Le Quotidien du 18 octobre 2021 : Actualité judiciaire

[A la une] Affaire des sondages de l’Élysée : cinq anciens proches de Nicolas Sarkozy jugés pour « favoritisme » et « détournement de fonds publics »

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par Vincent Vantighem, Grand Reporter à BFM TV

le 27 Octobre 2021

Dans le lot, il y avait une étude d’opinion sur la perception qu’ont les Français du mariage entre Nicolas Sarkozy et Carla Bruni… Une autre sur la popularité de Rachida Dati, reprenant son rôle de garde des Sceaux cinq jours seulement après avoir donné le jour à la petite Zohra… Ou encore une analyse sur la potentielle candidature de Dominique Strauss-Kahn à l’Élysée en 2012… Cinq anciens proches de Nicolas Sarkozy vont comparaître devant la 32ème chambre du tribunal judiciaire de Paris, à partir de lundi 18 octobre 2021, dans l’affaire dite des « sondages de l’Élysée ». Bénéficiant de son immunité présidentielle, l’ancien chef de l’État, lui, n’a pas été renvoyé dans ce dossier.

La justice ici ne s’intéresse pas tant au contenu des fameux sondages qu’aux conditions dans lesquelles ils ont été commandés alors que Nicolas Sarkozy présidait aux destinées du pays. Pour « détournement de fonds publics », « abus de biens sociaux » et « favoritisme », les prévenus encourent des peines allant de deux à sept ans de prison ferme et des amendes importantes.

La commande publique en question

Concrètement, l’accusation repose sur le fait que les sondages ont été commandés par l’Élysée à deux proches de l’ex-chef de l’État, Patrick Buisson et Pierre Giacometti, sans respecter le Code des marchés publics (désormais « Code de la commande publique » depuis le 1er avril 2019), c’est-à-dire sans avoir fait l’objet d’un appel d’offres en bonne et due forme. Pour bien comprendre cette affaire, il faut en réalité remonter à l’arrivée de Nicolas Sarkozy au « Château », en 2007. À l’époque, l’ancien chef de l’État vient de proposer le nom de Philippe Seguin pour présider la Cour des comptes. Et il s’étonne qu’aucun organisme ne contrôle véritablement les dépenses de l’Élysée. Philippe Séguin planche sur la question. Et, dans un rapport publié en 2009, il étrille la gestion de l’Élysée en matière de commande publique. L’affaire est alors lancée. Et l’association Anticor s’en empare immédiatement en déposant une plainte (v. Affaire des sondages de l’Élysée : plus de 10 ans après la première plainte d’Anticor, le procès s’ouvre à Paris, 15 octobre 2021).

L’association spécialisée dans la lutte contre la corruption explique que l’Élysée a commandé des centaines de sondages sans jamais passer par la procédure d’appel d’offres. Pis selon elle, les instituts chargés de réaliser les études sont dirigés par des proches de Nicolas Sarkozy : Patrick Buisson, à la tête de Publifact, qui a l’oreille du chef de l’État et Pierre Giacometti qui gère alors la société Giacometti – Peron. Selon l’accusation, plusieurs centaines d’études auraient été réalisées sans respecter les règles, chaque sondage coûtant entre 5 000 et 60 000 euros. Pour Patrick Buisson, l’addition reprochée par la justice s’élève à 2 723 400 euros. Pour Pierre Giacometti à 2 147 170 euros.

L’Élysée, une « citadelle inexpugnable » ?

La défense des prévenus, elle, met en avant le fait que les protagonistes n’ont fait que respecter « la tradition élyséenne » voulant que les commandes ne soient pas passées via un appel d’offres classique. Et cela depuis toujours. « On va nous parler de l’époque de Louis-Philippe », raille déjà Jérôme Karsenti, l’avocat d’Anticor. « Nous dire que l’Élysée est une citadelle inexpugnable dans laquelle on ne met pas les pieds ! Mais c’est faux. »

Aux côtés de Pierre Giacometti et Patrick Buisson, trois anciens conseillers de Nicolas Sarkozy à l’Élysée vont s’asseoir sur le banc des prévenus : Julien Vaulpré, conseiller en matière d’opinions, Emmanuelle Mignon, ancienne directrice de cabinet et Claude Guéant, le secrétaire général de l’époque. Renvoyé à l’origine, Jean-Michel Goudard est décédé lors de la procédure. L’action publique à son encontre est donc éteinte.

Aux autres, la justice reproche donc d’avoir signé des bons de commande sans faire attention. Ce qu’ils contestent. Selon nos informations, la défense d’Emmanuelle Mignon devrait par exemple mettre en avant le fait qu’elle s’est alertée très tôt du problème en arrivant à l’Élysée et qu’elle a remis de l’ordre au « Château ». Claude Guéant, lui, devrait plaider le fait qu’il pensait respecter les règles en vigueur.

Nicolas Sarkozy cité à témoigner les 2 et 3 novembre

Mais la longue audience à venir promet également une belle bagarre sur la question de l’immunité présidentielle. On l’a dit, dans ce dossier, Nicolas Sarkozy est tenu à part parce qu’il était président de la République à l’époque. Lors de l’instruction, l’association Anticor avait bien demandé au juge Serge Tournaire qu’il soit convoqué pour témoigner. Mais l’ex-chef de l’État n’avait pas répondu à « l’invitation ». Le magistrat n’avait pas fait délivrer de mandat d’amener. Et sa décision avait été, à l’époque, validée par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris.

Mais Anticor n’est pas du genre à renoncer. Et l’association a donc fait citer Nicolas Sarkozy comme témoin à l’audience. Deux jours (les 2 et 3 novembre) sont d’ores et déjà programmés dans le planning au cas où l’ancien locataire de l’Élysée accepterait de venir éclairer la 32ème chambre du tribunal sur cette affaire. Il y a peu de chances qu’il se rende aux Batignolles quand bien même il ne risque rien dans ce dossier après avoir été lourdement condamné à deux reprises cette année (trois ans de prison dont deux avec sursis pour « corruption » dans le dossier dit « des écoutes de Paul Bismuth » en mars, un an de prison ferme pour « financement illégal de campagne électorale » dans le dossier dit « Bygmalion » le 30 septembre). Selon Le Point, l’ancien chef de l’État aurait d’ailleurs déjà écrit à Benjamin Blanchet, le président de la 32ème chambre, pour lui indiquer qu’il ne viendrait pas témoigner.

L’immunité présidentielle ruisselle-t-elle ?

D’autres prévenus aimeraient pouvoir bénéficier des mêmes dispositions. Claude Guéant a ainsi prévu de déposer une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pour savoir s’il est normal que l’immunité présidentielle ne ruisselle pas sur les collaborateurs qui étaient au service du Président et chargés d’appliquer ses directives. La question ayant déjà fait l’objet d’un examen lors de l’instruction et la jurisprudence n’étant pas constante en la matière, la question de la recevabilité de cette QPC se pose.

L’audience devrait s’ouvrir sur l’examen de cette problématique, lundi 18 octobre. Le procès doit durer jusqu’au 12 novembre 2021.

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