Jurisprudence : CE 1/4 ch.-r., 12-04-2023, n° 458974, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 1/4 ch.-r., 12-04-2023, n° 458974, mentionné aux tables du recueil Lebon

A00459PD

Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2023:458974.20230412

Identifiant Legifrance : CETATEXT000047439233

Référence

CE 1/4 ch.-r., 12-04-2023, n° 458974, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/95082001-ce-14-chr-12042023-n-458974-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

66-07-01-04-035-02 1) Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à son poste de travail par un avis du médecin du travail, l’inspecteur du travail ne peut, en principe, postérieurement à cet avis, autoriser le licenciement pour un motif autre que l’inaptitude....2) Employeur ayant sollicité le licenciement pour faute grave d’un salarié protégé déclaré inapte. Cour administrative d’appel ayant jugé que l’intéressé ne pouvait faire l’objet d’un licenciement pour faute postérieurement à l’avis d’inaptitude. Salarié ayant toutefois refusé de se rendre aux convocations que son employeur lui avait adressées en vue de son reclassement....En omettant de rechercher si, par un tel comportement, la salariée n’avait pas mis son employeur dans l’impossibilité de s’acquitter de son obligation de reclassement, de sorte que, dans de ces circonstances particulières, il avait pu légalement envisager de licencier la salariée pour un autre motif que l’inaptitude tel un motif disciplinaire, la cour administrative d’appel a entaché son arrêt d’erreur de droit.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 458974

Séance du 20 mars 2023

Lecture du 12 avril 2023

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 4ème et 1ère chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

Mme A B a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 octobre 2018 par laquelle l'inspecteur du travail de la section n°6 de l'unité de contrôle n°5 de Seine-Saint-Denis a autorisé la société L'Anneau à la licencier pour faute grave. Par un jugement n° 1812124 du 19 octobre 2020, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 20PA04128 du 23 septembre 2021, la cour administrative d'appel de Paris⚖️ a rejeté l'appel formé par la société L'Anneau contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le

29 novembre 2021 et le 28 février 2022, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société L'Anneau demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de Mme B la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. C de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la société L'Anneau ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un avis du 30 septembre 2016, le médecin du travail a reconnu Mme B, salariée de la société L'Anneau et titulaire d'un mandat de conseiller du salarié, inapte à son poste de travail. Par un courrier du 13 mars 2017, la société L'Anneau a notifié à Mme B son licenciement pour inaptitude physique. Par un jugement du 14 mai 2018, le conseil des prud'hommes de Paris a prononcé la nullité de ce licenciement, faute pour la société L'Anneau d'en avoir sollicité et obtenu l'autorisation préalable auprès de l'inspecteur du travail, et ordonné à la société L'Anneau de réintégrer Mme B. Par un courrier du 11 juin 2018, la société L'Anneau a informé Mme B de sa réintégration avec reprise de son salaire et de la poursuite de la procédure visant à la reclasser. Par un courrier du 20 août 2018, la société L'Anneau a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de licencier celle-ci pour faute grave. Par une décision du 12 octobre 2018, l'inspectrice du travail a délivré l'autorisation. Par un jugement du

19 octobre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision. La société L'Anneau se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 septembre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail🏛, dans sa rédaction applicable à la date de l'avis d'inaptitude : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ". Aux termes de l'article L. 1226-12 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. / L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article

L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions. / () ".

3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement d'un salarié protégé est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elle, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

4. Lorsqu'un salarié est déclaré inapte à son poste de travail par un avis du médecin du travail, l'inspecteur du travail ne peut, en principe, postérieurement à cet avis, autoriser le licenciement pour un motif autre que l'inaptitude.

5. Si, ainsi que le relève la cour administrative d'appel de Paris, l'inspecteur du travail ne pouvait, en principe, postérieurement à l'avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail, autoriser le licenciement de Mme B pour un autre motif que l'inaptitude, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'en l'espèce, la société L'Anneau soutenait que la salariée avait refusé de se rendre aux convocations qu'elle lui avait adressées en vue de son reclassement. En omettant de rechercher si, par un tel comportement, la salariée n'avait pas mis son employeur dans l'impossibilité de s'acquitter de son obligation de reclassement, de sorte que, dans ces circonstances particulières, il avait pu légalement envisager de licencier la salariée pour un autre motif que l'inaptitude tel un motif disciplinaire, la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, que la société L'Anneau est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

7. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par la société L'Anneau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 23 septembre 2021 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société L'Anneau au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société L'Anneau et à Mme A B.

Copie en sera adressée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

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