Le Quotidien du 10 novembre 2021

Le Quotidien

Actualité judiciaire

[A la une] Affaire des sondages de l’Élysée : « trop longtemps on a considéré le gaspillage et le détournement de l'argent public avec une certaine légèreté »

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par Adélaïde Léon

Le 24 Novembre 2021

► L’audience de ce mardi 9 novembre 2021 était consacrée aux plaidoiries des parties civiles et aux réquisitions du parquet national financier. La critique de la soustraction consciente des prévenus aux règles du Code des marchés publics a constitué le cœur des débats.

L’affaire des sondages est d’abord une affaire de financement de campagne électorale payée par l’argent public

Pour Maître Jérôme Karsenti, avocat de l’association Anticor, cela ne fait pas de doute, « l’affaire des sondages préfigure ce que sera Bygmalion ». Elle raconte aussi une « tranche de l’histoire politico-financière de la France, l’évolution de la pratique du pouvoir ».

Il explique, « on passe à côté de ce dossier si on ne considère pas que cette affaire s’inscrit dans l’histoire du financement des campagnes électorales de la cinquième République ».

Visant directement l’ancien président de la République, Maître Karsenti affirme sans détour « cette affaire dit aussi que sous le mandat de Nicolas Sarkozy, la chose publique devient un peu la chose privée ». Il pointe la pratique « maximisée » des sondages qui raconte une narcissisation de la cinquième République. Un régime qui voit ses pouvoirs concentrés entre les mains d’un seul homme.

Le juge n’est pas le contrôleur du suffrage mais il est le garant de ce que les politiques agissent dans les règles

Cette affaire traduit aussi la métamorphose de la justice politico-judiciaire. Parallèlement à cette transformation, Anticor a vu son image et son statut changer dans ce contentieux. D’abord perçue comme un « amuseur », l’association est aujourd’hui « reçue », elle a « gagné en crédibilité » en même temps qu’a émergé une justice plus indépendante « qui ne peut se satisfaire de l’impunité qu’on lui oppose ». Maître Karsenti précise « Anticor n’est pas un parquet privé, c’est la société civile qui parle du sentiment d’impunité. Nous avons besoin d’une justice égale pour tous qui ne peut avoir de réponses variées ».

Abordant la question de la judiciarisation de la vie politique, Jérôme Karsenti répond à l’argument de la séparation des pouvoirs maintes fois soulevé par Nicolas Sarkozy pour expliquer son silence « la séparation des pouvoirs c’est que chaque pouvoir vient limiter l’abus de l’autre », « la justice est dans son rôle lorsqu’elle vient condamner, lorsqu’elle vient poursuivre ».

L’Élysée échapperait aux règles de la commande publique. Ce haut lieu du pouvoir serait ce haut lieu du non-droit

Troisième et dernier axe de plaidoirie avant d’évoquer les responsabilités et les demandes : l’Élysée n’échappe pas à la règle de droit et aucune prétendue coutume invoquée par la défense ne saurait exonérer la présidence du respect du Code des marchés publics.

Comme pour souligner l’évidence, Maître Karsenti poursuit « les règles de la commande publique servent l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ». L’État, l’Élysée sont soumis à ce cadre et aucun article potentiellement dérogatoire aux règles de la dépense publique ne trouve à s’appliquer en l’espèce.

Nous avons sorti ce dossier des limbes, nous avons un peu fait avancer le droit

Soulignant le combat porté par les associations de lutte contre la corruption, l’avocat d’Anticor explique que l’indemnisation de la partie civile est nécessaire pour lui permettre de continuer à fonctionner. Cette indemnisation « vient réparer le sentiment d’injustice » et elle est également l’indemnisation « des combats à venir ».

S’il y a une martingale dans cette affaire, c’est celle de Patrick Buisson, c’est la sienne, celle qu’il a construite, qui l’a enrichi

C’est au tour de Maître Renaud Le Gunehec de plaider pour l’Agent judiciaire de l’État. Il fustige le contrat signé avec Patrick Buisson et souligne ses aberrations : le prestataire privé a pris la main sur l’acheteur public, c’est un contrat de gré à gré qui n’a pas été négocié par l’acheteur public, il y a une absence totale d’expression et de maîtrise de ses besoins par l’acheteur public, ce contrat passé avec l’État ne stipule pas de prix ni de définition claire des prestations. « On vous impose l’imperium régalien et en même temps on constate l’apparente faiblesse de l’acheteur public ».

Immunité présidentielle, frénésie de la vie de cabinet, singularité des prestations, coutume, l’avocat reprend chaque argument avancé par les prévenus pour le réfuter. Pour Maître Le Gunehec, ce contrat est tout simplement « une expression flagrante et pathologique de ce que peut produire la transgression et le mépris des règles de la commande publique », « les principes ont été ignorés et la puissance publique n’a pas réagi ».

En complément de la réparation du préjudice matériel au titre du détournement de fonds public l’Agent judiciaire de l’État demande l’indemnisation du préjudice moral subi en raison du discrédit porté sur l’Administration. « Les actes pénalement qualifiables de ses fonctionnaires rejaillissent sur l’État ». Or, pour Maître Le Gunehec, Messieurs Giacometti et Buisson, s’ils n’ont pas rejoint le cabinet, n’en sont pas moins intégrés, aux yeux du public, aux services de l’État.

Bien employer l’argent public, ce fut et cela demeure, respecter la loi

Cette journée d’audience s’achève par les réquisitions du parquet national financier (PNF) représenté par les procureurs François-Xavier Dulin et Quentin Dandoy.

Les propos introductifs du PNF ne manquent pas d’interpeller puisque sont rappelés les mots de Nicolas Sarkozy, le 5 novembre 2007, sur le rôle de la Cour des comptes « le contrôle des comptes publics ce n'est pas qu'une exigence technique, c'est d'abord une exigence morale […] Trop longtemps on a considéré le gaspillage et le détournement de l'argent public avec une certaine légèreté ».

Pour le PNF, il est en effet nécessaire « de mettre un terme à certains comportements découlant d’une vision archaïque et dépassée de la gestion des fonds publics ». Il ne fait aucun doute que les contrats ont été volontairement inscrits hors du cadre du Code des marchés publics alors même que les protagonistes ne pouvaient ignorer qu’ils y étaient soumis.

Dans sa démonstration de la caractérisation des différents délits, le PNF ne ménagera pas les prévenus et notamment Patrick Buisson, à l’origine de cette « machine infernale contractuelle qu’il a imaginée » hors les règles avec pour seule logique « la volonté de faire du profit ».

Mais on retiendra encore plus probablement la charge du PNF à l’encontre de Claude Guéant, qualifié de « tout puissant à la manœuvre sur ces contrats et sur leurs conséquences délinquantes ». Celui qui a eu « peu d’empressement » à soutenir la volonté réformatrice d’Emmanuelle Mignon dans une « institution qui fonctionnait sans règle » a révélé « une vraie disposition à adapter son discours aux évènements de la procédure», « une disposition de délinquant chevronné » qui n’étonne guère le parquet compte tenu du casier judiciaire de l’intéressé.

Les réquisitions sur les peines tombent finalement :

  • Monsieur Patrick Buisson, gérant des sociétés PUBLIFACT et PUBLI-OPINION à l’époque des faits : deux ans d’emprisonnement dont douze mois avec sursis, 100 000 euros d’amende, interdiction de gérer pendant cinq ans. Le PNF demande l’exécution provisoire de cette dernière peine ;
  • la société PUBLIFACT, gérée par Patrick Buisson à l’époque des faits : 500 000 euros d’amende ;
  • la société PUBLI-OPINION, gérée par Patrick Buisson à l’époque de la commission des faits : 50 000 euros d’amende ;
  • Monsieur Claude Guéant, secrétaire général de la présidence de la République à l’époque des faits : un an d’emprisonnement dont 6 mois avec sursis, 10 000 euros d’amende ;
  • Madame Emmanuelle Mignon, directrice de cabinet du président de la République à l’époque des faits : 10 000 euros d’amende. Le parquet note que son comportement délinquant s’est inscrit dans une action réformatrice ;
  • Monsieur Julien Vaulpré, conseiller technique opinion au cabinet du président de la République à l’époque des faits : 5 000 euros d’amende ;
  • Monsieur Pierre Giacometti, président de la société Giacometti Peron et Associés à l’époque des faits : 6 mois d’emprisonnement avec sursis, 70 000 euros d’amende ;
  • la société Giacometti Peron et Associés (devenue No Com), gérée par Pierre Giacometti à l’époque des faits : 250 000 euros d’amende ;
  • la société IPSOS France SAS : 500 000 euros d’amende.

Pour aller plus loin :

- V. Vantighem, Affaire des sondages de l’Élysée : cinq anciens proches de Nicolas Sarkozy jugés pour « favoritisme » et « détournement de fonds publics », Lexbase Pénal, octobre 2021 (N° Lexbase : N9128BYQ) ;

- A. Léon, Affaires des sondages de l’Élysée : Nicolas Sarkozy est venu, il a parlé, mais il n’a pas répondu, Quotidien Lexbase, 3 novembre 2011 (N° Lexbase : N9308BYE).

newsid:479368

Emploi

[Brèves] Aide exceptionnelle en faveur de certains demandeurs d'emploi

Réf. : Décret n° 2021-1405, du 29 octobre 2021, instituant une aide financière exceptionnelle en faveur de certains demandeurs d'emploi (N° Lexbase : L7672L8N)

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N9341BYM

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par Charlotte Moronval

Le 09 Novembre 2021

► Publié au Journal officiel du 30 octobre 2021, le décret n° 2021-1405 du 29 octobre 2021 institue une aide exceptionnelle de 1 000 euros aux demandeurs d'emploi de longue durée qui bénéficient d'une proposition d'emploi dans une entreprise et sont formés dans le cadre d'une préparation opérationnelle à l'emploi individuelle (POEI).

Une aide financière exceptionnelle de 1000 euros est attribuée aux demandeurs d’emploi inscrits depuis au moins 12 mois au cours des 15 derniers mois, tenus d'accomplir des actes positifs de recherche d'emploi et n'ayant exercé aucune activité professionnelle et qui débutent entre le 1er novembre 2021 et le 31 décembre 2022 :

  • une préparation opérationnelle à l'emploi individuelle (POEI) ;
  • une formation nécessaire à l'acquisition des compétences requises pour occuper un emploi correspondant à une offre déposée par une entreprise auprès de Pôle emploi, financée en tout ou partie par celui-ci.

L'aide est attribuée en 2 fois par Pôle emploi pour le compte de l'État :

  • au plus tard 1 mois après l'entrée en formation ;
  • à l'issue de la formation.

newsid:479341

Entreprises en difficulté

[Brèves] Liquidation judiciaire : dessaisissement du débiteur et prescription des actions exercées par le liquidateur

Réf. : Cass. com., 20 octobre 2021, n° 20-11.004, F-D (N° Lexbase : A995649M)

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N9332BYB

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par Vincent Téchené

Le 09 Novembre 2021

► À l'égard du liquidateur, qui exerce les droits et actions du débiteur relatifs à son patrimoine à la suite de son dessaisissement, la prescription commence à courir à compter de la même date qu'à l'égard de ce dernier et l'engagement du débiteur de recouvrer une créance pendant la durée de son plan ne constitue pas une cause de suspension de la prescription prévue par l'article 2238 du Code civil (N° Lexbase : L1053KZZ).

Faits et procédure. Une société, mise en redressement judiciaire, a bénéficié d'un plan de redressement qui mentionnait l'existence d'une créance de 130 000 euros détenue contre un tiers (une SCI) et que la débitrice s'engageait à recouvrer dans les meilleurs délais, et dans un délai de « deux ans au plus », afin de désintéresser les créanciers. Un jugement a prononcé la résolution de ce plan et mis la débitrice en liquidation judiciaire. Faisant valoir que la SCI avait bénéficié d'une somme sans cause, le liquidateur l'a assignée en remboursement de cette somme. La SCI s'est opposée à cette demande, en soulevant la prescription de l'action.

L’arrêt d’appel ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action exercée par le liquidateur et condamné la SCI à lui payer une certaine somme, cette dernière a formé un pourvoi en cassation.

Pourvoi. La SCI soutenait que si l'article 2238 du Code civil prévoit la suspension du cours de la prescription en cas d'une convention de médiation, de conciliation ou de procédure participative, ou encore d'accord du débiteur, constaté par huissier, à une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, aucune disposition n'attache d'effet suspensif à « l'engagement » du créancier de recouvrer sa créance.

Décision. La Cour de cassation rappelle qu’il résulte de l'article L. 641-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L7329IZH) qu'à l'égard du liquidateur, qui exerce les droits et actions du débiteur relatifs à son patrimoine à la suite de son dessaisissement, la prescription commence à courir à compter de la même date qu'à l'égard de ce dernier. En outre, selon l’article 2238 du Code civil, la prescription n'est suspendue que si les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation, ou si elles concluent une convention de procédure participative, ou encore si le débiteur a donné son accord pour participer à la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, prévue par l'article L. 125-1 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L7315LPM).

Or, l’arrêt d’appel a retenu qu’à l'occasion de sa procédure collective, la débitrice s'est engagée à recouvrer cette créance pendant une période qui s'est étendue de l'arrêté du plan, le 9 avril 2009, jusqu'à la résolution de ce plan, le 7 octobre 2015, et que, un tel engagement interdisant au mandataire judiciaire d'agir en reconstitution de l'actif tant que le plan était en cours, il résulte de l'article 2238 du Code civil que la prescription a été suspendue pendant cette période.

La Haute juridiction censure l’arrêt d’appel :  « en statuant ainsi, alors qu'à l'égard du liquidateur, la prescription avait commencé à courir à compter de la même date qu'à l'égard de la société débitrice […], et que l'engagement de cette dernière de recouvrer, pendant la durée de son plan, la créance qu'elle détenait contre la SCI ne constituait pas une cause de suspension de la prescription prévue par l'article 2238 du Code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés [C. civ., art. 2238 et C. com., art. L. 641-9] ».

Précision. La Cour de cassation opère ici un rappel concernant le point de départ de la prescription des actions exercées par le liquidateur (v. not. Cass. com., 7 décembre 2004, n° 01-15.437, F-D N° Lexbase : A3400DEN – Cass. com., 13 décembre 2017, n° 16-21.207, F-D N° Lexbase : A1313W87).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les effets du prononcé de la liquidation judiciaire, Le principe du dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase (N° Lexbase : E3962EUB).

 

newsid:479332

Sociétés

[Brèves] Conditions de la recevabilité de l'action en responsabilité engagée par un associé contre un cocontractant de la société

Réf. : Cass. com., 4 novembre 2021, n° 19-12.342, FS-B (N° Lexbase : A06657BA)

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N9366BYK

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par Vincent Téchené

Le 17 Novembre 2021

► La recevabilité de l'action en responsabilité engagée par un associé contre un tiers est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même, c'est-à-dire d'un préjudice qui ne puisse être effacé par la réparation du préjudice social, le seul fait que cet associé agisse sur le fondement de la responsabilité contractuelle ne suffisant pas à établir le caractère personnel du préjudice allégué.

Faits et procédure. Une société, dont les titres étaient négociés sur un marché réglementé avant que leur cours ne soit suspendu en mars 2008 et que les titres ne soient radiés en janvier 2011, a confié en 2006, à une banque d'affaires et d'investissements, la mission de l'assister dans la réalisation d'une opération d'adossement à un nouvel actionnaire. Ce mandat conclu entre la société, son actionnaire de référence et la banque n'ayant pas été signé, les parties ont conclu le 10 mars 2008 un second contrat de mandat précisant que la mission incluait le travail réalisé depuis deux ans.

La société ayant rencontré des difficultés financières, le tribunal de commerce a ouvert une procédure collective. Estimant que les offres qui lui avaient été présentées par la banque étaient irréalistes et insuffisantes au regard de la valorisation du catalogue de la société et soutenant que la banque avait œuvré dans le but de faire baisser les cours de bourse afin de permettre l'acquisition à vil prix de la société, l’associé de référence l'a assignée en réparation de son préjudice financier et de son préjudice moral, qu'il imputait aux fautes commises par cette société dans l'exécution de son mandat. Après le décès de l’intéressé, ses héritiers ont poursuivi l’action.

La banque a alors formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt d’appel (CA Paris, Pôle 5, 10ème ch., 10 décembre 2018, n° 17/11765 N° Lexbase : A9400YPT) lui reprochant de déclarer l'action recevable, alors que l'action intentée par un associé contre un cocontractant de la société n'est recevable que si un préjudice distinct du préjudice collectif est invoqué et que tel n’est pas le cas en l’espèce. Les héritiers ont, pour leur part, formé un pourvoi incident en raison du rejet de la demande de réparation du préjudice moral. 

Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l’article 1382, devenu 1240, du Code civil (N° Lexbase : L0950KZ9) et 31 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1169H43).

Elle rappelle qu’il résulte de ces textes que la recevabilité de l'action en responsabilité engagée par un associé contre un tiers est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même, c'est-à-dire d'un préjudice qui ne puisse être effacé par la réparation du préjudice social. Or, selon la Cour, le seul fait que cet associé agisse sur le fondement de la responsabilité contractuelle ne suffit pas à établir le caractère personnel du préjudice allégué.

Elle relève ensuite que pour déclarer recevable la demande de l’associé en réparation de son préjudice financier, l'arrêt se borne à retenir que ce dernier était une des parties au contrat de mandat en qualité d'actionnaire et qu'il était envisagé de trouver un repreneur pour racheter son bloc de participation au sein du groupe.

Dès lors, en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le préjudice financier allégué par l’actionnaire n'était pas, en tout ou partie, le corollaire du préjudice subi par la société du fait de la dépréciation alléguée du catalogue d'œuvres constituant son principal actif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Pour être complet, on relèvera que la Cour de cassation censure également l’arrêt d’appel en ce qu’il a rejeté la demande formée au titre du préjudice moral, au motif qu'il n'est pas démontré l'existence d'un préjudice distinct de celui qui est réparé au titre du préjudice financier. Or, pour la Haute juridiction, en statuant ainsi, après avoir constaté que la banque avait, par sa faute, terni l'image de l’actionnaire de référence de la société auprès de la presse et des actionnaires, ce dont il résultait un préjudice moral qui n'était pas réparé par l'indemnisation du préjudice financier, la cour d'appel a violé le même article 1382, devenu 1240, du Code civil.

Précisions. La Cour de cassation avait déjà retenu, dans le cadre d’une société coopérative, que l’associé qui agit sur le fondement d’une inexécution du contrat par l’un des cocontractants de la société ne peut obtenir réparation que s’il démontre que son préjudice est personnel et distinct de celui de la personne morale (Cass. com., 8 février 2011, n° 09-17.034, F-P+B N° Lexbase : A7230GWP, D., 2011, 1535, obs. A. Lienhard ; RTD civ., 2011, 350, obs. B. Fages). Ainsi, convient-il de préciser que le préjudice résultant de la dépréciation des titres de la société est nécessairement absorbé par le préjudice social ; il n'en est pas distinct, ni n'est personnel aux associés (Cass. com., 8 octobre 2013, n° 12-18.252, F-D N° Lexbase : A6930KMM). On rappellera que, identiquement, l'action individuelle en responsabilité dont disposent les associés à l'encontre des dirigeants de la société ne peut tendre qu'à la réparation d'un préjudice personnel distinct de celui causé à la personne morale (v. par ex., Cass. com., 7 juillet 2009, n° 08-16.790, FS-P+B N° Lexbase : A7391EIL).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La capacité juridique de la société personne morale, Le droit pour une société d'obtenir réparation d'un préjudice, in Droit des sociétés, (dir. B. Saintourens), Lexbase (N° Lexbase : E1063AWB).

 

newsid:479366

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Commercialisation au détail des médicaments en Hongrie : versement par une entreprise pharmaceutique à un organisme d’assurance maladie étatique et réduction de la base d’imposition TVA

Réf. : CJUE, 6 octobre 2021, aff. C- 717/19, Boehringer Ingelheim RCV GmbH & Co. KG Magyarországi Fióktelepe (N° Lexbase : A9492483)

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N9285BYK

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par Marie-Claire Sgarra

Le 09 Novembre 2021

La législation européenne, applicable en matière de TVA, s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit qu’une entreprise pharmaceutique ne peut déduire de sa base d’imposition à la TVA ajoutée la partie de son chiffre d’affaires provenant de la vente de médicaments subventionnés par l’organisme d’assurance maladie étatique qu’elle reverse à cet organisme, en vertu d’un contrat conclu entre ce dernier et cette entreprise, au motif que les montants versés à ce titre n’ont pas été déterminés sur la base des modalités préalablement fixées par ladite entreprise dans le cadre de sa politique commerciale et que ces versements n’ont pas été effectués dans un but promotionnel ;

► Elle s’oppose également à une réglementation nationale qui subordonne la réduction a posteriori de la base d’imposition à la TVA à la condition que l’assujetti ayant droit au remboursement dispose d’une facture à son nom établissant l’exécution de la transaction donnant lieu audit remboursement, même lorsqu’une telle facture n’a pas été émise et que l’exécution de cette transaction peut être établie par d’autres moyens.

Les faits :

  • en cause une filiale hongroise d’une entreprise pharmaceutique dont l’activité principale consiste en la commercialisation de médicaments subventionnés à des grossistes, lesquels les vendent aux pharmacies qui les distribuent ensuite aux patients ;
  • en Hongrie, la commercialisation au détail des médicaments s’effectue, à l’exception des hôpitaux, par l’intermédiaire des pharmacies ; les pharmacies s’approvisionnent auprès de distributeurs en gros et les grossistes auprès de sociétés de distribution de produits pharmaceutiques, telles que la société en cause au litige ;
  • les médicaments peuvent être subventionnés par le NEAK : le NEAK octroie une subvention portant sur le prix d’achat des médicaments vendus sur ordonnance et pris en charge par la Sécurité sociale dans le cadre de traitements ambulatoires. Le paiement du prix du médicament subventionné se répartit ensuite entre le NEAK et le patient ;
  • la société a conclu avec le NEAK des « conventions de prise en charge » aux termes desquelles la société s’engageait à verser au NEAK, sur la quantité des médicaments qu’elle commercialisait, des contributions d’un montant défini dans les conventions, prélevées sur le chiffre d’affaires provenant de la vente de ces médicaments.

🖊️ Sur la première question préjudicielle : Faut-il interpréter l’article 90, paragraphe 1, de la Directive [TVA] en ce sens que cette disposition s’oppose à une réglementation nationale telle qu’applicable dans l’affaire au principal, en vertu de laquelle une entreprise pharmaceutique qui, en vertu d’une convention dont la conclusion est facultative, reverse à l’organisme d’assurance maladie étatique une partie de son chiffre d’affaires provenant de ses ventes de produits pharmaceutiques et, partant, ne reçoit pas la totalité de la contrepartie de ces produits, n’a pas droit à une réduction ultérieure de sa base d’imposition à la TVA au seul motif que ces versements n’obéissent pas à des modalités fixées à l’avance par cette entreprise dans le cadre de sa politique commerciale et à l’objectif principal de promouvoir les ventes ?

⚖️ La CJUE a déjà eu l’occasion de juger que la Directive TVA (N° Lexbase : L7664HTZ) doit être interprétée en ce sens que la remise accordée, en vertu d’une loi nationale, par une entreprise pharmaceutique à une entreprise d’assurance maladie privée entraîne une réduction de la base d’imposition en faveur de cette entreprise pharmaceutique, lorsque des livraisons de produits pharmaceutiques sont effectuées par l’intermédiaire de grossistes à des pharmacies qui effectuent ces livraisons à des personnes couvertes par une assurance-maladie privée, laquelle rembourse à ses assurés le prix d’achat des produits pharmaceutiques (CJUE, 20 décembre 2017, aff. C‑462/16, Boehringer Ingelheim Pharma GmbH & Co. KG N° Lexbase : A2534W8D).

👉 Une partie de la contrepartie obtenue à la suite de la vente des médicaments par l’entreprise pharmaceutique n’ayant pas été perçue par celle-ci en raison de la contribution qu’elle verse à l’organisme d’assurance maladie étatique, lequel reverse aux pharmacies une partie du prix de ces médicaments, il y a lieu de considérer que le prix de ces derniers a été réduit après le moment où s’est effectuée l’opération.

👉 Les conditions de la réduction a posteriori de la base d’imposition prévues par la législation nationale, en vertu desquelles les versements, qui donnent droit à une telle réduction, doivent être déterminés sur la base des modalités préalablement fixées par cette entreprise dans le cadre de sa politique commerciale et effectués dans un but promotionnel, auraient pour conséquence de priver toutes les entreprises pharmaceutiques, ayant conclu des conventions de prise en charge avec l’organisme d’assurance maladie étatique, de la possibilité de réduire leur base d’imposition à la TVA a posteriori, au titre des contributions versées à cet organisme, alors même qu’il y a effectivement eu une réduction de prix après le moment où s’était effectuée l’opération de la Directive TVA.

👉 Lesdites conditions ne sauraient donc être considérées comme relevant de la marge d’appréciation dont disposent les États membres en vertu de cette disposition.

🖊️ Sur la deuxième question préjudicielle : En cas de réponse affirmative à la première question, faut-il interpréter l’article 273 de la Directive [TVA] en ce sens que cette disposition s’oppose à une réglementation nationale telle qu’applicable dans l’affaire au principal, qui subordonne la réduction a posteriori de la base d’imposition à la condition que l’assujetti ayant droit au remboursement dispose d’une facture à son nom établissant la réalisation de l’opération ouvrant droit à remboursement, dans le cas où il existe d’autres documents témoignant de manière appropriée de l’opération permettant une réduction a posteriori de la base d’imposition, que cette opération repose sur des données vérifiables a posteriori, pour partie publiques et officielles, et qu’elle permet d’assurer l’exacte perception de la TVA ?

Rappelons qu’en cas de réduction de prix après le moment où s’effectue l’opération il est prévu que la base d’imposition est réduite à due concurrence dans les conditions déterminées par les États membres.

Ici, la société ne dispose pas de factures portant sur les versements qu’elle a effectués au bénéfice de l’organisme d’assurance maladie étatique, ce dernier n’ayant émis que des demandes de paiement.

👉 Dans une telle hypothèse, les principes de neutralité de la TVA et de proportionnalité exigent que l’État membre concerné permette à l’assujetti d’établir, par d’autres moyens, devant les autorités fiscales nationales, que l’opération donnant droit à la réduction de la base d’imposition a effectivement été réalisée.

newsid:479285

Urbanisme

[Brèves] Validité de la notification du recours contre une autorisation d’urbanisme adressée au siège social de la société bénéficiaire

Réf. : CE 1° et 4° ch.-r., 20 octobre 2021, n° 444581, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A650649T)

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N9297BYY

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par Yann Le Foll

Le 09 Novembre 2021

► Est régulière la notification du recours contre une autorisation d’urbanisme adressée au siège social de la société bénéficiaire.

Principe. L'article R. 600-1 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L9492LPA) vise, dans un but de sécurité juridique, à permettre au bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme, ainsi qu'à l'auteur de cette décision, d'être informés à bref délai de l'existence d'un recours gracieux ou contentieux dirigé contre elle. Si, à l'égard du titulaire de l'autorisation, cette formalité peut être regardée comme régulièrement accomplie dès lors que la notification lui est faite à l'adresse qui est mentionnée dans l'acte attaqué, la notification peut également être regardée comme régulièrement accomplie lorsque, s'agissant d'une société, elle lui est adressée à son siège social.

En cause d’appel. Pour juger irrecevable, sur le fondement des dispositions précitées, le recours contentieux formé contre l'arrêté municipal délivrant un permis de construire, la cour administrative d'appel de Nantes (CAA Nantes, 17 juillet 2020, n° 19NT04375 N° Lexbase : A6516499) a jugé que les requérants n'avaient pas régulièrement satisfait à leur obligation de notifier leur recours gracieux à la société titulaire de l'autorisation contestée en expédiant cette notification à l'adresse de son siège social, située à Issy-les-Moulineaux, et non à l'adresse de son établissement secondaire, située à Angers, figurant sur l'arrêté municipal et sur le panneau d'affichage du permis accordé par cet arrêté. 

Décision CE. En statuant ainsi, la cour a donc entaché son arrêt d'une erreur de droit. Rappelons par ailleurs qu’a déjà été jugée régulière la notification de l'appel formé contre un jugement rejetant un recours contre un permis de construire, faite non pas à l'adresse personnelle du bénéficiaire du permis attaqué, mais à l'adresse de l'architecte auquel le bénéficiaire avait donné mandat jusqu'à la notification de la décision définitive de l'administration, dès lors que cette adresse était mentionnée sur le permis litigieux comme étant celle à laquelle le bénéficiaire du permis de construire était domicilié (CE 9° et 10° s-s-r., 24 septembre 2014, n° 351689, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3007MXN).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La notification des recours en matière d'urbanisme, Les modalités pratiques de la notification des recours en matière d'urbanisme, in Droit de l’urbanisme, (dir. A. Le Gall), Lexbase (N° Lexbase : E0298X3G).

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Voies d'exécution

[Brèves] Quid du point de départ de l’astreinte en cas de confirmation du jugement non exécutoire ?

Réf. : Cass. civ. 3, 13 octobre 2021, n° 19-26.196, F-D (N° Lexbase : A337049P)

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 03 Novembre 2021

La troisième chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 13 octobre 2021, rappelle qu’aux termes de l’article R. 131-1 du Code des procédures civiles d’exécution (N° Lexbase : L2179ITU), l'astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut être antérieure au jour où la décision, portant obligation est devenue exécutoire ; en cas de confirmation du jugement non exécutoire qui en est assorti, l'astreinte ne commence à courir, qu'à compter du jour où l'arrêt devient exécutoire, à moins que les juges d'appel ne fixent un point de départ postérieur.

Faits et procédure. Dans cette affaire, des propriétaires ont réalisé des travaux de terrassement et de surélévation de leur parcelle et construit un mur de clôture. Les propriétaires de la parcelle voisine, les ont assignés en remise en état des lieux sous astreinte et en indemnisation de leurs préjudices.

Le pourvoi. Les demandeurs font grief à l’arrêt (CA Bastia, 2 octobre 2019, n° 17/00691 N° Lexbase : A2645ZQZ), d’avoir fixé le montant de l’astreinte assortissant les condamnations à la remise en état à 500 euros à compter du trentième jour suivant la signification du jugement confirmé. En l’espèce, la cour d’appel pour confirmer la liquidation de l’astreinte a retenu que cette dernière avait pour point de départ le trentième jour suivant la signification du jugement.

Solution. Énonçant la solution précitée, la Cour de cassation censure le raisonnement des juges d’appel, en statuant au fond pour l’administration d’une bonne justice. Elle casse et annule l’arrêt d’appel, mais seulement en ce qu'il retient comme point de départ de l’astreinte le trentième jour suivant la signification du jugement et fixe le point de départ de celle-ci à compter du jour où l'arrêt est devenu exécutoire.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La prévention des difficultés d’exécution : l’astreinte, Le montant, les modalités et le point de départ de l'astreinte (CPCEx, art. R. 131-1), in Voies d’exécution, (dir. N. Fricéro et G. Payan), Lexbase (N° Lexbase : E8338E8C).

 

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