Jurisprudence : TA Cergy-Pontoise, du 13-07-2023, n° 2306997

TA Cergy-Pontoise, du 13-07-2023, n° 2306997

A23421CQ

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Abstract

► La publicité, directe ou indirecte, adressée par voie électronique à des clients susceptibles d'être non professionnels, notamment des clients potentiels, relative à la fourniture de services d'investissement portant sur les contrats financiers définis à l'article L. 533-12-7 du Code monétaire et financier est interdite.



N° 2306997

Société BEIN SPORTS FRANCE

Mme X ..., Rapporteure

M. Y ..., Rapporteur public

Audience du 6 juillet 2023

Décision du 13 juillet 2023

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise,

(4ème chambre)



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les17 mai 2023 et 22 juin 2023, la
société beIN Sports France, représentée par Me Cohen et Me Charat, demande au
tribunal :

1°) l'annulation de la décision du 30 novembre 2022 par laquelle l'inspecteur
du service national des enquêtes de la direction générale de la concurrence,
de la consommation et de la répression des fraudes lui a enjoint de cesser
toute diffusion de publicité relative au sponsor « Plus500 », ensemble la
décision du 3 avril 2023 rejetant son recours hiérarchique ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement
des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- l'intervention de l'association française des courtiers et prestataires de services d'investissement n'est pas recevable ;

- la décision est entachée d'un vice de procédure, dès lors que l'administration a méconnu les droits de la défense en adoptant un comportement déloyal, méconnaissant l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et a également méconnu l'article 61-1 du code de procédure pénale🏛 ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 522-2 du code de la consommation🏛, dès lors que les faits en cause sont prescrits ;

- elle procède à une inexacte application des dispositions du 6° de l'article L. 222-16-1 du code de la consommation🏛, dès lors que la présence du sponsor incriminé sur les maillots de certaines équipes de football ne saurait être regardée comme une publicité au profit de cette société au sens des dispositions de cet article et qu'en tout état de cause, la société Plus 500 CY Limited ne saurait être regardée comme proposant uniquement des contrats financiers risqués interdits de publicité ; à titre subsidiaire, la décision est disproportionnée puisque l'inspecteur ne pouvait dénombrer chaque apparition du logo « Plus 500 » à l'écran comme un nouveau manquement ;

- la décision est illégale en raison de l'illégalité des dispositions des article L. 533-12-7 du code monétaire et financier🏛 et L. 222-16-1 du code de la consommation qui méconnaissent le point 12 de l'article 24 de la directive 2014/65/UE, dès lors que la France n'a pas notifié à la Commission européenne l'interdiction générale de publicité en faveur de produits financiers risqués mise en œuvre par la loi du 9 décembre 2016🏛, alors que cette interdiction est une « exigence supplémentaire » au sens de cette directive et que cette interdiction ne répond pas aux conditions posées par la directive à toute exigence supplémentaire ;

- elle méconnaît le principe de sécurité juridique, dès lors que l'administration a pris une mesure ayant une portée extraterritoriale, que cette injonction remet en cause les contrats la liant aux organisateurs des matchs et aux abonnés et qu'elle méconnaît le principe d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme, dès lors qu'il ne saurait lui être demandé de se prononcer sur le caractère risqué des produits financiers commercialisés par des sociétés figurant sur les maillots des joueurs ;

- elle méconnaît le principe d'égalité de traitement, en créant une distorsion économique en sa défaveur à l'égard d'autres média sportifs concurrents qui continuent de diffuser de telles images ;

- elle méconnaît le principe du « pays d'origine » consacré par la directive 2010/13/UE du 10 mars 2010 ;

- cette injonction est également illégale dès lors qu'elle méconnaît le droit à l'information, la liberté de communication et d'expression garantis par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et la liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté contractuelle ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété ;

- elle méconnaît l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en raison du caractère trop général et absolu de la restriction à la libre-prestation de service qu'elle implique.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 juin 2023, le ministre de
l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La requête a été communiquée à l'association française des courtiers et
prestataires de services d'investissement et à l'autorité de régulation de la
communication audiovisuelle et numérique, en qualité d'observateurs, qui n'ont
pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution et son préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 ;

- la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 ;

- le code de procédure pénale ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de la consommation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme X ..., rapporteure,

- les conclusions de M. Y ..., rapporteur public,

- et les observations de Me Cohen, pour la société beIN Sports France.

La société beIN Sports France, a produit une note en délibéré le 7 juillet
2023.

Considérant ce qui suit :

1. Le 25 juin 2018, le service national d'enquête (SNE) de la direction
générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes
(DGCCRF) a ouvert une enquête à l'encontre de la société beIN Sports France
après que la chaîne beIN Sports a diffusé le 16 mai 2018 la finale de l'Europa
League de football s'étant tenu en France et opposant le club de l'Atletico
Madrid à celui de l'Olympique de Marseille, au motif que, lors de cette
finale, les joueurs de l'équipe madrilène arboraient un sponsor maillot pour
une société chypriote proposant aux particuliers des produits financiers
risqués dont la publicité est interdite en France, par application des
dispositions des articles L. 222-16-1 du code de la consommation et L.
533-12-7 du code monétaire et financier. En parallèle, le 2 juillet 2018,
l'association française des courtiers et prestataires de services
d'investissement (AFCoPSI) a saisi la DGCCRF d'une demande de sanction à
l'encontre de beIN Sports France pour ce même motif, demande sur laquelle
l'administration a gardé le silence faisant naître une décision implicite de
rejet. Après que l'AFCoPSI a contesté cette décision, le tribunal
administratif de Paris a, par sa décision n° 1820611 du 12 novembre 2020,
annulé la décision implicite de rejet, au motif que beIN Sports France avait
bien méconnu les dispositions combinées du code de la consommation et du code
monétaire et financier et a enjoint l'administration à prendre une mesure de
sanction. L'administration ayant fait appel, la cour administrative d'appel de
Paris, par son arrêt n° 20PA04187 du 6 juillet 2021, a annulé partiellement le
jugement de première instance sur la mesure d'injonction, enjoignant seulement
l'administration à réexaminer la demande présentée par l'AFCoPSI.

2. Les 26 et 27 avril 2022, un inspecteur du SNE de la DGCCRF a établi deux
procès-verbaux de constat quant à l'application par la société beIN Sports
France des dispositions des articles L. 222-16-1 du code de la consommation et
L. 533-12-7 du code monétaire et financier, portant sur la diffusion du match
du 16 mai 2018 ainsi que sur des reportages figurant sur le site Internet de
la chaîne beIN Sports. Par un courrier du 20 mai 2022, la DGCCRF a transmis ce
procès-verbal et informé beIN Sports France de son intention de prendre une
mesure à son encontre, l'invitant à présenter ses observations, ce que beIN
Sports France a fait le 24 juin 2022. Par une décision du 30 novembre 2022,
l'inspecteur de la DGCCRF a prononcé à l'encontre de beIN Sports France une
injonction lui demandant de « cesser toute diffusion par voie électronique de
la publicité relative au sponsor « Plus500 ». Par un courrier du 3 février
2023, la société beIN Sports France a formé contre cette décision un recours
hiérarchique auprès du chef du service national d'enquête de la DGCCRF, qui a
été implicitement rejeté. Par la présente requête, la société beIN Sports
France demande l'annulation de la décision du 30 novembre 2022 ainsi que de la
décision implicite de rejet de son recours hiérarchique.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société beIN Sports France :

3. Si la société requérante conteste l'intérêt à agir de l'AFCoPSI pour
intervenir dans la présente instance, cette dernière n'a pas formé une
intervention en application des dispositions de l'article R. 632-1 du code de
justice administrative, mais a été mise en la cause par le juge en qualité
d'observateur, ce qui lui est loisible de faire dans le cadre de ses pouvoirs
d'instruction. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société beIn
Sports France ne pourra qu'être écartée.

Sur les conclusions d'annulation :

4. En premier lieu et d'une part, si la société soutient qu'en application de
l'article 61-1 du code de procédure pénale, l'inspecteur de la DGCCRF,
agissant en qualité de police judiciaire, était tenu de l'informer à
l'ouverture de son enquête, en mai 2018, de l'infraction qu'elle était
soupçonnée avoir commise, ces dispositions ne sont pas applicables à la
procédure administrative dont la société beIN Sports France a fait l'objet.

5. D'autre part, la décision attaquée est une injonction de mise en
conformité, mesure de police administrative prévue par l'article L. 521-1 du
code de la consommation, cité au point 4, inséré dans la section 1 du chapitre
1er du titre II du livre V du code de la consommation « Mesures de police
administrative », et non une sanction administrative, prévue au chapitre II de
ce même titre. Dès lors, la société ne peut utilement soutenir que les
articles 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales et 14 du pacte internationale relatif aux droits
civils et politique auraient été méconnus au motif que l'administration
n'aurait pas eu un comportement loyal au cours de l'enquête en ne précisant
pas à l'ouverture de celle-ci quelle infraction elle entendait réprimer.

6. Enfin et en tout état de cause, aux termes de l'article L. 512-8 du code
de la consommation : « Les agents habilités peuvent exiger la communication de
documents de toute nature propres à faciliter l'accomplissement de leur
mission. Ils peuvent les obtenir ou en prendre copie, par tout moyen et sur
tout support, ou procéder à la saisie de ces documents en quelques mains
qu'ils se trouvent ». Aux termes de l'article L. 521-1 du même code🏛 : «
Lorsque les agents habilités constatent un manquement ou une infraction avec
les pouvoirs prévus au présent livre, ils peuvent, après une procédure
contradictoire, enjoindre à un professionnel, en lui impartissant un délai
raisonnable qu'ils fixent, de se conformer à ses obligations, de cesser tout
agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite ».

7. Il ressort des pièces de dossier que dès le mois de mai 2018, la société
beIN Sports France était informée de ce que le service national des enquêtes
de la DGCCRF menait une enquête sur la publicité indirecte pour la société «
Plus500 » apparaissant lors du match du 16 mai 2018. En outre, il ressort de
ces mêmes pièces que la société beIN Sports France a bien été informée le 20
mai 2022 par l'administration des constatations effectuées par l'inspecteur de
la DGCCRF, de ce qu'elles étaient susceptibles de caractériser une
méconnaissance des dispositions de l'article L. 222-16-1 du code de la
consommation et de la possibilité qu'elle avait de présenter ses observations
sur ces éléments, conformément aux dispositions citées au point 6. Dans ces
conditions, la société beIN Sports France n'est pas fondée à soutenir que
l'administration a eu un comportement déloyal à son égard, en méconnaissance
du principe du respect des droits de la défense.

8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du vice de procédure, pris
dans toutes ses branches, doit être écarté.

9. En deuxième lieu, la prescription, prévue par l'article L. 522-2 du code
de la consommation, n'est applicable qu'aux procédures de sanction
administrative. Dès lors, elle ne peut utilement être opposée à la décision
attaquée qui est une mesure de police administrative. Le moyen tiré de ce que
les faits à l'origine de la décision seraient prescrits, inopérant, doit donc
être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 533-12-7 du code monétaire
et financier : « Les prestataires de services d'investissement ne peuvent
adresser, directement ou indirectement, par voie électronique, des
communications à caractère promotionnel à des clients susceptibles d'être non
professionnels, notamment des clients potentiels, relatives à la fourniture de
services d'investissement portant sur des contrats financiers qui ne sont pas
admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de
négociation, relevant de l'une des catégories de contrats définies par le
règlement général de l'Autorité des marchés financiers et présentant l'une des
caractéristiques suivantes : / 1° Le risque maximal n'est pas connu au moment
de la souscription ; / 2° Le risque de perte est supérieur au montant de
l'apport financier initial ; / 3° Le risque de perte rapporté aux avantages
éventuels correspondants n'est pas raisonnablement compréhensible au regard de
la nature particulière du contrat financier proposé. Le présent article ne
s'applique pas aux informations publiées sur leur site internet par les
prestataires de services d'investissement commercialisant les contrats
financiers mentionnés au premier alinéa ». Aux termes de l'article L. 222-16-1
du code de la consommation : « La publicité, directe ou indirecte, adressée
par voie électronique à des clients susceptibles d'être non professionnels,
notamment des clients potentiels, relative à la fourniture de services
d'investissement portant sur les contrats financiers définis à l'article L.
533-12-7 du code monétaire et financier est interdite ».

11. La société beIN Sports France soutient que l'interdiction de publicité
pour des produits financiers risqués, prévue par les dispositions précitées,
est une « exigence supplémentaire » que la France a entendu mettre en œuvre
lors de la transposition de la directive 2014/65/UE du 15 mai 2014 du
Parlement européen et du Conseil concernant les marchés d'instruments
financiers dite « MiFID II », que cette mesure doit dès lors respecter les
conditions fixées par le point 12 de l'article 24 de cette directive qui fait
obligation à la France, d'une part, de notifier cette mesure à la Commission
européenne avant son entrée en vigueur et, d'autre part, de s'assurer que
cette mesure est objectivement justifiée et proportionnée. Toutefois, il
ressort des termes mêmes de la directive MiFID II que cette dernière ne
réglemente que l'activité des entreprises d'investissement. Une réglementation
affectant les annonceurs et diffuseurs, comme celle prévue à l'article L.
222-16-1 du code de la consommation, n'entre dès lors pas dans le champ de la
directive. En outre et en tout état de cause, les auteurs de la directive
n'ont pas entendu réglementer la communication à but promotionnel des sociétés
d'investissement, laissant aux États-membres la faculté de réglementer sur ce
point, sauf à ce que cela aboutisse à prendre des mesures ayant des effets
contraires à la directive, ce qui n'est ni établi, ni même allégué en
l'espèce. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'incompatibilité entre les
dispositions législatives qui fondent la décision et la directive MiFiD II,
inopérant, doit être écarté.

12. En quatrième lieu et tout d'abord, il ressort des pièces du dossier, et
en particulier de l'avis de l'autorité des marchés financiers (AMF) adressé à
la DGCCRF le 2 juillet 2018, que la plus grande partie de l'offre de la
société chypriote « Plus500 » doit être regardée comme relevant de la
catégorie des contrats financiers hautement risqués au regard des trois
critères fixés à l'article L. 533-12-7 du code monétaire et financiers, cité
au point 10, auquel l'article L. 222-16-1 fait référence. Pour contester cette
appréciation, la société beIN Sports France relève l'ancienneté de cet avis au
regard de la date de l'injonction attaquée et oppose l'avis d'un expert en
matière de marché financier auprès de la Cour d'appel de Paris. Toutefois,
cette dernière expertise, commandée par la société d'investissement « Plus 500
» elle-même en vue d'attester de la conformité de ses contracts for difference
(CFD) commercialisée en France à la réglementation française, est datée du 20
septembre 2017 et est donc antérieure à l'avis de l'AMF. En outre, l'AMF
concluait le 2 juillet 2018 que la protection apportée aux utilisateurs
français de la plateforme de « Plus500 », dont l'expert atteste l'effectivité,
ne correspond pas à la définition française de la protection intrinsèque, dès
lors qu'elle garantit seulement au client que ses pertes n'excéderont pas le
solde de son compte ouvert sur la plateforme, et non, comme l'exige la
réglementation française, le montant investi à l'occasion de l'ouverture d'une
position donnée. Enfin, la circonstance que la société d'investissement
litigieuse ne figure pas sur la liste noire de l'AMF est sans incidence sur
l'application des dispositions de l'article L. 222-16-1, dès lors que cette
liste n'a vocation qu'à recenser les acteurs qui ne sont pas autorisés à
proposer des produits financiers en France, et non à lister les acteurs
proposant des produits financiers risqués au sens de l'article L. 533-12-7 du
code monétaire et financier.

13. Par ailleurs, il est constant que les dispositions de l'article L.
222-16-1 du code de la consommation prohibent toute forme de publicité
numérique, y compris indirecte, pour ce type de contrat d'investissement,
lorsqu'elle est à destination des non-professionnels.

14. Il résulte de ce qui précède qu'en enjoignant à beIN Sports France de «
cesser toute diffusion par voie électronique de la publicité relative au
sponsor « Plus500 », l'administration n'a pas méconnu les dispositions de
l'article L. 222-16-1 du code de la consommation citée au point 10.

15. En cinquième lieu et d'une part, la circonstance que la mesure
d'injonction, qui vise à protéger les téléspectateurs français, ait des effets
éventuels sur l'activité économique de beIN Sports France à l'étranger n'est
pas de nature à caractériser une méconnaissance du principe de sécurité
juridique.

16. D'autre part, l'injonction litigieuse se borne à rappeler à la société
ses obligations issues de dispositions législatives entrées en vigueur depuis
le 1er janvier 2017, la société n'établissant aucunement que les contrats avec
ses fournisseurs et ses abonnés, qui seraient selon elle affectés par cette
injonction, auraient tous été signés avant cette date. En outre et en tout
état de cause, le seul fait que cette mesure d'injonction ait une incidence
sur son activité économique n'est pas de nature à caractériser une
méconnaissance du principe de sécurité juridique alors que la société beIN
Sports France n'établit, ni même n'allègue que l'entrée en vigueur de cette
législation nécessitait des mesures transitoires.

17. Enfin, si beIN Sports France soutient que l'injonction manque de clarté
en ce qu'elle fait peser sur le diffuseur une obligation d'expertiser
l'activité financière des sociétés d'investissement afin de déterminer si
elles entrent dans le champ de l'interdiction fixée par l'article L. 222-16-1
du code de la consommation, il ressort des termes mêmes de l'injonction que
l'administration a entendu rappeler à beIN Sports France que cette
interdiction s'appliquait précisément à la société « Plus 500 », la société ne
pouvant, par conséquent, avoir aucun doute sur la portée de cette injonction.

18. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du
principe de sécurité juridique, pris dans toutes ses branches, ne peut qu'être
écarté.

19. En cinquième lieu, la société ne peut utilement soutenir, à l'appui de
son moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement, que
d'autres média utilisant également des images de joueurs arborant ce sponsor
n'ont pas fait l'objet d'une enquête de la DGCCRF, dès lors, en tout état de
cause, qu'il résulte des termes mêmes des dispositions législatives citées au
point 10 que l'interdiction s'applique à tous les diffuseurs et annonceurs
œuvrant à destination du public français. Par suite, ce moyen ne peut qu'être
écarté.

20. En sixième lieu, la société beIN Sports France invoque la méconnaissance
par la décision attaquée de plusieurs libertés fondamentales. Toutefois, des
atteintes peuvent être portées à l'exercice de ces libertés pour des exigences
d'ordre public dès lors qu'elles sont nécessaires, adaptées et proportionnées.

21. D'une part, la mesure d'injonction prise à l'encontre de la société beIN
Sports France vise à éviter que les consommateurs français soient exposés
indirectement à de la publicité audiovisuelle en faveur des produits
financiers commercialisés par la société chypriote « Plus500 », qui ne
contiennent pas de protection intrinsèque et ne permettent pas à des
investisseurs non professionnels de connaître le risque de perte associé
susceptible d'excéder leur apport initial. En outre, la société beIN Sports
France ne conteste pas que cette mesure intervienne dans un contexte de fort
développement en France de la commercialisation de ces contrats hautement
spéculatifs auprès des particuliers, ayant engendré, avant l'intervention de
la loi ayant introduit l'interdiction de toute publicité pour ce type de
produits, des volumes de perte pour les investisseurs non-professionnels dix
fois supérieurs au volume des gains enregistrés par ces mêmes investisseurs.

22. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'injonction
litigieuse a eu pour effet, depuis le mois de novembre 2022, d'empêcher la
diffusion par la société beIN Sports France de 23 matchs de championnat de
l'équipe italienne de Bergame pour la saison 2022-23, dès lors que la société
« Plus500 » est le sponsor officiel de cette équipe, et, pour la saison 2023-
24, de faire obstacle à la diffusion de tous les matchs de championnat et
d'Europa League de cette seule et même équipe italienne, ainsi que des
quelques matchs de Ligue des champions, où interviendrait l'équipe suisse de
la ville de Berne, également sponsorisée par cette société et à ce jour
seulement sélectionnée pour les barrages permettant l'accès à cette
compétition. Au regard des éléments produits par la société beIN Sports
France, l'incidence de cette injonction revêt un caractère limité.

23. Il résulte de ce qui précède qu'au regard de la nécessité à laquelle
répond cette mesure ciblée, rappelée au point 21, la circonstance qu'elle
prive les téléspectateurs français de quelques matchs de championnat italien
ou de compétitions européennes des clubs et qu'elle prive beIN Sports France
de la possibilité de les diffuser est insuffisant à établir qu'une telle
injonction porterait une atteinte disproportionnée à la liberté
d'entreprendre, la liberté du commerce et de l'industrie, la liberté
contractuelle, le droit de propriété, le droit à l'information, la liberté de
communication et la liberté d'expression.

24. En septième lieu, la publicité télévisée indirecte pour des produits
financiers risqués résultant de la présence à l'écran de sponsors maillots
lors de la retransmission de manifestations sportives ne constitue pas un
message télévisé individualisable destiné à promouvoir des biens ou des
services au sens du i) de l'article 1er de la directive 2010/13/UE du 10 mars
2010 du Parlement européen et du Conseil relative aux services de médias
audiovisuels (SMA), qui définit la « publicité télévisée » comme impliquant
notamment l'existence d'une contrepartie financière au profit du diffuseur.
Dès lors qu'une telle publicité n'est pas une « publicité télévisée » au sens
de cette directive, l'injonction litigieuse n'entre pas dans le champ de cette
dernière. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée
méconnaîtrait le principe dit « du pays d'origine » prévu par cette directive
est inopérant et ne peut qu'être écarté.

25. Aux termes de l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union
européenne : « Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la
libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à
l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre
que celui du destinataire de la prestation ».

26. Il n'est pas contesté que l'injonction en cause est une restriction à la
libre-prestation de service prévalant dans l'Union européenne aux termes des
stipulations précitées, dès lors qu'elle limite les possibilités pour beIN
Sports France, diffuseur français, de retransmettre des matchs de football se
déroulant ailleurs sur le territoire de l'Union européenne au motif que
figurent sur les maillots des joueurs des sponsors ayant interdiction de faire
de la publicité en France et que cette situation affecte ses relations
commerciales avec certains championnats européens. Toutefois, il résulte de ce
qui a été dit au point 21 que l'interdiction de publicité à destination du
public non-professionnel en faveur de la société en cause, qui commercialise
des contrats d'investissement hautement spéculatifs, poursuit un objectif
impérieux d'intérêt général relevant de la protection des consommateurs
français, et en particulier des épargnants. En outre, il est constant qu'il
n'existe pas de moyens techniques alternatifs permettant à beIN Sports France
de diffuser les matchs en question sans faire apparaître à l'image le sponsor
maillot des joueurs. Enfin, si beIN Sports France se borne à soutenir que
cette injonction lui interdisant toute diffusion serait disproportionnée dès
lors qu'elle aurait un caractère trop général et absolu, il résulte de ce qui
a été dit précédemment au point 22 que l'incidence de l'injonction litigieuse
reste limitée. L'injonction ne saurait en conséquence être regardée comme
ayant un effet disproportionné au regard de l'objectif qu'elle poursuit. Par
suite, le moyen tiré de la méconnaissance par la décision attaquée de
l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être
écarté.

27. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions d'annulation
présentées par la société beIN Sports France doivent être rejetées, ainsi que,
par voie de conséquence les conclusions présentées sur le fondement des
dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Par ces motifs, le tribunal décide :

Article 1er : La requête de la société beIN Sports France est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société beIN Sports France
et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle
et numérique.


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