La lettre juridique n°574 du 12 juin 2014

La lettre juridique - Édition n°574

Éditorial

Haro sur les "cadenas d'amour" : de l'occupation illégale du domaine public à une convention d'occupation précaire ?

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N2600BUT

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 12 Juin 2014


Cette semaine encore, le pont des Arts souffrait des "cadenas d'amour", ces petits cadenas gravés des noms ou initiales des tourtereaux scellant leur passion sur les parapets des ponts, notamment parisiens, et jetant la clé de l'éventuelle évasion de leurs sentiments amoureux dans les flots de la Seine. Un parapet s'est affaissé sur plus de deux mètres, cédant sous le poids, plus physique qu'allégorique, de ces "lovelocks" par milliers.

"Sous le pont Mirabeau coule la Seine / Et nos amours / Faut-il qu'il m'en souvienne / La joie venait toujours après la peine // Vienne la nuit sonne l'heure / Les jours s'en vont je demeure"...

L'allégorie va bon train depuis 2008, du moins à Paris -la Ville éternelle ayant essuyé les premiers plâtres de cette construction "cadenassière" dans les années 90'-. Essentiellement touristique, on n'oserait toutefois la contenir à un seul phénomène de mode. Il est moins risqué, certes, de sceller son amour sur le parapet du pont des Arts, la passerelle Simone de Beauvoir ou d'autres symboles de l'union entre deux rives esseulées, que devant Monsieur le maire ou Monsieur le juge (pour les partenaires civils de solidarité). Encore que la pratique incriminée, responsable de l'insécurité des promeneurs, constitue une occupation illégale du domaine public, outre l'atteinte esthétique aux monuments parisiens décriée désormais par les associations de riverains quelque peu chagrins... Sans doute de ces mal-aimés noyant leur spleen, seuls sur la rive gauche, sans voir l'espoir sur la rive droite...

"L'amour s'en va comme cette eau courante / L'amour s'en va / Comme la vie est lente / Et comme l'Espérance est violente"...

On sait le domaine public inaliénable et imprescriptible... Ce qui, nécessairement, a de quoi attirer les badauds ! Pensez donc : cadenasser son amour sur un bien juridiquement immuable -seulement sur le plan juridique, le pont en question s'étant justement effondré en 1979 sous les coups de boutoirs... d'une barge-, quel symbole ! Quelle métonymie ! Bien évidemment, à défaut de convention d'occupation, nécessairement, précaire, les "cadenas d'amour" n'ont pas droit de cité... un comble dans la ville des amoureux. Mais, imagine-t-on le trésorier payeur général, tel le poinçonneur des lilas, contrôler que chaque couple d'amoureux ait pris le soin de payer, d'avance, la redevance annuelle afférente à l'occupation de son petit cadenas ? L'absurde commanderait, de plus, qu'il conserve la clé de ladite serrure, puisque le couple devra, un jour, desceller son amour ainsi exposé. Mais...

"Passent les jours et passent les semaines / Ni temps passé / Ni les amours reviennent / Sous le pont Mirabeau coule la Seine"...

Conserver la clé du cadenas symbolique, voilà la solution au problème ! Bien que, dès lors, les tourtereaux ne verraient plus trop l'intérêt de sceller leur amour désormais précaire lui aussi. Même la mairie de Paris, prompte à recevoir l'impôt affiché aux frontons des parcmètres, ne pourrait véritablement se résoudre à condamner les amoureux à abandonner l'espoir d'une passion éternelle. Pour que le voeu soit exaucé, la clé se doit d'être jetée à la Seine.

"Vienne la nuit sonne l'heure / Les jours s'en vont je demeure" clame, en coeur, chaque "cadenas d'amour", à la suite d'Apollinaire sur son Pont Mirabeau...

newsid:442600

Actes administratifs

[Brèves] Discipline dans les établissements d'enseignement du second degré : absence d'application du principe d'opportunité des poursuites

Réf. : CE, Ass., 6 juin 2014, n° 351582, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0230MQL)

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N2629BUW

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Le 13 Juin 2014

Refusant de consacrer un principe général du droit d'opportunité des poursuites disciplinaires, le Conseil d'Etat a jugé légale l'instauration, par un décret du 24 juin 2011, d'une obligation faite aux chefs d'établissement scolaire d'engager des poursuites disciplinaires contre les élèves auteurs de violences verbales à l'égard d'un membre du personnel, ou d'actes graves à l'encontre d'un membre du personnel ou d'un autre élève, dans un arrêt rendu le 6 juin 2014 (CE, Ass., 6 juin 2014, n° 351582, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0230MQL). Il était saisi d'une demande d'annulation de certaines dispositions du décret n° 2011-728 du 24 juin 2011, relatif à la discipline dans les établissements d'enseignement du second degré (N° Lexbase : L6418IQR), lequel prévoit le déclenchement automatique de la procédure disciplinaire dans ces deux cas : lorsque l'élève est l'auteur de violence verbale à l'égard d'un membre du personnel de l'établissement scolaire et lorsque l'élève commet un acte grave à l'égard d'un membre du personnel ou d'un autre élève. Le Conseil d'Etat a, en premier lieu, rappelé que, dans le silence des textes, l'autorité administrative compétente apprécie en effet l'opportunité des poursuites disciplinaires. Mais il a également jugé, en deuxième lieu, qu'un texte réglementaire peut prévoir que, dans certaines hypothèses, des poursuites disciplinaires doivent obligatoirement être engagées. Ce faisant, l'Assemblée du contentieux a refusé de consacrer le principe général du droit disciplinaire invoqué par les requérantes. Enfin, le Conseil d'Etat a précisé que l'obligation faite par le décret aux chefs d'établissement scolaire d'engager des poursuites disciplinaires à l'encontre des élèves auteurs de violences verbales ou d'actes graves trouve sa limite dans les autres intérêts généraux dont ils ont la charge. Si l'engagement de poursuites allait à l'encontre de ces intérêts généraux, les chefs d'établissements ne seraient ainsi, par exception, pas tenus d'y procéder.

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Avocats/Procédure

[Jurisprudence] La notification des conclusions d'appel en cas de constitution tardive de l'intimé : précisions sur le champ d'application de l'article 911 du Code de procédure civile

Réf. : Cass. civ. 2, 10 avril 2014, deux arrêts, n° 12-29.333, F-P+B (N° Lexbase : A0900MKK) et n° 13-11.134, F-P+B (N° Lexbase : A1018MKW)

Lecture: 6 min

N2514BUN

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par Uguette Pétillion, Avocate au barreau de La Rochelle - Rochefort

Le 12 Juin 2014

Par deux arrêts rendus le 10 avril 2014, la Cour de cassation a précisé le champ d'application de l'article 911 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0351IT8) relatif à la notification des conclusions d'appel aux avocats des parties intimées. Il importe de rappeler que dans le cadre de la procédure d'appel avec représentation obligatoire, les parties sont tenues de constituer avocat. Tels sont les termes de l'article 902 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0377IT7), institué par le décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009, réformant la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile (N° Lexbase : L0292IGW), et modifié par le décret n° 2010-1647 du 28 décembre 2010 (N° Lexbase : L9934INA), entré en vigueur le 1er janvier 2011. Dans l'hypothèse où l'intimé n'aurait pas constitué avocat, l'appelant dispose d'un délai d'un mois, à compter de l'avis donné par le greffe, pour lui signifier la déclaration d'appel, ce à peine de caducité de ladite déclaration. Par ailleurs, l'article 908 (N° Lexbase : L0162IPP) institué dans un but de lutter contre les recours dilatoires et d'accélérer l'évacuation de l'appel, impose une célérité et une rigueur absolue à l'appelant. Aussi, il est tenu, à peine de caducité de sa déclaration d'appel, relevée même d'office, de déposer ses conclusions dans le délai de trois mois. Ces conclusions doivent, dans le même délai être adressées à l'intimé. Le statut de ce dernier au moment de ce dépôt est déterminant pour éviter à l'appelant d'encourir la sanction prévue en cas d'inobservation des dispositions de l'article précité. Aussi lorsque l'intimé a constitué avocat à ce moment, l'appelant procède à une simple notification à celui-ci de ses conclusions. En revanche, en l'absence de constitution, l'appelant procède conformément aux dispositions de l'article 911 du Code de procédure civile, selon lesquelles : "Sous les sanctions prévues aux articles 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées dans le mois suivant l'expiration de ce délai aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat". La rédaction ambiguë de cet article suscite des interprétations contradictoires et rend la computation des délais assez délicate. Elle peut être constitutive de pièges pour les plaideurs (1). Par les deux arrêts du 10 avril 2014, la Cour de cassation a précisé le champ d'application de cet article au regard de l'obligation pour l'appelant de notifier ses conclusions à l'avocat de l'intimé en cas de constitution tardive. Il en ressort que l'appelant dispose d'un délai supplémentaire d'un mois pour notifier ses conclusions (I) et qu'il n'est tenu à aucune notification s'il les a précédemment signifiées à l'intimé en personne (II).

I - La prorogation du délai de notification à l'avocat

Eu égard aux termes de l'article 911 précité, il était permis de s'interroger sur le point de départ du délai supplémentaire d'un mois laissé à l'appelant pour signifier ses conclusions à l'intimé : s'agit-il de la date de notification des conclusions au greffe ou de la date d'expiration du délai de trois mois imparti pour conclure ? Telle est la difficulté à laquelle les plaideurs ont été confrontés dans la première espèce (n° 12-29.333).

En effet, par déclaration effectuée au greffe le 13 mai 2011, trois sociétés ont interjeté appel d'un jugement qui les a déboutées de leurs demandes indemnitaires à l'égard de leur adversaire, une société tierce. L'intimée n'a pas constitué avocat dans le délai d'un mois suivant la notification de la déclaration adressée par le greffe. Par exploit du 25 juillet 2011, les appelantes lui ont alors signifié cette déclaration d'appel. Elles ont, par ailleurs, déposé leurs conclusions au greffe le 4 août 2011. Le 10 août 2011, la société intimée a constitué avocat. Le 9 septembre 2011, les appelantes ont notifié leurs conclusions, précédemment déposées au greffe, à l'avocat ainsi constitué. L'intimée a soulevé la caducité de l'appel au motif que la notification par les appelantes de leurs conclusions à l'avocat constitué serait intervenue après le délai de trois mois prévu à l'article 908 du Code de procédure civile. La cour d'appel a prononcé la caducité de l'appel au motif que la société intimée a dûment informé les appelantes de sa constitution d'avocat le 10 août 2011, avant l'expiration du délai de trois mois imparti pour le dépôt de leurs conclusions au greffe, de sorte qu'elles ne bénéficiaient pas du délai supplémentaire d'un mois prévu à l'article 911 du Code de procédure civile pour les lui notifier.

La Cour de cassation, au visa des articles 906, 908 et 911 du Code de procédure civile, casse cette décision en rappelant, dans un attendu de principe qu'"à peine de caducité de sa déclaration d'appel, l'appelant dispose d'un délai d'un mois, courant à compter de l'expiration du délai de trois mois pour la remise de ses conclusions au greffe, pour les signifier aux parties qui n'ont pas constitué avocat, ou, pour celles qui ont constitué avocat après la remise des conclusions au greffe, les notifier à ce dernier". Elle retient alors que la remise des conclusions au greffe des appelantes étant intervenue avant la constitution d'avocat de l'intimé, les appelants disposaient donc du délai supplémentaire d'un mois suivant l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article 908 du Code de procédure civile pour notifier leurs conclusions à l'avocat ainsi constitué.

La deuxième chambre civile réaffirme ici sa position précédemment adoptée dans un arrêt du 27 juin 2013 (2), également rendu au visa des articles 906, 908 et 911. La cour d'appel de Poitiers (3) s'était précédemment prononcée sur cette question en adoptant la même solution. Le point de départ pour le bénéfice du délai supplémentaire d'un mois pour notifier ses conclusions à l'avocat de l'intimé constitué tardivement est donc fixé à la date d'expiration du délai de trois mois prévu à l'article 908 du Code de procédure civile. Cet allongement est néanmoins subordonné à la constitution de l'intimé postérieurement à la remise par l'appelant de ses conclusions au greffe. Celui-ci devra donc particulièrement vérifier si au moment du dépôt de ses conclusions au greffe, l'intimé a ou non constitué avocat. En effet, il ressort que le fait générateur du bénéfice du délai supplémentaire est la remise au greffe des conclusions d'appelant avant la constitution d'avocat de l'intimé.

Dans l'arrêt commenté, la Cour de cassation réaffirme donc sa position selon laquelle l'appelant dispose d'un délai de quatre mois (3 + 1) à compter de la déclaration d'appel pour notifier ses conclusions à l'avocat de l'intimé qui s'est constitué postérieurement au dépôt de ses conclusions au greffe. Cet arrêt a le mérite d'anéantir toute velléité dilatoire de la part de l'intimé dont l'intention serait de rechercher la caducité de la déclaration d'appel en constituant avocat à la lisière de l'expiration du délai imparti à l'appelant pour déposer ses conclusions. Pour éviter toute difficulté, il serait judicieux pour l'appelant, de signifier ses conclusions à l'intimé en même temps qu'il en effectue le dépôt au greffe. Dans ce cas, il n'est tenu à aucune notification à l'avocat constitué postérieurement.

II - L'absence de notification à l'avocat constitué après signification à partie

La lecture des dispositions de l'article 911 précité suscite pour le plaideur une autre interrogation à savoir : l'appelant est-il tenu de notifier ses conclusions au conseil de l'intimé alors même qu'une signification a précédemment été faite à ce dernier en personne ? Cette difficulté a été soulevée dans la seconde espèce soumise à l'examen de la Cour de cassation le 10 avril 2014 (n° 13-11.134).

En l'espèce, les appelants ont effectué leur déclaration d'appel le 8 juillet 2011 contre un jugement qui les a déboutés de leur demande à l'encontre de l'intimé. Ils ont déposé leurs conclusions au greffe de la cour le 5 septembre 2011, puis les ont signifiées à l'intimé, qui n'a constitué avocat que le 3 octobre 2011, soit postérieurement à cette signification. Celui-ci a sollicité la caducité de la déclaration d'appel au motif que les appelants n'ont pas notifié leurs conclusions à son conseil, dans le délai de trois mois, alors même qu'ils ont été informés de sa constitution avant l'expiration dudit délai.

La cour d'appel a prononcé la caducité de la déclaration d'appel en considérant qu'il résulte des dispositions des articles 908 et 911 du Code de procédure civile que les conclusions de l'appelant doivent être notifiées aux avocats constitués dans le délai de trois mois de la déclaration d'appel, délai éventuellement augmenté en application de l'article 911-2 du même code ; que l'intimé ayant informé les appelants de sa constitution dans le délai de trois mois, ceux-ci étaient tenus de notifier leurs conclusions à son conseil, dans le même délai, augmenté d'un mois, un des appelants résidant en France métropolitaine, ce qu'ils n'ont pas fait.

La deuxième chambre civile sanctionne cette décision en considérant que la cour d'appel a violé les dispositions des articles 906 et 911 du Code de procédure civile. Au visa de ces articles et dans un attendu de principe, elle retient que "l'appelant ayant remis au greffe et signifié ses conclusions à partie n'est pas tenu de les notifier à l'avocat de cette partie constitué postérieurement à la signification".

Cette solution s'explique aisément puisque qu'il ressort de la lecture a contrario de l'arrêt de la cour d'appel qu'elle semble avoir posé une double condition sous laquelle les appelants pourraient échapper à la caducité attachée à l'obligation de notifier leurs conclusions au conseil de l'intimé tardivement constitué. Il en résulte l'exigence d'une part, d'une constitution de l'intimé après le troisième mois à compter de la déclaration d'appel, et d'autre part, d'une signification préalable des conclusions à l'intimé dans ce même délai. Dans ces conditions, l'appelant n'encourt pas de caducité en raison de l'absence de notification de ses conclusions au conseil de l'intimé postérieurement constitué.

La Cour de cassation sanctionne ce raisonnement qui est totalement contraire aux dispositions de l'article 911 du Code de procédure civile. Aussi, l'appelant qui a remis ses conclusions au greffe et les a signifiées à partie n'est pas tenu de les notifier au conseil de celle-ci, constitué postérieurement à cette signification. La seule signification à partie des conclusions antérieurement à la constitution de l'avocat suffit. L'obligation de notification des conclusions à l'avocat de l'intimé prévue à l'article 911 précité n'existe donc que dans la mesure où la signification n'a pas été faite à l'intimé avant la constitution de son avocat. Il importe, en conséquence, peu que cette constitution soit intervenue dans le délai de trois mois imparti à l'appelant pour conclure. Ce qui est totalement conforme à la lettre de cet article in fine qui exige la notification à l'avocat constitué que dans l'hypothèse où la constitution est effectuée "avant la signification des conclusions".

Les précisions apportées par les arrêts rapportés, lesquels ont été publiés au Bulletin civil ainsi qu'au bulletin bimensuel de la Cour de cassation, ont le mérite de la simplification de la computation des délais dans la pratique de la procédure d'appel avec représentation obligatoire.


(1) Voir à ce titre J. Junillon et R. Laffly, Décrets Magendie, deux années de jurisprudence, JCP éd. G, n° 9, 25 février 2013, p. 434 et s..
(2) Cass. civ. 2, 27 juin 2013, n° 12-20.529, FS-P+B (N° Lexbase : A2974KIY).
(3) CA Poitiers, 27 février 2013, n° 12/00129 (N° Lexbase : A7653I8X).

newsid:442514

Avocats/Responsabilité

[Brèves] Responsabilité de l'avocat et évolution jurisprudentielle postérieure : encore faut-il que la jurisprudence invoquée soit un revirement ou l'expression d'une évolution imprévisible

Réf. : Cass. civ. 1, 4 juin 2014, n° 13-14.363, F-P+B (N° Lexbase : A2935MQR)

Lecture: 2 min

N2594BUM

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Le 12 Juin 2014

Aux termes d'un arrêt rendu le 4 juin 2014, la Cour de cassation rappelle que, si l'avocat peut s'exonérer de sa responsabilité en raison de la méconnaissance d'une évolution jurisprudentielle postérieure, il n'en est pas ainsi lorsque la jurisprudence invoquée ne constitue ni un revirement, ni même l'expression d'une évolution imprévisible (Cass. civ. 1, 4 juin 2014, n° 13-14.363, F-P+B N° Lexbase : A2935MQR ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0374EUE). En l'espèce, à l'occasion d'un litige l'opposant aux époux Q., locataires d'un local à usage commercial, sur la fixation de l'indemnité d'éviction due après délivrance d'un congé avec refus de renouvellement, une SCI a confié la défense de ses intérêts à Me S., avocat, puis, en cause d'appel, à Me B., avoué. Par arrêt du 4 novembre 1998, la cour d'appel a fixé le montant de ladite indemnité et la SCI a notifié, le 27 novembre 1998, aux époux Q. l'exercice de son droit de repentir, qui a été irrévocablement jugé tardif, le délai ayant expiré le 20 novembre 1998, quinze jours après le prononcé de l'arrêt passé en force de chose jugée conformément à l'article 32 du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953, alors applicable (CA Paris, 16ème ch., sect. A, 31 janvier 2001, n° 2000/02617 N° Lexbase : A9320A7C). La SCI a assigné ses conseils en responsabilité professionnelle et indemnisation, leur reprochant de ne pas lui avoir communiqué l'arrêt rendu le 4 novembre 1998 en temps utile et d'avoir omis d'attirer son attention sur les conditions d'exercice du droit de repentir. La cour d'appel de Versailles, par arrêt du 20 décembre 2012, rejette la demande de la SCI. A cet égard elle relève que la fixation du point de départ du délai d'exercice du droit de repentir au jour du prononcé de l'arrêt d'appel n'a été décidée par la Cour de cassation que par un arrêt postérieur aux faits de l'espèce, de sorte qu'il ne peut être reproché à l'avocat et à l'avoué d'avoir méconnu une évolution jurisprudentielle annoncée mais non encore acquise, en considérant que le délai d'exercice du droit de repentir ne courait qu'à compter de la signification de l'arrêt conformément à l'article 503 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6620H7C). L'arrêt sera censuré par la Haute juridiction au visa de l'article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT) : en statuant ainsi, alors que l'arrêt rendu par la Cour de cassation en 1999 (Cass. civ. 3, 29 septembre 1999, n° 96-17.280 N° Lexbase : A8046AG4), conforme à une jurisprudence constante selon laquelle une décision de cour d'appel, lorsqu'elle n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution, a force de chose jugée dès son prononcé, ne constituait ni un revirement ni même l'expression d'une évolution imprévisible de la jurisprudence. Dès lors tant l'avocat que l'avoué n'étaient pas fondés à s'en prévaloir pour s'exonérer de leur responsabilité.

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Bancaire

[Point de vue...] L'évanescente obligation de vigilance de l'établissement financier

Lecture: 9 min

N2591BUI

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par Hervé Causse, Professeur d'Université, Directeur du Master Droit des Affaires et de la Banque à l'Université d'Auvergne, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit bancaire"

Le 14 Juin 2014

Les établissements exerçant des activités financières se voient souvent affublés, par les auteurs ou les plaideurs, d'une obligation de vigilance. Il s'agit de souligner la responsabilité de l'établissement qui aurait manqué à son obligation de vigilance. Parfois maniée sur le ton de l'évidence, elle n'a pourtant rien d'évident (nos obs., Droit bancaire et financier, éd. Direct Droit, 2014, p. 403, n° 841 et, aussi, n° 921 et n° 1474). L'idée d'obligation de vigilance est contestable, même si elle ne se réduit pas à une pure mode intellectuelle ou chimère. On peut en dire deux trois choses, mais sans pouvoir conclure que l'obligation de vigilance est un devoir des professionnels de la finance. On note d'ailleurs que, lorsque cette obligation existe, elle est nettement et clairement consacrée (Cass. civ. 1, 7 mars 2006, n° 04-16.180, FS-P+B N° Lexbase : A4988DN3 : "que la cour d'appel qui a constaté qu'en 1968, en présence de la littérature scientifique [...] et compte tenu d'expérimentations animales qui démontraient que le risque carcinogène était connu, a pu en déduire que cette société avait ainsi manqué à son obligation de vigilance"). Il faut cependant convenir que la recommandation d'un besoin de vigilance, au plan du management des personnels et de la direction de l'établissement, est assez naturelle. On voit mal un dirigeant d'établissement -et ses juristes- avancer une préconisation en tout ou partie inverse ! C'est justement parce que le propos est d'une grande banalité, et admis au plan de l'art de diriger les entreprises en cause, que l'on doit dire que cette obligation n'existe ni dans une disposition légale, ni dans un arrêt de principe pour les établissements du secteur de la finance, et on le détaillera ultérieurement.

Il faut également préciser que l'on parle ici de la vigilance qui intéresse les obligations contractuelles entre clients et professionnels. La précision est d'autant plus utile qu'un tiers peut voir dans l'inexécution de l'obligation contractuelle un fait qui lui a causé un préjudice ; cela l'amène à assigner en responsabilité délictuelle (C. civ., art. 1383 N° Lexbase : L1489ABR). Il n'en reste pas moins que la réalité de départ est bel et bien de nature contractuelle ; seul le contexte de la convention conclue permettrait de la consacrer. L'hypothèse n'est pas d'école et, dans ce contexte, le juge a pu prononcer un rejet clair de l'obligation de vigilance (voyez Cass. com., 19 décembre 2000, n° 97-16.763 N° Lexbase : A3450AUC, Bull. civ. IV, n° 190, 1er moyen). Outre cet aspect, la question de fond est une question de droit des obligations conventionnelles et il s'agit de savoir si un tel devoir existe ou non à la charge des établissements.

La réponse impose encore un détour pour délimiter et éclairer le sujet en relatant l'obligation de vigilance qui est consacrée par le dispositif légal anti-blanchiment (I), laquelle se distingue de celle qu'invoquent souvent les plaideurs. On pourra alors préciser la position qui voit l'obligation de vigilance générale être rejetée en jurisprudence (II). On constatera alors que l'invocation de cette obligation de vigilance fait l'effet d'un badigeon en cachant peut-être ce qui serait à détailler et à plaider, à savoir notamment une obligation de vérifier (III).

I - L'obligation de vigilance consacrée par le dispositif légal anti-blanchiment

Les établissements doivent exercer une vigilance dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent. Cette obligation de vigilance là est légale, spéciale et indiscutable ; il s'agit alors d'une obligation de vigilance administrative des clients et opérations au profit des autorités publiques. Cette obligation de vigilance s'exerce principalement au profit de TRACFIN, service national centralisé de l'Etat. Malgré l'identité du mot "vigilance" et de l'expression "obligation de vigilance", il s'agit alors d'un sujet en soi, distinct de l'obligation plaidée dans les contentieux opposant les établissements aux clients. Cette obligation légale de vigilance est indivisiblement liée, dans sa finalité, à l'obligation de dénonciation des opérations suspectes à laquelle le professionnel, banquier ou autre, est légalement tenu.

En disant "dénonciation", on constate ô combien cette vigilance est spéciale puisqu'elle évoque des mécanismes très forts, souvent détestés car contraires aux libertés élémentaires : la vigilance visant à la dénonciation a pour soeur cachée la surveillance qui, elle, peut servir à la délation... Ces quelques mots et idées remettent en tête la difficulté que dissimule toute vigilance. Sur des airs de bons comportements contractuels, elle serait de nature à susciter une obligation générale de surveillance du banquier sur ses clients. Voilà qui poserait de nombreux et épineux problèmes pour simplement ajuster les obligations du banquier pour telle ou telle opération... On peut, en effet, voir dans une obligation de vigilance la nécessité d'une surveillance générale qui serait une atteinte à la liberté des clients ; on y devine une obligation impossible à réaliser tant les clients, comptes et opérations sont nombreux ; et, enfin, on y verra un encouragement à des procédés informatiques de fichage et des fichiers. On ne pouvait donc pas arriver à ces planches glissantes en invoquant l'obligation administrative de vigilance. Ainsi, la jurisprudence refuse, à juste titre, que l'action en responsabilité du client contre le banquier puisse se fonder sur la violation de ces obligations administratives de vigilance (Cass. com., 28 avril 2004, n° 02-15.054, FS-P+B+I N° Lexbase : A9943DBU, Bull. civ. IV, n° 72 ; JCP éd. E, 2004, 830, note J. Stoufflet).

II - L'obligation de vigilance générale rejetée en jurisprudence

Nous voilà au coeur du propos, et il consiste notamment à dire que le teneur de compte n'a pas nettement d'obligation de surveillance du compte, ou d'obligation de vigilance. Cela a pu être jugé pour les comptes bancaires d'argent et alors que le pourvoi défendait la prétendue et fameuse "obligation de vigilance" utilisée par l'arrêt d'appel ; le juge du droit caractérise ainsi le refus du juge d'admettre cette obligation (Cass. com., 5 novembre 2002, n° 00-11.314, FS-P N° Lexbase : A6691A39, Bull. civ. IV, n° 157). Tel a encore été le cas récemment, pour un compte, dans un arrêt rendu sur un pourvoi qui cette fois invoquait une "obligation de vigilance" sous trois aspects, et ce à propos de dépenses excessives faites avec une carte bancaire (Cass. com., 16 octobre 2012, n° 11-19.981, F-P+B N° Lexbase : A7303IUZ, Bull. civ. IV, n° 183). On a pu estimer naguère que tel était encore le cas pour les comptes de titres (Cass. com., 13 juin 1995, n° 93-17.982 N° Lexbase : A1253ABZ, Bull. Joly Bourse, 1995, p. 392 ; contra CA Paris 13 septembre 2002, ibid., 2003, p. 31, note Ruet) qui dépendent désormais de nombreuses dispositions sur les services en investissement.

La solution est en harmonie avec la liberté du client, celle d'employer comme il le souhaite ses fonds, soit son libre arbitre ; on peut y voir encore l'harmonie avec l'obligation de non-immixtion du banquier qu'on peut encore appeler obligation de non-ingérence. Sur ce second point, l'harmonie est une chose importante, mais l'on peut se demander si elle est déterminante. Ainsi, il est aujourd'hui peu contesté que l'exécution de la mise en garde pour un prêt excessif coexiste avec l'obligation de non-immixtion : juridiquement, le banquier ne s'immisce pas dans les affaires de son client quand il le met en garde, alors qu'il sait à peu près tout de sa situation financière. On voit que l'on peut se rapprocher de la frontière de l'ingérence. L'obligation de non-immixtion n'est donc peut-être pas une garantie définitive de l'impossibilité, demain, de voir consacrer une obligation de surveillance ; elle en est toutefois une car, à force de se rapprocher de la zone qui serait de l'ingérence dans les affaires du client, la frontière va se troubler et pour les clients et pour les professionnels. On est loin d'en être là, ce qu'il faut encore préciser.

L'obligation de vigilance ne menace pas le droit positif détaillé par le juge du droit. Cet état des choses a été récemment rappelé dans un arrêt rendu, cette fois, par la deuxième chambre civile (Cass. civ. 2, 4 juillet 2013, n° 12-20.242, FS-D N° Lexbase : A5474KIL). Alors que l'obligation de vigilance fut plaidée dans ce dossier, elle n'a pas été consacrée. Il s'agissait d'une affaire de sommes et chèques détournés par un mandataire d'assurance ; les faits sont assez compliqués et ne sont donc pas repris ici. La décision n'a pas été publiée au Bulletin de la Cour car, selon nous, elle reprend la position consistant à rejeter l'idée d'une "obligation de vigilance". Cette décision de 2013 est néanmoins intéressante parce qu'une lecture rapide de certaines décisions donnent à certains l'audace de plaider sur cette obligation de vigilance.

Parmi ces décisions, un arrêt publié avait souligné un cas de responsabilité du banquier (Cass. com., 22 novembre 2011, n° 10-30.101, F-P+B N° Lexbase : A0013H3U, Bull. civ. IV, n° 190) : il s'agissait de comptes permettant à la société mise en cause de faire des opérations de banque et d'investissement sans le statut et l'agrément bancaire nécessaires. La Cour de cassation avait jugé que cela devait alerter le banquier, alors qu'il avait pris sans sourciller à l'encaissement les chèques d'épargnants floués. Cette affaire de 2011 était donc particulière qui, en un certain sens, donna à juger qu'un banquier devait savoir reconnaître un autre professionnel du secteur bancaire... Alors même que la Cour de cassation évoque la vigilance du banquier, qui doit être nette en cas d'anomalie dans une opération, elle ne pose pas une "obligation de vigilance" ; en revanche, elle approuve le juge du fond d'avoir reconnu une obligation de vérifier à la charge du banquier.

Un peu dans la même trame, la première chambre civile a elle aussi motivé une cassation sur la "vigilance" dans une affaire de compte jugée en 2005. L'arrêt ne consacre pas l'expression "obligation de vigilance", ou "devoir de vigilance", et le résumé sous l'arrêt publié relate la décision pour une exigence de "diligence" du professionnel (Cass. civ. 1er, 2 novembre 2005, n° 03-10.909, FS-P+B N° Lexbase : A3247DLT, Bull. civ. I, n° 400). Il n'y aurait pas de dissonance entre l'arrêt et son résumé s'il s'agissait d'une décision appelée à poser une nouvelle obligation. En outre, la publication de cet arrêt donne à la Cour le moyen de se référer à une solution antérieure de la Chambre commerciale (Cass. com., 3 juin 1998, n° 95-21.600 N° Lexbase : A5341ACS, Bull. civ. IV, n° 175) qui tranchait la solution pour La Poste dans un cas où l'établissement avait mal pris les renseignements sur le client à l'ouverture d'un compte-chèque : l'arrêt d'appel est alors naguère cassé pour défaut de base légale, pour ne pas avoir examiné si la situation n'exigeait pas une vigilance particulière, l'expression "obligation de vigilance" n'étant pas davantage consacrée.

Les plaideurs doivent prendre acte de la situation. Fonder une assignation ou des conclusions sur l'idée d'une obligation de vigilance est une fausse bonne idée : le juge devant statuer ne trouvera aucune disposition légale ou décision de la Cour de cassation l'invitant à faire droit aux demandes ainsi fondée. Le juge du fond, quant à lui et du reste, s'en méfiera également car, s'il motive sa décision sur cette seule expression, il risque de voir sa décision être réformée ou cassée.

III - L'obligation de vigilance badigeonnée sur l'obligation de vérifier

Sur l'essentiel, les professionnels du secteur financier se rassureront donc, sans en déduire qu'ils n'ont pas à être vigilants. Ils doivent exercer toutes leurs activités en exécutant leurs obligations avec rigueur. La position de la jurisprudence, confirmée avec ce dernier dossier et arrêt de 2013, mérite cependant une analyse plus fine encore. La banque n'a pas été condamnée alors qu'était justement invoquée à son encontre, par la victime, une obligation de vigilance dans la tenue des comptes et des encaissements de chèques (faut-il insister sur le fait que ce sont là deux opérations notables et caractéristiques de l'activité bancaire et donc significatives ?). On doit cependant reprendre la réponse donnée dans l'arrêt précitée de 2013 : "[...] les circonstances dans lesquelles les souscripteurs avaient opéré la remise des chèques n'étaient pas de nature à éveiller leurs soupçons sur la réalité des opérations [...]". L'attendu évite le mot vigilance et, encore davantage pensons-nous, l'expression "obligation de vigilance". Elle parle plus sobrement, décrivant les faits, de remises qui "n'étaient pas de nature à éveiller leurs soupçons".

Ces derniers mots contiennent la solution jurisprudentielle. On sait ne pas pouvoir spéculer et soutenir que certains événements font naître une obligation de vigilance, le juge l'aurait sinon dit et tel n'est pas le cas. On préférera l'idée générale d'exigence d'une exécution rigoureuse de toutes les obligations du banquier -et de façon générale des entités agréées et dépositaires et mandataires de leurs clients-. En revanche, sous le couvert d'une obligation d'exécuter avec rigueur et professionnalisme ses obligations, toute anomalie doit conduire le banquier à une vérification. Le verbe "vérifier" semble alors plus précis que l'idée de vigilance, malgré la mode qui porte ce dernier. Un soupçon né d'une anomalie exige de purger le doute ce qui suppose non pas une vigilance, mais une investigation précise : une vérification.

On peut alors comprendre mieux encore que le juge refuse de consacrer l'obligation de vigilance : dans la situation générale elle est trop forte et radicale en imposant une surveillance plutôt détestable et probablement impraticable, dans la situation spéciale, où naît un soupçon, elle est trop générale et imprécise ! L'obligation de vigilance contractuelle a toute chance de rester l'arlésienne des conventions bancaires, on en parle sans jamais la voir.

newsid:442591

Baux d'habitation

[Brèves] Absence de caractère décent d'un logement dépourvu d'installation de chauffage

Réf. : Cass. civ. 3, 4 juin 2014, n° 13-17.289, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0185MQW)

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N2576BUX

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Le 12 Juin 2014

Ne répond pas aux caractéristiques du logement décent, le local dépourvu d'installation de chauffage ; telle est la solution de l'arrêt rendu le 4 juin 2014 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 4 juin 2014, n° 13-17.289, FS-P+B+I N° Lexbase : A0185MQW). En l'espèce, Mme X, locataire d'un logement, avait assigné le bailleur afin, notamment, de l'entendre condamner à mettre en place une installation de chauffage. Le bailleur faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Grenoble d'accueillir la demande (CA Grenoble, 19 février 2013, n° 12/00036 N° Lexbase : A1802KSK). Il soutenait que le logement répondait bien aux exigences de l'article 3 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 (N° Lexbase : L4298A3L), dès lors qu'il disposait d'une alimentation en électricité ou gaz de ville, ainsi que d'un conduit d'évacuation des fumées et que le décret n'impose pas l'installation des appareils de chauffage eux-mêmes. Il faisait également valoir que le contrat de bail prévoyait la mise à disposition d'un logement sans appareil de chauffage, moyennant un loyer adapté en conséquence et qu'ainsi, en obligeant le propriétaire à installer un tel appareil en violation des obligations convenues entre les parties, la cour d'appel avait violé l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), ensemble la convention des parties. L'argumentation n'aura pas convaincu la Cour suprême qui approuve les juges d'appel ayant exactement retenu que la seule alimentation en électricité ne pouvait être considérée comme un équipement ou une installation permettant un chauffage normal du logement, et qui, ayant constaté que les lieux étaient dépourvus d'appareil de chauffage, en avaient déduit, à bon droit, que le bailleur avait manqué à son obligation de délivrer un logement décent. Elle ajoute que, l'obligation pour le bailleur de délivrer un logement décent étant d'ordre public, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de prendre en compte les stipulations du bail prévoyant la livraison d'un logement sans appareil de chauffage en contrepartie d'un loyer réduit, avait condamné à bon droit la bailleresse à mettre en place une installation de chauffage.

newsid:442576

Consommation

[Brèves] Action en suppression des clauses illicites ou abusives des associations : un syndicat de copropriétaires n'est pas un consommateur

Réf. : Cass. civ. 1, 4 juin 2014, n° 13-13.779, FS-P+B+I (N° Lexbase : A2973MQ8)

Lecture: 1 min

N2610BU9

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Le 12 Juin 2014

L'action en suppression des clauses illicites ou abusives des associations visées à l'article L. 421-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6814ABY) est limitée aux contrats destinés ou proposés aux seuls consommateurs. Tel n'est pas le cas d'un syndicat de copropriétaires, a jugé la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 4 juin 2014 (Cass. civ. 1, 4 juin 2014, n° 13-13.779, FS-P+B+I N° Lexbase : A2973MQ8). En l'espèce, le 2 mars 2007, une association de consommateurs a assigné une société, en suppression de clauses illicites ou abusives contenues dans le contrat de syndic, version 2006, proposé par celui-ci aux syndicats de copropriétaires, la Fédération nationale de l'immobilier étant intervenue volontairement à l'instance. La cour d'appel, pour déclarer recevable l'action de l'association de consommateurs, retient que, dès lors que le non-professionnel est assimilé à un consommateur par l'article L. 132-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L6710IMH), les associations habilitées peuvent, en vertu de l'article L. 421-6 du même code, engager une action préventive en suppression des clauses abusives ou illicites contenues dans un contrat proposé par un professionnel à un non-professionnel, lequel peut être une personne morale, tel un syndicat de copropriétaires. Enonçant le principe précité, la Cour régulatrice casse l'arrêt d'appel (cf. l’Ouvrage "Contrats spéciaux" N° Lexbase : E3972EYR).

newsid:442610

Discrimination et harcèlement

[Brèves] Possibilité pour l'employeur de faire référence à des faits ayant motivé une sanction disciplinaire amnistiée dans l'exercice de ses droits à la défense

Réf. : Cass. soc., 4 juin 2014, n° 12-28.740, FS-P+B (N° Lexbase : A2984MQL)

Lecture: 2 min

N2604BUY

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Le 13 Juin 2014

Les dispositions concernant l'amnistie n'ont pas, par elles-mêmes, pour objet d'interdire à un employeur qu'il soit fait référence devant une juridiction à des faits qui ont motivé une sanction disciplinaire amnistiée dès lors que cela est strictement nécessaire à l'exercice, devant la juridiction, de ses droits à la défense. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 4 juin 2014 (Cass. soc., 4 juin 2014, n° 12-28.740, FS-P+B N° Lexbase : A2984MQL).
Plusieurs salariés exerçant divers mandats de représentants du personnel avaient saisi la juridiction prud'homale d'une demande portant sur la discrimination syndicale dont ils s'estimaient victimes.
La cour d'appel (CA Douai, 15 avril 2011, deux arrêts, n° 10/00657 N° Lexbase : A6174HSH et n° 10/00659 N° Lexbase : A6175HSI) avait ordonné une expertise, en limitant la comparaison de l'évolution des rémunérations à la période postérieure au 17 mai 2002, compte tenu de la loi d'amnistie du 6 août 2002. Puis, dans une seconde décision (CA Douai, 28 septembre 2012, trois arrêts, n° 10/00659 N° Lexbase : A8315IT7, n° 10/00661 N° Lexbase : A8242ITG et n° 10/00657 N° Lexbase : A9334ITU), elle avait accueilli la demande et procédé à la reclassification des salariés à un coefficient supérieur pour la période allant du 17 mai 2002 à la fin de l'année 2008. Pour limiter la période sur laquelle porte l'action en discrimination à la période postérieure au 17 mai 2002, elle retenait que les différentes lois d'amnisties promulguées en 1981, 1988, 1995 et 2002 interdisaient à l'employeur de faire état d'éventuelles sanctions disciplinaires qui auraient pu être infligées aux salariés pendant la période couverte par ces lois d'amnistie et qui auraient pu expliquer, de manière objective, une différence de traitement avec d'autres salariés. Selon la cour, la seule manière de concilier la recherche des éléments permettant de comparer l'évolution de la situation des salariés avec le principe de l'égalité des armes était de limiter les investigations de l'expert à la période postérieure au 17 mai 2002.
Les salariés intéressés s'étaient alors pourvus en cassation.
La Haute juridiction casse l'arrêt au visa des articles L. 2141-5 (N° Lexbase : L3769IB9), L. 2141-8 (N° Lexbase : L2153H9M), L. 1134-1 (N° Lexbase : L6054IAH) et L. 1134-5 (N° Lexbase : L7245IAL) du Code du travail, ensemble l'article 133-11 du Code pénal (N° Lexbase : L7215ALS), l'article 12 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie (N° Lexbase : L5165A43), et l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR). Les dispositions concernant l'amnistie n'ont pas, par elles-mêmes, pour objet d'interdire qu'il soit fait référence devant une juridiction à des faits qui ont motivé une sanction disciplinaire amnistiée dès lors que cela est strictement nécessaire à l'exercice devant la juridiction de ses droits à la défense (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2793ETM).

newsid:442604

Droit des étrangers

[Brèves] OQTF et refus de délivrance d'un titre de séjour : condition de satisfaction du droit des étrangers à être entendus

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 4 juin 2014, n° 370515, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0202MQK)

Lecture: 2 min

N2635BU7

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Le 14 Juin 2014

Dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L1403I3D), où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour, précise le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 4 juin 2014 (CE 2° et 7° s-s-r., 4 juin 2014, n° 370515, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0202MQK). La CJUE a jugé que, si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse, en principe, sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient à ces mêmes Etats, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu (CJUE, 10 septembre 2013, aff. C-383/13 PPU N° Lexbase : A5672KKB). La Haute juridiction en profite donc pour préciser la légalité de procédure française d'éloignement confrontée au droit d'être entendu dans toute procédure, consacré par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Au regard du principe précité, elle en déduit que, pour écarter le moyen tiré de ce que le préfet du Rhône aurait méconnu le droit de M. X d'être entendu, la cour administrative d'appel (CAA Lyon, 4ème ch., 14 mars 2013, n° 12LY02704 N° Lexbase : A9253KAX) a jugé que la seule circonstance que le préfet qui refuse la délivrance ou le renouvellement du titre de séjour sollicité par l'étranger en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français n'a pas, préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement, de sa propre initiative, expressément informé l'étranger qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder l'étranger comme ayant été privé de son droit à être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 précité .

newsid:442635

Entreprises en difficulté

[Brèves] Conformité à la Constitution du prononcé d'office de la liquidation judiciaire ou de la cessation partielle de l'activité prononcée pendant la période d'observation du redressement judiciaire

Réf. : Cons. const., décision n° 2014-399 QPC, du 6 juin 2014 (N° Lexbase : A0199MQG)

Lecture: 1 min

N2574BUU

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Le 12 Juin 2014

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 8 avril 2014, par la Cour de cassation (Cass. QPC, 8 avril 2014, n° 14-40.011, F-D N° Lexbase : A6874MIG) d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des mots "ou d'office" au paragraphe II de l'article L. 631-15 du Code de commerce (N° Lexbase : L3398ICT). Ce texte permet, en effet, à la juridiction commerciale d'ordonner d'office la liquidation judiciaire ou la cessation partielle de l'activité à tout moment de la période d'observation du redressement judiciaire. Le Conseil constitutionnel a jugé ces dispositions conformes à la Constitution, le 6 juin 2014 (Cons. const., décision n° 2014-399 QPC, du 6 juin 2014 N° Lexbase : A0199MQG). Il a, en effet, estimé, que le tribunal saisi du redressement judiciaire doit se prononcer, au plus tard à l'issue de la période d'observation, sur la possibilité d'un plan de redressement et qu'en mettant un terme à la procédure d'observation pour ordonner la liquidation judiciaire, lorsque le redressement est impossible, le tribunal ne se saisit pas d'une nouvelle instance. Par ailleurs, le Conseil a relevé que la faculté pour le juge d'exercer certains pouvoirs d'office dans le cadre de l'instance dont il est saisi ne méconnaît pas le principe d'impartialité dès lors que cette faculté est justifiée par un motif d'intérêt général et exercée dans le respect du principe du contradictoire (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E9476ET7).

newsid:442574

Licenciement

[Jurisprudence] Licenciement du salarié malade en cas de nécessité de pourvoir à son remplacement définitif

Réf. : Cass. soc., 28 mai 2014, n° 13-12.476, F-D (N° Lexbase : A6129MPP)

Lecture: 8 min

N2585BUB

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par Gilles Auzero, Professeur à la Faculté de Bordeaux

Le 12 Juin 2014

Lorsque le contrat de travail d'un salarié est suspendu en raison d'une maladie ou d'un accident d'origine non professionnelle, il est fait interdiction à l'employeur de licencier le salarié en raison de son état de santé, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail. Cette règle de principe ne s'oppose toutefois pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise, dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé. Mais, pour que le licenciement soit valable, il faut encore pouvoir démontrer que ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder au remplacement définitif du salarié. La Cour de cassation faisant preuve d'une rigueur de bon aloi en la matière, les arrêts admettant un tel licenciement sont suffisamment rares pour que la décision rendue le 28 mai 2014, qui est précisément en ce sens, retienne l'attention.
Résumé

La nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié absent pour maladie est établie dès lors qu'il ressort de la fiche de fonction produite que le poste de responsable de production est un rôle pivot, interface du personnel de production et de la hiérarchie, de même que des clients ; que la salariée, en tant que cadre dirigeant, devait optimiser la production, recruter et former des agents, métier nouveau et non reconnu, et qu'il existe une pénurie de candidates pour le métier d'infirmière diplômée d'Etat ayant une expérience en bloc opératoire. Il apparaît, en outre, que l'employeur avait dû remplacer la salariée malade dès novembre 2006 et qu'une remplaçante avait été recrutée, selon contrat à durée déterminée d'un mois, renouvelé à trois reprises, mais ne venant pas de la région PACA, avec un statut précaire, logée à l'hôtel par l'employeur, lequel n'avait pas trouvé de remplaçante temporaire dans la région et que l'employeur avait, en mars 2007, conclu un contrat à durée indéterminée à la demande de celle-ci, compte tenu du risque de voir cette salariée ne pas poursuivre sa mission.

Commentaire

I - Le licenciement du salarié absent pour maladie

La protection du salarié contre le licenciement. Lorsqu'un salarié est en arrêt maladie son contrat de travail est suspendu, que cette maladie trouve son origine dans le travail ou non. En revanche, la protection du salarié contre le licenciement durant cette période est assurée de manière différente par la loi, selon que la maladie ou l'accident a, ou n'a pas, une origine professionnelle.

Pendant la période de suspension résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, il est fait interdiction à l'employeur de rompre le contrat de travail du salarié, sauf en cas de faute grave de sa part ou d'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie (C. trav., art. L. 1226-9 N° Lexbase : L1024H9S). En matière de maladie ou d'accident non professionnel, le Code du travail ne comporte aucun texte spécifique venant encadrer le droit de rupture unilatérale de l'employeur. Il convient, cependant, de ne pas oublier qu'en application de l'article L. 1132-1 (N° Lexbase : L5203IZQ) de ce même code, aucune personne ne peut être licenciée en raison de son état de santé, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail. Sous cette importante réserve, l'employeur peut donc licencier le salarié malade, dès lors qu'il est en mesure de faire état d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La Cour de cassation admet, en outre, et de longue date, que le salarié, victime d'un accident ou d'une maladie d'origine non professionnelle, peut être licencié dès lors que son absence vient à se prolonger. Mais un tel licenciement n'est admis qu'à de strictes conditions.

Le licenciement pour absence prolongée. Il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation que, si l'article L. 1132-1 du Code du travail, qui fait interdiction de licencier un salarié, notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, "ne s'oppose pas à son licenciement motivé non par l'état de santé du salarié mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé, celui-ci ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif" (1).

En cas de contestation de la validité de son licenciement par le salarié, l'employeur se doit donc d'établir deux choses. Tout d'abord, il doit rapporter la preuve que l'absence du salarié, soit parce qu'elle se prolonge, soit parce qu'elle se répète, vient perturber le bon fonctionnement de l'entreprise (2). L'employeur doit, ensuite, démontrer qu'il s'est trouvé dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié.

Pour la Cour de cassation, le remplacement définitif s'entend nécessairement de l'embauche d'un autre salarié (3), au moyen d'un contrat à durée indéterminée, qui plus est, d'une durée équivalente à celle prévue dans le contrat de travail du salarié remplacé (4). Par suite, tant que le juge aura la conviction que le remplacement pouvait être assuré par la conclusion d'un contrat à durée déterminée ou le recours au travail temporaire, la validité du licenciement sera écartée. A cela, il faut encore ajouter que le remplacement définitif doit être opéré par l'entreprise qui a procédé au licenciement, et non pas par une autre société du groupe (5).

II - Les conditions de validité du licenciement

L'affaire. En l'espèce, une salariée avait été, le 2 octobre 2004, engagée par une société en qualité de responsable de production, groupe 7, niveau B de la Convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique. La salariée, en arrêt maladie à compter du 2 octobre 2006, avait été licenciée le 26 mars 2007, pour absence prolongée, entraînant la désorganisation de l'entreprise et rendant nécessaire son remplacement.

La salariée reprochait à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté de ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail. A l'appui de son pourvoi, la salariée soutenait, notamment, que nul salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé et que son licenciement n'est légitime que si son absence prolongée ou répétée, consécutive à sa maladie, a entraîné des perturbations dans le fonctionnement normal de l'entreprise. En l'espèce, la salariée avait souligné, dans ses écritures, que l'employeur n'apportait aucune preuve de cette nature et la cour d'appel, pour retenir qu'elle était apportée, se bornait à constater, après la description du poste et des compétences qu'il requérait, que la salariée avait été rapidement remplacée. En se déterminant ainsi, par des motifs dispensant l'employeur de toute preuve objective, susceptible d'être l'objet d'un débat contradictoire et n'excluant pas que le licenciement fût illégalement intervenu en raison du seul état de santé de la salariée, la cour a violé l'article L. 1132-1 du Code du travail, ensemble l'article 1315 du Code civil (N° Lexbase : L1426ABG).

La Cour de cassation rejette le pourvoi au terme d'un long motif qui mérite, cependant, d'être reproduit in extenso. Ainsi que l'affirme la Chambre sociale, "attendu que l'arrêt retient, d'abord, qu'il ressort de la fiche de fonction produite que le poste de responsable de production est un rôle pivot, interface du personnel de production et de la hiérarchie, de même que des clients, que la salariée, en tant que cadre dirigeant, devait optimiser la production, recruter et former des agents, métier nouveau et non reconnu, qu'il existe une pénurie de candidates pour le métier d'infirmière diplômée d'Etat ayant une expérience en bloc opératoire, ensuite, que l'employeur a dû remplacer Mme T. dès novembre 2006, enfin, qu'une remplaçante avait été recrutée selon contrat à durée déterminée d'un mois, renouvelé à trois reprises, mais ne venant pas de la région PACA, avec un statut précaire, logée à l'hôtel par l'employeur, lequel n'avait pas trouvé de remplaçante temporaire dans la région et que l'employeur avait, en mars 2007, conclu un contrat de travail à durée indéterminée à la demande de celle-ci, compte tenu du risque de voir cette salariée ne pas poursuivre sa mission ; que la cour d'appel, abstraction faite d'une déduction inopérante et d'une erreur de plume en se référant seulement à des candidates de la région, a légalement justifié sa décision".

Les éléments de justification. On constate, à la lecture du motif de principe, que la Cour de cassation, reprenant les constatations des juges d'appel, s'attache, d'abord, aux fonctions qu'occupait la salariée absente. En relevant que cette dernière avait un "rôle pivot" au sein de l'entreprise et qu'elle devait, en tant que cadre dirigeant, "optimiser la production, recruter et former des agents, métier nouveau et non reconnu", la Cour de cassation signifie, par là-même, la perturbation que l'absence de la salariée était de nature à entraîner pour le bon fonctionnement de l'entreprise. A cela, il faut encore ajouter le fait, également relevé, que l'employeur avait dû remplacer la salariée dès novembre 2006, alors que, rappelons-le, elle s'était trouvée en arrêt maladie à compter du 2 octobre. De notre point de vue, cet élément confirme la perturbation causée par l'absence, étant observé qu'un employeur qui tarde à remplacer le salarié absent perd de sa crédibilité au moment de convaincre le juge de la perturbation inhérente à l'absence (6). Cela n'est, au demeurant, pas antinomique, avec l'exigence, rappelée précédemment, que la perturbation doit découler de l'absence prolongée du salarié absent. Si perturbation il y a, alors même que le salarié n'est absent que depuis peu de temps, celle-ci ne peut que se confirmer en cas de prolongation de l'absence.

La Cour de cassation relève, ensuite, que l'employeur avait pourvu au remplacement de la salariée absente en concluant un contrat à durée déterminée d'un mois, renouvelé à trois reprises. Un tel élément semble écarter la nécessité d'un remplacement définitif car, ainsi que nous l'avons rappelé, celui-ci s'entend nécessairement de l'embauche d'un salarié en contrat à durée indéterminée. C'était, d'ailleurs, un argument soulevé par la salariée licenciée dans son pourvoi, qui avançait, à partir des mêmes constatations, que son remplacement temporaire était donc possible.

Cela n'a pas convaincu la Cour de cassation qui, il est vrai, ne s'en tient pas au constat précité. Elle relève en effet, en sus, que la remplaçante, ne venant pas de la région PACA, avait un statut précaire et était logée à l'hôtel par l'employeur. Ces éléments ne font toutefois sens qu'avec ceux qui suivent, à savoir que l'employeur n'avait pas trouvé de remplaçante temporaire dans la région et avait, en mars 2007, conclu un contrat de travail à durée indéterminée à la demande de la salariée remplaçante, compte tenu du risque de voir cette salariée ne pas poursuivre sa mission. Ce faisant, est démontrée la nécessité de conclure un contrat à durée indéterminée et, partant, la nécessité de pourvoir au remplacement définitif de la salariée absente, au sens où l'entend la Cour de cassation.

On pourrait s'étonner de ce que l'employeur ne cherche de remplaçant que dans la région où il est établi. Il faut cependant comprendre que, s'agissant d'un remplacement temporaire en contrat à durée déterminée, ne se bousculent pas les candidats venant d'autres régions. Mais il pourrait alors être avancé que cela reste surprenant en période de fort chômage. Il convient cependant de ne pas oublier que, ainsi qu'il est, là encore, relevé dans le motif de l'arrêt, il "existe une pénurie de candidates pour le métier d'infirmière diplômée d'Etat ayant une expérience en bloc opératoire".

Au final, il apparaît que les éléments relevés par la Cour de cassation s'emboîtent parfaitement pour conduire au constat qu'il était nécessaire de pourvoir au remplacement définitif de la salariée dont l'absence perturbait le bon fonctionnement de l'entreprise, alors même que, dans un premier temps, une solution provisoire avait pu être trouvée au moyen du recours au contrat à durée déterminée. Ceci démontre, au demeurant, que l'employeur ne s'était résolu à recourir au contrat à durée indéterminée et à licencier la salariée, que parce qu'il ne pouvait plus faire autrement.


(1) Cass. soc., 13 mars 2001, n° 99-40.110, publié (N° Lexbase : A9275ASC) : Bull. civ. V, n° 84 ; Cass. soc., 6 octobre 2004, n° 02-44.586, F-D (N° Lexbase : A5713DDX).
(2) La seule perturbation du service ne suffit pas : Cass. soc., 2 décembre 2009, n° 08-43.486, F-D (N° Lexbase : A3516EPW).
(3) La Cour de cassation juge, ainsi, qu'il n'y a pas de remplacement définitif, lorsque les tâches confiées au salarié absent ont été intégralement reprises par le salarié d'une entreprise prestataire de services : Ass. plén., 22 avril 2011, n° 09-43.334, P+B+R+I (N° Lexbase : A1067HP9) : Bull. Ass. plén., n° 3.
(4) Cass. soc., 6 février 2008, n° 06-44.389, FS-P+B (N° Lexbase : A7265D4T) : Bull. civ. V, n° 32. La Cour de cassation vise, dans cette décision, le remplacement définitif "dans l'emploi".
(5) Cass. soc., 25 janvier 2012, n° 10-26.502, FS-P+B (N° Lexbase : A4355IBW) : Bull. civ. V, n° 21.
(6) Cela n'est toutefois pas insurmontable car, dans un premier temps, l'employeur peut confier les tâches assumées par le salarié absent à ses collègues de travail.

Décision

Cass. soc., 28 mai 2014, n° 13-12.476, F-D (N° Lexbase : A6129MPP).

Rejet (CA Aix-en-Provence, 13 décembre 2012, n° 11/06877 N° Lexbase : A3606IZL).

Texte concerné : C. trav., art. L. 1132-1 (N° Lexbase : L5203IZQ).

Mots clefs : maladie non professionnelle ; absence prolongée ; licenciement ; perturbation du bon fonctionnement de l'entreprise ; nécessité de pourvoir au remplacement définitif.

Lien base : (N° Lexbase : E3246ETE).

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Procédure pénale

[Textes] Commentaire de la loi du 27 mai 2014 transposant la Directive européenne relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales : quand les droits de la défense pénètrent tous les stades de la procédure pénale

Réf. : Loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 (N° Lexbase : L2680I3N)

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par Romain Ollard, Professeur à l'Université de La Réunion

Le 12 Juin 2014

La genèse de la réforme. La Directive 2012/13/UE du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales (N° Lexbase : L3181ITY), dont la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 (N° Lexbase : L2680I3N) (1) assure la transposition, marque indéniablement la volonté de l'Union européenne d'exercer son emprise sur les procédures pénales nationales, se posant ainsi comme un concurrent direct de la Cour européenne des droits de l'Homme. La Directive s'inscrit dans la mise en oeuvre d'une feuille de route adoptée par le Conseil le 30 novembre 2009, intégrée au programme de Stockholm (2), visant à instaurer des normes minimales concernant les garanties procédurales des suspects, des personnes poursuivies et des victimes. Ces principes généraux furent déclinés dans plusieurs Directives (3) relatives aux droits à l'interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales (dite Directive A) (4), au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales (dite Directive B) (5) et au droit d'accès à un avocat ou de communiquer avec un tiers en cas d'arrestation (dite Directive C) (6). Le législateur français ayant d'ores et déjà transposé la Directive A par la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 (N° Lexbase : L6201IXX), il poursuit aujourd'hui son oeuvre dans le cadre de la présente loi qui vise essentiellement à transposer la Directive B mais aussi certaines exigences posées par la Directive C. Le contenu de la réforme. Si la loi de transposition peut apparaître sur certains points en retrait par rapport à la Directive, la chancellerie ayant d'ailleurs à cet égard pu indiquer que cette loi ne constituait qu'une "première étape dans le renforcement des droits de la défense au cours de la procédure pénale, qui devront encore être améliorés, notamment pour introduire du contradictoire dans les enquêtes de flagrance ou préliminaires" (7), son apport n'en est pas moins considérable en ce que le droit à l'information -essentiellement du suspect- est étendu à tous les stades de la procédure pénale. Déclinant le principe général (8), énoncé à l'article 3 de la Directive, suivant lequel toute personne soupçonnée ou poursuivie dans le cadre d'une procédure pénale a le droit "d'être informé[e] de ses droits" et d'avoir "accès aux pièces du dossier", la loi nouvelle consacre ainsi une pénétration plus complète des droits de la défense au sein de la procédure pénale, spécialement au stade de l'enquête, en consacrant pour la première fois le statut du "suspect libre", entendu sans contrainte. Le renforcement du droit à l'information s'opère ainsi non seulement au bénéfice de la personne poursuivie, lorsque le procès pénal est déclenché (II), mais encore au bénéficie du suspect, au stade de l'enquête pénale (I).

I - Le droit à l'information des personnes suspectes au cours de l'enquête

Si, dans la réforme, certains droits doivent faire l'objet d'une information systématique dès lors qu'une personne est suspectée -droit à un avocat, droit d'être informé de l'accusation, droit à un interprète, droit de garder le silence-, le contenu du droit à l'information varie toutefois selon le statut du suspect, suivant qu'il est libre (A) ou privé de liberté (B).

A - Le droit à l'information du "suspect libre"

Droit à l'information du "suspect libre". La loi du 27 mai 2014 consacre pour la première fois le statut du "suspect libre" au profit des personnes suspectées lors de l'enquête (9), en encadrant les modalités selon lesquelles elles pourront être entendues librement sans être placées en garde à vue. A cette fin, la loi insère dans le Code de procédure pénale un nouvel article 61-1 (N° Lexbase : L2752I3C) qui prévoit que "la personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ne peut être entendue librement sur ces faits qu'après avoir été informée" de l'accusation dont elle fait l'objet, de son droit de quitter les locaux d'enquête, de son droit à un interprète, de son droit au silence ainsi que de son droit à des conseils juridiques. Sur ces points, la loi nouvelle ne fait pas vraiment oeuvre créatrice dans la mesure où ces différents chefs d'information étaient déjà dus même si, il est vrai, le droit au silence et le droit à un interprète n'avaient pas jusqu'alors à être notifiés au suspect entendu librement (10). La réforme se veut, en revanche, plus novatrice lorsqu'elle décide que, s'il est entendu pour un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, le suspect libre devra se faire notifier son droit d'être assisté par un avocat au cours de son audition, la chancellerie anticipant sur ce point les exigences posées par la Directive C du 22 octobre 2013, relative au droit d'accès à un avocat.

Droit à l'assistance d'un avocat du "suspect libre". Cette disposition, qui n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2015, rompt avec les solutions qui prévalaient jusqu'alors en matière d'audition libre qui permettaient d'interroger un suspect en dehors du régime de garde à vue, pour une durée maximale de 4 heures, sans la présence d'un avocat (11). Dans deux décisions QPC du 18 novembre 2011 et du 18 juin 2012 (12), le Conseil constitutionnel avait validé un tel système en décidant qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose que la personne auditionnée bénéficie de l'assistance effective d'un avocat dès lors qu'elle consent librement à être entendue. Le Conseil avait toutefois émis une double réserve d'interprétation -expressément consacrée par la présente loi- en estimant que, lorsque des soupçons pèsent sur la personne auditionnée, celle-ci doit être informée non seulement de la nature de l'infraction reprochée, mais encore de la possibilité de quitter les locaux de police à tout moment. La solution était contestable dans la mesure où l'assistance de l'avocat était alors liée, non à l'existence de soupçons pesant sur la personne auditionnée, mais à l'existence d'une mesure de contrainte. Or, dès l'instant que la personne auditionnée est suspectée, elle doit pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat car la nécessité de se défendre devient impérieuse. Désormais, dès lors qu'elles sont suspectées, toutes les personnes auditionnées, qu'elles soient entendues librement ou placées en garde à vue, seront soumises à un traitement identique.

Réserves tenant aux dispositions techniques du régime. Si la réforme comporte ainsi de notables avancées, elle pourrait cependant apparaître insuffisante. D'abord, il est regrettable que la loi restreigne le droit à l'assistance d'un avocat aux seules auditions de personnes suspectées d'avoir commis un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement (13), comme si la nécessité de se défendre n'apparaissait que pour les infractions les plus graves. Ensuite, la loi nouvelle ne limite la durée de l'audition que dans le cas où la personne est auditionnée sous contrainte (14). A l'inverse, aucune durée maximale n'est prévue pour l'audition libre, que la personne auditionnée soit suspectée (15) ou non (16), ce qui peut faire craindre certaines dérives, les enquêteurs pouvant interroger une personne suspecte sans aucune limite de temps dès lors qu'elle y consent.

Réserve tenant au critère du soupçon. Enfin et peut-être surtout, le nouveau régime mis en place pourrait constituer le terreau de détournements de procédure, consistant pour les policiers à entendre librement en tant que simple témoin un individu qui est en réalité soupçonné sans qu'il bénéficie en conséquence des garanties afférentes à la qualité de suspect, notamment du droit à l'assistance d'un avocat. Techniquement en effet, le pivot de l'application du régime nouveau repose tout entier sur l'existence de soupçons à l'encontre de la personne auditionnée. Or, un tel critère paraît pour le moins incertain, notamment lorsque les soupçons résultent, non d'éléments objectifs, comme en cas de dénonciation ou d'indices matériels, mais d'éléments subjectifs, lorsque les soupçons des enquêteurs sont plus diffus, résultant d'impressions vagues et indéterminées. Outre qu'un tel critère pourrait se révéler être un nid à contentieux, comme peut l'être le critère de l'indice apparent en matière d'enquête de flagrance (17), les OPJ n'auront-ils pas beau jeu, dans ces conditions, de prétendre que les personnes auditionnées n'étaient pas soupçonnées afin de contourner le droit à l'assistance d'un avocat ? Dès lors, le seul moyen de parer à ce risque ne serait-il pas d'admettre le droit à un avocat pour toute personne auditionnée, même non (officiellement) soupçonnée, dès l'instant qu'elle en fait la demande ?

B - Le droit à l'information du suspect soumis à une mesure privative de liberté

Principe général du droit à l'information en cas de mesure privative de liberté. La loi nouvelle consacre un droit général à l'information au bénéfice de toute personne suspectée, soumise à une mesure privative de liberté en application du Code de procédure pénale. Par delà la diversité des mesures privatives de liberté, toute personne retenue recevra en effet une déclaration écrite énonçant "les droits dont elle bénéficie au cours de la procédure" (18) et qu'elle sera "autorisée à conserver [...] pendant toute la durée de sa privation de liberté" (19), qu'il s'agisse de la garde à vue, d'une mesure de détention provisoire ou d'un mandat d'arrêt, national ou européen. Toutefois, ce principe de transmission d'une déclaration écrite des droits n'est peut-être pas si général qu'il pourrait y paraître puisque le nouvel article 803-6 restreint son champ d'application aux seules mesures privatives de liberté prononcées "en application du Code de procédure pénale". Si la loi nouvelle prévoit d'étendre la mesure aux retenues douanières (20) et à la garde à vue des mineurs (21), toutes les autres mesures privatives de liberté hors code -comme la retenue des étrangers- sont donc exclues du dispositif, mesures pour lesquelles la déclaration des droits aurait pourtant pu se révéler particulièrement utile.

Règles spécifiques à la garde à vue : accès restreint au dossier. S'agissant plus spécifiquement de la garde à vue, la loi améliore sensiblement les droits des personnes gardées à vue dès lors, notamment, qu'elles seront plus précisément informées de l'infraction dont elles sont soupçonnées et des motifs de leur garde à vue (22 ). Toutefois, ces avancées ne sauraient masquer l'essentiel, à savoir que, comme hier, elles n'auront qu'un accès restreint au dossier pénal. Certes, les personnes placées en garde à vue bénéficieront désormais d'un droit de consultation direct aux mêmes pièces du dossier que l'avocat, sans avoir nécessairement besoin de son intermédiaire (23). Mais, dès lors que l'article 63-4-1 du Code pénal (N° Lexbase : L3162I3I) demeure inchangé, la personne gardée à vue et son avocat pourront consulter, non point l'ensemble du dossier comme le proposait un amendement écologiste finalement rejeté, mais seulement un dossier restreint au procès-verbal de placement en garde à vue et de notification des droits, au certificat médical et aux procès verbaux d'audition de la personne placée en garde à vue (24), à l'exclusion donc de toutes autres pièces qui pourraient pourtant constituer des éléments à charge (audition des témoins, preuves matérielles, etc.). Cet accès restreint au dossier, on le sait, a été validé au plan interne tant par le Conseil constitutionnel (25) que par la Chambre criminelle de la Cour de cassation ayant décidé que l'absence de communication de l'ensemble des pièces du dossier, à ce stade de la procédure, n'est pas de nature à priver la personne d'un droit à un procès équitable dès lors que l'accès à ces pièces est garanti devant les juridictions d'instruction et de jugement. L'accès restreint au dossier à ce stade de la procédure serait conforme à l'article 6 de la CESDH dès lors qu'un plein accès est possible à un stade ultérieur, aux termes donc d'une appréciation in globo du droit à un procès équitable (27). Il apparaît ainsi que, dans l'esprit des juges internes, le rôle de l'avocat au cours de la garde à vue est moins celui d'un défenseur que celui d'un observateur de la légalité et du bon déroulement de la mesure, comme si la nécessité de se défendre n'apparaissait qu'à un stade ultérieur de la procédure. Il n'est pas certain que cette lecture du rôle de l'avocat au cours de la garde à vue soit conforme à celle prônée par la Cour européenne qui exige que la personne placée en garde à vue puisse bénéficier de "l'assistance effective d'un avocat" pendant toute la durée de la mesure, l'intéressé devant pouvoir bénéficier de toute la gamme d'intervention du conseil, qu'il s'agisse du "contrôle des conditions de détention" ou de "l'organisation de la défense" (28). Or, comment l'avocat pourrait-il organiser correctement la défense de son client sans avoir accès aux différents éléments de preuve collectés à son encontre ? Peut-être la transposition de la Directive C relative au droit d'accès à un avocat en cas d'arrestation sera-t-elle l'occasion de corriger cette divergence de vue.

II - Le droit à l'information des personnes poursuivies au cours du procès pénal

Non limité au seul bénéfice du suspect, au stade de l'enquête, le renforcement des droits procéduraux s'opère également au bénéfice de la personne poursuivie, lorsque le procès pénal est déclenché, non seulement au cours de l'instruction préparatoire (A) mais encore au cours ou en vue du jugement (B), au sein duquel le renforcement du droit à l'information se double d'un renforcement du principe du contradictoire.

A - Le renforcement des droits procéduraux au cours de l'instruction préparatoire

Renforcement de l'information des personnes poursuivies. Renforçant les droits des personnes poursuivies au cours de l'instruction, la loi nouvelle prévoit que les personnes mises en examen (29) et celles bénéficiant du statut de témoin assisté (30) devront désormais être informées de leur droit à un interprète et à la traduction des pièces essentielles du dossier, de leur droit au silence ainsi que des autres droits dont ils bénéficiaient déjà, à savoir le droit à l'assistance d'un avocat et le droit d'accès au dossier.

Accès direct des parties au dossier d'instruction. Si, contrairement au suspect au stade de l'enquête, les parties privées -personne mise en examen et partie civile- avaient accès au dossier d'instruction complet, cet accès se faisait indirectement, par l'intermédiaire de leur avocat. La jurisprudence décidait, en effet, que les articles 114 (N° Lexbase : L3172I3U) et 197 (N° Lexbase : L1754IPN) du Code de procédure pénale n'autorisent la communication du dossier qu'aux avocats des parties (31), cette règle n'apparaissant pas contraire à l'article 6 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) qui n'impose pas la remise du dossier de procédure à la personne poursuivie avant la saisine de la juridiction de jugement (32). Bien plus, si l'avocat, autorisé à se faire délivrer des copies du dossier d'instruction, pouvait les consulter avec son client pour les besoins de la défense, il lui était en revanche interdit de remettre à son client ces copies, couvertes par le secret de l'instruction (33). La loi nouvelle rompt avec ces solutions en insérant un quatrième alinéa à l'article 114 du Code de procédure pénale qui dispose que, "après la première comparution ou la première audition, les avocats des parties ou, si elles n'ont pas d'avocat, les parties peuvent se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier [...] dans le mois qui suit la demande" (34). Toutefois, afin de garantir de secret de l'instruction, il est prévu que les parties ayant obtenu une copie du dossier doivent attester par écrit avoir pris connaissance de l'article 114-1 qui punit d'une d'amende contraventionnelle (35), le fait pour une partie de diffuser des pièces ou des éléments de l'instruction dont elle a reçu copie.

B - Le renforcement des droits procéduraux au cours ou en vue du jugement

Renforcement du droit à l'information. Comme au cours de l'instruction, les personnes prévenues devant le tribunal correctionnel (36) ou accusées devant la cour d'assises (37) se verront désormais expressément informées (38) non seulement de leur droit d'être assisté par un interprète mais encore de leur droit, "au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire". Par ailleurs, un nouvel article 388-4 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2767I3U) prévoit que, en cas de poursuite par citation directe ou convocation par officier de police judiciaire (COPJ) (39), les avocats des parties pourront "consulter le dossier de la procédure au greffe du tribunal de grande instance dès la délivrance de la citation ou au plus tard deux mois après la notification de la convocation", les parties ou leurs avocats pouvant obtenir gratuitement la copie du dossier dans un délai d'un mois à compter de la demande. Afin de renforcer ces dispositions, un nouvel article 390-2 du Code de procédure pénale ([LXB=L2769I3X ]) énonce que, si le prévenu ou son avocat n'ont pas pu obtenir la copie du dossier avant l'audience, "le tribunal est tenu d'ordonner, si le prévenu en fait la demande, le renvoi de l'affaire à une date fixée à au moins deux mois à compter de la délivrance de la citation ou de la notification de la convocation". Ces dispositions, dépassant le seul droit à l'information des personnes poursuivies, sont également tournées vers les droits de la défense des personnes poursuivies puisque, en prévoyant ainsi un délai minimal d'"audiencement" devant le tribunal correctionnel, la loi nouvelle favorise un accès "en temps utile" au dossier de la procédure, ce qui facilitera d'autant la préparation de la défense du prévenu et permettra donc de garantir un exercice effectif des droits de la défense.

Renforcement du contradictoire à l'issue de la garde à vue. Dans ce prolongement, la loi nouvelle prévoit en premier lieu que, à l'issue de la garde à vue, les personnes déférées devant le procureur de la République en vue d'une comparution immédiate ou d'une convocation par procès-verbal pourront être, lors de leur présentation devant ce magistrat, assistées par un avocat, lequel pourra formuler des observations portant notamment sur la régularité de la procédure, sur la qualification retenue, sur le caractère éventuellement insuffisant de l'enquête et sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes. Au vu de ces observations, le procureur de la République pourra éventuellement donner une nouvelle orientation à la procédure, par exemple en requérant l'ouverture d'une information ou en ordonnant la poursuite de l'enquête. L'effectivité de cette disposition nouvelle, qui contribue assurément à rétablir l'équilibre entre le procureur de la République et la personne mise en cause par l'introduction d'un débat contradictoire, est toutefois dépendante non seulement d'un accès effectif au dossier mais encore d'un laps de temps suffisant laissé à l'avocat pour préparer la défense de son client. Or, à défaut d'un accès au complet dossier pendant la durée de la garde à vue, cette disposition risque fort de rester largement théorique (40).

Renforcement du contradictoire avant jugement correctionnel. En second lieu, la loi nouvelle énonce que les personnes poursuivies par citation directe ou par COPJ peuvent, "avant toute défense au fond ou à tout moment au cours des débats, demander, par conclusions écrites, qu'il soit procédé à tout acte" supplémentaire qu'elles estimeraient nécessaire à la manifestation de la vérité (41). Le juge saisi de la requête devra alors motiver spécialement sa décision en cas de refus, et pourra, dans le cas contraire, soit confier le supplément d'information à un juge d'instruction, si les actes demandés n'ont pas été ordonnés avant l'audience, soit ordonner l'exécution des actes demandés selon les règles de l'enquête préliminaire lorsqu'il est possible de les exécuter avant l'audience. Si, d'une manière générale, l'on peut se réjouir d'une telle introduction du principe du contradictoire, qui faisait jusqu'alors défaut puisque, à défaut d'instruction, aucune demande d'actes ne pouvait être formulée, il ne s'agit là, au fond, que de palliatifs au défaut de caractère juridictionnel et contradictoire de l'enquête policière. Dès lors, la vraie question n'est-elle pas celle, en définitive, de l'introduction du contradictoire dès le stade de l'enquête (42) ? A cet égard, on suivra avec attention les propositions, attendues dans le courant du mois de juin, de la mission, confiée à des personnalités du monde judiciaire, sur la procédure d'enquête pénale ayant précisément pour objectif de réfléchir à l'introduction du contradictoire dans les enquêtes de flagrance ou préliminaires (43).


(1) JORF n° 123, 28 mai 2014.
(2) Conseil de l'Union européenne du 2 décembre 2009, Programme de Stockholm, Journal officiel de l'Union européenne C 115 du 4 mai 2010.
(3) Voir également, la Directive 2012/29/UE du 25 octobre 2012, non encore transposée, relative à la protection des victimes (N° Lexbase : L5485IUP). V. également propositions de Directives du 27 novembre 2013, concernant les droits procéduraux des personnes vulnérables, l'aide juridictionnelle provisoire et le renforcement de la présomption d'innocence pour les personnes suspectées ou poursuivies.
(4) Directive 2010/64/UE du 20 octobre 2010 (N° Lexbase : L2124INY).
(5) Directive 2012/13/UE du 22 mai 2012.
(6) Directive 2013/48/UE du 22 octobre 2013 (N° Lexbase : L5328IYY).
(7) A cette fin, la Garde des Sceaux a pu confier une mission à des personnalités du monde judiciaire sur la procédure d'enquête pénale dont les propositions sont attendues dans le courant du mois de juin prochain (mission présidée par M. Jacques Beaume, Procureur général près la cour d'appel de Lyon).
(8) Pour les dispositions relatives à l'aide juridictionnelle, v. art. 13 de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, modifiant la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique (N° Lexbase : L8607BBE).
(9) Il est à noter que ce régime est également applicable dans le cadre de l'instruction lorsque l'enquête est diligentée sur commission rogatoire (C. pr. pén., art. 154 N° Lexbase : L9762IPA, modifié par l'article 4 II).
(10) Cass. crim., 27 avril 2013, D., 2013, Actu,1005, à propos de la notification du droit au silence.
(11) C. pr. pén., art 62 (N° Lexbase : L3155I3A) (enquête de flagrance) et 78 (N° Lexbase : L9758IP4) (enquête préliminaire) a contrario.
(12) Cons. const., décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC, du 18 novembre 2011 (N° Lexbase : A9214HZB) ; Cons. const., décision n° 2012-257 QPC du 18 juin 2012 (N° Lexbase : A8706INR), D.P., 2012, Etude 4, J. Leroy.
(13) C. pr. pén., art. 61-1, 5° (N° Lexbase : L2752I3C).
(14) L'audition ne peut alors durer que le temps nécessaire à l'audition, sans que cette durée ne puisse excéder quatre heures (C. pr. pén., art. 62, al. 2 N° Lexbase : L3155I3A).
(15) C. pr. pén., art. 61-1.
(16) C. pr. pén., art. 62, al. 1er.
(17) C. pr. pén., art. 53, al. 1er (N° Lexbase : L5572DYZ).
(18) C. pr. pén., art. 803-6 (N° Lexbase : L2753I3D) (accusation portée contre elle, droit de se taire, du droit à l'assistance d'un avocat, droit d'accès aux pièces du dossier, droit de connaître les modalités de contestation de la légalité de l'arrestation, d'obtenir un réexamen de sa privation de liberté ou de demander sa mise en liberté).
(19) C. pr. pén., art. 803-6, al. 2.
(20) Article 12 de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 (N° Lexbase : L2680I3N), modifiant l'article 323-6 du Code des douanes (N° Lexbase : L3190I3K) et créant un article 67 F (N° Lexbase : L3127I39).
(21) Article 4, VI, de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, modifiant l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, relative à l'enfance délinquante (N° Lexbase : L4662AGR).
(22) Article 63-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3163I3K), tel que modifié par l'article 4 de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014. Ce régime est également applicable dans le cadre de l'instruction lorsque la garde à vue est ouverte sur commission rogatoire (C. pr. pén., art.154 N° Lexbase : L9762IPA).
(23) C. pr. pén., art. 63-1, al. 6.
(24) C. pr. pén., art. 63-4-1.
(25) Cons. const., décision n° 2011-191/194/195/196/197 QPC, du 18 novembre 2011, D. 2011, 3034, note H. Matsopoulou.
(26) Cass. crim.,19 septembre 2012, n° 12-83.997, FS-P+B (N° Lexbase : A7536ISW).
(27) V. également, dans le même sens, CE 1° et 6° s-s-r., 11 juillet 2012, n° 349752 (N° Lexbase : A8418IQT).
(28) CEDH, 13 octobre 2009, n° 7377/03, Dayanan c/ Turquie (N° Lexbase : A3221EPY), précité.
(29) Article 6, I, de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, modifiant l'article 113-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3174I3X).
(30) Article 6, IV, de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, modifiant l'article 116 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3171I3T).
(31) Cass. crim., 22 janvier 2002, n° 00-82.215 (N° Lexbase : A4542CYU).
(32) Cass. crim., 16 décembre 2009, n° 09-86.298, F-D (N° Lexbase : A4849EQN).
(33) Ass. plén., 30 juin 1995, n° 94-16.982 (N° Lexbase : A8581ABG) (1er arrêt), D., 1995, 97, note J. Pradel.
(34) L'alinéa 5 vient d'ailleurs ajouter que "lorsque la copie a été demandée par les avocats, ceux-ci peuvent en transmettre une reproduction à leur client".
(35) Dont le montant a d'ailleurs été augmenté, de 3 750 à 10 000 euros (article 7 modifiant l'article 114-1 du Code de procédure pénale).
(36) Article 8, I, de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, modifiant l'article 406 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3177I33).
(37) Article 8, X, de loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, modifiant l'article 273 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3184I3C).
(38) Ces mêmes informations sont encore dues, en matière correctionnelle, par le procureur de la République à la personne que celui-ci envisage de poursuivre en application des articles 394 (N° Lexbase : L3178I34) et 395 (N° Lexbase : L3802AZT) (convocation par procès-verbal et comparution immédiate) : article 8, VII, de la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, modifiant l'article 393 du Code de procédure pénale.
(39) C. pr. pén., art. 390 (N° Lexbase : L3182I3A) et 390-1 (N° Lexbase : L3181I39).
(40) En ce sens, Rapport Assemblée nationale n° 1895, n° 24.
(41) C. pr. pén., art. 388-5 (N° Lexbase : L2768I3W).
(42) Sur la question, v. J. Alix, D., 2011, 1699.
(43) Mission présidée par M. Jacques Beaume, Procureur général près la cour d'appel de Lyon.

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Procédure pénale

[Brèves] Violation des droits fondamentaux et exécution du mandat d'arrêt européen

Réf. : Cass. crim., 20 mai 2014, n° 14-83.138, F-P+B+I (N° Lexbase : A2918MQ7)

Lecture: 1 min

N2620BUL

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Le 12 Juin 2014

La violation des droits fondamentaux prévaut sur les principes de reconnaissance et de confiance mutuelles et fait obstacle à l'exécution du mandat d'arrêt européen. Telle est la substance de l'arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, le 20 mai 2014 (Cass. crim., 20 mai 2014, n° 14-83.138, F-P+B+I N° Lexbase : A2918MQ7 ; cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4456EUL). En l'espèce, en vue de l'exercice de poursuites, les autorités espagnoles ont émis un mandat d'arrêt européen contre M. A., visant des faits de terrorisme. Pour ordonner la remise différée de l'intéressé, qui faisait valoir que les charges retenues à son encontre reposaient sur les déclarations de M. S. recueillies en violation des articles 3 (N° Lexbase : L4764AQI) et 6 (N° Lexbase : L7558AIR) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, la cour d'appel, après avoir constaté que le mandat d'arrêt européen satisfaisait aux prescriptions de l'article 695-13 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5598DYY), a relevé, que les allégations de M. S. étaient infondées, la juridiction suprême espagnole ayant acquitté les gardes civils des accusations portées à leur encontre, et que la saisine, à la supposer avérée, par ce dernier, de la Cour européenne des droits de l'Homme ne constitue pas une voie de recours contre la décision définitive de la cour suprême espagnole. Les juges d'appel ont également ajouté, pour dire n'y avoir lieu à transmettre, à la Cour de justice de l'Union européenne, une question préjudicielle sur l'interprétation de l'article 1 § 3, de la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002, relative au mandat d'arrêt, qu'il n'est pas contestable que, s'il est établi qu'au mépris de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme des aveux ou des mises en cause ont été obtenus grâce à la torture, cette violation des droits fondamentaux prévaut sur les principes de reconnaissance et de confiance mutuelles et fait obstacle à l'exécution du mandat d'arrêt européen. La Haute juridiction confirme la décision ainsi rendue en retenant le principe énoncé par la cour d'appel.

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Procédures fiscales

[Chronique] Chronique de procédures fiscales - Juin 2014

Lecture: 12 min

N2584BUA

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par Thierry Lambert, Professeur à Aix Marseille Université

Le 12 Juin 2014

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Thierry Lambert, Professeur à Aix Marseille Université, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures fiscales. Ce mois-ci, notre auteur a choisi de s'arrêter sur deux décisions du Conseil d'Etat et un arrêt de la Cour de cassation. Dans le premier arrêt, en date du 6 mai 2014, la Chambre commerciale de la Cour de cassation se prononce sur l'obligation d'information du contribuable quant aux fondements d'un redressement et sur la saisine du comité de l'abus de droit fiscal (Cass. com., 6 mai 2014, n° 13-15.887, F-D). Dans la deuxième décision, rendue le 12 mai 2014, le Conseil d'Etat précise l'exigence d'un débat oral et contradictoire dans le cadre d'un ESFP et d'une taxation d'office (CE 8° s-s., 12 mai 2014, n° 358233, inédit au recueil Lebon). Enfin, dans le troisième arrêt sélectionné, en date du 15 mai 2014, la Haute juridiction administrative admet les justificatifs hétéroclites du contribuable pour justifier une confusion de patrimoine entre lui et sa société et éviter la taxation d'office de revenus réputés distribués (CE 3° s-s., 15 mai 2014, n° 365152, inédit au recueil Lebon).
  • Abus de droit fiscal : précisions quant à l'information du contribuable portant sur les documents fondant le redressement et la saisine du comité de l'abus de droit fiscal (Cass. com., 6 mai 2014, n° 13-15.887, F-D N° Lexbase : A9228MKY)

Dans cette affaire, le requérant a été institué légataire universel d'un contribuable décédé qui lui avait vendu divers biens immobiliers. Le prix de vente a été payé pour moitié au moyen d'une rente viagère et le solde converti en une obligation de soins. De 2003 à la date de son décès, le défunt a remis au requérant plusieurs chèques.

L'administration a notifié au contribuable deux propositions de rectifications. L'une visait à requalifier, sur le fondement de l'abus de droit (LPF, art. L. 64 N° Lexbase : L4668ICU), la vente en une donation déguisée. L'autre avait pour objet de réintégrer dans l'actif successoral une certaine somme, concernant les chèques faits par le défunt, au titre de la procédure de rectification contradictoire.

Le procédé utilisé n'est en rien original. Il a été jugé, par exemple, que la vente de nue-propriété d'une maison pour un prix converti en rente viagère et bail à nourriture suivie du versement par le vendeur aux acquéreurs d'une somme presque équivalente, à charge pour eux d'assurer au vendeur l'hébergement, la nourriture et les soins est constitutif d'une donation déguisée (Cass. com., 6 mars 1990, n° 88-19.759 N° Lexbase : A4116AHW, Droit fiscal, 1990, comm. 1196). De la même façon, une dame très âgée qui vend à son neveu son habitation principale deux mois avant son décès, laquelle est convertie en rente viagère, est qualifié de donation déguisée dès lors que ses revenus et ses liquidités la mettaient durablement à l'abri du besoin (Cass. com., 21 octobre 2008, n° 07-19.345, F-D N° Lexbase : A9440EAU, RJF, 2009, 2, comm. 171).

Dans un courrier, le conseil du contribuable faisait valoir que les chèques remis par le défunt ont permis d'améliorer, à sa demande, la maison de ce dernier. Il soutenait également que le contribuable était à la recherche des factures justifiant des dépenses et demandait à ce que l'administration lui communique "les comptes bancaires" à partir desquels l'administration a calculé "le montant total des sommes remises" au requérant. Cette demande nous semble singulièrement manquer de précisions. Il aurait été très certainement utile de demander, d'une part, "un relevé des comptes bancaires" et, d'autre part, de solliciter de façon très explicite "une prolongation du délai de réponse de 30 (ou 40) jours afin que le contribuable ait le temps de procéder aux recherches nécessaires". Il aurait été peu probable que l'administration ne fasse pas droit à une requête formulée ainsi.

La Cour de cassation a jugé qu'il résulte de l'article L. 64, précité, que l'administration peut restituer son véritable caractère à une opération, laquelle peut résulter d'une pluralité d'actes dont aucun pris isolément n'est soumis à l'impôt, mais dont l'ensemble des composantes, étroitement liées, aboutit au résultat recherché par les parties, c'est-à-dire éluder l'impôt (Cass. com., 10 juin 1997, n° 95-13.799 N° Lexbase : A1817ACB, Droit fiscal, 1997, comm. 983). En outre, l'administration est admise à rétablir la nature exacte des actes soumis à l'imposition par tous moyens de preuve, y compris les présomptions, dès lors que celles-ci sont suffisamment graves, précises et concordantes pour établir la fraude (Cass. com., 14 mai 1985, n° 83-15.047 N° Lexbase : A4349AAC, Bull. civ. IV, n° 153).

En l'espèce, la Cour relève que, si l'administration a l'obligation de communiquer, à la demande contribuable, les documents qui fondent la rectification et dont, n'en étant ni l'auteur, ni le destinataire, il n'en a pas connaissance. Toutefois, cette obligation, qui ne peut être que postérieure à la proposition de rectification, n'est pas soumise au délai de 30 jours qui s'impose au contribuable au regard de l'article R. 57-1 du LPF (N° Lexbase : L5573G48).

La Cour constate que le requérant n'a formulé aucune demande de prorogation du délai de 30 jours et que la demande de communication des comptes figurant dans le courrier susvisé ne pouvait pas être comprise comme une demande de prorogation de ce délai.

Il est observé que l'administration a adressé au contribuable deux propositions de rectifications. L'une relève de la procédure de rectification contradictoire, l'autre de la procédure de répression des abus de droit. En réponse aux observations du contribuable, l'administration a pris la précaution de préciser que le contribuable pouvait saisir la commission départementale de conciliation ou le comité de l'abus de droit fiscal dont le rapport annuel, qui est publié, nous livre une assez bonne indication des montages mis en oeuvre et des impôts fraudés. Le choix qui semble être offert au contribuable, saisir l'une ou l'autre des commissions, peut être de nature à engendrer des confusions, même si au verso de ces courriers administratifs figurent les textes concernant ces deux commissions. La Chambre commerciale de la Cour de cassation tire pour conséquence que le contribuable pouvait assez facilement comprendre quelle case il devait cocher sur l'imprimé dont il était destinataire pour saisir le comité compétent. Devant l'incertitude qui pouvait habiter le contribuable, celui-ci aurait pu, à titre conservatoire, saisir les deux commissions. Mais la Cour aurait pu aussi sanctionner l'administration, qui n'a pas pris la peine de préciser laquelle des commissions était compétente. Cette solution aurait eu une vertu pédagogique, pour l'avenir, à destination de l'administration.

  • Précisions portant sur l'exigence d'un débat oral et contradictoire dans le cadre d'un ESFP et d'une taxation d'office (CE 8° s-s., 12 mai 2014, n° 358233, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3762MLW)

Voilà un arrêt qui illustre le principe selon lequel l'examen de situation fiscale personnelle (ESFP) n'est emprunt d'aucun formalisme, au sens où il n'a juridiquement aucun caractère contraignant, ce qui ne lui interdit pas d'être une technique de contrôle intrusive (notre ouvrage, Procédures fiscales, Montchrestien, collection : Domat, 2013, pp. 345 et suivantes).

Un contribuable a fait l'objet d'un ESFP à l'issue duquel plusieurs sommes enregistrées sur ses comptes bancaires ont été taxées d'office en qualité de revenus d'origine indéterminée, ou imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Cette situation résulte de la combinaison des articles L. 16 (N° Lexbase : L0114IW7) et L. 69 (N° Lexbase : L8559AEQ) du LPF. Le premier permet à l'administration de demander au contribuable l'origine et la nature des sommes portées aux crédits de ses comptes bancaires, le second de les taxer d'office ou de les rattacher à un revenu catégoriel, au cas particulier les revenus de capitaux mobiliers, dès lors qu'elle considère que les réponses apportées par le contribuable ne sont pas probantes ou que les montants peuvent être rattachés à un revenu catégoriel.

Conformément aux dispositions du 3ème alinéa de l'article L. 16, l'administration peut demander des justifications à un contribuable lorsque, préalablement à l'envoi de toute demande, elle a réuni des éléments permettant d'établir que celui-ci peut avoir disposé de revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. L'article L. 16 ouvre à l'administration une simple faculté de demander au contribuable des éclaircissements ou des justifications, sans lui imposer l'obligation d'y recourir avant de mettre en oeuvre la procédure contradictoire de rectification (CE 8° et 9° s-s-r., 5 octobre 1977, n° 3016 N° Lexbase : A3796B7Q, Droit fiscal, 1977, comm. 1731). L'administration a la possibilité d'adresser plusieurs demandes successives (CE, 2 octobre 1985, n° 41977, RJF, 1984, 10, comm. 1406), ou d'user de cette procédure après avoir utilisé plusieurs demandes d'information (CE 8° et 7° s-s-r., 29 mars 1985, n° 35475, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2826AMM, RJF, 1985, 6, comm.830).

L'article L. 69 énonce que "sous réserve des dispositions particulières [...], sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16".

Dans l'affaire qui nous occupe, le juge constate que l'administration a adressé un avis d'examen de situation fiscale personnelle dans lequel il était demandé au contribuable de produire ses relevés des comptes financiers, ainsi que ceux des membres de son foyer fiscal. Le contribuable ne s'est pas exécuté dans le délai de 60 jours (LPF, art. L. 12 N° Lexbase : L6793HWI). Dans ces conditions, l'administration a exercé son droit de communication (LPF, art. L. 83 N° Lexbase : L7615HER) en demandant à la banque de lui transmettre les relevés de comptes. Les documents ont été adressés à l'administration trois mois et quatorze jours après la demande, délai qui s'ajoute à la durée maximale de 12 mois (LPF, art. L. 12) à compter de la notification de l'avis de vérification dont dispose l'administration pour procéder à l'ESFP.

Préalablement à l'utilisation de l'article L. 16 précité, et avant l'envoi de la proposition de rectification, le contribuable a bénéficié de trois entretiens oraux avec les fonctionnaires de l'administration fiscale. Il n'est pas contesté que, lors du dernier entretien, il a pu faire valoir des observations sur l'ensemble des relevés bancaires. Il n'est pas contesté non plus que le contribuable a reçu une demande d'éclaircissements relatifs aux mouvements bancaires et une mise en demeure (LPF, art. L. 16 A N° Lexbase : L8513AEZ) l'invitant à prendre connaissance des motifs pour lesquels le vérificateur estimait insuffisantes les justifications qu'il fournissait. Souvenons-nous à cet égard que la procédure est irrégulière lorsque le vérificateur s'abstient d'indiquer au contribuable les compléments de réponse qu'il souhaite, alors même que la mise en demeure concerne certains crédits pour lesquels aucune réponse n'avait été apportée à la suite de la demande de justification (CAA Marseille, 3ème ch., 20 décembre 2010, n° 08MA00221, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7215GNK, RJF, 2011, comm. 677).

Le débat doit être engagé au cours de la procédure et avant l'envoi d'une proposition de rectification. L'administration supporte la charge de la preuve, il lui appartient de démontrer qu'elle a recherché le dialogue notamment en faisant état de propositions d'entretiens qu'elle peut justifier par des convocations expédiées par lettres recommandées avec accusé de réception. Au cas particulier, il semble difficile de soutenir qu'il n'y a pas eu de débat oral et contradictoire. Il semblerait que les conditions d'un tel débat aient été réunies.

Concernant le bien fondé des impositions, le contribuable soutient que les sommes taxées d'office n'ont en fait que transité sur ses comptes. Mais, il n'en apporte pas la preuve. Concernant les rectifications portant sur les crédits inscrits sur les comptes courants d'associé du contribuable dans les sociétés dont il était soit dirigeant, soit associé, ou les deux à la fois, ou sur des sommes en provenance de ces sociétés inscrites sur son compte personnel, on peut considérer qu'il a eu nécessairement connaissance de la nature de ces crédits et de leur origine. Il lui appartient d'en justifier le caractère non imposable ainsi qu'il le soutient.

Cette affaire illustre la redoutable tenaille qu'est la combinaison des articles L. 16 et L. 69 du LPF, qui oblige le contribuable à justifier l'origine et la nature des sommes portées aux crédits de ses comptes financiers, faute de quoi il peut être taxé d'office.

  • Admission de documents hétéroclites pour justifier une confusion de patrimoine et éviter la taxation d'office de revenus réputés distribués (CE 3° s-s., 15 mai 2014, n° 365152, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3782MLN)

Il peut arriver qu'un contribuable possède un ou plusieurs comptes bancaires retraçant des opérations privées et professionnelles. L'article L. 86, I, de la loi n° 92-1476 du 31 décembre 1992, codifié sous l'article L. 47 B du LPF (N° Lexbase : L8260AEN), fixe les conditions d'examen de ces comptes. Au cours d'un examen de situation fiscale personnelle (ESFP), l'administration peut examiner les opérations figurant sur les comptes financiers. Elle peut, à bon droit, demander des éclaircissements ou des justifications au contribuable et l'interroger sur la nature des opérations et l'origine des sommes enregistrées sur un compte mixte. Elle peut demander, oralement ou par écrit, des pièces justificatives.

Le Conseil d'Etat, dans un arrêt d'assemblée plénière du 31 mai 1992, a jugé que la seule circonstance qu'un vérificateur, examinant les relevés des comptes bancaires personnels du contribuable à l'occasion d'un ESFP, ait constaté qu'il retraçait à la fois des opérations personnelles et professionnelles, ne suffit pas à établir que l'agent de l'administration, en procédant à cet examen, aurait commencé une vérification de comptabilité avant la date prévue sur l'avis adressé au contribuable environ un mois après celui correspondant à l'ESFP (CE plén., 31 mai 1992, n° 83800, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0968AIP, concl. Gaermynck, BDCF, 1992, 1, pp. 52 - 58).

En l'espèce, le contribuable a fait l'objet d'un ESFP. A cette occasion, l'administration qui a procédé à l'examen de son compte bancaire personnel à découvert que le contribuable y encaissait les recettes d'une société dont il était le gérant, et avait payé à partir de ce même compte des factures établies au nom de la société. Le contribuable faisait valoir une confusion de patrimoines, privé et professionnel, afin de ne pas être taxé d'office sur les lignes de comptes dont les sommes proviennent de sa société, en tant que revenus distribués.
Pour sa défense le contribuable fait valoir que l'intégralité des crédits bancaires et les dépôts d'espèces injustifiés figurant au crédit des comptes bancaires ont été enregistrés en recettes. Il a produit les extraits du livre-journal de la société le justifiant. Il a produit également des factures à son nom mais qui ont été enregistrées en dépenses dans le même livre. Les pages du document comptable ne sont pas certifiées conforme mais, elles portent le cachet de la société suivi d'une signature et le cachet d'une société camerounaise d'audit et d'expertise sise à Douala. Enfin le document porte le cachet du centre principal des impôts de la direction des impôts de la République du Cameroun. Est-ce suffisant? Si ces divers cachets attestent de l'existence d'un livre-journal ils ne signifient en rien qu'ils ont une valeur probante.

Le Code commerce s'est attaché à régler la forme extérieure de la comptabilité, présumant que si celle-ci est respectée, les écritures sont sincères et régulières. Cette présomption simple de sincérité peut évidemment être remise en cause. Les obligations comptables s'apprécient strictement. Les pièces justificatives constituent la base de la comptabilité; les bilans et comptes ne sont que le résultat des transcriptions successives des éléments relevés sur ces documents initiaux. Tout commerçant doit tenir obligatoirement un livre-journal et un livre d'inventaire cotés et paraphés, un grand - livre. L'absence de grand-livre ou de livre-journal est un motif permettant à l'administration d'écarter la comptabilité (CE 9° et 8° s-s-r., 23 février 1983, n° 32718 et 32757, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1933AMK, RJF, 1983, 4, comm. 497). Toutefois, l'absence de livres obligatoires, si elle peut justifier le rejet de la comptabilité ne conduit pas nécessairement à la remise en cause des recettes déclarées, si elle est compensée par la présence de documents qui en tiennent lieu (CE 9° et 8° s-s-r., 19 octobre 1992, n° 77414, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7813ARS, RJF, 1992, 12, comm. 1708).

Le Conseil d'Etat, jusqu'à présent, faisait montre d'une certaine rigueur. Il a été jugé que ne peut tenir lieu de comptabilité régulière une comptabilité comportant un grand - livre tenu sur des feuilles volantes et un livre-journal non servi au jour le jour (CE 7° et 9° s-s-r., 28 janvier 1983, n° 25163, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9444ALD, RJF, 1983, 3, comm. 378), mais aussi une comptabilité dans laquelle les recettes sont comptabilisées globalement en fin de journée ne peut avoir de valeur probante que si cette opération est assortie de pièces justificatives (CAA Bordeaux, 3ème ch., 30 mai 1995, n° 94BX00535, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7769BEH, Droit fiscal, 1996, 9, comm.265). Est irrégulière, et par conséquent dépourvue de valeur probante, une comptabilité dont les livres ont de nombreuses ratures et surcharges (CE, 20 juin 1984, n° 30463 N° Lexbase : A4474ALB, RJF, 1984, 8-9, comm. 968).

Finalement, il peut sembler tout à fait discutable que le Conseil d'Etat accepte l'argumentation du contribuable consistant à produire différentes factures et documents comptables dépourvus de valeur probante et non certifiés conformes. La solution retenue est d'autant plus surprenante au vu de la rigueur à laquelle s'emploient les juges du Palais-Royal dans l'examen des preuves comptables. Cet arrêt restera-t-il isolé?

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Procédures fiscales

[Brèves] Un arrêt de la CJUE condamnant la France pour défaut de transposition d'une Directive ne fait pas recommencer le délai de prescription si les dispositions de la Directive étaient suffisamment précises pour être d'application immédiate

Réf. : Cass. com., 3 juin 2014, n° 13-16.744, F-P+B (N° Lexbase : A2931MQM)

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N2657BUX

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Le 13 Juin 2014

Aux termes d'un arrêt rendu le 3 juin 2014, la Chambre commerciale de la Cour de cassation retient que le délai de prescription de trois ans pour contester la validité de la TIPP au regard du droit communautaire, que la France n'a pas transposé dans les délais, a couru à compter de la fin du délai de transposition, et non à compter de l'arrêt de la CJUE qui a condamné la France sur ce point, les dispositions de la Directive non transposée étant suffisamment précises et donc d'application immédiate (Cass. com., 3 juin 2014, n° 13-16.744, F-P+B N° Lexbase : A2931MQM). En l'espèce, une société qui acquitte la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) demande le remboursement de cette taxe, faisant valoir que si l'exonération de la taxe des produits énergétiques utilisés pour produire de l'électricité prévue par la Directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 (N° Lexbase : L0826GTR), n'a été adoptée par la France qu'à compter du 1er janvier 2008, l'article 28 de la Directive énonçait que ses dispositions devaient être transposées au plus tard le 31 décembre 2003. La Cour de cassation rejette les prétentions de la contribuable, se fondant sur les arrêts rendus par la CJUE les 14 décembre 1982 et 5 mars 1996 (CJUE, 14 décembre 1982, aff. C-314 à 316/81 et C-83/82 N° Lexbase : A6371AUI et 5 mars 1996, aff. C-46/93 et C-48/93 N° Lexbase : A8049AYR), selon lequel les particuliers qui se prévalent d'une non- conformité de la législation d'un Etat membre aux dispositions communautaires tiennent leurs droits non pas de l'arrêt en manquement mais des dispositions de droit communautaire ayant un effet direct dans l'ordre juridique interne. Or, si la même Cour a condamné, dans son arrêt du 29 mars 2007 (CJUE, 29 mars 2007, aff. C-388/06 N° Lexbase : A7811DUT), la France pour n'avoir pas transposé dans le délai la Directive précitée, elle n'a pas invalidé la législation française concernant la TIPP. De plus, l'article 14 de la Directive, qui exonère de la taxe les produits énergétiques et l'électricité utilisés pour produire de l'électricité est précis et inconditionnel, de sorte qu'à l'expiration du délai de transposition, les particuliers pouvaient invoquer directement ce dispositif. En conséquence de cela, le délai de prescription permettant de contester le régime français n'a pas couru depuis la décision du juge de l'UE, mais depuis la fin du délai de transposition de la Directive. En outre, la Haute juridiction relève que la Cour de justice a jugé, par un arrêt du 15 septembre 1998 (CJUE, 15 septembre 1998, aff. C-231/96 N° Lexbase : A1833AWS), qu'un délai national de recours de trois ans qui court à compter de la date du paiement des impositions constituait un délai raisonnable qui n'empêchait pas l'exercice du droit de recours fondé sur une éventuelle contrariété avec les dispositions communautaires. En conséquence, le délai de prescription français est valable au regard du droit de l'Union .

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QPC

[Chronique] QPC : évolutions procédurales récentes - Janvier à Mars 2014

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N2573BUT

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par Mathieu Disant, Maître de conférences HDR à l'Ecole de droit de la Sorbonne Université Paris I Panthéon Sorbonne

Le 12 Juin 2014

La question prioritaire de constitutionnalité est à l'origine d'une jurisprudence abondante du Conseil constitutionnel comme du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation. Cette chronique trimestrielle, rédigée par Mathieu Disant, Maître de conférences HDR à l'Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris I), membre du Centre de recherche en droit constitutionnel (CRDC), chercheur associé au Centre de recherche sur les relations entre le risque et le droit (C3RD), s'attache à mettre en exergue les principales évolutions procédurales de la QPC, les apports au fond du droit étant quant à eux traités au sein de chacune des rubriques spécialisées de la revue. Le premier trimestre de l'année 2014 signe, de façon sensible, un nombre ascendant de QPC. Ce regain témoigne, si besoin en était, d'un enracinement profond et durable de la procédure dans notre système juridique. Sur la période considérée, le Conseil d'Etat et la Cour de cassation ont analysé respectivement plus de cinquante et plus de cent demandes de renvoi. Le Conseil constitutionnel a quant à lui tranché vingt-cinq QPC (dont dix après jonction).

Parmi les affaires qui retiennent l'attention, on notera, car cela est susceptible de concerner par analogie ou par extension de nombreuses professions règlementées, que les peines disciplinaires instituées par l'article 3 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945, relative à la discipline des notaires et de certains officiers ministériels (N° Lexbase : L7650IGG), constituent bien des sanctions ayant le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1372A9P) (Cons. const., décision n° 2014-385 QPC du 28 mars 2014 N° Lexbase : A9892MHT). L'interdiction temporaire a indiscutablement une finalité répressive (la suspension provisoire peut quant à elle être analysée comme une mesure de sûreté). Il ressort implicitement de la position du Conseil qu'aucun principe constitutionnel n'impose une durée maximale à cette peine disciplinaire.

La décision n° 2014-375 et autres QPC du 21 mars 2014 (N° Lexbase : A2583MH7) mérite aussi d'être relevée. Il y est fait application de la jurisprudence constitutionnelle relative aux confiscations et aliénations opérées dans le cadre d'une procédure pénale. Cela conduit à une déclaration de non-conformité s'agissant du régime de saisie des navires utilisés pour commettre des infractions en matière de pêche maritime.

Symptomatique des QPC "en chaîne" et de l'importance que revêt le contrôle juridictionnel de constitutionnalité, la décision n° 2013-367 QPC du 14 février 2014 (N° Lexbase : A2429MEP) est la septième décision du Conseil constitutionnel sur l'hospitalisation sans consentement, dont le paysage juridique a été fortement redessiné sous l'empreinte du juge constitutionnel. Cette décision concerne la prise en charge en unité pour malades difficiles des personnes hospitalisées.

Dans le même esprit, on relèvera la multiplication des QPC sur les procédures de saisine d'office d'une juridiction, et l'affinement de la jurisprudence constitutionnelle en la matière. Le Conseil s'est penché sur la saisine d'office du tribunal pour l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire (Cons. const., décision n° 2013-368 QPC du 7 mars 2014 N° Lexbase : A3292MGZ). Il a prononcé la censure, en raison de l'absence de garanties législatives suffisantes, de la saisine d'office du tribunal pour la résolution d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire (Cons. const., décision n° 2013-372 QPC du 7 mars 2014 N° Lexbase : A3294MG4).

I - Champ d'application

A - Normes contrôlées dans le cadre de la QPC

Dans sa décision n° 2013-363 QPC du 31 janvier 2014 (N° Lexbase : A3531MD7), le Conseil constitutionnel rappelle que ne peut être contestée devant lui, par la voie d'une QPC, un arrêt rendu par la Cour de cassation qui refuse de renvoyer une QPC. Cette décision s'impose clairement dès lors que les décisions de rejet de la Cour de cassation et Conseil d'Etat ne peuvent faire l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel. A défaut d'être surprenante, cette position conduit à s'interroger sur l'opportunité de maintenir le caractère irrévocable des décisions de non-renvoi, en particulier pour défaut de caractère sérieux. Nous renvoyons sur ce point à nos précédentes chroniques.

La Cour de cassation refuse de renvoyer une QPC qui, "sous couvert d'une prétendue atteinte à la Constitution qui serait portée par un texte de loi ou par son application jurisprudentielle ancienne et constante [...] ne tend qu'à contester l'application de cette jurisprudence à des circonstances particulières de fait" (Cass. civ. 3, 6 février 2014, n° 13-22.073, F-D N° Lexbase : A9200MD4). Cette solution repose sur l'objet et la nature de la QPC : le contrôle abstrait d'une disposition législative, et non le contrôle concret de l'application de la loi. Ce dernier relève de l'office du juge de droit commun.

Une affaire intéressante permet de dissocier inconstitutionnalité négative et contrôle de l'omission de la loi. Est jugée irrecevable une QPC invoquant le fait que l'absence de disposition législative rendant effectif le principe invoqué constituerait une violation de ce principe (Cass. crim., 11 février 2014, n° 13-87.396, F-P+B+I N° Lexbase : A0668MEH). Une telle QPC ne conteste pas une disposition législative, ni même une loi en tant qu'elle ne prévoit pas, mais vise tout bonnement l'absence de loi. Qu'on l'approuve ou non, cette dernière action, en l'état du droit constitutionnel français, ne rentre pas dans le champ de l'article 61-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5160IBQ).

B - Normes constitutionnelles invocables

1 - Notion de "Droits et libertés que la Constitution garantit"

Alors qu'il a implicitement constitutionnalisé, en décembre dernier, le principe de "confiance légitime" dans le cadre du contrôle a priori (1), le Conseil constitutionnel a admis dans la foulée l'invocabilité de ce principe -plus exactement de cette nouvelle interprétation- dans le cadre de la QPC. Il en a fait une première application dans sa décision n° 2014-386 QPC du 28 mars 2014 (N° Lexbase : A9893MHU). Cette évolution concerne la protection des situations légalement acquises et protection constitutionnelle conférée à l'espérance légitime : "il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions" ; "ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles" ; "en particulier, il ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations".

Plusieurs décisions méritent l'attention en raison de leurs apports, avérés ou potentiels, quant à la protection des droits et libertés garantis par la Constitution.

Dans sa décision n° 2013-360 QPC du 9 janvier 2014 (N° Lexbase : A0728KT7), le Conseil constitutionnel a été saisi pour la première fois de griefs dénonçant l'infériorité de droits reconnus aux femmes. Il a placé son contrôle, non sur l'article 1er de la Constitution (N° Lexbase : L0827AH4), mais sous la double référence à l'article 6 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1370A9M) et au troisième alinéa du Préambule de 1946. Ce choix signifie que le contrôle de la conformité à la Constitution des différences de traitement instituées entre les hommes et les femmes ne correspond ni au contrôle habituel en matière de respect du principe d'égalité, opéré sur le seul fondement de l'article 6 de la Déclaration de 1789, ni à l'interdiction des discriminations, laquelle prohiberait absolument toute règle traitant différemment les femmes et les hommes. Il en ressort un contrôle renforcé : non seulement la différence de traitement instaurée par le législateur doit être fondée sur une différence de situation ou doit poursuivre un but d'intérêt général, l'une ou l'autre devant être en lien direct avec l'objet de la loi, mais cette différence ne doit pas être injustifiée au regard des exigences de l'article 6 de la Déclaration de 1789 et du troisième alinéa du Préambule de 1946.

La décision n° 2013-370 QPC du 28 février 2014 (N° Lexbase : A0449MGQ) concernant l'exploitation numérique des livres indisponibles a donné au Conseil constitutionnel l'occasion de retoucher légèrement la rédaction du considérant de principe relatif à la protection de la propriété intellectuelle. Il faut retenir que "les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont connu depuis 1789 une évolution caractérisée par une extension de son champ d'application à des domaines nouveaux et, notamment, à la propriété intellectuelle ; que celle-ci comprend le droit, pour les titulaires du droit d'auteur et de droits voisins, de jouir de leurs droits de propriété intellectuelle et de les protéger dans le cadre défini par la loi et les engagements internationaux de la France". Cela étant, la portée de la protection ne paraît pas modifiée par cette retouche.

Dans sa décision n° 2014-386 QPC du 28 mars 2014, à propos de la dotation globale de fonctionnement attachée aux transferts de compétence à la collectivité de Saint-Barthélemy, le Conseil constitutionnel a été appelé à opérer, de façon inédite, un contrôle du respect des exigences constitutionnelles résultant des articles 72 (N° Lexbase : L0904AHX) et 72-2 (N° Lexbase : L8824HBG) de la Constitution pour une collectivité régie par l'article 74 (N° Lexbase : L0906AHZ) de la Constitution.

2 - Normes constitutionnelles exclues du champ de la QPC

Pour la première fois, le Conseil constitutionnel a jugé que le grief tiré de la méconnaissance du domaine du législateur organique pour fixer le statut d'une collectivité de l'article 74 de la Constitution ne peut être invoqué à l'appui d'une QPC (Cons. const., décision n° 2014-386 QPC du 28 mars 2014). Cette solution s'inscrit dans une jurisprudence bien établie qui écarte du champ de l'article 61-1 de la Constitution le grief tiré de l'empiètement par le législateur sur le domaine organique (2). La règle est claire : les règles de compétence ne sont pas en elles-mêmes susceptibles d'être considérées comme des droits ou libertés que la Constitution garantit invocables en QPC. La circonstance que la réserve de compétence organique soit fondée sur l'article 74 est donc sans conséquence sur le plan de la recevabilité du grief en contentieux QPC. Ce qui n'était pas si évident, au fond, compte tenu de la matière en cause : l'équilibre des compétences fiscales et la répartition des ressources financière à l'égard d'une collectivité disposant d'une autonomie renforcée.

Dans cette affaire, le Conseil constitutionnel a écarté une argumentation habile consistant à s'inspirer du raisonnement retenu dans sa jurisprudence sur l'incompétence négative du législateur. Rappelons que celle-ci est invocable en QPC en tant qu'elle affecte, par elle-même, un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Cette construction peut-elle être transposée à l'empiètement du législateur sur le domaine de compétence de la loi organique lorsque cet empiètement porte atteinte au statut d'autonomie d'une collectivité de l'article 74 ? Le Conseil l'a écartée.

II - Procédure devant les juridictions ordinaires

1 - Notion de "question nouvelle"

Indépendamment du fait qu'elle ne retient pas une lecture alternative des critères de la nouveauté et du sérieux, la Cour de cassation a jugé nouvelle deux questions qu'elle a transmises au Conseil constitutionnel.

D'une part, une question portant sur la conformité d'une disposition législative (instituant une servitude légale) au regard du Préambule de la Charte de l'environnement (Cass. civ. 3, 5 mars 2014, n° 13-22.608, FS-P+B N° Lexbase : A1824MGN). Cette QPC, jugée par ailleurs sérieuse sur le terrain des articles 1 à 4 de la Charte, permettra de clarifier un peu plus la portée normative de ces dispositions.

D'autre part, une question portant sur des dispositions issues d'une loi référendaire, en l'occurrence celle du 9 novembre 1998, portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie (Cass., soc., 20 février 2014, n° 13-20.702, FS-P+B N° Lexbase : A7751MES). Il s'agit là de permettre au juge constitutionnel de trancher une question de droit et de fixer lui-même son éventuelle compétence sur un sujet relancé, ce qui supposerait un revirement de jurisprudence fort peu probable (3). La démarche de sollicitation du juge constitutionnel authentique via l'appréciation du caractère nouveau doit être approuvée.

2 - Transmission automatique

Le Conseil constitutionnel peut être saisi sans décision de renvoi de l'une des deux juridictions suprêmes visées par l'article 61-1 de la Constitution. Cela s'est produit dans l'affaire n° 2013-363 QPC du 31 janvier 2014 (N° Lexbase : A3531MD7). Il a statué sur la QPC qui lui a été automatiquement transmise, faute pour la Cour de cassation d'avoir respecté le délai de trois mois qui lui était imparti pour se prononcer. Il s'agit d'une application de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 23-7 de l'ordonnance du 7 novembre 1958. Il ne s'agit pas d'un cas de figure inédit et plus tout à fait exceptionnel : il s'est déjà produit dans l'affaire n° 2011-206 QPC du 16 décembre 2011 (N° Lexbase : A2902H8Y), à l'occasion de laquelle la Cour de cassation avait, comme dans la présente QPC, constaté son désistement. En outre, dans l'affaire n° 2012-283 QPC du 23 novembre 2012 (N° Lexbase : A4205IXZ), c'est le greffe du Conseil d'Etat qui avait directement transmis, sans que ne soit expressément constaté le dépassement du délai. Cela étant, on relèvera que la QPC n° 2013-363 porte sur une disposition législative (limitant le droit d'appel des jugements correctionnels par la partie civile) que la Cour de cassation avait à plusieurs reprises refusé de soumettre au Conseil constitutionnel, pour défaut de sérieux ! Du coup, par un biais indirect de contrôle du filtre, le Conseil constitutionnel s'est trouvé à examiner une QPC dont la transmission avait été jusqu'alors refusée, il a même opéré pleinement son contrôle en soulevant d'office un grief ! L'honneur est sauf, la disposition ayant été jugée conforme à la Constitution...

III - Procédure devant le Conseil constitutionnel

A - Organisation de la contradiction

1 - Mesures d'instruction

Sans que cela ne soit formellement prévu dans le règlement de procédure, le Conseil constitutionnel peut solliciter une mesure d'instruction de nature à l'éclairer, notamment, sur l'application de la disposition législative contestée (4). C'est une pratique bien acquise du contentieux constitutionnel, qui illustre à la fois son caractère inquisitorial et le besoin d'expertise qu'il requiert. Le Conseil constitutionnel l'inscrit parfaitement dans la logique du contradictoire : la réponse est enregistrée et communiquée à l'ensemble des autorités et parties. Il s'agit le plus souvent de demander au gouvernement des éléments statistiques.

Ainsi, dans l'affaire n° 2013-366 QPC du 14 février 2014 (N° Lexbase : A2428MEN), à la demande du Conseil, ont été produites des évaluations chiffrées afin de déterminer le volume des contentieux en cause et les enjeux financiers ayant motivé la validation législative des délibérations des syndicats mixtes instituant le "versement transport". La réalité et la précision des évaluations -comme elles peuvent toujours l'être dans ce type de matière- ont été discutées par la partie requérante. La suspicion n'épargne que rarement les évaluations effectuées par celui qui est aussi le "défenseur" de la loi. Quoi qu'il en soit, ces documents ne sont pas rendus publics, ni même directement visés dans la décision. Ils intègrent la formule générale "pièces produites et jointes au dossier" mentionnée dans les visas.

A cet égard, la décision n° 2014-375 et autres QPC du 21 mars 2014 mérite une attention particulière. Elle concerne le régime de saisie des navires utilisés pour commettre des infractions en matière de pêche maritime. La mesure ordonnée par le Conseil constitutionnel a permis d'établir que le nombre de saisies de navires ou de cautionnement en cours est très faible. Ce constat a manifestement influencé le choix d'une application immédiate de la censure. En outre, le Conseil semble vouloir entourer ce type de sollicitation d'une transparence minimale. Il a réservé une mention inédite dans ses visas, faisant état des "observations complémentaires produites par le Premier ministre à la demande du Conseil constitutionnel pour les besoins de l'instruction".

2 - Interventions devant le Conseil constitutionnel

Comme souligné lors de précédentes chroniques, les observations en intervention des tiers à l'occasion d'une QPC transmise au Conseil constitutionnel sont de plus en plus courantes, ce qui témoigne du caractère abstrait et d'intérêt collectif de l'examen que le Conseil opère et, dans le même temps, suscite. Il en est ainsi, par exemple, de l'intervention volontaire de l'association "SOS soutien ô sans papiers" dans l'affaire n° 2013-360 QPC du 9 janvier 2014 (N° Lexbase : A0728KT7), concernant la perte de la nationalité française par acquisition d'une nationalité étrangère, ou de l'intervention d'une association dans l'affaire n° 2013-367 QPC du 14 février 2014 (N° Lexbase : A2429MEP), relative à la prise en charge en unité pour malades difficiles des personnes hospitalisées sans leur consentement.

On notera également les nombreuses interventions dans l'affaire n° 2013-363 QPC du 31 janvier 2014 (N° Lexbase : A3531MD7), relative au droit d'appel des jugements correctionnels par la partie civile, et plus encore celles du Groupement des autorités responsables de transport, d'un syndicat mixte de transport, ainsi que de deux sociétés par actions simplifiées dans l'affaire n° 2013-366 QPC du 14 février 2014 (N° Lexbase : A2428MEN). Dans cette dernière affaire, une partie intervenante a invoqué un nouveau grief.

Tout en contestant les mêmes dispositions, l'intervenant admis dans l'affaire n° 2013-361 QPC du 28 janvier 2014 (N° Lexbase : A0538MDB), concernant les droits de mutation pour les transmissions à titre gratuit entre adoptants et adoptés, se trouvait dans une situation différente du requérant. Cette intervention a ainsi permis au Conseil d'examiner sous un autre l'angle la rupture d'égalité invoquée.

B - Réserves d'interprétation

Dans sa décision n° 2013-371 QPC du 7 mars 2014 (N° Lexbase : A3293MG3), le Conseil rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne doit pas dépasser le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues (5). A titre complémentaire, il précise qu'il appartient aux autorités administratives compétentes de veiller au respect de cette exigence. Ce qui l'a conduit à poser une réserve à la conformité d'une disposition concernant la majoration de la contribution supplémentaire à l'apprentissage, dont le caractère de punition a été relevé.

Plus originale est la réserve d'interprétation formulée par le Conseil dans sa décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2014. S'agissant d'une loi de validation, le Conseil précise que les dispositions en cause ne sauraient permettre que soient prononcées des sanctions à l'encontre des personnes ayant violé les dispositions validées antérieurement à la publication de la loi de validation. Cette réserve se fonde sur le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions, alors même que la loi de validation produit nécessairement des effets rétroactifs.

C - La décision du Conseil constitutionnel et ses effets

1 - Application immédiate aux instances en cours

Dans sa décision n° 2013-360 QPC du 9 janvier 2014 (N° Lexbase : A0728KT7), concernant la perte de nationalité française par acquisition d'une nationalité étrangère, le Conseil a déclaré contraires à la Constitution les mots "du sexe masculin" figurant à l'article 9 de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945, portant code de la nationalité française. Tout en précisant que cette déclaration d'inconstitutionnalité était immédiatement applicable, y compris dans les affaires en cours, le Conseil a limité la portée rétroactive de cette déclaration d'inconstitutionnalité en lui conférant un effet relatif. Le droit d'invoquer l'inconstitutionnalité s'est ainsi trouvée limitée, dans des conditions assez complexes.

Dans sa décision n° 2013-362 QPC du 6 février 2014 (N° Lexbase : A5825MD4), prononçant une censure ciblée d'une disposition relative à la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision, les effets de sa censure se trouvent limités par le caractère récent de la disposition législative. Mais le Conseil a précisé que la déclaration d'inconstitutionnalité ne peut être invoquée à l'encontre des impositions définitivement acquittées et qui n'ont pas été contestées avant la date de la publication de la décision. C'est une limitation sensible de l'effet immédiat. On retrouve ici une préoccupation particulièrement présente en matière fiscale, qui consiste à éviter l'effet d'aubaine susceptible de résulter de la censure (6).

Dans la décision n° 2013-368 QPC du 7 mars 2014 (N° Lexbase : A3292MGZ), le Conseil a jugé que la déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la date de la publication de la décision et qu'elle est applicable à tous les jugements d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire rendus postérieurement à cette date. On retrouve là, dans l'exact prolongement de sa jurisprudence récente, les mêmes limitations que celles qui avaient été retenues dans les déclarations d'inconstitutionnalité de dispositions qui contenait, dans un champ comparable, une règle identique.

On observe une même démarche s'agissant des dispositions concernant les procédures de saisine d'office d'une juridiction. Ainsi, dans l'affaire n° 2013-372 QPC du 7 mars 2014 (N° Lexbase : A3294MG4), le Conseil a jugé que la déclaration d'inconstitutionnalité est applicable à tous les jugements statuant sur la résolution d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire rendus postérieurement à la décision. On relèvera, au titre d'une application de la chose interprétée, qu'il n'est plus rare qu'en cette matière les tribunaux fassent une application générale de la jurisprudence constitutionnelle en matière de saisine d'office.

Dans sa décision n° 2014-375 et autres QPC du 21 mars 2014 concernant le régime de saisie des navires utilisés pour commettre des infractions en matière de pêche maritime, le Conseil a estimé que l'application immédiate de la déclaration d'inconstitutionnalité n'était pas de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives. Il a donc fait le choix de faire produire ses effets à la déclaration d'inconstitutionnalité de ces articles à compter de la date de la publication de sa décision. Ce qui signifie qu'elle est applicable aux affaires nouvelles, ainsi qu'aux affaires non jugées définitivement à cette date.

2 - Articulation avec le contrôle de conventionalité de la loi

La décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2014 mérite une attention toute particulière. Elle signe un aboutissement de la jurisprudence constitutionnelle en matière de contrôle des validations législatives, dans le sens d'une mise en correspondance avec le contrôle exercé sur le terrain de la Convention européenne des droits de l'Homme. L'influence de la jurisprudence européenne avait conduit à un rapprochement sensible des critères de contrôle sur le terrain de la garantie des droits. L'articulation des contrôles trouve désormais un point de convergence clairement établi par le revirement de jurisprudence que constitue la décision n° 2013-366 QPC. La modification consiste dans le remplacement de la référence à un "intérêt général suffisant" par la référence à l'exigence que l'atteinte aux droits des personnes résultant de la loi de validation soit justifiée par un "motif impérieux d'intérêt général". Ce faisant, le Conseil constitutionnel a entendu expressément souligner l'exigence de son contrôle : le contrôle des lois de validation qu'il assure sur le fondement de l'article 16 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L1363A9D) a la même portée que le contrôle assuré sur le fondement des exigences qui résultent de la CEDH. Il en résulte que le Conseil renforce son contrôle des lois de validations et, plus largement, sa maîtrise de la validité de la loi. Il prévient également le risque de divergence en la matière à l'égard d'un contrôle de conventionnalité parallèle ou postérieur à la QPC. Derrière les mots, il reste à affiner l'interprétation, qui pourrait être plus ou moins convergente, de ce qui relève d'un "impérieux" motif d'intérêt général... Dans l'affaire n° 2013-366 QPC, celui-ci réside dans la volonté du législateur de mettre fin à une incertitude juridique, source d'un abondant contentieux, et à éviter de nombreuses réclamations.


(1) Cons. const., décision n° 2013-682 DC du 19 décembre 2013 (N° Lexbase : A6536KRI), cons. n° 14.
(2) Cons. const., décision n° 2012-241 QPC du 4 mai 2012 (N° Lexbase : A5659IKS).
(3) Notre ouvrage, Droit de la question prioritaire de constitutionnalité, Lamy, 2011, spéc. p. 46.
(4) Sur ce point, notre ouvrage, Droit de la question prioritaire de constitutionnalité, op. cit., spéc. pp. 273-274.
(5) Voir not. Cons. const., décision n° 2013-341 QPC du 27 septembre 2013 (N° Lexbase : A8221KL3) et nos obs., QPC : évolutions procédurales récentes : juillet à septembre 2013, Lexbase Hebdo n° 308 du 14 novembre 2013 (N° Lexbase : N9326BTL).
(6) Déjà, voir Cons. const., décision n° 2013-351 QPC du 25 octobre 2013 (N° Lexbase : A4369KN7).

newsid:442573

Recouvrement de l'impôt

[Brèves] QPC : l'imputation des frais de garantie de recouvrement constitués par un contribuable qui conteste un redressement uniquement sur les intérêts moratoires à l'exclusion des intérêts de retard est contraire à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2014-400 QPC du 6 juin 2014 (N° Lexbase : A0200MQH)

Lecture: 2 min

N2575BUW

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Le 12 Juin 2014

Aux termes d'une décision rendue le 6 juin 2014, le Conseil constitutionnel invalide l'alinéa 3 de l'article L. 209 du LPF (N° Lexbase : L7620HEX), qui prévoit que le montant des frais engagés par le contribuable pour la constitution des garanties propres à assurer le recouvrement des impôts qu'il conteste est imputable sur les intérêts moratoires que le contribuable devra régler à l'Etat en cas de rejet de sa contestation, mais pas sur les intérêts de retard (Cons. const., décision n° 2014-400 QPC du 6 juin 2014 N° Lexbase : A0200MQH). En effet, le retard de paiement d'une imposition donne notamment lieu à l'application d'intérêts moratoires, prévus par l'article L. 209 du LPF, ou d'intérêts de retard en vertu de l'article 1727 du CGI (N° Lexbase : L0141IW7). Ces majorations ont pour objet la compensation du préjudice subi par l'Etat du fait du paiement tardif des impôts. Or, le législateur n'a prévu la possibilité d'imputer les frais de constitution de garantie engagés par le contribuable pour garantir le paiement de l'impôt en cas de rejet de sa contestation que sur les intérêts moratoires, et pas sur les intérêts de retard. Après avoir constaté que le législateur a ainsi traité différemment des contribuables qui, à l'occasion de la contestation d'une imposition, ont constitué des garanties pour obtenir un sursis de paiement de l'imposition contestée, et que cette différence de traitement est sans lien avec l'objectif qu'il poursuit, les Sages de la rue de Montpensier déclarent l'alinéa 3 de l'article L. 209 du LPF contraire au principe d'égalité devant la loi, et donc à la Constitution. La conséquence d'une application immédiate de cette décision serait de priver les contribuables, qui sont en cours d'instance, de la possibilité d'imputer leurs frais de garantie de recouvrement sur les intérêts moratoires. Le Conseil décale donc la date de prise d'effet de l'inconstitutionnalité de l'article au 1er janvier 2015. Allant même plus loin, et souhaitant probablement guider le législateur dans la voie qu'il aura à adopter à la suite de cette décision, les Sages décident qu'à partir de la date de leur décision, et jusqu'au 1er janvier 2015, les frais de garantie de recouvrement sont imputables sur les intérêts moratoires et sur les intérêts de retard .

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Rel. collectives de travail

[Brèves] Le rôle de l'employeur au cours du processus électoral des organisations syndicales

Réf. : Cass. soc., 4 juin 2014, n° 13-60.238, FS-P+B (N° Lexbase : A2834MQZ)

Lecture: 2 min

N2606BU3

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Le 21 Juin 2014

L'employeur, qui est informé par une fédération de sa volonté de déposer une liste de candidats aux lieux et place des organisations syndicales qui lui sont affiliées, peut, sans saisir un tribunal, tirer les conséquences de cette décision et ne pas retenir les candidatures déposées par les syndicats affiliés. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 4 juin 2014 (Cass. soc., 4 juin 2014, n° 13-60.238, FS-P+B N° Lexbase : A2834MQZ).
En l'espèce, un protocole préélectoral avait été signé en vue du renouvellement des institutions représentatives du personnel au sein d'un établissement régional de Pôle emploi. Les syndicats départementaux Force ouvrière des organismes sociaux divers et divers avaient déposé une liste de candidatures en vue de ce scrutin et le même jour, la Fédération des employés et cadres FO avait, à son tour, déposé une liste de candidatures. Par une requête du 26 décembre 2012, l'un des syndicats départementaux avait saisi le tribunal d'instance afin d'obtenir que soit prise en compte la liste déposée par lui-même et les autres syndicats départementaux. Le scrutin s'était déroulé le 12 mars 2013, et par quatre requêtes en date du 27 mars 2013, les syndicats départementaux avaient saisi le tribunal afin qu'il prononce l'annulation de ce scrutin.
Le tribunal d'instance avait annulé les élections, au motif que Pôle emploi avait refusé d'afficher et de diffuser les listes déposées par les syndicats départementaux en invoquant les instructions très claires de la Fédération, s'agissant de déterminer qui était qualifié pour déposer les listes de candidats. Rappelant que si l'employeur ne peut se départir d'une attitude de neutralité au cours du processus électoral et ne doit tenir compte d'aucune instruction émanant des parties et ne peut en aucun cas se faire juge de la validité des candidatures présentées, il doit cependant les contester devant le juge d'instance, le tribunal en avait déduit qu'en ne le faisant pas, ce comportement avait nécessairement eu une influence sur les résultats du scrutins, de sorte qu'il constituait une irrégularité de nature à entraîner la nullité des élections.
La fédération s'était alors pourvue en cassation.
La Haute juridiction casse le jugement au visa des articles L. 2314-24 (N° Lexbase : L3759IBT) et L. 2324-22 (N° Lexbase : L3759IBT) du Code du travail. Le tribunal d'instance ayant constaté que l'employeur avait été informé par la fédération de sa volonté de déposer une liste de candidats aux lieu et place des organisations syndicales qui lui étaient affiliées, ce dont il résultait que l'employeur pouvait, sans saisir un tribunal, tirer les conséquences de cette décision et ne pas retenir les candidatures déposées par les syndicats départementaux, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés (cf. l’Ouvrage Droit du travai" N° Lexbase : E1606ETN).

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