Le Quotidien du 26 janvier 2022

Le Quotidien

Actualité judiciaire

[A la une] Twitter condamné à dévoiler ses outils pour lutter contre la haine en ligne

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N0174BZH

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par Vincent Vantighem

Le 26 Janvier 2022

C’était il y a quasiment dix ans. Un jeune homme originaire de Montpellier (Hérault) balançait une blague sur son compte Twitter très suivi pour tuer le temps : « #UnBonJuif, c’est un dur à cuire lol ^__^ ». En moins de temps qu’il n’en faut pour rédiger un message de cent quarante caractères sans faire de faute d’orthographe, le hashtag (mot-valise) se retrouvait dans les « Trendings Topics » du réseau à l’oiseau bleu. C’est-à-dire parmi les sujets les plus discutés du moment. Chacun y allant de ce qu’il pensait être un trait d’esprit, un jeu de mots, une bonne blague. Sans se rendre forcément compte du mauvais goût. Depuis une foule incalculable a remplacé les « #BonsJuifs » de Twitter. Les Noirs. Les Arabes. Les Blancs. Les personnes d’extrême gauche. Celles d’extrême droite. Les « antivaxx » et ceux qui défendent l’intérêt d’une quatrième dose pour lutter contre le coronavirus. Les homosexuels. Les transsexuels... La liste exhaustive est impossible à dresser.

Prisé pour sa capacité à s’informer en un coup d’œil et sa facilité d’utilisation, le réseau de microblogging est aussi célèbre aujourd’hui pour être un déversoir à horreurs. Ainsi, rares sont les jours où une polémique ne naît pas de l’un de ses courts messages. Avant de s’éteindre dès qu’une autre apparaît… Un jour sans fin, en somme.

La cour d’appel de Paris a confirmé, jeudi 20 janvier, une décision du tribunal judiciaire de Paris qui avait ordonné, en juillet 2021, à Twitter de détailler les moyens de lutte contre la haine en ligne. Dans son arrêt, la cour d’appel confirme le jugement de première instance et condamne, en outre, le réseau à verser 1 500 euros de dommages et intérêts à plusieurs associations à l’origine de la procédure : SOS Racisme, La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), l’Union des étudiants juifs de France et SOS Homophobie.

Des testings en 2020 et 2021

En juillet 2021, le tribunal judiciaire de Paris avait ordonné à Twitter international, société de droit irlandais, la communication de « tout document administratif, contractuel, technique ou commercial relatif aux moyens matériels et humains mis en œuvre pour lutte contre la diffusion des infractions d’apologie de crime contre l’humanité, d’incitation à la haine raciale et à la haine à l’égard de personne à raison de leur sexe ».

La société devait aussi détailler « le nombre, la localisation, la nationalité, la langue des personnes affectées au traitement des signalements provenant des utilisateurs de la plateforme française », « le nombre de signalements », « les critères et le nombre de retraits subséquents », ainsi que le « nombre d’informations transmises aux autorités publiques, en particulier au parquet ». Une demande d’autant plus légitime depuis que le parquet de Paris a ouvert une section consacrée à la « haine en ligne » ces derniers mois.

Twitter avait fait appel de cette décision. Arguant notamment du fait que le réseau social dit employer un peu moins de 2 000 modérateurs dans le monde, sans détailler le pays où ils travaillent ni les langues qu’ils couvrent. Une goutte d’eau quand on sait que le nombre de tweets envoyés par jour avoisine les 500 millions pour 206 millions d’usagers actifs. Pour être efficace, à la louche, il faudrait que chaque modérateur vérifie donc 250 000 messages chaque jour. Quasiment 3 messages par seconde, en considérant qu’ils travaillent 24 heures sur 24…

Évidemment, le réseau social dispose d’algorithmes puissants, de robots modérateurs. Mais ceux-ci n’auront jamais la finesse d’un être humain. Et chaque jour qui passe suffit pour se rendre compte. Quand Twitter « bloque » des messages qui n’ont rien d’infamant alors qu’ils laissent passer des tombereaux d’horreurs.

Twitter s’engage pour « un internet plus sûr »

Dans cette procédure, les associations plaignantes s’appuyaient notamment sur plusieurs « testings » conduits en 2020 et 2021. En mai 2021, une série de signalements menés avait montré que « seuls 28 des 70 tweets haineux notifiés [avaient] été retirés par Twitter au bout de quarante-huit heures », alors que la loi française impose aux grandes plateformes de supprimer rapidement les contenus problématiques.

Dans un communiqué cité par Le Monde, Twitter explique désormais qu’il « étudie la décision qui a été rendue par la cour d’appel de Paris. » « Notre priorité absolue est d’assurer la sécurité des personnes utilisant notre plateforme. Nous nous engageons à construire un internet plus sûr, à lutter contre la haine en ligne et à améliorer la sérénité de la conversation publique. »

Dans un communiqué commun, les plaignants se sont félicités de la décision du tribunal. « Face à la propagation de la haine sur les réseaux sociaux, aux nombreuses actions engagées, la responsabilité de la plateforme est désormais claire. »

newsid:480174

Avocats/Honoraires

[Brèves] Le courrier de l’avocat à l’administration fiscale permet au client d’éviter une perte de 285 537 euros : le montant de l’honoraire de résultat de 10 % est-il exagéré ?

Réf. : Cass. civ. 2, 20 janvier 2022, n° 20-17.563, F-B N° Lexbase : A79537IE

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N0170BZC

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par Marie Le Guerroué

Le 26 Janvier 2022

► Justifie légalement sa décision, au regard des dispositions de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre N° Lexbase : L6343AGZ, le premier président d'une cour d'appel qui, ayant constaté qu'une convention d'honoraires avait été librement conclue entre un client et son avocat, lequel avait permis à son client, par une défense diligente et appropriée, d'éviter la perte d'une somme importante, a souverainement estimé que l'honoraire complémentaire de résultat convenu ne présentait pas un caractère exagéré au regard du service rendu.

Faits et procédure. Un client avait conclu avec une société d'avocat, à laquelle il avait confié la défense de ses intérêts dans un litige l'opposant à l'administration fiscale et portant sur la somme de 289 012 euros d'impôts supplémentaires, une convention d'honoraires prévoyant des honoraires de diligences et des honoraires de résultat sur le montant des pertes évitées. Contestant les honoraires de résultat réclamés par l'avocat pour un montant de 34 264, 44 euros toutes taxes comprises après la décision du 20 novembre 2015 prise par la direction générale des finances publiques (DGFIP), réduisant à la somme de 3 475 euros la rectification d'impôts initiale, il avait saisi le Bâtonnier de l'Ordre des avocats afin de contester ces honoraires. Le client fait grief à l'ordonnance rendue par la cour d’appel de Paris de fixer à la somme de 32 553,70 euros hors taxes le montant des honoraires dus à l'avocat et de dire qu'il lui versera, à titre de solde de ses honoraires, après déduction du versement de 4 000 euros HT déjà effectué, la somme de 28 553,70 euros majorée de la TVA au taux de 20 %, outre intérêts.

Ordonnance. Pour fixer l'honoraire à cette somme, l'ordonnance relève qu'à l'issue du rendez-vous du 13 novembre 2015, l'avocat a fait parvenir le 16 novembre suivant à l'administration fiscale une lettre recommandée avec avis de réception de deux pages, contestant formellement l'imposition des cessions de valeurs mobilières réalisées par le client et sollicitant l'imposition des seules plus-values de celles-ci, que, par lettre du 20 novembre 2015, la DGFIP a accepté de diminuer de 289 012 euros à 3 475 euros l'imposition opérée sur les plus-values de 5 821 euros, comme l'avait demandé l'avocat et que le client avait félicité ce dernier du résultat obtenu. La décision retient que, dès lors qu'il est établi par les pièces produites que l'avocat a évité à une perte de 285 537 euros en exécutant la mission qu'il lui avait confiée dans la convention, qu'il avait signée en toute connaissance de cause, il apparaît que l'honoraire complémentaire de résultat fixé à 10 % de la perte évitée ne présente pas un caractère exagéré.

Réponse de la Cour. Pour la Cour, en l'état de ces constatations et énonciations, dont il ressort que la convention d'honoraires avait été librement conclue et que l'avocat avait permis à son client, par une défense diligente et appropriée, d'éviter la perte d'une somme importante, le premier président, qui n'était pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et n'avait pas à effectuer d'autres recherches, a souverainement estimé, aux termes d'une décision motivée, que l'honoraire complémentaire de résultat convenu ne présentait pas un caractère exagéré au regard du service rendu. Le moyen n'est, dès lors, selon la Cour, pas fondé. Elle rejette le pourvoi.

newsid:480170

Avocats/Statut social et fiscal

[Brèves] Avocat collaborateur salarié : pas de convention de forfait de salaire sans fixation du nombre d’heures supplémentaires

Réf. : Cass. soc., 12 janvier 2022, n° 15-24.989, F-D N° Lexbase : A52737I7

Lecture: 2 min

N0115BZB

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par Lisa Poinsot

Le 28 Janvier 2022

La seule fixation d'une rémunération forfaitaire, sans que ne soit déterminé le nombre d'heures supplémentaires inclus dans cette rémunération, ne permet pas de caractériser une convention de forfait.

Faits et procédure. Engagée en qualité d’avocate collaboratrice salariée par contrat à durée indéterminée le 17 octobre 2011, une salariée prend acte de la rupture de son contrat le 21 mai 2014.

La cour d’appel (CA Douai, 18 mai 2015, n° 14/06594 N° Lexbase : A3408NI3) retient que la prise d’acte de la rupture produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’employeur forme un pourvoi en cassation. Il reproche à la cour d’appel de le condamner à payer diverses sommes notamment à titre de rappel de salaire, congés payés afférents, ou encore les rémunérations dues jusqu’au terme du contrat, solde de l’indemnité de licenciement compris. Il soutient que les dispositions de la convention collective peuvent permettre de considérer qu’une convention de forfait de salaire a été valablement convenue entre les parties en sorte qu’en considérant celle-ci comme illicite, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 4.1 de la convention collective du 17 février 1995 des cabinets d’avocats (avocats salariés) N° Lexbase : X8195AP9. Relevant que le principe d’une rémunération forfaitaire a été posé par la convention collective et que la rémunération stipulée était supérieure aux minimas conventionnels, l’employeur soutient que la convention de rémunération ne pouvait être écartée.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que le moyen n’est pas fondé. La cour d’appel, qui a constaté que les conventions de forfait de rémunération ne précisaient pas le nombre d'heures supplémentaires inclus dans la rémunération, en a exactement déduit que les parties ne pouvaient avoir valablement conclu une telle convention.

Pour aller plus loin :

  • v. également Cass. soc., 14 décembre 2016, n° 15-22.144, F-D N° Lexbase : A2087SXL et Cass. soc. 15 décembre 2021, n° 15-24.990, FS-B N° Lexbase : A17487GT, M. Le Guerroué, Avocat - salarié : attention il faut préciser le nombre d'heures supplémentaires inclus dans la rémunération forfaitaire !, Lexbase Avocats, janvier 2022 N° Lexbase : N9847BYD ;
  • lire aussi M. Le Guerroué, Veille Avocat - Toute l'actualité de la profession (décembre 2021), Lexbase Avocats, janvier 2022 N° Lexbase : N9976BY7.

newsid:480115

Droits d'enregistrement

[Brèves] Nouvelle proposition de loi sur l’impopulaire fiscalité des successions

Réf. : Proposition de loi n° 4886, visant à alléger les frais applicables aux successions et aux donations [en ligne]

Lecture: 2 min

N0098BZN

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par Marie-Claire Sgarra

Le 25 Janvier 2022

Des parlementaires ont déposé un projet de loi visant à alléger les frais applicables aux successions et donations.

C’est un sujet qui fait et fera débat pendant cette campagne présidentielle. Et pour cause, la fiscalité autour des successions est très impopulaire auprès des Français, considérée bien souvent comme injuste et trop importante.

La France reste parmi les premiers pays qui taxent le plus les successions et les donations. En 2019, l’OCDE relevait que les recettes tirées des impôts sur les successions et donations représentaient en France 1,4 % du total des recettes fiscales.

La proposition de loi se découpe comme suit :

📌 L’article 1er prévoit l’exonération des droits de succession de la résidence principale au premier décès et insère dans le CGI un article 793‑0 bis ainsi rédigé : « Est exonéré de droits de mutation à titre gratuit l’immeuble constituant au jour du décès la résidence principale du défunt lorsque, à la même date, cet immeuble est occupé à titre de résidence principale par le conjoint survivant, par le partenaire lié au défunt par un pacte civil de solidarité ou par un ou plusieurs enfants mineurs ou majeurs protégés du défunt, de son conjoint, ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité. ».

Pour rappel, au premier décès dans un couple, la résidence principale entre dans l’assiette des droits de succession et bénéficie d’un abattement de 20 % (CGI, art. 764 bis N° Lexbase : L8133HLS). Les héritiers autres que le conjoint survivant doivent régler des droits de succession sur un bien dont ils ne peuvent disposer. En effet, dans la majorité des cas, le conjoint survivant opte pour la totalité en usufruit, ce qui lui permet de continuer d’habiter dans ce bien. Dans de nombreuses situations, la résidence principale est l’élément principal du patrimoine du défunt.

📌 L’article 2 prévoit d’augmenter certains abattements et de réduire le délai de rappel fiscal des donations.

Pour rappel, les parents peuvent transmettre à leurs enfants (donation ou succession) jusqu’à 100 000 euros en franchise d’impôt, tandis que pour les transmissions faites par les grands‑parents, l’abattement ne doit pas dépasser 31 865 euros. L’article 2 propose de ramener cet abattement au profit des petits‑enfants à 100 000 euros. De plus, il prévoit de réduire de 15 ans à 6 ans le délai de rappel fiscal des donations.

📌 L’article 3 prévoit d’augmenter de porter le plafond de dons d’argent à 100 000 euros tous les 6 ans.

Pour rappel, il existe le don de sommes d’argent qui permet de transmettre jusqu’à 31 865 euros tous les 15 ans à des membres de sa famille. Cette exonération se cumule avec les abattements prévus pour les droits de transmission.

newsid:480098

Entreprises en difficulté

[Brèves] Interdiction de gérer : précisions sur l’omission volontaire de la déclaration de la cessation des paiements dans les 45 jours

Réf. : Cass. com., 12 janvier 2022, n° 20-21.427, F-B N° Lexbase : A01977I7

Lecture: 5 min

N0107BZY

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par Vincent Téchené

Le 25 Janvier 2022

► Le dirigeant qui demande l'ouverture d'une procédure collective alors qu'il se trouve dans l'impossibilité de payer la part patronale des cotisations sociales depuis plus d'un an, la TVA depuis plusieurs mois et les salaires depuis quatre mois a sciemment tardé à déclarer la cessation des paiements, quand bien même il n'en aurait pas eu conscience à la date à laquelle la cessation des paiements a été fixée par le juge.

Faits et procédure. Une société a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 6 avril 2016 et 11 mai 2016, la date de cessation des paiements étant fixée au 1er janvier 2016. La date de cessation des paiements a été reportée au 6 octobre 2014. Le liquidateur a demandé que soit prononcée contre le gérant une mesure d'interdiction de gérer.

L’arrêt d’appel (CA Bordeaux, 11 mars 2020, n° 19/05667 N° Lexbase : A39113IP) ayant condamné le gérant à une interdiction de gérer d'une durée de sept ans, celui-ci a formé un pourvoi en cassation.

Pourvoi. Il soutenait que l'omission de demander l'ouverture d'une procédure collective dans le délai de 45 jours à compter de la date de la cessation des paiements n'est fautive que si le dirigeant a eu conscience de cet état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours à compter de la date judiciairement fixée de cet état. Dès lors, le dirigeant, qui n'a pas eu conscience de l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours à compter de la date de celui-ci, ne peut pas se voir imputer à faute le retard quel qu'il soit, avec lequel il a fait la déclaration passé ce délai. Or, en l'espèce, l'arrêt attaqué relève que le dirigeant n'avait pas conscience de la cessation des paiements dès le 6 octobre 2014, date à laquelle celle-ci a été judiciairement fixée. Ainsi, en constatant que le dirigeant ne pouvait que savoir à compter du premier trimestre 2015 que la société ne pouvait faire face à son passif exigible avec son actif disponible, pour lui imputer à faute le caractère tardif de sa demande d'ouverture d'une procédure, la cour d'appel aurait violé l'article L. 653-8 du Code de commerce N° Lexbase : L2082KG9.

Décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle énonce que s'il résulte de l'arrêt que le gérant n'avait pas conscience de la cessation des paiements au 6 octobre 2014, date à laquelle avait été reportée la date de la cessation des paiements, la cour d'appel retient aussi que, dès le premier semestre 2015, il était impossible de payer la part patronale des cotisations sociales, qu'à partir du dernier trimestre de la même année la TVA n'était pas non plus réglée et que depuis quatre mois avant l'ouverture de la procédure collective, le paiement des salaires n'était plus assuré. Elle a donc a pu déduire qu'en attendant le 23 mars 2016, date mentionnée par le jugement confirmé, pour demander l'ouverture d'une procédure collective, le gérant avait omis sciemment de déclarer la cessation des paiements dans le délai de quarante-cinq jours prévu par l'article L. 653-8, alinéa 3, du Code de commerce.

Observations. On rappellera que sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, l'omission de déclarer dans les délais son état de cessation des paiements pouvait être sanctionnée par la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer. Désormais, seule cette dernière sanction peut être prononcée.

Par ailleurs, la loi « Macron » de 2015 (loi n° 2015-990 du 6 août 2015 N° Lexbase : L4876KEC) a limité la sanction au cas de mauvaise foi du débiteur. Ainsi, par l’ajout de l’adverbe « sciemment », la sanction de l’interdiction de gérer ne peut plus frapper le débiteur ou le dirigeant simplement négligent. La Cour de cassation a précisé que cette loi ayant modifié, dans un sens moins sévère, les conditions de la sanction, elle doit être appliquée à une situation antérieure au 8 août 2015 (Cass. com., 24 mai 2018, n° 17-18.918, F-P+B+I N° Lexbase : A1513XPQ – Cass. com., 17 juin 2020, n° 19-10.341, F-P+B N° Lexbase : A08093PN ; B. Saintourens, Lexbase Affaires, juillet 2020, n° 641 N° Lexbase : N3952BYZ).

Au demeurant, en l’état de la dernière jurisprudence, la preuve de la connaissance directe et personnelle de la situation financière de la société ne semblait déjà plus nécessaire (Cass. com., 17 juin 2020, n° 19-10.341, F-P+B, préc.). La Cour de cassation paraît en effet accepter de prendre en compte l’attitude d’un dirigeant normalement avisé qui, compte tenu de certaines circonstances (des faits), « ne pouvait ignorer que la société se trouve en état de cessation des paiements ». L’arrêt rapporté du 12 janvier 2022 vient confirmer cette impression. Comme un auteur l’avait alors relevé, cette jurisprudence conduit à devoir prendre en compte ce que devrait être l’attitude d’un dirigeant normalement avisé qui, confronté à certaines circonstances (ex. impossibilité de s’acquitter des charges récurrentes liées au fonctionnement de l’entreprise), ne pourrait pas ignorer que la société se trouve en état de cessation des paiements (B. Saintourens, Lexbase Affaires, préc.).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les règles spécifiques à l'interdiction de gérer, L'omission de déclarer la cessation des paiements dans les quarante-cinq jours, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E4103EXA.

 

newsid:480107

Fonction publique

[Brèves] Contrôle normal du juge de l'excès de pouvoir sur l’inaptitude définitive d'un fonctionnaire

Réf. : CE, 3° et 8° ch.-r., 29 décembre 2021, n° 437489, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A36257HQ

Lecture: 3 min

N0131BZU

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par Yann Le Foll

Le 25 Janvier 2022

► Le juge administratif exerce un contrôle normal sur l'appréciation portée par l'autorité administrative sur l'inaptitude définitive d'un fonctionnaire.

Principe. Il résulte des dispositions des articles 30, 31 et 39 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003, relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) N° Lexbase : L0974G8L, que lorsqu'un fonctionnaire territorial, ayant épuisé ses droits aux congés de maladie, de longue maladie et de longue durée, se trouve définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, il est admis à la retraite, soit d'office, soit à sa demande, après avis de la commission de réforme et que l'autorité territoriale doit, préalablement à la mise à la retraite, obtenir un avis conforme de la CNRACL.

La légalité de la décision qu'il appartient à l'autorité territoriale de prendre en vue du placement d'office d'un fonctionnaire à la retraite par anticipation, pour les motifs et, lorsqu'elles sont réunies, dans les conditions déterminées par ces dispositions, s'apprécie au regard de l'ensemble des pièces et renseignements propres à établir la réalité de la situation effective de santé de ce fonctionnaire au jour de cette décision, y compris au regard de ceux de ces renseignements ou pièces qui n'auraient pas été communiqués à l'autorité territoriale préalablement à sa décision ou qui auraient été établis ou analysés postérieurement à celle-ci, dès lors qu'ils éclairent cette situation.

Le juge administratif exerce un contrôle normal sur l'appréciation portée par l'autorité territoriale sur l'inaptitude définitive d'un fonctionnaire.

Application. Dès lors que le rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif ainsi que les pièces et renseignements médicaux sur lesquels il s'est fondé pour l'établir étaient propres à établir la réalité de l'état de santé de l’agent, c'est sans commettre d'erreur de droit que la cour administrative d'appel de Nantes (CAA Nantes, 8 novembre 2019, n° 17NT03809  N° Lexbase : A98973B8) a jugé, sur le fondement des constatations non contredites résultant de ces rapport, pièces et renseignements, par un arrêt qui est suffisamment motivé, que le maire avait commis une erreur d'appréciation en estimant que l’intéressé présentait, au 18 janvier 2016, une inaptitude définitive et absolue à l'exercice de ses fonctions.

Conclusions. Le rapporteur public Laurent Cytermann justifie ainsi sa position : « Le contrôle normal nous paraît pleinement justifié en la matière car à la différence de l’appréciation portée sur la valeur professionnelle d’un stagiaire, l’administration ne jouit d’aucun pouvoir discrétionnaire quand elle se prononce sur l’aptitude physique d’un agent : il s’agit d’une donnée extérieure qui s’impose à elle ».

Pour aller plus loin : 

  • v. ÉTUDE : La fin de carrière, Le fonctionnaire n’ayant pas atteint la limite d’âge, in Droit de la fonction publique, (dir. P. Tifine), Lexbase N° Lexbase : E43883MH.

newsid:480131

Procédure civile

[Brèves] Illustration de l’application dans le temps des dispositions relatives à l’exécution provisoire

Réf. : Cass. civ. 2, 13 janvier 2022, n° 20-17.344, F-B N° Lexbase : A14887IX

Lecture: 3 min

N0162BZZ

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 27 Janvier 2022

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 13 janvier 2022, vient préciser que selon l'article 55, II, du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 N° Lexbase : L8421LT3, les dispositions de l'article 3 du décret précité relatives à l'instauration du principe de l'exécution provisoire de droit s'appliquent aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020 ; en conséquence, il convient de prendre en considération la date de l’introduction de l’instance en première instance, et non la date à laquelle est saisi le premier président de la cour d’appel aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire.

Faits et procédure. Dans cette affaire, des locaux appartenant à une SCI ont été donnés à bail à une SARL. Cette dernière l’a assignée devant le tribunal judiciaire dans le but de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire, prononcer son expulsion et la faire condamner au paiement de diverses sommes. Ses demandes ont été partiellement accueillies par le tribunal qui a ordonné l’exécution provisoire. La SARL a assigné la SCI devant le premier président aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire.

Le pourvoi. La SARL fait grief à l’ordonnance rendue par un premier président (CA Nîmes, 30 janvier 2020, n° 17/04429 N° Lexbase : A69183QB), d’avoir prononcé l’irrecevabilité de la demande sa demande. L’intéressée énonce que les dispositions issues du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, et plus précisément l'article 514-3 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9082LTK, ne sont applicables qu'aux instances introduites devant les juridictions de premier degré à compter du 1er janvier 2020. Que dans le cas d’espèce, le tribunal judiciaire avait été saisi en novembre 2016, et qu’en conséquence, le premier président de la cour d'appel ne pouvait pas faire application de la fin de non-recevoir déduite par l'article 514-3, alinéa 2, du Code de procédure civile, en sa rédaction résultant du décret précité, l'exécution provisoire n'ayant pas été discutée en première instance.

En l’espèce, le premier président pour déclarer irrecevable la demande d’arrêt de l’exécution provisoire a retenu le jugement avait été rendu le 11 février 2020, dès lors, il y avait lieu d’appliquer les dispositions du décret précité. Par ailleurs, que le premier président ne pouvait être saisi que s'il y avait un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision et si l'exécution risquait d'entraîner des conséquences manifestement excessives, mais que celles-ci ne peuvent être invoquées par la partie, qui n'a pas fait d'observation sur l'exécution en première instance, que si elles surviennent postérieurement à la décision. Enfin, elle relève que la SARL, n’avait pas présenté d'observation, en première instance, sur l'exécution provisoire sollicitée par la SCI.

Solution. Énonçant la solution précitée, la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel, et casse et annule en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le premier président. Les Hauts magistrats énoncent qu’en statuant sur le fondement de l’article 514-3 du Code procédure civile dans sa rédaction postérieure au décret du 11 décembre 2019, le premier président, en refusant d’examiner le fond de la demande dont il était saisi en application du texte réglementaire rétroactif avait excédé ses pouvoirs.

newsid:480162

Santé publique

[Brèves] Suspension provisoire de l’interdiction de vendre des produits dérivés du CBD

Réf. : CE référé, 24 janvier 2022, n° 460055 N° Lexbase : A22497KI

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par Yann Le Foll

Le 25 Janvier 2022

► Est suspendue à titre provisoire l’interdiction de commercialiser à l’état brut des fleurs et feuilles de certaines variétés de cannabis, alors même que leur teneur en THC est inférieure à 0,3 %. 

Rappel. L’article R. 5132-86 du Code de la santé publique N° Lexbase : L9825IWS interdit la production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi du cannabis (plante, résine et produits dérivés).

Mais ce même article prévoit que peuvent être autorisées « la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale de variétés de cannabis dépourvues de propriétés stupéfiantes », ce qu’a permis un arrêté ministériel du 30 décembre 2021 N° Lexbase : L3094MAT lorsque la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) n'est pas supérieure à 0,3 %, tout en interdisant la vente aux consommateurs des fleurs et des feuilles à l’état brut de ces mêmes variétés présentant également ce même taux.

Position CE. Examinant la demande de suspension en urgence de cette interdiction, la Haute juridiction estime qu’il n’apparaît pas, au terme de l’instruction contradictoire et des échanges qui ont eu lieu lors de l’audience publique, que les fleurs et feuilles de cannabis sativa L. dont la teneur en THC est inférieure à 0,3 % présenteraient un degré de nocivité pour la santé justifiant une mesure d’interdiction totale et absolue : ce seuil est précisément celui retenu par l’arrêté contesté lui-même pour caractériser les plantes de cannabis autorisées à la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle. 

Décision. En attendant que le Conseil d’État se prononce définitivement au fond sur la légalité de l’arrêté contesté, le juge des référés suspend à titre provisoire l’interdiction contestée.

Pour rappel, la Cour de cassation avait jugé que l’interdiction, même provisoire, de la commercialisation de produits contenant du CBD (cannabidiol, molécule non-psychotrope du cannabis) ne peut être ordonnée en l’absence de preuve que les produits en cause entrent dans la catégorie des produits stupéfiants (Cass. crim., 15 juin 2021, n° 18-86.932, F-D N° Lexbase : A09344WI).

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Voies d'exécution

[Brèves] Saisie de fonds ayant été gelés suivant une résolution de l’ONU : le droit de propriété de l’État irakien doit être caractérisé

Réf. : Cass. civ. 1, 12 janvier 2022, n° 20-17.116, FS-D N° Lexbase : A52747I8

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par Lalaina Chuk Hen Shun, Docteur en droit

Le 25 Janvier 2022

► Dans le cadre d’une saisie conservatoire à son encontre, est impropre à caractériser le droit de propriété de l’État irakien sur les fonds d'une société, le défaut de contestation par cette dernière de son inscription sur la liste des personnes dont les actifs sont gelés en vertu de la résolution du conseil de sécurité de l’ONU relative à l’ancien régime irakien.

Faits et procédures. Par deux sentences arbitrales des 9 février 1996 et 22 mars 2003, l’État irakien a été condamné à payer à une société néerlandaise certaines sommes. Les sentences reçoivent l’exequatur par ordonnance du 20 mars 2013 du président du tribunal de grande instance de Paris.

En exécution de ces titres, le 20 janvier 2014, la société néerlandaise a fait pratiquer entre les mains d’une banque une saisie conservatoire à l’encontre de l’État irakien. La saisie vise deux sociétés irakiennes définies par l’acte comme étant des entités « dont les fonds appartiennent à l'Irak en vertu de la résolution de l'ONU ».

Aux fins de prononcer la nullité et la mainlevée de la saisie, l’État irakien et les sociétés irakiennes la contestent devant le juge de l’exécution de Nanterre qui les déboute (TGI Nanterre, 15 mai 2018, n° 15/01673). Le débat, se poursuivant devant la cour d’appel de Paris, concerne la titularité et la saisissabilité des avoirs et comptes litigieux (CA Versailles, 20 février 2020, n° 18/04333 N° Lexbase : A15163GA).

La cour d'appel constate que les sociétés, dont les actifs ont été saisis, ont été listées par le Conseil de sécurité de l’ONU en tant qu’entités proches du régime irakien dont il convient de geler les actifs en application de la Résolution 1483 (2003) du Conseil, transposée par l'Union européenne à travers le Règlement 1210/2003 N° Lexbase : L9429BHP. Selon la Résolution 1956 (2010) du Conseil de sécurité, les fonds gelés, qui devaient initialement être transférés au « Fonds de Développement pour l’Irak », devront l’être à des mécanismes successeurs, en l’occurrence l’État irakien. Par ailleurs, la cour se fonde sur l’article 18 du Règlement 2010/2003 N° Lexbase : L5864DLR pour constater que l’interdiction de saisie des biens gelés, prescrite par l'article 10 du même Règlement, était limitée dans le temps au 30 juin 2011, soit antérieurement à la saisie en cause.

Sur ces considérations, selon la cour d’appel, les sociétés n’étant que des écrans, les richesses économiques gelées sont celles de l'État d'Irak et sont saisissables.

Pourvoi. Outre l’une des sociétés irakiennes qui a été déchue de son pourvoi pour ne pas avoir signifié son mémoire en demande, la République d’Irak et l’autre société irakienne forment pourvoi en faisant grief à l’arrêt d’appel de rejeter leurs demandes d’annulation de la saisie alors que les biens en cause n’étaient pas la propriété de l’État irakien, le débiteur. Par ailleurs, ils soutiennent que la cour d’appel a qualifié la société d' « émanation de l’État irakien » sur des motifs qui n’étaient pas soutenus par l’appelé.

Réponses de la Cour. La première chambre civile abonde dans le sens des demandeurs au pourvoi en considérant, d’abord, que la cour s’est déterminée par un motif impropre à caractériser le droit de la propriété de l’État irakien sur les actifs litigieux à la date de la saisie. Ensuite, les Hauts magistrats censurent la cour d’appel qui, en retenant un motif qui n’était pas dans le débat, a modifié l’objet du litige.

Solution. La Cour de cassation casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt de la cour d’appel.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les mesures conservatoires, Les biens objets de la saisie conservatoire, in Voies d'exécution, (dir. N. Fricéro et G. Payan), Lexbase N° Lexbase : E9755E8S .

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