Le Quotidien du 7 septembre 2023

Le Quotidien

Droit pénal spécial

[Brèves] Code d’accès professionnel, intrusion nocturne et soustraction : le salarié avait-il commis un vol par ruse ?

Réf. : Cass. crim., 5 septembre 2023, n° 22-86.256, F-B N° Lexbase : A69771E7

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par Adélaïde Léon

Le 21 Septembre 2023

► L’utilisation par un salarié d’un code, qui lui a été attribué afin d’accéder aux locaux de la société pendant ses heures de travail, pour s’introduire de nuit dans les locaux de l’entreprise dans lesquels il commet un vol caractérise la circonstance aggravante de ruse au sens de l’article 311-5, 3° du Code pénal. L’échange de messages avec d’autres salariés afin d’organiser l’effacement de l’historique des traces informatiques d’activation et de désactivation de l’alarme caractérise quant à lui la circonstance aggravante de réunion au sens de l’article 311-4, 1° du même code.

Rappel des faits et de la procédure. Après la destitution de son poste, l’ancien président d’une société a appelé un salarié de cette entreprise afin qu’il s’introduise de nuit dans les locaux de celle-ci et qu’il désactive une alarme. Ce dernier y était parvenu en utilisant un code qui lui avait été attribué pour y accéder pendant ses heures de travail puis avait retrouvé l’ancien dirigeant sur le parking attenant.

Trois jours après les faits, ledit salarié et deux autres ont échangé des messages via l’application WhatsApp afin d’effacer l’historique des traces informatiques d’activation et de désactivation de l’alarme.

L’ancien dirigeant a été cité devant le tribunal correctionnel des chefs de vol par ruse dans un lieu destiné ou utilisé à l’entrepôt de fonds, valeurs ou marchandises, aggravé par une circonstance de réunion, de modification frauduleuse de données contenues dans un système de traitement automatisé et de détention non autorisée d’appareil permettant l’interception des communications ou la détection à distance des conversations.

L’intéressé a été reconnu coupable des faits reprochés. Il a relevé appel de ce jugement.

Que dit la loi ? Le vol simple est puni de 3 ans de prison et de 45 000 euros d’amende (C. pén., art. 311-4 N° Lexbase : L7493L9E). L’article 311-5 du même code N° Lexbase : L7624IP3 porte cette peine à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende notamment lorsque le vol est commis dans un local d’habitation ou dans un lieu utilisé ou destiné à l’entrepôt de fonds, valeurs, marchandises ou matériels, en pénétrant dans les lieux par ruse, effraction ou escalade.

Le dernier paragraphe prévoit que ces peines peuvent être portées à dix ans et 150 000 euros d’amende notamment lorsque le vol prévu à cet article est également commis dans l’une des circonstances prévues par l’article 311-4 du Code pénal, parmi lesquelles figure la commission par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice.

En l’espèce les juges avaient retenu qu’était constituée l’infraction de vol par ruse de l’article 311-5, elle-même aggravée par la circonstance de réunion.

En cause d’appel. La cour d’appel a confirmé le jugement et condamné le prévenu, pour vol aggravé et atteinte à un système de traitement automatisé de données, à trois ans d’emprisonnement dont un an avec sursis, cinq ans d’interdiction professionnelle et une confiscation.

La cour a retenu qu’en empêchant tout déclenchement de l’alarme, le salarié avait agi par ruse et qu’il importait pu que cette manœuvre ait pour but de récupérer un dispositif à la demande de l’ancien président qui s’en disait propriétaire.

En outre, selon les juges d’appel, les échanges entre les trois salariés établissaient une action concertée de vouloir supprimer la preuve de la ruse employée. Ils constataient à ce titre que l’ancien président était parfaitement informé des demandes d’intervention faites à cette fin sur la centrale du système de l’alarme.

Le prévenu a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel.

Moyens du pourvoi. Il était fait grief à la cour d’appel d’avoir déclaré l’ancien président coupable de vol en réunion dans un local d'habitation ou dans un lieu utilisé ou destiné à l'entrepôt de fonds, valeurs, marchandises ou matériels, en pénétrant dans les lieux par ruse, alors que le salarié qui s’était introduit dans les locaux en utilisant son code n’avait utilisé aucun stratagème pour tromper la confiance de l’entreprise.

Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi en rappelant que la ruse se définit par l’utilisation d’un procédé habile, mais déloyal, destiné à parvenir à ses fins.

Selon la Haute juridiction, l’utilisation par un salarié d’un code, qui ne lui a été remis qu’à des fins professionnelles, pour s’introduire dans les locaux où est commis le vol caractérise la circonstance aggravante de ruse.

Pour aller plus loin : S. Fucini, Le vol, l’extorsion et les infractions assimilées, in Droit pénal spécial (dir. J.-B. Perrier), Lexbase N° Lexbase : E0966038.

newsid:486656

Avocats/Déontologie

[Textes] Code de déontologie des avocats : qu’est-ce qui change ?

Réf. : Décret n° 2023-552 du 30 juin 2023 portant Code de déontologie des avocats N° Lexbase : L0651MIX

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par Dominic Jensen, avocat au Barreau de Paris, associé Librato Avocats. Membre expert de la Commission structures professionnelles de l’avocat du CNB, membre référent du Réseau structures du CNB, enseignant à l’EFB.

Le 07 Septembre 2023

Mots-clés : avocats • déontologie • Code de déontologie des avocats •  loi pour la confiance dans l’institution judiciaire •  règlement intérieur national (RIN) •  discipline.

Le décret n° 2023-552 du 30 juin 2023, entré en vigueur le lendemain de sa publication, crée un Code de déontologie à destination des avocats, magistrats, justiciables et l'ensemble des interlocuteurs des avocats. Pour analyser la portée de ce Code, il faut d’abord en comprendre la genèse. Simple exercice de formatage et de numérotation ou davantage ? Nous chercherons à mesurer les apports réels de ce Code tant pour les avocats que pour leurs clients.


 

L’origine

Le décret n° 2023-552 du 30 juin 2023 portant Code de déontologie des avocats a été pris en application de l'article 53, 2° de la loi du 31 décembre 1971[1], dans sa version issue de l'article 42 de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire[2]. Cette loi trouve elle-même ses racines dans un rapport de l'Inspection générale de la justice remis au Garde des Sceaux le 15 décembre 2020[3].

La loi pour la confiance dans l'institution judiciaire repose sur le principe selon lequel la confiance du public dans le travail des professionnels du droit est étroitement liée à la qualité du traitement des réclamations et à l'efficacité des mesures disciplinaires qui les concernent. L'objectif de cette loi était de concrétiser cette idée. Mettant en œuvre une des conclusions du rapport selon laquelle il était nécessaire de renforcer l'accessibilité des règles de déontologie des professionnels du droit, il a donc été décidé de doter chaque profession d'un « Code de déontologie préparé par son instance nationale ».

S’agissant des avocats, malgré l'existence d’un Code de l'avocat[4], les règles régissant cette profession proviennent de différentes sources juridiques, ce qui peut compliquer leur compréhension pour les personnes non initiées. Comme l’explique Jérôme Gavaudan, Président du CNB[5], le Code de déontologie des avocats est avant tout un exercice de compilation et de recensement effectué par le Conseil national des barreaux[6] avec pour objectif d’énoncer les grands principes applicables aux avocats dans leurs relations avec l'ensemble de leurs interlocuteurs.

La création de ce Code s’inscrit aussi dans le prolongement de la réforme de la discipline des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, des commissaires de justice, des greffiers des tribunaux de commerce, des notaires et des avocats, portée par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021.

On ne peut en effet dissocier l’apparition de ce Code de déontologie des avocats de la réforme de la procédure de discipline de la profession. Le rapport susvisé de l’Inspection générale de la justice, avait relevé la diversité et la complexité des régimes disciplinaires des professions du droit en en soulignant les conséquences préjudiciables pour les justiciables : un traitement insatisfaisant des réclamations des usagers, « esseulés » et particulièrement « désemparés », un contrôle disciplinaire parfois défaillant. Notre sujet n’est pas de commenter la réforme de la discipline. Il s’agit ici de comprendre l’articulation entre la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, la réforme de la discipline des avocats et la création du Code de déontologie. Les lecteurs pourront notamment se reporter à l’analyse faite par Édouard de Lamaze sur le sujet.

Cette articulation est parfaitement expliquée lorsque le rapport de l’Inspection générale de la justice fait le constat suivant concernant les règles déontologiques des professions concernées : « des valeurs déontologiques soutenant l’image et le bon fonctionnement de la profession plutôt qu’encadrant la prestation au client »[7]. Ce dernier point est essentiel dans la compréhension de la genèse du Code de déontologie portée par le récent décret. Il s’agit de changer de prisme dans la présentation des règles qui régissent la profession pour passer d’une approche autocentrée à une démarche explicative davantage axée sur le client.

Le fond et la forme

L’effet d’annonce de l’arrivée d’un Code de déontologie des avocats pouvait donner l’impression de la création d’un nouveau corpus de règles qui s’imposerait dorénavant à la profession d’avocat. Ce n’est pas le cas.

La mission du CNB, en application des instructions et consignes de la DACS a consisté à recenser et à compiler les principes déontologiques figurant dans les textes existants pour qu’ils puissent être plus facilement portés à la connaissance du public. Il faut y voir un double objectif : celui d’éclairer le justiciable sur ses droits lorsqu’il a recours aux services d’un avocat et, plus important encore, donner au public une information accessible sur les principes et règles déontologiques qui gouvernent la profession d’avocat. Cet objectif pédagogique dépasse le simple cadre de la relation client- avocat et s’inscrit pleinement dans la volonté d’améliorer la relation globale de confiance du citoyen avec tous les rouages de l’appareil judiciaire.

La commission des règles et usages du CNB a constitué un groupe de travail composé de certains de ses membres ainsi que de représentants du barreau de Paris et de la Conférence des Bâtonniers[8]. Il en a résulté une codification à droit constant organisée en six titres et 54 articles organisés de la manière suivante :

Titre 1er : Principes essentiels de la profession d'avocat (art. 1 à 5) ;

Titre II : Devoirs envers les clients (art. 6 à 15) ;

Titre III : Devoirs envers la partie adverse et envers les confrères (art. 16 à 20) ;

Titre IV : Incompatibilités (art. 21 à 35) ;

Titre V : Conditions d'exercice de la profession (art. 36 à 50) ;

Titre VI : Dispositions diverses (art. 51 à 54).

Quelques nuances minimes

Le Code de déontologie ne vient pas remplacer les textes existants. Ceux-ci continuent à s’appliquer. Dans leurs rapports entre eux comme avec les tiers, les avocats continueront à se référer au Règlement Intérieur National ou aux règlements intérieurs de leurs Ordres ainsi qu’à la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ou au décret n° 91-1190 du 27 novembre 1991 N° Lexbase : L8168AID.

Si rien ne change donc sur le fond, la rédaction de certains articles du Code constitue néanmoins une clarification dans la mesure où l’exercice de compilation a aussi été un exercice de synthèse et parfois de pédagogie.

Dans sa méthode de travail, le groupe constitué par le CNB est parti du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat N° Lexbase : L6025IGA, désormais abrogé. Le travail a alors consisté à compléter les textes du décret avec les principes énoncés dans la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans le décret n° 91-1190 du 27 novembre 1991 et enfin dans le Règlement intérieur national de la profession d'avocat (RIN) N° Lexbase : L4063IP8.

Le CNB a ainsi établi un tableau de concordance entre les articles du décret du 12 juillet 2005 et les articles du nouveau code.   

Quelques différences peuvent être relevées entre les textes du décret de 2005, les dispositions figurant actuellement dans le RIN et le nouveau Code de déontologie. Ces différences, toutefois minimes, sont essentiellement à destination du public. Elles rappellent certains principes et jettent aussi une lumière plus ouverte et moins corporatiste sur certains aspects du fonctionnement de la profession. Dans leur esprit, elles s’inscrivent dans le prolongement de la réforme de la procédure disciplinaire : plus lisible et transparente.

Les différences suivantes peuvent être relevées :

L’article 4 concernant le secret professionnel est complété par la phrase : « L’avocat ne peut en (ndlr : le secret professionnel) être relevé par son client ni par quelque autorité ou personne que ce soit, sauf dans les cas prévus par la loi ».

Article 7 apporte une précision sur les conflits d’intérêts en intégrant le dernier alinéa de l’article 4.1 du RIN : « Les mêmes règles (ndlr : celles des conflits d’intérêts) s’appliquent entre l’avocat collaborateur, pour ses dossiers personnels, et l’avocat ou la structure d’exercice avec lequel ou laquelle il collabore ».

Article 17 concernant la recherche de solutions amiables est une transposition de l’article 8.2. du RIN : « Avant toute procédure ou lorsqu’une action est déjà pendante devant une juridiction, l’avocat peut, sous réserve de recueillir l’assentiment de son client, prendre contact avec la partie adverse ou la recevoir afin de lui proposer un règlement amiable du différend ».

Article 20 concernant la confraternité retient une rédaction plus simple que celle de l’article 21.5.1.1 « confraternité » - issu du Code de déontologie des avocats européens :

« La confraternité exige des relations de confiance entre avocats, dans l’intérêt du client et pour éviter des procès inutiles ainsi que tout autre comportement susceptible de nuire à la réputation de la profession. Elle ne doit cependant jamais mettre en opposition les intérêts de l’avocat et ceux du client ». Celui-ci devient : « Dans l’intérêt du client et d’un exercice professionnel de qualité, la confraternité exige des relations de confiance entre avocats. Elle ne doit cependant jamais mettre en opposition les intérêts de l’avocat et ceux du client ».

La portée du nouveau Code

Comme indiqué ci-dessus, à l’exception du décret du 12 juillet 2005 maintenant abrogé, les textes existants continuent à s’appliquer et le RIN reste le corpus de règles auquel les avocats vont continuer à se référer. Pour autant, l’apparition de ce Code soulève des interrogations sur l’articulation de la norme déontologique.

La question se pose notamment de savoir comment le Code de déontologie va évoluer alors que le CNB conserve bien entendu son pouvoir normatif d’élaboration du RIN.  

Comme le rappelle Jérôme Gavaudan[9], la publication du décret du 30 juin 2023 n'affecte pas cet ordre juridique. Le CNB conserve son pouvoir normatif défini par la loi, et le Règlement intérieur national (RIN), applicable à l'ensemble des avocats dans tous les ressorts des barreaux, continue de s'imposer, leur règlement intérieur propre ne pouvant y déroger. Le Président du CNB y voit même un renforcement des pouvoirs du CNB puisque c’est à ce dernier que la loi a confié la mission de préparer le Code de déontologie des avocats, conformément aux dispositions de l'article 53, 2° de la loi du 31 décembre 1971, qui attribue au pouvoir réglementaire la compétence pour établir les règles de déontologie.

Dans les années à venir, le Conseil national des barreaux (CNB) sera habilité à soumettre des modifications au Code de déontologie, dépassant ainsi le cadre de son Règlement intérieur national (RIN), pour s'ajuster aux réalités de l'exercice professionnel des avocats, aux évolutions du marché juridique et aux besoins des justiciables.

Le Code de déontologie est donc une compilation normative conçue pour simplifier l'accès et la compréhension des règles, tant pour les justiciables que pour les professionnels. Cependant, il est primordial de souligner que cette codification ne modifie en rien la valeur normative des règles, celles-ci conservant leur poids et leur portée d'origine. En d'autres termes, le Code n'accorde aucune supériorité aux règles qu'il recense, mais vise plutôt à les rendre plus accessibles dans la pratique professionnelle et pour le public.

Au-delà de ce constat technique, il est indéniable que la création du Code de déontologie est un progrès pour le justiciable, client de l’avocat, qui jusqu’à présent devait se tourner vers des textes (le Règlement Intérieur National, la loi de 1970 ou le décret de 1991) dont aucun n’avait été rédigé pour sa compréhension. S’agissant des avocats, eux-mêmes, gageons que les instances, et le CNB en particulier, sauront faire en sorte d’éviter les différences entre le Code de déontologie et l’ensemble des règles applicables à la profession d’avocat. Les avocats sont friands d’interprétations et de nuances. Il ne faudrait pas, qu’au fil du temps, de petits décalages entre le RIN et le Code viennent créer des zones de flou qui desserviraient à la fois les avocats et leurs clients. Pour l’heure, saluons l’initiative… même si sur le fond elle ne change pas grand-chose.

 

[1] Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ.

[2] Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire N° Lexbase : Z459921T.

[3] Inspection générale de la justice, Rapport Mission sur la discipline des professions du droit et du chiffre octobre 2020, n° 074-20 Ω N° 2019/00287.

[4] Code de l’avocat, commenté et annoté, Dalloz.

[5] La Semaine Juridique Edition Générale n° 28, 17 juillet 2023, 889

[6] CNB, AG, réso., 10 juin 2022.

[7] Rapport Inspection générale de la justice, précité, p. 18.

[8] CNB Actualités, Le CNB pilote la création du Code de déontologie des avocats, 14 juin 2022.

[9] La Semaine Juridique Edition Générale n° 28, 17 juillet 2023, 889, précité.

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Bancaire

[Brèves] Sanction à l’absence de mise en œuvre de l’authentification forte

Réf. : Cass. com., 30 août 2023, n° 22-11.707, F-B N° Lexbase : A31361EU

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par Jérôme Lasserre-Capdeville

Le 12 Septembre 2023

► Il ressort de l'article L. 133-19, V, du Code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1252, du 9 août 2017, que, sauf agissement frauduleux de sa part, le payeur ne supporte aucune conséquence financière si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée sans que le prestataire de services de paiement du payeur n’exige une authentification forte du payeur prévue par le second de ces textes ;

Il résulte, en outre, de l'article 34, VIII, 3°, de l'ordonnance n° 2017-1252, du 9 août 2017, que l’article L. 133-44 du Code monétaire et financier, auquel renvoie l’article L. 133-19, V, est entré en vigueur le 14 septembre 2019, dix-huit mois après l’entrée en vigueur du Règlement délégué (UE) 2018/389, de la Commission, du 27 novembre 2017.

Le droit régissant les instruments de paiement a connu d’importantes évolutions à la suite de la transposition, dans notre législation, des dispositions de la Directive (CE) n° 2007/64, du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, dite « DSP 1 » N° Lexbase : L5478H3B  et la Directive (UE) n° 2015/2366, du Parlement et du Conseil, du 25 novembre 2015, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, dite « DSP 2 » N° Lexbase : L1744LDX. On doit notamment à ce dernier texte, transposé en France par l’ordonnance n° 2017-1252, du 9 août 2017 N° Lexbase : L1744LDX, l’obligation de recourir à une authentification forte.

Cette notion doit être définie. Pour l’article L. 133-4, f, du Code monétaire et financier N° Lexbase : L5108LGB, il s’agit d’« une authentification reposant sur l’utilisation de deux éléments ou plus appartenant aux catégories "connaissance" (quelque chose que seul l’utilisateur connaît), "possession" (quelque chose que seul l’utilisateur possède) et "inhérence" (quelque chose que l’utilisateur est) et indépendants en ce sens que la compromission de l’un ne remet pas en question la fiabilité des autres, et qui est conçue de manière à protéger la confidentialité des données d’authentification ». L’authentification forte repose donc sur l’utilisation de deux de ces éléments, voire plus.

L’article L. 133-44 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L1482MHD prévoit alors que cette authentification forte doit être obligatoirement appliquée dans trois cas :   

  • lorsque le payeur accède à son compte de paiement en ligne ;
  • lorsque le payeur initie une opération de paiement électronique ; et enfin
  • lorsque ce même payeur exécute une opération par le biais d’un moyen de communication à distance, susceptible de comporter un risque de fraude en matière de paiement ou de toute autre utilisation frauduleuse.

Des sanctions sont, sans surprise, envisagées si le recours obligatoire à cette authentification forte n’est pas respecté. Celles-ci ont vocation à jouer tant en présence d’opérations de paiement non autorisées que d’opérations mal exécutées. La première hypothèse citée retiendra notre attention.

L’article L. 133-19 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L5118LGN prévoit ainsi un cas d’irresponsabilité du payeur particulier : celui-ci ne supportera aucune conséquence financière si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée sans que le prestataire de services de paiement de ce même payeur n’ait exigé l’authentification forte de ce dernier (C. mon. fin., art. L. 133-19, V). Le prestataire de services de paiement du payeur assumera, par conséquent, l’entière dépense de l’opération en question du fait de l’absence de cette dernière.

Or, jusqu’ici, la Cour de cassation n’avait pas eu l’occasion de se prononcer sur cette dernière disposition légale. La décision du 30 août 2023, qui porte sur ce sujet, attire alors l’attention du lecteur.

Faits et procédure. En réponse à un appel téléphonique et à un message, M. X. avait communiqué à un tiers, qu'il pensait être un employé de la banque Y. auprès de laquelle il avait ouvert un compte, le code à six chiffres (dénommé « 3D Secure »), destiné à valider les paiements par internet à partir de ce compte. À la suite de cette communication, un paiement, non réalisé par l’intéressé, avait été effectué le 27 janvier 2020. M. X. avait alors demandé à la banque de lui rembourser la somme qui avait été prélevée à ce titre et de réparer son préjudice

Cependant, faisant valoir que ce client avait commis une négligence grave en communiquant volontairement un code de sécurité validant une opération financière à une personne extérieure, la banque Y. s’était opposée à sa demande.

Le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand avait pour sa part, par un jugement du 13 janvier 2022, rejeté l'intégralité des demandes de M. X. Celui-ci avait alors formé un pourvoi en cassation.

Décision. Ce dernier se révèle utile puisque la Haute juridiction casse le jugement des magistrats auvergnats.

D’abord, il ressort de l’article L. 133-19, V, du Code monétaire et financier que, sauf agissement frauduleux de sa part, le payeur ne supporte aucune conséquence financière si l'opération de paiement non autorisée a été effectuée sans que le prestataire de services de paiement du payeur n'exige une authentification forte du payeur prévue par le second de ces textes.

Ensuite, il résulte de l'article 34, VIII, 3°, de l'ordonnance n° 2017-1252, du 9 août 2017 N° Lexbase : L4211LG3, que l’article L. 133-44 du même code (renvoie l’article L. 133-19, V), est entré en vigueur le 14 septembre 2019, dix-huit mois après l'entrée en vigueur du Règlement délégué (UE) n° 2018/389 de la Commission du 27 novembre 2017 complétant la directive (UE) 2015/2366 N° Lexbase : L5188LIY par des normes techniques de réglementation relatives à l'authentification forte du client et à des normes ouvertes communes et sécurisées de communication.

Or, pour rejeter la demande de M. X., le jugement avait retenu qu’il avait commis une négligence grave en faisant confiance à une personne qu'il ne connaissait pas et qui lui racontait une histoire assez peu crédible.

Dès lors, en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui incombait, si l’opération de paiement litigieuse avait été exécutée sans que la banque exige l'authentification forte du payeur, la tribunal n’avait pas donné de base légale à sa décision.

Observations. Voilà une solution importante. Elle rappelle que le régime mis en place par la « DSP 2 », concernant l’authentification forte, est particulièrement protecteur pour le payeur. Si la banque n’a pas respecté cette obligation, et a donc permis la réalisation de paiement par le simple recours au 3D Secure, elle se voit tenue de rembourser l’opération ainsi passée.

Mais depuis quand l’obligation liée à l’authentification forte doit-elle être respectée ? La décision étudiée nous l’indique : depuis le 14 septembre 2019, c’est-à-dire dix-huit mois après l’entrée en vigueur du Règlement délégué (UE) n° 2018/389, de la Commission du 27 novembre 2017.

Or tous les établissements de crédit appliquaient-ils l’authentification forte, dans notre pays, à cette date ? On peut légitimement en douter. En effet, il faut rappeler que nombre des professionnels concernés par cette évolution n’étant pas prêts au 14 septembre 2019, l’Autorité bancaire européenne avait décidé de repousser cette entrée en vigueur (J. Lasserre-Capdeville, Où en sommes-nous de l'entrée en vigueur des dispositions nouvelles relatives à l’authentification forte ?, JCP E, 2020, 567). Celle-ci a finalement été opérée le 15 mai 2021

L’arrêt étudié démontre dès lors que, malgré ce report de l’ABE, les juges prennent en considération la date du 14 septembre 2019 pour se prononcer sur le remboursement des opérations passées sans recourir à l’authentification forte. Voilà qui pourrait se révéler redoutable pour les établissements de crédit !

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le droit des opérations de paiement (cartes, virements, prélèvements), Le cas de l’authentification forte, in Droit bancaire, (dir. J. Lasserre-Capdeville), Lexbase N° Lexbase : E8902B4H.

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Droit financier

[Brèves] PSI : la publicité pour des produits financiers risqués est interdite

Réf. : TA Cergy-Pontoise, 13 juillet 2023, n° 2306997 N° Lexbase : A23421CQ

Lecture: 2 min

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par Perrine Cathalo

Le 06 Septembre 2023

► La publicité, directe ou indirecte, adressée par voie électronique à des clients susceptibles d'être non professionnels, notamment des clients potentiels, relative à la fourniture de services d'investissement portant sur les contrats financiers définis à l'article L. 533-12-7 du Code monétaire et financier est interdite.

Faits et procédure. Le service national d’enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a ouvert une enquête à l’encontre de la chaîne télévisée beIN Sports France aux motifs que, lors de la diffusion de la finale de l’Europa League de football le 16 mai 2018, les joueurs du club de l’Atletico Madrid arboraient un sponsor maillot pour une société chypriote proposant aux particuliers des produits financiers risqués dont la publicité est interdite en France, par application des dispositions des articles L. 222-16-1 du Code de la consommation N° Lexbase : L7298LQD et L. 533-12-7 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L7417LBC.

Par décision du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris (TA Paris, 12 novembre 2020, n° 1820611) a jugé que le sponsor maillot des joueurs qui ont disputé la finale de l’Europa League, retransmise par la chaîne beIN Sports France, était bien de la publicité indirecte.  

Par décision du 30 novembre 2022, la DGCCRF a prononcé à l’encontre de la chaîne télévisée une injonction lui demandant de cesser toute diffusion par voie électronique de la publicité relative au sponsor litigieux.

La société a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’un recours en annulation de la décision du 30 novembre 2022.

Décision. Le tribunal administratif rejette la requête de la société beIN Sports France après avoir affirmé que l’injonction litigieuse était une mesure de police administrative et non une sanction.

Le tribunal juge également que l’apparition à l’écran du sponsor maillot chypriote constituait de la publicité indirecte pour des produits financiers risqués au sens du Code monétaire et financier.

La formation de jugement ajoute qu’au regard du nombre limité de matches concernés par la mesure, les atteintes à la liberté d’entreprendre, la liberté du commerce et de l’industrie ou encore la liberté de communication n’étaient pas disproportionnées.

La formation de jugement a porté la même appréciation s’agissant de l’atteinte à la libre prestation de service, aux motifs que l’injonction contestée était motivée par un objectif d’intérêt général et proportionnée à la réalisation de cet objectif au regard de ses conséquences limitées sur la chaîne télévisée.

Ces constatations conduisent le tribunal a confirmé l’injonction de la DGCCRF.

newsid:486469

Sociétés

[Brèves] Prorogation de la société : la régularisation ne nécessite ni bonne foi ni intention unanime des associés

Réf. : Cass. com., 30 août 2023, n° 22-12.084, F-B N° Lexbase : A31371EW

Lecture: 2 min

N6657BZL

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par Perrine Cathalo

Le 06 Septembre 2023

► Il résulte de l'article 1844-6 du Code civil que, quelle que soit la raison pour laquelle la consultation des associés à l'effet de décider si la société doit être prorogée n'a pas eu lieu, le président du tribunal, statuant sur requête à la demande de tout associé dans l'année suivant la date d'expiration de la société, peut constater l'intention des associés de proroger la société et autoriser la consultation à titre de régularisation dans un délai de trois mois ;

Lorsque les statuts de la société prévoient que la prorogation peut être décidée à la majorité qu'ils fixent, il suffit au président de constater que des associés représentant au moins cette majorité ont l'intention de proroger la société. Pour autoriser la société à procéder à cette consultation, le texte n'impose pas au président du tribunal de rechercher si les associés ont omis de bonne foi de proroger la société dont le terme est arrivé à échéance ni n'exige de constater l'intention unanime des associés.

Faits et procédure. Un groupement forestier agricole (GFA) a été constitué le 12 octobre 1979 pour une durée de quarante ans, expirant le 12 octobre 2019.

Par une ordonnance du 14 octobre 2020, le président d’un tribunal judiciaire, saisi sur requête par un associé sur le fondement de l’article 1844-6, alinéa 4, du Code civil N° Lexbase : L2413LRS, a constaté l’intention des associés de proroger la société et autorisé la consultation de ces derniers à titre de régularisation dans un délai de trois mois.

Un associé a demandé la rétractation de cette décision.

Par une décision du 3 janvier 2022, la cour d’appel de Nancy (CA Nancy, 3 janvier 2022, n° 21/01359 N° Lexbase : A69627HC) a rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance du 14 octobre 2020 aux motifs que la décision litigieuse a été adoptée par la majorité en nombre des associés représentant au moins les trois quarts du capital social, conformément à l’article 21 des statuts de la société.

L’associé a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Décision. La Haute juridiction rejette le pourvoi en énonçant la solution susvisée.

La Chambre commerciale constate en effet qu’un procès-verbal d’huissier de justice du 22 septembre 2020 mentionne que quatre associés sur cinq, représentant 273 parts sur 303, sont favorables à la prorogation de la société, de sorte que la majorité en nombre des associés représentant au moins les trois quarts du capital social requise par l’article 21 des statuts du GFA est réunie.

Il s’ensuit que le moyen invoqué par le demandeur au pourvoi, qui consistait à dénier la possibilité pour les statuts de prévoir une décision de prorogation à la majorité, n’est pas fondé.

newsid:486657

Télétravail

[Brèves] Télétravail : attention à bien mettre à jour vos accords et vos chartes

Réf. : Loi n° 2023-622, du 19 juillet 2023, visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité N° Lexbase : L2156MIP

Lecture: 3 min

N6473BZR

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par Lisa Poinsot

Le 06 Septembre 2023

Publiée au Journal officiel du 20 juillet 2023, la loi n° 2023-622 simplifie le recours au télétravail pour les salariés aidants.

Principe. Avant d’avoir recours au télétravail, l’employeur doit consulter le CSE sur ce projet puisque ce dernier impacte l’organisation et les conditions de travail.

Par ailleurs, en cas de mise en place du télétravail, l’employeur doit aborder ce point avec les élus dans le cadre de la consultation récurrente obligatoire sur la politique sociale du CSE et dans le cadre de la consultation récurrente obligatoire sur les orientations stratégiques.

Conseil pratique. Il peut être recommandé d’intégrer des indicateurs télétravail dans la BDESE.

Mise en place. L’employeur peut mettre en place le télétravail soit par :

  • la conclusion d’un accord d’entreprise, ce qui ne nécessite pas la consultation du CSE ;
  • la rédaction d’une charte, après consultation du CSE, sans que les élus n’aient de droit de véto ;
  • la conclusion d’un accord individuel passé entre l’employeur et le salarié intéressé, sans que cela nécessite la consultation du CSE.

Contenu. L’accord ou la charte doit contenir :

  • les conditions de passage en télétravail, en particulier en cas d’épisode de pollution, et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;
  • les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;
  • les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
  • la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;
  • les modalités d’accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail ;
  • et les modalités d’accès des salariées enceintes à une organisation en télétravail depuis la loi Rixain.
À noter. Il existe des droits spécifiques contenus dans l’accord ou la charte concernant notamment les travailleurs handicapés et les femmes enceintes.

⚠️ Désormais, les accords et chartes sur le télétravail doivent inclure les modalités d’accès d’un salarié aidant d’un enfant, d’un parent ou d’un proche, ce qui implique de consulter à nouveau le CSE.

Par ailleurs, pour les entreprises qui n’ont pas d’accord ou de charte et qui formalisent le télétravail par tout moyen, lorsque la demande de recours au télétravail est formulée par un travailleur handicapé ou un salarié aidant d’un enfant, d’un parent ou d’un proche, l’employeur est désormais obligé de motiver son refus.

Pour aller plus loin :

    newsid:486473

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