Réf. : Cass. civ. 1, 20 mai 2020, n° 19-13.461, F-P+B (N° Lexbase : A05623MR)
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par Jérôme Lasserre Capdeville
le 27 Mai 2020
► Est sans effet sur la qualification professionnelle d’un crédit la circonstance qu’un co-emprunteur est étranger à l’activité pour les besoins de laquelle il a été consenti.
Tel est l’enseignement d’un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 20 mai 2020 (Cass. civ. 1, 20 mai 2020, n° 19-13.461, F-P+B N° Lexbase : A05623MR).
Depuis la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile (N° Lexbase : L9102H3I), l’article L. 137-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L7231IA3), devenu depuis l’article L. 218-2 (N° Lexbase : L1585K7T), prévoit une prescription biennale pour les actions engagées par les professionnels, « pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs ».
La jurisprudence a logiquement considéré que les crédits immobiliers consentis aux consommateurs par des établissements de crédit constituaient des services financiers fournis par des professionnels et relevaient par conséquent de ce délai de prescription de deux ans (Cass. civ. 1, 28 novembre 2012, n° 11-26.508, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6412IXR ; lire N° Lexbase : N4727BTA ; Cass. civ. 1, 9 avril 2014, n° 12-27.614, F-D N° Lexbase : A0974MKB).
A l’inverse, la prescription biennale ne saurait s’appliquer lorsque les prêts concernés sont destinés à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire. Il en va, par exemple, ainsi en présence de crédits destinés à financer l’acquisition de lots en copropriété voués à être loués. Une jurisprudence s’est ainsi développée à l’égard des loueurs en meublé professionnels (LMP), inscrits en ce sens au registre du commerce et des sociétés (Cass. civ. 1, 14 avril 2016, n° 15-14.567, F-D N° Lexbase : A6960RIM ; Cass. civ. 1, 25 janvier 2017, n° 16-10.105, F-P+B N° Lexbase : A5429TAC, lire les obs. de K. Rodriguez N° Lexbase : N7208BWU ; Cass. civ. 1, 1er mars 2017, n° 16-10.703, F-D N° Lexbase : A1022UTZ ; Cass. civ. 1, 6 décembre 2017, n° 16-23.629, F-D N° Lexbase : A1167W7D).
La jurisprudence est amenée à préciser, à intervalle régulier, le régime juridique de l’ancien article L. 137-2 du Code de la consommation (désormais L. 218-2).
L’arrêt du 20 mai 2020 en témoigne.
L’affaire. La banque A. avait consenti un prêt professionnel à M. et Mme M.. Par la suite, elle leur avait également consenti une ouverture de crédit par découvert en compte. Or, se prévalant d’une créance au titre de ces actes, la banque avait engagé une procédure aux fins de saisie des rémunérations de Mme M.. Cette dernière avait alors soulevé la prescription de la demande en application de l’article L. 137-2 du Code de la consommation.
La cour d’appel de Dijon ayant déclaré la demande de la banque irrecevable, car prescrite, cette dernière avait formé un pourvoi en cassation.
La décision. La Haute juridiction donne ici raison à l’établissement prêteur et casse l’arrêt rendu par la cour d’appel.
Elle commence par rappeler qu’aux termes de l’article L. 137-2, devenu L. 218-2, du Code de la consommation, l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans et qu’il en résulte que cette prescription ne s’applique pas aux actions fondées sur un prêt consenti pour les besoins d’une activité professionnelle.
Elle observe ensuite que pour déclarer prescrite la demande de la banque, après avoir constaté que les différents crédits avaient été conclus pour les besoins de l’activité professionnelle de M. M., viticulteur, et que Mme M. était étrangère à cette activité, la cour d’appel avait retenu que celle-ci, intervenue aux actes en tant que consommateur, pouvait se prévaloir des dispositions prévues par l’article L. 137-2, devenu L. 218-2, du Code de la consommation.
Or, pour la Cour de cassation, en statuant ainsi, alors qu’est sans effet sur la qualification professionnelle d’un crédit la circonstance qu’un co-emprunteur est étranger à l’activité pour les besoins de laquelle il a été consenti, la cour d’appel a violé l’article précité.
Cette décision démontre, à son tour, que la Haute juridiction souhaite maintenir le champ d’application du délai de prescription de deux ans envisagé par l’article L. 218-2 dans des limites strictes. La qualité exacte des co-emprunteurs importe peu ; la finalité professionnelle doit nécessairement primer et, partant, légitimer l’exclusion du délai de prescription raccourci.
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