Réf. : Cass. civ. 3, 10 novembre 2021, n° 20-19.372, FS-B (N° Lexbase : A45217B3)
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 18 Novembre 2021
► L’absence d’agrément des conditions de paiement du sous-traitant par le maître d’ouvrage ouvre droit à la résiliation du contrat ;
► à peine de nullité du sous-traité, sauf délégation du maître d’ouvrage au sous-traitant, l’entrepreneur principal doit garantir le paiement de toutes les sommes dues au sous-traitant par une caution personnelle et solidaire ;
► mais, lorsque le sous-traitant choisit de ne pas mettre en œuvre ces sanctions, le contrat de sous-traitance doit recevoir application.
Afin d’assurer la protection du sous-traitant, réputé en situation de faiblesse économique, la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 (N° Lexbase : L5127A8E) a instauré de nouvelles règles dont un système efficace de garanties de paiement de l’intégralité des sommes dues par l’entrepreneur au sous-traitant, prévu en son article 14. Deux garanties de paiement, alternatives, sont, en effet, offertes au sous-traitant : la caution et la délégation du maître d’ouvrage. L’absence de fourniture, par l’entrepreneur, de l’une de ces deux garanties principales est lourdement sanctionnée par la nullité du sous-traité (pour exemple, Cass. civ. 3, 14 septembre 2017, n° 16-18.146, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6555WR9). Malgré cela, 81 % des sous-traitants sont payés par l’entrepreneur principal sans que celui-ci, dans la plupart des cas, n’ait obtenu de caution (H. Périnet-Marquet, Droit de la construction et de l’urbanisme, Montchrétien, 11ème éd. 2017, n° 874).
Parallèlement à ce premier cas de sanction drastique, s’ouvre un autre cas, dont les modalités sont moins évidentes dans leur mise en œuvre. À la nullité du sous-traité, s’ouvre la faculté de résiliation unilatérale lorsque le sous-traitant n’aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître d’ouvrage, en application de l’article 3 de cette même loi.
Mais, pour éviter que ces dispositions soient détournées de leur fin protectrice, la jurisprudence est venue apporter certaines limites à la mise en œuvre de ces sanctions comme l’atteste l’arrêt rapporté.
En l’espèce, une SCI maître d’ouvrage conclut un contrat de promotion immobilière avec un constructeur en vue de la réalisation d’un ensemble commercial sur un terrain lui appartenant. Le contractant général sous-traite une partie des travaux. Une garantie de paiement est délivrée en application de l’article 1799-1 du Code civil (N° Lexbase : L2667IX3), sous la forme d’un cautionnement prenant fin au 31 mars 2011. Dans le courant du mois de mars, le sous-traitant met en demeure l’entreprise principale de lui confirmer la prolongation de la caution jusqu’au règlement définitif de son marché ainsi que de la prise en charge des travaux supplémentaires réalisés.
Faute de réponse satisfaisante, le sous-traitant suspend ses prestations mais l’entreprise principale riposte et résilie son marché.
La cour d’appel de Toulouse, dans un arrêt rendu le 17 février 2020, considère que la résiliation est abusive. La suspension des travaux par le sous-traitant faute pour celui-ci de disposer d’un cautionnement valable garantissant l’exécution de la fin du chantier ne constitue pas un abandon de chantier.
La Haute juridiction censure. Si le sous-traitant n’use pas de la faculté de résiliation unilatérale qui lui est ouverte par l’article 13 de la loi susvisée et n’invoque pas la nullité de son contrat sur le fondement de l’article 14 de cette même loi, le contrat doit recevoir application.
Il faut y voir une forme de justice. Soit le sous-traitant souhaite sanctionner l’entreprise principale et il actionne les sanctions légales, soit il ne le souhaite pas et doit alors poursuivre normalement l’exécution de son contrat.
Cet arrêt s’inscrit ainsi dans le courant de la jurisprudence selon laquelle une fois le sous-traité exécuté, le sous-traitant ne saurait tenter de faire revivre cette faculté pour se soustraire à ses obligations contractuelles (Cass. civ. 3, 13 avril 1988, n° 86-18.961, publié au bulletin N° Lexbase : A7794AAW).
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