Le Quotidien du 14 octobre 2020 : Droits fondamentaux

[Brèves] Dissolution d’organisations d’extrême-droite : la prévention des troubles à l’ordre public justifie le moyen

Réf. : CEDH, 8 octobre 2020, Req. 77400/14, 34532/15, 34550/15, Ayoub et autres c/ France (N° Lexbase : A18113XD)

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[Brèves] Dissolution d’organisations d’extrême-droite : la prévention des troubles à l’ordre public justifie le moyen. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/60911793-le-quotidien-du-14-octobre-2020
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par Adélaïde Léon

le 28 Octobre 2020

► La dissolution d’une association d’extrême-droite, décrétée par le Gouvernement, ne viole pas l’article 11 (N° Lexbase : L4744AQR), lu à la lumière de l’article 10 (N° Lexbase : L4743AQQ) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH) dès lors que cette mesure visait à la protection de la sûreté publique, des droits d’autrui et à la défense de l’ordre et qu’il existe des motifs pertinents et suffisants démontrant une « besoin social impérieux » de la prononcer pour prévenir les troubles à l’ordre public et y mettre fin.

Rappel des faits. À la suite du décès, le 5 juin 2013, d’un étudiant membre de la mouvance antifasciste, dans une rixe avec des personnes liées à des organisations d’extrême droite, plusieurs personnes ont été mises en examen. L’enquête établit, qu’après la rixe, ces individus avaient été en communication téléphonique avec le président de l’association Troisième Voie dont l’objet était « la promotion de l’idéologie nationaliste et révolutionnaire ». Les intéressés s’étaient par ailleurs rendus dans un bar lui appartenant. La Cour d’assises a condamné deux anciens membres et/ou sympathisants de l’association Troisième voie à onze et sept ans d’emprisonnement pour violences volontaires en réunion avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner. La procédure pénale est toujours pendante.

À la suite de la dissolution des associations Troisième voie, Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR), Œuvre française et Jeunesses nationalistes, les présidents de ces entités ont déposé des requête en annulation des décrets de dissolution devant le Conseil d’État.

Procédure devant le Conseil d’État. L’association Troisième Voie et les JNR avaient été dissolues par le Gouvernement au motif qu’elles présentaient le caractère de milice privée et qu’elles provoquaient à la discrimination, la haine ou la violence. Le Conseil d’État a rejeté la requête en annulation et n’a retenu que le premier motif de dissolution.

L’Œuvre française avait, quant à elle, été dissoute au motif qu’elle provoquait à la haine ou à la discrimination envers des groupes de personnes à raison de leur non appartenance à la nation française, de leur origine ou confession musulmane ou juive, exaltait la collaboration avec l’ennemi et constituait une milice privée. Estimant que cette dissolution était justifiée pour des raisons inhérentes à l’ordre public, le Conseil d’État a rejeté la requête en annulation.

S’agissant enfin des Jeunesse nationalistes, le Conseil d’État a considéré qu’il ne disposait pas de suffisamment d’éléments pour retenir le motif relatif à l’exaltation de la collaboration avec l’ennemi mais retient la provocation à la haine, la discrimination ou la violence comme motif de dissolution et rejeta la requête en annulation.

Griefs. Les requérants invoquent les articles 10 et 11 de la CESDH et allèguent que les mesures de dissolution des associations qu’ils présidaient constituent des ingérences injustifiées dans l’exercice de leurs droits à la liberté d’association et à la liberté d’expression.

Décision de la Cour. La Cour constate que l’ingérence constituée par la dissolution de Troisième Voie et JNR était prévue par la loi, à l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L5218IS3). Elle précise que cette dissolution d’entités qui, bien qu’antérieurement volontairement dissoutes par le président, demeuraient des groupements de faits et que la mesure du Gouvernement visait également à prévenir leur reconstitution, laquelle constituerait un délit prévu au dernier alinéa de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure. La Cour retient également que la mesure de dissolution visait la protection de la sûreté publique, la défense de l’ordre et la protection des droits d’autrui, buts légitimes aux fins de l’article 11, § 2, de la CESDH.

Compte tenu des circonstances ayant déclenché la dissolution, des agissements antérieurs de ces groupements et de leur propension à favoriser un climat de violence, allant au-delà de l’existence d’un groupe exprimant des idées offensantes ou dérangeantes, et à constituer une menace pour les droits et libertés d’autrui et l’ordre public, la Cour affirme que les autorités ont légitimement pu considérer qu’il existait des motifs pertinents et suffisants pour démontrer un « besoin social impérieux » d’imposer la dissolution pour prévenir les troubles à l’ordre public et y mettre fin.

La Cour précise que la décision des autorités était nécessaire en l’espèce pour prévenir les troubles à l’ordre public. Elle rappelle à ce titre qu’en présence d’une incitation à l’usage de la violence à l’égard d’un individu, d’un représentant de l’État ou d’une partie de la population, les autorités nationales jouissent d’une marge d’appréciation plus large dans leur examen de la nécessité d’une ingérence dans l’article 11 de la CESDH.

La Cour juge qu’en l’espèce, il n’y a pas eu de violation de l’article 11, lu à la lumière de l’article 10, de la CESDH.

S’agissant des associations Œuvre française et Jeunesses nationalistes, la Cour constate que la première appelait à une révolution nationale inspirée par une profonde xénophobie, accueillait des personnes condamnées pour négationnisme, faisait l’apologie de la collaboration et poursuivait une politique d’endoctrinement de la jeunesse. La juridiction européenne constate que les Jeunesses nationalistes constitue le cadre destiné aux jeunes de l’Œuvre française et possède un programme politique contenant des objectifs à visées haineuses et discriminatoires envers les musulmans immigrés, prônant l’antisémitisme ainsi que la haine violente et la discrimination à l’égard des personnes homosexuelles.

La Cour en conclut que ces requérants cherchaient à utiliser leur droit à la liberté d’association dans le but de détruire les idéaux et valeurs d’une société démocratique. Elle affirme donc que l’État a légitimement pu considérer que ces deux associations poursuivaient des buts prohibés par l’article 17 de la CESDH (N° Lexbase : L4750AQY) et qu’ils avaient abusé de leur liberté d’association, en contradiction avec les valeurs de tolérance, de paix sociale et de non-discrimination qui sous-tendent la Convention.

La Cour rejette donc les griefs présentés par les requérants comme incompatibles avec les dispositions de la CESDH.

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