Jurisprudence : CA Douai, 28-09-2012, n° 10/00659



ARRÊT DU
28 Septembre 2012
N° 1602/12
RG 10/00659
TV/SLO
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAMBRAI
en date du
26 Février 2010
(RG 09/28 -section 5)
NOTIFICATION
à parties
le 28/09/12
Copies avocats
le 28/09/12
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'hommes-

APPELANT
SA C.M.D.
CAMBRAI
Représentée par Me Vincent CALAIS (avocat au barreau de LILLE)
INTIMÉ
M. Patrick Y
ESCAUDOEUVRES
Représenté par Me DEMESTEERE substituant Me Patrick Y (avocat au barreau de SAINT QUENTIN)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Vincent VERGNE
PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Thierry VERHEYDE CONSEILLER
Hervé BALLEREAU CONSEILLER
GREFFIER lors des débats Stéphanie LOTTEGIER
DÉBATS à l'audience publique du 26 Juin 2012
ARRÊT Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2012,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Vincent VERGNE, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Saisi par M. Patrick Y et deux autres salariés d'une contestation relative à une discrimination syndicale à leur encontre de la SA C.M.D., le conseil de prud'hommes de Cambrai, par jugement en date du 26 février 2010, auquel il y a lieu de se reporter pour l'exposé des faits et des prétentions et moyens antérieurs des parties, a
- déclaré recevable la demande de M. Patrick Y ;
- 'constaté' l'existence d'une discrimination syndicale ;
- condamné la SA C.M.D. à payer à M. Patrick Y les sommes supplémentaires suivantes
* 129.000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale;
* 1.600 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- dit que les condamnations prononcées emportaient intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- débouté la SA C.M.D. de ses demandes reconventionnelles ;
- condamné la SA C.M.D. aux dépens.
La SA C.M.D. a fait appel de ce jugement le 15 mars 2010.
Par arrêt du 23 novembre 2010, la Cour avait transmis à la cour de cassation les deux questions prioritaires de constitutionnalité posées par la SA C.M.D..

Par arrêt du 15 février 2011, la chambre sociale de la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu à transmettre au Conseil constitutionnel ces questions prioritaires de constitutionnalité.
L'affaire est revenue devant la Cour à l'audience des débats du 1er mars 2011. Par arrêt avant dire droit en date du 15 avril 2011, la Cour a
' ordonné une expertise, qui sera commune pour les affaires enrôlées devant la Cour sous les numéros de RG 10-657, 10-659 et 10-661, et désigné M. Ignace ... en qualité d'expert avec pour mission
- de se faire remettre copie par la SA C.M.D. de tout bulletin de paye, contrat de travail, document professionnel quel qu'il soit, à la date de leur embauche et pour la période postérieure au 17 mai 2002, de l'ensemble des salariés énumérés par les demandeurs dans leurs conclusions, à savoir Mmes et MM. ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., ... (pour M. Patrick Y) ; NIGOT, LEROY, DELAVALLE. ZURAWSKl (pour M. Patrick Y) ; Pascal BEGARD (pour M. Jean-Christophe ...) ;
- de se faire remettre copie par la SA C.M.D. de tout bulletin de paye, contrat de travail, document professionnel quel qu'il soit, à la date de leur embauche et pour la période postérieure au 17 mai 2002, de l'ensemble des salariés relevant de la catégorie professionnelle des demandeurs, appréciée par référence à la fonction exercée ou par référence au niveau de coefficient, à la date de leur embauche, au 1er janvier 2003, et au 1er janvier 2009 ;
- d'établir des tableaux comparatifs expurgés de toutes informations nominatives (sauf en cas d'accord des salariés concernés pour la divulgation de ces informations) concernant les niveaux de rémunération, coefficients, et fonctions exercées par M. Patrick Y et les salariés énumérés dans ses conclusions, et plus généralement les salariés relevant de sa catégorie professionnelle, au 1er janvier de chaque année entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2009 ;
- de donner son avis sur l'évolution des rémunérations et des qualifications professionnelles de M. Patrick Y comparée à celle de ses collègues à ancienneté et qualification équivalentes, sur l'existence ou non des différences quelles qu'elles soient, et, le cas échéant, sur les raisons de ces différences, sous une forme qui préserve le droit au respect de la vie privée des salariés de la société CMD ;
' dit que l'expert devra déposer son rapport d'expertise au plus tard dans le délai de 9 mois à compter du jour où il aura accepté sa mission, ce dont il informera le greffe de la cour d'appel ;
' fixé à 5.000 euros le montant de la consignation à valoir sur la rémunération de l'expert et mis cette consignation à la charge de la SA C.M.D. ;
' réservé les dépens.
L'expert a déposé son rapport définitif, daté du 9 février 2012.
L'affaire est revenue à l'audience de la Cour du 26 juin 2012.
La SA C.M.D. demande à la Cour d'infirmer en sa totalité le jugement du conseil des prud'hommes de CAMBRAI du 26 février 2010 et, statuant à nouveau de
- constater que l'action engagée par le demandeur se heurte pour partie à la prescription quinquennale des salaires édictée par l'article L.3245-1 du Code du Travail ;
- dire que l'appréciation d'une éventuelle discrimination liée à l'exercice de mandats de représentation du personnel et d'une activité syndicale ne peut être légalement constatée pour une période antérieure au 19 mai 2002, date d'effet de la dernière loi d'amnistie des fautes et sanctions disciplinaires et professionnelles ;
- débouter le demandeur de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner le demandeur au paiement de l'euro symbolique de dommages et intérêts à raison des imputations diffamatoires formulées par lui à l'égard de la Direction de CMD ;
- condamner le demandeur au paiement d'une somme de 3.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamner le demandeur solidairement avec les deux autres demandeurs aux dépens, sous déduction d'une somme de 8.191 euros correspondant aux deux tiers des frais d'expertise dont la société CMD accepte d'assumer la charge définitive, soit une somme de 4.200 euros payable à ladite société à titre de remboursement d'avance des frais d'expertise.
Pour l'exposé des moyens de la SA C.M.D., il y a lieu de se reporter à ses conclusions en réponse visées par le greffe dont le contenu a été repris oralement lors des débats devant la Cour à l'audience du 26 juin 2012.

De son côté, M. Patrick Y demande à la Cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement frappé d'appel et de
- condamner la SA CMD à lui payer la somme de 129.242 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, outre la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- condamner enfin la Société CMD aux entiers dépens, en ce compris de coût de l'expertise judiciaire qu'elle a sollicitée, et qui s'élèvent à la somme de 12.391 euros.
Pour l'exposé des moyens de M. Patrick Y, il y a lieu de se reporter à ses conclusions après expertise visées par le greffe dont le contenu a été repris oralement lors des débats devant la Cour à l'audience du 26 juin 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la discrimination syndicale
L'article L. 2141-5 du code du travail dispose que
'Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.'
L'article L. 1134-1 du même code dispose que
'Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'
L'expert a réalisé les tableaux comparatifs demandés par la Cour et ces tableaux sont repris aux pages 43 à 66 de son rapport. L'exactitude des informations contenues dans ces tableaux n'est remise en cause par aucune des parties.
Procédant à l'analyse de ces tableaux, et sur la base des chiffres contenus dans ceux-ci, M. Patrick Y et les deux autres salariés également concernés ont eux-mêmes élaborés 4 autres tableaux qui sont les suivants, précision étant donnée que pour ces tableaux, les chiffres apparaissant aux lignes " + forte ", " + faible ", " médiane " et " moyenne " ont été calculés au vu des chiffres mentionnés pour les autres salariés, à l'exclusion de Messieurs Y, ... et ...
Analyse des taux d'augmentation de rémunération figurant au tableau 2.1 du rapport d'expertise ( exprimés en %)

Entre le 01/01/2003 et le 01/01/2004
Entre le 02/01/2004 et le 01/01/2005
Entre le 02/01/2005 et le 01/01/2006
Entre le 02/01/2006 et le 01/01/2007
Entre le 02/01/2007 et le 01/01/2008
Entre le 02/01/2008 et le 01/01/2009
Entre le 02/01/2009 et le 31/12/2009
+ faible
3,15
2,01
2,01
0,61
1,81
1,11
1
+ forte
13,52
6,38
5,59
13,06
7,62
9,44
4,30
Médiane
8,33
4,20
3,80
6,84
4,72
5,28
2,65
Moyenne
5,13
2,81
2,70
3,55
4,22
4,32
1,51
M.
BEGARD
3,70
4,13
2,53
2,59
3,50
6,51
1
M.
Y
3,41
2,01
2,53
2,37
8,33
2,64
Retraite au
30/09/08
NON CONCERNE
M.
POIRIER
3,66
2,02
2,53
2,59
10,37
9,04
1

Analyse des taux d'augmentation de rémunération figurant au tableau 2.2 du rapport d'expertise ( exprimés en %)

Entre le 01/01/2003 et le 01/01/2004
Entre le 02/01/2004 et le 01/01/2005
Entre le 02/01/2005 et le 01/01/2006
Entre le 02/01/2006 et le 01/01/2007
Entre le 02/01/2007 et le 01/01/2008
Entre le 02/01/2008 et le 01/01/2009
Entre le 02/01/2009 et le 31/12/2009
+ faible
2,68
2,01
2,01
0,61
2,08
1,31
1
+ forte
10,86
6,38
5,59
13,06
7,62
9,44
4,3
Médiane
6,77
4,20
3,80
6,84
4,85
5,38
2,65
Moyenne
4,92
2,98
2,87
3,81
4,72
4,30
1,65

3,70
4,13
2,53
2,59
3,50
6,51
1

M.
BEGARD



Analyse des taux d'augmentation de rémunération figurant au tableau 2.3 du rapport d'expertise ( exprimés en %)

Entre le 01/01/2003 et le 01/01/2004
Entre le 02/01/2004 et le 01/01/2005
Entre le 02/01/2005 et le 01/01/2006
Entre le 02/01/2006 et le 01/01/2007
Entre le 02/01/2007 et le 01/01/2008
Entre le 02/01/2008 et le 01/01/2009
Entre le 02/01/2009 et le 31/12/2009
+ faible
2,79
2,02
2,01
0,61
1,81
1,11

+ forte
13,52
5,42
5,59
9,95
7,29
8,83

Médiane
8,155
3,72
3,80
5,28
4,55
4,97

Moyenne
5,73
2,86
2,87
3,27
3,61
4,25

M.
Y
3,41
2,01
2,53
2,37
8,33
2,64
Retraite au
30/09/08
NON CONCERNE

Analyse des taux d'augmentation de rémunération figurant au tableau 2.4 du rapport d'expertise ( exprimés en %)

Entre le 01/01/2003 et le 01/01/2004
Entre le 02/01/2004 et le 01/01/2005
Entre le 02/01/2005 et le 01/01/2006
Entre le 02/01/2006 et le 01/01/2007
Entre le 02/01/2007 et le 01/01/2008
Entre le 02/01/2008 et le 01/01/2009
Entre le 02/01/2009 et le 31/12/2009
+ faible
3,25
2,01
2,01
0,61
2,08
1,31
1
+ forte
10,86
5,53
5,59
9,95
8
8,25
4,24
Médiane
7,055
3,77
3,80
5,28
5,04
4,78
2,62
Moyenne
4,98
3,23
3,11
4,21
2,95
2,23
1,44
M.
POIRIER
3,66
2,02
2,53
2,59
10,37
9,04
1

Ces tableaux constituent les annexes 1 à 4 du dire daté du 24 janvier 2012 transmis par l'avocat de M. Patrick Y à l'expert. Ce dernier, dans sa note en expertise n° 2 datée du 26 janvier 2012, et sur ces annexes, a précisé (au point 2.2 de sa note intitulé 'attendus développés en réponse par l'expert') qu'il n'avait pas d'observation particulière à formuler 'principalement au motif que s'il formulait des observations et/ou des remarques celles-ci pourraient être considérées comme 'dire le droit' et/ou comme allant au-delà de la mission confiée à l'expert'. Il a repris ces annexes au dire daté du 24 janvier 2012 en annexe 16 de son rapport d'expertise.

Ces annexes ont également été intégrées dans les conclusions de M. Patrick Y.
Les chiffres qui y ont été mentionnés n'ont fait l'objet, en ce qui concerne leur exactitude matérielle, d'aucune critique particulière de la part de la SA C.M.D..
Or, s'agissant de M. Patrick Y, il résulte du premier et du troisième de ces tableaux qu'à l'exception de l'année 2007, le taux d'augmentation de sa rémunération a toujours été inférieur au taux moyen et au taux médian (ce taux médian étant visiblement calculé comme étant la moyenne arithmétique entre le taux d'augmentation le plus faible et le taux d'augmentation le plus fort) de celui des autres salariés du panel de comparaison.
M. Patrick Y fait observer à juste titre qu'il résulte du courrier daté du 29 novembre 2011 envoyé par le directeur adjoint du pôle travail de l'unité territoriale du Nord-Valenciennes à l'expert que les services de l'inspection du travail de Cambrai avaient été saisis en juillet 2007 par des organisations syndicales d'une demande d'enquête relative à des discriminations subies par des salariés de la SA C.M.D..
Il résulte par ailleurs d'un courrier daté du 15 septembre 2007 envoyé par M. Patrick Y à la SA C.M.D. que dès cette date, cette dernière avait été avisée de plaintes pour discrimination syndicale à l'encontre de ce dernier et des deux autres délégués syndicaux CFDT concernés, à savoir M. Patrick Y et M. Jean-Christophe ....
la SA C.M.D. était à nouveau saisie de ces plaintes et de demandes de réparations chiffrées précises par l'avocat de ces trois salariés par courrier daté du 25 juin 2008.
La Cour ne peut que constater, avec M. Patrick Y, que le taux d'augmentation de sa rémunération n'est devenu supérieur à la moyenne de celui des autres salariés du panel de comparaison que postérieurement au déclenchement de l'enquête de l'inspection du travail sur les faits de discrimination syndicale dénoncés par M. Patrick Y et ses deux collègues délégués syndicaux.
Par ailleurs, l'expert a conclu que l'évolution des coefficients attribués à M. Patrick Y et à ses deux collègues a été 'a minima' et que 'leur révision aurait pu être plus rapide et plus franche principalement au regard des nouveaux embauchés'.
Pour combattre la présomption de discrimination syndicale qui résulte suffisamment de ce qui vient d'être exposé, la SA C.M.D. prétend que les différences constatées s'expliquent par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, à savoir, d'une part, les évolutions technologiques dans son domaine d'activité, qui l'ont conduite à embaucher des jeunes techniciens supérieurs titulaires de diplômes et d'une expertise dans les nouveaux métiers de l'entreprise, et, d'autre part, le fait qu'en application de l'accord national de classification de la métallurgie, la détention de diplômes donne automatiquement accès à son titulaire à un coefficient déterminé.
Cependant cette explication n'est guère convaincante au regard de la situation particulière de M. Patrick Y, dès lors que les évolutions technologiques en question avaient commencé avant la période de comparaison examinée par l'expert (la SA C.M.D. ayant d'ailleurs précisé qu'elle privilégie l'embauche de techniciens supérieurs du fait de l'évolution des technologies 'depuis une vingtaine d'année') et que, surtout, il ne peut qu'être constaté que le taux d'augmentation de la rémunération de M. Patrick Y est soudainement devenu en 2007 le plus élevé par rapport aux autres salariés dont la situation a été comparée par l'expert à la sienne, alors que son coefficient au moment de son départ en retraite en octobre 2008 et depuis 2002 était de 305, après avoir été de 285 depuis fin 1982, l'augmentation soudaine de sa rémunération étant donc intervenue seulement après le déclenchement de l'enquête de l'inspection du travail et la plainte directe auprès de l'employeur sur les faits de discrimination syndicale dénoncés par M. Patrick Y et ses deux collègues délégués syndicaux, M. ..., dont le coefficient est passé à 305 en mars 2008, alors qu'il était à 285 depuis 1995, et M. ..., qui a bénéficié d'un changement de coefficient fin décembre 2008, à compter de 2009, son coefficient passant de 255, où il était depuis 1990, à 270.
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que M. Patrick Y a bien été victime de discrimination syndicale au moins pour la période de comparaison qui a pu être examinée par l'expert, soit pour la période postérieure au 17 mai 2002. Pour la période antérieure, et ainsi que la Cour l'avait déjà expliqué dans son arrêt avant dire droit ordonnant l'expertise, les différentes lois d'amnistie promulguées en 1981, 1988, 1995 et 2002 interdisent à la SA C.M.D. de faire état des éventuelles sanctions disciplinaires qui auraient pu être infligées à M. Patrick Y pendant la période couverte par ces lois d'amnistie et qui auraient pu, le cas échéant, expliquer de manière objective la différence de traitement avec d'autres salariés, le fait que M. Patrick Y allègue ne pas avoir fait l'objet de telles sanctions étant insuffisant pour permettre de considérer ce fait comme établi puisque la SA C.M.D. est dans l'impossibilité légale de pouvoir le contester le cas échéant.
Sur la réparation du préjudice subi du fait de la discrimination syndicale
En application de l'article L. 2145-8 du Code du travail, M. Patrick Y est en droit d'obtenir réparation du préjudice subi par lui du fait de la discrimination syndicale dont il a été victime depuis le 17 mai 2002, en violation de l'article L. 2145-1 du même Code.
Au titre de cette réparation, M. Patrick Y est en droit d'obtenir notamment son repositionnement au coefficient auquel il aurait pu prétendre s'il avait bénéficié d'un déroulement normal de sa carrière depuis cette date, c'est-à-dire un déroulement non entravé par la discrimination syndicale.
S'agissant d'une réparation à titre de dommages-intérêts et non pas d'un rappel de salaire, la prescription quinquennale soulevée par la SA C.M.D. ne s'applique pas.
M. Patrick Y revendique à cet égard d'une part la somme de 129.242 euros sur la base du coefficient 335 de juin 1989 à décembre 1995, puis 395 à compter de 1996 et jusqu'à son départ en retraite majoré de 30 % au titre de l'incidence sur les droits à retraite, l'assiduité et l'ancienneté, outre des dommages-intérêts complémentaires pour préjudice moral.
S'il résulte des pièces produites aux débats par M. Patrick Y que le coefficient de 305 auquel il était positionné depuis 2002 et auquel il est resté positionné jusqu'à son départ en retraite en octobre 2008 ne correspond pas exactement à la réalité des fonctions d'animateur sécurité qu'il exerçait depuis 1996, il résulte par ailleurs des pièces produites aux débats par la SA C.M.D., et notamment de l'attestation précise et circonstanciée datée du 23 septembre 2010 établie par M. Michel ..., directeur des ressources humaines de la SA C.M.D. depuis le 1er janvier 1989, que les responsabilités exercées réellement par M. Patrick Y n'étaient pas aussi importantes que ce dernier l'allègue.
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les fonctions exercées par M. Patrick Y justifiaient son positionnement au coefficient 335.
Par conséquent, à titre de réparation de son préjudice de carrière, consécutif à la discrimination syndicale dont il a été victime, la SA C.M.D. sera tenue de lui payer le rappel de salaires sur la base du coefficient 335 à compter du 17 mai 2002 et jusqu'à fin septembre 2008, étant précisé que ce rappel de salaire inclut nécessairement l'incidence au niveau des droits à la retraite, outre la somme de 3.000 euros au titre du préjudice moral
Sur les autres demandes
Compte tenu de la solution du litige, la SA C.M.D. sera déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts et de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile, les dépens, qui comprendront le coût total de l'expertise, seront mis à sa charge, et il sera fait droit à la demande de M. Patrick Y fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur de la somme de 3.000 euros.
DÉCISION DE LA COUR
' confirme le jugement frappé d'appel en ce qu'il a dit que M. Patrick Y a été victime de discrimination syndicale ;
' le réforme pour le surplus et, statuant à nouveau
- condamne la SA C.M.D. à payer à M. Patrick Y
* à titre de réparation du préjudice subi du fait de la discrimination syndicale, le rappel de salaires sur la base du coefficient 335 à compter du 17 mai 2002 et jusqu'à fin septembre 2008, outre la somme de 3.000 euros (trois mille euros) au titre du préjudice moral ;
* 3.000 euros (trois mille euros) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- déboute M. Patrick Y du surplus de ses demandes et la SA C.M.D. de ses demandes reconventionnelles ;
- condamne la SA C.M.D. aux dépens de première instance et d'appel, qui comprendront le coût total de l'expertise judiciaire.
Le Greffier, Le Président, S. LAWECKI V. VERGNE

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