une période au cours de laquelle le législateur est susceptible de modifier les règles applicables (pour l'année fiscale 2014, en vertu de la règle dite de la petite rétroactivité fiscale), le Conseil a été conduit à décomposer la réserve d'interprétation en deux catégories : l'une applicable en toute hypothèse, pour la période antérieure au 1er janvier 2014, l'autre applicable sous réserve d'une éventuelle modification des dispositions législatives pour prévoir un dispositif différent mais conforme aux exigences constitutionnelles, pour la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 1er janvier 2015, date de l'abrogation à effet différé.

Chacun appréciera l'extraordinaire complexification de la gestion dans le temps des effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Le Conseil se dote ici d'un outil très performant (mais nécessairement intrusif) pour limiter les conséquences du report et concilier ce report avec l'objectif de préservation de l'effet utile de la déclaration d'inconstitutionnalité. Il témoigne de l'importance de son office régulateur dont il entend pleinement se saisir.

3 - Déclaration d'inconstitutionnalité pour le passé

Une déclaration d'inconstitutionnalité peut être sans effet. La décision n° 2014-396 QPC du 23 mai 2014 (N° Lexbase : A5119MMK) nous en donne une illustration inédite. Pour la première fois depuis l'entrée en vigueur de la QPC, le Conseil constitutionnel était confronté à une situation dans laquelle des dispositions législatives méconnaissant une exigence constitutionnelle étaient, sans avoir été modifiées ou remplacées, "devenues" conformes à cette exigence du fait de l'entrée en vigueur d'autres garanties légales.

Devant cette situation originale, le Conseil procède en deux temps, dont la dissociation révèle sous un autre jour la distinction à faire entre inconstitutionnalité et abrogation. D'une part, le Conseil constate que les dispositions législatives nouvelles mettent fin à l'inconstitutionnalité constatée. De sorte qu'il n'y a plus lieu de prononcer l'abrogation des dispositions contestées pour ou en raison de la période antérieure à l'entrée en vigueur des modifications "constitutionnalisantes". D'autre part et surtout, se pose la question de la remise en cause des effets passés. En effet, par principe, l'inconstitutionnalité antérieure demeure susceptible d'entraîner la remise en cause des décisions prises sur le fondement des dispositions contestées. Il appartient donc au Conseil de déterminer si celle-ci constituerait des conséquences manifestement excessives. Exercice à haut degré de concrétisation de son contrôle s'il en est. En l'espèce, ainsi que l'explique le commentaire officiel, le Conseil a relevé que huit arrêtés adoptés en application des dispositions contestées étaient concernés... ce qui a été jugé comme excessif, sans qu'on puisse précisément déterminer le point de bascule.

Quoi qu'il en soit, sans effet abrogatif et privé d'effet pour remettre en cause les actes antérieurs, la déclaration d'inconstitutionnalité pour le passé est finalement, de droit puis de fait, dépourvue de toute portée. Est-ce à dire qu'elle est inutile ? Sans doute pas. Certes, les décisions antérieures prises sur leur fondement des dispositions inconstitutionnelles ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité. Mais l'inconstitutionnalité est constatée pour la période visée, elle pourrait, par exemple, justifier d'éventuels recours en responsabilité...


(1) Loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, relative à la Nouvelle-Calédonie (N° Lexbase : L6333G9G), art. 3.
(2) Nos obs., Droit de la question prioritaire de constitutionnalité, Lamy, 2011, n° 54.
(3) Cass. soc., 20 février 2014, n° 13-20.702, FS-P+B (N° Lexbase : A7751MES).
(4) Cons. const., décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008 (N° Lexbase : A2111D93).
(5) Not. Cons. const., décisions n° 2010-108 QPC du 25 mars 2011 (N° Lexbase : A3844HHT), n° 2011-112 QPC du 1er avril 2011 (N° Lexbase : A1900HMC) et n° 2011-190 QPC du 21 octobre 2011 (N° Lexbase : A7832HYQ).
(6) Pour un point, nos obs., Les effets dans le temps des décisions QPC. Le Conseil constitutionnel, maître du temps'' ? Le législateur, bouche du Conseil constitutionnel ?, Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2013, n° 40, pp. 63-83.

newsid:443987

QPC

[Brèves] QPC : la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus appliquée sur des revenus de capitaux mobiliers conforme à la Constitution ?

Réf. : CE, 3° et 8° s-s-r., 2 octobre 2014, n° 382284, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7798MX4)

Lecture: 2 min

N4007BUX

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Le 16 Octobre 2014

Le Conseil d'Etat, par cet arrêt rendu le 2 octobre 2014, a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité s'agissant de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus appliquée sur des revenus de capitaux mobiliers (CE, 3° et 8° s-s-r., 2 octobre 2014, n° 382284, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7798MX4). En effet, l'article 223 sexies du CGI (N° Lexbase : L1152ITT) a institué à la charge des contribuables passibles de l'impôt sur le revenu une contribution sur le revenu fiscal de référence du foyer fiscal, calculée en appliquant un taux de 3 % à la fraction de revenu fiscal de référence comprise entre respectivement 250 000 euros et 500 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et entre 500 000 euros et 1 000 000 d'euros pour les contribuables soumis à imposition commune, puis un taux de 4 % à la fraction de revenu fiscal de référence supérieure à 500 000 euros pour les contribuables célibataires, veufs, séparés ou divorcés et supérieure à 1 000 000 euros pour les contribuables soumis à imposition commune et déclarée, contrôlée, et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes garanties et sanctions qu'en matière d'impôt sur le revenu. En contestant la conformité à la Constitution de ces dispositions en tant qu'elles sont applicables aux revenus de capitaux mobiliers perçus par les contribuables au cours de l'année 2011 et au titre desquels ceux-ci ont acquitté un prélèvement forfaitaire libératoire, le requérant doit être regardé comme mettant en cause, non l'article 223 sexies lui-même mais le III de l'article 2 de la loi de finances pour 2012 (loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011, de finances pour 2012 N° Lexbase : L4993IRD), en vertu duquel les nouvelles dispositions de l'article 223 sexies sont applicables à compter de l'imposition des revenus de l'année 2011. Le Conseil d'Etat a relevé que ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, et également qu'elles méconnaissent les droits et libertés garantis par la Constitution, notamment la garantie des droits proclamée à l'article 16 de la DDHC (N° Lexbase : L1363A9D). Cette question présentant alors un caractère sérieux, elle a été renvoyée devant le Conseil constitutionnel (cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E9378ETI).

newsid:444007

Rémunération

[Jurisprudence] Nouvelle justification d'une différence de traitement au bénéfice de cadres dirigeants

Réf. : Cass. soc., 24 septembre 2014, n° 13-15.074, FS-P+B (N° Lexbase : A3147MXT)

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N4004BUT

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de l'encyclopédie "Droit du travail" et de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 09 Octobre 2014

Le contentieux de l'égalité de traitement s'est apaisé ces derniers mois, sans doute grâce aux efforts déployés par la Cour de cassation pour préciser les conditions dans lesquelles on peut admettre que des salariés, placés dans des situations différentes, soient traités différemment par les partenaires sociaux. Dans une nouvelle décision en date du 24 septembre 2014, la Chambre sociale de la Cour de cassation admet ainsi de manière inédite la validité d'une différence de régime entre cadres, selon qu'ils sont ou non cadres dirigeants (I), ce qui fournit une illustration particulièrement intéressante de la méthodologie que doivent suivre les juges du fond lorsqu'un salarié conteste notamment des différences catégorielles (II).
Résumé

Est justifiée la différence de traitement conventionnelle concernant l'indemnité de licenciement due aux cadres dirigeants dès lors que, dans le contexte de la gestion des établissements de l'APAJH 11, ces cadres-dirigeants, qui ont la responsabilité directe de la mise en oeuvre du projet associatif, sont plus exposés que les autres salariés au licenciement, comme directement soumis aux aléas de l'évolution de la politique de la direction générale.

I - Des différences de traitement entre cadres

Contexte. Après plusieurs mois d'incertitudes, la Chambre sociale de la Cour de cassation a fixé, en 2011 (1), les critères de justifications des différences de traitement introduites par accords collectifs entre les salariés selon leur catégorie professionnelle d'appartenance, autour de deux idées (2).

En premier lieu, la justification catégorielle n'est pas en elle-même pertinente : "La seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement, résultant d'un accord collectif, entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence".

En second lieu, lorsqu'il vérifie concrètement la "réalité" et la "pertinence" des "raisons objectives" justifiant la différence de traitement, le juge doit démontrer que cette différence "a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d'une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération".

Une jurisprudence rare. L'examen de la jurisprudence depuis lors donne quelques indications sur les intentions de la Haute juridiction. Si certaines cassations furent justifiées par des raisons méthodologiques, les cours d'appel n'ayant pas, et pour cause, statué avant les arrêts de 2011 (3), d'autres ont permis de mieux comprendre quelles étaient les attentes de la Haute juridiction et ce qui peut, dans l'exercice des fonctions, justifier une différence de traitement (4). Ainsi, les conducteurs-receveurs n'exercent pas les mêmes fonctions que les conducteurs, et peuvent donc se voir attribuer un uniforme de service plus discret pour favoriser les contrôles (5), et les enseignants-chercheurs n'exercent pas les mêmes missions que les enseignants, ce qui justifie des différences de rémunération (6). La Haute juridiction a également dû prendre parti sur les différences de niveaux dans les indemnités de licenciement pour tenir compte de la situation professionnelle des salariés après la rupture du contrat de travail (7).

S'agissant singulièrement du régime de l'indemnité conventionnelle de licenciement, la Cour de cassation s'est montrée réservée sur la justification de différences de régime, en dehors de la prise en compte d'un éventuel bénéfice de l'assurance-vieillesse (8), confirmant la non-pertinence de distinctions, par exemple entre cadres et ingénieurs, sans véritable justification (9). La Cour de cassation a, par ailleurs, concentré son analyse des spécificités sur les trois éléments dégagés en 2011 (fonctions, carrière et rémunérations) et manifesté la plus grande réserve à l'égard d'autres justifications, comme "le niveau de connaissances, de diplôme et de formation", singulièrement lorsqu'il s'est agi de justifier des différences de niveaux d'avantages liés à la rupture du contrat de travail (10).

L'intérêt de l'arrêt. La jurisprudence est suffisamment rare sur le sujet, et les différences de régimes fréquentes dans les accords collectifs, pour qu'un arrêt publié, portant précisément sur le sujet, soit examiné avec attention, surtout lorsqu'il conduit une différence de traitement opérée entre cadres.

L'affaire. Il s'agissait ici d'un salarié engagé par l'Association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH 11) en 1981 en qualité de chef de service éducatif au sein d'un centre médico-social. Licencié en avril 2010 pour inaptitude, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes et réclamait notamment le bénéfice de l'indemnité conventionnelle de licenciement réservée par l'accord collectif applicable aux cadres dirigeants (11), par application du principe d'égalité de traitement, ce qui ne lui avait pas été accordé par la cour d'appel de Montpellier (12), et ce qui se trouve ici confirmé par le rejet du pourvoi.

Après avoir repris la formule générale dégagée dans l'arrêt du 8 juin 2011, la Haute juridiction indique que "dans le contexte de la gestion des établissements de l'APAJH 11, les cadres-dirigeants, qui ont la responsabilité directe de la mise en oeuvre du projet associatif, sont plus exposés que les autres salariés au licenciement, comme directement soumis aux aléas de l'évolution de la politique de la direction générale", ce qui constituait bien une "spécificité" liée "aux conditions d'exercice de leurs fonctions et à l'évolution de leur carrière".

Les apports de la décision. Cette décision est particulièrement intéressante à la fois parce qu'elle dit les critères de justifications qui doivent être réunis, selon la méthodologie dégagée en 2011, mais aussi parce qu'elle ne dit pas...

II - La validité des avantages compensant la précarité des fonctions de cadre dirigeant

Les apports explicites de la décision. On rappellera en premier lieu que la prise en compte des "spécificités" tenant notamment "aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération" doit s'apprécier "concrètement" (13) en prenant en considération non pas seulement, et évidemment, la situation du point de vue des salariés de l'entreprise (leurs fonctions, leur carrière et leur rémunération), mais aussi du point de l'entreprise ("dans le contexte de la gestion des établissements de l'APAJH 11"). Le juge doit donc analyser, comme élément de contexte, la politique managériale de l'entreprise, le degré d'implication attendu des salariés, le niveau d'exigence en termes de performances, de respect de la ligne "politique" imposée par l'entreprise (politique commerciale, pour le secteur lucratif, mais aussi politique "sociale" et "éducative" dans le secteur particulier de la prise en charge de personnes en situation de handicap, comme c'était le cas ici).

En second lieu, l'arrêt illustre la notion particulière de "spécificités" tenant à "l'exercice des fonctions" et à "l'évolution des carrières". Les cadres dirigeants sont, en effet, exposés à un risque particulier de licenciement lié à leur niveau de responsabilité au sein de l'entreprise, et au caractère très "politique" de leurs fonctions. En d'autres termes, le bénéfice d'un régime plus favorable en matière de préavis et d'indemnité de licenciement se justifie par la pression particulière qui pèse sur eux, et sur le risque de perte d'emploi plus important que de plus fortes indemnités viennent compenser.

La non-prise en considération des modalités de rémunération. Dans cette affaire, ni la cour d'appel de Montpellier, ni la Cour de cassation ne se sont fondées sur les "modalités de rémunération" pour justifier le bénéfice particulier de règles de préavis et d'indemnités de licenciement plus favorables réservées aux cadres dirigeants, et ce alors que l'APAJH avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que "l'indemnité de licenciement soit supérieure pour les cadres dirigeants est justifiée car elle vise à indemniser la perte de salaire".

L'argument n'était, il est vrai, guère convainquant, voire contreproductif. Le fait que les cadres dirigeants "perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement" (C. trav., art. L. 3111-2, al. 2 N° Lexbase : L0290H9M) ne saurait, en effet, justifier qu'ils perçoivent des indemnités proportionnellement plus élevées que les autres cadres, étant entendu que les fortes rémunérations qu'ils perçoivent se répercutent mécaniquement dans leurs indemnités de rupture en leur assurant une base de calcul plus élevée.

Par ailleurs, la Cour de cassation a, dans la grille méthodologique dégagée en 2011, visé non pas le "montant" de la rémunération, mais bien les "modalités" de rémunération, ce qui désigne éventuellement la volonté de compenser les différences de modes de rémunération et notamment de tenir compte de l'avantage constitué par une forte part variable (14).

Le risque de ne pas faire carrière. L'arrêt illustre également, pour la première fois à notre connaissance, la prise en considération des spécificités dans l'évolution des carrières. L'argument est ici comparable au précédent, puisque le risque auquel le cadre dirigeant est exposé, qui est lié au caractère très politique de ses fonctions et de ses responsabilités, rend aléatoire toute idée même de carrière, compte tenu de la probabilité assez forte qu'il soit licencié dès lors que la politique de l'entreprise change. Dans ces conditions, les avantages particuliers qu'il pourrait percevoir, à l'occasion de la rupture de son contrat de travail, viennent compenser ici ce risque particulier.

Le risque de ne pas faire carrière est d'autant plus fort qu'en cas d'inaptitude au poste de travail, déclarée par le médecin du travail, les possibilités de reclassement dans les entreprises sont quasiment inexistantes, compte tenu du niveau de responsabilités des salariés concernés.


(1) Cass. soc., 8 juin 2011, deux arrêts, n° 10-14.725, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3807HT8) et jonction, n° 10-11.933 à n° 10-13.663, P+B+R+I (N° Lexbase : A3806HT7) ; et nos obs., La Cour de cassation et les avantages catégoriels : la montagne accouche d'une souris, Lexbase Hebdo n° 444 du 16 juin 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N4332BSA). Si l'argument catégoriel n'est pas pertinent en soi, il en va de même du rattachement à des accords collectifs distincts, au regard du principe "à travail égal, salaire égal" : Cass. soc., 4 décembre 2013, n° 12-19.667, FS-P+B (N° Lexbase : A5541KQB) ; et nos obs., L'employeur et les différences catégorielles découlant du statut collectif, Lexbase Hebdo n° 552 du 19 décembre 2013 - édition sociale (N° Lexbase : N9890BTH). Sur la prise en considération de la date d'embauche comme justification de la différence de salaire au regard du principe "à travail égal, salaire égal", dernièrement Cass. soc., 24 septembre 2014, n° 13-10.233 et n° 13-10.234, FP-P+B (N° Lexbase : A3180MX3).
(2) Lire A. Gogos-Gintrand, L'égalité de traitement des salariés ou l'éternelle question de la légitimité des différences, Dr. soc., 2012, p. 804.
(3) Cass. soc., 12 octobre 2011, n° 10-15.101, F-D (N° Lexbase : A7648HYW), et nos obs., L'égalité de traitement, les cadres et le préavis de licenciement, Lexbase Hebdo n° 459 du 27 octobre 2011 - édition sociale (N° Lexbase : N8355BSA) ; Cass. soc., 30 mai 2012, n° 10-22.720, F-D (N° Lexbase : A5370IMT), nos obs., La Cour de cassation et l'égalité salariale : nouvelles précisions sur la justification des différences de traitement, Lexbase Hebdo n° 489 du 14 juin 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N2411BTH) ; Cass. soc., 30 mai 2012, n° 11-11.092, F-D (N° Lexbase : A5348IMZ), nos obs., La Cour de cassation et l'égalité salariale : nouvelles précisions sur la justification des différences de traitement, préc. ; Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-23.761, FS-D (N° Lexbase : A9673I97) ; Cass. soc., 19 juin 2013, n° 11-23.760, F-D (N° Lexbase : A1850KHY).
(4) Le fait d'imposer aux seuls conducteurs receveurs une tenue non revêtue d'un signe d'appartenance à l'entreprise tout en leur laissant la possibilité d'opter pour une tenue simplifiée revêtue d'un tel signe qu'ils endossaient sur le lieu de travail moyennant, en raison de son caractère sommaire, une compensation moins importante que celle prévue pour les autres catégorie de personnel, reposait sur des éléments objectifs, tenant à la spécificité des fonctions de conducteur receveur : Cass. soc., 30 mai 2012, n° 11-16.765, F-D (N° Lexbase : A5370IMT).
(5) Cass. soc., 30 mai 2012, n° 11-16.765, F-D, préc..
(6) Cass. soc., 9 juillet 2014, n° 12-30.192, FS-P+B, sur le premier moyen (N° Lexbase : A4200MU4), nos obs., Refus de promotion d'un enseignant du supérieur et principe d'égalité de traitement, Lexbase Hebdo n° 580 du 24 juillet 2014 - édition sociale (N° Lexbase : N3309BU4).
(7) Notamment les indemnités de licenciement qui peuvent être plus ou moins importantes pour tenir compte de la situation des salariés après leur départ de l'entreprise : Cass. soc., 5 décembre 2012, n° 10-24.203, F-D (N° Lexbase : A5775IYK) et Cass. soc., 5 décembre 2012, n° 10-24.204, FP-P+B (N° Lexbase : A5660IYB) : "les salariés qui bénéficient d'une pré-retraite ou d'une pension d'invalidité se trouvent, après leur licenciement, dans une situation de précarité moindre que les salariés en activité qui perdent, après la rupture de leur contrat de travail, l'intégralité de leur salaire et donc l'essentiel de leurs revenus, la cour d'appel a pu décider que la différence de traitement était justifiée" ; Cass. soc., 17 avril 2013, n° 12-18.555, F-D (N° Lexbase : A3951KCC) : "le mécanisme mis en oeuvre par l'employeur se fonde en premier lieu sur la date du départ effectif de l'entreprise qui dépend de l'âge du salarié et du nombre de trimestres qu'il a acquis pour ses droits à la retraite, en deuxième lieu sur la durée conventionnelle du préavis qui est de cinq mois, et en troisième lieu sur la date d'entrée en vigueur de la réforme du montant de l'indemnité de licenciement résultant du décret précité, la cour d'appel, qui en a exactement déduit qu'il s'agissait de critères objectifs et pertinents et qui a vérifié concrètement la mise en oeuvre par l'employeur de ces critères au regard des autres salariés auxquels M. M. se comparait".
(8) Préc., note 7.
(9) Cass. soc., 11 juin 2014, n° 12-29.660, F-D (N° Lexbase : A2273MRM).
(10) Cass. soc., 11 juin 2014, préc. : "rien ne venait expliquer en quoi le niveau de connaissances, de diplôme et de formation exigé pour les ingénieurs et cadres constituerait une raison objective et pertinente pour accorder à cette seule catégorie, une indemnité de licenciement en cas de rupture du contrat de travail pour faute grave".
(11) Convention collective des établissements hospitaliers privés à but non lucratif du 31 octobre 1951, art. 15.2.3.2.
(12) CA Montpellier, 6 février 2013, n° 11/05459 (N° Lexbase : A6142I7M).
(13) L'adverbe est explicitement visé par la Cour dans certaines affaires : Cass. soc., 27 novembre 2013, n° 12-20.246, F-D (N° Lexbase : A4752KQ3) : cassation pour manque de base légale de l'arrêt qui se détermine "par des motifs généraux, sans rechercher concrètement quelles étaient les spécificités ou les contraintes propres aux fonctions des non cadres et des médecins qui justifieraient, au regard de la prime d'expérience professionnelle, un régime plus avantageux que celui dont bénéficient les cadres".
(14) En ce sens Cass. soc., 4 juin 2014, n° 12-18.911, FS-D (N° Lexbase : A2823MQM) : "la différence de traitement était justifiée par les modalités de rémunération de l'intéressée qui, en sa qualité de chirurgien-dentiste, bénéficiait d'une rémunération, non pas fondée sur un salaire de base fixe mais calculée en proportion de la valeur des actes réalisés" (à propos d'une prime d'ancienneté qui ne bénéficiait pas aux chirurgiens-dentistes, la Cour ayant relevé que ces derniers percevaient, grâce à leur part variable, une rémunération très supérieure aux autres).

Décision

Cass. soc., 24 septembre 2014, n° 13-15.074, FS-P+B (N° Lexbase : A3147MXT)

Rejet CA Montpellier, 4ème ch., 6 février 2013, n° 11/05459 (N° Lexbase : A6142I7M)

Textes concernés : principe d'égalité de traitement et article 15.2.3.2 de la Convention collective des établissements hospitaliers privés à but non lucratif du 31 octobre 1951

Mots clef : égalité de traitement ; cadres de direction

Liens base :

newsid:444004

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Validation de la rupture conventionnelle au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle

Réf. : Cass. soc., 30 septembre 2014, n° 13-16.297, FS-P+B+R (N° Lexbase : A7882MX9)

Lecture: 1 min

N4037BU3

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Le 16 Octobre 2014

Sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, non invoqués en l'espèce, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue en application de l'article L. 1237-11 du Code du travail (N° Lexbase : L8512IAI) au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle. Telle est la décision retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 30 septembre 2014 (Cass. soc., 30 septembre 2014, n° 13-16.297, FS-P+B+R N° Lexbase : A7882MX9). En l'espèce, Mme C., engagée le 11 février 1983 par la société S., victime d'un accident du travail le 27 janvier 2009, s'est trouvée en arrêt de travail jusqu'au 8 février 2009. Elle a repris son activité professionnelle sans avoir été convoquée à une visite de reprise par le médecin du travail. Par la suite, une convention de rupture du contrat de travail conclue le 7 juillet 2009 a été homologuée par l'inspecteur du travail le 10 août 2009. La salariée a alors saisi la juridiction prud'homale. La salariée fait grief à l'arrêt (CA Lyon, 14 février 2013, n° 11/07843 N° Lexbase : A8540I7G) de la débouter de ses demandes tendant à la nullité de la rupture conventionnelle de son contrat de travail et au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul, subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse. En vain, la Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve la cour d'appel en énonçant le principe précité .

newsid:444037

Transport

[Brèves] Publication de la loi relative aux taxis et aux voitures de transport

Réf. : Loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014, relative aux taxis et aux voitures de transport (N° Lexbase : L3234I4K)

Lecture: 2 min

N4074BUG

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Le 10 Octobre 2014

La loi relative aux taxis et aux voitures de transport a été publiée au Journal officiel du 2 octobre 2014 (loi n° 2014-1104 N° Lexbase : L3234I4K). Le texte détaille plusieurs dispositions destinées à moderniser la profession de taxi afin de permettre aux chauffeurs d'accéder en temps réel aux autorisations de stationnement et à réglementer l'activité des véhicules de tourisme avec chauffeur. Les nouveaux articles L. 3121-11-1 (N° Lexbase : L3416I4B) et L. 3121-11-2 (N° Lexbase : L3358I47) du Code des transports visent à mettre en oeuvre l'Open Data "taxi" pour assurer le monopole des taxis sur la maraude électronique. Les conducteurs de VTC sont ainsi exclus des applications de géolocalisation permettant aux clients d'identifier les véhicules disponibles et ne pourront exercer leur activité que sur réservation préalable. En outre, l'article L. 3122-9 du Code des transports (N° Lexbase : L3369I4K) oblige le conducteur d'un VTC qui a achevé sa course, de retourner à son siège social, ou de stationner hors chaussée, sauf à ce qu'il justifie d'une réservation préalable en fin de course. Concernant l'exercice de leur activité, les chauffeurs de VTC sont tenus de fixer le prix de la prestation au moment de la réservation, sauf à s'engager sur une facturation au temps passé (C. transp., art. L. 3122-2 N° Lexbase : L3413I48 et L. 3121-10 N° Lexbase : L3406I4W). Le texte prévoit la délivrance d'une carte professionnelle par l'autorité administrative (C. transp., art. L. 3121-10 N° Lexbase : L3406I4W). Les nouvelles modalités entourant la procédure d'autorisation sont fixées à l'article L. 3121-2 du Code des transports (N° Lexbase : L3405I4U). La durée de validité de l'autorisation est fixée à 5 ans, et la cession onéreuse des autorisations est interdite à compter de la promulgation de la loi. Enfin, la loi prévoit qu'en cas de non-respect de la réglementation, tel que le non-respect de la procédure d'autorisation de l'activité de taxi, le contrevenant est passible d'une amende de 15 000 euros et d'un an d'emprisonnement (C. transp., art. L. 3124-4 N° Lexbase : L3399I4N). Quant à l'application de la loi dans le temps, l'article 16 de la loi n° 2014-1104 (N° Lexbase : L3234I4K), prévoit que les articles L. 1321-11-1, L. 3121-4, L.3122-5 et L. 3122-6 du Code des transports entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2015. L'article L. 1321-11-2 relatif au monopole des taxis sur la maraude électronique a vocation à s'appliquer aux contrats conclus avant l'entrée en vigueur de la loi (N° Lexbase : L3358I47).

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