Le Quotidien du 2 août 2021

Le Quotidien

Droit pénal général

[Jurisprudence] Défaut d’attestation de déplacement : quand l’intransigeance évince l’erreur légitime sur le droit

Réf. : Cass. crim., 18 mai 2021, n° 21-80.042, F-D (N° Lexbase : A80574S9)

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N8492BY8

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par Nicolas Catelan - Directeur scientifique de la Revue Lexbase pénal et Adélaïde Léon

Le 30 Juillet 2021

► Ne caractérise pas suffisamment l’existence d’une erreur sur le droit inévitable le tribunal qui relaxe une prévenue interpellée pour défaut de détention d’attestation de déplacement au cours de l’état d’urgence au motif que, âgée de 75 ans et affaiblie, l’intéressée a été verbalisée peu après le début du confinement et a pu croire de bonne foi que l’attestation de déplacement dont disposait son mari, qui conduisait le véhicule où elle se trouvait, était valable pour le couple.

La bienveillance attachée à certaines décisions publiées de la Cour de cassation ne devrait pas faire oublier la sévérité propre à certains arrêts ne bénéficiant pas de la même exposition médiatique. Le site de la Cour permet certes de constater que la légalité des peines fait obstacle au prononcé d’une interdiction de gérer n’importe quelle société car les textes ne visent que les sociétés commerciales [1]. Le même site ne permet pas en revanche de découvrir qu’une vieille dame affaiblie de 75 ans se trompant sur la nécessité de deux attestations de sortie lorsqu’elle se déplace en voiture avec son mari, et ce au tout début du premier confinement, ne peut bénéficier de l’erreur sur le droit telle que prévue à l’article 122-3 du Code pénal (N° Lexbase : L2316AMQ).

Rappel des faits. Le 24 mars 2020, soit sept jours après le début du premier confinement en France, une femme a fait l’objet d’un procès-verbal constatant la contravention de déplacement hors du domicile sans document justificatif conforme dans une circonscription territoriale où l’état d’urgence sanitaire était déclaré.

Après avoir formé une requête en exonération, elle a été poursuivie devant le tribunal de police qui l’a relaxée du chef d’infraction au Code de la santé publique sur le fondement de l’article 122-3 du Code pénal. Selon le tribunal, la prévenue, âgée de 75 ans et affaiblie avait été verbalisée très peu de temps après le début du confinement. Elle avait ainsi pu croire de bonne foi que l’attestation de déplacement dont disposait son mari, qui conduisait le véhicule où elle se trouvait, était valable pour le couple. Par ailleurs, la juridiction rappelait que les attestations ne rappelaient pas que ce document était individuel et ne pouvait être partagé par deux personnes allant faire leurs courses ensemble dans un véhicule commun.

L’officier du ministère public près le tribunal de police a formé un pourvoi contre le jugement dudit tribunal.

Moyens du pourvoi. Il était fait grief au tribunal d’avoir relaxé la prévenue sur le fondement de l’article 122-3 du Code pénal, lequel ne serait pas applicable en matière de contravention où seul compte l’élément matériel qui consiste, en l’espèce, en l’absence de détention de l’attestation nominative de déplacement.

Décision. Dans son arrêt en date du 18 mai 2021 [2], la Chambre criminelle casse le jugement au visa des articles 122-3 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale.

La Haute juridiction rappelle que pour bénéficier de la cause d’irresponsabilité prévue par l’article 122-3 du Code pénal, la personne poursuivie doit justifier avoir cru, par une erreur de droit qu’elle n’était pas en mesure d’éviter, pouvoir légitimement accomplir le fait reproché. Le second article requiert que tout jugement ou arrêt comporte les motifs propres à justifier la décision. Or, en l’espèce, la Cour estime que les motifs retenus et avancés par le tribunal ne suffisent pas à caractériser l’existence d’une erreur sur le droit inévitable. Dans ces conditions, la Chambre criminelle considère que le tribunal n’a pas justifié sa décision. Le jugement rendu par le tribunal de police de Guéret est donc cassé, et la cause et les parties renvoyés devant le tribunal de police de Limoges [3].

La décision laisse évidemment un goût amer. On observera toutefois que, nonobstant la cassation, la Chambre criminelle n’a pas donné satisfaction à l’officier du ministère public logiquement [4] marri par cette relaxe. L’erreur sur le droit est évidemment à même de justifier une contravention. Encore faut-il, évidemment, que les conditions de son application soient remplies. Les différents arrêts rendus par la Cour de cassation depuis l’entrée en vigueur du Code pénal attestent que la Cour de cassation n’entend pas donner à l’article 122-3 une lecture compréhensive. Loin s’en faut. Pour être invincible, l’erreur doit avoir être induite par une autorité administrative. De sorte que ne serait admise en justice que l’erreur provoquée par l’administration ou encore confirmée par l’institution publique. Dans sa jurisprudence constante, la Chambre criminelle rejette l’erreur de droit dès lors qu’elle considère que le prévenu pouvait s’informer auprès d’un service compétent pour demeurer dans la légalité [5].

Qu’est-ce à dire ? Que toute erreur est en réalité appréciée in abstracto, à l’aune d’un humain raisonnable et rationnel qui vérifierait toute interrogation juridique auprès de la seule administration apte à se prononcer. En dehors de cette configuration, à tout le moins abstraite sinon virtuelle [6], point de salut du côté de l’erreur.

En décembre 2020, la Ligue des droits de l’Homme (la LDH) publiait d’ailleurs sur son site internet un article intitulé « Déplacement dérogatoire : verbalisation et contestation » [en ligne] dans lequel elle abordait notamment les motifs susceptibles d’être invoqués pour contester une contravention. Aux côtés de l’irrégularité des avis de contravention, on y trouvait la violation du principe de légalité, la force majeure ou l’erreur de droit. La LDH définissait l’erreur de droit invincible comme étant « celle commise par une personne qui est dans l’impossibilité absolue de l’éviter malgré la recherche d’informations ». Dans le cas d’espèce on peut imaginer qu’il eût fallu davantage documenter les difficultés éprouvées par la prévenue pour accéder à une source d’information claire et intelligible sur les modalités d’utilisation de l’attestation.

De minimis non curat praetor. On sait gré à la Cour de cassation d’avoir rappelé la rigueur avec laquelle la loi d’airain doit en toutes circonstances être appliquée. Le décret n° 2020-264, du 17 mars 2020 (N° Lexbase : L5116LWE), en son article 1er, avait fait du comportement ici reproché une contravention de la quatrième classe. La sortie sans attestation était donc punie, conformément à l’article 131-13 du Code pénal (N° Lexbase : L0781G8G), de 750 euros d’amende. L’amende forfaitaire, prévue par l’article 2 du décret, était en réalité d’un montant de 135 euros en vertu de l’article R. 49, 5° CPP (N° Lexbase : L5977LWB). La poursuite, le pourvoi et la cassation ne sauraient dès lors être justifiés par l’enjeu économique. C’est bel et bien du côté des principes que tout se joue ici.

Dura lex sed lex. Il y avait tout lieu de rappeler le dogme sur lequel est assis le droit pénal, et que la maxime nemo censetur ignorare legem ramasse avec un don certain pour la litote : nul ne peut se prévaloir de sa propre ignorance, fût-ce à 75 ans, affaibli, au début d’un confinement et d’une pandémie aux allures de fin du monde, et en compagnie de son mari lui-même porteur de ladite attestation.

Pour achever de se convaincre que la rigueur juridique est incontestablement la plus puissante des armes pour solidifier l’État de droit et la cohérence de son ordonnancement, rappelons que le fait de sortir sans attestation n’emportait aucun risque pour la société si l’individu contrôlé était sain. Et qu’à l’inverse, sortir avec le précieux sésame, mais malade, ne faisait encourir aucune sanction quand bien même cela exposait autrui à une éventuelle contamination.

Qu’on se rassure : les principes en ressortent ragaillardis, fût-ce au détriment de l’honneur et de la cohérence. Qui, si ce n’est un esprit pernicieux, s’en plaindrait ?

Pour aller plus loin : J.-B.  Thierry, ÉTUDE :  Les causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de la responsabilité pénale, l’erreur de droit, in Droit pénal général (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E1559GAY).

 

[1] Cass. crim., 2 juin 2021, n° 20-84.970 (N° Lexbase : A23984UD).

[2] V. Jérôme Leborne, L'erreur de droit invincible et insensible, AJ pénal, juillet août 2021, n° 366.

[3] Auquel on rappellera qu’il est possible de prononcer une condamnation avec dispense de peine. Avec cette précision qu’en cas de nouveau pourvoi, la Cour de cassation vérifiera certes que les conditions sont réunies (v. Cass. crim., 7 mai 2019, n° 18-85.729, F-P+B+I (N° Lexbase : A0746ZBA). Toutefois l'octroi d'une dispense de peine reste à la libre appréciation des juges (v. cf. V. Peltier, ÉTUDE : Les exigences et règles générales du prononcé de la peine, La dispense de peine, in Droit pénal général (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E1666GAX). Il n’y aurait pas lieu de prononcer l'exclusion de la mention de la condamnation au bulletin n° 2 (v. C. proc. pén., art. 775-1 (N° Lexbase : L6428ISU) puisque, ni les condamnations de police (3°), ni les déclarations de culpabilité assorties d'une dispense de peine (12°) n’y figurent en application de l’article 775 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7497LPD).

[4] Il s’agit tout de même d’une relaxe.

[5] Cass. crim., 20 janvier 2018, n° 14-80.532, F-P+B+I  (N° Lexbase : A4949M98) ; Cass. crim., 15 octobre 2002, n° 01-88.555 (N° Lexbase : A8206CT4).

[6] Relevons toutefois les deux seules validations opérées par la Cour de cassation : Cass. crim., 24 novembre 1998, n° 97-85.378 (N° Lexbase : A3135AG9) ; Cass. crim., 11 mai 2006, n° 05-87.099 (N° Lexbase : A8692DPM).

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Autorité parentale

[Brèves] Assistance éducative : droit d’appel de l’assistante familiale, ayant demandé la garde en qualité de tiers digne de confiance

Réf. : Cass. civ. 1, 8 juillet 2021, n° 20-23.429, F-D (N° Lexbase : A62464YY)

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N8376BYU

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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

Le 22 Juillet 2021

► Il résulte de la combinaison des articles 546 (N° Lexbase : L6697H78) et 1191 (N° Lexbase : L8897IWG) du Code de procédure civile que le second, qui détermine les personnes ayant qualité pour former appel en matière d'assistance éducative, ne déroge pas au principe, posé par le premier, d'après lequel le droit d'appel appartient à toute personne qui a été partie en première instance et qui y a intérêt (dans le même sens : Cass. civ. 1, 16 octobre 1979, n° 78-80.018 N° Lexbase : A4477NHB) ;

En l'espèce, l'assistante familiale qui avait demandé que l'enfant lui soit confiée en qualité de tiers digne de confiance dispose du droit d'appel dans la mesure où elle était partie en première instance et avait intérêt à interjeter appel.

Faits et procédure. Une enfant est confiée dès sa naissance à l'aide sociale à l'enfance de Guyane (ASE). Une assistante familiale salariée de l'ASE la prend en charge alors qu'elle est âgée de cinq jours. Par jugement du 31 juillet 2020, le juge des enfants ordonne la mainlevée de son placement, la remet à son oncle maternel, en qualité de tiers digne de confiance, et accorde à l'assistante familiale un droit de visite.

Par un arrêt du 27 novembre 2020, la cour d'appel de Cayenne déclare irrecevable l'appel formé par l'assistante familiale le 22 septembre 2020.

Décision. Pour déclarer irrecevable l'appel de l'assistante familiale, la cour d'appel retient que la qualité d'assistante familiale salariée de l'ASE la prive de tout recours contre les décisions du juge des enfants.

La première chambre civile de la Cour de cassation juge, qu'en statuant ainsi, alors que l'assistante familiale, qui avait demandé que l'enfant lui soit confiée en qualité de tiers digne de confiance, était partie en première instance et avait intérêt à interjeter appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'autorité parentale sur la personne de l'enfant, La procédure applicable en matière d'assistance éducative, in L'autorité parentale, (dir. A. Gouttenoire), Lexbase (N° Lexbase : E5834EYQ).

 

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Contrôle fiscal

[Brèves] Amende pour factures fictives : renvoi devant le Conseil constitutionnel

Réf. : CE 9° ch., 19 juillet 2021, n° 453359, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A20764ZW)

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N8496BYC

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par Marie-Claire Sgarra

Le 30 Juillet 2021

La question de la conformité à la Constitution des dispositions des deux premiers alinéas du I de l'article 1737 du Code général des impôts est renvoyée au Conseil constitutionnel.

🔎 Que prévoient ces dispositions ?

Aux termes du I de l'article 1737 du Code général des impôts (N° Lexbase : L1727HNB), entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom.

📌 Solution du Conseil d’État : le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au principe de proportionnalité des peines, soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

💡 Ce n’est pas la première fois que l’article 1737 fait parler de lui. Le Conseil constitutionnel a, dans une décision du 26 mai 2021, déclaré non conforme à la Constitution le quatrième alinéa du paragraphe I de l'article 1737 du Code général des impôts (Cons. const., décision n° 2021-908 QPC, du 26 mai 2021 N° Lexbase : A88534SP).

Les dispositions contestées sanctionnaient d'une amende fiscale de 50 % du montant de la transaction le fait pour un fournisseur redevable de la taxe sur la valeur ajoutée de ne pas délivrer une facture. Si celui-ci apporte, dans les trente jours de la mise en demeure adressée par l'administration fiscale, la preuve que l'opération a toutefois été régulièrement comptabilisée, l'amende encourue est réduite à 5 % du montant de la transaction.

Le Conseil constitutionnel avait jugé à cette occasion que si les dispositions poursuivent bien l'objectif de répression des manquements aux règles relatives à l'établissement des factures, elles méconnaissent le principe de proportionnalité des peines.


 

newsid:478496

Données personnelles

[Brèves] Cookies : sanction de 50 000 euros à l’encontre de la Société du Figaro

Réf. : CNIL, 27 juillet 2021, délibération n° SAN-2021-013 (N° Lexbase : X9456CM8)

Lecture: 4 min

N8507BYQ

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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

Le 01 Septembre 2021

► La CNIL a sanctionné la Société du Figaro d’un montant de 50 000 euros d’amende en raison du dépôt de cookies publicitaires à partir du site « lefigaro.fr » sans recueil du consentement préalable des internautes.

Contexte. La CNIL, saisie d’une plainte, a effectué plusieurs contrôles entre 2020 et 2021 sur le site web d’actualités « lefigaro.fr ». Ces contrôles ont permis de constater que lorsqu’un utilisateur se rendait sur ce site, des cookies étaient automatiquement déposés sur son ordinateur par des partenaires de la société, sans action de sa part ou malgré son refus. Plusieurs de ces cookies poursuivaient un objectif publicitaire et auraient dû être soumis au consentement de l’utilisateur.

À noter. Les obligations dont la formation restreinte sanctionne ici le non-respect datent d’avant l’entrée en application du « RGPD » (Règlement n° 2016/679 du 27 avril 2016 N° Lexbase : L0189K8I) et perdurent dans les nouvelles lignes directrices et la recommandation de la CNIL du 17 septembre 2020 (CNIL, 17 septembre 2020, délibération n° 2020-091 N° Lexbase : X0891CK9 ; CNIL, 17 septembre 2020, délibération n° 2020-092 N° Lexbase : X0892CKA ; cf. M.-L. Hardouin-Ayrinhac, Lexbase Affaires, octobre 2021, n° 650 N° Lexbase : N4740BY9).

La responsabilité de la Société du Figaro. La Société du Figaro, en tant qu’éditrice du site web « lefigaro.fr », a une part de responsabilité dans le respect de la législation sur les cookies (loi n° 78-17, du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés N° Lexbase : L8794AGS, art. 82) par ses partenaires déposant des cookies sur son site. Elle doit notamment s’assurer qu’ils ne déposent pas des cookies soumis au consentement avant que les utilisateurs aient fait le choix d’accepter ou de refuser. Elle doit également s’assurer qu’ils respectent le refus exprimé par ces derniers.

La CNIL considère que le fait que les cookies proviennent de partenaires n’affranchit pas l’éditeur du site de sa propre responsabilité dans la mesure où il a la maîtrise de son site et de ses serveurs.

La CNIL a considéré que la responsabilité qui incombe à la société est une obligation de moyens et que la Société du Figaro n’y avait pas satisfait.

Cette décision s’inscrit dans le prolongement de la décision du Conseil d’État « Éditions Croque Futur » du 6 juin 2018 (CE 9° et 10° ch.-r., 6 juin 2018, n° 412589, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8128XQ4 ; cf. V. Téchené, Lexbase Affaires, juin 2018, n° 556 N° Lexbase : N4550BXS), qui précisait déjà la répartition des responsabilités entre les éditeurs de site et leurs partenaires.

Le manquement constaté. Malgré la mise en place de plusieurs outils (une plateforme de gestion du consentement, des outils d’identification des cookies déposés malgré un signal de refus ou avant toute action de l’utilisateur), les contrôles de la CNIL ont permis de constater à de multiples reprises que des cookies soumis à consentement étaient déposés avant toute action de l’internaute ou continuaient à être lus malgré son refus.

Sanction. Considérant que la société avait manqué à ses obligations car elle ne garantissait pas systématiquement le recueil du consentement des utilisateurs avant le dépôt de cookies publicitaires et le respect de leur refus au dépôt de ces cookies, la formation restreinte de la CNIL a ainsi prononcé une amende de 50 000 euros et a décidé de rendre publique sa décision.

À savoir. Cette décision s’inscrit dans le cadre de la stratégie globale de mise en conformité initiée par la CNIL depuis 2 ans auprès d’acteurs français et étrangers éditant des sites à forte fréquentation et ayant des pratiques contraires à la législation sur les cookies.

Entre 2020 et 2021, la CNIL a adopté environ 70 mesures correctrices (mises en demeure et sanctions) en lien avec le non-respect de la législation sur les cookies. Dans 60 % des cas, il s’agissait d’organismes « étrangers » (société mère en dehors de la France). Ces mesures concernaient principalement des acteurs privés de taille importante et appartenant à une grande diversité de secteurs économiques.

 

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Droit pénal des affaires

[Jurisprudence] Réaffirmation de l’exigence d’une action personnelle dans le cadre du délit d’abus de biens sociaux

Réf. : Cass. crim., 10 mars 2021, n° 20-80.942, F-D (N° Lexbase : A01194LY)

Lecture: 7 min

N8224BYA

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par Julien Gasbaoui - avocat au Barreau de Paris - Maître de conférences associé - Aix-Marseille Université et Jean-Noël Stoffel - Maître de conférences - Aix-Marseille Université

Le 30 Juillet 2021


Mots-clés : abus de biens sociaux • abstention • dirigeants sociaux • conseil d'administration • président • administrateur

La jurisprudence, prenant quelques libertés avec les textes, fait assez fréquemment prévaloir une conception extensive du délit d’abus de biens sociaux et, par-là, une certaine sévérité envers les dirigeants sociaux. Le présent arrêt traduit un retour à davantage de rigueur dans une hypothèse où la question de la responsabilité du président semblait acquise, un acte positif lui étant personnellement imputable, tandis que celle de l’administrateur méritait discussion.


 

En l’espèce, un administrateur avait été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir, d'une part, en qualité de membre du conseil de surveillance puis membre du conseil d'administration de la société anonyme Racing Club de Strasbourg, fait de mauvaise foi, des biens de cette société, un usage qu'il savait contraire à l'intérêt de celle-ci. Il lui était notamment reproché, dans le cadre des commissions relatives au transfert d’un joueur, d’avoir ordonné directement ou indirectement le paiement d'une facture non causée et sans contrepartie, pour favoriser une autre société dans laquelle il était directement ou indirectement intéressé. En effet, il était également vice-président senior finances et administration de la société bénéficiaire dénommée IMG UK appartenant au groupe IMG.

Relaxé par le tribunal correctionnel, il sera ensuite condamné par la cour d’appel de Colmar qui relèvera que le prévenu était non seulement le représentant de la société ayant signé la convention antidatée, mais aussi un administrateur de la société victime de l’abus. En cette qualité, et peu important qu’il fût rarement présent physiquement au siège de la SA, l’administrateur s’était gardé de soumettre au conseil d’administration la convention.

Cette sévère analyse escamotait cependant une question essentielle visée à travers le pourvoi formé :  le délit d’abus de biens sociaux ne suppose-t-il pas une action personnelle du prévenu ressortissant aux pouvoirs propres à ses fonctions sociales ? La Chambre criminelle y répond par l’affirmative et casse l’arrêt rendu par les juges haut-rhinois au motif que ces dernières n’avaient pas  caractérisé « une action personnelle du prévenu, ressortissant aux pouvoirs d’administrateur, ayant permis la réalisation de l’opération frauduleuse dans laquelle il se trouvait intéressé » (§ 30).

L’arrêt commenté rappelle donc qu’en présence d’une opération réalisée au détriment de la société et dans laquelle un dirigeant trouve un intérêt, toute abstention n’est pas nécessairement un usage contraire à l'intérêt social (I) dès lors qu’une action personnelle du dirigeant fait défaut (II).

I. L’insuffisance d’une abstention

L’usage au-delà de l’acte d’user. La sanction d’un dirigeant trouvant un intérêt personnel dans le cadre d’une opération frauduleuse est tentante. Pour autant, cette circonstance ne permet pas nécessairement la caractérisation du délit d’abus de biens sociaux. Encore faut-il que l’élément matériel puisse être constaté et notamment un usage. Or, dans son sens premier, l’usage fait référence à « l’action d’user, de se servir de quelque chose » [1]. Autrement dit, c’est l’idée d’un acte positif qui vient naturellement à l’esprit, l’abus de biens sociaux étant a priori un délit d’action. Aussi, le fait de ne pas faire usage devrait donc être exclu du champ du délit [2]. Mais la jurisprudence a depuis quelques années repoussé les frontières du critère de l’usage pour y intégrer également le non-usage, c’est-à-dire l’abstention ou l’omission [3]. L’élément matériel est ainsi remodelé en marge du texte et, il faut le dire, le principe de légalité, foulé aux pieds [4].

L’abstention caractéristique de l’abus de biens sociaux. L’extension du critère de l’usage doit néanmoins être appréhendée avec précaution : toute abstention n’entraîne pas nécessairement la caractérisation d’un abus de biens sociaux. Cette idée nous la retrouvons à travers l’arrêt du 10 mars 2021 puisqu’il y était question d’un administrateur qui s’était abstenu de soumettre au conseil d’administration la convention litigieuse. Quel est alors le critère distinctif ? Dans ce cadre, la jurisprudence semble distinguer deux types d’abstentions. Certaines caractérisent en elles-mêmes un usage des biens sociaux contraire à l'intérêt de la société comme lorsque le dirigeant s’abstient de rectifier une erreur bancaire au préjudice de la société [5]. D’autres, en revanche, ne sont qu’une abstention de s'opposer à l'abus de biens sociaux commis par autrui. Dans ce cas, la Chambre criminelle refuse de qualifier cette abstention d'usage des biens contraire à l'intérêt social [6]. La raison est simple. Comme dans le cas soumis à notre analyse, il n’y a point d’action personnelle du dirigeant.  

II. L’exigence d’une action personnelle

L’action personnelle comme principe élémentaire. Si l’exigence d’une action personnelle n’est pas inédite au regard de la jurisprudence antérieure, elle n’est pas non plus originale au regard des aux grands principes du droit pénal. À cet égard, un dirigeant ne saurait être condamné dès lors qu’il n’est pas l’auteur de l'acte constitutif de l'élément matériel du délit d'abus de biens sociaux, ce qui est parfaitement logique et renvoie à l’article 121-1 du Code pénal (N° Lexbase : L2225AMD) aux termes duquel « Nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ». La preuve d’un acte positif imputable au dirigeant doit donc être rapportée. Ainsi, cet élément n’existe pas en présence d’un dirigeant d'une société d'économie mixte qui a toujours su et couvert les agissements irréguliers du directeur général [7]. Il en est de même concernant le directeur général d'une société qui n'a pas réagi face à la location d'un yacht au profit du président de cette même société [8] ou encore le président qui ne s’est pas opposé à l'acquisition d'un véhicule effectuée à l'initiative du directeur général de la société qui s'en est réservé l'usage puis le produit de la revente [9].

L’action personnelle et les pouvoirs de l’administrateur. En l’espèce, c’est le fait de s’être abstenu de soumettre la convention litigieuse au conseil d’administration de la société qui avait été stigmatisé par les juges du fond. Il s’agissait bien d’une abstention et il est vrai que l’administrateur fait partie des dirigeants susceptibles de se voir reprocher un abus de biens sociaux (C. com., art. L. 242-6, 3° N° Lexbase : L9515IY3). Dans ce cas, il n’est pas vraiment question de s’opposer directement à l’abus, mais de permettre au conseil d’administration de s’y opposer à travers sa mission de contrôle. Néanmoins, s’il est bien permis de considérer que  ne pas mettre le conseil d’administration en position d’effectuer son contrôle, c’est empêcher toute opposition force est de constater que l’action personnelle de l’administrateur était ici absente, mais plus encore que celle-ci ne pouvait exister. Il suffit pour s’en convaincre de revenir aux attributions de chacun : le conseil d’administration a certes pour mission d’effectuer certains contrôles mais il n’appartient pas à l’administrateur de soumettre les documents et informations nécessaires à l’accomplissement de cette mission. Ce devoir incombe au président ou au directeur général de la société (C. com., art. L. 225-35, al. 3 (N° Lexbase : L2369LR8).  Dès lors, comment reprocher à un administrateur de ne pas avoir fait quelque chose qu’il n’a pas à faire ? C’est évidemment impossible et on ne peut que se féliciter de la cassation intervenue sur ce point. Pareillement l’exigence d’une action personnelle est soulignée de façon positive puisque le président, coprévenu, est lui condamné. La cour d’appel avait en effet pris soin de souligner son « rôle actif » dans la commission de l’infraction. À cet égard, rien de nouveau, même si l’on peut souligner la référence à ne bis in idem entrainant une cassation partielle : il est pertinemment rappelé que des mêmes faits ne peuvent donner lieu à une condamnation pour deux infractions.

Un autre thème de réflexion particulièrement riche !

 

[1] Dictionnaire de la langue française, Le Robert, 2018, v. Usage, I.

[2] H. Matsopoulou et C. Mascala (dir.), Lamy droit pénal des affaires, 2020, n° 1284 ; B. Bouloc, Abus de biens sociaux, in Rép. sociétés Dalloz, 2019 n° 62 ; D. Rebut, L'abus de biens sociaux par abstention, D., 2005, p. 1290, n° 4

[3] Cass. crim., 24 avril 1984, n° 83-92.675 (N° Lexbase : A8120AAY) : D., 1984, p. 508 ; Cass. crim., 28 janvier 2004, n° 02-88.094 (N° Lexbase : A0610DCL) : B. Bouloc, note, Rev. sociétés, 2004, p. 722 ; J.-F. Barbièri, note, BJS, 2004. 861.

[4] D. Rebut, op. cit. ; W. Jeandidier, Fasc. 60 : Sociétés – Abus des biens, du crédit, des pouvoirs ou des voix, JCl. Lois pénales spéciales, LexisNexis, 2021, n° 25.

[5] Cass. crim., 28 janvier 2004, op. cit.

[6] Cass. crim., 7 septembre 2005, n° 05-80.163 (N° Lexbase : A9353DNQ) : B. Bouloc, note, Rev. sociétés, 2006, p. 149 ; D. Rebut, obs., RSC, 2006, p.331 ; J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 2005, comm. 175 ; R. Salomon, obs., Dr. sociétés, 2005, comm. 228.

[7] Cass. crim., 20 mars 1997, n° 96-81.361 (N° Lexbase : A6947AHR) : B. Bouloc, note, Rev. sociétés, 1997, p. 581.

[8] Cass. crim., 23 mars 2005, n° 04-84.756, F-D (N° Lexbase : A6863RNI) : J.-H. Robert, obs., Dr. pén., 2005, comm. 91.

[9] Cass. crim., 7 septembre 2005, op. cit.

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Procédure pénale

[Brèves] Ordonnance de mise en accusation : la notification de la traduction dans une langue comprise par l’accusé reporte la date à laquelle l’ordonnance devient définitive

Réf. : Cass. crim., 15 juin 2021, n° 21-81.843, FS-P (N° Lexbase : A00944WE)

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N8196BY9

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par Adélaïde Léon

Le 30 Juillet 2021

► La notification de l’ordonnance de mise en accusation traduite dans une langue étrangère comprise par l’accusé, permettant à celui-ci d’exercer une voie de recours et les droits de la défense, reporte la date à laquelle l’ordonnance devient définitive, sauf lorsque la traduction n’a pas été effectuée dans le délai raisonnable prévu par l’article D. 594-8 du Code de procédure pénale.

Rappel des faits. Un homme a été mis en examen et placé en détention provisoire, sous mandat de dépôt criminel, le 14 décembre 2018.

Par ordonnance du 21 février 2020, notifié le jour même, le juge d’instruction a ordonné la mise en accusation de l’intéressé et son renvoi devant la cour d’assises. Cette ordonnance a fait l’objet d’une traduction en langue portugaise laquelle a été notifiée à l’accusé le 16 mars 2020.

Le 16 février 2021, le procureur général a saisi la chambre de l’instruction aux fins de prolongation de la détention provisoire de l’intéressé, dans l’attente de sa comparution devant la juridiction criminelle.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction a prolongé la détention provisoire de l’intéressé pour une durée de six mois à partir de l’expiration du délai d’un an de l’article 181 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2990IZR) qui s’était écoulé à compter de la date à laquelle la décision de mise en accusation était devenue définitive. Selon la juridiction d’appel, le délai dans lequel l’intéressé devant comparaître devant la cour d’assises a couru à partir du 16 mars, de sorte que l’ordonnance de mise en accusation n’est devenue définitive que le 26 mars 2020 et que le délai de comparution n’expirait que le 26 mars.

L’accusé a formé un pourvoi contre cette décision.

Moyens du pourvoi. Il était reproché à la chambre de l’instruction d’avoir prolongé la détention provisoire alors que le délai d’un an au terme duquel l’intéressé aurait dû comparaître devant la juridiction de jugement avait débuté le 2 mars 2020 (dix jours après la notification en français de l’ordonnance de mise en accusation) et expiré le 2 mars 2021, date à compter de laquelle l’accusé était détenu sans titre.

En tout état de cause, si le point de départ du délai d’un an de l’article 181 devait être fixé à l’expiration du délai de recours contre la décision de mise en accusation, lui-même calculé à compter de la notification de la traduction de cette décision, il appartenait à la chambre de l’instruction de rechercher si un délai de près d’un mois entre la notification de l’ordonnance en langue française et la notification de sa traduction, ayant pour effet de repousser d’autant la détention provisoire de l’intéressé avant sa comparution, ne caractérisait pas un retard devant entraîner sa remise en liberté.

Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi au visa de l’article 181 du Code de procédure pénale.

La Haute juridiction confirme que la notification de l’ordonnance de mise en accusation traduite dans une langue étrangère comprise par l’accusé, permettant à celui-ci d’exercer une voie de recours et les droits de la défense, reporte la date à laquelle l’ordonnance devient définitive, sauf lorsque la traduction n’a pas été effectuée dans le délai raisonnable prévu par l’article D. 594-8 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4534IYL).

Pour aller plus loin : N. Catelan, Étude : la clôture de l’instruction, l’ordonnance de mise en accusation, in Procédure pénale, Lexbase (N° Lexbase : E85383C9).

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