La lettre juridique n°900 du 31 mars 2022

La lettre juridique - Édition n°900

Avocats/Honoraires

[Brèves] Existe-il des usages de gratuité pour les prestations rendues entre avocats ?

Réf. : CA Paris, 4 février 2022, n° 19/00228 N° Lexbase : A43677LC

Lecture: 3 min

N0945BZZ

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par Marie Le Guerroué

Le 06 Avril 2022

► Si la rémunération de services rendus entre avocats peut être définie à des conditions particulières au regard des règles de confraternité et usages de la profession, ces mêmes règles impliquent que le temps de travail accompli dans ce cadre ne soit pas exploité de façon excessive du fait de la complexité du litige ou de relations conflictuelles entre les parties.

Faits et procédure. Une avocate avait été chargée au début de l'année 2017 d'assister une consœur, qu'elle connaissait par ailleurs professionnellement comme étant elle-même avocate au sein du même barreau, dans le cadre d'une liquidation postcommunautaire faisant suite à son divorce. N'ayant pu obtenir le règlement de la facture de 3 600 euros établie en contrepartie des diligences effectuées, elle avait saisi le Bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Seine-Saint-Denis en sollicitant la taxation de ses honoraires à hauteur de 4 800 euros. Le délégué du Bâtonnier a fixé les honoraires de l'avocat à 3 600 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter de la notification de l'ordonnance de taxe. L’avocate cliente a exercé un recours contre la décision précitée.

Réponse de la cour d’appel. En l'absence de convention d'honoraires, pour la cour d’appel, il ne convient pas de dire qu'ils ne sont pas dûs comme le suggère la requérante, mais de faire application de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L4398IT3 aux termes duquel « Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ». La cour rappelle qu’il a été observé à juste titre par le Bâtonnier que si la rémunération de services rendus entre avocats peut être définie à des conditions particulières au regard des règles de confraternité et usages de la profession, ces mêmes règles impliquent que le temps de travail accompli dans ce cadre ne soit pas exploité de façon excessive du fait de la complexité du litige ou de relations conflictuelles entre les parties. Elle ajoute, ensuite, que si la requérante fait observer à juste titre que l'absence de convention rend nécessairement plus difficile l'évaluation des honoraires dus, elle ne saurait pour autant prétendre à la gratuité pour ce motif. La cour relève qu’en l’espèce la gratuité du service n'avait pas été envisagée et qu'il n'existait pas de contestation quant au bien-fondé de la facturation au demeurant justifiée compte tenu de la nature du contentieux traité et des pièces versées aux débats. Au regard de l'absence de convention établie et de la proposition écrite de l’avocate « de forfaitiser [ses] honoraires pour la procédure à 3 000 euros HT hors plaidoirie » qui seule permettait à la cliente de s'engager en toute connaissance de cause, il n'est pas justifié de faire droit à la demande de facturation au temps passé tirant les conséquences d'une rupture de la confiance établie, même si comme souligne la décision déférée, le forfait initialement envisagé s'inscrivait incontestablement dans le contexte de rapports de confraternité.

Confirmation. La décision du Bâtonnier est en conséquence intégralement confirmée.

 

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Concurrence

[Brèves] Cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale en droit de la concurrence : la CJUE précise la protection qu’offre le droit de l’Union contre la double incrimination

Réf. : CJUE, gde ch., 22 mars 2022, deux arrêts, aff. C-117/20 N° Lexbase : A00087RQ et aff. C‑151/20 N° Lexbase : A00097RR

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N0889BZX

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par Vincent Téchené

Le 30 Mars 2022

► D’une part, la protection conférée par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne s’oppose pas, compte tenu de la possibilité de limiter l’application du principe ne bis in idem, à ce qu’une entreprise soit sanctionnée pour une infraction au droit de la concurrence lorsque, pour les mêmes faits, elle a déjà fait l’objet d’une décision définitive pour non-respect d’une réglementation sectorielle ;

D’autre part, le principe ne bis in idem ne s’oppose pas à ce qu’une entreprise soit poursuivie, par l’autorité de concurrence d’un État membre, et se voie infliger une amende pour une infraction, en raison d’un comportement qui a eu un objet ou un effet anticoncurrentiel sur le territoire de cet État membre, alors que ce comportement a déjà été mentionné, par une autorité de concurrence d’un autre État membre, dans une décision définitive.

Pour rappel, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la Charte ») dispose que « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi ». Par deux arrêts rendus le 22 mars 2022, la Cour de justice se prononce sur l’étendue de la protection offerte par cette interdiction de la double incrimination (qui s’appelle aussi le principe ne bis in idem) en droit de la concurrence.

  • Affaires soumises à la CJUE

Affaire « bpost » (CJUE, 22mars 2022, aff. C-117/20). La société bpost s’est vu infliger successivement des amendes par deux autorités nationales belges. En juillet 2011, une première sanction pécuniaire lui a été imposée par l’autorité de régulation du secteur postal qui a conclu que le régime de rabais appliqué par cette entreprise à partir de l’année 2010 était discriminatoire envers certains de ses clients. En mars 2016, cette décision a été annulée par la cour d’appel de Bruxelles, dont l’arrêt est devenu définitif, au motif que la pratique tarifaire en cause n’était pas discriminatoire. En décembre 2012, l’autorité de concurrence belge a entretemps infligé à bpost une amende pour abus de position dominante en raison de l’application de ce même système de rabais entre janvier 2010 et juillet 2011. La société bpost a donc contesté devant la cour d’appel de Bruxelles la régularité de cette seconde procédure au nom du principe ne bis in idem.

Affaire « Nordzucker e.a » (CJUE, 22 mars 2022, aff. C151/20). La Cour suprême d’Autriche a été saisie par l’autorité autrichienne de la concurrence d’un appel dans une procédure visant à faire constater que Nordzucker, un producteur allemand de sucre, a enfreint le droit de l’Union en matière d’ententes ainsi que le droit de la concurrence autrichien et à faire condamner Südzucker, un autre producteur allemand du sucre, à une amende pour la même infraction. Cette procédure est fondée, notamment, sur un entretien téléphonique au cours duquel des représentants de ces deux entreprises ont discuté du marché autrichien du sucre. Cet entretien avait déjà été mentionné, par l’autorité allemande de la concurrence, dans une décision devenue définitive. Par cette décision, cette autorité a constaté que les deux entreprises avaient violé tant le droit de l’Union que le droit allemand de la concurrence et a imposé une sanction pécuniaire à Südzucker.

  • Décisions de la CJUE

Réunie en grande chambre, la Cour rappelle, dans les deux affaires, que l’application du principe ne bis in idem est soumise à une double condition : il est nécessaire, d’une part, qu’une décision antérieure soit devenue définitive (condition « bis ») et, d’autre part, que les mêmes faits soient visés par la décision antérieure et par les poursuites ou les décisions postérieures (condition « idem »). La Cour précise que, en droit de la concurrence, comme dans tout autre domaine du droit de l’Union, le critère pertinent aux fins d’apprécier l’existence d’une même infraction (« idem ») est celui de l’identité des faits matériels, compris comme l’existence d’un ensemble de circonstances concrètes indissociablement liées entre elles qui ont conduit à l’acquittement ou à la condamnation définitive de la personne concernée. Elle rappelle cependant que des limitations peuvent être apportées par la loi à l’exercice d’un droit fondamental, comme celui qui est conféré par l’interdiction de la double incrimination (le principe ne bis in idem), si elles respectent le contenu essentiel de ces droits, sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union.

Affaire « bpost » (CJUE, 22mars 2022, aff. C-117/20). Selon la Cour, la protection conférée par la Charte ne s’oppose pas, compte tenu de cette possibilité de limiter l’application du principe ne bis in idem, à ce qu’une entreprise soit sanctionnée pour une infraction au droit de la concurrence lorsque, pour les mêmes faits, elle a déjà fait l’objet d’une décision définitive pour non-respect d’une réglementation sectorielle (par exemple, la réglementation du secteur postal régissant les activités de bpost). Ce cumul de poursuites et de sanctions est toutefois conditionné par l’existence de règles claires et précises permettant de prévoir quels actes et omissions sont susceptibles d’en faire l’objet ainsi que la coordination entre les deux autorités compétentes. De surcroît, les deux procédures doivent avoir été menées de manière suffisamment coordonnée dans un intervalle de temps rapproché et l’ensemble des sanctions imposées doit correspondre à la gravité des infractions commises. Sinon, la seconde autorité publique qui intervient viole l’interdiction de la double incrimination en engageant des poursuites.

Affaire « Nordzucker e.a » (CJUE, 22 mars 2022, aff. C151/20). Selon la Cour, le principe ne bis in idem ne s’oppose pas à ce qu’une entreprise soit poursuivie, par l’autorité de concurrence d’un État membre, et se voie infliger une amende pour une infraction, en raison d’un comportement qui a eu un objet ou un effet anticoncurrentiel sur le territoire de cet État membre, alors que ce comportement a déjà été mentionné, par une autorité de concurrence d’un autre État membre, dans une décision définitive. La Cour souligne, toutefois, que cette dernière décision ne doit pas reposer sur le constat d’un objet ou d’un effet anticoncurrentiel sur le territoire du premier État membre. Si tel est le cas, en revanche, la seconde autorité de la concurrence qui engage des poursuites relatives à cet objet ou cet effet viole l’interdiction de la double incrimination. La dernière question posée dans cette affaire interroge la Cour sur l’applicabilité du principe ne bis in idem aux procédures ayant concerné l’application d’un programme de clémence et dans lesquelles une amende n’a pas été infligée. La Cour indique à cet égard que le principe ne bis in idem est applicable à une procédure de mise en œuvre du droit de la concurrence dans laquelle, en raison de la participation de la partie concernée au programme national de clémence, une infraction à ce droit ne peut qu’être constatée.

Observations. On notera que, dans une décision du 25 mars 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du paragraphe VII de l'article L. 470-2 du Code de commerce N° Lexbase : L9607LQU, qui prévoient l’exécution cumulative de sanctions prononcées à l'encontre d'un même auteur pour des manquements en concours relevant de pratiques restrictives de concurrence (Cons. const., décision n° 2021-984 QPC, du 25 mars 2022 N° Lexbase : A30397RY, V. Téchené, Lexbase Affaires, mars 2021, n° 711 N° Lexbase : N0941BZU).

newsid:480889

Cotisations sociales

[Jurisprudence] Rappel du champ d’application de la déduction forfaitaire spécifique et de la méthode d’échantillonnage du contrôle Urssaf

Réf. : Cass. civ. 2, 17 février 2022, n° 20-18.104, F-B N° Lexbase : A40697NZ

Lecture: 14 min

N0947BZ4

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par Elie Gerstner, Avocat counsel, Flichy Grangé Avocats

Le 30 Mars 2022

Mots-clés : cotisations sociales • assiette de calcul • déduction forfaitaire spécifique • frais professionnels • contrôle URSSAF • redressement • échantillonnage • extrapolation

Lorsqu’elle résulte d’un accord collectif, l’option pour la déduction forfaitaire spécifique s’applique à l’ensemble des salariés qui entrent dans le champ d’application de cette déduction spécifique, quel que soit le montant des frais réels engagés (second moyen).

Dans le cadre de la procédure contradictoire, l’employeur doit être informé à l’issue de l’examen exhaustif des pièces justificatives, correspondant à la troisième phase (vérification exhaustive de l’échantillon), des résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant l’échantillonnage et des régularisation envisagées (premier moyen).


L’affaire

Une société a fait l’objet d’un contrôle URSSAF portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013.

L’URSSAF lui notifie un rappel de cotisations sur la base de cinq chefs de redressement, notamment sur le chef de dépassement du plafond de la déduction forfaitaire spécifique.                                    

La société sollicitait l’annulation d’un redressement prononcé parce qu’elle avait opté au cas par cas, pour chaque salarié, soit pour l’application du remboursement des frais réels, lesquels sont exclus en partie de l’assiette des cotisations sociales, soit pour l’application de la déduction forfaitaire spécifique.

La société soutenait par ailleurs qu’elle n’avait pas été en mesure de présenter ses remarques et observations sur les régularisations correspondant à l’échantillon définitif avant de procéder à l’extrapolation, conformément à l’arrêté du 11 avril 2007. Selon la société, la communication faite par l’URSSAF le 2 juillet 2014 ne concernait que les premières anomalies constatées, et non pas l’analyse exhaustive de l’échantillon définitif avant qu’il ne soit procédé à l’extrapolation.

La cour d’appel a confirmé les deux chefs de redressement (CA Colmar, 28 mai 2020, n° 17/04910 N° Lexbase : A51463MK). La société s’est pourvue en cassation.

Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation a approuvé la confirmation du redressement sur la déduction forfaitaire spécifique. Elle juge que lorsque l’employeur opte pour ce dispositif en application d’un accord collectif, l’option s’applique obligatoirement à l’ensemble des salariés concernés. L’Urssaf a donc procédé à juste titre à la réintégration dans l’assiette des cotisations de la fraction excédant le plafond de 7 600 euros par année civile et par salarié.

Mais la Cour de cassation a censuré la validation, en appel, de la procédure de vérification par échantillonnage. Il ne résultait pas des constatations de la cour d’appel que la société avait été informée des résultats des vérifications effectuées pour chaque individu composant l’échantillon et des régularisations envisagées après analyse exhaustive des pièces, ni qu’elle avait été invitée à faire part de ses remarques. Le principe du contradictoire n’ayant pas été respecté, l’arrêt d’appel est cassé.

C’est la première fois, à notre connaissance, que la Haute juridiction se prononce explicitement sur le champ d’application de la déduction forfaitaire spécifique (I.). Nous aborderons également la méthode de contrôle par échantillonnage (II.).

I. L’application de la déduction forfaitaire spécifique à l’ensemble des salariés de l’entreprise entrant dans son champ d’application

A. Cadre juridique

La déduction forfaitaire spécifique (DFS) est un dispositif prévu par l’arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de Sécurité sociale N° Lexbase : L0307A9A. Il a été précisé par la circulaire DSS/SDFSS/5B no 2003/07 du 7 janvier 2003 N° Lexbase : L0419A9E, puis par des circulaires du 4 août 2005 N° Lexbase : L3269HBP et du 19 août 2005 N° Lexbase : L8139HB3. En dernier lieu, ce dispositif est décrit par le Bulletin officiel de la Sécurité sociale, en vigueur depuis le mois d’avril 2021 (BOSS, n° 2120 et suivants).

Les professions mentionnées à l’article 5 de l’annexe IV de Code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000, peuvent bénéficier d’une déduction forfaitaire spécifique calculée selon les taux fixés par l’article susvisé (par exemple, les VRP de commerce et d’industrie bénéficient d’un taux d’abattement supplémentaire de 30 %). Le montant de cette déduction est plafonné à 7 600 euros par salarié et par année civile.

Ce dispositif permet de simplifier la gestion des frais professionnels et éventuellement de réduire la base de calcul des cotisations.

En pratique, il doit être fait masse de toutes les sommes versées aux salariés (rémunérations, indemnités, primes, gratifications, remboursements de frais professionnels). Ensuite, l’abattement plafonné est calculé en appliquant le taux correspondant à la profession du salarié. L’assiette des cotisations de sécurité sociale est égale à la différence entre la masse des versements et l’abattement plafonné.

Il n’est pas possible de cumuler la DFS et l’exonération des remboursements de frais professionnels [1]. Cela signifie qu’on ne peut pas, dans un premier temps, exclure totalement les remboursements de frais professionnels de l’assiette puis, dans un second temps, appliquer l’abattement forfaitaire de la DFS aux autres sommes versées aux salariés.

Dans l’arrêt du 17 février 2022, la Cour de cassation revient sur les conditions de mise en œuvre de ce dispositif : lorsque l’employeur opte pour la déduction forfaitaire spécifique en application d’un accord collectif, celle-ci a vocation à s’appliquer obligatoirement à l’ensemble des salariés qui entrent dans son champ d’application.

B. Une solution logique

L’article 9 de l’arrêté du 20 décembre 2002 prévoit que « l'employeur peut opter pour la déduction forfaitaire spécifique lorsqu'une convention ou un accord collectif du travail l'a explicitement prévu ou lorsque le comité d'entreprise ou les délégués du personnel ont donné leur accord. À défaut, il appartient à chaque salarié d'accepter ou non cette option ».

Ainsi, l’employeur peut opter pour la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels lorsqu’une convention ou un accord collectif de travail l’a explicitement prévu ou à la suite d’accords individuels des salariés. Les parties à l’accord ne peuvent réformer cette décision que pour l’année à venir et non pour l’année en cours, étant précisé que ces décisions doivent intervenir avant le 31 décembre de l’année en cours [2].

On savait que pour bénéficier de la DFS, le salarié doit relever de l’une des professions visées à l’article 5 de l’annexe IV du Code général des impôts. Le bénéfice de la déduction forfaitaire spécifique est lié à l’activité professionnelle du salarié, et non à l’activité générale de l’entreprise [3]. À cet égard, il a été jugé qu’appliquer la déduction forfaitaire spécifique à un salarié n’appartenant pas à la liste des professions concernées, est constitutif d’un manquement dans l’exécution du contrat de travail [4].

La question posée par l’arrêt commenté était de savoir si la DFS mise en place par accord collectif s’applique nécessairement à tous les salariés entrant dans son champ d’application ou si l’employeur peut se réserver un droit d’option individuelle et choisir, salarié par salarié, d’appliquer la DFS ou d’en rester aux règles de droit commun.

Compte tenu du principe de non-cumul entre la DFS et la déduction de frais professionnels, l’option individuelle permettrait aux cotisants d’effectuer un arbitrage précis entre la formule conduisant à payer le moins de cotisations de Sécurité sociale : DFS ou déduction des frais professionnels.

Cette possibilité a été écartée par la Cour de cassation. Celle-ci retient que « l’option s’applique à l’ensemble des salariés entrant dans le champ d’application de cette déduction spécifique quel que soit le montant des frais engagés ».

La solution retenue nous semble fondée en droit : il est logique qu’un dispositif mis en place par une source collective de travail telle qu'une convention ou un accord collectif reçoive une application collective. Il se prête mal à des choix individuels. Il nous semble donc que la solution aurait probablement été identique si la DFS avait été mise en place par accord avec le comité social et économique.

La question est plus délicate à défaut d’accord collectif ou passé avec le CSE. Dans cette hypothèse, l’arrêt du 20 décembre 2002 prévoit qu’« il appartient à chaque salarié d'accepter ou non cette option ». La lecture du BOSS semble indiquer que, pour l’administration, l’employeur doit « informer chaque salarié concerné » et obtenir du salarié « une réponse d’accord ou de refus » (BOSS, n° 2190). À suivre cette analyse, même dans l’hypothèse d’une absence d’accord collectif ou atypique, l’employeur devrait soit proposer la DFS à toute la catégorie de personnel susceptible d’en bénéficier, soit ne la proposer à aucun de ces salariés.

L’arrêt retient également la solution la plus simple à mettre en œuvre : tant par l’entreprise qui appliquera un régime unifié à tous les salariés éligibles que par l’Urssaf dont les contrôles seront facilités.

On observera que la Cour de cassation aurait sans doute pu casser l’arrêt d’appel qui s’était fondé sur circulaires n° 2005-376 du 4 août 2005 et n° 2005-389 du 19 août 2005. Or, le pourvoi relevait à juste titre que les circulaires ne lient pas les juges. Mais la Haute juridiction a choisi de fonder son arrêt directement sur l’article 9 de l’arrêté du 20 décembre 2002, ce qui lui permet de confirmer l’arrêt d’appel et témoigne de l’importance de la solution rendue.

C. Un contexte de restriction des opportunités la DFS

L’arrêt du 17 février 2022 limite la liberté dont prétendait jouir l’entreprise : elle ne peut pas choisir parmi les salariés éligibles, ceux à qui le mécanisme de la DFS sera appliqué. Il pourrait entraîner une baisse de l’intérêt de ce dispositif qui n’offrirait pas la flexibilité attendue.

En réalité, l’arrêt s’inscrit dans un contexte plus large de limitation des avantages de la DFS depuis l’entrée en vigueur du Bulletin officiel de la Sécurité sociale en avril 2021.

Tout d’abord, la règle du non-cumul ne portait que sur les frais professionnels et pas sur les frais d’entreprise définis comme des frais « relevant de l’activité de l’entreprise et non […] liés à l’activité normale de la profession du salarié » par la circulaire DSS/SDFSS/5B n° 2003-07 du 7 janvier 2003 (abrogée). Ces frais n’entraient pas dans l’assiette des cotisations de Sécurité sociale.

Ils sont désormais rattachés à la catégorie des frais professionnels et sont soit, intégrés dans des catégories existantes de frais professionnels, soit traités comme « cas particuliers ».

En conséquence, ces frais sont réintégrés après abattement dans l’assiette des cotisations, si la société pratique la déduction forfaitaire spécifique.

Ensuite, le BOSS exige que les salariés supportent effectivement des frais professionnels (BOSS, n° 2130), ce qui ne figurait pas jusqu’à présent dans la doctrine opposable aux URSSAF.

L’administration va jusqu’à exclure la DFS « en cas de prise en charge ou de remboursement par l’employeur de la totalité des frais professionnels ». Jusqu’au 31 décembre 2022, seules des observations pour l’avenir seront notifiées sur ce fondement (BOSS, n° 2215).

Au vu de ces évolutions, on peut se demander si le mécanisme de la DFS n’a pas vocation à disparaître à plus ou moins long terme, même s’il s’agit d’une mesure très importante pour certains secteurs économiques.

Le second point de l’arrêt permet de nuancer le tableau plutôt sombre pour le cotisant puisqu’il illustre une tendance de long terme : la vigilance de la Cour de cassation au respect des droits procéduraux des cotisants, notamment en matière de contrôle par échantillonnage.

II. Rappel de la méthode applicable aux contrôles par échantillonnage et extrapolation

A. Cadre juridique

S’agissant de la méthode d’échantillonnage et d’extrapolation utilisée par les inspecteurs de l’URSSAF pendant leur contrôle, elle est régie par l’article R. 243-59-2 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L2868K94, ainsi que par un arrêté du 11 avril 2007 N° Lexbase : L9702HUU.

Il s’agit d’une méthode permettant à l’URSSAF de procéder à un contrôle sur une partie seulement de la population (« échantillon »), et d’en tirer une conclusion générale à partir de ces données (« extrapolation »).

La méthode de vérification par échantillonnage est une procédure qui se déroule en quatre phases [5] :

  1. il est établi une constitution d’une base de sondage ;
  2. l’échantillon est défini et mis en œuvre par l’inspecteur chargé du recouvrement en présence de l’employeur ou de son représentant, et son tirage est opéré aléatoirement par informatique. Le cotisant est invité à commenter l’échantillon obtenu ;
  3. l’URSSAF procède à l’examen de l’échantillon au regard du point de législation vérifié, à l’issue d’un examen exhaustif des pièces justificatives. L’inspecteur informe l’employeur des résultats des vérifications effectuées pour chaque individu, et des régularisations envisagées, en invitant l’employeur à faire part de ses remarques ;
  4. les résultats obtenus à l’échantillon sont extrapolés à l’ensemble des individus constituant la base de sondage.

Dans l’arrêt du 17 février 2022, la Cour de cassation rappelle que lors de la phase d’examen de l’échantillon (phase 3), l’inspecteur du recouvrement doit informer l’employeur des résultats des vérifications effectuées pour chaque individu composant l’échantillon.

B. Les apports de l’arrêt

Dans le cadre du respect du contradictoire, l’employeur est associé à toutes les phases de la procédure.

Ainsi, lorsque la méthode de la vérification par échantillonnage et extrapolation est utilisée, le cotisant doit pouvoir présenter ses observations à chaque étape de la procédure [6]. À défaut, le chef de redressement fondé sur cette technique est nul [7], y compris pour sa part établie sur des bases effectivement vérifiées [8] .

En l’espèce, le débat portait sur l’information donnée au cotisant des résultats des vérifications au terme de la phase 3. Pour rejeter le recours de la société, les juges du fond ont estimé que cette procédure n’excluait pas que la phase d’examen de l’échantillon (phase n° 3) se déroule en une seule journée, et que dès le début de l’opération, l’URSSAF avait convenu avec la société que les ratios de réintégration obtenus sur 2013 seraient retenus pour le chiffrage 2011 et 2012, avant de transmettre le résultat à l’employeur le même jour.

Or, la société soutenait au contraire qu’elle n’avait pas été mise en mesure de présenter ses observations sur la régularisation correspondant à l’échantillon définitif avant qu’il ne soit procédé à l’extrapolation. En effet, la société prétendait que la communication de l’Urssaf ne concernait que les premières anomalies constatées et non pas l’analyse exhaustive de l’échantillon avant extrapolation.

Pour casser l’arrêt d’appel, la Cour de cassation a notamment jugé qu’il ne résultait pas des constatations de la cour d’appel que la société avait été informée des résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant l’échantillon.

Dans la continuité de ses décisions antérieures [9], la Haute juridiction se montre particulièrement vigilante quant à l’application des procédures permettant d’assurer le respect du contradictoire dont dépend la régularité de la procédure de contrôle par échantillonnage.

La rigueur procédurale de la Cour de cassation s’illustre dans bien d’autres registres du contrôle URSSAF (voir par exemple la nécessité d’indiquer à peine de nullité le délai pour payer la mise en demeure [10]).

Il compense quelque peu la réduction des marges de manœuvre offertes aux cotisants pour établir l’assiette des cotisations de Sécurité sociale.


[1] Cass. civ. 2, 19 septembre 2019, n° 18-20.047, F-D N° Lexbase : A3187ZPQ ; Cass. soc., 7 mars 2012, n° 10-17.574, F-D N° Lexbase : A3879IEE ; Cass. civ. 2, 21 juin 2012, n° 11-18.567, F-D N° Lexbase : A4880IPG ; Cass. soc., 28 juin 1978 n° 77-11.530 ; Cass. soc., 3 mai 1972, n° 71-10954, publié au bulletin N° Lexbase : A8555CEL.

[2] Circulaire DSS/SDFSS/5B n° 2005-389 du 19 août 2005, Question n° 56.

[3] Circulaire DSS/SDFSS/5B n° 2005-389 du 19 août 2005, Question n° 57.

[4] Cass. soc., 16 juin 2021, n° 20-12.576, F-D N° Lexbase : A65454WC.

[5] Arrêté du 11 avril 2007, définissant les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation pris en application de l’article R. 243-59-2 du Code de la Sécurité sociale

[6] Cass. civ. 2, 19 juin 2014, n° 13-19.150, F-P+B N° Lexbase : A5813MRQ.

[7] Cass. civ. 2, 9 février 2017, n° 16-10.971, F-D N° Lexbase : A1974TC4.

[8] Cass. civ. 2, 15 mars 2018, n° 17-11.891, F-P+B N° Lexbase : A2058XHP.

[9] Cass. civ. 2, 4 avril 2018, n° 17-10.574, F-D N° Lexbase : A4429XKA.

[10] Cass. civ. 2, 19 décembre 2019, n° 18-23.623, F-P+B+I N° Lexbase : A1285Z9H.

newsid:480947

Entreprises en difficulté

[Brèves] Liquidation judiciaire : vente de gré à gré d’un immeuble et droit de préemption du locataire commercial

Réf. : Cass. com., 23 mars 2022, n° 20-19.174, F+B N° Lexbase : A12757RN

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N0897BZA

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par Vincent Téchené

Le 30 Mars 2022

► La vente de gré à gré d'un actif immobilier dépendant d'une liquidation judiciaire étant une vente faite d'autorité de justice, les dispositions de l'article L. 145-46-1 du Code de commerce, qui concernent le cas où le propriétaire d'un local commercial ou artisanal envisage de le vendre, ne sont pas applicables et une telle vente ne peut donner lieu à l'exercice d'un droit de préemption par le locataire commercial ;

Le locataire du bien objet de la vente de gré à gré ne pouvant exercer de droit de préemption, ses droits et obligations ne sont pas affectés par la décision, de sorte qu’il est irrecevable à former un recours contre l'ordonnance du juge-commissaire autorisant la vente dans ces conditions.

Faits et procédure. Par une ordonnance du 7 mai 2019, un juge-commissaire a autorisé la vente de gré à gré d'un immeuble d’une société en liquidation judiciaire au profit d’un tiers. Aucun recours n'a été formé contre l'ordonnance. Le notaire, chargé de la rédaction de l'acte de cession, a notifié le projet de vente au locataire de locaux commerciaux situés dans l'immeuble, et l'a informé de l'existence à son profit d'un droit de préemption. Le locataire a confirmé, le 6 juin 2019, qu'il souhaitait exercer ce droit.

Le liquidateur, exposant les difficultés causées par cette notification tandis que le projet d'acte de vente préparé par le notaire stipulait une clause selon laquelle la vente portait sur un immeuble vendu dans sa globalité donné pour partie à bail commercial, ce qui constituait, selon le liquidateur, « une exemption au droit de préférence du preneur commercial », en a saisi le juge-commissaire.

Le 18 décembre 2019, le juge-commissaire a rétracté l'ordonnance du 7 mai 2019, ordonné l'ouverture d'un nouvel appel d'offres pour l'acquisition de l'immeuble, et ordonné la notification de l'ordonnance, notamment au locataire et au dirigeant de la société débitrice.

C’est dans ces conditions que le liquidateur a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel qui a retracté cette dernière ordonnance du 18 décembre 2019.  

Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 145-46-1 N° Lexbase : L4529MBD, L. 642-18 N° Lexbase : L7335IZP et R. 642-37-1 N° Lexbase : L0334INP du Code de commerce.

Elle rappelle que la vente de gré à gré d'un actif immobilier dépendant d'une liquidation judiciaire est une vente faite d'autorité de justice. Il en résulte que les dispositions de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce N° Lexbase : L4529MBD, qui concernent le cas où le propriétaire d'un local commercial ou artisanal envisage de le vendre, ne sont pas applicables et qu'une telle vente ne peut donner lieu à l'exercice d'un droit de préemption par le locataire commercial.

En outre, le recours contre une ordonnance du juge-commissaire rendue en application de l’article L. 642-18 du Code de commerce N° Lexbase : L7335IZP, qui doit être formé devant la cour d'appel en application de l’article R. 642-37-1 du même code N° Lexbase : L0334INP, n'est ouvert qu'aux tiers dont les droits et obligations sont affectés par la décision.

Or, la Cour de cassation relève que pour annuler pour excès de pouvoir l'ordonnance du 18 décembre 2019, l'arrêt d’appel a retenu que le juge-commissaire était dessaisi de son pouvoir dès le prononcé de sa décision du 7 mai 2019, à l'égard de laquelle aucun appel, aucune opposition, tierce-opposition ou recours en révision n'avait été effectué. Il a également retenu que le liquidateur ne pouvait faire juger la difficulté tenant à l'application du droit de préemption du locataire que par la voie de l'appel et qu'en rétractant son ordonnance, le juge-commissaire a commis un excès de pouvoir.

Dès lors, la Cour de cassation en conclut qu’en statuant ainsi, alors que, la vente de l'immeuble autorisée par le juge-commissaire au titre des opérations de liquidation judiciaire ne pouvant donner lieu à l'exercice d'un droit de préemption par le locataire, les droits et obligations de celui-ci n'étaient pas affectés par l'ordonnance du 18 décembre 2019 contre laquelle il n'était donc pas recevable à former un recours, la cour d'appel a violé les textes visés.

Observations. Les alinéas 1er et 3 de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce N° Lexbase : L4529MBD visent « le propriétaire » qui « envisage de vendre », ou « le propriétaire » qui « décide de vendre ».

Se posait donc la question de savoir si ce texte ne s’applique que si, et seulement si, c’est le propriétaire qui décide seul de la vente du local qu’il loue. La doctrine paraissait, pour l’essentiel, retenir que l’article L. 145-46-1 du Code de commerce N° Lexbase : L4529MBD ne s’appliquerait pas à la vente qui ne serait pas le fruit de la seule volonté du propriétaire louant le local (cf. B.-H. Dumortier, JCl Bail à Loyer, fasc. 1455, spéc. n° 69). C’est ce que confirme ici la Cour de cassation concernant une vente de gré à gré dans le cadre d’une liquidation judiciaire. A fortiori, il en sera ainsi en cas de vente dans le cadre d’une adjudication forcée. En somme, et comme la Cour le précise, sont concernées toutes les ventes faites d'autorité de justice.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence avait pour sa part déjà retenu que le droit de préemption du locataire commercial ne s’appliquait pas s’agissant de la vente de l'immeuble dans le cadre de la liquidation amiable d’une société qui est une vente judiciaire (v. CA Aix-en-Provence, 14 février 2017, n° 15/13116 N° Lexbase : A4552TCL). La Cour de cassation, saisie d’un pourvoi contre cet arrêt, avait alors approuvé la cour d’appel en ce qu'elle avait exclu le jeu de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce N° Lexbase : L4529MBD, au motif notamment que « la vente aux enchères publiques de l'immeuble, constituant l'actif de la SCI en liquidation, était une vente judiciaire » (Cass. civ. 3, 17 mai 2018, n° 17-16.113, FS-P+B+I N° Lexbase : A9692XMW, Ch. Lebel, Lexbase Affaires, juin 2018, n° 557 N° Lexbase : N4658BXS).

Comme certains l'avaient déjà relevé, il en sera de même en cas de vente dans le cadre d’une succession vacante (F. Roussel et Ph. Viudès, La vente de locaux commerciaux : qui peut préempter ? (conditions), Lexbase Affaires, mai 2018, n° 552 N° Lexbase : N3969BXB).

Quant à la question du recours contre l’ordonnance du juge-commissaire, la Cour de cassation fait ici application d'une jurisprudence qui est la sienne depuis plus de vingt ans. Le tiers qui forme un recours devant la cour d'appel doit en effet être dans une situation spéciale : ses droits et obligations doivent être affectés par l'ordonnance du juge-commissaire, à défaut de quoi il ne sera pas recevable (par ex., Cass. com., 18 mai 2016, n° 14-19.622, FS-P+B N° Lexbase : A0883RQR – Cass. com., 24 janvier 2018, n° 16-18.795, F-P+B N° Lexbase : A8571XB3).

Pour aller plus loin :

  • v. ÉTUDE :  Les obligations du bailleur du bail commercial, Le champ d'application du droit de préférence du locataire en cas de vente d'un local commercial, in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase N° Lexbase : E4282E7Q.
  • v. ÉTUDE : La réalisation des actifs, Les voies de recours contre l'ordonnance du juge-commissaire, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E4634EU8.

 

newsid:480897

Fiscalité internationale

[Brèves] Régime fiscal de déduction des pensions alimentaires pour les non-résidents : la Belgique doit revoir sa copie !

Réf. : CJUE, 10 mars 2022, aff. C-60/21, Commission européenne c/ Royaume de Belgique N° Lexbase : A39627QS

Lecture: 4 min

N0909BZP

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par Marie-Claire Sgarra

Le 30 Mars 2022

La Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en refusant la déduction des rentes alimentaires ou des capitaux tenant lieu de telles rentes, et des rentes complémentaires du revenu imposable aux débirentiers non‑résidents de Belgique et y percevant moins de 75 % de leurs revenus professionnels qui ne peuvent pas bénéficier de la même déduction dans leur État membre de résidence en raison du faible montant de leurs revenus imposables dans cet État.

Les faits. La Commission européenne a adressé un avis motivé à la Belgique lui demandant de modifier sa législation en ce qui concerne la déductibilité des pensions alimentaires des revenus imposables des non-résidents.

Rappel. Actuellement, la Belgique refuse la déduction des pensions alimentaires aux contribuables non-résidents, lorsque l'État membre de résidence n'est pas en mesure de prendre en compte leur capacité contributive ni leur situation personnelle et familiale en raison du montant modeste de leur revenu mondial. Pour la Commission européenne, ce refus pénalise les contribuables non-résidents car ces derniers ont fait usage de la liberté de circulation des travailleurs.

Principe. La liberté de circulation des travailleurs implique l’abolition de toute discrimination fondée sur la nationalité entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

Illustration. À titre d’exemple, la Cour avait jugé qu’en excluant les retraités non-résidents du bénéfice des abattements prévus par la loi relative à l’impôt sur le revenu, lorsque, eu égard au faible montant de leurs pensions, ils ne sont pas, en vertu de la législation fiscale de l’État membre de résidence, imposables dans ce dernier, la République d’Estonie a manqué aux obligations qui lui incombent (CJUE, CJUE, 10 mai 2012, aff. C-39/10, Commission européenne c/ République d'Estonie N° Lexbase : A9039IKY).

Ainsi, il ne peut y avoir de discrimination entre résidents et non–résidents que si, nonobstant leur résidence dans des États membres différents, il était établi que, au regard de l’objet et du contenu des dispositions nationales en cause, les deux catégories de contribuables se trouvent dans une situation comparable.

La discrimination consiste dans le fait que la situation personnelle et familiale d’un non-résident qui perçoit dans un État membre autre que celui de sa résidence l’essentiel de ses revenus et la quasi-totalité de ses revenus familiaux n’est prise en compte ni dans l’État membre de résidence ni dans l’État membre d’emploi.

Solution de la CJUE. En l’espèce, la déduction des rentes alimentaires est, pour les contribuables non‑résidents, subordonnée à une condition supplémentaire qui ne s’applique pas aux contribuables résidents.

Cette règle, qui subordonne la déduction des rentes alimentaires à la condition que le contribuable concerné ait obtenu ou recueilli des revenus professionnels imposables en Belgique qui s’élèvent au moins à 75 % de l’ensemble de ses revenus professionnels obtenus ou recueillis pendant la période imposable de source belge et étrangère, semble se fonder sur la présomption que, dans tous les cas où ce seuil n’est pas atteint, l’État membre de résidence du contribuable est à même de prendre en compte l’ensemble de sa situation personnelle et familiale.

Toutefois, dans les cas où le contribuable n’a perçu, sur le territoire de l’État membre de sa résidence, aucun revenu ou des revenus modiques, cet État peut ne pas être à même de prendre en compte l’ensemble de la situation personnelle et familiale du contribuable.

Le refus par l’État membre où sont perçus les revenus en cause d’octroyer un avantage fiscal lié à la situation personnelle et familiale du contribuable concerné conduit à une discrimination.

Dès lors que, en l’espèce, la condition, qui est applicable seulement aux contribuables non-résidents, revêt un caractère général et ne permet pas de tenir compte de la situation personnelle et familiale des contribuables concernés, la déduction des rentes alimentaires étant, en tout état de cause, refusée aux contribuables non-résidents qui perçoivent moins de 75 % de leurs revenus professionnels en Belgique, y compris dans l’hypothèse où ils ne peuvent pas bénéficier de cette déduction dans leur État membre de résidence en raison du faible montant de leurs revenus imposables dans ce dernier État, cette condition s’avère incompatible avec les exigences du TFUE.

 

newsid:480909

Licenciement

[Brèves] Mise en œuvre d’une réorganisation avant l’homologation d’un PSE

Réf. : Cass. soc., 23 mars 2022, n° 20-15.370, FS-B N° Lexbase : A12777RQ

Lecture: 2 min

N0958BZI

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par Charlotte Moronval

Le 30 Mars 2022

► Si le CSE doit être saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs, la réorganisation peut être mise en œuvre avant la date d'homologation du PSE par l'autorité administrative.

Faits et procédure. À la suite du refus d’une proposition de mutation pour motif économique, un salarié est dispensé d’activité avec maintien de sa rémunération.

Entre le moment de son refus de la modification de son contrat de travail et le moment où il a été dispensé d’activité, l’employeur consulte le comité social et économique sur la procédure de licenciement pour motif économique envisagée et élabore un PSE pour l’ensemble des salariés ayant refusé la modification de leur contrat de travail.

La cour d’appel (CA Aix-en-Provence, 27 février 2020, n° 17/23121 N° Lexbase : A60563GE) juge le placement du salarié en dispense d’activité irrégulier dès lors que la réorganisation ne pouvait être mise en œuvre avant l’homologation du PSE par l’autorité administrative.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale casse et annule l’arrêt de la cour d’appel qui, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts de l'employeur pour manquement à son obligation de fournir un travail, retient que le document unilatéral établi par la société, portant projet de réorganisation et plan de sauvegarde de l'emploi, ne pouvait être mis en œuvre avant son homologation par l'administration et qu'il en résultait que le salarié avait vocation à travailler sur le site dont la fermeture avait été décidée jusqu'à la mise en œuvre du plan.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : Les attributions du comité social et économique dans les entreprises d'au moins 50 salariés, La consultation en cas de projet de restructuration et de compression des effectifs, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1974GAD.

 

newsid:480958

Procédure civile

[Brèves] Renvoi après cassation : précision sur la signification de l’acte de la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi aux autres parties

Réf. : Cass. civ. 2, 24 mars 2022, n° 20-12.210, F-B N° Lexbase : A27897RQ

Lecture: 3 min

N0928BZE

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 30 Mars 2022

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 24 mars 2022, énonce qu’en l'absence de dispositions particulières, notamment dans l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel N° Lexbase : L9025IPX, régissant la signification par son auteur aux autres parties à l'instance de la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi après cassation, ce dernier satisfait à l'obligation qui lui incombe, en application de l'article 1037-1 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7045LEN, en signifiant la déclaration de saisine qu'il a établie et remise au greffe.

Faits et procédure. Dans cette affaire, une société A et son mandataire liquidateur ont relevé appel à l’encontre d’une ordonnance rendue par un juge-commissaire d’un tribunal de commerce ayant admis au passif de la société A une créance déclarée par une société B. Sur le pourvoi de la société A, l’arrêt a été cassé en toutes ses dispositions avec renvoi (Cass. com., 24 janvier 2018, n° 16-18.335, F-D N° Lexbase : A8580XBE). Le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de renvoi a été saisi par la société B d'un incident de caducité de la déclaration de saisine, tirée de son absence de signification. Après avoir statué sur le déféré de l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant accueilli l'incident, la cour d'appel s'est prononcée sur le fond du litige.

Le pourvoi. La société B fait grief aux arrêts rendus les 14 mars 2019 et 16 janvier 2020 (CA Aix-en-Provence, 16 janvier 2020, n° 19/04776 N° Lexbase : A77323BY) par la cour d’appel d’Aix-en-Provence de l’avoir débouté de sa demande tendant à voir prononcer la caducité de la déclaration de saisine de la cour d’appel de renvoi, à raison de l'absence de signification de la déclaration.

En l’espèce, la cour d’appel a constaté que l’auteur de la déclaration de saisine avait signifié aux autres parties de l’instance, le message d’origine, matérialisé sous un format papier, comportant toutes les mentions prescrites par les dispositions de l’article 1033 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1308H49. La juridiction d’appel a décidé que refuser toute validité à une telle signification serait, en tout état de cause, de nature à constituer une atteinte disproportionnée aux droits du déclarant de saisir la juridiction de renvoi.

Solution. Énonçant la solution précitée, la Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel et rejette le pourvoi. Nous pouvons constater que la Haute juridiction n’a pas la même exigence que celle de sa jurisprudence sur la déclaration d’appel.

newsid:480928

Procédure civile

[Jurisprudence] Précisions des chefs du jugement critiqués dans le dispositif des conclusions d’appel : tout va bien (ou presque…)

Réf. : Cass. civ. 2, 3 mars 2022, n° 20-20.017, F-B N° Lexbase : A24677P3

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N0911BZR

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par Yannick Ratineau, Maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes, Directeur adjoint de l’Institut d’Études Judiciaires de Grenoble, Centre de Recherches Juridiques – EA 1965

Le 06 Novembre 2023

Mots clés : appel • dispositif des conclusions • chefs du jugement critiqués • mention • infirmation

Dans son arrêt du 3 mars 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation clarifie sa jurisprudence relative au dispositif des conclusions d’appel en considérant que, si l’appelant qui poursuit la réformation du jugement frappé d’appel, doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner, d’une part, qu’il demande l’infirmation du jugement, et d’autre part, formuler une ou des prétentions, il n’est toutefois pas exigé qu’il précise, dans le dispositif des conclusions, les chefs de dispositif du jugement dont il est demandé l’infirmation.


 

L’on se souvient que, par un arrêt du 17 septembre 2020 [1], rendu au visa des articles 542 N° Lexbase : L7230LEI et 954 N° Lexbase : L7253LED du Code de procédure civile, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a retenu une interprétation nouvelle de ces dispositions qui l’a conduit à mettre à la charge des parties appelantes une obligation procédurale consistant à mentionner dans le dispositif des conclusions s’il est demandé l’infirmation ou l’annulation du jugement. Par des arrêts ultérieurs, la Haute juridiction a apporté des précisions relatives à l’application dans le temps de cette nouvelle solution[2], au fait qu’elle s’applique aux appelants principaux comme incident [3], ou encore que la sanction encourue en cas de non-respect réside dans la confirmation du jugement de première instance ou la caducité de la déclaration d’appel [4]. Aucun des arrêts ultérieurs n’a remis en cause la solution posée par l’arrêt du 17 septembre 2020… Du moins jusqu’à l’arrêt du 30 septembre 2021 qui, en raison d’une maladresse rédactionnelle, a pu laisser entendre qu’il était désormais fait obligation à l’appelant de réitérer les chefs du jugement qu’il entendait critiquer dans le dispositif de ses conclusions [5]. Certains avocats, en raison d’une lecture trop rapide de la décision, s’en sont saisis pour lui faire dire que la caducité est encourue si l’appelant ne liste pas, dans le dispositif de ses conclusions, après la demande d’infirmation, les chefs dont il demande l’infirmation, ce qui a conduit de nombreux cabinets à modifier leur dispositif de conclusions pour l’alourdir de la mention des chefs du jugement critiqués. L’arrêt rendu le 3 mars 2022 est donc bienvenu en ce qu’il offre à la Cour de cassation l’opportunité de clarifier sa jurisprudence et de rendre à l’arrêt du 30 septembre 2021 sa portée réelle.

En l’espèce, une société relevait appel d'un jugement d'un tribunal de commerce qui l'avait notamment condamnée à paiement dans un litige l'opposant à une autre société. Dans son arrêt du 18 mai 2020 [6], la Cour d’appel de Versailles a d’office retenu que la demande d’infirmation contenue dans le dispositif des conclusions de l’appelant était insuffisante pour saisir la cour d’appel, de sorte qu’elle n’avait pas à se prononcer sur les prétentions formulées par l’appelant, et semble-t-il sans au demeurant avoir permis aux parties d’en débattre contradictoirement à en juger par le contenu du moyen au pourvoi. Conséquence logique, la cour d’appel de Versailles devait confirmer le jugement de première instance.

Dans le moyen au pourvoi, la société demanderesse se prévalait tout d’abord d’une violation du principe contradictoire tirée de ce que la cour d’appel avait relevé d’office, pour considérer qu'elle n'était pas saisie par l'appelante de demandes d'infirmation du jugement et le confirmer, le moyen tiré de l'absence de visa, dans le dispositif des conclusions de l'appelante, des dispositions du jugement dont la réformation est sollicitée, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce point. Elle se prévalait ensuite d’une violation des dispositions de l’article 954 du Code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 N° Lexbase : L2696LEL, en ce que la cour d’appel se fondait, pour déclarer les conclusions de l'appelante irrecevables et en déduire qu'elle n'était pas saisie régulièrement de l'appel, sur l'absence, dans le dispositif des conclusions de l'appelante, des dispositions du jugement dont il était sollicité la réformation, alors même, d'une part, que les chefs de jugement critiqués étaient mentionnés dans lesdites conclusions et, d'autre part, que le dispositif de celles-ci sollicitait l'infirmation du jugement et récapitulait les prétentions de l'appelante. La demanderesse au pourvoi rappelait à cette occasion que, si les conclusions d'appel comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions, il n'est pas exigé que l'énoncé des chefs de jugement critiqués soit mentionné dans le dispositif. Enfin, c’est la violation de l’article 6 §.1 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L7558AIR qui était invoqué en raison de l’application immédiate d'une règle nouvelle d'origine prétorienne à une instance en cours, laquelle avait conduit à priver la société demanderesse de son droit à un procès équitable.

Après avoir écarté le moyen pris en sa première branche, au motif que ce grief n’était manifestement pas de nature à entraîner la cassation, c’est l’examen de la deuxième branche du moyen au pourvoi qui conduit la deuxième chambre civile à prononcer la cassation de l’arrêt rendu le 18 mai 2020 par la cour d’appel de Versailles, au visa du seul article 954, alinéas 1, 2 et 3 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, au motif que « l’appelante, dans le dispositif de ses conclusions […] n’était pas tenue de reprendre […] les chefs de dispositif du jugement dont elle demandait l’infirmation ».

Avec l’arrêt rapporté, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation affirme très clairement, par la solution qu’elle retient, que, contrairement à ce qui a pu être avancé parfois, seul l’arrêt du 17 septembre 2020 fixe la charge procédurale des parties. Or, dans ce dernier, il n’est pas question de faire suivre la demande d’infirmation des chefs critiqués, ce qui est logique dès lors qu’ils sont déjà précisés dans les conclusions ainsi que dans la déclaration d’appel. L’arrêt du 3 mars 2022 devrait donc mettre un terme aux inquiétudes résultant d’une interprétation hâtive de l’arrêt du 30 septembre 2021 précité en permettant aux praticiens de faire table rase des pratiques qui alourdissent inutilement et dangereusement cette première étape de la procédure d’appel. Notre optimisme se doit toutefois d’être tempéré par un principe de réalité qui ne saurait que trop nous rappeler que, malheureusement, lorsqu’un pli a été pris, il est bien difficile souvent d’initier ou de revenir à une pratique procédurale différente, comme en témoigne le maintien de la pratique consistant à joindre un bordereau à la déclaration d’appel bien après le 1er janvier 2021. L’arrêt du 3 mars 2022 ne vient pas clarifier la jurisprudence de la Cour de cassation relative au contenu du dispositif des conclusions d’appel, et en ce sens, il ne constitue donc pas un revirement de jurisprudence selon nous, mais il clarifie la portée qui doit être donnée à la solution retenue l’arrêt du 30 septembre 2021, laquelle s’inscrit dans la droite ligne de l’arrêt du 17 septembre 2020 qui, seul, fixe la charge procédurale des parties (I). Cette clarification impose une remise en ordre des pratiques, lesquelles doivent se faire à l’aune du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 N° Lexbase : L5564MBP et de l’arrêté du même jour [7] qui nous donnent l’occasion de faire le point sur le formalisme de la procédure d’appel (II).

I. Le temps de la clarification

L’arrêt du 3 mars 2022 rappelle un principe simple s’inscrivant dans la droite ligne de la solution posée par l’arrêt fondateur du 17 septembre 2020 : l’appelant, dans le dispositif de ses conclusions, n’est pas tenu de reprendre les chefs de dispositif du jugement dont il demande l’infirmation. Le fait pour l’appelant de reprendre les chefs de dispositif du jugement dont il demande l’infirmation dans le dispositif de ses conclusions est donc facultatif pour lui. S’il n’a pas l’obligation de le faire (A), l’on peut sérieusement s’interroger sur la nécessité (et l’utilité) pour lui de le faire (B). À trop vouloir bien faire…

A. L’absence d’obligation pour l’appelant de reprendre les chefs de dispositif du jugement dont il demande l’infirmation dans le dispositif de ses conclusions

L’absence d’obligation pour l’appelant de reprendre les chefs de dispositif du jugement dont il demande l’infirmation dans le dispositif de ses conclusions est une solution tout à fait conforme à la solution nouvelle résultant de l’arrêt du 17 septembre 2020 par lequel la Haute juridiction, au visa des articles 542 et 954 du Code de procédure civile, a mis à la charge des parties appelantes une obligation procédurale consistant à mentionner dans le dispositif des conclusions s’il est demandé l’infirmation ou l’annulation du jugement. Il n’est donc pas question dans l’arrêt du 17 septembre 2020 d’imposer aux appelants d’indiquer les chefs du jugement dans le dispositif des conclusions, mais uniquement d’y indiquer une demande d’infirmation du jugement dont il est fait appel. C’est d’ailleurs le principe rappelé par l’arrêt du 30 septembre 2021 qui débute de cette manière : « Il résulte de la combinaison des articles 562 et 954, alinéa 3, du Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que la partie qui entend voir infirmer des chefs du jugement critiqué doit formuler des prétentions en ce sens dans le dispositif de ses conclusions d’appel ». Il n’était donc pas davantage question dans l’arrêt du 30 septembre 2021 des chefs du jugement, mais bien d’une demande d’infirmation dans le dispositif, conformément à la solution retenue dans l’arrêt du 17 septembre 2020. La décision rendue le 30 septembre 2021 ne s’inscrit pas, selon nous, à la suite de la solution posée par l’arrêt du 17 septembre 2020, car elle concerne la problématique relative à l’absence de prétentions dans le dispositif, comme en témoigne l’arrêt de la cour d’appel de Caen à l’origine de cet arrêt [8]. Lorsque l’on prend le temps de lire l’arrêt d’appel, on comprend que le problème était l’absence de prétentions dans le dispositif puisque l’appelant se contentait de «surseoir», « constater », « dire », sans formuler la moindre prétention. Même si l’appelant n’avait pas listé les chefs critiqués, ce n’était pas le problème. La difficulté à laquelle il se heurtait, et qui aurait dû lui valoir une caducité, résidait dans le fait que ses conclusions ne déterminaient pas l’objet du litige. De fait, si la Cour de cassation a pu sembler imposer à l’appelant de reprendre les chefs de dispositif du jugement dont il demande l’infirmation dans le dispositif de ses conclusions, c’est en raison d’une maladresse rédactionnelle et rien d’autre.

D’une part, une telle solution aurait été totalement absurde dès lors que les chefs du jugement critiqués sont déjà précisés dans les conclusions ainsi que dans l’acte d’appel, les mentionner en plus dans le dispositif des conclusions relèverait véritablement de l’obsession, et d’autre part, il aurait été extrêmement choquant que la Cour de cassation mette une charge procédurale supplémentaire sur le dos des parties appelantes dans un arrêt non publié, ce qui était le cas de l’arrêt du 30 septembre 2021. Pour ces raisons, nous ne qualifierons pas l’arrêt du 3 mars 2022 de revirement de jurisprudence. Si la deuxième chambre civile de la Cour de cassation réaffirme donc l’absence d’obligation pour la partie appelante de reprendre les chefs de dispositif du jugement dont il demande l’infirmation dans le dispositif de ses conclusions, une telle faculté lui est toutefois ouverte.

B. La possibilité pour l’appelant de reprendre les chefs de dispositif du jugement dont il demande l’infirmation dans le dispositif de ses conclusions

Dans un climat de renforcement continuel du formalisme procédural – qui éloigne de plus en plus la procédure civile d’appel d’une voie d’achèvement maîtrisée que d’aucuns pensaient pouvoir maîtriser – et compte tenu de la sévérité des sanctions encourues en cas de manquement [9], la tentation peut être grande pour les avocats d’en faire toujours plus pour sécuriser au maximum les procédures, quitte à aller au-delà du raisonnable. De ce point de vue, l’on peut s’interroger sur la nécessité pour les avocats de reprendre les chefs de dispositif du jugement dont il demande l’infirmation dans le dispositif de ses conclusions à l’aune de la solution dégagée par l’arrêt du 3 mars 2022 ?

Pour rappel, l’arrêt commenté a été rendu au seul visa de l’article 954 du Code de procédure civile, autrement dit au visa du texte qui précise quel est le contenu des conclusions, et la forme qu’elles prennent. Cette disposition prévoit que les chefs expressément critiqués doivent être mentionnés, mais pas dans le dispositif. Ce que rappelle utilement la deuxième chambre civile de la Cour de cassation. De fait, pour les appels formés à compter du 17 septembre 2020, il suffit à l’appelant, principal ou incident, de demander, dans le dispositif de ses conclusions, « l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions ». Et si l’appelant ne demande l’infirmation que de certains chefs du jugement, la formule « infirmer le jugement » sera suffisante. Mais certains pourraient être tentés, malgré tout, de préciser les chefs concernés par la réformation en utilisant une formulation telle que « infirmer le jugement en ce qu’il […] ».

L’arrêt du 3 mars 2022 ne proscrit nullement une telle démarche. Il rappelle simplement qu’elle n’est pas obligatoire. À titre personnel, nous nous garderons bien de conseiller aux avocats de procéder de cette manière tant il nous paraît dangereux de mentionner les chefs de jugement critiqués dans le dispositif des conclusions, car, en cas d’oubli, d’une part, la cour d’appel pourrait considérer qu’elle n’est pas saisie du chef dont il n’est pas demandé l’infirmation dans le dispositif des conclusions, et d’autre part, l’intimé pourrait opportunément soutenir que l’appelant a limité la dévolution par ses conclusions, et qu’il ne poursuit l’infirmation du chef de jugement omis. L’excès de prudence ou de zèle peut donc se retourner contre l’appelant, notamment parce que les chefs critiqués sont déjà mentionnés dans l’acte d’appel et, en principe, dans les conclusions, même si en pratique toutes les conclusions ne reprennent pas cette indication, dont l’absence n’est au demeurant pas sanctionnée par l’article 954 du Code de procédure civile. Quid pour l’intimé appelant incident ? Il n’existe pas, à notre connaissance, d’équivalence puisque son appel incident est formé par conclusions, et non par la voie d’une déclaration d’appel. Sur ce point, il nous semble sage que les avocats assistant l’intimé prennent l’habitude, avant la partie discussion, de préciser les chefs de jugement qu’ils critiquent expressément. Dans l’arrêt rapporté, la société appelante devrait pouvoir saisir la cour de renvoi, et faire valoir ses prétentions grâce à une modification législative intervenue quelques jours seulement avant l’arrêt de la deuxième chambre civile commenté. En effet, l’arrêt d’appel fait état de ce que « la déclaration d’appel de la société X. indique que “les chefs du jugement expressément critiqués sont reportés sur une annexe jointe faisant partie intégrante de la déclaration d’appel“. L’annexe de la déclaration d’appel mentionnée sollicite l’infirmation du jugement sur deux dispositions ». La fameuse annexe qui a fait l’objet d’une décision en date du 13 janvier 2022 [10] qui a été vertement critiquée par la doctrine comme par les praticiens.

II. Le temps de la remise en ordre

Les évolutions législatives et jurisprudentielles (nombreuses) qui ont affecté la procédure d’appel ont introduit des innovations qui laissent les praticiens parfois désemparés devant une procédure d’appel de plus en plus technique et formaliste, et au sein de laquelle l’erreur ne pardonne pas. Parce que l’arrêt du 3 mars 2022, en ce qu’il vient clarifier la charge procédurale des appelants, invite à un assainissement des pratiques initiées à la suite du couac procédural provoqué par l’arrêt du 30 septembre 2021, un bilan s’impose afin de permettre aux praticiens d’appréhender au mieux ce renouvellement des pratiques à l’aune notamment des dernières évolutions issues du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 N° Lexbase : L5564MBP et de l’arrêté du même jour N° Lexbase : L5628MB3 qui nous donnent l’occasion de faire le point sur le formalisme de la procédure d’appel. Pour cela nous nous proposons de rappeler le formalisme, et de nous permettre quelques conseils de rédaction que nous espérons judicieux à destination des praticiens, aussi bien pour la déclaration d’appel (A) que les conclusions (B).

A. La mention des chefs du jugement critiqués dans la déclaration d’appel

Dans sa décision du 13 janvier 2022, qui a soulevé de vives critiques, la Cour de cassation a considéré qu’un appel formé par une déclaration d’appel qui ne contient pas, dans le fichier XML lui-même (l’avantage de ce type de fichier est qu’il fait l’objet d’un traitement automatisé par l’application informatique du greffe de la cour d’appel), l’énoncé des chefs du jugement expressément critiqués jusqu’à hauteur de 4 080 caractères, éventuellement complété par un fichier PDF, ne produit aucun effet dévolutif. Face à l’ampleur des critiques, la réaction législative ne s’est pas faite attendre : le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 favorisant le recours à la médiation, portant application de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire et modifiant certaines dispositions et l’arrêté du 25 février 2022 modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel, sont entrés en vigueur le lendemain de leur publication (soit le 27 février 2022) et sont applicables aux instances en cours, ce qui a pour effet de régulariser les déclarations d’appel antérieures dès lors que l’instance est en cours et que la déclaration d’appel renvoyait expressément au fichier joint listant les chefs du jugement.

Lorsque la communication électronique est imposée, la déclaration d’appel peut prendre la forme de deux fichiers, un fichier XML et un fichier PDF, contenant le cas échéant une annexe, qui doit comprendre obligatoirement les mentions des alinéas 1 à 4 de l’article 901 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5914MBN (autrement dit, les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 N° Lexbase : L8645LYT et par le cinquième alinéa de l’article 57 N° Lexbase : L9288LT8 ; la constitution de l’avocat de l’appelant ; l’indication de la décision attaquée ; et l’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté). De fait, l’alinéa 5 de l’article 901 qui prévoit « les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible » ne figure pas parmi les mentions obligatoires dans le fichier XML de la déclaration d’appel. Cette solution est logique puisque les chefs du jugement critiqués peuvent figurer dans une annexe jointe sous la forme d’un fichier PDF, sans aucune considération du nombre de caractères, et ce, contrairement à ce que la Cour de cassation a affirmé dans son arrêt du 13 janvier 2022. L’annexe est en effet régulière quel que soit le nombre de signes qu’elle comporte, fut-il inférieur à 4 080 caractères et même si le fichier XML de la déclaration d’appel, qui, lui, est limité à 4 080 caractères, ne contient aucun chef de jugement critiqué. Il faut bien comprendre que, matériellement, les chefs du jugement critiqués peuvent figurer dans une annexe. Mais attention, si ce fichier PDF n’est pas joint et transmis à la cour d’appel avec le fichier XML, la sanction de l’absence d’effet dévolutif et de la nullité pour vice de forme s’appliqueront !

Concernant cette annexe justement, elle se présente sous la forme d’un fichier au format PDF, produit soit au moyen d’un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l’outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique. Elle est communiquée sous la forme d’un fichier séparé de la déclaration d’appel XML. Pour faire corps avec la déclaration d’appel, l’arrêté du 25 février 2022 précise que lorsque l’annexe qui liste les chefs du jugement critiqués doit être joint à un acte, ledit acte doit renvoyer expressément à ce document. Il est donc impératif que la déclaration d’appel (le fichier XML) renvoie expressément à l’annexe contenant la liste des chefs du jugement critiqués. En l’absence de renvoi exprès, l’annexe ne fait pas corps avec la déclaration d’appel, ce qui signifie qu’il n’y aura pas d’effet dévolutif ! La nouvelle formulation de l’article 4 de l’arrêté semble aussi imposer un renvoi exprès au fichier PDF qui contient le jugement attaqué (l’article 901 du Code de procédure civile, dernier alinéa, rappelle que la déclaration d’appel est accompagnée d’une copie de la décision, mais il ne s’agit pas d’une formalité prévue à peine de nullité de la déclaration d’appel), à moins de considérer que l’indication contenue dans le fichier XML suffise à remplir cette exigence ! En cas de contradiction entre les mentions contenues dans la déclaration d’appel (fichier XML) et le document joint (annexe fichier PDF), les mentions de la déclaration d’appel XML prévalent sur le fichier PDF. Si, au regard de l’article 901 du Code de procédure civile, l’annexe est toujours possible, il existe toutefois des hypothèses dans lesquelles elle n’est pas nécessaire (par exemple, lorsque les 4080 caractères du fichier XML suffisent à remplir la déclaration d’appel). Naturellement, outre le fait que la déclaration d’appel (fichier XML) doit impérativement contenir l’objet de l’appel, à savoir la réformation ou l’annulation, qui doit être expressément mentionné, la notification de l’annexe contenant les chefs du jugement critiqués à l’intimé en même temps que la déclaration d’appel s’impose pour garantir les droits de la défense.

B. La mention des chefs du jugement critiqués dans les conclusions

Pas de mystère ici, l’article 954 du Code de procédure civile dispose expressément que « la partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance. » Ainsi, au-delà des exigences propres à l’en-tête, qui doit comporter les indications prévues à l’article 961 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7255LEG (les éléments d’identification des parties), le corps des conclusions est composé d’un exposé des faits et de la procédure, ensuite des chefs du jugement critiqués. Une fois précisé ce que l’appelant critique dans le jugement rendu en première instance, les conclusions doivent comporter une discussion sur les prétentions et les moyens, pour s’achever sur un dispositif récapitulant les prétentions, sur lequel les praticiens doivent réellement faire un effort de vigilance dès lors que la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées dans ce dispositif récapitulatif. C’est précisément au sein de ce dispositif récapitulatif que l’avocat doit mentionner, de la manière la plus explicite qui soit, s’il demande à la cour d’appel d’infirmer ou d’annuler le jugement rendu en première instance. En l’absence d’une telle mention, c’est une sanction automatique qui tombera : la confirmation du jugement par la cour d’appel. Toutefois, nous insistons sur le fait que, pour les appels formés à compter du 17 septembre 2020, il suffit à l’appelant, principal ou incident, de demander, dans le dispositif de ses conclusions, « l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions », ou si l’appelant ne demande l’infirmation que de certains chefs du jugement, la formule « infirmer le jugement » pourra suffire. Pour les raisons évoquées supra, il ne nous semble guère souhaitable de préciser les chefs concernés par la réformation en utilisant une formulation telle que « infirmer le jugement en ce qu’il […] ». Viennent ensuite les conclusions récapitulatives qui doivent comporter toutes les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués. Toute prétention ou moyen précédemment présentée ou invoquée non reprise dans les conclusions récapitulatives seront considérées comme abandonnées, et la cour d’appel ne statuera que sur ce qui est contenu dans les conclusions récapitulatives. Là encore, il convient de faire preuve de vigilance puisque l’article 954 précise que la partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance. Enfin, l’article 954 précise que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

À retenir : parce que l’appelant n’a pas l’obligation de reprendre les chefs de dispositif du jugement dont il demande l’infirmation dans le dispositif de ses conclusions, il est souhaitable de proscrire la pratique consistant à les préciser au regard des sanctions procédurales encourues en cas d’omission ou de contradiction. Il suffit en effet à l’appelant, principal ou incident, de demander, dans le dispositif de ses conclusions, « l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions », ou si l’appelant ne demande l’infirmation que de certains chefs du jugement, de demander à la cour d’appel d’« infirmer le jugement », sans autre précision.

 

[1] Cass. civ. 2, 17 septembre 2020, n° 18-23.626, FS-P+B+I N° Lexbase : A88313TA.

[2] Cass. civ. 2, 20 mai 2021, n° 19-22.316, F-P N° Lexbase : A25334SM – Commentaire : Y. Joseph-Ratineau, Dispositif des conclusions d’appel : application dans le temps de la solution nouvelle de la Cour de cassation, Lexbase Droit privé, juin 2021, n° 868 N° Lexbase : N7812BYY.

[3] Cass. civ. 2, 1er juillet 2021, n° 20-10.694, F-B N° Lexbase : A20054YW.

[4] Cass. civ. 2, 4 nov. 2021, n° 20-15.757, F-B N° Lexbase : A07267BI.

[5] Cass. civ. 2, 30 septembre 2021, n° 20-16.746, F-D N° Lexbase : A054548P.

[6] CA Versailles, 18 mai 2020, n° 18/02006, N° Lexbase : A78703L3.

[7] Arrêté du 25 février 2022 modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel N° Lexbase : L5628MB3.

[8] CA Caen, 19 mai 2020, n° 19/02393 N° Lexbase : A78563LK.

[9] Cass. civ. 2, 30 janvier 2020, n° 18-22.528, FS-P+B+I N° Lexbase : A89403C4 - Cass. civ. 2, 2 juillet 2020, n° 19-15.230, F-D N° Lexbase : A57063QE - Cass. civ. 2, 2 juillet 2020, n° 19-16.954, F-P+B+I N° Lexbase : A56913QT - Cass. civ. 2, 15 avril 2021, n° 19-20.416, F-P N° Lexbase : A80074PA.

[10] Cass. civ. 2, 13 janvier 2022, n° 20-17.516, FS-B [LXB=A14867IU, C. Bléry, Application inopportune de la notion d’accessoire à la déclaration d’appel », Lexbase Droit privé, janvier 2022, n°892 [LXB= N0197BZC] ; A. Martinez-Ohayon, Annexe à la déclaration d’appel : valable uniquement en présence d’un empêchement d’ordre technique !, Lexbase Droit privée, janvier 2022, n° 891 N° Lexbase : N0084BZ7; D. 2022, 325, note M. Barba ; AJ fam. 2022, 63, obs. F. Eudier et D. D’Ambra.

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Propriété intellectuelle

[Jurisprudence] Droit d’auteur et politique : la fin ne justifie pas (toujours) les moyens

Réf. : TJ Paris, 3ème ch., sect. 2, 4 mars 2022, n° 22/00034 N° Lexbase : A80927PE

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N0932BZK

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par Fabienne Fajgenbaum et Thibault Lachacinski, Avocats à la Cour, NFALAW

Le 30 Mars 2022

Mots-clés : droit d’auteur • clip de campagne • reproduction et diffusion de films protégés • exception de courte citation • liberté d’expression • dénaturation du sens de l’œuvre • discours politique

La campagne présidentielle 2022 présente décidément l'intérêt de mettre le droit de la propriété intellectuelle sur le devant de la scène : après la polémique suscitée par le clip de campagne de Marine Le Pen devant la pyramide du Louvre, après l'indignation de la marque KÄRCHER en suite des propositions de Valérie Pécresse, après les accusations de contrefaçon de marque adressées par Jean Lassale à Éric Zemmour à raison d'une proximité entre les logos de leurs partis politiques respectifs (Résistons!/Reconquête!), c’est désormais sous les feux du droit d'auteur qu’Éric Zemmour poursuit son actualité… judiciaire. Par un jugement du 4 mars 2022 [1], le polémiste et son parti ont été condamnés pour la diffusion de la vidéo [2] annonçant sa candidature à la magistrature suprême et qui reproduisait, sans autorisation, de nombreux extraits de films protégés au titre du droit d’auteur. D'abord mis en ligne sur Youtube et visionné, semble-t-il, par plus de 3 millions d'internautes, ce clip avait été un temps diffusé par les chaînes de télévision françaises avant que, prévenues des contestations des ayants droits, celles-ci ne fassent marche arrière… Sa diffusion (sous cette forme en tout cas) est désormais officiellement interdite [3] : quand droit d'auteur rime avec bad buzz.


 

Quelques mots, pour commencer, sur la procédure elle-même. Dix [4] auteurs, réalisateurs ou ayants droit contestaient la reproduction et la diffusion dans le clip politique litigieux d’images prélevées, sans leur accord, notamment à partir des films « Un signe en hiver » d’Henri Verneuil, « Jeanne d’Arc » de Luc Besson, « Le Quai des brumes » de Marcel Carné et Jacques Prévert, « Louis Pasteur, portrait d’un visionnaire » d’Alain Brunard et « Dans la maison » de François Ozon. Gaumont et Eurocorp étaient quant à eux parties à la procédure en qualité de cessionnaires de droits patrimoniaux.

En raison de l'urgence à faire cesser la diffusion d'un clip politique potentiellement contrefaisant, les demandeurs ont choisi de privilégier la procédure (au fond) de l'assignation à jour fixe (de préférence à celle, a priori plus rapide mais également plus aléatoire, du référé). Saisi d'une requête en ce sens, le Président du tribunal judiciaire de Paris a rendu le 24 décembre 2021 une ordonnance autorisant la procédure accélérée en vue d'une audience des plaidoiries fixée au 27 janvier 2022 ; les magistrats parisiens ayant rendu leur jugement le 4 mars 2022, le litige a été tranché sur le fond en un peu plus de 2 mois. La rapidité de la réponse judiciaire ne peut qu'être saluée.

Avant tout débat au fond, les défendeurs ont multiplié les fins de non-recevoir. En vain. Éric Zemmour étant poursuivi ici en tant que créateur et administrateur de la page Facebook et de la chaîne Youtube diffusant le clip, il avait bien « qualité à  défendre » ; de même, les demandes formées à l'encontre de François Miramont ont été jugées recevables dès lors que, bien que n'assurant plus les fonctions de président de l’association Reconquête!, il était présumé exercer  celles d'éditeur de son site internet dans le silence de ses mentions légales à cet égard [5] ; enfin, l’association Reconquête! avait également qualité à défendre eu égard à son rôle d’éditrice du site « zemmour2022.fr » ayant donné accès au clip litigieux via un « pop-up ».

Ni la titularité des droits, ni l'originalité des œuvres n'a fait l'objet d'une contestation par les défendeurs. C'est dès lors sur le terrain de deux exceptions au droit d'auteur que se sont principalement concentrés les débats : une exception limitativement prévue par le Code de la propriété intellectuelle, à savoir la courte citation (I) ; une « exception » sui generis, appliquée par les juridictions européennes et régulièrement invoquée (sans trop de succès) devant les juridictions françaises, à savoir la liberté d’expression (II). Aucune n'a toutefois convaincu le tribunal judiciaire de Paris, qui est dès lors entré en voie de condamnation, après avoir constaté des atteintes supplémentaires au droit moral de certains auteurs (III).

I. L’exception de courte citation ne peut bénéficier à un usage simplement illustratif

Le droit d’auteur français, s’inscrivant dans une approche personnaliste et donnant la primauté aux intérêts de l’auteur, est réputé pour ses exceptions d’interprétation stricte limitativement énumérées à l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle N° Lexbase : L5286L9N. Conformément au test européen dit « des 3 étapes » [6], ces exceptions doivent par ailleurs être limitées à certains cas spéciaux, ne doivent pas porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre, ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes des titulaires.

Avec l'exception de parodie, l’exception d'« analyse et courte citation justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées » représente à n'en pas douter l'une des exceptions le plus souvent invoquées par les plaideurs ; il est alors nécessaire que « le nom de l'auteur et la source » soient clairement indiqués. La Directive n° 2001/29 du 22 mai 2001 N° Lexbase : L8089AU7, à la lumière de laquelle doivent être interprétées les dispositions du Code de la propriété intellectuelle français, précise quant à elle qu'il doit s'agir « de citations faites, par exemple, à des fins de critique ou de revue, pour autant qu'elles concernent une œuvre ou un autre objet protégé ayant déjà été licitement mis à la disposition du public, que, à moins que cela ne s'avère impossible, la source, y compris le nom de l'auteur, soit indiquée et qu'elles soient faites conformément aux bons usages et dans la mesure justifiée par le but poursuivi ».

Dans notre affaire, les défendeurs prétendaient au bénéfice de l'exception dite de courte citation. Il est donc revenu au tribunal d'apprécier le respect de l'obligation de citation du nom de l'auteur et de la source, dont on sait qu'elle peut parfois se révéler ardue. La Directive précitée souligne d'ailleurs elle-même qu'il existe des cas où cette identification est tout simplement impossible. Dans le domaine audiovisuel, se référant aux usages, la jurisprudence tend toutefois à adopter une approche libérale, voire arrangeante à ce devoir d'identification [7]. En l'espèce, le jugement ne semble pas trouver à redire au choix d'avoir accompagné la vidéo litigieuse d'un lien sous la désignation « Voir plus » sur Dailymotion et « PLUS » sur Youtube, lequel permettait d'accéder à des informations d'identification. Le tribunal relève en revanche que, si les mentions indiquées sous la vidéo précisaient bien les titres des films, elles ne visaient pas les noms des titulaires de droits [8] et n’étaient donc pas suffisantes.

Le deuxième critère de la courte citation, à savoir la brièveté des extraits, ne posait pas ici de difficulté, s'agissant d'extraits de films de quelques secondes. En revanche, la loi rappelle que l'atteinte aux prérogatives patrimoniales d'auteur ne peut être légitime que si, loin d'être gratuites, les citations s'insèrent dans une œuvre poursuivant un « caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information ». Rien de tel en l'espèce, nous expose le tribunal. En effet, les juges ont considéré que ces extraits étaient utilisés comme de « simples illustrations en guise de fond visuel du discours prononcé » et qu’ils n’entretenaient « aucun "dialogue" avec les extraits d’œuvres en cause, qui ne sont pas ici introduits afin d'éclairer un propos ou d'approfondir une analyse ». À l'inverse, dans une affaire présentant pourtant de grandes similarités, Jean-Luc Mélenchon était parvenu à convaincre les juges que la reproduction partielle d'une fresque urbaine « Marianne Asiatique » dans son clip de campagne appuyait le message critique développé par sa vidéo, à savoir « celui d’une demande du "peuple" en faveur d’une nouvelle République plus humaniste » [9].

Pour le dire simplement, il est donc reproché au clip d’Éric Zemmour d'avoir exploité des extraits de films pour servir son discours alors que l'exception de courte citation aurait commandé que sa vidéo serve à l'analyse des œuvres dont sont issues les citations. Le jugement du 4 mars 2022 s'inscrit d'ailleurs dans une tendance jurisprudentielle plus large [10]. Dans un arrêt « Jean Ferrat » du 12 janvier 2021, la cour d’appel de Paris a par exemple jugé que la reprise du texte de chansons de cet auteur-compositeur-interprète était justifiée par le caractère pédagogique et d'information de l'ouvrage concerné (une biographie), avec pour chaque extrait cité « un exposé du contexte dans lequel s’inscrit cette citation, démontrant ainsi que chacune des citations est nécessaire à l’analyse critique de la chanson » [11]. L'existence d'un dialogue entre œuvre citée et l’œuvre citante justifiait dès lors pleinement le bénéfice de l'exception de courte citation.

II. La liberté d'expression trouve une limite légitime dans le respect des droits d'auteur

Comme tous les droits de propriété intellectuelle, le droit d'auteur confère à son bénéficiaire un monopole d'exploitation qui, corrélativement, vient apporter des limites à la liberté des tiers, qu'il s'agisse de la liberté du commerce et de l'industrie, de la libre concurrence ou de la liberté d'expression. L'arrêt « Klasen » rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 15 mai 2015 [12] a représenté un véritable tournant à cet égard, rappelant aux juges du fond la nécessité de procéder à un contrôle de proportionnalité, notion tirée du droit européen.

Dans cette affaire, il avait été reproché à un artiste d'avoir reproduit, sans autorisation, les photographies d'un tiers, lequel avait obtenu sa condamnation pour contrefaçon de son droit d'auteur par la cour d'appel de Paris. La Cour de cassation a toutefois censuré cet arrêt, reprochant aux juges du fond d'avoir écarté le moyen tiré d'une atteinte à la liberté d'expression artistique soulevé en défense « sans expliquer de façon concrète en quoi la recherche d'un juste équilibre entre les droits en présence commandait la condamnation » ainsi prononcée. Sur renvoi après cassation, la cour d'appel de Versailles [13] a finalement confirmé la condamnation pour contrefaçon de droit d'auteur (après avoir constaté que l'artiste indélicat aurait pu choisir une œuvre substituable et n'avait entrepris aucune démarche préalable afin de solliciter une autorisation d'exploitation). Quoi qu'il en soit, cette affaire a mis en lumière l'importance qui est désormais attachée par les juridictions françaises à la liberté d'expression artistique protégée par l'article 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L4743AQQ.

Il n'en reste pas moins que la liberté d'expression n'est pas absolue et trouve ses limites dans le respect des « droits d'autrui » [14], pour reprendre la formule utilisée par la CESDH. Ainsi, l’article 1er du protocole additionnel à la Convention rappelle que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens, l’article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle N° Lexbase : L3636LZP prévoyant pour sa part que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Il revient donc au défendeur qui invoque la liberté d’expression d’établir en quoi l’utilisation des œuvres d’autrui serait nécessaire à l’exercice de cette liberté, étant souligné que les exceptions au droit d'auteur intègrent déjà les libertés fondamentales [15].

En l'espèce, ayant opéré une balance des intérêts entre les différents droits et libertés fondamentaux en conflit, le tribunal a considéré que la mise en œuvre de la protection au titre du droit d'auteur des demandeurs constitue, eu égard aux circonstances de l'affaire, une atteinte proportionnée et nécessaire à la liberté d'expression d’Éric Zemmour. En effet, les limitations à la liberté d'expression sont admises lorsqu'elles sont prévues par la loi, justifiées par la poursuite d'un intérêt légitime et proportionnées au but poursuivi, c'est-à-dire rendues nécessaires dans une société démocratique.

Or, le tribunal constate que, outre le fait que l'utilisation des extraits des films litigieux ne remplissait pas les conditions de l'exception de courte citation, « ceux-ci n'apparaissent pas nécessaires au discours politique d’Éric Zemmour dès lors que, d'une part, d'autres extraits ou images libres de droits auraient pu être tout aussi efficacement utilisés pour illustrer son propos et, d'autre part, que la suppression des extraits litigieux n'entraînerait aucune modification du propos d’Éric Zemmour dans la mesure où […] celui-ci s'appuie sur les extraits de films qui ne sont ni commentés ni étudiés, mais utilisés comme de simples illustrations » [16].

II. Sur la dénaturation par association à un discours politique

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les lacunes constatées en termes d'identification des auteurs dans le cadre de l'examen de l'exception de courte citation ont conduit le tribunal à retenir l'atteinte au droit à la paternité de certains auteurs.

Les demandeurs reprochaient par ailleurs à la vidéo de lancement de campagne d'avoir procédé à des coupures arbitraires et d'avoir mélangé et assimilé les extraits à d’autres images qui n’ont aucun lien avec eux. Après avoir rappelé que la reproduction d'extraits ne constitue pas en tant que telle une atteinte intrinsèque aux droits moraux de leurs auteurs [17], le jugement constate la défaillance des demandeurs à expliquer précisément en quoi, dans la présente affaire, les œuvres auraient été dénaturées ; de façon selon nous parfaitement justifiée, le tribunal les a donc déboutés sur ce point.

En revanche, l'atteinte au respect et à l’intégrité de l’œuvre peut consister en une altération de sa forme ou de son esprit, notamment lorsqu'elle est altérée ou présentée dans un contexte de nature à en dénaturer le sens. Pour entrer en voie de condamnation de ce chef, le jugement du 4 mars 2022 relève que « les extraits ayant été utilisés pour accompagner le discours de candidature d’un homme politique, ce comportement porte atteinte au droit au respect de l'œuvre et en constitue une dénaturation dès lors que détournées de leur finalité première, qui est de distraire ou d'informer, les œuvres audiovisuelles ont été utilisées, sans autorisation, à des fins politiques ».

L'on peut certes regretter le caractère quelque peu généralisant du raisonnement ainsi proposé : toute association d'une œuvre audiovisuelle à un discours politique pourrait en effet se voir taxer de dénaturation et ce, quand bien même le film en question traiterait lui-même de problématiques politiques ou sociétales [18]. D'ailleurs, comme rappelé précédemment, le tribunal judiciaire de Paris n'a-t-il pas récemment écarté toute dénaturation d'une fresque murale « Marianne asiatique » reproduite dans le clip de campagne de Jean-Luc Mélenchon après avoir constaté que son auteur n’établissait pas en quoi le seul fait pour son œuvre d'être associée à cet homme politique / La France Insoumise « porterait atteinte à son intégrité en raison du positionnement des défendeurs à "l'extrême gauche" et des "provocations" auxquelles ils se livrent, et qui seraient contraires aux valeurs d’égalité et d'ouverture portées par l’œuvre, ce positionnement et ces provocations n’étant pas décrites, non plus que leur opposition au message de l’œuvre » [19] ?

Au cas d'espèce toutefois, la solution à laquelle sont parvenus les juges parisiens semble tenir à la personnalité controversée de Monsieur Zemmour et à ses condamnations pénales récentes, notamment pour provocation à la haine raciale. De façon similaire, Jean Ferrat a fait juger que l'intégration d'une de ses chansons au sein d'une compilation aux côtés d'une œuvre d’André Dassary, connu pour son interprétation de « Maréchal, nous voilà » sous l'occupation, portait atteinte à son droit moral, l'auteur de « Potemkine » ne souhaitant pas être associé à cet artiste compte tenu de ses positions politiques passées [20].

Le tribunal a retenu le caractère contrefaisant de la vidéo de lancement de campagne d'Éric Zemmour et a, en conséquence, prononcé une interdiction de diffusion (en l'état), sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard, le jugement du 4 mars 2022 étant assorti (de droit) de l'exécution provisoire. Chacun des demandeurs s'est par ailleurs vu allouer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts dans le cadre d'une évaluation forfaitaire [21].

En revanche, les juges parisiens ont refusé de faire droit aux demandes de publication « compte tenu du contexte de l'affaire et de l'exposition médiatique dont elle a bénéficié en dehors de toute communication judiciaire » et qui ne rendaient donc plus nécessaire une diffusion complémentaire. Il est vrai que la presse a réservé un destin médiatique tout particulier à cette décision et ce « bad buzz », bien plus que les condamnations pécuniaires (en définitive relativement modestes), devrait convaincre les autres candidats de respecter scrupuleusement le droit d'auteur. Sur le plan de la stratégie politique et médiatique, il est en tout cas légitime de s'interroger sur la pertinence de l'appel qui a été annoncé.

NDLR : Les auteurs remercient leur future consœur Laura Kéruzoré pour sa participation au présent commentaire.


[1] Un appel a été annoncé.

[2] Assis devant un micro qui n'est pas sans rappeler celui utilisé, à l'époque, par le Général de Gaulle, Éric Zemmour y lit un texte (« Je suis candidat à l’élection présidentielle ») sur fond de 7ème symphonie de Beethoven. La référence à la scène finale du film « Le Discours d’un roi » (le Roi Georges VI, interprété avec Colin Firth, y prononce son discours radiophonique d'entrée en guerre contre l'Allemagne nazie) est transparente.

[3] L'exécution provisoire étant désormais de droit.

[4] En réalité, les vidéos reproduites sans autorisation étaient particulièrement nombreuses. De nouvelles actions en justice pourraient donc suivre, initiées par d'autres auteurs/ayants droit.

[5] Cf. loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, art. 6, III, 1 N° Lexbase : L2600DZC ; cf. T. correct. de Fontainebleau, 6 décembre 2021 : pour retenir la diffamation à l’encontre du prévenu, le tribunal a relevé sa qualité de propriétaire du téléphone portable dont le numéro a été utilisé pour la création de la page Facebook diffamante et en a déduit son statut de directeur de la publication.

[6] Prévu à l'article 5.5 de la Directive n° 2001/29 du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information N° Lexbase : L8089AU7.

[7] Ainsi, la cour d'appel de Paris a pu juger que l'incrustation du logo du site ayant divulgué l'œuvre incorporée était suffisante dès lors que ce positionnement « permettait de comprendre que l'illustration […] constitue un emprunt et la mention précise du site duquel elle est extraite, qui en constitue la source » ; pour la cour, cette image incrustée serait donc « conforme aux usages en la matière » (CA Paris, 5-2, 19 décembre 2014, n° 14/11935 N° Lexbase : A4919SC8).

[8] Cf. CPI, art. L. 121-5 N° Lexbase : L3350ADG s'agissant des œuvres audiovisuelles.

[9] TJ Paris, 3ème ch., sect 1, 21 janvier 2021, n° 20/08482 N° Lexbase : A59404IT ; un appel semble en cours.

[10] En ce sens, Cass. civ. 1, 21 mars 2018, n° 17-14.728, FS-P+B, N° Lexbase : A7999XHQ.

[11] CA Paris, 5-1, 12 janvier 2021, n° 15/19803 N° Lexbase : A04754CL ; à l'inverse, toujours concernant des chansons de Jean Ferrat, la cour d'appel de Versailles a écarté le bénéfice de l'exception légale s'agissant de citations qui « ne font l'objet, dans l'œuvre, d'aucune critique ou polémique » et qui « ne sont pas introduites afin d'éclairer un propos ou d'approfondir une analyse à visée pédagogique », « n'apportant aucune information particulière » (CA Versailles, 19 novembre 2019, n° 18/08181 N° Lexbase : A9706ZZI) ; aux termes d'un arrêt du 16 décembre 2016, la cour d'appel de Paris a également refusé le bénéfice de l'exception de courte citation à un ouvrage sur l'œuvre de Jean Ferrat qui reproduisait des extraits de ses chansons, après avoir constaté que « l'œuvre citante ne les introduit pas afin d'éclairer un propos ou d'approfondir une analyse à visée pédagogique et qu'elles ne trouvent pas leur justification dans la liberté d'information, l'intimée ne démontrant pas en quoi elles servent à enrichir les connaissances du public » (CA Paris, 5-2, 16 décembre 2016, n° 16/01448 N° Lexbase : A7068SUC.

[12] Cass. civ. 1, 15 mai 2015, n° 13-27.391, FS-P+B N° Lexbase : A8581NHB ; dans le même sens, Cass. civ. 1, 22 juin 2017, n° 15-28.467, FS-P+B, N° Lexbase : A1052WK8.

[13] CA Versailles, 16 mars 2018, n° 15/06029 N° Lexbase : A1114XHQ ; ayant également jugé que la condamnation, au titre de la contrefaçon du droit d'auteur, de la reproduction non autorisée de la photographie « Fait d'hier » par le plasticien Jeff Koons constituait une atteinte proportionnée et nécessaire à la liberté créatrice de ce dernier : CA Paris, 5-1, 23 février 2021, n° 19/09059 N° Lexbase : A90794HQ ; dans le même sens, concernant le même artiste : CA Paris, 5-1, 17 décembre 2019, n° 17/09695 N° Lexbase : A3886Z8G.

[14] À titre d'exemple, la CEDH a écarté toute atteinte à la liberté d'expression en cas de condamnation pour contrefaçon de droit d'auteur, après avoir constaté que l'ingérence, prévue par la loi, poursuivait l'un des buts légitimes énumérés par le second paragraphe de l'article 10 de la Convention – la protection des droits d'autrui – dès lors qu'elle visait à préserver les droits d'auteur. La Cour précise alors que l’article 1er du Protocole n° 1 s’applique plus généralement à la propriété intellectuelle (CEDH, 10 janvier 2013, Req. 36769/08 N° Lexbase : A0315I33 ; dans le même sens, Cass. civ. 1, 13 novembre 2003, n° 01-14.385, FS-P N° Lexbase : A1248DAH).

[15] CJUE, 29 juillet 2019, aff. C-469/17 N° Lexbase : A7366ZKZ.

[16] En sens inverse, ayant rejeté la demande d'interdiction en référé de la diffusion d'une vidéo de l'association L214 au visa de la liberté d'expression, après avoir toutefois constaté que le droit d'auteur n'avait pas été invoqué par le requérant et avoir sous-entendu que l'exception de parodie pourrait être valablement invoquée : CA Paris, 5-2, 13 mars 2020, n° 19/04127 N° Lexbase : A72873IQ.

[17] Semblant toutefois juger le contraire, CA Versailles, 19 novembre 2019, n° 18/08181 N° Lexbase : A9706ZZI : « Considérant également que seuls des extraits des chansons ont été publiés ; que ces extraits ne rendent pas compte de l'intégralité de l’œuvre dont ils sont tirés ; qu'ils portent donc atteinte à son intégrité ».

[18] De même, par un arrêt du 19 novembre 2019, la cour d'appel de Versailles (CA Versailles, 19 novembre 2019, n° 18/08181, préc.) a jugé de manière contestable, s'agissant de chansons de Jean Ferrat, que la dissociation des textes de la musique créée spécifiquement par lui aurait porté atteinte à son droit moral, ce qui interdirait en pratique toute édition papier des paroles puisque, par définition, la musique ne peut pas alors y être associée.

[19] TJ Paris, 21 janvier 2021, préc..

[20] Cass. soc., 8 février 2006, n° 04-45.203, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7241DM7.

[21] Il s'agissait d'ailleurs du montant sollicité par les demandeurs, à l'exception des sociétés Gaumont et Europacorp qui avaient respectivement formulé des demandes indemnitaires à hauteur de 50 000 euros et 25 000 euros.

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Responsabilité

[Brèves] De l’autonomie des préjudices « d’angoisse de mort imminente » et « d’attente et d’inquiétude »

Réf. : Cass. mixte, 25 mars 2022, deux arrêts, n° 20-17.072 N° Lexbase : A30357RT et n° 20-15.624 N° Lexbase : A30367RU

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 30 Mars 2022

► Les préjudices subis par une victime doivent être prouvés et identifiés avant d’être indemnisés ;
► en raison de leur particularité, les préjudices « d’angoisse de mort imminente » et « d’attente et d’inquiétude » doivent être indemnisés de manière spécifique.

Tels sont les principes dégagés par la Chambre mixte de la Cour de cassation, dans ses arrêts rendus le 25 mars 2022, et qui viennent unifier les solutions divergentes jusqu’alors retenues par les différentes chambres (cf. le communiqué de la Cour de cassation).

La « nomenclature Dintilhac ». La loi ne prévoit pas de référentiel de réparation des préjudices corporels. Une nomenclature de ces préjudices, issue des travaux de la commission présidée par M. Jean-Pierre Dintilhac en 2005, s’est dès lors imposée comme une référence pour tous les acteurs de la réparation du dommage corporel : elle est utilisée par les juridictions judiciaires, les victimes, les avocats et les assureurs.   Cette nomenclature dite « Dintilhac » prévoit une liste de « postes » correspondant à des définitions précises de divers préjudices.                             

Les procédures.  Au cours des dernières années, à la suite notamment des attentats commis en France, la justice a été saisie de demandes en réparation de catégories de préjudices que la « nomenclature Dintilhac » n’avait pas envisagées. 

Ainsi, deux décisions de cours d’appel statuant sur l’indemnisation de victimes d’une infraction de droit commun ou d’un acte de terrorisme ont fait l’objet de pourvois en cassation :

- la première porte sur le préjudice dit « d’angoisse de mort imminente » (CA Paris, 2, 4, 30 janvier 2020, n° 19/02479 N° Lexbase : A22443DH). Il s’agit du préjudice ressenti par la victime directe qui, entre le moment où elle a subi une atteinte et son décès, a eu la conscience du caractère inéluctable de sa propre fin. Les héritiers de la victime peuvent, en son nom, obtenir réparation de ce préjudice ;

- la seconde porte sur un préjudice dit « d’attente et d’inquiétude » (CA Papeete, 29 août 2019, n° 18/00213 N° Lexbase : A2741ZMH). Il s’agit du préjudice subi par les proches d’une victime directe lorsqu’ils apprennent qu’elle est ou a été exposée à un péril. Leur souffrance naît de l’état d’attente et d’incertitude dans lequel ils se trouvent, entre le moment où ils apprennent que leur proche est en péril et le moment où ils ont connaissance de l’issue de l’événement pour celui-ci.  

Les décisions de la Cour de cassation. Jusqu’à présent, les différentes chambres de la Cour de cassation n’apportaient pas de réponse uniforme sur les modalités de réparation du préjudice de mort imminente :

  • la Chambre criminelle a depuis longtemps admis la possibilité d’évaluer séparément les préjudices distincts constitués par les souffrances endurées du fait des blessures, et par l'angoisse d'une mort imminente (Cass. crim., 23 octobre 2012, n° 11-83.770, FS-P+B N° Lexbase : A0580IWE ; également en ce sens : Cass. crim., 11 juillet 2017, n° 16-86.796, F-D N° Lexbase : A9908WMW ; Cass. crim., 27 septembre 2016, n° 15-84.238, FS-D N° Lexbase : A7274R48) ;
  • la deuxième chambre civile, au contraire, a procédé au rattachement du préjudice d’angoisse de mort imminente au poste « souffrances endurées » de la « nomenclature Dintilhac » (Cass. civ. 2, 18 avril 2013, n° 12-18.199, F-D N° Lexbase : A4002KC9 ; Cass. civ. 2, 20 octobre 2016, n° 14-28.866, FS-P+B N° Lexbase : A6505R9S ; Cass. civ. 2, 2 février 2017, n° 16-11.411, F-P+B N° Lexbase : A4160TBP ; Cass. civ. 2, 29 juin 2017, n° 16-17.228, F-D N° Lexbase : A7157WLN ; Cass. civ. 2, 14 septembre 2017, n° 16-22.013, F-D N° Lexbase : A0847WS8) ;
  • la première chambre civile avait rejoint sur ce point la jurisprudence de la deuxième chambre civile (Cass. civ. 1, 26 septembre 2019, n° 18-20.924, F-D N° Lexbase : A0408ZQ8).

C’est ainsi que la Chambre mixte de la Cour de cassation, unifiant les solutions, décide, s’agissant du préjudice d’angoisse de mort imminente, que l'angoisse d'une mort imminente se distingue du poste des « souffrances endurées », lesquelles sont définies par la « nomenclature Dintilhac » comme « toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c’est-à-dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation [état définitif des séquelles]. En effet, à compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre ». 

S’agissant du préjudice d’attente et d’inquiétude que subissent les proches de la victime directe, ce préjudice ne se confond pas avec leur préjudice d’affection ni avec aucun autre poste de préjudice indemnisant les victimes par ricochet, mais constitue un préjudice spécifique qui doit être réparé de façon autonome.

Pour aller plus loin : ces décisions feront l'objet d'un commentaire approfondi par Vincent Rivollier, Maître de conférences à la Faculté de droit de l’Université Savoie Mont Blanc, à paraître dans la revue Lexbase Droit privé n° 903 du 21 avril 2021.

 

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Successions - Libéralités

[Brèves] Incapacité à recevoir des libéralités frappant les auxiliaires de vie à domicile (aujourd’hui abrogée) : retour sur l’application temporelle

Réf. : Cass. civ. 1, 23 mars 2022, n° 20-17.663, F-B N° Lexbase : A12737RL

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 30 Mars 2022

► L'article L. 116-4, alinéa 2, du Code de l'action sociale et des familles, frappant notamment les personnes assistant, à leur domicile, les personnes âgées ou handicapées, d’une incapacité à recevoir des libéralités consenties par ces dernières, ne saurait être appliqué à un testament établi à une date antérieure à son entrée en vigueur.

Pour mémoire, l’article L. 116-4 du Code de l'action sociale et des familles N° Lexbase : L7971L3M, a été introduit par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement N° Lexbase : L0847KWB ; il prévoit une incapacité de recevoir à titre gratuit visant un ensemble de personnes parmi lesquelles les personnes « accomplissant des services à la personne définis au 2° de l'article L. 7231-1 du même code ».

En l’espèce, le de cujus était décédé le 22 janvier 2016, sans descendance, en l'état d'un testament authentique du 17 décembre 2013, confirmé par codicille daté du 13 décembre 2014, instituant, d'une part, des légataires universels, d'autre part, différents légataires à titre particulier, parmi lesquels une auxiliaire de vie à domicile employée par le défunt. Des difficultés étaient survenues entre eux pour le règlement de la succession.

Pour dire que les légataires universels étaient déchargés de toute obligation de délivrance du legs au profit de l’auxiliaire de vie à domicile gratifiée, la cour d’appel de Paris (CA Paris, 4, 2, 5 septembre 2018, n° 15/00861 N° Lexbase : A4717X34), avait :

1° fait application de l'article L. 116-4, alinéa 2, du Code de l'action sociale et des familles, créé par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 et dans sa version en vigueur au jour du décès du de cujus ;

2° retenu qu'il résultait de cette loi que c’était à la date de la libéralité qu'il y avait lieu de rechercher si le légataire avait une qualité l'empêchant, au jour du décès du testateur, de recevoir. Après avoir relevé qu'à la date du testament authentique, l’intéressée était employée par le défunt en qualité d'auxiliaire de vie à domicile, ils en avaient déduit que le legs à titre particulier consenti à son profit se heurtait à l'interdiction résultant de ce texte.

Sauf que le texte n’était pas applicable. Les conseillers d’appel ont donc commis une erreur de raisonnement sur le premier point, que la Cour régulatrice vient corriger au visa l'article 2 du Code civil N° Lexbase : L2227AB4,  selon lequel « la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif » ; il en résulte qu’en l'absence de dispositions particulières, les actes juridiques sont régis par la loi en vigueur au jour où ils ont été conclus.

Ce n’était donc pas au jour du décès, mais au jour de l’établissement du testament qu’il convient de déterminer le texte applicable.

Or, il ressortait des constatations de la cour d’appel qu'au jour de l'établissement du testament, en 2013, l'article L. 116-4, alinéa 2, du Code de l'action sociale et des familles n'était pas en vigueur.

On rappellera qu’en tout état de cause, les dispositions en cause ont été abrogées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 12 mars 2021, déclarant que les mots « ainsi qu'aux salariés mentionnés à l'article L. 7221-1 du Code du travail N° Lexbase : L7371K9U accomplissant des services à la personne définis au 2° de l'article L. 7231-1 du même code N° Lexbase : L3383H98 » figurant au second alinéa du paragraphe I de l'article L. 116-4 du Code de l'action sociale et des familles, étaient contraires à la Constitution ; étant précisé que la déclaration d’inconstitutionnalité était applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de sa décision le 12 mars 2021 (Cons. const., décision n° 2020-888 QPC, du 12 mars 2021 N° Lexbase : A80714K7 ; cf. J. Casey, obs. n° 4, in Sommaires d’actualité de droit des successions & libéralités 2021-1 (Janvier – Juillet), Lexbase Droit privé, septembre 2021, n° 875 N° Lexbase : N8596BYZ).

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Urbanisme

[Textes] Loi « 3DS » : décryptage des principales dispositions en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire

Réf. : Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale N° Lexbase : L4151MBD

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par Ophélie Bainville, juriste Lab Cheuvreux

Le 30 Mars 2022

Mots clés : loi « 3DS » • urbanisme • décentralisation • aménagement • territoire

Adoptée à la suite du Grand Débat National de 2019, la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « 3DS », symbolisait dès l’origine un nouvel acte de décentralisation fondé, selon son exposé des motifs, sur la volonté de « répondre aux besoins de proximité et d’efficacité exprimés par les élus et les citoyens » tout en tenant compte de « la diversité des territoires, sans pour autant rompre avec le principe cardinal d’égalité sur le territoire de la République ».


 

Porté par la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, ce texte de consensus arraché en commission mixte paritaire sort de son long parcours parlementaire bouffi de 271 articles (contre 83 initialement) et affaibli dans son orientation générale. De l’ambition initiale, il en ressort une loi en demi-teinte, répondant à des injonctions contradictoires, touchant un nombre impressionnant de domaines et comportant des dispositions disparates et indéniablement techniques dont les pouvoirs publics se disent « modérément » satisfaits.

Il est surprenant qu’une telle loi ou, à tout le moins, les dispositions entamant le principe d’indivisibilité de la République, n’ait pas donné lieu à la saisine du Conseil Constitutionnel, à l’heure où son rapporteur rejoint les rangs de la Haute Cour. Il est à craindre – ou peut-être à espérer – leur soumission à des questions prioritaires de constitutionnalité.

Parmi les neuf titres d’inégale importance, le Titre III de la loi « 3DS » est entièrement dédié à « l’urbanisme et au logement » et complété de quelques dispositions éparses dans les autres titres en matière de droit de l’urbanisme et des sociétés [1].

I. L’engouement conforté pour les dispositifs d’aménagement contractuel du territoire

Dans la continuité de la loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021 [2], la loi « 3DS » concentre l’essentiel de ses efforts sur les deux dispositifs innovants en matière d’aménagement dit contractuels du territoire créés par la loi « ELAN » du 23 novembre 2018 [3], que sont les Opérations de Revitalisation des Territoires [4] (ORT) et, dans une moindre mesure, les projets d’aménagement partenarial (PPA) notamment dans leur dimension opérationnelle, à savoir la Grande Opération d’Urbanisme (GOU) [5].

Selon le rapport de l’Assemblée nationale [6], depuis leur création, les ORT « ont un succès particulièrement prononcé dans les villes éligibles aux programmes d’Action Cœur de villes et petites villes de demain », il s’agit même d’un « des rares dispositifs suscitant l’unanimité positive des acteurs ». Partant de 278 contrats d'ORT signés couvrant 22 % des intercommunalités de France [7], la loi « 3DS » étend encore leur champ d’application et enrichit la boîte à outils à disposition des élus et des porteurs de projets intervenant au sein de ces périmètres, en jouant particulièrement sur les leviers fonciers et réglementaires en vue de faciliter les opérations de construction, de recyclage foncier et de rénovation urbaine.

Extension du périmètre d'intervention des ORT - Jusqu’alors, la création d’une ORT était subordonnée à l’inclusion au sein des secteurs d’intervention du centre-ville de la ville principale de l’intercommunalité devant accueillir obligatoirement une ou plusieurs actions de ladite ORT.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi « 3DS », l’article L. 303-3 du Code de la construction et de l’habitation N° Lexbase : L4890MBQ autorise, par dérogation préfectorale, la conclusion d’une convention d’ORT sur le périmètre d’une ou plusieurs communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), sans nécessité d’intégration de la ville principale dudit EPCI sous réserves (i) de présenter une situation de discontinuité territoriale ou d’éloignement par rapport à la ville-centre et (ii) d’identifier en son sein une ou des villes présentant des caractéristiques de centralité [8].

À cette dérogation, s’ajoute la possibilité pour les collectivités d’étendre les dispositifs d’ORT à des secteurs périphériques (entrées de ville, zones commerciales ou pavillonnaires) en vue de favoriser leur réhabilitation.[9]

Dérogations aux règles du PLU - A peine les dispositifs dérogatoires étendus par la Loi Climat et Résilience aux ORT entrés en vigueur, la loi « 3DS » décide-t-elle d’isoler clairement les dérogations applicables aux ORT au sein d’un nouvel article L. 152-6-4 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L4835MBP, rendant encore un peu plus illisible la règle d’urbanisme tant les dérogations sont nombreuses [10].

L’autorité compétente pour délivrer le permis de construire peut déroger, dans les secteurs d’intervention des ORT, par décision motivée (1°) aux règles de retrait par rapport aux limites séparatives (2) aux règles relatives au gabarit et à la densité, dans la limite d'une majoration de 30 % (3) aux obligations en matière de stationnement en tenant compte des particularités du secteur. La même autorité peut également (4) autoriser une destination non autorisée par le document d'urbanisme, dès lors qu'elle contribue à la diversification des fonctions urbaines du secteur et (5) autoriser une dérogation supplémentaire de 15 % des règles de gabarit pour les constructions contribuant à la qualité du cadre de vie sans pouvoir excéder 50 % de dépassement au total [11].

La procédure expérimentale de délivrance des autorisations d’aménagement commerciale (AEC) par l’autorité compétente en matière d’urbanisme - De manière quelque peu paradoxale [12], la loi « 3DS » pose les conditions d’une expérimentation visant à réguler de manière plus efficace tout en le simplifiant le régime d’urbanisme commercial en confiant à l’autorité compétente en matière d’autorisation d’urbanisme le soin de délivrer l’AEC dans le cadre d’une procédure unique sans renvoi à l’examen préalable de la commission départementale d’aménagement commercial.

Cette expérimentation est toutefois encadrée par de nombreux garde-fous et ne trouvera véritablement à s’appliquer qu’à compter de la publication d’un décret en Conseil d’État. Ladite expérimentation est en effet limitée à une durée de six ans à compter de la promulgation de la loi « 3DS » (soit jusqu’au 21 février 2028) et est réservée aux seuls EPCI signataires d’une convention d’ORT ainsi qu’aux communautés urbaines et aux métropoles dont celles d’Aix-Marseille-Provence, de Lyon et du Grand Paris, lesquels seront autorisés par arrêté préfectoral à accéder à cette expérimentation [13] sous réserve de remplir deux conditions cumulatives : (i) couverture de leur territoire par un SCoT comportant un document d’aménagement artisanal, commercial et logistique ainsi que par un PLUi exécutoire, ou à défaut pour chaque commune membre de l’EPCI, d’un PLU exécutoire (ii) lesquels documents d’urbanisme devront avoir été modifiés pour déterminer les conditions d’implantation des équipements commerciaux et prendre en compte les critères définis par l’article L. 752-6 du Code de commerce N° Lexbase : L6676L7E en matière d’aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs [14].

Intervention des opérateurs au sein des ORT et délégation des droits de préemption - En vue de les accompagner dans leur stratégie foncière et leur fournir l’ingénierie suffisante,  les collectivités pourront (i) conclure des concessions de revitalisation commerciale avec des opérateurs dédiés, auxquels pourra être délégué le droit de préemption sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce, les baux commerciaux et les terrains faisant l’objet de projets d’aménagement commercial [15] ou (ii) solliciter l’intervention d’un établissement public foncier d’Etat, y compris hors de son périmètre habituel, au moyen d’une procédure dérogatoire simplifiée [16]. Pour compléter le dispositif, le titulaire du DPU pourra déléguer ce droit à une personne à laquelle a été confiée la réalisation de certaines actions ou opérations dans les secteurs d’intervention d’une ORT ou pour réaliser des opérations visant à favoriser la diversité, le maintien ou le développement d’activités artisanales et commerciales de proximité [17].

Assouplissement de la procédure de biens sans maître- La loi « 3DS » offre la possibilité aux collectivités de lancer la procédure spécifique en vue de récupérer les biens dits sans maître – faisant partie d’une succession ouverte et pour laquelle aucun successible ne s’est présenté [18]– dans un délai ramené à 10 ans contre 30 ans antérieurement lorsque lesdits biens se situent notamment dans le périmètre d’une GOU ou d’une ORT.

Par ailleurs, la procédure de reconnaissance d’état manifeste d’abandon des biens sera facilitée, permettant aux collectivités d’imposer des travaux pour éviter leur dégradation et allant même jusqu’à autoriser des expropriations simplifiées.

Pérennisation et extension du permis d’aménager multisite - Ce dispositif expérimental a été introduit par la loi ELAN pour une durée de cinq ans afin de faciliter les opérations de revitalisation des centres villes dont le foncier est fortement morcelé et discontinu en autorisant la délivrance d’un permis d’aménager sur des unités foncières non contiguës dans le cadre de la mise en œuvre d’une action prévue par une convention d’ORT.

Alors que ce dispositif est loin d’avoir fait ses preuves et pose de véritables difficultés en pratique [19], l’expérimentation est pérennisée à l’article L. 303-2 du Code de la construction et de l’habitation N° Lexbase : L4891MBR avant son échéance, son champ d’application est étendu à tout le périmètre des ORT et non plus seulement aux secteurs d’intervention prioritaires ainsi qu’aux GOU [20] et ses conditions de recours sont circonscrites à la nécessité que l’opération envisagée « garantisse l’unité architecturale et paysagère des sites concernés », supprimant ainsi le respect des orientations d’aménagement et de programmation des PLU.

II. Des dispositions sporadiques en matière d’urbanisme et de planification territoriale

Report des délais de mise en compatibilité des documents de planification régionale fixés par la loi « Climat et Résilience » – Le desserrement des délais, tenant compte des remontées des territoires et notamment de la fédération des SCoT [21] et devenu inévitable dans l’attente du décret relatif à la nomenclature des sols artificialisés [22], n’en constitue pas moins un premier coup de canif porté au calendrier volontairement ambitieux fixé par la loi « Climat et Résilience » en matière de lutte contre l’artificialisation des sols.

Un délai de 6 mois supplémentaires, soit jusqu’au 22 octobre 2002, est ainsi accordé aux conférences des SCoT pour formuler des propositions de territorialisation des objectifs de réduction par deux de la consommation effective des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF). Par souci de cohérence, les délai impartis pour mettre en compatibilité les documents de planification de niveau régional (SRADDET, SDRIF, SAR et PADDUC) avec les objectifs fixés par la loi « Climat et Résilience « est prolongé d’autant, soit jusqu’au 22 février 2024 [23]. En revanche, les délais de mise en compatibilité des documents d’urbanisme de niveau inférieur sont maintenus à l’identique.

Dans le même temps, le texte consacre une nouvelle procédure de prise de position formelle des services de l’État, à la demande de l’autorité compétente en matière de PLU sur (i) la sincérité de l’analyse de la consommation d’ENAF réalisée au titre du diagnostic du rapport de présentation, (ii) la cohérence des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain contenus dans le projet d’aménagement et de développement durables.[24]

Cette procédure constitue, selon nous, une vaine tentative [25] pour sécuriser les documents d’urbanisme face aux annulations contentieuses susceptibles de prospérer sur le terrain de l’insuffisance de la réduction de la consommation d’espace [26].

Encadrement de l’implantation des parcs éoliens – En vue de « déminer les conflits liés aux projets éoliens », le Gouvernement parvient à un consensus politique autour du nouvel article L. 151-42-1 du Code de l’urbanisme N° Lexbase : L4846MB4 qui, à défaut d’accorder un droit de veto aux maires comme le réclamaient les sénateurs, offre aux collectivités la possibilité de définir, dans leurs documents d’urbanisme, des secteurs dans lesquels l’implantation d’éoliennes est soumise à conditions afin de tenir compte (i) soit de l’incompatibilité avec le voisinage habité ou l’usage de terrains situés à proximité (ii) soit de l’atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l’insertion desdites installations dans le milieu environnant.

Les collectivités pourront ainsi adapter leurs documents d’urbanisme jusqu’au 23 août 2027 [27] au moyen d’une « modification simplifiée » qui devra néanmoins être précédée d’une enquête publique, « la loi [réaffirmant] le rôle du maire en même temps que la nécessité du dialogue sur lequel repose l’acceptabilité des projets » [28]

Reprise de la compétence en matière de DPU et d’autorisations d’urbanisme au sein des communes carencées - La loi « 3DS » remet en cause l’automaticité du transfert de la compétence en matière de DPU et d’autorisations d’urbanisme au préfet [29] visant à sanctionner les collectivités qui ne respectent pas les obligations triennales posées par la loi « SRU » en matière de création de logements sociaux.

Désormais, le préfet de département pourra autoriser, par arrêté motivé et pour un bien précisément identifié, la reprise du DPU par la collectivité initialement compétente ainsi que l’exercice de la compétence en matière de délivrance des autorisations d’urbanisme pour ces mêmes biens.

Déroutant à de nombreux égards, ce texte composite, s’il peut s’enorgueillir de quelques avancées bienvenues dans différents domaines, n’apparait clairement pas à la hauteur de l’ambition affichée ni même de la mobilisation de pas moins de 2 000 élus au cours de deux années de concertations régionales. Au contraire, il laisse poindre sans pouvoir les empêcher les répercussions néfastes de l’inflation législative sur la stabilité de la norme en matière d’urbanisme et d’aménagement, compromettant ainsi le travail nécessaire d’appropriation des textes, rendant encore davantage illisible la règle d’urbanisme et générant par là même une insécurité juridique galopante.

Montesquieu n’affirmait-t-il pas déjà que « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » [30] ?


[1] Renforcement de la transparence et des contrôles des filiales des SEML et extension de l’objet social des SPLA-IN aux actions et opérations de construction ou de réhabilitation d’équipements d’intérêt collectif et de services publics.

[2] Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets N° Lexbase : L6065L7R.

[3] Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique N° Lexbase : L8700LM8.

[4] CCH, art. L. 303-2. L’ORT est un dispositif contractuel à la disposition des collectivités territoriales pour porter et mettre en œuvre un projet de territoire dans les domaines urbain, économique et social, qui vise prioritairement la lutte contre la dévitalisation des centres-villes.

[5] C. urb., art. L. 312-1 N° Lexbase : L9901LMN et suiv. Le PPA est conçu comme un outil de coopération entre l’État et les collectivités territoriales, à l’échelon intercommunal, au service de projets de territoire équilibrés, de projets urbains ou ruraux mixtes combinant logements, commerces et activités ainsi que sur les moyens opérationnels et financiers pour les réaliser.

[6] AN, rapport n° 5121, 23 février 2022.

[7] Ministère de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivités Territoriales, Dossier de présentation de la loi « 3DS », février 2022.

[8] Pour tenir compte des EPCI polycentriques tels que la métropole d’Aix-Marseille-Provence, celle de Nice-Côte-d’Azur ou certains DOM.

[9] Modification de l’article L. 303-2 II du Code du construction et de l'habitation qui définit les parties du territoire des communes signataires de la convention d’ORT.

[10] Cf. C. urb., art. L. 152-3 N° Lexbase : L2608KIG à L. 152-6-4. Les GOU restent concernées par les dérogations offertes à l’article L. 152-6 du Code de l'urbanisme N° Lexbase : L4833MBM.

[11] Régime non cumulable avec les dérogations des articles L. 152-6 et L. 152-6-2 N° Lexbase : L6782L7C du Code de l'urbanisme.

[12] Cette expérimentation ne remet pas en cause le principe d’interdiction d’équipements commerciaux engendrant une artificialisation des sols posé par la loi « Climat et Résilience ».

[13] Un décret en Conseil d’État viendra compléter le dispositif.

[14] Les collectivités pourront recourir à des modifications simplifiées pour mettre en conformité leurs documents avant le 31 décembre 2025.

[15] CCH, art. L. 303-2.

[16] L’intervention des EPF peut être étendue aux territoires des collectivités et EPCI signataires de PPA ou d’ORT.

[17] C. urb., art. L. 211-2-3 N° Lexbase : L4839MBT. Dans le périmètre des GOU, le DPU et le DPU renforcé seront désormais exercés par la collectivité ou l’EPCI signataire du PPA, qui pourra lui-même le déléguer à un EPF ou EPA ou au concessionnaire d’une opération d’aménagement, sous réserve de l’avis conforme des communes concernées (C. urb., art. L.211-1 N° Lexbase : L7112L7K et L.214-1-1 N° Lexbase : L4851MBB).

[18] Procédure fixée à l’article L.1123-1 du Code général de la propriété des personnes publiques N° Lexbase : L4648MBR. Une procédure similaire est également ouverte pour les biens dont les taxes foncières n’ont pas été acquittées par un tiers depuis plus de trois ans.

[19] AN, rapport n° 5121, 23 février 2022. Le morcellement de l’unité foncière interroge notamment sur l’échelle d’appréciation des règles à retenir, la gestion de l’évolution des parcelles par des autorisations ultérieures, la réalisation des équipements communs…

[20] C. urb., art. L. 312-2-1 N° Lexbase : L4859MBL.

[21] Communiqué de presse, Fédération des SCoT, 15 février 2022 : dénonce des délais peu réalistes au regard des enjeux.

[22] Projet de décret relatif à la nomenclature de l’artificialisation des sols soumis à consultation publique du 4 ou 25 mars 2022.

[23] Le délai d’engagement de la procédure d’évolution des documents est maintenu au 22 août 2022.

[24] C. urb., art. L. 153-40-1 N° Lexbase : L4837MBR et L. 153-16-1 N° Lexbase : L4836MBQ.

[25] Avis simple recueilli dans le cadre d’une procédure déjà fortement balisée par les alertes des services de l’État et qui n’aura pas grande influence sur le risque contentieux ni même sur l’office du juge.

[26] Annulation du PLUi de la métropole de Toulouse par TA Toulouse 30 mars 2021, n°1902329 N° Lexbase : L4836MBQ, confirmé par CAA Bordeaux, 15 février 2022, n° 21BX02287 et n°21BX02288 N° Lexbase : A61337NH.

[27] Date calquée sur le délai maximum de mise en compatibilité des PLU fixé par la loi « Climat et Résilience ».

[28] Le Moniteur, Loi 3DS : le cabinet de Jacqueline Gourault s’explique, 10 février 2022.

[29] C. urb., art. L. 210-1 N° Lexbase : L4847MB7.

[30] Montesquieu, De l’Esprit des Lois, 1758.

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