Lexbase Affaires n°344 du 27 juin 2013 : Sociétés

[Textes] Révision du code Afep/Medef de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées : présentation des nouveautés

Réf. : Code Afep/Medef de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées, révisé en juin 2013

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition affaires

le 02 Juillet 2013

L'Afep et le Medef ont publié, le 16 juin 2013, une version révisée du code de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées. Résultat d'un travail engagé depuis plus d'un an et d'une large consultation, la révision du code de gouvernement d'entreprise s'inscrit dans un processus de codification initié en 1995 et régulièrement actualisé depuis lors, notamment en 2007, 2008 et 2010. Elle répond également à l'abandon par le Gouvernement d'une intervention législative sur l'encadrement des rémunérations des dirigeants de grandes entreprises. En effet, le ministre de l'Economie et des Finances, Pierre Moscovici, avait annoncé dans un entretien accordé au journal Les Echos, le 24 mai 2013 qu'"il n'y aura pas de projet de loi spécifique sur la gouvernance des entreprises", en contrepartie de quoi la présidente du Medef, Laurence Parisot, et le président de l'Afep, Pierre Pringuet, s'étaient engagés à présenter rapidement un renforcement ambitieux de leur code de gouvernance. La France dispose aujourd'hui du code de gouvernance le plus complet et le plus exigeant de tous les pays européens. Cette révision s'inscrit parfaitement dans l'évolution des règles de la gouvernance d'entreprise, que connaissent depuis une vingtaine d'années les pays occidentaux, évolution qui s'est traduite à travers l'autorégulation, davantage que par l'adoption de règles réellement contraignantes : la soft law, plutôt que la hard law. Souplesse de la règle, responsabilisation des acteurs professionnels et adaptabilité de la norme sont autant d'atouts de la soft law, auxquels la gouvernance d'entreprises est particulièrement sensible.
Le code Afep/Medef "version 2013" va vers plus de transparence, de responsabilité et de contrôle. Si les règles qu'il édicte ne sont pas contraignantes, chacun sait que toutes les sociétés concernées tendent à se plier à ses exigences et que parce que les grandes sociétés sont souvent prises comme modèles par des structures plus modestes, nombreuses sont celles qui, non visées par le code, appliquent ses préconisations car une gouvernance renforcée est souvent synonyme de performances optimisées. Nous vous proposons donc une présentation des principales nouveautés que contient le code Afep/Medef nouvelle version.
  • L'introduction du "say on pay"

Le "say on pay" est la pratique consistant à consulter les actionnaires sur la rémunération individuelle des dirigeants mandataires sociaux.

Il s'agit d'une des mesures phares du nouveau code Afep/Medef.

En l'état du droit, les assemblées générales d'actionnaires sont d'ores et déjà appelées à voter sur certains éléments des rémunérations versées aux dirigeants-mandataires sociaux. Elles statuent par un vote a priori sur les enveloppes globales des jetons de présence, des actions gratuites et des stock-options attribués aux dirigeants. Elles se prononcent par un vote a posteriori sur les indemnités de départ et les retraites-chapeau qui leur sont consenties, conformément au régime des conventions réglementées (C. com., art. L. 225-38 N° Lexbase : L5909AIP et s., pour les SA de type moniste ; C. com., art. L. 225-86 N° Lexbase : L5957AIH et s, pour les SA de type dualiste). En revanche, la rémunération fixe et la rémunération variable (sous forme de bonus) qui sont versées aux dirigeants sont déterminées par le conseil d'administration ou de surveillance -ou des comités de rémunération-, et ne sont pas soumises à l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires. Ce n'est pas le cas dans certains pays. Ainsi, aux Etats-Unis, en application de la loi dite "Dodd-Frank", les sociétés cotées dont la capitalisation boursière excède 75 millions de dollars (soit environ 58 millions d'euros) doivent soumettre les politiques de rémunération de certains de leurs dirigeants au vote consultatif de l'assemblée générale des actionnaires depuis le 21 janvier 2011. En Europe, le Royaume-Uni est le premier pays à avoir institué le "say on pay", en soumettant les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux au vote consultatif de l'assemblée générale des actionnaires dès 2002. La Suède (en 2006), la Norvège (en 2007), la Belgique et l'Allemagne (en 2011) ont suivi le mouvement initié par le Royaume-Uni, optant également pour un "say on pay" consultatif. En 2004, les Pays-Bas ont en revanche choisi de soumettre chaque année les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux au vote contraignant de l'assemblée générale des actionnaires.

Si l'introduction du "say on pay" dans cette révision du code Afep/Medef était actée avant sa publication, dès lors que le Gouvernement en faisait une condition du recours à la soft law, le caractère consultatif ou contraignant du vote restait un paramètre inconnu. Il sera consultatif.

En effet, le nouvel article 24.3 prévoit que le conseil doit présenter à l'assemblée générale ordinaire annuelle la rémunération des dirigeants mandataires sociaux. Cette présentation porte sur les éléments de la rémunération due ou attribuée au titre de l'exercice clos à chaque dirigeant mandataire social :
- la part fixe ;
- la part variable annuelle et, le cas échéant, la partie variable pluriannuelle avec les objectifs contribuant à la détermination de cette part variable ;
- les rémunérations exceptionnelles ;
- les options d'action, les actions de performance et tout autre élément de rémunération de long terme ;
- les indemnités liées à la prise ou à la cessation des fonctions ;
- le régime de retraite supplémentaire ;
- les avantages de toute nature.

Cette présentation est suivie d'un vote consultatif des actionnaires. Il est recommandé de présenter au vote des actionnaires une résolution pour le directeur général ou le président du directoire et une résolution pour le ou les directeurs généraux délégués ou les autres membres du directoire. Lorsque l'assemblée générale ordinaire émet un avis négatif, le conseil, sur avis du comité des rémunérations, délibère sur ce sujet lors d'une prochaine séance et publie immédiatement sur le site internet de la société un communiqué mentionnant les suites qu'il entend donner aux attentes exprimées par les actionnaires lors de l'assemblée générale.

  • Le renforcement du "comply or explain"

Les sociétés cotées sur un marché réglementé ont la faculté de se référer à un code de gouvernance, mais, le cas échéant, une obligation d'expliquer pourquoi elles ne le font pas, et si elles ont choisi de se référer à un code de gouvernance, elles ont alors une obligation d'expliquer pourquoi elles n'en appliquent pas certaines recommandations. Il s'agit là de l'adaptation, en droit français, du principe "comply or explain" issu du droit anglo-saxon. Cette règle était déjà présente dans la précédente version du code de gouvernance Afep/Medef. Toutefois récemment, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a déploré une certaine "standardisation" des justifications qui sont apportées par les sociétés cotées sur les changements de structure de leur gouvernance, en application du principe "appliquer ou s'expliquer", le gendarme boursier estimant "qu'elles devraient être plus précises et adaptées à la situation particulière de la société".

Dans cette perspective le code Afep/Medef modifié prévoit que l'explication en cas de non application d'une recommandation du code doit être circonstanciée et adaptée à la situation particulière de la société ; elle doit indiquer les mesures alternatives adoptées le cas échéant. Les cas de non application et les explications afférentes doivent figurer dans une rubrique ou un tableau spécifique du rapport annuel (article 25.1).

  • La mise en place d'un Haut Comité de gouvernement d'entreprise

Afin de s'assurer de l'application effective de la règle fondamentale de gouvernement d'entreprises "comply or explain", est prévue la constitution par l'Afep et le Medef, d'un Haut Comité de suivi de l'application du code de gouvernement des entreprises (article 25.2).

Les sociétés qui se réfèrent au code doivent adhérer à ce comité.

Il est chargé :

- d'assurer le suivi de l'application des règles posées par le code. A ce titre il peut être saisi par les conseils sur toute disposition ou interprétation liée au code (par exemple la qualité d'administrateur indépendant). Il peut également s'autosaisir s'il constate qu'une société n'applique pas l'une des recommandations du code sans explication suffisante aux fins de saisine du conseil de cette société. Si une société décide de ne pas suivre les recommandations du Haut comité elle doit mentionner dans son rapport annuel/document de référence l'avis de ce dernier et les raisons pour lesquelles elle aurait décidé de na pas y donner suite.

- de proposer des mises à jour du code au regard de l'évolution des pratiques y compris à l'international, des recommandations ou pistes de réflexion de l'AMF ou encore des demandes d'investisseurs.

Le Haut Comité rend public annuellement un rapport d'activité.

Il est composé de sept personnes : quatre personnalités compétentes, exerçant ou ayant exercé des fonctions exécutives dans des groupes de taille internationale, et de trois personnalités qualifiées représentant les investisseurs et/ou choisies pour leurs compétences en matière juridique et de déontologie. Le président est nommé parmi les quatre personnalités exerçant ou ayant exercé des fonctions exécutives. Ces personnalités sont nommées pour une durée de trois ans renouvelable une fois avec la mise en place d'un mécanisme d'échelonnement. Les membres du Haut Comité doivent déclarer leurs mandats d'administrateur dans des sociétés cotées.

  • Le durcissement de la limitation du nombre de mandats pour les dirigeants mandataires

Le cumul des mandats fait traditionnellement l'objet de multiples controverses en raison de son impact supposé sur la qualité du processus décisionnel des entreprises ainsi que sur la perception de rémunérations par le cercle de leurs dirigeants. D'après les statistiques établies par l'Afep et le Medef, que corroborent les chiffres publiés par l'AMF, 48 % des dirigeants mandataires sociaux ne disposent pas d'autres mandats que leurs fonctions exécutives à titre principal ; 21 % d'entre eux exercent au moins trois mandats ; et 10 % au moins quatre mandats. En outre, 83 % des administrateurs exécutifs des sociétés du CAC 40 n'exercent qu'un seul mandat dans le périmètre des sociétés relevant de cet indice. L'AMF recense 74 administrateurs en situation de cumul, 80 % d'entre-eux n'exerçant que deux mandats dans ses sociétés. Seul un administrateur détient cinq mandats dans des sociétés du CAC 40.

Le code de gouvernance dans sa version modifiée, préconise la limitation du nombre de mandats pour les dirigeants mandataires sociaux à deux autres mandats dans des sociétés cotées extérieures au groupe y compris étrangères. Cette limite n'est pas applicable aux mandats exercés par un dirigeant mandataire social dans les filiales et participations détenues seul ou de concert, des sociétés dont l'activité principale est d'acquérir et de gérer de telles participations. Pour les administrateurs, est prévue une limitation à quatre autres mandats dans des sociétés cotées extérieures au groupe y compris étrangères.

  • L'encadrement plus strict des éléments de rémunération

Plusieurs dispositions durcissent l'encadrement des rémunérations des dirigeants mandataires sociaux :

- les rémunérations variables pluriannuelles doivent être plus transparentes et doivent être conditionnées à des résultats en terme de performance ;

- les indemnités de prise de fonction (golden hello) ne doivent pouvoir être accordée qu'à un nouveau dirigeant mandataire social extérieur au groupe et leur montant doit être rendu public au moment de leur fixation ;

- pour les indemnités de départ, la société doit apprécier des conditions de performance sur deux exercices au moins, leur montant ne pouvant en outre excéder deux ans de rémunération, fixe et variable ;

- pour les indemnités de non-concurrence, le conseil doit prévoir une stipulation qui l'autorise à renoncer à la mise en oeuvre de cet accord au moment du départ du dirigeant et leur montant ne peut comme pour les golden parachutes excéder deux ans de rémunération, fixe et variable ;

- les retraites supplémentaires sont plafonnées à 45 % du revenu de référence et une ancienneté de deux ans minimum est exigée pour pouvoir en bénéficier de cette retraite ;

- les dirigeants mandataire sociaux bénéficiaires d'options d'action et/ou d'actions de performance doivent prendre l'engagement formel de ne pas recourir à des opérations de couverture de leur risque tant sur les options que sur les actions issues des levées d'options ou sur les actions de performance et ce jusqu'à la période de conservation fixée par le conseil ;

- concernant les stock-options et les actions de performance, les recommandations relatives aux conditions de performance ainsi que celles relatives aux obligations de conservation des actions issues des levées des options ou des actions de performance sont renforcées.

  • L'inclusion d'un chapitre spécifique sur les administrateurs salariés

Selon les données issues des études réalisées par le cabinet Ernst & Young sur la gouvernance des sociétés cotées, les représentants des salariés ne comptent en moyenne que pour 0,4 % des administrateurs siégeant dans les conseils d'administration. Au sein des entreprises du CAC 40, cette proportion atteint 0,9 %, ce pourcentage tombant à 0,4 % pour les entreprises du SBF 120. Ainsi, on recense 41 administrateurs salariés au sein des entreprises du CAC 40 : 24 représentants des salariés, 17 représentants des actionnaires salariés. La présence aujourd'hui d'administrateurs salariés dans le cadre des conseils s'explique dans la très grande majorité des cas par le choix de la plupart des entreprises appartenant autrefois au secteur public de conserver cette représentation dans l'un de leurs organes dirigeants (ex. : Renaud, France Télécom, EDF, etc.).

Le code Afep/Medef introduit donc un chapitre consacré aux administrateurs salariés, dans lequel il est spécifié que, comme tout administrateur, ils peuvent être désignés par le conseil pour participer à des comités du conseil. De plus, ils bénéficient d'une formation adaptée à l'exercice de leur mandat. S'agissant plus particulièrement du comité des rémunérations, il est conseillé qu'un administrateur salarié soit membre de celui-ci.

On rappellera que la récente loi de sécurisation de l'emploi (loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 N° Lexbase : L0394IXU) a prévu que dans les grandes sociétés (5 000 salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins 10 000 salariés permanents dans la société et ses filiales, directes ou indirectes, dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l'étranger),qui ont pour obligation de mettre en place un comité d'entreprise, il doit être stipulé dans les statuts que le conseil d'administration comprend des administrateurs représentant les salariés qui doivent être au moins deux dans les sociétés dont le nombre d'administrateurs est supérieur à douze et au moins à un s'il est égal ou inférieur à douze (C. com., art. L. 225-27-1 N° Lexbase : L0616IX4 et s. et art. L. 225-79-2 N° Lexbase : L0619IX9 et s.). Sur ce point, soft law et hard law convergent !

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