Le Quotidien du 4 juillet 2022

Le Quotidien

Actualité judiciaire

[A la une] Procès des attentats du 13 novembre : l’humanité a gagné, la Justice aussi

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par Vincent Vantighem, Journaliste judiciaire

Le 27 Juillet 2022

La vie réserve parfois de drôles de clins d’œil. Tout avait commencé, un vendredi 13 novembre 2015, sur une terrasse de café. Dans le sang et les larmes. Et tout cela s’est achevé sur une terrasse de café également. Une autre évidemment… Celle des « Deux Palais », le célèbre bistrot qui fait face à la cour d’appel de Paris sur l’île de la Cité. Jusqu’à trois heures du matin… Il y avait là des parties civiles, des avocats de la défense, des journalistes bien sûr. Les trois avocats généraux du Parquet national antiterroriste (PNAT) aussi. Et même trois accusés qui avaient comparu libres lors de l’audience et qui venaient d’obtenir le droit de le rester… Comme si tout ce petit monde, pris dans un bout de l’Histoire avec un grand « H », ne parvenait pas à la quitter après dix mois d’un procès harassant… Comme s’ils avaient besoin de communier une dernière fois avant de tenter de reprendre le cours de leur vie, si tant est que cela soit possible.

La cour d’assises spécialement composée a rendu, mercredi 29 juin, peu après 20 heures, son verdict dans l’affaire des attentats du 13 novembre. « V13 » pour « vendredi 13 » dans le jargon judiciaire. Juger de tels actes d’horreur, sept ans après les faits, dans un contexte aussi particulier n’était pas une chose aisée. Mais l’humanité a gagné. Et avec elle, la Justice… Tour d’horizon des leçons d’un procès hors-norme…

L’œuvre de justice saluée de toutes parts

Il fallait les voir en septembre dernier. Ces avocats. Ces journalistes. Et ces anonymes. Tous experts d’une justice qui n’avait jamais été rendue sous cette forme. Dubitatifs pour ne pas dire critiques envers un procès qui ne faisait alors que débuter. Trop long (dix mois d’audience) pour certains… Trop coûteux (10 millions d’euros rien que pour construire la salle d’audience spéciale qui a accueilli les débats) pour d’autres… Trop tourné vers les victimes et leurs proches avec une barre censée recueillir les témoignages de 450 parties civiles. Trop inutile pour les plus radicaux qui ne voyaient pas l’intérêt de juger quelqu’un comme Salah Abdeslam, sans craindre de se mettre ainsi au même niveau de barbarie que l’État islamique lui-même…

Dix mois plus tard, après 149 journées d’audience, après deux jours et demi de délibéré, rares sont ceux qui osent encore critiquer l’œuvre de justice telle qu’elle a été rendue. Tout simplement parce que ce procès a tenu ses objectifs. Le premier consistait à faire tenir un dossier de 53 tomes de procédure (plus haut que le premier étage du tribunal judiciaire de Paris) en dix mois d’audience et en dépit des menaces du covid. Il a parfois agacé les protagonistes, mais le président Jean-Louis Périès a tenu bon sur le calendrier, permettant aux accusés de pouvoir basculer à la rentrée en Belgique pour comparaître au procès des attentats de Bruxelles.

C’est donc avec un petit mois de retard que le président a livré le verdict tant attendu. Ensuite, il faut saluer le fait que l’audience s’est tenue en plein cœur de Paris pendant quasiment une année scolaire sans être touchée par un acte de malveillance ou terroriste.

Au-delà des contingences matérielles et sécuritaires, le procès aura surtout permis de laisser la parole s’exprimer. Celles des victimes et de leurs familles, se succédant des mois durant à la barre de cette salle lumineuse dans un drôle d’effet à la fois éclairant pour la cour et en même temps cathartique pour elles-mêmes. Celles des accusés aussi au premier rang desquels Salah Abdeslam qui a admis avoir « évolué » grâce à ce procès.

La perpétuité incompressible pour Salah Abdeslam

En un peu moins de trente ans d’existence (depuis 1994 exactement), elle n’avait été prononcée qu’à quatre reprises dont une fois pour sanctionner « L’ogre des Ardennes » Michel Fourniret. La peine de perpétuité incompressible a donc été délivrée par la cour d’assises spéciale à l’encontre de Salah Abdeslam. À la hauteur donc des réquisitions du Parquet national antiterroriste à l’égard du seul membre encore en vie des commandos du 13 novembre. « Il a conduit la Clio qui a mené le commando à la mort », a sobrement indiqué le président de la cour en lisant les motivations du verdict à ce propos. Et l’enquête a aussi démontré que sa ceinture explosive n’était pas « fonctionnelle ». Cela a son importance dans le dossier.

Après s’être présenté comme « un combattant de l’État islamique » le premier jour de l’audience, Salah Abdeslam avait peu à peu adouci son propos lors des audiences. Présentant ici des excuses qu’il disait « sincères » à l’égard des parties civiles. Pleurant même par moments. Surtout, il avait expliqué qu’il devait, dans le plan initial, se faire exploser dans un bar du 18e arrondissement de Paris, mais qu’il avait renoncé « par humanité » une fois à l’intérieur, après avoir vu des jeunes s’amuser, danser et boire des verres. Mais pour la cour, donc, tout cela n’est qu’un mensonge dans la mesure où sa bombe ne pouvait pas faire de dégâts…

Sur un fil de crête tout au long du procès, Salah Abdeslam, brillamment défendu, avait tenté de se faire passer pour « le petit gars de Molenbeek (Belgique) », le « petit vendeur de shit » dépassé par les pires attentats que la France n’a jamais connu. La cour d’assises n’a pas été sensible à cet argument en le condamnant donc à la peine la plus lourde qui existe en droit français. Celle qui prévoit une période de sûreté minimale de trente ans avant laquelle il ne sert à rien d’envisager de déposer une quelconque demande de permission de sortie ou d’aménagement de peine… Quand bien même, il leur ferait au bout de trente ans, il faudrait encore qu’elle passe le filtre de cinq magistrats professionnels. Autant dire qu’il n’est pas près de sortir de prison. « C’est une peine de mort sociale », avaient critiqué ses avocats lors des plaidoiries. C’est celle qu’a choisie la cour.

Sanctions pour les terroristes présumés morts, peines légères pour les « petites mains »

À quoi reconnaît-on qu’un verdict est équilibré quand un procès met aux prises vingt accusés et sept magistrats professionnels chargés de les juger ? Sans doute lorsqu’une cour ne délivre pas un « tarif de groupe ». En ce sens, la décision rendue par la cour d’assises dans le procès des attentats du 13 novembre est à saluer. Parmi les vingt accusés figuraient en effet cinq « gros poissons » tous présumés morts en Syrie. Oussama Attar considéré comme le commanditaire des massacres. Fabien et Jean-Michel Clain, reconnus comme les porte-paroles de l’État islamique et qui avaient revendiqué les attaques, l’un lisant un communiqué tandis que l’autre chantait des anashids (chants islamiques). Ahmad Alkhald présenté comme « l’artificier en chef » … Tous ont été condamnés, à l’instar de Salah Abdeslam, à la réclusion criminelle à perpétuité incompressible. Une peine allant au-delà de celles requises par le Parquet national antiterroriste.

Mais de l’autre côté de l’échiquier, ceux que les médias ont surnommés « les petites mains » ont écopé de peines plus légères que celles requises. C’est le cas d’Hamza Attou par exemple. Jugé pour être allé à Paris récupérer Salah Abdeslam après la soirée tragique, le plus jeune des accusés a écopé d’une peine de quatre ans de prison alors que six ans avaient été requis à son encontre. Idem pour Ali Oulkadi soupçonné d’avoir aidé Salah Abdeslam au début de sa cavale sans l’avoir dénoncé : il finit avec une peine de deux ans de prison ferme contre cinq ans requis. Abdellah Chouaa, lui, finit ce procès avec une peine d’un an de prison ferme déjà purgée pour avoir récupéré le terroriste à l’aéroport à son retour de Syrie, alors qu’une peine de six ans avait été requise.

Ali Oulkadi cinq ans dont trois avec sursis. Hamza Attou quatre ans dont deux avec sursis. Abdellah Chouaa quatre ans dont trois avec sursis.

La perspective d’un procès en appel ?

Avec vingt condamnés dans le box et un Parquet national antiterroriste terriblement impliqués dans ce procès qui l’aura occupé les sept dernières années, la question d’un procès en appel se pose évidemment. À l’énoncé du verdict, ils disposent tous d’un délai de dix jours pour faire appel. À quoi cela pourrait-il ressembler ? Impossible à dire maintenant… Mais le choix de la cour d’assises d’attribuer des « peines légères » aux « petites mains » vise peut-être aussi à éviter d’avoir une seconde audience aussi lourde que la première. On voit mal comment ils pourraient faire appel de ce verdict… Reste à savoir quelle attitude aura le parquet qui a obtenu satisfaction et même plus pour les cas de Salah Abdeslam et des gros bonnets du terrorisme islamique impliqués, mais n’a pas été totalement suivi concernant les seconds couteaux.

Dans une perspective d’un procès en appel, rares sont pourtant ceux qui imaginent une seconde audience aussi longue que la première et avec autant de parties civiles et de témoignages à la barre. De nombreuses victimes ont d’ailleurs indiqué qu’elles étaient épuisées par cette audience et qu’elles souhaitaient désormais tourner la page. « Je suis une victime des attentats à la retraite », a ainsi expliqué Bruno Poncet, rescapé du Bataclan.

La principale interrogation tient également dans l’attitude de Salah Abdeslam qui a souffert lors de ce procès, mais y a vu aussi une occasion « d’évoluer ». Et même d’espérer. Le jour de son interrogatoire sur les faits, il avait ainsi lâché au micro qu’il ne perdait pas espoir, un jour, peut-être, qui sait, de « pouvoir revoir [sa] famille » … Condamné à la peine la plus lourde qui soit, il doit envisager la possibilité de faire appel. À moins qu’il ne décide lui aussi de se murer, contraint et forcé, dans l’isolement de ses 9 m² de la prison de Fleury-Merogis. La salle d’audience, elle, est toujours debout. Dans les plans du ministère de la Justice, elle doit finir par être démontée. Mais pas tout de suite… Dès septembre, elle doit accueillir le procès de l’attentat de Nice du 14 juillet 2016… Un nouveau bout d’Histoire. Une nouvelle occasion de comprendre pourquoi la France a ainsi été endeuillée il n’y a pas si longtemps. Un nouveau moment pour rendre justice.

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Avocats/Discipline

[Brèves] Discipline des avocats, élections du CNB, cotisation annuelle… : le décret est paru !

Réf. : Décret n° 2022-965, du 30 juin 2022 modifiant le décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat N° Lexbase : L2884MD8

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N2063BZG

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par Marie Le Guerroué

Le 06 Juillet 2022

► Le décret n° 2022-965, du 30 juin 2022, publié au Journal officiel du 1er juillet 2022 :

  • fixe les modalités du vote électronique des membres du Conseil national des barreaux – élection désormais confiée au Conseil national des barreaux lui-même ;
  • précise la procédure de recouvrement de la cotisation annuelle due par les avocats redevables au CNB ;
  • réforme la procédure disciplinaire des avocats.

Loi « confiance ». Le décret est pris pour l'application de la loi n° 2021-1729, du 22 décembre 2021, pour la confiance dans l'institution judiciaire N° Lexbase : Z459921T (lire à ce propos, H. Laudic-Baron, La réforme de la procédure disciplinaire des avocats : confiance ou défiance ?, Lexbase Avocats, mai 2021 N° Lexbase : N7419BYG).
Modification des modalités de vote des membres du CNB. Le nouveau texte vient modifier les modalités de vote des membres du CNB. Le Conseil national des barreaux est désormais chargé de l'organisation des opérations électorales et du dépouillement des votes auparavant dévolue aux Bâtonniers (décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991, art. 24). Le vote aura exclusivement lieu par voie électronique.

Recouvrement de la cotisation annuelle au CNB. La procédure de recouvrement de la cotisation annuelle due par les avocats redevables au Conseil national des barreaux est également modifiée. Le nouvel article 37-1 mentionne notamment « qu'à défaut pour l'avocat redevable de s'acquitter de l'intégralité de ses cotisations, dans le mois de sa notification, une décision de nature à produire les effets d'un jugement pourra être rendue à son encontre par le Conseil national des barreaux […] ». L'opposition est portée devant le tribunal judiciaire dans le ressort duquel l'avocat est domicilié (décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991, art. 37-2).

Réforme de la procédure disciplinaire des avocats. Le nouveau texte vient, enfin, réformer la procédure disciplinaire des avocats et, particulièrement, ajouter de nouvelles peines complémentaires. L’article 184 précise ainsi que la juridiction disciplinaire peut, à ce titre, ordonner la publicité du dispositif et de tout ou partie des motifs de sa décision, dans le respect de l'anonymat des tiers. L'avertissement, le blâme et l'interdiction temporaire d'exercice peuvent, également, être assortis des peines complémentaires suivantes :

  • la privation du droit de faire partie du conseil de l'Ordre, du Conseil national des barreaux, des autres organismes ou conseils professionnels ainsi que des fonctions de Bâtonnier pendant une durée n'excédant pas dix ans ;
  • l'interdiction temporaire, et ce quel que soit le mode d'exercice, de conclure un nouveau contrat de collaboration ou un nouveau contrat de stage avec un élève-avocat, et d'encadrer un nouveau collaborateur ou un nouvel élève-avocat, pour une durée maximale de trois ans, ou en cas de récidive une durée maximale de cinq ans.

Le CNB avait proposé cette dernière sanction, en février dernier, à la Chancellerie faisant ainsi écho aux témoignages de harcèlement de collaborateurs relayés dans la presse ou sur les réseaux sociaux (lire, à ce propos, Veille Avocat - Toute l'actualité de la profession (février 2022), Lexbase Avocats, mars 2022 N° Lexbase : N0623BZ4). Pour mémoire, le barreau de Paris avait, lui, choisi de ne pas voter cette proposition (lire à ce sujet, "Je ne suis pas du tout pour le tribunal médiatique […] mais je dois admettre que c'est une bonne chose que la parole puisse se libérer et que la peur change de camp" - Questions à Chloé Belloy à propos des nouvelles sanctions disciplinaires en cas de harcèlement, Lexbase Avocats, mars 2022 N° Lexbase : N0575BZC). À noter que la juridiction disciplinaire peut aussi prescrire à l'avocat poursuivi une formation complémentaire en déontologie dans le cadre de la formation continue.

Concernant les réclamations formulées à l’encontre d’un avocat, un chapitre « II – bis » est inséré. Il prévoit leur forme et contenu, les modalités de l’instruction et de la conciliation. Le Bâtonnier y voit ses compétences étendues, désormais « toute réclamation formulée à l'encontre d'un avocat doit, au préalable, être adressée au Bâtonnier ». Il peut aussi « organiser une conciliation entre les parties lorsque la nature de la réclamation le permet » (décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, art. 186-3).

Si le Bâtonnier n’entend pas engager de procédure disciplinaire, l'auteur de la réclamation dispose de la possibilité de saisir le procureur général de la cour d'appel ou de saisir directement la juridiction disciplinaire.

Entrée en vigueur. Le texte entre en vigueur le 2 juillet 2022.

newsid:482063

Bancaire

[Brèves] Précisions sur la juridiction compétente en cas de préjudice réalisé sur un compte bancaire ouvert en France

Réf. : Cass. com., 15 juin 2022, n° 21-10.742, F-B N° Lexbase : A4697774

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N2012BZK

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par Jérôme Lasserre-Capdeville

Le 01 Juillet 2022

► Il résulte de de l’article 7, § 2, du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (« Bruxelles I bis »), tel qu’interprété par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 28 janvier 2015, aff. C-375/13 ; CJUE, 16 juin 2016, aff. C-12/15 ; CJUE, 12 septembre 2018, aff. C-304/17), que, lorsque le préjudice purement financier invoqué par le demandeur à une action en responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle s’est réalisé directement sur un compte bancaire ouvert à son nom en France, à la suite d’un virement ordonné pour le paiement d’un cocontractant français dont il est allégué qu'un tiers a usurpé la qualité, le juge ne peut exclure la compétence des juridictions françaises qu’après avoir recherché si les autres circonstances particulières de l’affaire ne concouraient pas à attribuer la compétence à une autre juridiction que celle du lieu de matérialisation de ce préjudice.

Voilà une décision notable intéressant à la fois le droit bancaire et le droit international privé. Celle-ci porte sur l’article 7, §2, du Règlement « Bruxelles I bis » (Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 N° Lexbase : L9189IUU) qui prévoit, pour mémoire, qu’« une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre : […] en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ».

Faits et procédure. La société F. avait ordonné plusieurs virements, depuis son compte ouvert à Paris auprès de la banque X., vers un compte ouvert au Portugal dans les livres de la banque Y., dont les coordonnées lui avaient été transmises par une personne se faisant passer pour le chef comptable d'une société française avec laquelle elle était en relation d'affaires.

Invoquant des manquements des deux banques à leurs obligations professionnelles, la société F. les avait assignées aux fins de condamnation in solidum à lui payer une indemnité égale au montant détourné. Or, la banque portugaise contestait la compétence des juridictions françaises.

La cour d’appel de Paris avait considéré, par un arrêt du 4 novembre 2020, que les juridictions françaises étaient ici incompétentes pour connaître des demandes formées à l'encontre de la société portugaise Y. La société F. avait alors formé un pourvoi en cassation. Plusieurs arguments y étaient développés.

Décision. La Cour de cassation se montre sensible à ceux-ci, et casse la décision des juges du fond sur le fondement de l’article 7 § 2 du Règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (« Bruxelles I bis »).

Selon la Haute juridiction, il résulte de ce texte qu’une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire.

Il est alors rappelé que pour la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 28 janvier 2015, aff. C-375/13 N° Lexbase : A4083NAH), les juridictions du domicile du demandeur sont compétentes, au titre de la matérialisation du dommage, pour connaître d'une telle action, notamment lorsque ledit dommage se réalise directement sur un compte bancaire de ce demandeur auprès d'une banque établie dans le ressort de ces juridictions. Toutefois, ce critère ne saurait être, à lui seul, qualifié de « point de rattachement pertinent ». C'est uniquement dans la situation où les autres circonstances particulières de l'affaire concourent également à attribuer la compétence à la juridiction du lieu de matérialisation d'un préjudice purement financier qu'un tel préjudice pourrait, d'une manière justifiée, permettre au demandeur d'introduire l'action devant cette juridiction (CJUE, 16 juin 2016, aff. C-12/15 N° Lexbase : A1128RTX ; CJUE, 12 septembre 2018, aff. C-304/17 N° Lexbase : A7626X3T).

Or, pour déclarer les juridictions françaises incompétentes à l'égard de l'action dirigée contre la banque portugaise Y., l’arrêt des juges du fond avait retenu que le lieu où le dommage était survenu n’était pas celui à partir duquel les virements avaient été opérés par la société F., c'est-à-dire sur son compte bancaire ouvert dans une agence parisienne de la banque X., mais celui où avait eu lieu l'appropriation indue des fonds par le débit du compte destinataire du virement, ouvert et géré au Portugal.

En conséquence, en se déterminant ainsi, alors que le préjudice purement financier s'était réalisé directement sur un compte bancaire de la société Immobilière F. ouvert en France, à la suite d'un virement ordonné pour le paiement d'un cocontractant français dont il était allégué qu'un tiers avait usurpé la qualité, de sorte qu'il lui appartenait, pour exclure la compétence des juridictions françaises, de rechercher si les autres circonstances particulières de l'affaire ne concouraient pas à attribuer la compétence à une autre juridiction que celle du lieu de matérialisation de ce préjudice, la cour d'appel avait privé sa décision de base légale.

Voilà une solution importante pour déterminer la juridiction compétente dans un tel cas de figure. Ce type de décision devrait se rencontrer plus régulièrement dans l’avenir tant les opérations de banque tendent à s’internationaliser.

newsid:482012

Construction

[Brèves] La réception judiciaire et abandon de chantier : c’est possible !

Réf. : Cass. civ. 3, 15 juin 2022, n° 21-13.612, F-D N° Lexbase : A741577R

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N2051BZY

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 01 Juillet 2022

► Le prononcé de la réception judiciaire suppose que soit rapportée la preuve de l’habitabilité ;
► L’abandon du chantier ne fait pas obstacle à ce que cette preuve puisse être rapportée.

En cas d’absence de réception expresse de l’ouvrage, les dispositions de l’article 1792-6 du Code civil N° Lexbase : L1926ABX offrent la possibilité de solliciter la réception judiciaire. Si le critère de l’habitabilité, condition à la prise de possession des lieux, est insuffisant, à lui seul, pour caractériser la réception tacite, il permet de caractériser la réception judiciaire.

La jurisprudence, majoritaire, fixe, en effet, la date de la réception judiciaire à la date à laquelle l’ouvrage est en état d’être reçu c’est-à-dire, notamment, pour un contrat de construction de maison individuelle du secteur protégé, habitable (Cass. civ. 3, 20 novembre 2007, n° 06-21.064, F-D N° Lexbase : A7162DZB ; Cass. civ. 3, 27 janvier 2009, n° 07-17.563, F-D N° Lexbase : A6968EC3 ; Cass. civ. 3, 29 mars 2011, n° 10-15.824, F-D N° Lexbase : A4041HMM). Il appartient donc seulement au juge de vérifier que les ouvrages étaient en état d’être reçus et à quelle date, peu importe que la réception judiciaire ait été demandée après un premier constat des désordres (Cass. civ. 3, 14 janvier 1998, n° 96-14.482 N° Lexbase : A2706AC9). Peu importe également « quelques inachèvements » qui n’empêcheraient pas les maîtres d’ouvrages d’entrer dans les lieux (CA Paris, 19 septembre 1990, n° 88/21158 N° Lexbase : A8847S33, RDI 1990, 495). L’arrêt rapporté s’inscrit dans cette lignée.

En l’espèce, un maître d’ouvrage entreprend des travaux d’aménagement de sa maison. Après l’abandon du chantier par l’entreprise, il assigne les constructeurs et leurs assureurs aux fins d’indemnisation de ses préjudices résultant de l’inachèvement de l’ouvrage, de malfaçons et de trop versés. Les assureurs contestent la mobilisation de la garantie de responsabilité civile décennale au motif que l’ouvrage n’aurait pas été réceptionné. La cour d’appel considère, au contraire, que la réception judiciaire peut être prononcée au jour de l’abandon de chantier. Les juges du fond considèrent que l’immeuble était bien clos et couvert, les huisseries posées au moins dans leur presque totalité et que les travaux à terminer pour permettre une occupation, même rudimentaire, étaient peu importants par rapport aux transformations et aménagements déjà réalisés.

Un pourvoi est formé mais il est rejeté. L’appréciation de l’habitabilité relève de la compétence des juges du fond qui la caractérise dans leur pouvoir souverain. La Haute juridiction n’opère qu’un contrôle de motivation. C’est ainsi que la Cour de cassation se borne à relever que la cour d’appel a souverainement déduit que la maison était habitable à la date de l’abandon du chantier et que la réception judiciaire pouvait être prononcée à cette date.

Il n’en va pas de même en cas d’existence de désordres ou de défauts de conformité rendant l’ouvrage impropre à sa destination (Cass. civ. 3, 26 janvier 2010, n° 08-70.220, F-D N° Lexbase : A7695EQ3). Dans un arrêt largement commenté en date du 11 janvier 2012, la troisième chambre civile de la Cour de cassation subordonne la réception judiciaire à l’absence de désordres affectant la solidité de l’immeuble et compromettant « non seulement sa destination (…) mais également sa pérennité » (Cass. civ. 3, 11 janvier 2012, n° 10-26.898, FS-D N° Lexbase : A7991IA9).

 

newsid:482051

Environnement

[Brèves] Conséquences du dépassement du délai de mise en service d'une installation nucléaire de base

Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 22 juin 2022, n° 444945, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2042787

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N2031BZA

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par Yann Le Foll

Le 01 Juillet 2022

► Le dépassement du délai de mise en service d'une installation nucléaire de base a uniquement pour effet d'ouvrir la possibilité de mettre fin à l'autorisation de l'installation, après avis de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Rappel. Il résulte des articles L. 593-7 N° Lexbase : L1166KZ9, L. 593-8 N° Lexbase : L1165KZ8, L. 593-11 N° Lexbase : L1162KZ3 et L. 593-13 N° Lexbase : L1160KZY du Code de l'environnement et de l'article 70 du décret n° 2007-1557, du 2 novembre 2007 N° Lexbase : L8330HY8, que le décret autorisant la création d'une installation nucléaire de base, y compris une installation dont la demande d'autorisation de création a été instruite selon les procédures prévues par le décret n° 63-1228, du 11 décembre 1963, fixe notamment le délai dans lequel cette installation doit être mise en service. Il en découle le principe précité.

Aux termes du dernier alinéa de l'article 5 du décret n° 2010-402, du 23 avril 2010 N° Lexbase : L9992IG8, autorisant EDF à créer l'installation nucléaire de base litigieuse : « Le délai de mise en service de l'installation est fixé à dix ans à compter de la publication du présent décret au Journal officiel de la République française. Ce délai constitue le délai de mise en service mentionné au I de l'article 29 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 susvisée N° Lexbase : L9834HI3 ».

Décision CE. La circonstance que la décision attaquée ait été édictée le 28 juillet 2020, soit plus de dix ans après la publication au Journal officiel du décret du 23 avril 2010, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

Rappel bis. Les tiers demandant l'annulation de l'autorisation de création d'une centrale nucléaire doivent justifier d'un intérêt suffisamment direct, compte tenu des inconvénients et dangers que présente, pour eux, l'installation en cause (CE, 1°-6° s-s-r., 24 mars 2014, n° 358882, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2281MIC).

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Fiscalité internationale

[Brèves] Fin de l’accord Covid sur le régime fiscal applicable au télétravail exercé par les travailleurs frontaliers avec le Luxembourg

Réf. : MINEFI, communiqué de presse, 28 juin 2022

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N2010BZH

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par Marie-Claire Sgarra

Le 01 Juillet 2022

Des accords ont été conclus par la France et le Luxembourg, qui permettent de ne pas pénaliser les travailleurs frontaliers contraints de télétravailler en raison de l'épidémie de la Covid-19.

Ces accords précisent que l’épidémie liée à la Covid-19 présente un caractère exceptionnel et ponctuel, qui entraîne la mise en place de mesures, elles-mêmes exceptionnelles, s’imposant aux personnes physiques résidentes d’un État qui exercent habituellement un emploi dans l’autre État.

À ce titre, les accords prévoient que les jours télétravaillés soient neutralisés : ils ne sont pas pris en compte dans le décompte de la limite de jours au-delà de laquelle les frontaliers perdent le bénéfice de leur régime spécifique d’imposition. Attention, seuls les jours travaillés à domicile en raison des mesures prises pour lutter contre la propagation de l’épidémie de la Covid-19, sont concernés. Les jours de télétravail prévus dans le cadre du contrat de travail d’un accord préexistant avec l’employeur ne sont pas concernés.

Le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance a indiqué, dans un communiqué de presse en date du 28 juin 2022 que la sortie de l’état d’urgence et l’amélioration de la situation sanitaire ne justifient plus le maintien de cette mesure dérogatoire exceptionnelle au-delà de cette date [en ligne].

Cependant, le forfait annuel de vingt-neuf jours de télétravail prévu par la convention fiscale bilatérale a vocation à s’appliquer dès le 1er juillet 2022. Conformément à l'accord amiable précité, le télétravail effectué au premier semestre 2022 ne sera pas pris en compte pour l'appréciation du forfait annuel. Les travailleurs frontaliers pourront ainsi utiliser l’ensemble des jours de télétravail prévus par la convention fiscale bilatérale sur une période de six mois.

Par ailleurs, pour accompagner cette nouvelle modalité de travail, l'administration fiscale française poursuit les discussions techniques sur ce sujet avec la partie luxembourgeoise, dans la continuité de celles qui se sont tenues lors de la conférence intergouvernementale du 19 octobre 2021.

 

newsid:482010

Licenciement

[Brèves] Étendue du contrôle de l’administration sur le contenu du PSE en matière de reclassement

Réf. : CE, 1°-4° ch. réunies, 20 juin 2022, n° 437767, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A906777X

Lecture: 3 min

N2006BZC

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par Charlotte Moronval

Le 01 Juillet 2022

► Au stade du document unilatéral portant PSE d'une entreprise, s’il appartient à l’autorité administrative d’apprécier si le plan de reclassement est suffisant, il ne lui incombe pas de contrôler le respect par l’employeur de son obligation de recherche sérieuse des possibilités de reclassement des salariés, y compris lorsque des garanties relatives à cette obligation figurent dans le PSE.

Faits et procédure. Dans une décision du 5 février 2019, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi d’une entreprise. Par un jugement du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Melun a, sur demande du comité d'entreprise d’UES de l’entreprise et de plusieurs syndicats, annulé cette décision. Le CSE et les syndicats se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 19 novembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur appels de la société et de la ministre du Travail, annulé le jugement et rejeté leur demande.

La position du Conseil d’État. Énonçant la solution susvisée, le Conseil d’État rejette le pourvoi formé par le CSE de la société et les syndicats.

En l’espèce, le plan de sauvegarde de l'emploi de la société comporte une liste de postes de reclassement disponibles au sein de la société et au sein du groupe auquel elle appartient assortie des précisions quant aux postes en cause, des garanties quant au calendrier de transmission aux salariés de propositions de reclassement indiquant qu'une offre d'emploi personnalisée sera faite aux salariés concernés par écrit à compter d'une date déterminée, de même que des éléments relatifs à des dispositifs d'accompagnement du reclassement externe.

L'autorité administrative a pu légalement retenir que ce PSE arrêté par le document unilatéral qui lui était soumis était suffisant, au regard des moyens de l'entreprise et du groupe auquel elle appartient et compte tenu de l'ensemble des mesures qu'il comporte, dont celles figurant à son plan de reclassement, eu égard au contrôle qui lui incombe, en particulier quant au plan de reclassement.

À cet égard, les circonstances, d'une part, que le plan de reclassement ne mentionne dans ses développements consacrés aux éléments de calendrier la diffusion aux salariés que d'une seule offre de reclassement, d'autre part, que la liste de postes de reclassement annexée à ce plan ne prévoit pas de critères de départage en cas de candidatures multiples sur un même poste, sont en tout état de cause sans influence sur l'étendue de l'obligation qui pèse sur l'employeur au stade du licenciement.

Pour aller plus loin : v. aussi CE, 22 juillet 2015, n° 383481, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9293NM7 et CE, 4°-5° ch. réunies, 30 mai 2016, n° 383928, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4094RR3.

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Procédure pénale

[Brèves] Impartialité de la procédure pénale : ne peut intervenir en qualité de JLD le magistrat instructeur qui a procédé à la mise en examen dans le même dossier

Réf. : Cass. crim., 28 juin 2022, n° 22-82.698, F-B N° Lexbase : A8576787

Lecture: 5 min

N2064BZH

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par Adélaïde Léon

Le 27 Juillet 2022

► Le juge d'instruction ayant mis en examen un individu ne peut intervenir en qualité de juge des libertés et de la détention dans ce même dossier ; En outre, en l'absence de convocation ou de débat contradictoire, il n'est pas établi que l’intéressé ait eu connaissance de l'identité du JLD avant la notification de l'ordonnance, de sorte qu'il ne peut lui être reproché de n’avoir pas engagé de procédure de récusation.

Rappel des faits. À la suite d’un incident grave survenu dans un centre pénitentiaire, un individu est mis en examen pour tentative de meurtre en récidive par le juge d’instruction. Saisi par ce dernier, le juge des libertés et de la détention (JLD) a placé l’intéressé en détention provisoire, mesure prolongée par la suite.

Le prévenu a par la suite formé une demande de mise en liberté.

Cette demande a été rejetée par ordonnance d’un JLD, lequel n’était autre que le magistrat qui, en sa qualité de juge d’instruction, avait procédé à la mise en examen du détenu.

L’intéressé a interjeté appel de cette décision arguant du défaut d’impartialité du JLD.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction a dit n’y avoir lieu à annulation de l’ordonnance rejetant la demande de mise en liberté. Elle considérait notamment qu’il n’existait aucune incompatibilité légale ou conventionnelle pour un magistrat à exercer successivement les fonctions du juge d’instruction pour de JLD.

Les juges soulignaient par ailleurs que la décision même de placement en détention provisoire avait été prise à l’époque par un magistrat indépendant du juge d’instruction ayant notifié la mise en examen, et que cette décision ne présumait pas de parti pris de la part du magistrat.

Le prévenu a formé un pourvoi contre l’arrêt d’appel.

Moyen du pourvoi. Il était fait grief à la chambre de l’instruction d’avoir confirmé l’ordonnance de rejet de la demande de mise en liberté alors que l’exigence d’impartialité objective avait été méconnue.

Le moyen rappelait qu’en sa qualité de juge d’instruction, le magistrat dont la partialité était mise en cause avait eu à apprécier de l’existence d’indices graves ou concordants de la commission d’une infraction. Or, plus tard, en sa qualité de JLD, ce même magistrat avait notamment justifié son ordonnance de rejet par l’existence d’indices graves ou concordants à l’encontre de l’intéressé.

En rejetant le moyen tiré du défaut d’impartialité du JLD, la chambre de l’instruction avait nécessairement méconnu les articles 6, §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH) N° Lexbase : L7558AIR et préliminaire du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9741IPH.

Décision. La Chambre criminelle casse et annule l’arrêt de la chambre de l’instruction au visa des articles 6 de la CESDH et 137-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6259LBG.

La Cour déduit de ces textes, en précisant qu’elle lit le second à la lumière des travaux préparatoires de la loi n° 2000-516, du 15 juin 2000 N° Lexbase : L0618AIQ, qu’un magistrat ayant porté, en tant que juge d’instruction, une appréciation sur l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation à la commission des infractions dont il est saisi ne peut, dans la suite de la procédure, intervenir en qualité de JLD dans la mesure ou ce dernier est amené, pour statuer sur les mesures de sûretés, à apprécier l’existence de tels indices.

Rappelons que la loi du 15 juin 2000 avait notamment retiré au juge d’instruction la possibilité de placer une personne en détention provisoire pour confier cette prérogative au JLD. La Cour faisant référence aux travaux préparatoires, on pourra notamment citer le rapport de Madame Christine Lazerges, Rapporteure à l’Assemblée nationale de ladite loi [en ligne] : « le présent projet de loi tente donc de répondre, à son tour, aux critiques récurrentes formulées contre la procédure pénale en vigueur, qui confie au juge chargé de l'instruction le pouvoir de placer la personne mise en examen en détention provisoire. […] Cette situation, est très souvent mise à l'index, ses détracteurs soulignant, à juste titre, que la confusion des rôles au profit du juge d'instruction affecte l'impartialité objective de la procédure pénale, que requiert l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. […] Pour pallier ces inconvénients, le projet de loi propose dans son article 10 la création d'un « juge de la détention provisoire ».

La Chambre criminelle affirme sans détour que le juge d’instruction ayant mis en examen l’intéressé ne pouvait intervenir en qualité de JLD dans le même dossier.

La Haute juridiction précise également qu’en l’absence de convocation ou de débat contradictoire, il n’était pas établi que le mis en examen ait eu connaissance de l’identité du JLD avant la notification de l’ordonnance. Dans ces conditions il ne pouvait lui être reproché de n’avoir pas engagé la procédure de récusation.

Pour aller plus loin :

  • Ch. Lazerges, Les 20 ans de la loi du 15 juin 2000 : la genèse de l’article préliminaire du Code de procédure pénale, Lettre juridique, Lexbase, 18 juin 2020 N° Lexbase : N3670BYL ;
  • F. Nguyen, Les 20 ans de la loi du 15 juin 2000 - Le juge des libertés et de la détention : à la recherche du sens perdu, Lexbase Pénal, juin 2020 N° Lexbase : N3694BYH.

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Voies d'exécution

[Brèves] Formalisme à respecter pour l’exécution forcée des condamnations résultant d'un jugement, confirmées en appel

Réf. : Cass. civ. 2, 30 juin 2022, n° 21-10.229, FS-B N° Lexbase : A8575784

Lecture: 2 min

N2061BZD

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 06 Juillet 2022

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 30 juin 2022, après avoir rappelé que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire, énonce que l’exécution forcée des condamnations résultant d'un jugement, confirmées en appel, est subordonnée à la signification de l'arrêt et du jugement.

Faits et procédure. Dans cette affaire, sur le fondement d’un jugement rendu par un tribunal de grande instance, et d’un arrêt confirmatif condamnant les défendeurs, une société créancière a fait délivrer un commandement de payer à fin de saisie-vente et fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires de son débiteur. Cette dernière a été dénoncée, et les débiteurs ont saisi le juge de l’exécution d’une demande d’annulation tant de la saisie-attribution, que du commandement.

Le pourvoi. Les demandeurs font grief à l’arrêt (CA Aix-en-Provence, 10 septembre 2020, n° 19/12894 N° Lexbase : A28273TU) d’avoir déclaré valides le commandement de payer aux fins de saisie-vente et le procès-verbal de saisie attribution. Les intéressés font valoir la violation des articles 503 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6620H7C, R. 221-1 N° Lexbase : L2246ITD et R. 211-1 N° Lexbase : L2207ITW du Code des procédures civiles d'exécution, énonçant que le jugement les condamnant ne leur avait pas été signifié. En l’espèce seul l’arrêt confirmant partiellement la décision de première instance l’avait été.

Après avoir constaté que le jugement du juge de l’exécution n’avait pas été signifié aux débiteurs, les juges d'appel ont considéré que l’arrêt d’appel constituait le titre exécutoire permettant de poursuivre le recouvrement forcé des sommes allouées par le jugement, sans que les débiteurs puissent valablement opposer l’absence de signification de la décision de première instance non revêtue de l’exécution provisoire.

Solution. Énonçant la solution précitée au visa de l’article 503 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6620H7C, la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel et casse et annule l’arrêt d’appel.

Pour aller plus loin :

  • v. R. Laher, ÉTUDE : L’exécution du jugement, La notification du jugement, in Procédure civile (dir. E. Vergès), Lexbase N° Lexbase : L2207ITW ;
  • v. ÉTUDE : Les conditions générales de l’exécution forcée, La notification préalable du jugement (CPC, art. 503) in Voies d’exécution (dir. N. Fricero et G. Payan), Lexbase N° Lexbase : E8219E8W.

 

newsid:482061

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