Jurisprudence : Cass. crim., 05-01-2022, n° 21-82.484, F-B, Cassation

Cass. crim., 05-01-2022, n° 21-82.484, F-B, Cassation

A42137HI

Référence

Cass. crim., 05-01-2022, n° 21-82.484, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/76659281-cass-crim-05012022-n-2182484-fb-cassation
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Abstract

Mots clés : instruction • mandat d'arrêt • nullités • résidence • incarcération Par cette décision, la chambre criminelle réaffirme les conditions de délivrance d'un mandat d'arrêt à l'encontre d'un prévenu situé hors du territoire de la République puisqu'incarcérée à l'étranger, et non en fuite, et rappelle, dans le même temps, le mécanisme permettant à cet individu de former une demande en nullité.


N° R 21-82.484 F- B

N° 00022


GM
5 JANVIER 2022


CASSATION


M. SOULARD président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 JANVIER 2022



Le procureur général près la cour d'appel de Papeete a formé un pourvoi contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 30 mars 2021, qui, dans la procédure suivie contre M. [Aa] [F] des chefs d'importation de produits stupéfiants, infractions à la législation sur les stupéfiants, importation en contrebande de marchandises prohibées et association de malfaiteurs, a prononcé sur des nullités de la procédure, renvoyé le ministère public à saisir le juge d'instruction pour régularisation, et ordonné sa mise en liberté.


Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 novembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.



Faits et procédure

1. Le juge d'instruction de Papeete a, dans le cadre d'une information suivie notamment contre M. [Aa] [F] des chefs susvisés, décerné contre l'intéressé, le 6 décembre 2017, un mandat d'arrêt, puis ordonné, le 23 juillet 2018, son renvoi devant le tribunal correctionnel.

2. Par jugement du tribunal correctionnel, en date du 24 août 2018, rendu par défaut, M. [F] a été condamné à dix ans d'emprisonnement ainsi qu'à des peines complémentaires. Un mandat d'arrêt a été décerné à son encontre.

3. Le 26 février 2020, M. [F] a été interpellé par les services de la police aux frontières de l'aéroport de [1]. Il a formé opposition au jugement du 24 août 2018.

4. Le 16 juin 2020, statuant sur son opposition, le tribunal correctionnel, par jugement contradictoire, a rejeté l'exception de nullité présentée par le prévenu, condamné celui-ci à neuf années d'emprisonnement, ainsi qu'à des peines complémentaires.

5. Le prévenu et le ministère public ont formé appel de cette décision.


Examen des moyens

Sur le second moyen

6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen est pris de la violation des articles 131, 134, 175, 385, 520 et 593 du code de procédure pénale🏛.

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé le mandat d'arrêt décerné par le juge d'instruction le 6 décembre 2017 à l'encontre de M. [F] et ordonné le renvoi de la procédure au ministère public aux fins de régularisation, alors :

1°/ qu'il résulte des dispositions de l'article 385, alinéa 1, du code de procédure pénale🏛 que la cour d'appel ne pouvait pas se prononcer sur la validité d'un acte de procédure antérieur à l'ordonnance de règlement, en l'espèce le mandat d'arrêt décerné par le juge d'instruction, et n'a pas plus justifié en quoi l'intéressé pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 385, alinéa 3, du code de procédure pénale🏛 ;

2°/ qu'il n'est pas nécessaire, pour délivrer un mandat d'arrêt, contre une personne résidant hors du territoire de la République, de constater qu'elle serait en fuite, ni même d'ignorer où elle réside, dès lors que cette mesure est nécessaire et proportionnée au regard des circonstances ;

3°/ qu'il résulte des dispositions combinées des articles 385, alinéas 2 et 3, et 520 du code de procédure pénale🏛, que la cour d'appel reste saisie de la cause, après avoir prononcé l'annulation d'une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel et renvoyé la procédure au ministère public aux fins de régularisation ; dés lors, en n'ordonnant pas le renvoi de l'affaire au fond à une audience ultérieure et en ne statuant pas, dans l'attente, sur le maintien en détention de l'appelant dans le cadre d'un débat contradictoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


Réponse de la Cour

Vu l'article 131 du code de procédure pénale🏛 :

9. Il se déduit de ce texte que le juge d'instruction peut délivrer un mandat d'arrêt à l'encontre d'une personne résidant hors du territoire de la République, mais qui n'est pas en fuite, après avoir apprécié le caractère nécessaire et proportionné de cette mesure de contrainte en fonction des circonstances de l'espèce.

10. Pour annuler le mandat d'arrêt décerné à l'encontre de M. [F], l'ordonnance de renvoi le concernant, et pour ordonner la mise en liberté du prévenu et le renvoi de la procédure au ministère public aux fins de saisine de la juridiction d'instruction, sur le fondement des dispositions de l'article 385, alinéa 2, du code de procédure pénale🏛, l'arrêt attaqué énonce que l'article 385, alinéa 3, du même code🏛 dispose que, lorsque l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction a été rendue sans que les conditions de l'article 175 aient été respectées, les parties demeurent recevables à soulever des nullités de la procédure.

11. Les juges relèvent que, dès le 22 juin 2017, le magistrat instructeur avait connaissance que M. [F] était détenu dans une prison américaine et que, si l'article 131 du code de procédure pénale🏛 autorise la délivrance d'un mandat d'arrêt lorsque la personne est en fuite ou réside à l'étranger, il ne peut être considéré ni qu'un détenu est en fuite ni qu'un lieu de détention constitue une résidence, alors que le législateur, dans différents textes, distingue clairement le lieu de résidence et le lieu de détention.


12. Ils ajoutent que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, il convient d'apprécier la validité d'un mandat d'arrêt délivré contre une personne résidant hors du territoire de la République au regard d'une fuite éventuelle mais aussi en appréciant le caractère nécessaire et proportionné de la mesure, et qu'en tout état de cause, même pour une personne domiciliée à l'étranger, il est exigé de caractériser les éléments de nature à constater qu'elle est en fuite ou entend se soustraire aux recherches.

13. La cour d'appel conclut que M. [F] ne pouvant pas être considéré comme résidant aux Etats-Unis et n'étant pas en fuite, le mandat d'arrêt délivré par le magistrat instructeur était irrégulier et doit être annulé. Elle en déduit que M. [F] n'a pas la qualité de personne mise en examen, que l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel doit être annulée et la procédure renvoyée au ministère public pour lui permettre de saisir la juridiction d'instruction aux fins de régularisation.

14. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé, pour les raisons suivantes.

15. Si la requête en annulation présentée sur le fondement de l'article 385, alinéa 3, du code de procédure pénale🏛 était recevable, la cour d'appel devait considérer que le prévenu, incarcéré aux Etats-Unis lors de la délivrance du mandat d'arrêt décerné contre lui, demeurait hors du territoire de la République au sens de l'article 131 susvisé.

16. Il lui appartenait dès lors, si elle estimait que l'audition par le magistrat instructeur de la personne recherchée, demeurant à l'étranger, était impossible ou irréalisable dans un délai raisonnable, d'apprécier la nécessité et la proportionnalité de la délivrance d'un mandat d'arrêt.

17. La cassation est, dès lors, encourue.



PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Papeete, en date du 30 mars 2021, sauf en ses dispositions relatives à la recevabilité des appels ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;


ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Papeete et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq janvier deux mille vingt-deux.

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