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N1737BZD
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par Vincent Vantighem
Le 22 Juin 2022
L’ascenseur émotionnel… Allongé dans sa cellule de 9 m² de Fleury-Merogis (Essonne) en raison de douleurs dorsales et dentaires, Patrick Balkany a d’abord cru, lundi 30 mai en début d’après-midi, qu’il allait sortir de prison. Avant d’apprendre quelques heures plus tard qu’il pouvait rester couché, le parquet d’Évry ayant fait appel du jugement du tribunal d’application des peines qui venait de lui accorder une libération conditionnelle, à peine deux heures plus tôt.
Comment pouvait-il en être autrement ? Le 19 mai, lors de l’examen de sa demande d’aménagement de peine, les avocats de l’ancien maire (LR) de Levallois-Perret se satisfaisaient d’une audience qui s’était « bien passée » avant de découvrir un communiqué de Caroline Nisand, la procureure de la République d’Évry, pour le moins tranchant. « Le ministère public s’est opposé à la demande d’aménagement, considérant que Patrick Balkany manifeste toujours son opposition au principe de sa condamnation, en dépit de son caractère définitif, ce qui augure mal du respect de la mesure d’aménagement de peine sollicitée », écrivait-elle alors. Douze jours plus tard, il est donc logique que cette même procureure fasse appel du jugement qui permettait pourtant à l’ancien baron de droite des Hauts-de-Seine de voir autre chose que le plafond de sa cellule.
Pourtant, il y a cru. Incarcéré le 7 février dernier après plusieurs manquements à ses obligations liées à son placement sous bracelet électronique à domicile, Patrick Balkany avait avancé plusieurs arguments de poids pour recouvrer la liberté. D’abord celui de l’âge : considérant qu’à 73 ans, il pouvait bénéficier d’un aménagement de sa peine dont la fin est prévue pour avril 2023. Celui de sa peine justement : considérant qu’il en a déjà purgé plus de la moitié. Celui de santé enfin : considérant qu’à son âge, il serait mieux soigné en dehors des murs d’une prison.
Des arguments de poids qui avaient fini de convaincre le tribunal d’application des peines en dépit de réquisitions de rejet du parquet donc, mais aussi d’un avis défavorable des services pénitentiaires d’insertion et de probation et même de la procureure d’Évreux (Eure), Dominique Puechmaille, sollicité en raison de l’adresse de Patrick Balkany, domicilié dans le ressort de sa juridiction.
Un jugement inespéré après les manquements passés
Dans son jugement que Lexbase a pu consulter, le tribunal a, au contraire, noté que Patrick Balkany avait « mis en place, conjointement avec son épouse, des versements mensuels d’un montant total de 1 300 euros aux fins de régler les sommes dues à l’administration fiscale au titre des infractions commises ». Pour mémoire, la dette fiscale des Balkany s’élève à 4 millions d’euros.
« S’agissant du risque grave de renouvellement de l’infraction, il apparaît que la reconnaissance des faits par l’intéressé – dont la réflexion sur ceux-ci doit être poursuivie – la sévérité de la sanction prononcée y compris à l’égard de son épouse, les conséquences des infractions commises et de leur sanction, la durée de l’incarcération déjà subie par l’intéressé, son âge, son état de santé, laissent augurer d’un risque de récidive extrêmement faible », poursuivaient les magistrats.
Un jugement presque inespéré tant on se souvient que Patrick Balkany, avec son épouse, avait fait tourner la justice en bourrique il y a quelques mois à peine. Pointant du doigt une « centaine d’incidents » liés à des sorties de leur périmètre autorisé par leurs bracelets électroniques en dehors des heures prévues, la justice avait indiqué, le 3 février, que les Balkany n’ont « jamais accepté les contraintes inhérentes à la détention à domicile sous surveillance électronique ». Les magistrats relevant également leurs « propos véhéments ou ironiques, parfois outranciers voire outrageants » à l’égard du personnel de l’administration pénitentiaire ou du juge d’application des peines. Autant de raisons qui avaient conduit la justice à leur ôter leurs bracelets en début d’année et à renvoyer, donc, Patrick derrière les barreaux. Quand il l’avait appris, l’ancien édile proche de Nicolas Sarkozy n’avait pu cacher sa colère. « C’est une honte. J’en ai assez de ces juges !, avait-il lâché en direct sur BFM TV. On me renvoie en prison. Vous voulez que j’aille crever en prison ? Je préfère crever chez moi ! C’est tout ! »
Deux autres affaires l’attendent déjà
L’ancien édile semble donc, désormais, avoir fait amende honorable. Et avoir convaincu le tribunal d’application des peines du bien-fondé de sa démarche, lui qui ne vise, toujours selon le jugement qu’à « poursuivre sa fin de vie, aux côtés de son épouse, actuellement souffrante ». Mais c’était donc sans compter sur l’appel du parquet d’Évry qui va le contraindre à repasser une nouvelle fois devant une formation de jugement dans un délai de deux mois. En l’occurrence, la chambre d’application des peines de la cour d’appel de Paris.
Quelle que soit l’issue, ce ne sera, de toute façon, pas la dernière fois. Condamné pour « fraude fiscale » à trois ans de prison ferme (la peine qu’il purge actuellement), Patrick Balkany attend toujours de connaître le quantum de sa peine pour « blanchiment » qui doit être fixé, à l’automne prochain, par la Cour de cassation, après une procédure chaotique. En attendant, la justice a d’ores et déjà pris rendez-vous le 4 avril 2023. Cette fois-ci, c’est pour avoir diffusé un montage scabreux de l’un de ses opposants politiques à Levallois-Perret qu’il doit être jugé en compagnie de son épouse. L’histoire judiciaire n’en a donc pas encore fini avec les Balkany.
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Réf. : Cass. civ. 1, 25 mai 2022, n° 21-10.635, F-B N° Lexbase : A14887YR
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N1662BZL
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par Jérôme Lasserre-Capdeville
Le 03 Juin 2022
► Lorsqu’il consent à un emprunteur non averti un prêt comportant des paliers d’échéances, dont le montant de certaines est inférieur à celui des intérêts échus, de sorte que le règlement de ces échéances n’affecte pas le capital emprunté, et que la différence calculée entre le montant de l’échéance et ces intérêts s’ajoute au capital restant dû, le prêteur est tenu à une obligation d'information et l’intermédiaire en crédit à un devoir de mise en garde sur le risque d'amortissement négatif qui en résulte.
Bien que parfaitement connu du grand public, le devoir de mise en garde du banquier continue de donner lieu, régulièrement, à des décisions de jurisprudence remarquées (v. par ex., Cass. civ. 1, 5 janvier 2022, n° 20-18.893, FS-B N° Lexbase : A42197HQ). Tel est à nouveau le cas dans l’affaire sélectionnée (ayant déjà donné lieu à un arrêt de cassation : Cass. civ. 1, 28 novembre 2018, n° 17-24.481, F-D N° Lexbase : A9255YN4).
Faits et procédure. En août 2004, une banque a consenti à M. et Mme W. un prêt de 220 000 euros d'une durée de vingt ans, destiné au financement de leur résidence principale. Ce prêt, stipulant un taux d'intérêt fixe de 3,55 % pendant les trois premiers mois et susceptible de variations en fonction de l’évolution de l’indice Tibeur 3 mois, prévoyait deux périodes de différés d'amortissement avec franchise partielle d’intérêts, l’amortissement du capital prenant effet avec le cinquante-deuxième versement.
Un intermédiaire en opérations de crédit et en service d’investissement (IOBSP) avait accompagné les emprunteurs dans leur recherche de prêt, puis dans leurs discussions avec le prêteur. Surtout, elle leur avait consenti une assurance et avait souscrit à leur bénéfice un engagement de caution. La société en question est en effet également agréée comme société de financement.
Soutenant que la banque et l’intermédiaire avaient manqué à leurs devoirs d’information et de conseil, ainsi que de mise en garde, pour leur avoir fourni un produit dangereux et inadapté à leur situation financière, les emprunteurs ont sollicité leur condamnation en paiement de dommages et intérêts. La cour d’appel de Paris ne leur ayant pas donné raison, ils ont formé un pourvoi en cassation. Deux moyens étaient notamment mis en avant.
Pourvoi. En premier lieu, les emprunteurs faisaient grief à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir rejeté leurs demandes d'indemnisation formées contre l’intermédiaire pour manquement à son obligation de mise en garde, faute de les avoir informés du risque d’amortissement négatif lié à la mise en place d'un prêt par palier, alors « que l'intermédiaire en crédit qui prête son concours à la mise en place d'un prêt à long terme accordé à taux variable et remboursable par paliers à échéance constante sur une première période de remboursement des seuls intérêts suivie d'une période d'amortissement se doit de mettre en garde l'emprunteur contre le risque d'amortissement négatif inhérent à un tel prêt, ledit risque existant dès l'instant où, lors du remboursement du prêt, les intérêts à rembourser sont supérieurs au montant de l'échéance acquittée, et où la différence entre le montant de l'échéance et le solde des intérêts du capital initial génère des intérêts ». Dès lors, en rejetant les demandes d'indemnisation formées sur le fondement d’un manquement au devoir de mise en garde, la cour d’appel aurait violé l'article 1147 du Code civil N° Lexbase : L1248ABT, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
En second lieu, les emprunteurs reprochaient aux juges du fond d’avoir rejeté leurs demandes d’indemnisation contre la banque pour manquement à son devoir d'information sur un risque d'amortissement négatif lié à la mise en place d'un prêt par paliers, alors « que le banquier qui consent un prêt à long terme à un taux variable et remboursable par paliers à échéance constante sur une première période de remboursement des seuls intérêts suivie d'une période d'amortissement est tenu d'informer l'emprunteur du risque d'amortissement négatif inhérent à un tel prêt, ledit risque existant dès l'instant où, lors du remboursement du prêt, les intérêts à rembourser sont supérieurs au montant de l'échéance acquittée, la différence entre le montant de l'échéance et les intérêts étant capitalisée ». Or, il résultait des énonciations de l’arrêt que le prêt « comportait trois paliers d'échéances, dont les deux premiers ne sont pas progressifs mais dégressifs pour une raison qui reste inconnue, lesquels ne permettent pas avec des montants de 491 euros et 357 euros de couvrir la totalité du montant mensuel des intérêts générés par le capital emprunté de 220 000 euros », et que « la part d'intérêts non réglée durant les quarante et un premiers mois » faisait « l'objet d'un report avec une capitalisation mensuelle et un cumul ». Il était par ailleurs constant qu'aucune information n'avait été délivrée quant à un risque d'amortissement négatif. Dès lors, en rejetant les demandes d’indemnisation des époux W. à ce titre, la cour d'appel aurait violé l'article 1147, ancien, du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
Décision. Ce pourvoi se révèle utile, puisque la Cour de cassation casse la décision de la cour d’appel de Paris du 18 novembre 2020.
La Haute juridiction commence par poser un principe. Selon elle, en effet, il résulte de l’article 1147 du Code civil que lorsqu’il consent à un emprunteur non averti un prêt comportant des paliers d'échéances, dont le montant de certaines est inférieur à celui des intérêts échus, de sorte que le règlement de ces échéances n'affecte pas le capital emprunté, et que la différence calculée entre le montant de l'échéance et ces intérêts s'ajoute au capital restant dû, « le prêteur est tenu à une obligation d'information et l'intermédiaire en crédit à un devoir de mise en garde sur le risque d'amortissement négatif qui en résulte ».
Or, pour rejeter les demandes des emprunteurs au titre des manquements de l’intermédiaire à son obligation de mise en garde et de la banque à son obligation d'information, l’arrêt de la cour d’appel de Paris a retenu que les emprunteurs ne démontraient pas que le prêt litigieux, bien que comportant des remboursements par paliers, ainsi qu’un taux variable, emportait un risque d’amortissement négatif.
Dès lors, en statuant ainsi, après avoir relevé, d'une part, que le prêt litigieux comportait trois paliers d'échéances, dont les deux premiers n'étaient pas progressifs mais dégressifs et ne permettaient pas de couvrir la totalité du montant mensuel des intérêts générés par le capital emprunté, d'autre part, que la part d'intérêts non réglée durant les quarante et un premiers mois faisait l'objet d'un report avec une capitalisation mensuelle et un cumul, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1147 précité.
Observations. Cette décision appelle plusieurs commentaires. D’abord, on notera que, concernant le prêteur, les juges n’évoquent pas un manquement au devoir de mise en garde, mais un manquement à une obligation d’information. Il en découle alors qu’en présence d’un crédit comportant des paliers d’échéances, dont le montant de certaines est inférieur à celui des intérêts échus, de sorte que le règlement de ces échéances n'affecte pas le capital emprunté et que la différence calculée entre le montant de l'échéance et ces intérêts s’ajoute au capital restant dû, le prêteur est automatiquement tenu de respecter cette obligation d'information.
Plus concrètement, dans un tel cas, le professionnel du crédit devra nécessairement informer l’emprunteur des caractéristiques de la situation, mais aussi se ménager la preuve du respect de cette obligation. À défaut, il verra sa responsabilité engagée et devra verser des dommages et intérêts à l’emprunteur. Il importera peu, dans cette hypothèse, que l’emprunteur soit averti ou non averti, cette circonstance étant indifférente en matière d’obligation d’information. Les banquiers proposant des produits analogues peuvent alors légitimement craindre une telle création jurisprudentielle, qui ne leur est pas favorable. Ils devront rapidement se mettre « en conformité ».
Ensuite, concernant les IOBSP, la décision les soumet à un devoir de mise en garde sur le risque d’amortissement négatif résultant du produit concerné.
Cette dernière solution ne nous convainc pas. Il n’y a pas, dans le droit positif applicable aux IOBSP, de dispositions qui laisseraient penser qu’une telle obligation de mise en garde pèserait aussi sur l’intermédiaire. Nous sommes dès lors toujours gênés par les décisions qui, comme l’arrêt étudié, caractérisent un tel devoir à la charge de l’intermédiaire (v. également, CA Besançon, 23 novembre 2021, n° 20/00239 N° Lexbase : A70537DL ; CA Amiens, 5 mai 2022, n° 20/05246 N° Lexbase : A31807WP). D’ailleurs, ce dernier n’ayant même pas à apprécier la solvabilité de son client (J. Lasserre-Capdeville, Les courtiers en crédit doivent-ils analyser la solvabilité de leurs clients ?, Gaz. Pal. 2022, à paraître), on ne voit pas comment il pourrait, dans les faits, le mettre en garde à propos du risque d’endettement excessif du crédit.
Ne faudrait-il pas plutôt voir ici un manquement au devoir de conseil pesant sur le courtier (J. Lasserre-Capdeville, Conseil et intermédiation en matière bancaire : tentative de clarification, Banque et droit, juillet-août 2022, à paraître) ? On peut légitimement se le demander, et ce d’autant plus que le manquement portait, en l’occurrence, sur le « risque d'amortissement négatif » résultant du crédit en question, et non de la situation de l’emprunteur. Or, ce sont deux choses bien différentes.
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Réf. : Ministère de la Justice, actualités
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N1727BZY
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 03 Juin 2022
► Le ministère de la Justice a rendu publics, en mai 2022, les avant-projets de réforme relatifs aux contrats de service (dépôt et contrat d’entreprise seulement, à l’exception du mandat dont les textes seront diffusés lors de l’ouverture de la consultation publique en juillet) ; pour rappel, cette diffusion fait suite à une première diffusion en avril 2022 des avant-projets de réforme du droit des contrats spéciaux touchant aux contrats portant sur une chose (contrats de vente, de bail et de prêt) ; en juillet 2022, l’ensemble de l’avant-projet de réforme sera officiellement soumis à consultation publique, enrichi des explications ayant présidé, article par article, au choix des règles et formules retenues.
Le droit commun des contrats a été modernisé en profondeur par l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations N° Lexbase : L4857KYK, et par la loi de ratification n° 2018-287, du 20 avril 2018 N° Lexbase : L0250LKH. En revanche, les dispositions relatives à certains contrats, dits spéciaux, régis par le Code civil, datent pour beaucoup de 1804 et ne correspondent plus aux besoins de la vie économique et sociale du XXIe siècle. Pourtant, ces contrats sont utilisés quotidiennement, pour la pratique des affaires ou pour des besoins d’ordre privé.
Comme l’indique le ministère, ces dispositions doivent être rénovées pour les mettre en conformité avec les évolutions jurisprudentielles et modernisées afin qu’elles reflètent davantage l’importance acquise par certains contrats considérés comme mineurs en 1804.
Pour réfléchir à une telle réforme, la direction des affaires civiles et du sceau a mis en place un groupe de travail en avril 2020, dont la présidence a été confiée au Professeur Philippe Stoffel-Munck, et composé d’universitaires et de praticiens, pour proposer une réforme des dispositions relatives à la vente, à l’échange, au bail, au louage d’ouvrage ou contrat d’entreprise, au prêt, au dépôt et au séquestre, aux contrats aléatoires et au mandat.
C’est ainsi que la commission a élaboré un avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux dont la diffusion se fait en trois temps :
Une fois la période de consultation terminée, la Chancellerie sera à même d’élaborer un avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux.
Sont ainsi consultables, pour l’heure, les documents suivants : Première diffusion (avril 2022)
Deuxième diffusion (mai 2022) |
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Réf. : CE, 9°-10° ch. réunies, 25 mai 2022, n° 447812, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A47837YS
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N1732BZ8
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par Marie-Claire Sgarra
Le 03 Juin 2022
► Lorsque le contribuable conteste l'application par l'administration de cette pénalité à raison d'une inexactitude ou d'une omission dans sa déclaration, il appartient au juge de l'impôt de se prononcer sur la réalité de cette inexactitude ou omission, alors même que le litige dont il est saisi ne porterait que sur la pénalité.
Les faits :
Principe. Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue (CGI, art. 1758 A N° Lexbase : L3181LCS).
L'administration a remis en cause le bénéfice de cet abattement au double motif que :
Solution du Conseil d’État. Dès lors que la cour est saisie en appel par le ministre d’une demande tendant à ce que la pénalité de l’article 1758 A du CGI soit substituée à la pénalité pour manquement délibéré infligée au contribuable, il lui appartient de se prononcer sur la réalité de l’inexactitude dans la déclaration du contribuable invoquée par le ministre alors même que, par un jugement définitif, le tribunal administratif a définitivement rejeté la demande du contribuable tendant à la décharge des droits supplémentaires d’imposition correspondants.
Il s'ensuit qu'alors même que, par un jugement du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg avait définitivement rejeté la demande du requérant tendant à la décharge de l'imposition supplémentaire résultant de la remise en cause de ce régime d'abattement, le ministre n'est pas fondé à soutenir que le motif par lequel la cour s'est prononcée sur l'inexactitude invoquée pour justifier l'application de la pénalité de l'article 1758 A avait un caractère surabondant.
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Réf. : CE, 9°-10° ch. réunies, 20 mai 2022, n° 444451, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A91397XR
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N1644BZW
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par Marie-Claire Sgarra
Le 03 Juin 2022
► Eu égard à leur objet, et telles qu'elles sont éclairées par les commentaires formulés par le comité fiscal de l’OCDE sur l'article 12 de la convention-modèle établie par cette organisation publiés le 11 avril 1977, puis postérieurement à la conclusion de la convention fiscale franco-néo-zélandaise, les stipulations l'article 12 de cette convention sont applicables aux redevances de source française dont le bénéficiaire effectif réside en Nouvelle-Zélande, quand bien même elles auraient été versées à un intermédiaire établi dans un État tiers.
Les faits :
Rappel. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite :
Dispositions de la convention fiscale franco-néo-zélandaise N° Lexbase : E4676EUQ. L’article 12 de la Convention prévoit que :
Pour rechercher si les sommes en cause étaient constitutives de redevances, la cour a examiné la qualification des sommes versées par la société P. à la société belge en 2011 ainsi qu'à la société maltaise de 2012 à 2014, au regard des stipulations de la seule convention fiscale franco-néo-zélandaise du 30 novembre 1979.
Solution du CE. En se bornant, pour juger que cette convention était applicable au litige, à relever que l'administration fiscale soutenait que la société néo-zélandaise devait, en application d'un contrat d'agence signé le 2 décembre 1998 entre cette société et la société Planet, être regardée comme la bénéficiaire effective des sommes en litige versées par la société française aux sociétés belge et maltaise, sans se prononcer elle-même sur sa qualité de bénéficiaire effectif desdites sommes pour les quatre années en litige, la cour a commis une erreur de droit.
Précisions. Le Conseil d’État a élargi la notion d’établissement stable en prenant en compte des commentaires postérieurs du comité fiscal de l’OCDE à raison de leur « valeur persuasive » (CE plén. fiscale, 11 décembre 2020, n° 420174, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A652539K). Lire en ce sens, les conclusions du Rapporteur public, L. Cytermann, Lexbase Fiscal, janvier 2021, n° 850 N° Lexbase : N6044BYI. |
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Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 12 mai 2022, n° 444994, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A82967W8
Lecture: 2 min
N1710BZD
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par Yann Le Foll
Le 03 Juin 2022
► Dès lors que l’intervention du rapporteur public relève des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, une disposition ouvrant une faculté de dispense du prononcé de ses conclusions relève du seul domaine de la loi.
Principe. Si les dispositions de la procédure applicable devant les juridictions administratives relèvent de la compétence réglementaire dès lors qu'elles ne mettent en cause aucune des matières réservées au législateur par l'article 34 de la Constitution N° Lexbase : L1294A9S ou d'autres règles ou principes de valeur constitutionnelle, tel n'est pas le cas de l'article L. 7 du Code de justice administrative N° Lexbase : L5749ICW prévoyant l'intervention du rapporteur public, lequel relève des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques.
Dès lors, relève également du domaine de la loi l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-305, du 25 mars 2020 N° Lexbase : L5719LWQ, qui déroge à l'article L. 7 et s'ajoute, de façon temporaire, à la dérogation résultant déjà de l'article L. 732-1 du même Code N° Lexbase : L3047IQW, en prévoyant, à compter du 12 mars 2020 et jusqu'à la cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi n° 2020-290, du 23 mars 2020 N° Lexbase : L5506LWT, la faculté pour le président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience des conclusions sur toute requête.
Application. Il s'ensuit que leur conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit ne peut être contestée que par la voie d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée sur le fondement de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067, du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel N° Lexbase : L0276AI3.
Décision. A défaut d'avoir présenté un mémoire distinct tendant à la transmission d'une telle question au Conseil constitutionnel avant la clôture de l'instruction, les requérants ne sont pas recevables à soutenir que les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020 seraient contraires au principe d'égalité devant la justice.
Apport. Est donc abandonnée la jurisprudence admettant implicitement la compétence du pouvoir réglementaire pour prévoir des cas de dispense de conclusions (CE, 17 avril 1989, n° 58150 N° Lexbase : A0721AQR).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'inscription au rôle, La prise de connaissance par les parties du sens des conclusions du rapporteur public, in Procédure administrative (dir. C. De Bernardinis), Lexbase N° Lexbase : E3735EXM. |
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Réf. : Cass. civ. 2, 25 mai 2022, n° 20-17.123, F-B N° Lexbase : A15007Y9
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N1701BZZ
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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)
Le 03 Juin 2022
► Le seul fait qu’un bâtiment soit dans un état vétuste ne suffit pas à établir le rôle actif des plaques de fibrociment ayant cédé ; pour établir un tel rôle, les juges du fond auraient dû rechercher si, même correctement entretenues, les plaques auraient cédé.
Faits et procédure. Vains avaient été les efforts du propriétaire d’un bâtiment pour dissuader un mineur de monter sur le toit, lequel était déjà fissuré et l’ensemble du bâtiment vétuste. C’est dans ce contexte que des plaques de fibrociment cédèrent lorsque le mineur monta sur le toit. Le propriétaire, gardien de la chose, pouvait-il s’exonérer de sa responsabilité ? On sait qu’en présence d’une chose inerte, il est nécessaire de prouver le rôle instrumental de la chose dans la survenance du dommage (v. par exemple Cass. civ. 2, 11 janvier 1995, n° 92-20.162 N° Lexbase : A7345ABN). La cour d’appel avait admis le rôle actif en se fondant pour cela sur le défaut d’entretien et le mauvais état des plaques qui équipaient le toit (CA Douai, 2 avril 2020, n° 18/05713 N° Lexbase : A56853KR ; sur cet arrêt, v. M. Rouanne, Partage de responsabilité entre le propriétaire d'un entrepôt mal entretenu à l'origine du dommage et la victime fautive, Lexbase Droit privé, n° 822, 30 avril 2020 N° Lexbase : N3129BYK).
Solution. L’arrêt d’appel est cassé au visa de l’ancien article 1384 alinéa 1er, devenu l’article 1242, alinéa 1er, du Code civil N° Lexbase : L0948KZ7, siège de la responsabilité du fait des choses. La Cour de cassation reproche à la cour d’appel de s’être exclusivement fondée sur le « défaut d’entretien de la plaque de fibrociment pour retenir le rôle actif du dommage, sans mettre en évidence l’anormalité de cette chose, en recherchant si la plaque, même correctement entretenue, n’aurait pas cédé sous le poids (du mineur) ». C’est ainsi considérer que si, en l’absence d’un défaut d’entretien, la plaque avait néanmoins cédé, alors la plaque de fibrociment n’aurait eu aucun rôle causal et qu’en conséquence le gardien aurait été exonéré de sa responsabilité.
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Réf. : Cons. const., décision n° 2022-998 QPC du 3 juin 2022 N° Lexbase : A73487YS
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N1741BZI
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par Laïla Bedja
Le 09 Juin 2022
► En adoptant l’interdiction de toute forme de publicité pour les centres de santé, le législateur a entendu éviter que ces centres, qui peuvent être créés et gérés notamment par des organismes à but lucratif, ne mettent en avant des conditions de prise en charge, telles que la pratique du tiers payant et l'absence de dépassement d'honoraires, pour développer une pratique intensive de soins contraire à leur mission et de nature à porter atteinte à la qualité des soins dispensés ; il a ainsi poursuivi un motif d'intérêt général ; ainsi, dans la mesure où l'interdiction de la publicité en faveur des centres de santé contribue à prévenir une telle pratique, la différence de traitement critiquée par l'association requérante est en rapport avec l'objet de la loi ;
Par conséquent, les dispositions prévues au second alinéa de l'article L. 6323-1-9 du Code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018, relative aux conditions de création et de fonctionnement des centres de santé, sont conformes à la Constitution.
La QPC. Le Conseil constitutionnel était saisi de la conformité à la Constitution des dispositions prévues au second alinéa de l’article L. 6323-1-9 du Code de la santé publique N° Lexbase : L1063LI9 qui énonce : « Toute forme de publicité en faveur des centres de santé est interdite » (Cass. QPC, 13 avril 2022, n° 21-23.234, FS-B N° Lexbase : A44647TI, notre brève, Renvoi au Conseil constitutionnel de la QPC relative à l’interdiction de publicité par les centres de santé, Lexbase Droit privé, avril 2022, n° 903 N° Lexbase : N1226BZG).
L'association requérante soutenait que ces dispositions, en interdisant toute forme de publicité en faveur des seuls centres de santé, institueraient une différence de traitement injustifiée entre ceux-ci et les professionnels de santé. Elle fait valoir, en outre, que le caractère général et absolu de cette interdiction porterait une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre.
La décision. Énonçant la solution précitée, le Conseil constitutionnel déclare les dispositions contestées conformes à la Constitution, écartant le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité ainsi que celui tiré de la méconnaissance de la liberté d’entreprendre. Pour justifier sa décision, les Sages énoncent que les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité, qui ont pour mission de dispenser des soins de premier recours et, le cas échéant, de second recours et pratiquent à la fois des activités de prévention, de diagnostic et de soins.
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Réf. : Cass. soc., 25 mai 2022, n° 21-12.811, F-D N° Lexbase : A40847YW
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N1689BZL
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par Lisa Poinsot
Le 01 Juin 2022
► L'obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral et ne se confond pas avec elle, de sorte que le juge ne peut, pour débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, retenir qu’aucun agissement répété de harcèlement moral n’étant établi, il ne peut être reproché à l’employeur d’avoir manqué à son obligation de sécurité.
Faits et procédure. À la suite de sa mutation, un salarié sollicite, en 2017, auprès de la juridiction prud’homale la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur. Deux ans plus tard, ce salarié est déclaré inapte à tout poste par le médecin du travail. Il est alors licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
Pour débouter le salarié de sa demande tendant au prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, la cour d’appel (CA Paris, 6 janvier 2021, n° 19/06607 N° Lexbase : A15464CA) retient que :
Le salarié forme alors un pourvoi en cassation.
La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel. En matière de harcèlement moral, un salarié peut agir en justice sur deux fondements : l’obligation de sécurité de l’employeur en application des articles L. 4121-1 N° Lexbase : L3097INZ et L. 4121-2 N° Lexbase : L8844ITQ du Code du travail et la prohibition des agissements de harcèlement moral au titre des articles L. 1152-1 N° Lexbase : L0724H9P et L. 1154-1 N° Lexbase : L6799K9P du Code du travail.
Pour aller plus loin :
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