Le Quotidien du 10 mai 2023

Le Quotidien

Actualité judiciaire

[A la une] Zoom sur le projet de loi d’orientation de la justice présenté par Éric Dupond-Moretti

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par Vincent Vantighem

Le 19 Juin 2023

Sur le mur du vestibule de la Chancellerie, les portraits des anciens gardes des Sceaux sont bien alignés. Un regard suffit pour tous les embrasser. Et pour se souvenir, ici, d’une anecdote, là, d’une réforme qui a fait polémique… Dans quelques années, on se rappellera sans doute la loi d’orientation et de programmation pour la justice présentée cette semaine en conseil des ministres lorsqu’on regardera celui d’Éric Dupond-Moretti. L’ancien avocat ne serait pas contre tant il considère que les deux textes qu’il a ficelés et qui constituent ce corpus législatif vont changer la face de la magistrature pour les prochaines années.

Après « des décennies d’abandon humain et budgétaire », selon ses termes, son projet prévoit, en effet, une hausse historique du budget. Dont les chiffres donnent le tournis : 7,5 milliards d’euros supplémentaires pour atteindre l’objectif de près de 11 milliards d’euros en 2027. Soit une hausse de 60 % du budget sur les deux quinquennats d’Emmanuel Macron. De quoi permettre de cocher trois cases essentielles aux yeux des autorités : embaucher des personnels, revaloriser le salaire des magistrats et construire de nouvelles places de prison alors que les établissements pénitentiaires actuels saturent, chaque mois, un peu plus.

Mais au-delà de l’aspect strict des moyens, le ministre entend aussi profiter de ce texte, qui sera présenté en juin au Parlement, pour faire passer des dispositions bien précises. La plupart émanent des conclusions des États généraux de la justice ou du programme de campagne du candidat Macron en 2022. Tour d’horizon des principales mesures.

Les renforts arrivent

1 500 magistrats. Autant de greffiers. Et près de 7 000 fonctionnaires ou contractuels. Soit 10 000 embauches d’ici 2027. À bout de souffle depuis des mois, les magistrats vont (enfin) voir les renforts arriver. Si l’on ignore encore comment les personnels seront répartis dans les juridictions (en fonction de critères géographiques ou de la tension dans les services), ils devraient venir soulager des juges épuisés à force de jongler avec les dossiers et inquiets à l’idée de devoir rendre la justice en pleine nuit, tant les audiences s’allongent, mois après mois, notamment lors des comparutions immédiates.

Le projet prévoit ainsi de créer une nouvelle fonction. Celle d’attaché de justice. Elle viendra remplacer les juristes assistants déjà en poste (comme les 300 qui ont été embauchés en 2023). Fonctionnaires ou contractuels, ils seront chargés d’assister et de soutenir les magistrats dans leurs décisions. Et pour anticiper la critique des syndicats qui craignaient que ceux-ci manquent de compétences, le ministre a prévu de les former, de leur faire prêter serment et de les soumettre au secret professionnel.

Cerise sur la fiche de paye : le texte entérine l’idée d’une augmentation moyenne de 1 000 euros pour tous les magistrats de l’ordre judiciaire qui n’avaient pas été augmentés depuis… 27 ans.

La responsabilité des magistrats en question

Du temps où il arpentait les prétoires de France, Éric Dupond-Moretti a souvent pesté contre la difficulté voire l’impossibilité d’engager la responsabilité d’un magistrat qui aurait commis une erreur d’appréciation. Il y a une dizaine d’années, une procédure devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) devait permettre de régler ce problème et d’offrir aux citoyens l’occasion de réclamer des comptes à leurs juges. Trop complexe, trop technique, mal ficelée… Elle n’a jamais vraiment fonctionné.

Le garde des Sceaux entend donc améliorer les choses pour que les justiciables ordinaires puissent réclamer des comptes aux magistrats qui les ont jugés. Les conditions de recevabilité des plaintes seront simplifiées et la commission d’admission des requêtes du Conseil supérieur de la magistrature pourra directement solliciter l’Inspection générale de la justice pour diligenter une enquête administrative.

Cure d’amaigrissement pour le Code de procédure pénale

Sur les plateaux de télévision, Éric Dupond-Moretti a pris l’habitude d’emporter deux livres rouges pour faire la promotion de sa réforme : un petit et un gros. Le petit est le Code de procédure pénale (CPP) datant de 1959 et qui contient huit cents articles. Le gros n’est autre que la version de 2022 qui en contient… trois fois plus. « Certains articles renvoient à d’autres articles qui renvoient à d’autres articles qui renvoient à d’autres articles… », se désespère le garde des Sceaux.

Ce ne sera bientôt plus le cas. Le texte présenté cette semaine en Conseil des ministres habilite le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance pour une recodification du CPP à droit constant. Trop touffu, trop gros, illisible, le CPP va donc être refondu. Pour cela, un comité d’experts est chargé depuis janvier de relire l’ouvrage. Et il va prendre dix-huit mois pour le faire et procéder à des propositions de modification.

Simplification en vue pour certaines règles de procédure

Outre la cure d’amaigrissement générale pour le CPP, les textes de la Chancellerie prévoient d’ores et déjà de « simplifier » certaines règles. Pour répondre à plusieurs demandes, certaines émanant des syndicats de policiers, d’autres des magistrats eux-mêmes. Tous entendus dans le cadre des États généraux de la justice. Exemples : la détention provisoire doit être limitée ; les délais en matière de comparution immédiate doivent être unifiés ; les perquisitions de nuit vont être autorisées en matière de crimes de droit commun. Ce dernier point afin de « prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique, lorsqu’il existe un risque immédiat de disparition des preuves et indices du crime qui vient d’être commis ou pour permettre l’interpellation de son auteur ».

Autre nouveauté : les juges pourront demander d’activer les téléphones portables des suspects à distance afin de les géolocaliser. Il sera également possible d’activer, à distance, tout appareil connecté afin de capter des sons et des images. Tout ceci n’étant pas applicable quand le suspect se trouve être un parlementaire, un journaliste, un avocat, un magistrat ou un médecin.

Renforcer le statut de témoin assisté

Parent pauvre de la procédure pénale souvent peu utilisé, le statut de témoin assisté va être renforcé. Entre le statut de simple témoin et celui de mis en examen, il permettra désormais de pouvoir faire appel des ordonnances d’expertises commandées par le juge et de demander des contre-expertises, ce qui n’était pas le cas jusque-là. Autre nouveauté dans ce domaine : les justiciables auront désormais la possibilité de contester leur mise en examen dès sa notification. Pour l’instant, ils doivent attendre six mois pour pouvoir faire cela.

Les juges des libertés et de la détention auront le choix

En l’espace de vingt ans, leur charge de travail n’a cessé de s’accroître. Les juges de la liberté et de la détention (JLD) pourront désormais se recentrer sur le pénal. S’ils le souhaitent ! À l’appréciation des juridictions, le président du tribunal pourra, en effet, décider de transférer les compétences des JLD en matière civile (maintien des étrangers en situation irrégulière en rétention administrative par exemple ou hospitalisations sous contrainte) à un autre juge du tribunal judiciaire.

Vers un nouveau « tribunal des activités économiques »

Le ministre veut expérimenter une nouvelle juridiction : le tribunal des activités économiques. Dans neuf à douze juridictions et pour une durée de quatre ans, ces tribunaux auront des compétences élargies par rapport aux actuels tribunaux de commerce. Ils concerneront surtout les agriculteurs et certaines professions libérales. Avec un mot d’ordre : tout faire pour recourir aux règlements à l’amiable des conflits.

Autant de mesures qui doivent donc être débattues dès le mois de juin. D’abord à l’Assemblée nationale puis au Sénat. Une bonne occasion pour Emmanuel Macron d’oublier (un peu) la réforme des retraites.

newsid:485316

Avocats/Discipline

[Brèves] Usurpation du titre d'avocat et prise d’effet de l’omission du tableau de l’Ordre

Réf. : Cass. crim., 18 avril 2023, n° 22-83.515, F-B N° Lexbase : A75619PQ

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N5280BZL

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par Marie Le Guerroué

Le 23 Mai 2023

► Le délit d'usurpation du titre d'avocat par un avocat dont le Conseil de l'Ordre a ordonné l'omission du tableau est subordonné au constat préalable du caractère exécutoire de cette décision ; ce caractère exécutoire suppose que cette décision et, en cas de recours, l'arrêt l'ayant confirmée, aient été notifiés à l'intéressé.

Faits et procédure. Un avocat admis le 20 décembre 1994 au tableau de l'Ordre des avocats du barreau de Paris, a fait l'objet, le 29 juin 2015, d'une décision d'omission financière prononcée par le Conseil de l'Ordre, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 mars 2016. Deux de ses clientes ont déposé plainte contre lui pour avoir continué à se prévaloir à leur égard de sa qualité d'avocat postérieurement à cette omission. À l'issue de l'enquête préliminaire ordonnée sur ces faits, l’intéressé a été convoqué devant le tribunal correctionnel notamment pour usurpation du titre d'avocat commis entre le 29 avril 2016 et le 2 juillet 2017, dans une facture du 23 mai 2016 où son titre d'avocat est mentionné. Les juges du premier degré l'ont déclaré coupable de ces faits et ont prononcé sur les intérêts civils. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision. L’avocat a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui, pour usurpation du titre d'avocat, l'a notamment condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis et cinq ans d'interdiction professionnelle.

En cause d’appel. Pour confirmer le jugement ayant déclaré le prévenu coupable de ce délit, l'arrêt rendu par la cour d’appel de Paris énonce qu'il a fait l'objet d'une décision d'omission financière prononcée par le Conseil de l'Ordre le 29 juin 2015, confirmée, sur recours du 17 juillet 2015, par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 mars 2016. Les juges ajoutent que, si les articles 102 et 108 du décret du 27 novembre 1991 N° Lexbase : L8168AID prévoient que la décision d'omission doit être notifiée et si la décision concernant l’avocat précise qu'elle doit faire l'objet d'une telle notification, la circonstance qu'il n'en soit pas justifié au dossier est sans effet, dès lors que l'intéressé a pu exercer un recours contre cette décision. Ils précisent que, s'il n'existe pas davantage de trace, au dossier, de la notification de l'arrêt du 10 mars 2016, les articles précités ne prévoient pas la notification d’une telle décision, qui ne mentionne d'ailleurs pas elle-même qu'elle doive être notifiée. Ils retiennent que la fiche d'avocat de l’intéressé comporte un tableau mentionnant que la décision d'omission financière du 29 juin 2015 a pris effet le 10 mars 2016. La cour d'appel en conclut qu'à cette date, l'intéressé n'avait plus le droit ni d'exercer la profession d'avocat ni d'en revendiquer le titre.

Réponse de la Cour. La Chambre criminelle rend sa décision au visa des articles 433-17 du Code pénal N° Lexbase : L9633IEI, 503 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6620H7C, 16, 102 et 108 du décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat. Il résulte de ces textes que le délit d'usurpation du titre d'avocat par un avocat dont le Conseil de l'Ordre a ordonné l'omission du tableau est subordonné au constat préalable du caractère exécutoire de cette décision. Ce caractère exécutoire suppose que cette décision et, en cas de recours, l'arrêt l'ayant confirmée, aient été notifiés à l'intéressé. En statuant comme elle l’a fait, sans constater la notification, à l'intéressé, tant de la décision d'omission que de l'arrêt qui l'a confirmée, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.

Cassation. La cassation est, par conséquent, encourue.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L’admission au tableau de l’Ordre, La procédure d'omission du tableau de l'Ordre, in La profession d'avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E33763RH.

 

newsid:485280

Baux d'habitation

[Brèves] Ne pas confondre loyer et indemnité d’occupation…

Réf. : Cass. civ. 3, 6 avril 2023, n° 19-24.586, F-D N° Lexbase : A62789NT

Lecture: 2 min

N5243BZ9

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 16 Juin 2023

► En condamnant les locataires à payer aux bailleurs une certaine somme incluant les loyers et charges impayés jusqu'à une certaine date alors que l'obligation des preneurs de payer le loyer et les charges avait pris fin deux ans auparavant, date d'effet du congé délivré par les bailleurs et validé par les juges du fond, la cour d'appel, qui n'a pas tiré Ies conséquences de ses propres constatations, a violé les articles 7, a), et 15, I, de la loi n° 89-462, du 6 juillet 1989.

L’erreur est terminologique, mais elle est lourde de conséquences puisque l’arrêt est censuré et les parties sont renvoyées devant la cour d'appel autrement composée.

Faits et procédure. En l’espèce, les bailleurs d’une maison à usage d’habitation avaient délivré aux locataires deux commandements de payer visant la clause résolutoire prévue au bail (conclu le 3 mars 2008), puis leur avaient signifié un congé pour le 2 mars 2017.

Les locataires avaient assigné les bailleurs en annulation des commandements de payer et du congé, indemnisation du préjudice de jouissance résultant de la mauvaise exécution par les bailleurs de leur obligation d'entretien et compensation entre les créances respectives des parties.

Décision CA. Pour condamner les locataires au paiement d'une certaine somme au titre de la dette locative arrêtée au mois de mars 2019, la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait retenu qu'il résultait du décompte produit par les bailleurs qu'ils n'avaient pas réglé avec régularité le montant des loyers et des charges (CA Aix-en-Provence, 19 septembre 2019, n° 17/03159 N° Lexbase : A0827ZPC).

Cassation. Sauf que, dans son arrêt, la cour d’appel avait également validé le congé délivré par les bailleurs le 2 mars 2017.

Ce faisant, elle n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 7, a), et 15, I, de la loi n° 89-462, du 6 juillet 1989 N° Lexbase : L8461AGH, dont la Haute juridiction ne manque pas de rappeler la teneur : « Selon le premier de ces textes, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus. Il résulte du second que le congé régulièrement délivré est un acte unilatéral qui met fin au bail et à l'obligation de payer le loyer par la seule manifestation de volonté de celui qui l'a délivré, à l'expiration du délai de préavis applicable ».

Si donc les locataires se sont maintenus dans les lieux après que le congé ait été délivré, ils pouvaient être redevables de sommes à titre d’indemnité d’occupation, mais en aucun cas de loyers.

newsid:485243

Données personnelles

[Brèves] Violation du RGDP et droit à réparation

Réf. : CJUE, 4 mai 2023, aff. C-300/21 N° Lexbase : A70529SY

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N5311BZQ

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par Vincent Téchené

Le 09 Mai 2023

► La simple violation des dispositions du RGPD ne suffit pas pour conférer un droit à réparation, mais l’atteinte d’un certain seuil de gravité par le dommage moral subi n’est pas requise pour conférer un droit à réparation ;

Aux fins de la fixation du montant des dommages et intérêts dus au titre du droit à réparation, les juges nationaux doivent appliquer les règles internes de chaque État membre relatives à l’étendue de la réparation pécuniaire, pour autant que les principes d’équivalence et d’effectivité du droit de l’Union soient respectés.

Faits et procédure. À compter de l’année 2017, Österreichische Post (poste autrichienne) a collecté des informations sur les affinités politiques de la population autrichienne et a traité ces données. Ces dernières n’ont pas été transférées à des tiers.

Un citoyen, qui n’avait pas consenti au traitement de ses données à caractère personnel, affirme avoir ressenti une grave contrariété, une perte de confiance, ainsi qu’un sentiment d’humiliation, en raison de l’établissement d’une affinité particulière avec un parti politique. C’est au titre de la réparation du préjudice moral qu’il estime avoir subi qu’il réclame devant les juridictions autrichiennes un montant de 1 000 euros.

La Cour suprême autrichienne a exprimé des doutes quant à la portée du droit à réparation que le RGPD (Règlement (UE) n° 2016/679, du 27 avril 2016 N° Lexbase : L0189K8I) prévoit en cas d’un dommage matériel ou moral du fait d’une violation de ce Règlement. Cette juridiction a donc demandé à la CJUE si la simple violation du RGPD suffit pour conférer ce droit, et si la réparation n’est possible qu’au-delà d’un certain degré de gravité du dommage moral subi. Elle souhaite aussi savoir quelles sont les exigences du droit de l’Union quant à la fixation du montant des dommages et intérêts.

Décision. La CJUE énonce, en premier lieu, que le droit à réparation prévu par le RGPD est subordonné de manière univoque à trois conditions cumulatives : une violation du RGPD, un dommage matériel ou moral résultant de cette violation et un lien de causalité entre le dommage et la violation. Partant, elle précise que toute violation du RGPD n’ouvre pas, à elle seule, le droit à réparation. De plus, aux termes des considérants du RGPD portant spécifiquement sur le droit à réparation, sa violation n’entraîne pas nécessairement un dommage et, pour fonder un droit à réparation, un lien de causalité doit exister entre la violation en cause et le dommage subi. Ainsi, l’action en réparation se distingue d’autres voies de recours prévues par le RGPD, notamment celles permettant d’infliger des amendes administratives, pour lesquelles l’existence d’un dommage individuel n’a pas à être démontrée.

En deuxième lieu, la Cour constate que le droit à réparation n’est pas réservé aux dommages moraux atteignant un certain seuil de gravité. Le RGPD ne mentionne pas une telle exigence et une telle restriction contredirait la conception large des notions de « dommage » ou de « préjudice », retenue par le législateur de Union. De plus, subordonner la réparation d’un dommage moral à un certain seuil de gravité risquerait de nuire à la cohérence du régime instauré par le RGPD.

S’agissant, en troisième lieu, de règles relatives à l’évaluation des dommages et intérêts, la Cour relève que le RGPD ne contient pas de dispositions ayant un tel objet. Il appartient donc à l’ordre juridique de chaque État membre de fixer les modalités des actions destinées à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent à cet égard du RGPD et, en particulier, les critères permettant de déterminer l’étendue de la réparation due dans ce cadre, sous réserve de respecter les principes d’équivalence et d’effectivité. À cet égard, la Cour souligne la fonction compensatoire du droit à réparation prévu par le RGPD et rappelle que cet instrument tend à assurer une réparation complète et effective pour le dommage subi.

newsid:485311

Droit financier

[Brèves] Coupe-circuit : modification des règles de fonctionnement

Réf. : Décret n° 2023-344, du 5 mai 2023, relatif aux modalités de fonctionnement des mécanismes de coupe-circuit applicables aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et aux fonds d’investissement alternatifs N° Lexbase : L5985MH7

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N5309BZN

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par Perrine Cathalo

Le 09 Mai 2023

► Publié au Journal officiel du 6 mai 2023, le décret du 5 mai 2023 contient plusieurs dispositions intéressant les placements collectifs et les entreprises d’infrastructure de marché qui opèrent sur des marchés réglementés ou des systèmes multilatéraux de négociation.

En particulier, l’arrêté du 5 mai 2023 amende la règle régissant le coupe-circuit utilisé pour les fonds cotés en fixant un principe général d’encadrement des cours dont les modalités de fonctionnement se réfèrent aux règles du marché réglementé concerné.

La référence à la valeur liquidative se trouve ainsi remplacée par « une valeur de référence fixée par les règles du marché réglementé en question ».

newsid:485309

Licenciement

[Brèves] Inaptitude : possible licenciement pour faute grave lorsque l’attitude du salarié empêche l’employeur d’exécuter son obligation de reclassement

Réf. : CE, 1e-4e ch. réunies, 12 avril 2023, n° 458974, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A00459PD

Lecture: 2 min

N5231BZR

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par Laïla Bedja

Le 09 Mai 2023

► Lorsque le salarié refuse de se rendre aux convocations que son employeur lui avait adressées en vue de son reclassement, les juges du fond doivent rechercher si le salarié n’avait pas mis son employeur dans l’impossibilité de s’acquitter de son obligation de reclassement, de sorte que, dans ces circonstances particulières, il avait pu légalement envisager de licencier le salarié pour un autre motif que l’inaptitude tel un motif disciplinaire.

Les faits et procédure. Par un avis du médecin du travail, une salariée protégée a été déclarée inapte à son poste de travail le 30 septembre 2016. Par courrier du 13 mars 2017, l’employeur a notifié à la salariée son licenciement pour inaptitude physique. Faute d’avoir sollicité l’autorisation de licenciement de l’inspecteur du travail, le conseil de prud’hommes a prononcé la nullité du licenciement, le 14 mai 2018, avec réintégration. La salariée a alors été réintégrée et son employeur a sollicité l’autorisation de licenciement pour faute grave auprès de l’inspection du travail. L’autorisation a été délivrée, mais sur recours de la salariée, a été annulée par le tribunal administratif.

La cour administrative d’appel ayant rejeté le recours de l’employeur contre ce jugement, ce dernier a formé un pourvoi devant le Conseil d’État (CAA Paris, 8e, 23 septembre 2021, n° 20PA04128 N° Lexbase : A396474L).

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction annule l’arrêt de la cour administrative d’appel. Elle rappelle qu’en cas d’inaptitude au poste du travail, l’inspecteur du travail ne peut, en principe, postérieurement à l’avis du médecin du travail autoriser le licenciement pour un motif autre que l’inaptitude. En l’espèce, l’employeur soutenait que la salariée avait refusé de se rendre aux convocations qu’il lui avait adressées en vue de reclassement. Partant, la cour administrative d’appel qui n’a pas recherché, si par un tel comportement, la salariée empêchait l’employeur de s’acquitter de son obligation de reclassement, a entaché son arrêt d’erreur de droit.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'inaptitude médicale au poste de travail du salarié à la suite d'une maladie non professionnelle, La procédure de licenciement du salarié inapte, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E079803X.

newsid:485231

Procédure pénale

[Brèves] Demande de mise en liberté lors d’un pourvoi en cassation : constitutionnalité de la compétence de la juridiction correctionnelle d’appel

Réf. : Const. const., décision n° 2023-1047 QPC, du 4 mai 2023 N° Lexbase : A77779ST

Lecture: 4 min

N5319BZZ

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par Adélaïde Léon

Le 24 Mai 2023

Selon le Conseil constitutionnel, il ne saurait être considéré qu’un magistrat de chambre des appels correctionnels statuant sur une demande de mise en liberté formée postérieurement à l’arrêt de condamnation aurait préjugé de la nécessité de maintenir le prévenu en détention au seul motif qu’il a siégé au sein de la formation de jugement l’ayant condamné à une peine d’emprisonnement assortie d’un mandat de dépôt.

Rappel de la procédure. Par arrêt du 21 février 2023 (Cass. crim., 21 février 2023, n° 22-86.673, FS-D N° Lexbase : A63189G4) la Cour de cassation a saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative au troisième alinéa de l’article 148-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1744IPB dans sa rédaction résultant de la loi du 15 juin 2000 N° Lexbase : L0618AIQ.

Ces dispositions concernent le cas dans lequel un prévenu est placé ou maintenu en détention provisoire après condamnation par la juridiction d’appel. En cas de pourvoi en cassation la première phrase de l’alinéa susvisé donne compétence à la juridiction correctionnelle d’appel qui a connu en dernier lieu de l’affaire au fond pour statuer sur une demande de mise en liberté.

Motifs de la QPC. Il était reproché aux dispositions en cause de permettre aux magistrats ayant prononcé la condamnation d’un prévenu à une peine d’emprisonnement assortie d’un mandat de dépôt, de statuer ultérieurement sur sa demande de mise en liberté dans le cas où un pourvoi serait formé contre l’arrêt qu’ils auraient rendu.

Selon le requérant il résulterait de cet état du droit une méconnaissance du principe d’impartialité des juridictions.

Décision. Le Conseil constitutionnel précise qu’il résulte de l’article 465 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9939IQ8 que lorsque la chambre des appels correctionnels déclare un prévenu coupable et le condamne à une peine d’emprisonnement ferme, elle apprécie la nécessité de décerner un mandat de dépôt au regard des éléments de l’espèce justifiant, au moment où elle se prononce, une mesure particulière de sûreté. En revanche, lorsque la juridiction est ensuite saisie d’une demande de mise en liberté, il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que l’objet de la saisine est limité à la seule question de la nécessité de maintenir le prévenu en détention provisoire.

Non seulement la juridiction apprécie elle si, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, le maintien en détention constitue l’unique moyen de parvenir à l’un des objectifs de l’article 144 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9485IEZ et que ceux-ci ne pourraient être atteints par son placement sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique, mais également, pour apprécier si le maintien en détention est toujours justifié, la juridiction prend en compte les éléments de droit et de fait au jour où elle statue.

Les magistrats saisis d’une demande de mise en liberté formée postérieurement à l’arrêt de condamnation apprécient la nécessité du maintien en détention au regard de critères, d’éléments de droit et de fait différents de ceux qui l’ont déterminée lors de la condamnation.

Selon le Conseil constitutionnel, il ne saurait donc être considéré qu’un magistrat statuant sur une telle demande aurait préjugé de la nécessité de maintenir le prévenu en détention au seul motif qu’il a siégé au sein de la formation de jugement l’ayant condamné à une peine d’emprisonnement assortie d’un mandat de dépôt.

Au regard de ces constatations, les Sages déclarent la première phrase du troisième alinéa de l’article 148-1 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2000-516, du 15 juin 2000, renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, conforme à la Constitution.

newsid:485319

Sûretés

[Brèves] Nullité de la sûreté consentie par une société pour contrariété à son intérêt social : un utile rappel

Réf. : Cass. civ. 3, 13 avril 2023, n° 21-24.196, F-D N° Lexbase : A87979PI

Lecture: 4 min

N5218BZB

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par Vincent Téchené

Le 09 Mai 2023

► Pour être valide, la sûreté accordée par une société en garantie de la dette d'un tiers doit être conforme à son objet social ou résulter d'une communauté d'intérêts avec la personne cautionnée ou être adoptée par une décision unanime des associés, et doit en outre être conforme à l'intérêt social, impliquant que le risque pour elle soit proportionné au bénéfice qu'elle peut escompter de l'opération garantie.

Faits et procédure. Par acte authentique, une SCI s'est engagée en qualité de caution, avec affectation hypothécaire du bien immobilier lui appartenant, en garantie du remboursement d'un prêt d'un montant de 150 000 euros souscrit par une société. Cette dernière a été placée en liquidation judiciaire.

La banque a alors fait délivrer à la SCI un commandement de payer valant saisie immobilière de son bien donné en sûreté, puis a publié ce commandement au service de la publicité foncière.

Se prévalant d'une créance de 89 799,10 euros au titre du cautionnement de la société débitrice, la banque a assigné la SCI devant le juge de l'exécution pour voir ordonner la vente aux enchères du bien.

La cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a toutefois prononcé la nullité du « cautionnement hypothécaire » et celle du commandement de payer. La banque a donc formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation retient que la cour d’appel a énoncé à bon droit, que, pour être valide, la sûreté accordée par une société en garantie de la dette d'un tiers devait être conforme à son objet social ou résulter d'une communauté d'intérêt avec la personne cautionnée ou avoir été adoptée par une décision unanime des associés, et devait en outre être conforme à l'intérêt social, impliquant que le risque pour elle soit proportionné au bénéfice qu'elle pouvait escompter de l'opération garantie.

Or en l’espèce, si l'ensemble des associés de la SCI ont bien approuvé le cautionnement litigieux, la société avait ainsi engagé à titre de sûreté hypothécaire son seul bien sans aucune contrepartie attendue de l'opération financée. En outre, si le cautionnement avait été limité à une somme inférieure à la valeur du bien hypothéqué, la sûreté consentie appréhendait le bien en son ensemble et faisait peser un risque de perte de la totalité de ce bien en cas de réalisation de la garantie.

Par conséquent, pour la Haute juridiction, la cour d’appel a bien pu déduire qu'en consentant la sûreté litigieuse, la SCI avait conclu un acte contraire à son intérêt social de nature à compromettre son existence.

La Cour de cassation rejette ainsi le pourvoi.

Observations. Il ne s’agit que d’une application du droit commun (C. civ., art. 1833, al. 2 N° Lexbase : L8681LQL). La sûreté est susceptible d’être annulée si elle n’est pas conforme à l'intérêt social. Malgré les incertitudes qui entourent la notion d’intérêt social, la jurisprudence fait une application fréquente de cette règle. Elle estime notamment que le seul fait que la sûreté ait été autorisée par l'unanimité des associés ne suffit pas à établir la conformité à l’intérêt social (Cass. civ. 3, 12 septembre 2012, n° 11-17.948, FS-P+B N° Lexbase : A7475ISN ; Cass. com., 23 septembre 2014, n° 13-17.347, FS-P+B N° Lexbase : A3067MXU). Comme dans l’espèce rapportée, la nullité est notamment encourue lorsque le cautionnement, par son montant, est de nature à compromettre l’existence même de la société.

Le rappel est utile et invite les créanciers à faire preuve de la plus grande prudence lorsqu’ils recueillent une sûreté consentie par une société.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le cautionnement, La société caution, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E8627B4B.

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