La lettre juridique n°842 du 5 novembre 2020 : Procédure pénale

[Brèves] Saisies pénales : la communication des pièces de la procédure est reservée au tiers qui justifie être titulaire de droits sur le bien objet de la demande de restitution

Réf. : Cass. crim., 21 octobre 2020, n° 19-87.071, FS-P+B+I (N° Lexbase : A31933YW)

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par Adélaïde Léon

le 04 Novembre 2020

► L’exception préjudicielle fondée sur l’existence de droits réels immobiliers ne peut être admise par les tribunaux répressifs qu’autant qu’elle est présentée par le prévenu et que les titres produits ou les faits invoqués sont de nature à faire disparaître l’infraction ;

Il appartient à la juridiction correctionnelle de renvoyer l’examen de la demande de restitution à une audience ultérieure après avoir statué sur la culpabilité et sur la peine sans que puisse être opposée au tiers requérant l’autorité de la chose jugée de la décision ayant éventuellement ordonné la confiscation, ni que puisse être exécutée cette mesure tant qu’il n’a pas été définitivement statué sur la demande de restitution ;

La juridiction correctionnelle, qui statue sur la requête en restitution d’un objet placé sous main de justice présentée par un tiers, est tenue de s’assurer, si la saisie a été opérée entre ses mains ou s’il justifie être titulaire de droits sur le bien, que lui ont été communiqués en temps utile, les documents de la procédure relatifs à la saisie ;

Ne peut revendiquer la qualité de propriétaire de bonne foi, pour obtenir restitution d’un bien saisi, la société qui fonde sa requête sur un acte juridique dont elle connait le caractère frauduleux.

Rappel des faits. Une personne a été poursuivie devant le tribunal correctionnel des chefs de blanchiment en bande organisée et association de malfaiteurs. Il lui était notamment reproché d’avoir apporté son concours à une opération de blanchiment du produit d’un délit de fraude fiscal, commis par une personne tierce, en organisant l’acquisition, par cette dernière, d’un appartement au moyen de fonds non déclarés à l’administration fiscale, par l’intermédiaire de la société britannique Yewdale Ltd, gérée par le prévenu et la société panaméenne Mochita Holding Corps. (ci-après « MHC ») constituée par la personne tierce susmentionné et ses enfants pour les besoins de l’opération.

L’immeuble avait été acquis par la société Yewdale Ltd. en exécution d’un contrat de mandat conclu avec la société MHC. Par requête, la société MHC a sollicité du tribunal correctionnel la restitution de l’immeuble dont elle alléguait être la propriétaire de bonne foi.

Le tribunal a, par la suite, déclaré le prévenu coupable des faits de blanchiment en bande organisée et association de malfaiteurs. Par un second jugement, la juridiction a rejeté la requête en restitution.

L’intéressé a interjeté appel la décision l’ayant condamné.

La cour d’appel a confirmé le jugement de condamnation ainsi que la peine complémentaire de confiscation.

Les pourvois formés contre cette décision ont été rejetés par la Cour de cassation (Cass. crim., 21 octobre 2020, n° 19-87.190, F-D N° Lexbase : A88743YC).

La société MHC a, par ailleurs, interjeté appel du jugement ayant rejeté sa requête en restitution.

En cause d’appel. La cour d’appel a rejeté la demande de sursis à statuer présentée par MHC fondée sur le fait que son action en revendication immobilière, introduite contre la société Yewdale Ltd, était pendante devant le tribunal de grande instance de Paris. Pour la juridiction d’appel, la société Yewdale Ltd devait être regardée comme l’unique propriétaire de l’immeuble et la procédure diligentée devant le juge de la revendication immobilière ne relevait que des rapports entre elles, nés de leur lien avec les opérations de blanchiment et dont la cour ne devait être tenue tributaire aux fins de pouvoir statuer.

Pour rejeter la requête aux fins de restitution d’un bien placé sous main de justice, la cour d’appel a affirmé que la procédure avait parfaitement établi les infractions de blanchiment commises par le prévenu, que les faits avait été commis notamment au moyen de la société Yewdale Ltd, et portaient entre autres, sur les fonds détenus par la personne ayant constitué MHC, dans le cadre de l’opération concernant l’immeuble dont la restitution est sollicitée et qui a également conduit à la condamnation du représentant légal de MHC dans la même affaire.

La cour d’appel soulignait que l’accord entre les deux sociétés ne pouvait servir à MHC pour revendiquer le bien en justifiant la qualité de propriétaire de bonne foi dès lors que, ayant pour finalité de permettre une opération de blanchiment, ce « fiduciary agreement », dont MHC connaissait l’objectif frauduleux, ne pouvait lui permettre de soutenir sa bonne foi.

Moyens des pourvois. La société MHC critiquait l’arrêt attaqué en ce qu’il avait rejeté la demande de sursis à statuer et, par conséquence, la requête aux fins de restitution d’un bien placé sous main de justice.

Au soutien de son pourvoi, MHC avançait n’avoir pas eu communication de l’entier dossier de la procédure sur lequel elle se fondait. Elle ajoutait que son représentant légal n’avait pas connaissance de l’illicéité de l’acquisition qui avait été conduite par ses enfants.

Enfin, elle arguait que la peine de confiscation de l’appartement avait été prononcée à l’encontre du prévenu, gérant de la société Yewdale Ltd. alors que cet immeuble avait été financé et acquis par la société MHC et que la saisie pénale avait été fondée sur le soupçon de blanchiment de fraude fiscale qu’aurait commis la personne ayant créé la société MHC, sans que ni cette dernière ni sa société n’aient été condamnés ni même poursuivis de ce chef.

Décision de la Cour. La Chambre criminelle rejette le moyen dénonçant le refus de la cour d’appel de faire droit à la demande de sursis à statuer. Elle rappelle à ce titre que l’exception préjudicielle fondée sur l’existence de droits réels immobiliers ne peut être admise par les tribunaux répressifs qu’autant qu’elle est présentée par le prévenu et que les titres produits ou les faits invoqués sont de nature à faire disparaître l’infraction.

S’agissant de la requête en restitution, la Cour rappelle le droit au respect des biens et, dans ce cadre, celui de bénéficier d’une procédure équitable comprenant notamment le droit au caractère contradictoire de l’instance, prévus par l’article 1er du protocole additionnel n°1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L1625AZ9), tel qu’interprété par la CEDH. Elle déduit de ces dispositions que la juridiction correctionnelle, qui statue sur la requête en restitution d’un objet placé sous main de justice présentée par un tiers, est tenue de s’assurer, si la saisie a été opérée entre ses mains ou s’il justifie être titulaire de droits sur le bien, que lui ont été communiqués en temps utile, les documents de la procédure relatifs à la saisie.

Elle ajoute qu’il appartient à la juridiction correctionnelle de renvoyer l’examen de la demande de restitution à une audience ultérieure après avoir statué sur la culpabilité et sur la peine « sans que puisse être opposée au tiers requérant l’autorité de la chose jugée de la décision ayant éventuellement ordonné la confiscation, ni que puisse être exécutée cette mesure tant qu’il n’a pas été définitivement statué sur la demande de restitution. ».

En l’espèce, la Haute juridiction a considéré que la MHC, qui n’était pas détentrice de l’appartement lors de la saisie, n’a pas justifié être titulaire de droits sur cet immeuble. Il n’y avait donc pas lieu de lui communiquer les pièces de la procédure.

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