Le Quotidien du 23 janvier 2020 : Concurrence

[Brèves] Déséquilibre significatif : exclusion des établissements de crédit et des sociétés de financement pour leurs opérations de banque et leurs opérations connexes et notion de «partenaire commercial»

Réf. : Cass. com., 15 janvier 2020, n° 18-10.512, FS-P+B (N° Lexbase : A91723BC)

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[Brèves] Déséquilibre significatif : exclusion des établissements de crédit et des sociétés de financement pour leurs opérations de banque et leurs opérations connexes et notion de «partenaire commercial». Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/56165348-breves-desequilibre-significatif-exclusion-des-etablissements-de-credit-et-des-societes-de-financem
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par Vincent Téchené

le 22 Janvier 2020

► D’une part, les textes relatifs aux pratiques restrictives de concurrence ne s'appliquent pas aux établissements de crédit et aux sociétés de financement pour leurs opérations de banque et leurs opérations connexes définies à l'article L. 311-2 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L2511IXB) ;

► D’autre, part, la notion de «partenaire commercial» n’exclut pas, par elle-même, les clients d’un prestataire de services liés par des contrats de mise à disposition de site internet, au motif qu’il s’agit de contrats de location ayant pour objet des opérations ponctuelles à objet et durée limités ne générant aucun courant d’affaires stable et continu et n’impliquant aucune volonté commune et réciproque d’effectuer, de concert, des actes ensemble dans des activités de production, de distribution ou de services.

Tels sont les enseignements d’un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 15 janvier 2020 (Cass. com., 15 janvier 2020, n° 18-10.512, FS-P+B N° Lexbase : A91723BC)

L’affaire. Une société (le prestataire) proposait à des clients professionnels de créer, pour leur entreprise, un site internet et de le mettre à leur disposition pour une durée de 48 mois, tacitement renouvelable pour un an, en leur faisant signer un contrat dit d’abonnement de sites internet et un contrat de licence d’exploitation, lequel était ensuite cédé à un loueur financier qui devenait alors créancier des sommes dues périodiquement par le client. Plusieurs clients ayant dénoncé les pratiques commerciales de ce prestataire, le ministre de l’Economie l’a assigné pour violation de l’article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce (N° Lexbase : L7575LB8), dans sa rédaction antérieure à  l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 (N° Lexbase : L0386LQD) l’effet d’obtenir la cessation des pratiques incriminées, l’annulation des clauses contractuelles qui, par leur articulation, étaient de nature à créer un déséquilibre significatif u détriment des clients et le paiement d’une amende civile. A la suite d’investigations complémentaires, le ministre de l’Economie a appelé en intervention les deux loueurs financiers. Débouté de ses demandes (CA Paris, Pôle 5, 4ème ch., 27 septembre 2017 n° 16/00671 N° Lexbase : A0777WTX), le ministre a formé un pourvoi en cassation.  

La décision.

Sur l’application des textes relatifs aux pratiques restrictives de concurrence aux établissements de crédit et aux sociétés de financement pour leurs opérations de banque et leurs opérations connexes

Le ministre de l'Economie reprochait, en premier lieu, à l’arrêt d’appel d’avoir retenu que les relations entre l’un des loueurs financiers et ses clients n'étaient pas des relations de partenariat et, en conséquence, que sa demande fondée sur l'article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, n'est pas fondée. La Cour de cassation approuve sur ce point l’arrêt d’appel : l'article L. 511-4 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9648LQE) prévoit seulement que les articles L. 420-1 (N° Lexbase : L6583AIN) à L. 420-4 du Code de commerce sur les pratiques anticoncurrentielles s'appliquent aux établissements de crédit et aux sociétés de financement pour leurs opérations de banque et leurs opérations connexes définies à l'article L. 311-2 du même code, de sorte que, pour ces opérations, le législateur n'a pas étendu aux établissements de crédit et sociétés de financement l'application des textes relatifs aux pratiques restrictives de concurrence. Ainsi les activités exercées par le loueur financier dans le cadre des opérations litigieuses ne relèvent pas du Code de commerce mais des dispositions spécifiques du Code monétaire et financier.

Sur la notion de «partenaire commercial»

En second lieu, le ministre de l'Economie reprochait à l'arrêt d’appel de dire que les relations entre le prestataire de services, les loueurs financiers et leurs clients n'étaient pas des relations de partenariat et que dès lors sa demande fondée sur l'article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n 2019-359 du 24 avril 2019, n'était pas fondée.

Selon ce texte, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

La Cour de cassation énonce qu’au sens de ce texte, le partenaire commercial est la partie avec laquelle l'autre partie s'engage, ou s'apprête à s'engager, dans une relation commerciale. Or, elle relève que, pour rejeter la demande du ministre de l'Economie dirigée contre le prestataire de services, la cour d’appel énonce qu'un partenaire se définit comme le professionnel avec lequel une entreprise commerciale entretient des relations commerciales pour conduire une activité quelconque, ce qui suppose une volonté commune et réciproque d'effectuer de concert des actes ensemble dans des activités de production, de distribution ou de services, par opposition à la notion plus large d'agent économique ou plus étroite de cocontractant. Or, elle retient que les contrats de mise à disposition de site internet conclus entre le prestataire de services et ses clients sont des contrats de location ayant pour objet des opérations ponctuelles à objet et durée limités, de cinq ans, ne générant aucun courant d'affaires stable et continu et n'impliquant aucune volonté commune et réciproque d'effectuer, de concert, des actes ensemble dans des activités de production, de distribution ou de services. Or, pour la Cour de cassation, en statuant ainsi, en ajoutant à la loi des conditions qu'elle ne comporte pas, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Elle casse donc, sur ce point, l’arrêt d’appel.

Précisions. L’ordonnance du 24 avril 2019 a déplacé les pratiques anticoncurrentielles dans le nouvel article L. 442-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L0501LQM) qui redéfinit les trois notions concentrant l’essentiel du contentieux en la matière : l’avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné, le déséquilibre significatif, et la rupture brutale des relations commerciales établies. Désormais le I, 1° relatif au déséquilibre significatif, est réécrit et prohibe le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage quelconque ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie. La nouvelle rédaction a donc fait disparaître la notion de partenaire commercial au profit de celle d'"autre partie". Comme un auteur a pu le relever, la nouvelle définition, plus large, permet notamment d’échapper à l’interprétation restrictive donnée par la cour d’appel de Paris à la notion de partenaire commercial permettant à certaines pratiques de ne pas entrer dans le giron de l’interdiction prévue par le texte (v. G. Guizard, Lexbase, éd. Affaires, 2019, n° 599 N° Lexbase : N9603BXX). La Cour de cassation en censurant, ici, cet arrêt «adapte», en quelque sorte, le champ d’application du déséquilibre significatif à celui issu du nouvel article L. 442-1.

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