Le Quotidien du 13 janvier 2022

Le Quotidien

Avocats

[Brèves] Annulation d'un constat d’achat réalisé par l’élève-avocate du cabinet

Réf. : CA Douai, 16 décembre 2021, n° 19/05826 (N° Lexbase : A95867G7)

Lecture: 2 min

N9864BYY

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par Marie Le Guerroué

Le 12 Janvier 2022

► Le constat d'achat réalisé par l’élève-avocate d'un cabinet, personne non indépendante de la partie requérante, doit être annulé.

Faits et procédure. Une société de cartonnage prétendait qu’une autre société avait proposé à la vente des emballages qui reproduiraient les caractéristiques de ses emballages. Elle reprochait aux premiers juges de l'avoir déboutée de ses demandes notamment en concurrence déloyale. Elle soutient avoir développé un savoir-faire propre dans la conception, la fabrication et la distribution de ces emballages auprès d'établissements de santé et de collecteurs de déchets. Devant la cour d’appel de Douai, la société intimée forme elle-même une demande reconventionnelle à l'encontre de la société appelante dont les cartons objet d'un procès-verbal d'huissier qui se déchirent ne répondraient pas aux normes ADR et NFX 30-507. Se prévalant d'un constat d'achat de deux lots de dix emballages de la société appelante, sur un site internet établi par un huissier de justice ainsi que d'un rapport d'essai d’un laboratoire, la société intimée reproche à la société appelante des actes de concurrence déloyale commis à son encontre et consistant à ne pas avoir respecté les normes précitées.

Réponse de la cour. Pour la cour, il résulte du procès-verbal de l'huissier instrumentaire que la personne qui a procédé à l'achat de cartons est une élève-avocate du cabinet d’avocat de la société requérante, laquelle n'a pas fait état de cette qualité lors de l'achat, mais a au contraire, fait état de l'adresse d'une société de gestion immobilière ainsi que d'une adresse Gmail personnelle et non pas des coordonnées du cabinet étant ajouté que l'huissier constatant ne mentionne pas plus la qualité de l’élève-avocate. Il en résulte que le constat d'achat n'a pas été réalisé par une personne indépendante de la partie requérante et doit être annulé, de même que les actes subséquents.

Rejet. Faute de démonstration d'un quelconque manquement du produit de la société appelante, la demande reconventionnelle en concurrence déloyale de la société Vaillant est rejetée.

 

newsid:479864

Bancaire

[Brèves] Précisions sur la prescription applicable au devoir de mise en garde

Réf. : Cass. civ. 1, 5 janvier 2022, n° 20-18.893, FS-B (N° Lexbase : A42197HQ)

Lecture: 6 min

N0003BZ7

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par Jérôme Lasserre Capdeville

Le 12 Janvier 2022

► Il résulte de l'article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC) que l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l’encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l’existence et les conséquences éventuelles d’un tel manquement.

Le devoir de mise en garde à la charge du banquier dispensateur de crédit doit être vu comme l’obligation pour le prêteur d’alerter son cocontractant sur les risques d’endettement excessif de l’opération envisagée. Ce principe, dégagé de longue date par la jurisprudence (Cass. civ. 1, 12 juillet 2005, n° 03-10.921, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A9140DID), donne régulièrement lieu à des précisions jurisprudentielles. Tel est le cas dans la décision sélectionnée.

Faits et procédure. Le 14 janvier 2013, une banque a consenti à M. et Mme F. un prêt professionnel destiné au rachat d'une licence de taxi. Des échéances étant demeurées impayées à compter du 25 octobre 2015 et M. F. ayant été placé en redressement judiciaire le 11 avril 2016, la banque a, le 3 juin 2016, assigné Mme F. en paiement. En appel, celle-ci a sollicité, par conclusions du 8 février 2018, des dommages-intérêts au titre d’un manquement de la banque à son devoir de mise en garde.

Or, la cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 20 juin 2019, n° 17/07295 N° Lexbase : A9670ZEU) a, par une décision du 20 juin 2019, déclaré une telle demande de dommages-intérêts irrecevable, car prescrite. Mme F. a alors formé un pourvoi en cassation.

Pourvoi. Selon l’un de ses moyens, le dommage résultant du manquement d’une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d’endettement excessif né de l'octroi d'un prêt consiste en la perte d’une chance d’éviter le risque qui s’est réalisé, ce risque étant que l’emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt. En conséquence, le délai de prescription de l’action en indemnisation d’un tel dommage commence à courir, non à la date de conclusion du contrat de prêt, mais à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l’emprunteur n’est pas en mesure de faire face. Dès lors, en retenant, au contraire, que le dommage résultant d’un manquement à l'obligation de mise en garde se manifesterait dès l’octroi du crédit, pour en déduire qu’en l’espèce le délai de prescription de cinq ans aurait commencé à courir dès la date de souscription du contrat, le 14 janvier 2013, et qu'il aurait déjà été « acquis » lorsque l’exposante avait formé sa demande de dommages-intérêts pour la première fois le 8 février 2018, la cour d’appel aurait violé l’article 2224 du Code civil.

Décision. La Cour de cassation donne raison à ce moyen.

Selon elle, il résulte de l’article 2224 du Code civil que l’action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l’encontre du prêteur au titre d’un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l’emprunteur d’appréhender l’existence et les conséquences éventuelles d’un tel manquement.

Or, pour déclarer prescrite la demande de dommages-intérêts, la cour d’appel énonçait que le délai de prescription court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance, que le dommage résultant d'un manquement au devoir de mise en garde se manifeste dès l'octroi du crédit, que le délai de prescription avait commencé à courir dès la date de souscription du contrat, le 14 janvier 2013, et que la demande avait été formulée pour la première fois le 8 février 2018.

Dès lors, en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l’article 2224 précité. La cassation est ainsi prononcée.

Observations. Cette solution ne saurait surprendre. Certes, il y a quelques années plusieurs décisions remarquées de la Chambre commerciale étaient venues dire que, dans la mesure où ce délai court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, il doit, en matière de manquement par un banquier à son obligation de mise en garde, commencer à courir à compter du dommage, c’est-à-dire la perte de chance de l'emprunteur de ne pas contracter, qui se manifeste dès l'octroi des crédits (Cass. com., 26 janv. 2010, n° 08-18.354, FS-P+B N° Lexbase : A6026ERM – Cass. com., 3 décembre 2013, n° 12-26.934, F-D N° Lexbase : A8322KQB). Le point de départ était donc, pour cette jurisprudence, la date de la convention.

Cependant, par une décision du 22 janvier 2020, la Chambre commerciale a opéré un revirement sur cette question, puisqu’elle y déclare que le délai de prescription de l’action en indemnisation du dommage résultant d’un manquement au devoir de mise en garde débute, non pas à la date de conclusion du contrat de prêt, mais à la date d’exigibilité des sommes au paiement desquelles l’emprunteur n’est pas en mesure de faire face (Cass. com., 22 janvier 2020, n° 17-20.819, F-D N° Lexbase : A59293CL). Cette solution a été réitérée par cette même chambre (Cass. com., 8 avril 2021, n° 19-12.693, F-D N° Lexbase : A12194PT).

L’arrêt sélectionné démontre qu’elle est logiquement partagée par la première chambre civile de la Cour de cassation (v. également, Cass. civ. 1, 5 janvier 2022, n° 20-17.325, FS-B N° Lexbase : A42127HH ; V. Téchené Lexbase Affaires, janvier 2022, n° 701 N° Lexbase : N9989BYM).

On ne peut alors que saluer cette convergence de jurisprudences. Il en va d’autant plus ainsi que la première chambre civile est amenée à se prononcer sur des affaires intéressant les emprunteurs consommateurs. Il aurait été alors étonnant et contestable que sa jurisprudence soit moins favorable aux clients de banque que celle dégagée par la Chambre commerciale qui, elle, s’adresse aux emprunteurs professionnels.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Droit de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit, Contenu du devoir de mise en garde, in Droit bancaire, (dir. J. Lasserre Capdeville), Lexbase (N° Lexbase : E14203PB).

 

newsid:480003

Contrats et obligations

[Brèves] Gare à la convention d’assistance bénévole : l’assistant engage sa responsabilité contractuelle envers l’assisté

Réf. : Cass. civ. 1, 5 janvier, n° 20-20.331, FS-B (N° Lexbase : A42177HN)

Lecture: 2 min

N0042BZL

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 12 Janvier 2022

► En présence d’une convention d’assistance bénévole, l’assistant engage sa responsabilité contractuelle envers l’assisté, s’il commet une faute causant un préjudice à l’assisté.

Faits et procédure. En moins d’un an, ce n’est pas moins de deux arrêts relatifs à la convention d’assistance bénévole et plus précisément à la responsabilité de l’assisté et de l’assistance, lesquels auront tous deux les honneurs de la publication au Bulletin, qui ont été rendus. Alors qu’en mai dernier, la première chambre civile de la Cour de cassation se prononçait sur la question de la responsabilité de l’assistant envers un autre assistant (Cass. civ. 1, 5 mai 2021, n° 19-20.579, F-P N° Lexbase : A96824QN), elle se penche aujourd’hui sur celle de la responsabilité de l’assistant envers l’assisté : le premier engage-t-il sa responsabilité s’il commet une faute causant un dommage au second ? Au cas d’espèce, l’assistant ayant procédé bénévolement à des travaux sur la toiture de la maison de l’assisté et ayant causé, par imprudence, un incendie en utilisant la lampe à souder, engage-t-il sa responsabilité ? Si la cour d’appel ne l’avait pas admis au motif que la responsabilité de l’assistant « s’apprécie au regard de la commune intention des parties qui exclut qu’en présence d’une convention d’assistance bénévole, l’assistant réponde des conséquences d’une simple imprudence ayant causé des dommages aux biens de l’assisté qui était tenu de garantir sa propre sécurité, celle de ses biens et celle de la personne à laquelle il a fait appel » (CA Rouen, 29 juin 2020, n° 18/02744 N° Lexbase : A75043PM), la première chambre civile, dans un arrêt de principe, l’admet sans ambages.

Solution. Au visa de l’ancien article 1147 du Code civil (N° Lexbase : L1248ABT), siège de la responsabilité contractuelle, lequel se trouve aujourd’hui à l’article 1231-1 du Code civil (N° Lexbase : L0613KZQ), elle admet qu’ « en présence d’une convention d’assistance bénévole, toute faute de l’assistant, fût-elle d’imprudence, ayant causé un dommage à l’assisté est susceptible d’engager la responsabilité de l’assistant ». La Cour de cassation complète ainsi le panel des règles découlant de cette « convention », en posant un principe dont les conséquences pratiques ne peuvent être négligées : il est de nature à réfréner l’altruisme. 

newsid:480042

Électoral

[Brèves] Nouveautés réglementaires concernant les procurations

Réf. : Décret n° 2021-1740, du 22 décembre 2021, modifiant les dispositions du Code électoral relatives au vote par procuration et portant diverses modifications du Code électoral (N° Lexbase : L3151MAX)

Lecture: 3 min

N0051BZW

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par Yann Le Foll

Le 12 Janvier 2022

Le décret n° 2021-1740 du 22 décembre 2021 actualise certaines dispositions réglementaires relatives aux procurations et apporte diverses modifications au droit électoral.

Rappel. La loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019, relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique (N° Lexbase : L4571LUT), a supprimé l'obligation pour le mandant et le mandataire d'être inscrits dans la même commune. Cette disposition, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2022, permettra au répertoire électoral unique (REU) de gérer de manière centralisée les demandes de procuration établies au moyen d'un formulaire imprimé ou de la télé-procédure créée par le décret n° 2021-270 du 11 mars 2021 (N° Lexbase : L5442L3X), et de supprimer ainsi le contrôle des procurations effectué par les mairies.

Le décret a donc pour objet d'adapter les dispositions réglementaires relatives à la télé-procédure en tirant les conséquences de l'institution d'un contrôle automatisé des procurations via le REU. En outre, il ouvre l'accès à la télé-procédure aux électeurs établis hors de France, et institue la possibilité de résilier une procuration en ligne (chapitre 1er).

Afin de tenir compte de ces évolutions, le chapitre 2 du décret procède à diverses clarifications des dispositions du Code électoral relatives à l'établissement des procurations : mentions figurant sur la procuration, données à caractère personnel, contenu du registre des procurations, extrait du répertoire électoral unique.

Par ailleurs, le chapitre 3 du décret rend applicables les nouvelles dispositions relatives au vote par procuration à l'élection des députés des Français de l'étranger et aux élections des conseillers et délégués des Français de l'étranger et des délégués consulaires. Il prévoit également des dispositions spécifiques pour adapter l'application de ces nouvelles dispositions à la Nouvelle-Calédonie, dans la mesure où les électeurs néo-calédoniens inscrits dans une commune de Nouvelle-Calédonie ne sont pas enregistrés dans le REU.

Modifications plus générales du Code électoral. Le décret n° 2021-1740 assouplit les spécifications de grammage de papier afin de faciliter les opérations de mise sous pli. Il autorise également les commissions de propagande à se tenir en format dématérialisé et instaure une obligation de mise en ligne de la propagande électorale pour les candidats.

Il institue également une obligation de dépôt d'une profession de foi en langage de type « facile à lire et à comprendre » pour les candidats aux élections régionales et législatives. Par ailleurs, afin de simplifier l'organisation logistique des scrutins, il modifie l'article R. 42 du Code électoral (N° Lexbase : L0774L33) en permettant la mutualisation partielle des membres des bureaux de vote dérogatoire institués pour le vote par correspondance des personnes détenues.

En outre, il autorise les candidats à désigner les assesseurs et les délégués de bureau de vote par courrier électronique. Il prévoit également une fermeture anticipée de la procédure de télé-inscription sur les listes électorales.

newsid:480051

Internet

[Brèves] Diffusion de propos prétendument dénigrants sur internet : compétence juridictionnelle

Réf. : CJUE, 21 décembre 2021, aff. C-251/20, Gtflix Tv (N° Lexbase : A00197H8)

Lecture: 5 min

N0025BZX

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par Vincent Téchené

Le 12 Janvier 2022

► Une personne qui, estimant qu’une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants à son égard sur internet, agit simultanément aux fins, d’une part, de rectification des données et de suppression des contenus mis en ligne la concernant et, d’autre part, de réparation du préjudice qui aurait résulté de cette mise en ligne, peut demander, devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel ces propos sont ou étaient accessibles, la réparation du préjudice qui lui aurait été causé dans l’État membre de la juridiction saisie, bien que ces juridictions ne soient pas compétentes pour connaître de la demande de rectification et de suppression.

Faits et procédure. Une société établie en République tchèque (la requérante) qui produit et diffuse des contenus audiovisuels pour adultes, reprochant à une personne domiciliée en Hongrie, professionnel de ce domaine également, de diffuser des propos dénigrants à son égard sur plusieurs sites internet, l’a assignée devant les juridictions françaises, en demandant, d’une part, la suppression de ces propos et la rectification des données publiées et, d’autre part, la réparation du préjudice subi en raison desdits propos. Tant en première instance qu’en appel, ces juridictions se sont déclarées incompétentes pour connaître de ces demandes. Devant la Cour de cassation, la requérante a demandé l’annulation de l’arrêt prononcé par la cour d’appel, laquelle aurait méconnu la règle de compétence spéciale prévue par l’article 7, point 2, du Règlement n° 1215/2012 (N° Lexbase : L9189IUU) en faveur des juridictions « du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire », en jugeant qu’il ne suffit pas, pour asseoir la compétence de la juridiction saisie, que les propos jugés dénigrants qui ont été publiés sur internet soient accessibles dans le ressort de cette juridiction, mais qu’il faut également qu’ils soient susceptibles d’y causer un préjudice.

Question préjudicielle. La Cour de cassation a décidé d’interroger la CJUE sur le point de savoir si les juridictions françaises sont compétentes pour connaître de la demande indemnitaire pour ce qui est du préjudice qui aurait été causé à la requérante dans le territoire dont ces juridictions relèvent, et ce quand bien même celles-ci ne sont pas compétentes pour connaître de la demande de rectification et de suppression (Cass. civ. 1, 13 mai 2020, n° 18-24.850, FS-P+B+I N° Lexbase : A05863MN ; V. Téchené, Lexbase Affaires, mai 2020, n° 636 N° Lexbase : N3453BYK).

Décision. Dans son arrêt, la CJUE, réunie en grande chambre, apporte des précisions sur la détermination des juridictions compétentes pour connaître de l’action en réparation au titre de la matérialisation du dommage sur internet.

Pour statuer comme énoncé ici en en-tête, la Cour rappelle que la règle de compétence spéciale prévue par l’article 7, point 2, du Règlement n° 1215/2012 en faveur des juridictions « du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire » vise à la fois le lieu de l’événement causal et celui de la matérialisation du dommage, chacun des deux lieux étant susceptible, selon les circonstances, de fournir une indication particulièrement utile en ce qui concerne la preuve et l’organisation du procès.

Elle rappelle aussi que, concernant les propos dénigrants, la personne qui s’estime lésée a la faculté de saisir d’une action en responsabilité, soit les juridictions du lieu d’établissement de l’émetteur de ces contenus au titre du lieu de l’événement causal, soit les juridictions de l’État membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts au titre de la matérialisation du dommage. Cette personne peut également, en lieu et place d’une action en responsabilité visant à la réparation de l’intégralité du préjudice causé, introduire son action devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été. Celles-ci sont toutefois compétentes pour connaître du seul préjudice causé sur le territoire de l’État membre de la juridiction saisie.

En conséquence, une personne s’estimant lésée par la mise en ligne de données sur un site internet pourra saisir, aux fins de la rectification de ces données et de la suppression des contenus mis en ligne, les juridictions compétentes pour connaître de l’intégralité d’une demande de réparation du dommage, à savoir soit la juridiction du lieu d’établissement de l’émetteur de ces contenus au titre du lieu de l’événement causal, soit celle dans le ressort de laquelle se trouve le centre des intérêts de cette personne au titre du lieu de la matérialisation du dommage.

À cet égard, la Cour précise qu’une demande de rectification des données et de suppression des contenus mis en ligne ne peut pas être introduite devant une juridiction autre que celle qui est compétente pour connaître de l’intégralité d’une demande de réparation du dommage, au motif qu’une telle demande de rectification et de suppression est une et indivisible. En revanche, une demande ayant trait à la réparation du dommage peut avoir pour objet soit une indemnisation intégrale, soit une indemnisation partielle. Ainsi, il ne serait pas justifié d’exclure, pour ce même motif, la faculté pour le demandeur de porter sa demande d’indemnisation partielle devant toute autre juridiction dans le ressort de laquelle il estime avoir subi un dommage. Par ailleurs, la bonne administration de la justice n’impose pas non plus d’exclure une telle faculté. Enfin, l’attribution, aux juridictions concernées, de la compétence pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre dont elles relèvent n’est subordonnée qu’à la condition que le contenu attentatoire soit accessible ou l’ait été sur ce territoire.

newsid:480025

Procédure pénale

[Brèves] Mandat d’arrêt : appréciation par les juges du fond des conditions de délivrance à l’égard d’une personne incarcérée à l’étranger

Réf. : Cass. crim., 5 janvier 2022, n° 21-82.484, F-B N° Lexbase : A42137HI

Lecture: 6 min

N0057BZ7

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par Adélaïde Léon

Le 26 Janvier 2022

► Le juge d'instruction peut délivrer un mandat d'arrêt à l'encontre d'une personne résidant hors du territoire de la République, mais qui n'est pas en fuite, après avoir apprécié le caractère nécessaire et proportionné de cette mesure de contrainte en fonction des circonstances de l'espèce ; le prévenu incarcéré aux États-Unis doit être considéré comme demeurant à l’étranger ; il appartient dès lors à la cour d’appel qui estime que l’audition par le juge d’instruction de l’intéressé est impossible ou irréalisable dans un délai raisonnable d’apprécier la nécessité et la proportionnalité de la délivrance d’un mandat d’arrêt.

Rappel des faits. Le 6 décembre 2017, un juge d’instruction décerne un mandat d’arrêt à l’encontre d’un individu puis, le 23 juillet 2018, ordonne son renvoi devant le tribunal correctionnel.

Le 24 août 2018, le tribunal correctionnel rend, par défaut, un jugement condamnant l’intéressé à dix ans d’emprisonnement ainsi qu’à des peines complémentaires. Un mandat d’arrêt est décerné à son encontre.

L’intéressé est interpellé par la suite et forme opposition au jugement du 24 août 2018.

Le 16 juin 2020 statuant sur son opposition, le tribunal correctionnel rejette, par jugement contradictoire, l’exception de nullité présentée par le prévenu, condamne ce dernier à neuf ans d’emprisonnement ainsi qu’à des peines complémentaires.

Le prévenu et le ministère public forment appel de cette décision.

En cause d’appel. La chambre correctionnelle a annulé le mandat d’arrêt, l’ordonnance de renvoi et ordonné la mise en liberté du prévenu et le renvoi de la procédure au ministère public, aux fins de saisine de la juridiction d’instruction, sur le fondement de l’article 385 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3791AZG relatif aux nullités de procédure soumises au tribunal correctionnel, notamment lorsqu’il est saisi par renvoi ordonné par le juge d’instruction. La cour d’appel estime que l’alinéa 3 de cet article prévoit que les parties demeurent recevables à soulever des nullités de procédure lorsque l’ordonnance de renvoi a été rendue dans le mépris des conditions de l’article 175 du même code N° Lexbase : L7482LPS.

Or, les juges d’appel notent par ailleurs que, détenu dans une prison américaine, ce dont le magistrat instructeur avait connaissance dès juin 2017, le prévenu ne pouvait être considéré comme en fuite ou résidant à l’étranger. Dès lors, le mandat d’arrêt délivré par le juge d’instruction devait être annulé. La chambre correctionnelle en déduit que le prévenu n’avait pas la qualité de mis en examen, que l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel devait être annulée et la procédure renvoyée au ministère public pour saisine de la juridiction d’instruction aux fins de régularisation.

Le procureur général a formé un pourvoi contre l’arrêt d’appel.

Moyens du pourvoi. Il est fait grief à la cour d’appel de s’être prononcée sur la validité d’un acte de procédure antérieur à l’ordonnance de règlement sans justifier en quoi l’intéressé pouvait se prévaloir des dispositions de l’article 385, alinéa 3, du Code de procédure pénale.

Il est également reproché à la chambre correctionnelle son appréciation des conditions de délivrance du mandat d’arrêt dès lors qu’il est suffisant que cette mesure se révèle nécessaire et proportionnée au regard des circonstances.

Enfin, le pourvoi faisait grief à la cour d’appel de ne pas avoir, comme le prévoient les articles 385, alinéas 2 et 3, et 520 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4414AZI, ordonné le renvoi de l’affaire au fond à une audience ultérieure et statué, dans l’attente, sur le maintien en détention de l’appelant.

Décision. La Cour casse et annule l’arrêt de la chambre correctionnelle au visa de l’article 131 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3479AZU. La Haute juridiction souligne qu’il se déduit de ce texte que le juge d’instruction peut délivrer un mandat d’arrêt à l’encontre d’une personne résidant hors du territoire de la République, mais qui n’est pas en fuite, après avoir apprécié le caractère nécessaire et proportionné de cette mesure de contrainte en fonction des circonstances de l’espèce.

La Cour juge que si la requête en annulation présentée par le prévenu sur le fondement de l’alinéa 3 de l’article 385 du Code de procédure pénale était recevable, la cour d’appel devait considérer que l’intéressé, incarcéré aux États-Unis lors de la délivrance du mandat d’arrêt, demeurait hors du territoire de la République au sens de l’article 131 du même code.

Il appartenait alors à la cour d’appel, si elle estimait que l’audition par le juge d’instruction était impossible ou irréalisable dans un délai raisonnable, d’apprécier la nécessité et la proportionnalité de la délivrance d’un mandat d’arrêt.

S’agissant de la question de la délivrance d’un mandat d’arrêt à l’encontre d’une personne détenue à l’étranger, on rappellera le récent arrêt de la Chambre criminelle selon lequel une personne détenue hors de France doit être considérée comme résident à l’étranger au sens de l’article 131 du Code de procédure pénale (Cass. crim., 11 mai 2021, n° 21-81.148, F-P N° Lexbase : A85744RY).

Pour aller plus loin :

  • N. Catelan, Étude : La clôture de l’instruction, La décision de renvoi, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase N° Lexbase : E85323CY ;
  • L. Heinich et H. Diaz, Étude : Les actes de l’instruction, Les différents mandats, Le mandat d’arrêt, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase N° Lexbase : E87893AR ;
  • L. Heinich et H. Diaz, Étude : Les actes de l’instruction, Les effets des mandats à la clôture de l’instruction, Le mandat d’arrêt, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase N° Lexbase : E87933AW.

newsid:480057

Salariés protégés

[Brèves] Consultation du CSE en cas de licenciement d’un salarié protégé dans les entreprises de moins de 50 salariés

Réf. : CE, 1° et 4° ch.-r., 29 décembre 2021, n° 453069, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A36687HC)

Lecture: 1 min

N0059BZ9

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par Charlotte Moronval

Le 12 Janvier 2022

► Dans les entreprises comptant entre 11 et 49 salariés, le CSE n'a pas à être consulté sur le projet de licenciement d'un membre élu au CSE titulaire ou suppléant ou d'un représentant syndical au CSE ou d'un représentant de proximité, sauf si une telle consultation a été prévue par un accord collectif.

Les textes. Le premier alinéa de l'article L. 2421-3 du Code du travail (N° Lexbase : L7349LRM) dispose que :

« le licenciement envisagé par l'employeur d'un membre élu à la délégation du personnel au CSE titulaire ou suppléant ou d'un représentant syndical au CSE ou d'un représentant de proximité est soumis au CSE, qui donne un avis sur le projet de licenciement dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III ».

Cette section, qui comporte les articles L. 2312-8 à L. 2312-84 du Code du travail, est relative aux attributions du CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés.

L’interprétation du Conseil d’État. Le Conseil d’État considère que par l’effet de ce renvoi, le CSE des entreprises de moins de 50 salariés n’a pas à être consulté sur le projet de licenciement d’un membre du CSE, sauf si une telle consultation est prévue par accord d’entreprise.

Une consultation reste obligatoire dans les entreprises comportant au moins 50 salariés.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : Le licenciement des salariés protégés, L'obligation de consulter le comité social et économique sur le licenciement des salariés protégés, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E9552ESL).

newsid:480059

Vente d'immeubles

[Brèves] Action en rescision pour lésion : rescision ou paiement d’un supplément, le choix doit se faire dans un délai raisonnable !

Réf. : Cass. civ. 3, 5 janvier 2022, n° 20-18.918, FS-B (N° Lexbase : A42207HR)

Lecture: 3 min

N0041BZK

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Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/76659495-edition-du-13012022#article-480041
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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 12 Janvier 2022

► En matière de vente immobilière, l’option prévue par l’article 1681 du Code civil (rescision, laquelle n’est qu’une espèce particulière de nullité relative, ou paiement d’un supplément de prix) doit être exercée soit dans le délai prévu par la décision ayant reconnu la lésion ou, à défaut, dans un délai raisonnable.

Faits et procédure. Les arrêts relatifs à la lésion ne sont légion. En effet, celle-ci n’est qu’exceptionnellement admise par le législateur (ex. : C. civ., art. 1674 N° Lexbase : L1784ABP, en matière de vente immobilière) et rares sont les hypothèses dans lesquelles les conditions de sa reconnaissance sont réunies. Ainsi, l’arrêt rendu par la troisième chambre civile attire l’attention : il donne à la Cour de cassation l’opportunité de se prononcer sur le délai d’exercice de l’option offerte par l’article 1681 du Code civil (N° Lexbase : L1791ABX) relatif à l’action en rescision pour lésion dans la vente immobilière qui dispose que « dans le cas où l’action en rescision est admise, l’acquéreur a le choix ou de rendre la chose en retirant le prix qu’il a payé, ou de garder le fonds en payant le supplément du juste prix, sous la déduction du dixième du prix total ». Si l’option – nullité ou maintien du contrat moyennant le supplément du prix – est prévue par le législateur, le délai pour l’exercer ne fait l’objet d’aucune précision législative. Dès lors, peut-elle être exercée plus de quatre ans après la rescision de la vente, comme cela était le cas dans les faits ayant donné lieu à l’arrêt rendu le 5 janvier 2022 ? La cour d’appel l’avait admis, considérant que l’option avait été exercée dans un délai raisonnable (CA Nîmes, 14 mai 2020).

Solution. Dans un arrêt de principe, la Cour de cassation précise d’abord que « l’exercice de l’option prévue par l’article 1681 du Code civil appartient à l’acquéreur qui en a seul l’initiative et qui doit l’exercer dans le délai prévu par la décision qui a admis la lésion, ou, à défaut, dans un délai raisonnable ». Elle admet ensuite que la cour d’appel avait « souverainement retenu que la manifestation par l’acquéreur de sa volonté de garder l’immeuble n’était pas tardive ». Un principe apparaît qui se caractérise par une faveur envers le maintien du contrat : l’acquéreur est en mesure d’opter pour le paiement du supplément du prix. Cette faveur n’est pas nouvelle (v. déjà en ce sens Cass. civ. 3, 15 octobre 1970, n° 69-11.352 N° Lexbase : A5978CHU), elle est ici réitérée. Elle connaît néanmoins des limites prétoriennes (sur l’ensemble de la question, v. O. Barret et Ph. Brun, Vente : formation – Le prix doit être juste, Rép. civil Dalloz, octobre 2019, n° 632-633), dont l’une, déjà esquissée par le passé (Cass. civ. 1, 11 juin 1956, Bull. civ. I, n° 230), est ici posée en des termes généraux : l’exercice de l’option doit se faire dans le délai fixé par la décision reconnaissant la lésion ou dans un délai raisonnable, lequel est à l’appréciation souveraine des juges du fond.

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