Le Quotidien du 13 avril 2022

Le Quotidien

Contrôle fiscal

[Brèves] Cumul de sanctions en cas d'opposition au contrôle fiscal et majoration de 100 % : le Conseil constitutionnel se prononce

Réf. : Cons. const., décision n° 2022-988 QPC, du 8 avril 2022 N° Lexbase : A49337SI

Lecture: 3 min

N1086BZA

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par Marie-Claire Sgarra

Le 10 Juin 2022

Le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le deuxième alinéa de l’article 1732 du CGI.

Que prévoient ces dispositions ? Aux termes de l'article 1732 du CGI N° Lexbase : L0571LZ8, la mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du LPF N° Lexbase : L0428IYI entraîne l’application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'État.

L’article 1746 du CGI N° Lexbase : L3322IQ4 prévoit quant à lui, en cas d’opposition individuelle, l’application d’une amende de 25 000 euros, prononcée par le tribunal correctionnel.

Renvoi de la QPC. Le Conseil d’État a jugé que « le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et notamment au principe de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines en tant qu'elles permettent, lorsqu'un contribuable a fait opposition au contrôle des agents de l'administration fiscale, d'assortir les droits mis à sa charge d'une amende fiscale de 100 % alors que ce contribuable peut également être condamné par le tribunal correctionnel au paiement d'une amende de 25 000 euros, et, en cas de récidive, à une peine de six mois d'emprisonnement, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1746 du CGI, soulève une question présentant un caractère sérieux » et a renvoyé la QPC au Conseil constitutionnel.

Solution du Conseil constitutionnel

Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe de nécessité des délits et des peines :

  • l'article 1746 du CGI réprime le comportement de toute personne visant à faire obstacle à l'accomplissement par les agents de l'administration de leurs fonctions, indépendamment de la mise en œuvre d'un contrôle fiscal et du fait que des droits aient ou non été éludés ;
  • la majoration prévue par les dispositions contestées ne peut, quant à elle, s'appliquer qu'à un contribuable qui s'est opposé à un contrôle fiscal à la suite duquel l'administration établit qu'il a éludé des droits ;
  • ces dispositions ne tendent pas à réprimer de mêmes faits, qualifiés de manière identique.

Le grief tiré de la méconnaissance du principe de nécessité des délits et des peines doit donc être écarté.

Sur le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines :

  • si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue ;
  • en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu réprimer les comportements visant à faire obstacle au contrôle fiscal et a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale ;
  • en prévoyant une majoration des droits éludés, le législateur a instauré une sanction dont l'assiette est en lien avec la nature de l'infraction ; le taux de cette majoration n'est pas manifestement disproportionné au regard de la particulière gravité du comportement réprimé.

Le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité des peines doit donc être écarté.

newsid:481086

Droit des étrangers

[Brèves] Étranger ayant perdu le statut mais non la qualité de réfugié : l’administration doit pouvoir conclure, au terme d'un examen approfondi, à l'absence de risque de subir un traitement prohibé

Réf. : CE 2°-7° ch. réunies, 28 mars 2022, n° 450618, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A53557RR

Lecture: 4 min

N0990BZP

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par Marie Le Guerroué

Le 12 Avril 2022

►La personne à qui le statut de réfugié a été retiré, mais qui a conservé la qualité de réfugié, ne peut être éloignée que si l'administration, au terme d'un examen approfondi de sa situation personnelle prenant particulièrement en compte cette qualité, conclut à l'absence de risque pour l'intéressé de subir un traitement prohibé dans le pays de destination.

Faits et procédure. Un ressortissant russe originaire de la république du Daghestan en Russie, s'était vu accorder le statut de réfugié. Par une nouvelle décision du 28 février 2018, l'Ofpra avait, sur le fondement du 2° de l'article L. 711-6 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile N° Lexbase : L1904LMH, mis fin à son statut de réfugié. Par un arrêté du 13 juin 2019, le préfet de la Haute-Garonne avait rejeté la demande de titre de séjour en qualité de réfugié présentée par l'intéressé, l'avait obligé à quitter sans délai le territoire français, l'avait interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et avait fixé la destination au pays dont il avait la nationalité ou tout pays où il est légalement admissible. Par un arrêté du même jour, le préfet l'avait assigné à résidence. Le tribunal administratif de Toulouse avait ensuite rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. L’intéressé se pourvoit en cassation.

Réponse du Conseil d’État. La Haute juridiction administrative rappelle les dispositions applicables des articles 14 de la Directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 N° Lexbase : L8922IRU, L. 711-6 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés N° Lexbase : L6810BHP. Elle en déduit qu’il appartient à l'étranger qui conteste son éloignement de démontrer qu'il y a des raisons sérieuses de penser que, si la mesure incriminée était mise à exécution, il serait exposé à un risque réel de se voir infliger des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L4764AQI ou aux articles 4 et 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne N° Lexbase : L8117ANX. Toutefois, ainsi qu'il ressort de l'arrêt du 15 avril 2021 de la Cour européenne des droits de l'Homme « K.I. contre France » (CEDH, 15 avril 2021, Req. 5560/19, K.I. c/ France N° Lexbase : A36924PG), le fait que la personne ait la qualité de réfugié est un élément qui doit être particulièrement pris en compte par les autorités. Dès lors, la personne à qui le statut de réfugié a été retiré, mais qui a conservé la qualité de réfugié, ne peut être éloignée que si l'administration, au terme d'un examen approfondi de sa situation personnelle prenant particulièrement en compte cette qualité, conclut à l'absence de risque pour l'intéressé de subir un traitement prohibé par les stipulations précitées dans le pays de destination. Par suite, en jugeant que la décision d’éloignement vers le pays dont l’intéressé a la nationalité ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 3 de la CESDH, ni celles des articles 4 et 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, au seul motif qu’il ne faisait état, tant en première instance qu'en appel, d'aucun élément de nature à établir la réalité et l'actualité des risques encourus, sans rechercher si, eu égard à la qualité de réfugié de l'intéressé, l'administration avait procédé, à la date de la décision d'éloignement en litige, à un examen approfondi de sa situation, prenant particulièrement en compte cette qualité, au regard de l'existence de risques de traitement prohibé par ces stipulations à son retour en Russie, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit (CAA Bordeaux, 6e ch., 1er mars 2021, n° 20BX01726 N° Lexbase : A80684IN).

Annulation. Le ressortissant russe est donc fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

 

 

newsid:480990

Fiscalité internationale

[Brèves] Un partnership est-il ou n’est-il pas ? Telle est la question !

Lecture: 3 min

N1045BZQ

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par Denis Fontaine-Besset et Arnauld Spiner, Avocats, GFD-Avocats

Le 12 Avril 2022

La transparence fiscale n'est pas reconnue par la législation fiscale française. Par exception, la convention fiscale signée entre la France et les États-Unis (ci-après mentionnée « CFI ») prévoit spécifiquement la reconnaissance de la transparence fiscale des partnerships.

Les sociétés de personnes sont régies par l'article 8 du Code général des impôts N° Lexbase : L1176ITQ. Bien que l'impôt soit payé par les associés, les sociétés sont considérées comme des sujets fiscaux : les actionnaires sont imposés sur leur part respective dans les bénéfices de la société de personnes, calculée à son niveau et non pas comme si chacun des associés avait réalisé directement les bénéfices dégagés par la société de personnes. Ces entités sont généralement qualifiées de « translucides » et non de transparentes. Les partnerships étrangers sont assimilés par la législation fiscale française soit (i) à des sociétés de capitaux soumises à l'impôt sur les sociétés ou soit (ii) à des sociétés de personnes, considérées comme des sujets fiscaux, selon que les associés voient leur responsabilité limitée ou non, indépendamment du régime fiscal applicable dans l'État du partnership [1].

Conformément à l'article 7.4 de la CFI, « l'associé est considéré comme ayant réalisé des revenus ou bénéficié de déductions dans la mesure de sa part des résultats du "partnership" ». Toutefois, selon le juge de l’impôt, cette transparence fiscale ne s'applique que pour répartir le droit d’imposer un revenu entre les États contractants, mais ne modifie pas les autres dispositions fiscales [2]. Sur cette base, l’administration fiscale [3] considère que la vente de la participation détenue dans un partnership exerçant ses activités par l'intermédiaire d'un établissement stable doit être traitée fiscalement comme une cession de droits sociaux [4]. Les gains sont imposables dans l'État de résidence du cédant conformément aux stipulations de la CFI applicables aux gains provenant de la cession de droits sociaux qui ne relèvent pas d’une exception (prépondérance immobilière…).

Cette analyse est en contradiction avec les règles fiscales américaines qui traitent le partnership comme étant entièrement transparent et qui considèrent la vente de la participation comme constituant une cession des actifs sous-jacents, imposables dans l'État compétent pour l’imposition de ces actifs [5].

Une récente décision [6] du Conseil d’État confirme la position de l’administration fiscale : la plus-value réalisée par un résident fiscal français sur la vente de sa participation dans un partnership exerçant ses activités par le biais d'un établissement stable aux États-Unis est imposable en France en vertu des stipulations de la CFI applicables aux gains sur la vente de droits sociaux.

 

[1] CE Contentieux, 24 novembre 2014, n° 363556, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A5450M4M.

[2] Cf. 1.

[3] BOI-INT-CVB-USA-10-20-30 n° 1 N° Lexbase : X3837ALP.

[4] Article 13,6 de la DTT.

[5] Article 13,3 a) de la DTT.

[6] CE 9° et 10° ch.-r., 2 février 2022, n° 443154, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A32297L8.              

newsid:481045

Santé et sécurité au travail

[Brèves] Exposition à l’amiante des officiers de la Marine nationale : reconnaissance du préjudice d’anxiété et de la responsabilité de l’État en tant qu’employeur

Réf. : CE 2e et 7e ch.-réunies, 28 mars 2022, n° 453378, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A53567RS

Lecture: 2 min

N1038BZH

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par Laïla Bedja

Le 12 Avril 2022

► La personne qui recherche la responsabilité d'une personne publique en sa qualité d'employeur et qui fait état d'éléments personnels et circonstanciés de nature à établir une exposition effective aux poussières d'amiante susceptible de l'exposer à un risque élevé de développer une pathologie grave et de voir, par là même, son espérance de vie diminuée, peut obtenir réparation du préjudice moral tenant à l'anxiété de voir ce risque se réaliser ; dès lors qu'elle établit que l'éventualité de la réalisation de ce risque est suffisamment élevée et que ses effets sont suffisamment graves, la personne a droit à l'indemnisation de ce préjudice, sans avoir à apporter la preuve de manifestations de troubles psychologiques engendrés par la conscience de ce risque élevé de développer une pathologie grave.

Ainsi, doivent être regardés comme justifiant d'un préjudice d'anxiété indemnisable, eu égard à la spécificité de leur situation, les marins qui, sans intervenir directement sur des matériaux amiantés, établissent avoir, pendant une durée significativement longue, exercé leurs fonctions et vécu, de nuit comme de jour, dans un espace clos et confiné comportant des matériaux composés d'amiante, sans pouvoir, en raison de l'état de ces matériaux et des conditions de ventilation des locaux, échapper au risque de respirer une quantité importante de poussières d'amiante.

Le montant de l'indemnisation du préjudice d'anxiété prend notamment en compte, parmi les autres éléments y concourant, la nature des fonctions exercées par l'intéressé et la durée de son exposition aux poussières d'amiante.

Les faits et procédure. Un officier de la Marine nationale demande à l’État, en tant qu’employeur, de réparer son préjudice moral et les troubles causés dans les conditions d’existence par son exposition à l’inhalation de poussières d’amiante tout au long de sa carrière dans la Marine nationale.

Le tribunal administratif de Rennes et la cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes, 6 avril 2021, n° 19NT03475 N° Lexbase : A59964NE) ayant condamné l’État à réparer le préjudice causé à l’officier, le ministère des Armées a demandé l’annulation de la dernière condamnation au Conseil d’État. En vain.

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette le pourvoi. Dans le cas de cet agent, la cour de Nantes avait accordé la somme de 5 000 euros pour la réparation du préjudice d’anxiété.

newsid:481038

Sociétés

[Brèves] SA : application de bonne foi d’une convention de mandat social et juste motif de révocation d’un membre du directoire

Réf. : Cass. com., 30 mars 2022, n° 20-16.168, F-B N° Lexbase : A64727R7

Lecture: 5 min

N1044BZP

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par Vincent Téchené

Le 12 Avril 2022

► N’exécute pas de bonne foi une convention de mandat social prévoyant le versement d’une prime au président du directoire en fonction d’objectifs devant être fixés par le conseil de surveillance, la société qui n’a pas fixé lesdits objectifs, sans qu’il puisse être reproché au dirigeant de s’être abstenu de demander à la société de procéder à cette fixation.

Par ailleurs, la mise en place d’une nouvelle gouvernance ne constitue pas un juste motif de révocation d’un membre du directoire faute pour cette dernière d’être justifiée par la nécessaire préservation de l'intérêt social.

Faits et procédure.  Le président du directoire d’une SA a conclu avec cette dernière une convention de mandat social prévoyant diverses obligations de paiement à la charge de cette dernière. Moins de six mois après sa nomination, le conseil de surveillance a décidé de révoquer l’intéressé de ses mandats de membre et président du directoire. La société ayant refusé de faire droit à ses demandes en paiement de diverses sommes en exécution de la convention de mandat social, le dirigeant révoqué l'a assignée en paiement.

La cour d’appel (CA Versailles, 28 mai 2020, n° 18/07697 N° Lexbase : A41003MS) ayant rejeté la demande du dirigeant en paiement de sa prime sur objectifs prévue par la convention de mandat social, ce dernier a formé un pourvoi en cassation. Il reprochait également à la cour d’appel de rejeter sa demande en paiement de dommages et intérêts pour révocation brutale et sans juste motif.

Décision. Concernant le versement de la prime, la Cour de cassation opère une double censure.

D’abord, au visa de l’article 1103 du Code civil N° Lexbase : L0822KZH, la Haute juridiction rappelle que selon ce texte, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et lorsque les stipulations d'un contrat sont ambiguës, il appartient au juge de déterminer quelle a été la commune intention des parties.

Or pour rejeter la demande du dirigeant, l'arrêt d’appel retient que les termes clairs de la convention litigieuse prévoient que la cession devait être menée sous la présidence de l’intéressé et qu’il ressort d’une lettre du 9 novembre 2016 que l'objectif de la mission qui lui était confiée était la cession rapide du groupe ; elle en déduit que n'ayant pas mené les opérations de cession, il ne peut prétendre au versement d'une prime à ce titre.

La Cour de cassation censure sur ce point l’arrêt d’appel : en statuant ainsi, alors que la convention du 28 novembre 2016, applicable entre les parties, était ambiguë en ce qui concerne tant la question de savoir si la cession de la société entrait dans la mission confiée au président du directoire que les conditions de versement de la prime en cas de cession, la cour d'appel, qui s'est abstenue de rechercher quelle avait été la commune intention des parties, n'a pas donné de base légale à sa décision.

Ensuite, au visa de l’article 1104, alinéa 1er, du Code civil N° Lexbase : L0821KZG, la Cour de cassation rappelle que selon ce texte, les contrats doivent être exécutés de bonne foi.

Or pour rejeter la demande en paiement de la prime sur objectifs formée par le dirigeant, l'arrêt d’appel, après avoir relevé que la convention litigieuse prévoyait son versement et que les objectifs devaient être fixés par le conseil de surveillance, retient que le dirigeant avait la possibilité de demander à la société de procéder à la fixation de ses propres objectifs et que s'en étant abstenu, il ne peut reprocher à cette dernière un manquement dans ses obligations pour ne pas y avoir procédé.

La Cour de cassation censure également l’arrêt d’appel pour avoir statué ainsi : il résultait de ses constatations qu'il incombait à la seule société de fixer les objectifs à réaliser par le dirigeant et qu'elle ne l'avait pas fait, de sorte que la cour d'appel a violé l’article 1104, alinéa 1er.

Enfin, sur la révocation du dirigeant, la Haute juridiction rappelle qu’aux termes de l'article L. 225-61, alinéa 1er, du Code de commerce N° Lexbase : L5932AIK, les membres du directoire peuvent être révoqués par l'assemblée générale, ainsi que, si les statuts le prévoient, par le conseil de surveillance. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages et intérêts.

Or la Cour relève que pour juger que le dirigeant ne rapportait pas la preuve de l'absence de juste motif à sa révocation et rejeter sa demande en paiement de dommages et intérêts, l'arrêt d'appel relève que la société ayant acquis la SA qu’il dirigeait l'a informé par lettre de sa volonté de mettre en place une nouvelle gouvernance.

Dès lors, pour la Haute juridiction, en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la décision de révoquer le président du directoire était justifiée par la nécessaire préservation de l'intérêt social, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Observations. Deux enseignements semblent pouvoir être retenus de cet arrêt. D'une part, la société qui s'engage conventionnellement à verser une prime sur objectifs au dirigeant et qui ne fixerait pas ces objectifs n'exécute pas de bonne foi la convention et s'expose dès lors à indemniser le dirigeant sur le fondement de la responsabilité contractuelle. D'autre part, à la suite de la prise de contrôle d'une SA à conseil de surveillance, le nouvel actionnaire ne peut révoquer les membres du directoire au seul motif de mettre en place une nouvelle gouvernance sans justifier de la préservation de l'intérêt social. 

newsid:481044

Successions - Libéralités

[Brèves] Attribution préférentielle d’une entreprise agricole : retour sur les conditions du demandeur

Réf. : Cass. civ. 1, 23 mars 2022, n° 20-22.567, F-D N° Lexbase : A32477RP

Lecture: 3 min

N1050BZW

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 12 Avril 2022

► En prévoyant le cas où le demandeur à l'attribution préférentielle d'une entreprise agricole était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès d'une partie des biens la composant, l’article 831 du Code civil n'a pas entendu exclure l'hypothèse où il bénéficierait d'un bail rural.

Pour rappel, l'article 831, alinéa 1er, du Code civil N° Lexbase : L9963HNC dispose que : « Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l'attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s'il y a lieu, de toute entreprise, ou partie d'entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou quote-part indivise d'une telle entreprise, même formée pour une part de biens dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à l'exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement. Dans le cas de l'héritier, la condition de participation peut être ou avoir été remplie par son conjoint ou ses descendants » (nous soulignons).

Concrètement, ce texte vise à permettre à un héritier ayant participé à une entreprise agricole (ou commerciale, industrielle, artisanale, ou libérale), dépendant de la succession et pour laquelle il se retrouve copropriétaire avec d’autres héritiers, d’en solliciter l’attribution préférentielle.

Dans son arrêt rendu le 23 mars 2022, la Cour de cassation apporte quelques précisions utiles concernant les conditions d’application de ce texte, et plus précisément les conditions à remplir par le demandeur à l’attribution préférentielle d’une entreprise agricole.  

Tout d’abord, il résulte de l’article précité que, « si l'héritier qui demande l'attribution préférentielle d'un domaine rural doit avoir la qualité de copropriétaire, il peut toutefois être tenu compte, pour l'appréciation de la consistance de l'exploitation, des biens appartenant à son conjoint et formant, avec ceux dont cet héritier est copropriétaire, l'entreprise agricole exigée par la loi ». Il s’agit là d’un rappel d’une solution admise de longue date, dans le cadre des dispositions antérieures à la réforme de 2006 (C. civ., anc. art. 832 N° Lexbase : L3469AB4) (Cass. civ. 1, 10 décembre 1980, n° 79-13.059, publié au bulletin N° Lexbase : A9757CGH).

Ensuite, une lecture trop rapide de ces dispositions, qui envisagent l’hypothèse où le demandeur à l’attribution préférentielle était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès d'une partie des biens la composant (v. dispositions soulignées supra), ne doit pas laisser croire que ce texte exclut l’hypothèse où il bénéficierait d'un bail rural. Telle est la clarification – si tant est qu’elle était nécessaire – ici apportée par la Haute juridiction, selon les termes reproduits ci-dessus.

C’est ainsi que la Cour suprême approuve la décision rendue par la cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 6 octobre 2020, n° 19/05081 N° Lexbase : A88263WS) : ayant relevé, par motifs adoptés, que l'époux de la demandeuse à l’attribution exploitait des terres agricoles d'une surface globale de 184 hectares, incluant les parcelles d'une surface de 23 hectares qui lui avaient été données à bail, avec son épouse, par le défunt, et qui produisaient du lait et des céréales, et que la perte de ces terres mettrait en péril la continuité de l'activité laitière tandis que leur maintien permettrait de salarier leur fils, la cour d'appel en avait souverainement déduit que les terres litigieuses constituaient, avec l'exploitation agricole de l'époux de la demandeuse, une entreprise agricole et que les intérêts en présence justifiaient qu'elles soient attribuées par préférence à celle-ci.

newsid:481050

Transport

[Brèves] Transport aérien : les passagers d’un vol retardé peuvent réclamer une indemnisation au transporteur aérien non UE

Réf. : CJUE, 7 avril 2022, aff. C-561/20 N° Lexbase : A10977TS

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N1107BZZ

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par Vincent Téchené

Le 13 Avril 2022

► Un passager d’un vol avec correspondance, comprenant deux segments de vol et ayant fait l’objet d’une réservation unique auprès d’un transporteur communautaire, au départ d’un aéroport situé sur le territoire d’un État membre et à destination d’un aéroport situé dans un pays tiers via un autre aéroport de ce pays tiers, a droit à une indemnisation du transporteur aérien d’un pays tiers qui a effectué l’ensemble de ce vol en agissant au nom de ce transporteur communautaire, lorsque ce passager a atteint sa destination finale avec un retard de plus de trois heures trouvant son origine dans le second segment dudit vol.

Faits et procédure. Trois passagers aériens ont fait une réservation unique auprès d’une compagnie aérienne allemande, par l’intermédiaire d’une agence de voyages, pour un vol au départ de Bruxelles (Belgique) à destination de San José (États-Unis), avec une escale à Newark (États-Unis). L’intégralité du vol a été effectuée par un transporteur établi aux États-Unis. Les trois passagers sont parvenus à leur destination finale avec un retard de 223 minutes. Une société détentrice de leur créance a introduit un recours en indemnisation contre le transporteur effectif devant un tribunal bruxellois, en invoquant l’applicabilité du règlement n° 261/2004, du 11 février 2004, sur les droits des passagers aériens N° Lexbase : L0330DYU.

C’est dans ces conditions que des questions préjudicielles ont été posées.

Décision. Dans son arrêt du 7 avril, la CJUE rappelle tout d’abord qu’un vol avec une ou plusieurs correspondances ayant fait l’objet d’une réservation unique constitue un ensemble aux fins du droit à indemnisation des passagers prévu par le droit de l’Union. En effet, l’applicabilité du règlement sur les droits des passagers aériens doit être appréciée au regard du lieu de départ initial et de la destination finale.

Par ailleurs, la Cour précise que le transporteur aérien non UE, qui n’a pas conclu un contrat de transport avec les passagers mais qui a effectué le vol, peut être redevable de l’indemnisation des passagers. En effet, le transporteur qui, dans le cadre de son activité de transport de passagers, prend la décision de réaliser un vol précis, y compris d’en fixer l’itinéraire, constitue le transporteur aérien effectif. Ce transporteur est donc réputé agir au nom du transporteur contractuel. La Cour souligne toutefois que le transporteur aérien effectif, qui est tenu d'indemniser un passager, conserve le droit de demander réparation à toute personne, y compris des tiers, conformément au droit national applicable.

Concernant la validité du règlement sur les droits des passagers aériens au regard du principe du droit international coutumier selon lequel chaque État dispose d’une souveraineté complète et exclusive sur son propre espace aérien, la Cour précise qu’un vol avec correspondance relève du champ d’application du règlement au motif que les passagers ont commencé leur voyage au départ d’un aéroport situé dans un État membre. Elle ajoute que ce critère d’applicabilité ne porte pas atteinte aux conditions d’application du principe de souveraineté complète et exclusive d’un État sur son propre espace aérien.

Pour aller plus loin : v. le commentaire de G. Poissonnier et P. Dupont, Lexbase Affaires, n° 714 du 21 avril 2022, à paraître. 

 

newsid:481107

Urbanisme

[Brèves] Territoires littoraux exposés au recul du trait de côte : une ordonnance « boîte à outils » pour lutter contre le phénomène

Réf. : Ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022, relative à l'aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte N° Lexbase : L2885MCT

Lecture: 4 min

N1114BZB

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par Yann Le Foll

Le 13 Avril 2022

► L’ordonnance n° 2022-489, du 6 avril 2022, relative à l'aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte, publiée au Journal officiel du 7 avril 2022, destinée à compléter les mesures initialement prévues par la loi « climat et résilience » (loi n° 2021-1104, du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets N° Lexbase : L6065L7R), a pour objet de mobiliser et de renforcer les outils d'aménagement et d'intervention fonciers pour aider les communes concernées à faire face à ce phénomène.

L’ordonnance définit tout d'abord une méthode d'évaluation des biens les plus exposés, à horizon de trente ans, dans le cadre de la procédure du nouveau droit de préemption pour l'adaptation des territoires au recul du trait de côte, mais également à l'occasion de la détermination des indemnités en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique (le prix d'un bien immobilier situé dans une zone exposée au recul du trait de côte étant fixé en priorité par référence à des mutations et accords amiables portant sur des biens de même qualification et avec un niveau d'exposition similaire situés dans cette même zone).

L’ordonnance prévoit également que le dispositif des réserves foncières prévu au Code de l'urbanisme peut être mobilisé pour prévenir les conséquences du recul du trait de côte.

Elle crée un « bail réel d'adaptation à l'érosion côtière », par lequel l'État, une commune ou un groupement de communes, un établissement public y ayant vocation ou le concessionnaire d'une opération d'aménagement, consent à un preneur pour une durée comprise entre douze ans et quatre-vingt-dix-neuf ans, des droits réels immobiliers en vue d'occuper lui-même ou de louer, exploiter, réaliser des installations, des constructions ou des aménagements, dans les zones exposées au recul du trait de côte. Toute intention de proposer la conclusion d'un bail réel d'adaptation à l'érosion côtière fait l'objet d'une publicité préalable.

À l'échéance du bail, le terrain d'assiette du bien fait l'objet d'une renaturation comprenant, le cas échéant, la démolition de l'ensemble des installations, des constructions ou des aménagements, y compris ceux réalisés par le preneur, et les actions ou opérations de dépollution nécessaires.

Est également créée dans le Code de l’urbanisme une section intitulée « Opération de recomposition des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte » qui prévoit que, lorsqu'un contrat de projet partenarial d'aménagement prévoit une opération d'aménagement ayant pour objet de mettre en œuvre la recomposition spatiale du territoire d'une ou plusieurs communes figurant sur la liste mentionnée à l'article L. 121-22-1 N° Lexbase : L7081L7E, il peut délimiter sur le territoire qu'il couvre des secteurs de relocalisation de constructions, d'ouvrages ou d'installations menacés par l'évolution du trait de côte.

À l'intérieur de ces secteurs, il peut, dans la mesure nécessaire à la relocalisation de constructions, d'ouvrages ou d'installations menacés par l'évolution du trait de côte, être dérogé, sous réserve de l'accord de l'autorité administrative compétente de l'État et après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, à l'obligation de construire en continuité de l'urbanisation existante, lorsque ces dispositions empêchent la mise en œuvre d'une opération de relocalisation de biens ou d'activités menacés dans des espaces plus éloignés du rivage, moins soumis à l'aléa du recul du trait de côte.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE, Les règles applicables aux zones particulières, Les dispositions spécifiques aux documents d'urbanisme des communes littorales, in Droit de l’urbanisme (dir. A. Le Gall), Lexbase N° Lexbase : E0593E9T.

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Voies d'exécution

[Jurisprudence] Réitération des enchères : précisions sur l’appel du jugement statuant sur la contestation du certificat

Réf. : Cass. civ. 2, 24 mars 2022, n° 21-11.452, F-B N° Lexbase : A27997R4

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N1111BZ8

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par Aude Alexandre Le Roux, avocat associé AARPI TRIANON Avocats, secrétaire-adjoint de l’AAPPE

Le 12 Avril 2022

Mots-clés : certificat de non consignation • certificat de non-paiement • licitation • partage appel du jugement statuant sur la contestation du certificat • réitération des enchères • saisie immobilière

Lorsqu’un jugement rendu à l’issue d’une contestation du certificat prévu aux articles R. 322-67 et R. 322-68 du Code des procédures civiles d’exécution statue également sur d’autres demandes reconventionnelles, appel peut être interjeté du seul chef de ces dernières.


 

La procédure de réitération des enchères et ses aléas n’a de cesse de saisir les hauts magistrats d’interrogations spécifiques.

Une banque introduit devant le tribunal de grande instance une action afin que soit provoqué le partage des biens appartenant à son débiteur et ordonnée la vente sur licitation du bien immobilier à la barre du tribunal.

La lecture de l’arrêt d’appel apprend au lecteur que la décision n’est pas rendue dans le cadre d’une vente sur saisie immobilière, mais à l’occasion d’une vente sur licitation qui emprunte nombre de spécificités de la saisie immobilière tout en s’en distinguant sur le fond. Nous y reviendrons.

Les biens sont adjugés à une société par jugement de vente sur licitation du 10 octobre 2013. Un lot consistant en un droit de jouissance privative d’un jardin auquel on accède par une servitude de passage a été omis lors de la procédure initiale. L’adjudicataire s’est acquitté du paiement des frais, mais n’a pas procédé à la consignation du prix de vente.

Parallèlement, il saisit le tribunal de grande instance d’une demande d’annulation de la vente au motif qu’une servitude ne lui avait pas été révélée. Lassé d’attendre l’issue de la demande d’annulation et dès lors que le paiement du prix de vente n’a pas été consigné, la banque fait signifier le certificat de non-consignation du prix établi par le greffe. L’adjudicataire conteste le certificat et sollicite du juge de l’exécution que soit ordonné le sursis à statuer dans l’attente de l’issue de sa demande d’annulation de la vente sur adjudication. Le juge fait droit à la demande de sursis à statuer, mais déclare irrecevables les demandes formées par les indivisaires.

La cour d’appel saisie l’appel du jugement rendu par le tribunal de grande instance, l’infirme et déclare l’adjudicataire irrecevable en sa demande en constatant qu’au jour de la signification de l’assignation en annulation du jugement d’adjudication, la vente était résolue de plein droit faute de consignation du prix, il ne pouvait donc plus se prévaloir de sa qualité de propriétaire. Ce n’est donc que par jugement du 7 novembre 2019 statuant sur la contestation du certificat que le juge de l’exécution déclare irrecevables les contestations des indivisaires relatives à la vente par adjudication, la nullité du cahier des conditions de vente et déclare irrecevables les contestations de l’adjudicataire tout en déboutant la banque de ses demandes de réitération et d’amende civile.

La banque interjette appel du jugement qualifié en premier ressort par le juge de l’exécution. L’adjudicataire demande à la cour de déclarer irrecevable cet appel au visa de l’article R. 322-68 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2487ITB, aux termes duquel la décision statuant sur la contestation du certificat n’est pas susceptible d’appel. La cour d’appel fait droit à cette analyse et déclare irrecevable l’appel de la banque.

La Cour de cassation est donc saisie de la question de la recevabilité de l’appel d’un jugement rendu à l’issue d’une contestation du certificat prévu à l’article R. 322-67 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2486ITA lorsqu’il est statué par ce dernier sur plusieurs chefs de demandes distincts.

Cet arrêt est l’occasion de s’attarder un instant sur les spécificités de la vente sur licitation à la barre du tribunal (I) avant d’aborder la solution dégagée (II).

I. Spécificités des ventes à la barre du tribunal sur licitation

Cette vente emprunte de nombreuses règles à la saisie immobilière (A) n’étant toutefois pas une voie d’exécution, elle s’en distingue cependant (B).

A. Similitudes avec les règles de la saisie immobilière

L’organisation de la vente des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués est faite par le tribunal qui ordonne le partage dans les conditions qu’il détermine (CPC, art. 1377 N° Lexbase : L1631IUX).

Concernant la vente des immeubles, cette dernière est faite à la fois selon les modalités des ventes des immeubles appartenant à des mineurs ou majeurs en tutelle (CPC, art. 1271 N° Lexbase : L2150H4E à 1281 N° Lexbase : L2177H4E).

L’article 1278 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1637IU8, déclare communes à ces ventes plusieurs sous-sections du Code des procédures civiles d’exécution relatives à la procédure de saisie immobilière.

Ainsi, de nombreuses règles de la procédure de saisie immobilière ont vocation à s’appliquer à la vente sur licitation.

Il s’agit, dans leur grande majorité, des règles gouvernant les enchères fixées aux articles R. 322-39 N° Lexbase : L2458IT9 à R. 322-49 N° Lexbase : L2468ITL du Code des procédures civiles d’exécution.

À cet égard, il est à noter que la demande de copie du casier judiciaire faite par le greffe lorsque l’adjudicataire n’indique pas dans l’attestation sur l’honneur, prévue à l’article R. 322-41-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L8428LQ9, que le bien qu’il achète est destiné à son occupation personnelle, n’est pas applicable à la vente sur licitation, sans doute par oubli d’actualisation des dispositions de l’article 1278 du Code de procédure civile à l’occasion de la création de cette disposition par le décret n° 2019-488, du 22 mai 2019 N° Lexbase : L3412LQG.

La forme du jugement d’adjudication et du titre de vente sont également similaires pour les ventes sur licitation (CPCEx, art. R. 322-59 N° Lexbase : L2478ITX, R. 322-61 N° Lexbase : L2480ITZ et R. 322-62 N° Lexbase : L2481IT3).

Par ailleurs et conformément à l’affaire commentée en l’espèce, les règles gouvernant la réitération des enchères sont également communes aux ventes sur licitation et sur saisie immobilière (CPCEx, art. R. 322-66 N° Lexbase : L2485IT9 à R. 322-72 N° Lexbase : L2491ITG).

La réitération des enchères d’une vente sur licitation sera donc poursuivie selon les mêmes modalités que la vente sur saisie immobilière.

Concernant les sanctions de l’adjudicataire défaillant, celui sur licitation comme celui sur saisie immobilière sera tenu des intérêts au taux légal sur son enchère jusqu’à la nouvelle vente (CPCEx, art. R. 322-72).

En outre, bien qu’aucune disposition des règles gouvernant la licitation ne renvoie à l’article L. 322-12 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5890IRL prévoyant que l’adjudicataire défaillant s’exposera à la perte des sommes acquittées et au paiement de la différence entre son enchère et le prix de revente prévus, l’article 10 du cahier des conditions de vente sur licitation rétablit cette distinction.

Ces renvois législatifs et normatifs ne semblent pas exclusifs des règles gouvernant la saisie immobilière devant également trouver application lors des ventes sur licitation.

Ainsi, par deux arrêts récents (Cass. civ. 2, 19 novembre 2020, n° 19-18.800, F-P+B+I, et n° 19-18.801, F-P+B+I N° Lexbase : A945634Y et Cass. civ. 2, 10 décembre 2020, n° 19-16.691, F-P+B+I N° Lexbase : A594139W), la deuxième chambre civile a jugé qu’un jugement d’adjudication sur licitation statuant sur une contestation est bien susceptible d’appel bien qu’il n’existe aucun renvoi express à l’article R. 322-60 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2479ITY et ce, au visa du principe général posé par l’article 543 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6694H73.

B. Distinction des règles de la saisie immobilière

En premier lieu, le créancier qui engage l’action en partage par la voie de l’action oblique (C. civ., art. 815-17 N° Lexbase : L9945HNN) n’exerce pas une voie d’exécution.

L’action est ouverte au créancier personnel d’un indivisaire sans qu’il ne soit nécessaire de disposer d’un titre exécutoire.

La licitation des biens immobiliers aux enchères publiques constitue une des modalités du partage judiciaire qui sera ordonné par le tribunal judiciaire ou le juge aux affaires familiales selon l’origine de l’indivision.

À ce titre il doit être rappelé que l’action en partage de droits indivis entre époux devra être portée devant le juge aux affaires familiales même en l’absence de séparation : la « compétence spéciale du juge aux affaires familiales pour connaître de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, qui résulte de l’article L. 213-3, 2°, du Code de l’organisation judiciaire, n’est pas subordonnée à la séparation des époux et que l’action fondée sur l’article 815-17, alinéa 3, du Code civil, par laquelle le créancier personnel d’un indivisaire provoque le partage d’une indivision, exercée au nom de ce dernier, doit être portée devant le juge compétent pour connaître de l’action de ce débiteur »  (Cass. civ. 1, 1er juin 2017, n° 15-28.344, FS-P+B N° Lexbase : A2594WG8).

Le jugement qui ordonne le partage rendu selon les cas par le juge aux affaires familiales ou par le tribunal judiciaire ordonnera la vente devant le juge des criées du tribunal.

Si, en pratique, l’audience se tiendra aux jour et heure des audiences d’adjudication devant le juge de l’exécution, c’est bien devant le juge des criées que la vente se tiendra.

Les incidents éventuels relatifs à cette vente et autres contestations seront portés devant le tribunal judiciaire ou le juge aux affaires familiales saisi de la demande en partage le cas échéant.

Ainsi, la déclaration de surenchère devra également être déposée devant le greffe du tribunal qui a ordonné le partage.

Dans les mêmes conditions, les conclusions de contestation de surenchère qui doivent être déposées dans les quinze jours de la déclaration de surenchère ne pourront l’être devant le juge de l’exécution à peine d’irrecevabilité (Cass. civ. 2, 23 juin 2016 n° 15-21.090, F-P+B N° Lexbase : A2455RUH).

En outre, l’avocat qui accompagne son client à l’occasion d’une adjudication sur licitation devra penser à l’alerter sur deux distinctions d’importance d’avec les ventes sur saisie immobilière.

La première : le titre de vente sur licitation ne constitue pas un titre d’expulsion à l’égard du saisi. Cette différence fondamentale aura, en pratique, des conséquences pécuniaires d’importance. En effet, si l’adjudicataire sur saisie immobilière pourra envisager d’initier immédiatement l’expulsion du saisi en lui faisant signifier un commandement de quitter les lieux à la faveur du jugement d’adjudication (CPCEx, art. L. 322-13 N° Lexbase : L5891IRM), après s’être acquitté des charges relatives à l’adjudication (CPCEx, art. R. 322-64 N° Lexbase : L2483IT7) l’adjudicataire sur licitation devra, en outre, initier une procédure afin que soit ordonnée l’expulsion des indivisaires occupant l’immeuble.

La seconde, qui ne doit en aucun cas être négligée : le paiement du prix de l’immeuble vendu sur licitation et des frais de vente ne purge pas l’immeuble des inscriptions hypothécaires grevant le bien, et ce, contrairement à la purge automatique opérée en matière de saisie immobilière (CPCEx, art. L. 322-14 N° Lexbase : L0433L8K).

L’adjudicataire d’un bien sur licitation devra donc ne pas omettre d’initier la procédure de purge ad hoc au risque de voir un créancier hypothécaire poursuivre son droit de suite sur l’immeuble.

II. La solution dégagée

À l’occasion du pourvoi, la banque critique la solution dégagée par la cour d’appel l’ayant déclarée irrecevable en son appel.

Les modalités de contestation du certificat s’appliquent strictement (A), il est toutefois nécessaire de distinguer la contestation initiale des demandes reconventionnelles ayant pu surgir (B).

A. Les modalités de contestations du certificat

La poursuite de la réitération des enchères permettra notamment d’obtenir la résolution de l’adjudication primitive et de parvenir à la remise en vente du bien.

La remise en vente du bien est donc poursuivie par tout intéressé, après signification du certificat visé à l’article R. 322-67 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2486ITA à l’adjudicataire.

Ce dernier dispose d’un délai de quinze jours pour le contester à compter de sa signification (CPCEx, art. R. 322-68 N° Lexbase : L2487ITB).

Ce délai court à compter de sa signification à l’adjudicataire, qui a seul qualité pour contester ledit certificat (Cass. civ. 2, 16 décembre 2010, n° 09-71.327, F-P+B N° Lexbase : A2651GNI).

C’est précisément la situation de l’affaire de l’arrêt commenté dans laquelle l’adjudicataire avait contesté le certificat parallèlement à sa demande de résolution de vente formalisée devant le tribunal de grande instance.

Rappelons que par arrêt du 3 février 2022, la deuxième chambre civile a exclu la possibilité de solliciter la résolution de la vente sur saisie immobilière au visa des dispositions du droit commun de la résolution de la vente. Si la résolution de la vente est la conséquence de l’absence du paiement du prix ou des frais, les dispositions d’ordre public du Code des procédures civiles d’exécution s’imposent. Dès lors, la résolution ne pourra être constatée que par le juge de l’exécution au visa de ces dispositions dérogatoires (Cass. civ. 2, 3 février 2022, n° 20-19.522, F-B N° Lexbase : A32147LM).

Il ne semble pas que cette solution puisse également trouver à s’appliquer en matière de vente sur licitation alors que la résolution de l’article L. 322-12 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5890IRL n’y est pas expressément applicable.

La résolution de la vente initiale pouvait donc, comme c’est le cas en l’espèce, être sollicitée du tribunal de grande instance à la demande de l’adjudicataire.

Toutefois, l’appel du jugement qui statue sur la contestation du certificat n’est pas susceptible d’appel (CPCEx, art. R. 322-68) par dérogation au principe posé à l’article R. 311-7 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L7260LEM.

B. La distinction des demandes

La procédure s’étant considérablement allongée en raison d’instances connexes, le juge de l’exécution (qui ne pouvait pourtant pas statuer s’agissant d’une vente sur licitation voir supra) connaît également des demandes reconventionnelles des indivisaires et de la banque à l’occasion de la contestation du certificat par l’adjudicataire.

C’est ainsi qu’il qualifie son jugement d’en premier ressort.

La banque interjette appel du jugement afin d’obtenir la réformation du jugement du chef du jugement qui l’obligeait à saisir le tribunal de grande instance pour modification du cahier des conditions de vente.

La cour ayant déclaré son appel irrecevable, la banque forme pourvoi et oppose de la nécessité d’opérer une distinction des chefs de demandes portés au dispositif, lorsqu’un jugement statue sur plusieurs chefs de demandes, pour l’ouverture des voies de recours.

Cette analyse emporte l’approbation de la deuxième chambre civile qui énonce que « lorsque le juge de l'exécution statue en dernier ressort sur la contestation d'un certificat de non-paiement des frais et du prix de l'adjudication et sur d'autres chefs de demandes, l'appel de ces seuls chefs est recevable ».

Cette solution avait déjà été dégagée par la deuxième chambre civile dans une espèce similaire de contestation d’un certificat à l’occasion d’une vente par licitation (Cass. civ. 2, 30 janvier 2014, n° 12-29.687, F-D N° Lexbase : A4258MD3).

La Cour de cassation était ainsi venue préciser par cet arrêt inédit au visa des articles R. 311-7 et R. 322-68 du Code des procédures civiles d’exécution que le jugement statuant sur la contestation du certificat de non-paiement était susceptible d’appel du seul chef du jugement condamnant au paiement d’une indemnité d’occupation.

La deuxième chambre civile conforte cette analyse en statuant cette fois au visa de l’article 543 du Code de procédure civile et non plus à l’article R. 311-7 du Code des procédures civiles d’exécution disposition spéciale régissant les voies de recours des jugements rendus en matière de saisie immobilière. Faut-il y voir une volonté de distinguer davantage le champ des voies de recours ouvertes aux jugements rendus à l’occasion de vente sur licitation ? L’avenir nous le dira.

Par ailleurs, il est légitime de s’interroger sur l’imbrication de la solution dégagée avec l’effet dévolutif.

En effet, concernant la saisie immobilière, l’objet du litige est indivisible. La solution n’est pas nouvelle. Partant, la dévolution s’opère fort logiquement pour le tout.

Dès lors qu’une distinction des chefs de demandes peut s’opérer pour l’ouverture des voies de recours, il apparaît que la dévolution est davantage nuancée.

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