Le Quotidien du 20 juillet 2021 : Propriété intellectuelle

[Brèves] Rémunération des droits voisins : l’Autorité de la concurrence sanctionne Google à hauteur de 500 millions d’euros pour le non-respect de plusieurs injonctions

Réf. : Aut. conc., décision ° 21-D-17, 12 juillet 2021 (N° Lexbase : X9372CM3)

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N8381BY3

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[Brèves] Rémunération des droits voisins : l’Autorité de la concurrence sanctionne Google à hauteur de 500 millions d’euros pour le non-respect de plusieurs injonctions. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/70415833-breves-remuneration-des-droits-voisins-l-autorite-sanctionne-google-a-hauteur-de-500-millions-d-eur
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par Vincent Téchené

le 22 Juillet 2021

► Dans une décision du 12 juillet 2021, l’Autorité de la concurrence inflige à Google une sanction de 500 millions d’euros pour avoir méconnu plusieurs injonctions prononcées dans le cadre de sa décision de mesures conservatoires d’avril 2020 (Aut. conc., décision n° 20-MC-01, 9 avril 2020 N° Lexbase : X9925CIG ; V. Téchené, Lexbase Affaires, avril 2020, n° 632 N° Lexbase : N2986BYA).

L’Autorité ordonne, par ailleurs, à Google de présenter une offre de rémunération pour les utilisations actuelles de leurs contenus protégés aux éditeurs et agences de presse ayant saisi l’Autorité et de leur communiquer les informations nécessaires à l’évaluation d’une telle offre, sous peine de se voir infliger des astreintes pouvant atteindre 900 000 euros par jour de retard, si Google n’y a pas procédé dans un délai de deux mois.

La décision n° 20-MC-01. Pour mémoire, dans sa décision de mesures d’urgence, l'Autorité avait constaté qu’à la suite de l’adoption de la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019, tendant à créer un droit voisin au profit des agences et des éditeurs de presse  (N° Lexbase : L3023LRE ; V. Téchené, Création d’un droit voisin pour les éditeurs et les agences de presse, Lexbase Affaires, septembre 2019, n° 604 N° Lexbase : N0322BYL), Google avait unilatéralement décidé qu’elle n’afficherait plus les extraits d’articles, les photographies et les vidéos au sein de ses différents services, sauf à ce que les éditeurs lui en donnent l’autorisation à titre gratuit. L’Autorité avait considéré que ce comportement était susceptible de constituer un abus de position dominante et qu’il portait une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse. Elle avait prononcé, dans l'attente d'une décision au fond, sept injonctions à l'égard de Google. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 8 octobre 2020 (CA Paris, Pôle 5, 7ème ch., 8 octobre 2020, n° 20/08071 N° Lexbase : A14633XH ; V. Téchené, Lexbase Affaires, octobre 2020, n° 651 N° Lexbase : N4937BYI), et est devenue définitive (Google n’ayant pas formé de pourvoi en cassation).

Non-respect de plusieurs injonctions. Dans sa décision du 12 juillet, l’Autorité a donc estimé que Google a méconnu, à plusieurs titres, plusieurs injonctions de la décision et notamment, l’injonction 1, la plus importante, relative à l’obligation de négociation de bonne foi.

  • Injonction 1 : l’obligation de négocier de bonne foi dans les conditions fixées par l'article L. 218-4 du CPI (N° Lexbase : L4858LRD) et selon des critères objectifs, transparents et non discriminatoires

L’Autorité a constaté que Google a imposé de manière unilatérale que les discussions avec les éditeurs et l’AFP portent sur un partenariat global dénommé Showcase consacré principalement à l'offre de nouveaux services par les éditeurs, et dans lequel les droits voisins au titre des utilisations actuelles de contenus protégés ne constituaient qu'une composante accessoire et dépourvue de valorisation financière distincte.

Par ailleurs, Google a volontairement circonscrit le champ d'application de la loi relative au droit voisin en excluant le principe d'une rémunération des contenus de presse issus de titres ne disposant pas d'une certification « Information Politique et Générale » (IPG) et, en s'appuyant pour ce faire, sur une interprétation de mauvaise foi de l'article L. 218-4 du Code de la propriété intellectuelle.

Enfin, relevant que Google a signifié à l'AFP et à la Fédération Française des Agences de Presse, à plusieurs reprises, qu'en tant qu'agences de presse, elles ne pouvaient bénéficier d'une rémunération de leurs contenus repris par des éditeurs tiers dans leurs publications, l’Autorité a estimé que cette attitude de négociation était contraire à la décision du 9 avril 2020, qui s’appuyait elle-même sur les termes de la loi, pour considérer que les agences de presse pouvaient prétendre aux droits voisins.

  • Injonction 2 : l’obligation de communiquer aux éditeurs et agences de presse les informations nécessaires « à une évaluation transparente de la rémunération due »

Les éléments recueillis pendant l’instruction montrent que cette communication a été :

- partielle, car limitée aux seuls revenus publicitaires directs générés par le service Google Search, à l'exclusion de l'ensemble des revenus, notamment indirects, liés à l’utilisation de ces contenus ;

- tardive au regard du cadre temporel imposé, puisque des informations relatives aux services Discover et Google Actualités ont été données quelques jours à peine avant la fin du délai fixé par l'injonction ;

- et enfin insuffisante pour permettre aux saisissantes de faire le lien entre l'utilisation par Google de contenus protégés, les revenus qu'elle en tire et ses propositions financières globales. 

  • Injonction 5 : l’obligation de neutralité sur les modalités d’indexation, de classement et de présentation des contenus protégés des éditeurs et agences de presse sur les services de Google au cours des négociations relatives aux droits voisins

Pour l’Autorité, Google a violé l’obligation de neutralité des négociations que lui imposait la décision de mesures conservatoires en liant la négociation sur la rémunération au titre de l’utilisation actuelle des contenus protégés par le droit voisin à la conclusion d’autres partenariats pouvant avoir un impact sur l’affichage et l’indexation des contenus des éditeurs et agences de presse.

  • Injonction 6 : l’obligation de neutralité des négociations relatives aux droits voisins vis-à-vis de toute autre relation économique qu’entretiendrait Google avec les éditeurs et agences de presse

L’Autorité relève que pendant la quasi-totalité de la période de négociation, Google a lié les discussions relatives à une éventuelle rémunération pour l’utilisation actuelle de contenus protégés à celles relatives au nouveau programme Showcase

Par ailleurs, Google a pu également lier la participation au programme Showcase à la souscription au service Subscribe with Google (SwG). Google a ainsi fait un lien entre la négociation sur les droits voisins et la souscription de nouveaux services.

Des pratiques extrêmement graves. L’Autorité considère que le comportement de Google relève d’une stratégie délibérée, élaborée et systématique de non-respect de l’injonction 1 et apparaît comme la continuation de la stratégie d’opposition de Google, mise en place depuis plusieurs années, pour s’opposer au principe même des droits voisins lors de la discussion de la Directive sur les droits voisins (Directive n° 2019/790 du 17 avril 2019 N° Lexbase : L3222LQE), puis pour en minimiser au maximum ensuite la portée concrète.

Elle relève, par ailleurs, que la circonstance que l’APIG, comme d’autres éditeurs à titre individuel, ait signé un accord postérieurement au cadre temporel fixé par les injonctions ne saurait, par elle-même, faire obstacle au constat d’un non-respect des injonctions (F. Fajgenbaum et Th. Lachacinski, Accord APIG / Google ou la reconnaissance pratique de la valeur créée par les éditeurs, Lexbase Affaires, février 2021, n° 665 N° Lexbase : N6416BYB).

Sanctions. Outre la sanction de 500 millions d’euros, on notera, notamment que l’Autorité enjoint Google :

- au titre de l’exécution de l’injonction 1, de proposer une offre de rémunération répondant aux prescriptions de la loi et de la décision au titre de l’utilisation actuelle des contenus protégés sur les services de Google aux saisissantes qui en feraient la demande ;

- au titre de l’exécution de l’injonction 2, d’assortir cette offre des informations prévues à l’article L. 218-4 du Code de propriété intellectuelle.

L’Autorité a assorti ces injonctions d’une astreinte de 300 000 euros par jour de retard à l’expiration du délai de deux mois courant à compter de la demande formelle de réouverture des négociations formulée, le cas échéant, par chacune des saisissantes. En cas de non-respect du délai imparti de deux mois, Google s’expose donc à des astreintes pouvant atteindre 900 000 euros par jour de retard.

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