La lettre juridique n°395 du 20 mai 2010 : Avocats/Institutions représentatives

[Questions à...] Le point de vue d'un Bâtonnier aujourd'hui... René Despieghelaere, Bâtonnier de l'Ordre des avocats du Barreau de Lille

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N1932BPA

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[Questions à...] Le point de vue d'un Bâtonnier aujourd'hui... René Despieghelaere, Bâtonnier de l'Ordre des avocats du Barreau de Lille. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3210858-questions-a-le-point-de-vue-dun-batonnier-aujourdhui-b-rene-despieghelaere-batonnier-de-lordre-des-a
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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

le 07 Octobre 2010

Régulièrement, les éditions juridiques Lexbase se plaisent à donner la parole au Bâtonnier d'un des 181 barreaux qui constituent le maillage ordinal de la profession d'avocat, afin qu'il ou elle évoque, avec nos lecteurs, son point de vue sur l'avenir des professions juridiques et, plus particulièrement, celui sur la profession qui l'anime au quotidien, et ses ambitions pour le barreau dont il ou elle a la charge. Aujourd'hui, rencontre avec... René Despieghelaere, Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Lille.
Lexbase : Quelles sont les spécificités du barreau de Lille ?

René Despieghelaere : Jean-Michel Darrois, qui rencontrait certains Bâtonniers dans le cadre de l'élaboration de son rapport sur les professions du droit, m'a confié qu'il percevait le barreau de Lille comme "disséminé", eu égard à la foultitude des cabinets individuels, qui ignorent les bénéfices du regroupement et "confondent trop souvent solitude et indépendance". Si je ne partage pas totalement ce point de vue, je dois tout de même admettre qu'il y a, dans celui-ci, une part de vrai.

Si nous comptons certains gros cabinets -tels Fidal, Ernst & Young, Landwell, etc.-, et quelques cabinets composés d'une dizaine d'associés et de collaborateurs, la grande majorité des structures à Lille est effectivement individuelle, contrairement à la composition de barreaux équivalents, comme ceux de Lyon et des Hauts-de-Seine qui comptent toutes formes et toutes tailles de structures. Peut-être la proximité avec Paris change-t-elle la donne ?

Cette situation a, en tous les cas, l'avantage de la diversité : nous disposons de tout un panel d'activités et de profils allant de "l'hyper judiciaire" à l'"hyper juridique", avec une référence commune à tous les avocats, celle de l'appartenance à un même barreau. Parmi eux, nous avons, notamment, la chance de bénéficier de la présence d'éminents pénalistes, dont, par exemple, Maître Dupond-Moretti, Maître Berthon ou encore Maître Moyart.

Le barreau de Lille a, enfin, pour spécificité son emplacement géographique. Nous sommes très proches des places de Londres, de Bruxelles ou de Paris. Nous développons les relations inter-régions (en particulier avec le barreau de Bruxelles). Les efforts en ce sens doivent être poursuivis et renforcés. Nous devons exploiter davantage les bénéfices de cet emplacement stratégique.

Lexbase : Le RPVA est-il bien implanté à Lille ?

René Despieghelaere : Dès 2005, le barreau de Lille a signé la convention conclue par le CNB et la Chancellerie et a été désigné comme site pilote, dans le cadre de l'expérimentation du RPVA.

En 2008, le réseau a littéralement "explosé", dès lors que les greffes étaient tout à fait prêts : en fin d'année, toutes les mises en état étaient numérisées. Aujourd'hui, sur un barreau d'environ 960 avocats effectifs, plus de 700 sont inscrits au RPVA. Ce succès s'explique en grande partie par la mobilisation de mon prédécesseur (le Bâtonnier Debosque), qui a multiplié les formations à destination des confrères et de leurs collaborateurs (assistantes, etc.). Il a, également, opté pour l'ouverture de bornes collectives, afin de réduire les coûts pour les confrères, et il a, enfin, progressivement supprimé les équivalents papiers.

J'ai à coeur, au titre de mon mandat, de continuer cette action, d'autant qu'une échéance capitale est fixée : au 1er janvier 2011, la déclaration d'appel avec représentation obligatoire en matière civile devra être faite exclusivement par voie électronique auprès du greffe. Notre objectif est d'atteindre les 100 % d'inscrits à ce moment là. Le barreau de Lille, en tant que site "pré-génération", expérimente, d'ores et déjà, cette nouvelle forme de communication avec la cour d'appel.

Le RPVA est un outil puissant qui a, récemment, été amélioré par le décret du 29 avril 2010 (décret n° 2010-434, relatif à la communication par voie électronique en matière de procédure civile N° Lexbase : L0190IHI), aux termes duquel vaut signature, l'identification réalisée lors de la transmission des actes de procédure dressés par les auxiliaires de justice et transmis aux juridictions par voie électronique. Jusqu'alors, les textes déjà parus ne régissaient que la transmission des actes de procédure et non leur établissement, qui doit nécessairement s'accompagner d'une signature. Le barreau de Lille avait souligné cette lacune.

Cet outil est à même d'offrir une multitude de fonctionnalités. Il ne se réduit, en effet, pas à la mise en état, mais présente, au contraire, tous les avantages d'un réseau. Pour exemple, si l'acte d'avocat doit être créé (ce que nous souhaitons tous), le rôle d'un tel réseau, du point de vue de la conservation des actes et de l'archivage, sera évident.

Lexbase : Le RPVA est une priorité au titre de votre mandat. Quels sont les autres objectifs que vous vous êtes fixés ?

René Despieghelaere : J'ai souhaité placer mon mandat sous le signe des nouvelles technologies, mais aussi sous celui de la communication.

Pour déterminer les moyens qui nous permettraient de communiquer plus efficacement, surtout auprès du public (acteurs de la vie politique, économique et civile), et de casser l'image que l'on nous prête d'"homme du prétoire", nous avons choisi de nous tourner vers un professionnel, l'agence Place aux idées neuves. Celle-ci nous accompagne dans l'élaboration d'une politique de communication pour les cinq prochaines années. L'idée est, notamment, d'envoyer l'avocat à l'extérieur du Palais de justice et de son cabinet.

Nous avons choisi de débuter notre réflexion en nous appuyant sur les sondages effectués auprès de notre barreau. Nous calons nos actions sur les exigences que les questionnaires nous ont permis de percevoir.

Depuis fin novembre 2009, nous éditons un trimestriel intitulé "Avocats Grand Lille " et destiné à nos salles d'attente et aux acteurs économiques. Il nous permet d'informer le public sur les facettes de notre profession et de nous rendre plus accessibles à ses yeux. Edité à l'origine à 5 000 exemplaires, nous avons presque doublé les tirages de ce magazine en moins de trois numéros ! Nous faisons, pour chaque édition, un véritable travail de vulgarisation et nous choisissons de ne pas aborder uniquement des thèmes juridiques, mais de mettre, au contraire, l'accent sur les personnes, leurs loisirs, leurs ambitions, etc..

Toujours dans cette optique de rencontre avec le public, nous avons, également, mis en place les "Rencontres du Barreau", aux cours desquelles un thème est débattu par des avocats, des spécialistes et des acteurs de la vie sociale, économique et politique. Après avoir traité des projets immobiliers au regard du Grenelle de l'environnement et de la liberté au sein de la société numérique, le troisième volet de ces rencontres portera sur la gestation pour autrui et se déroulera le 20 mai de 18h30 à 20h00 à la Faculté des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques de Lille (3 rue du Professeur Laguesse).

Enfin, bien entendu, mon équipe et moi-même avons été fortement absorbés par le projet de réforme de la procédure pénale. Qu'il s'agisse des conditions dans lesquelles se déroulent les gardes à vue en France et de la présence de l'avocat dans le cadre de ces mesures ou de la suppression du juge d'instruction et du maintien du statut du Parquet, les sujets sont tous épineux et les débats difficiles, d'autant que le Garde des Sceaux a posé d'emblée qu'il ne serait pas discuté du statut du Parquet, ni de la suppression du juge d'instruction. Par ailleurs, aucune étude d'impact n'a été réalisée préalablement à l'élaboration de l'avant-projet de loi. La confusion règne donc. Pour exemple, le CNB chiffre à 300 millions d'euros les besoins financiers complémentaires au titre de l'aide juridictionnelle, quand le Gouvernement avance un montant de seulement 150 millions. Nous voici, en fait, partis dans une réforme pour laquelle personne n'est en mesure d'en déterminer le coût.

Partant de ce constat, il nous a semblé impératif de réfléchir sur la situation de l'aide juridictionnelle en France. Outre l'insuffisance des fonds qui lui sont alloués, nous dénonçons le rejet systématique de la part du Gouvernement d'une réelle rémunération de l'avocat au profit d'une indemnisation dérisoire. Comment, dans ces conditions, garantir aux justiciables un réel accès à la justice ? Déjà en 2006, nous avions manifesté pour obtenir une meilleure valorisation des UV. Eu égard à la faible revalorisation consentie, nous considérions avoir plus essuyé un échec que remporté une victoire. Aujourd'hui, notre barreau "repart au front", en prenant l'initiative d'organiser des Etats généraux sur l'aide juridictionnelle, qui se tiendront le 25 juin prochain dans les locaux de la faculté de Lille II ; événement pour lequel nous pouvons compter sur l'appui du CNB et de la Conférence des Bâtonniers.

Lexbase : Sur ce même sujet, pourquoi les avocats lillois ont-ils décidé de suspendre leurs plaidoiries en l'absence de décision d'aide juridictionnelle ?

René Despieghelaere : Cette action s'inscrit dans un contexte particulier. A Lille, nous enregistrons plus de six mois de retard dans le traitement des dossiers au Bureau d'aide juridictionnelle (BAJ) ; retard dû, en grande partie, à un manque significatif de greffiers depuis plusieurs mois. C'est, donc, pour dénoncer cette situation, que les avocats lillois ont refusé de plaider les instances en cours en l'absence de décision d'aide juridictionnelle et que le barreau de Lille, aux côtés du Syndicat des avocats de France, a adressé, le 20 avril dernier, une lettre ouverte au Garde des Sceaux l'alertant de la gravité de la situation.

De telles difficultés, qui sont également connues par de nombreux autres barreaux, ajoutées au désengagement général de l'Etat en matière d'aide juridictionnelle, amènent à s'interroger sur une politique délibérée de la part de celui-ci, afin d'assécher le nombre de dossiers, en ne les traitant pas dans les délais raisonnables. La question se pose légitimement, quand on sait que le montant de l'aide est calculé en fonction du nombre de dossiers traités en N-1.

Notre action semble, toutefois, porter ses fruits : la première présidente de la cour d'appel de Douai, Dominique Lottin, vient d'annoncer l'arrivée de deux nouveaux greffiers, en vue d'un retour à un délai normal de traitement des dossiers d'ici juin. La situation reste délicate.

Lexbase : Que pensez-vous du "barreau de région" ?

René Despieghelaere : Tout d'abord, il ne faut pas confondre le barreau de région avec le barreau de cour, tel que préconisé dans le rapport "Darrois".

L'idée d'un barreau de région répond essentiellement à une réalité économique. La question du découpage resterait à trancher. Soit l'on raisonne à l'échelon des cours d'appel au nombre de 33 et l'on décide de créer autant de barreaux de région, soit on en institue 22, pour les 22 régions administratives françaises.

Une fois que cette question sera réglée, je préconise, en termes de gouvernance, une élection commune pour les membres du conseil de l'Ordre, ainsi que l'élection d'un vice-Bâtonnier au niveau de chaque tribunal de grande instance. Celui-ci serait membre de droit du conseil de l'Ordre. Le Bâtonnier régional serait élu au suffrage universel (soit, par le vote de tous les avocats de la région). Les Bâtonniers de région siègeraient nécessairement au sein du CNB et/ou tout autre Ordre national. Bien entendu, eu égard à l'ampleur de ses tâches, un tel Bâtonnier de région devrait nécessairement être rémunéré.

Certains barreaux (de taille plus ou moins modeste) redoutent l'hégémonie des personnalités issues des "grands barreaux". J'aime rappeler que le Bâtonnier Leleu, ancien président du CNB, est ancien Bâtonnier du barreau de Béthune. Ce n'est pas une ville que l'on porte à la tête d'une région, mais bien une personne.

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