La lettre juridique n°243 du 11 janvier 2007 : Recouvrement de l'impôt

[Jurisprudence] Sursis de paiement, prescription de l'action en recouvrement et solidarité fiscale des dirigeants

Réf. : Cass. com., 31 octobre 2006, n° 04-15.497, M. Jean-Pierre X (N° Lexbase : A1922DSY) ; CE 9° et 10° s-s-r., 6 novembre 2006, n° 262821 (N° Lexbase : A2868DSZ) et n° 287940 (N° Lexbase : A2901DSA)

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par Mohand Ouidja, Avocat au Barreau de Versailles

le 07 Octobre 2010

Aux termes de l'article de L. 274 du LPF (N° Lexbase : L3884ALG), les comptables du Trésor qui ne font aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription. Ces actes comprennent, notamment, les avis de mise en demeure, les avis à tiers détenteur, les actes introductifs d'instance, les reconnaissances de dettes et versements d'acomptes. C'est dans le prolongement de ces principes que la Chambre commerciale de la Cour de cassation vient une nouvelle fois de préciser, dans un arrêt du 31 octobre 2006, la portée de ces dispositions au regard de la solidarité fiscale des dirigeants sociaux (1). Cet arrêt précède ceux du Conseil d'Etat confirmant les effets de la suspension du paiement de l'impôt sur la prescription de l'action en recouvrement (2).
1. La prescription de l'action en recouvrement du Trésor au regard de la solidarité fiscale des dirigeants

Aux termes de l'article L. 267 du LPF (N° Lexbase : L3699HBM), "Lorsqu'un dirigeant d'une société, d'une personne morale ou de tout autre groupement, est responsable des manoeuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal de grande instance".

Au visa de cette disposition, la Cour de cassation vient de préciser dans un arrêt rendu le 31 octobre 2006 (Cass. com., 31 octobre 2006, n° 04-15.497, M. Jean-Pierre X c/ Receveur principal des impôts de Montpellier Ouest)., que la suspension ou l'interruption de l'action ouverte à l'encontre du dirigeant sur le fondement de l'article L. 267 du LPF est sans effet sur la prescription de l'action en recouvrement à l'encontre de la société.

En l'espèce, l'acte suspensif consistait en un sursis à statuer que le dirigeant avait obtenu devant le juge judiciaire pour lui permettre de faire trancher une question préjudicielle tenant à l'exigibilité de l'impôt devant le juge administratif.

Pour ce qui concerne l'acte interruptif, il s'agissait du versement par ce même dirigeant au receveur de l'intégralité du prix de vente de parcelles de terre lui appartenant.

Cet arrêt semble revêtir une importance stratégique pour le dirigeant.

En effet, en matière de solidarité fiscale, ces derniers ont souvent intérêt à orienter le débat devant les juridictions administratives. Cette procédure leur permet de continuer à faire courir le délai de prescription de l'action en recouvrement de l'impôt. Ainsi, si le juge administratif tranche la question de l'établissement de l'impôt après l'expiration du délai de prescription de l'action en recouvrement, le dirigeant assigné pourrait opposer cette prescription devant le juge judiciaire afin de contester la solidarité fiscale qu'on entend lui imposer.

Dans une précédente décision, la Cour de cassation semblait implicitement reconnaître ce principe. Ainsi, dans un arrêt en date du 8 juillet 1997 (Cass. com., 8 juillet 1997, n° 95-16.757, Directeur général des impôts et autres c/ époux Marin N° Lexbase : A1926ACC), elle considérait que si le principe de solidarité devait être établi par une décision de justice avant que la dette fiscale de la société ne soit prescrite, il n'était pas nécessaire que cette décision soit définitive.

Dans l'arrêt rendu le 31 octobre 2006, la Cour de cassation rejette la demande du receveur principal des impôts de Montpellier Ouest en estimant que les actes interruptifs ou suspensifs de prescription du dirigeant n'ont aucun effet sur la prescription de l'action engagée à l'encontre du débiteur principal, la société.

L'administration fiscale doit donc s'assurer que le délai de prescription de l'exigibilité de sa créance est suffisant pour engager la responsabilité du dirigeant devant le tribunal de grande instance. Et ce d'autant que ce délai de quatre ans ne semble pas dépasser ceux qui seraient consécutifs à des instances successives engagées devant les juridictions administratives.

Au besoin, elle devra régulariser auprès du débiteur principal (la société) un acte interruptif d'instance avant de délivrer une assignation au dirigeant. Cette hypothèse s'avérait, toutefois, délicate dans la mesure où la responsabilité solidaire des dirigeants intervient en période de liquidation judiciaire.

Les actes interruptifs devraient donc intervenir avant le jugement de clôture des opérations de liquidation.

De son côté, et au visa de cet arrêt du 31 octobre 2006, le dirigeant assigné sur le fondement de l'article L. 267 du LPF semble avoir un intérêt manifeste à soulever la question de l'établissement de la créance fiscale consécutive à sa prétendue responsabilité solidaire devant les juridictions administratives.

2. Les effets de la suspension du paiement de l'impôt sur la prescription de l'action en recouvrement

Aux termes de l'article L. 277 du LPF, alinéa 1 (N° Lexbase : L8537AEW), le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge peut, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, être autorisé à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. Le sursis de paiement ne peut être refusé au contribuable que s'il n'a pas constitué auprès du comptable les garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor.

L'alinéa 3 du même article dispose que l'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent.

C'est sur le fondement de cette disposition que le Conseil d'Etat précise dans un arrêt du 6 novembre 2006 (CE 9° et 10° s-s-r., 6 novembre 2006, n° 262821, M. et Mme Quach Thai Hoa) que le délai de prescription de l'action du contribuable est suspendu à l'égard du comptable mis dans l'impossibilité d'agir à raison du sursis de paiement dont bénéficie le contribuable qui en a fait la demande dans le délai légalement applicable.

En l'espèce, les requérants entendaient se prévaloir d'actes suspensifs d'instance pour opposer la prescription de l'action en recouvrement du Trésor.

Le Conseil d'Etat a rejeté cette argumentation en intégrant la suspension de la prescription consécutive à leur demande de sursis au paiement. Cette jurisprudence est conforme à celle de la Cour de cassation qui, dans un arrêt récent (Cass. com., 31 janvier 2006, n° 03-16.777, FS-P+B N° Lexbase : A6456DM3), considère que le délai de prescription de l'action en recouvrement du comptable public cesse de courir à son encontre à compter de la demande de sursis de paiement, même si celle-ci n'est assortie d'aucune offre de garanties ni suivie d'aucune invitation de sa part à l'intention de l'auteur de la demande de sursis de paiement à constituer ces garanties.

La suspension de la prescription de l'action en recouvrement n'est, toutefois, pas acquise lorsqu'un recours devant le tribunal administratif a été introduit de façon tardive. En effet, les recours entrepris devant le juge de l'impôt suspendent cette prescription.

Toutefois, dans un autre arrêt du 6 novembre 2006 (CE 9° et 10° s-s-r., 6 novembre 2006, n° 287940, M. Cavigneaux), le Conseil d'Etat considère que la requête introduite par le contribuable devant le tribunal administratif ne suspend le délai de prescription, que pour autant qu'elle a été elle-même formée dans le délai fixé par l'article R. 199-1 du LPF (N° Lexbase : L6054AEX), soit de façon générale, dans le délai de deux mois à compter du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation.

Le contribuable a donc tout intérêt à saisir le juge de l'impôt même hors délai.

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