Le Quotidien du 29 juillet 2021

Le Quotidien

Éditorial

[A la une] Hommage au Professeur Jean Pradel

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N8494BYA

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par Evan Raschel, Professeur à l’Université Clermont Auvergne, Docteur en droit de l'Université de Poitiers

Le 29 Juillet 2021

Chacun sans doute l’aura appris avec incrédulité, tant sa présence paraissait naturelle, presque immuable, pour qui a découvert ou approfondi le droit pénal grâce à ses écrits et enseignements. Le Professeur Jean Pradel nous a quittés. La nouvelle de son décès, début juillet, a suscité un vif émoi parmi la communauté universitaire, à la hauteur de la perte qu’il représente pour l’ensemble des pénalistes, mais aussi et surtout pour l’Université de Poitiers, qu’il aura durablement marquée de son empreinte.

C’est comme éminent spécialiste de droit pénal qu’il devait s’illustrer ; pourtant, Jean Pradel reçut une formation plus générale. Diplômé en droits privé et public mais aussi en histoire du droit, il prépara sa thèse, consacrée à la condition civile du malade (LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé, t. XXXIX, 1963 ), sous la direction d’un autre Professeur qui marqua les juristes poitevins, Gérard Cornu. Jean Pradel eut la chance de bénéficier non seulement de ses enseignements, mais également et notamment de ceux du doyen Carbonnier, de René Savatier et de son fils Jean…

Jean Pradel eut en réalité deux carrières ; si la seconde, le professorat, l’occupa plusieurs décennies, la première lui fournit une expérience pratique qu’il sut valoriser par la suite. Plus précisément, il devint dès la fin des années 1950 juge suppléant au tribunal de Brest où il séjourna brièvement – sa carrière fut alors interrompue par ses obligations militaires en Algérie. Rendu à la vie civile au printemps 1962, il poursuivit sa carrière de magistrat comme juge d’instruction à Bressuire puis à Poitiers. Il y retrouva sa terre natale (Jean Pradel est né en 1933 à Châtellerault) qu’il ne quittera plus – mis à part, bien sûr, ses très nombreux déplacements en France et à l’étranger, et mis à part encore une courte expérience comme maître de conférences à Tunis, peu après son agrégation en 1969, jusqu’à son retour à Poitiers trois ans plus tard.

Car l’essentiel de la carrière de Jean Pradel fut bien consacré à l’Université. Promu Professeur, il y occupa diverses importantes directions (IEJ, Institut de sciences criminelles…), y dirigea plusieurs dizaines de thèses, et y enseigna jusqu’à sa retraite en 2003 (retraite honorée par de formidables « Mélanges », édités en 2006 par Cujas), et bien après – l’auteur de ces lignes s’en souvient avec émotion, ayant bénéficié de ses conférences et enseignements en 2008 encore, dans le cadre du master 2 « Droit pénal approfondi et sciences criminelles ».

Mais si Jean Pradel fut enseignant, il fut surtout chercheur. Il était un pénaliste complet, comme en témoignent ses innombrables articles doctrinaux, ses trois ouvrages de référence publiés aux éditions Cujas : procédure pénale (20 éditions) ; droit pénal général (22 éditions) ; droit pénal spécial (8ème édition parue en 2020, co-écrite avec le Professeur Michel Danti-Juan, dont il dirigea la thèse), un précis Dalloz de droit pénal européen (qui n’a malheureusement plus été édité depuis la troisième édition en 2009) ou encore un plus original « Que sais-je ? » (PUF, 1989) consacré à l’Histoire des doctrines pénales. Plus récemment, Jean Pradel publia un dernier essai, intitulé « Deux siècles de politique pénale » (Cujas, 2020).

Grâce à cette activité impressionnante, la notoriété et les responsabilités de Jean Pradel dépassèrent rapidement et largement le cadre de l’Université de Poitiers. Il fut notamment président de l’Association française de droit pénal (AFDP). Au-delà, il fut un infatigable voyageur ; passionné par les droits étrangers, il fut un grand spécialiste de droit comparé, thématique à laquelle il consacra un autre ouvrage de référence (Droit pénal comparé, Dalloz, coll. Précis, 4ème éd., 2016).

Enfin, et peut-être surtout, Jean Pradel était un homme attachant, souriant et disponible. Comme beaucoup d’hommes et femmes de sa génération, il était pétri d’une grande culture et attaché à de solides principes et convictions. C’est ce souvenir qui restera auprès de ceux qui l’ont connu. C’est lui aussi – et bien d’autres –, qui restera certainement à ses proches, auxquels nous adressons nos sincères condoléances.

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Arbitrage

[Brèves] Le contrôle du Conseil d'État lors d'un recours en annulation contre une sentence arbitrale se restreint aux conditions de reddition de la sentence et à la contrariété à l'ordre public

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 20 juillet 2021, n° 443342, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A17134ZH)

Lecture: 4 min

N8489BY3

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par Lalaina Chuk Hen Shun, Docteur en droit, élève avocat,

Le 01 Septembre 2021

► Il appartient au Conseil d'État d’exercer le contrôle d’une sentence arbitrale rendue en France dans un litige né de l'exécution ou de la rupture d'un contrat conclu entre une personne morale de droit public française et une personne de droit étranger, exécuté sur le territoire français, mais mettant en jeu les intérêts du commerce international ; ne peuvent être utilement soulevés devant le Conseil que des moyens tirés, d'une part, de ce que la sentence a été rendue dans des conditions irrégulières et, d'autre part, de ce qu'elle est contraire à l'ordre public.

Faits et procédures. En 2004, alors qu’il possédait encore la qualité d’établissement public industriel et commercial (EPIC), Gaz de France conclut avec un groupement d’entreprises, dont des sociétés étrangères, un contrat de construction d'un terminal méthanier à Fos Cavaou. Par la suite, d’une part, Gaz de France, devenu société anonyme, cède le contrat à une de ses filiales pour exploiter le site et, d’autre part, une clause compromissoire prévoyant un arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) a été insérée par avenant. Le 13 février 2015, une sentence arbitrale condamne la filiale d’Engie (ex-Gaz de France) au paiement d’une certaine somme au groupement d’entreprises. La société de Fos Cavaou sollicite l’annulation de la sentence devant, à la fois, le Conseil d’État et la cour d’appel de Paris. Considérant la qualité d’EPIC de Gaz de France au moment de la conclusion du contrat litigieux, le Tribunal des conflits a jugé, par une décision du 11 avril 2016 (T. confl., 11 avril 2016, n° 4043, Société Fosmax Lng c/ STS N° Lexbase : A6727RC7), que le recours en annulation formé contre la sentence arbitrale relevait de la compétence de la juridiction administrative qui a partiellement annulé la sentence (CE Contentieux, 9 novembre 2016, n° 388806, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0614SGT). Le 24 juin 2020, une nouvelle sentence CCI condamne le groupement d’entreprises au paiement de 31 966 704,57 euros à l’exploitant méthanier.

Recours. C’est à l’encontre de cette sentence que le recours en annulation devant le Conseil d’État est dirigé. Trois griefs sont formulés par les sociétés requérantes :

  • d’abord, elles soutiennent que le tribunal arbitral n’a pas suffisamment répondu à l'un des moyens soulevés devant lui, relatif à l’imputabilité des inexécutions ;
  • ensuite, elles lui reprochent de méconnaître la chose jugée par la sentence du 13 février 2015 et, partant, de s’être reconnu compétent à tort ;
  • enfin, elles estiment que le tribunal arbitral a appliqué des règles relatives à la mise en régie alors que les conditions n'en étaient pas réunies.

Réponse du Conseil. En premier lieu, les conseillers d’État rappellent qu’en cas de recours en annulation, il appartient au Conseil d’exercer le contrôle sur la sentence d’arbitrage international rendue en France relative à un contrat conclu par une personne morale de droit public française.

En deuxième lieu, outre le contrôle de la régularité des conditions dans lesquelles la sentence a été rendue, ils précisent que, s’agissant du fond, le contrôle de la contrariété à l’ordre public exercé par le Conseil sanctionne, notamment, la sentence qui méconnaît des règles auxquelles les personnes publiques ne peuvent déroger ou les règles d'ordre public du droit de l'Union européenne. Partant de ces deux rappels, les conseillers rejettent la demande en annulation, d’abord, en écartant les moyens tirés de l’irrégularité de la procédure arbitrale en ce qu’ils considèrent que le tribunal arbitral, d’une part, a suffisamment motivé sa sentence sur le moyen de l’imputabilité des inexécutions et, d’autre part, est libre de faire toutes constatations de fait et de droit relativement aux questions en débat devant lui sur la demande qui lui est soumise. Ensuite, s’agissant d’une éventuelle mauvaise application des règles relatives à la mise en régie, le Conseil décide qu’en tout état de cause de tels moyens ne caractérisent aucune contrariété à l’ordre public susceptible de justifier l’annulation de la sentence.

Solution. Le Conseil d’État rejette la requête et octroie l’exequatur à la sentence attaquée.

Pour aller plus loin : v. L. Chuk Hen Shun, ÉTUDE : L’arbitrage, Les voies de recours contre la sentence arbitrale, in Procédure civile (dir. E. Vergès), Lexbase (N° Lexbase : E30494YL).

newsid:478489

Covid-19

[Brèves] Accès à des fins d'établissement de statistiques ou de recherche scientifique aux données relatives au fonds de solidarité

Réf. : Décret n° 2021-959, du 20 juillet 2021, relatif à l'accès à des fins d'établissement de statistiques ou de recherche scientifique aux données relatives au fonds de solidarité à destination des entreprises des secteurs particulièrement touchés par les conséquences économiques de la crise sanitaire liée au coronavirus covid-19 (N° Lexbase : L2279L7K)

Lecture: 2 min

N8450BYM

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par Vincent Téchené

Le 28 Juillet 2021

► Un décret, publié au Journal officiel du 21 juillet 2021, organise l'accès, à des fins d'établissement de statistiques, de recherche scientifique ou pour permettre le versement d'autres aides, aux données relatives au fonds de solidarité.

L'article 3-1 de l'ordonnance n° 2020-317, du 25 mars 2020, portant création d'un fonds de solidarité (N° Lexbase : L5725LWX), dispose en son III : « Les services de l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics mentionnés à l'article 2 procèdent aux échanges de données strictement nécessaires à l'instruction des demandes d'aides financières, au contrôle de celles-ci, à la gestion du fonds et au suivi du dispositif. Un décret détermine les modalités des échanges de données qui sont réalisés en application du présent III. »

Le décret n° 2020-371, du 30 mars 2020, relatif au fonds de solidarité (N° Lexbase : L6019LWT), au II de son article 1er, précise les modalités d'application de l'ordonnance et notamment les modalités d'échanges de données opérés, par le biais de plateformes sécurisées, dans le respect des secrets professionnel et fiscal entre l'administration fiscale et les organismes et services chargés de la gestion du régime obligatoire de Sécurité sociale ou avec les autres services de l'État, les organismes chargés d'un régime obligatoire de Sécurité sociale, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre.

Le décret du 20 juillet complète le dispositif pour permettre :

- l'échange de données en vue de la recherche scientifique ou statistique, effectuée par des tiers. L'accès à ces tiers peut être autorisé par décision du ministre chargé du Budget, conformément à l'article L. 135 D du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L4807IXC) ;

- l'échange de données avec les agents des services de l'État chargés de la réalisation d'études économiques ;

- l'échange de données avec les chambres de commerce et de l'industrie chargées d'une aide pour les commerces multi-activités en zone rurale ;

- l'échange de données entre l'administration fiscale et les agents des services de l'État chargés de la réalisation d'études économiques et de l'INSEE en vue de l'établissement de statistiques permettant le suivi du dispositif du fonds de solidarité.

Il précise par ailleurs que les données permettant l'identification directe ou indirecte de personnes physiques ne sont pas communicables (à l'exception pour les données relatives aux entreprises, des numéros d'identification prévus à l'article R. 123-220 du Code de commerce N° Lexbase : L9632I8A).

 

newsid:478450

Données personnelles

[Brèves] Fichier de lobbying : sanction de 400 000 euros à l’encontre de la société Monsanto

Réf. : CNIL, 26 juillet 2021, délibération n° SAN-2021-012 (N° Lexbase : X9442CMN)

Lecture: 4 min

N8488BYZ

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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

Le 01 Septembre 2021

► La CNIL a sanctionné la société Monsanto d’une amende de 400 000 euros pour ne pas avoir informé les personnes dont les données étaient enregistrées dans un fichier à des fins de lobbying et pour ne pas avoir mis en place les garanties contractuelles devant normalement encadrer les relations avec un sous-traitant.

Contexte. En mai 2019, plusieurs médias ont révélé que la société Monsanto détenait un fichier contenant les données personnelles de plus de 200 personnalités politiques, ou appartenant à la société civile (par exemple des journalistes, militants de la cause écologiste, scientifiques ou encore agriculteurs) susceptibles d’influencer le débat ou l’opinion publique sur le renouvellement de l’autorisation du glyphosate en Europe. Dans le même temps, la CNIL a été destinataire de sept plaintes émanant notamment de personnes concernées par ce fichier.

Les contrôles effectués par la CNIL ont révélé que ce recensement avait été réalisé pour le compte de la société Monsanto par plusieurs sociétés spécialisées dans les relations publiques et le lobbying, dans le cadre d’une importante campagne de représentation d’intérêts.

Le fichier en question contenait, pour chacune de ces personnes, des informations telles que l’organisme de rattachement, le poste occupé, l’adresse professionnelle, le numéro de téléphone fixe professionnel, le numéro de téléphone portable, l’adresse de messagerie électronique professionnelle et, dans certains cas, le compte Twitter. En outre, une note allant de 1 à 5 était attribuée à chaque personne, afin d’évaluer son influence, sa crédibilité et son soutien à la société Monsanto sur divers sujets tels que les pesticides ou les organismes génétiquement modifiés.

Un manquement à l’obligation d’information des personnes (« RGPD », art. 14). La CNIL a estimé que la société avait méconnu la réglementation en n’informant pas les personnes concernées de l’enregistrement de leurs données dans ce fichier.

La création de fichiers de contacts par les représentants d’intérêts à des fins de lobbying n’est pas, en soi, illégale. En revanche, ne peuvent figurer dans ce fichier que des personnes qui peuvent raisonnablement s’attendre, en raison de leur notoriété ou de leur activité, à être l’objet de contacts du secteur. S’il n’est pas nécessaire de recueillir le consentement de ces personnes, il faut que les données inscrites dans le fichier aient été collectées légalement et que les personnes soient informées de l’existence du fichier, afin de pouvoir exercer leurs droits, notamment leur droit d’opposition.

La CNIL a relevé que les personnes dont les données personnelles avaient été collectées n’ont été informées de l’existence du fichier litigieux qu’en 2019, seulement après la révélation de son existence par les médias. Or, aucune des exceptions à l’obligation d’information des personnes prévues par le « RGPD »  (Règlement n° 2016/679 du 27 avril 2016 N° Lexbase : L0189K8I) n’était applicable en l’espèce. Les personnes concernées auraient donc dû être informées du traitement mis en œuvre. Sur ce point, la CNIL a notamment relevé que la société Monsanto disposait pour la quasi-totalité des personnes d’une information de contact (adresse, numéro de téléphone ou adresse de messagerie électronique) qu’elle aurait pu aisément utiliser.

La CNIL a également rappelé que le fait de ne pas informer les personnes concernées de l’existence d’un traitement nuit nécessairement à l’exercice des droits qui leur sont conférés par le « RGPD ». L’information est un droit essentiel qui conditionne l’exercice des autres droits (droits d’accès, d’opposition, d’effacement…) dont bénéficient les personnes : dans ce cas, elles en ont été empêchées durant plusieurs années.

La CNIL a relevé qu’il n’a été mis fin à ce manquement que plusieurs années après la mise en œuvre du traitement, après que plusieurs médias ont révélé son existence.

Un manquement à l’obligation d’encadrer les traitements effectués pour le compte du responsable de traitement par un acte juridique formalisé (« RGPD », art. 28). La CNIL a sanctionné le fait que la société n’avait pas mis en place les garanties contractuelles devant normalement encadrer les relations avec un sous-traitant.

En tant que responsable de traitement, la société Mosanto avait l’obligation d’encadrer par un acte juridique la réalisation du traitement effectué pour son compte par son sous-traitant, notamment afin de prévoir des garanties concernant la sécurité des données.

La CNIL a relevé qu’aucun des actes conclus entre les deux sociétés ne comportait les mentions prévues à l’article 28 du « RGPD ».

Sanction. La formation restreinte a prononcé une amende de 400 000 euros à l’encontre de la société Monsanto et a décidé de rendre publique sa décision.

newsid:478488

Fonction publique

[Brèves] Militaire membre d'une APNM : nécessaire respect du devoir de réserve

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 20 juillet 2021, n° 444784, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A17174ZM)

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N8481BYR

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par Yann Le Foll

Le 01 Septembre 2021

Un militaire membre d'une association professionnelle nationale de militaires (APNM) ne peut tenir des propos excédant les limites imposées par le devoir de réserve.

Principe. Si, en vertu des articles L. 4121-2 (N° Lexbase : L2544HZA) et L. 4126-4 (N° Lexbase : L9608KCT) du Code de la défense, les membres des associations professionnelles nationales de militaires peuvent exprimer des positions publiques sur les questions relevant de la condition militaire, les propos qu'ils tiennent publiquement ne sauraient excéder les limites que les militaires doivent respecter en raison de la réserve à laquelle ils sont tenus à l'égard des autorités publiques.

En particulier, la circonstance qu'il soit membre d'une association professionnelle nationale de militaires ne saurait permettre à un militaire de tenir des propos diffamatoires ou outranciers à l'égard de cadres de l'armée ou des appréciations sur l'action d'autres autorités publiques. De tels propos sont ainsi de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire.

Application. L’intéressé a tenu et publié sur des sites internet, à de nombreuses reprises, des propos outranciers à l'égard de plusieurs cadres de l'armée, notamment le directeur général de la gendarmerie nationale, et qu'il a également tenu des propos déplacés sur l'action du Président de la République (voir, pour une affaire similaire, CE 2° et 7° s-s-r., 9 avril 2010, n° 312251, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A5657EU3).

La circonstance alléguée par le requérant qu'il serait président d'une association professionnelle nationale de militaires ne saurait, en tout état de cause, justifier l'expression de tels propos. Il s'ensuit que les faits reprochés à l'intéressé étaient de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire. La rapporteure publique Mireille Le Corre rappelle dans ses conclusions que « des propos ou un comportement agressifs à l'égard d'un supérieur hiérarchique ou d'un autre agent sont susceptibles, alors même qu'ils ne seraient pas constitutifs d'une infraction pénale, d'avoir le caractère d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire » (CE 2° et 7° ch.-r., 27 janvier 2020, n° 426569, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A65053CW).

Sanction. Eu égard à la nature des propos tenus publiquement et à leur répétition, l'autorité disciplinaire n'a pas pris une sanction disproportionnée en infligeant au militaire un blâme du ministre.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le contenu des obligations des fonctionnaires, L'obligation de neutralité, in Droit de la fonction publique, (dir. P. Tifine), Lexbase (N° Lexbase : E99063K4).

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Procédure pénale

[Brèves] Box vitrés : le Conseil d’État valide les modalités de sécurisation des box des salles d’audience des juridictions judiciaires

Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 21 juin 2021, n° 418694, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A76444WZ)

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N8292BYR

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par Adélaïde Léon

Le 28 Juillet 2021

La mise en place de box vitrés, prévue par le point 5.1.3.2.6 de l’arrêté du 18 août 2016 du garde des Sceaux, portant approbation de la politique ministérielle de défense et de sécurité au sein du ministère de la Justice, ne méconnait pas les dispositions prévoyant la comparution libre du prévenu ou de l’accusé ainsi que la présomption d’innocence, le droit à un procès équitable et les droits de la défense.

Rappel de la procédure. Le 28 septembre 2020 (CE 5° et 6° ch.-r., 28 septembre 2020, n° 418694, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A27713WK), saisi d’une requête du Syndicat des avocats de France (SAF) tendant à l’annulation du point 5.1.3.2.6 de l’arrêté du 18 août 2016 du garde des Sceaux, portant approbation de la politique ministérielle de défense et de sécurité au sein du ministère de la Justice, le Conseil d’État a sursis à statuer et refusé d’abroger le point litigieux jusqu’à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel était l’ordre de juridiction compétent pour connaître de cette requête.

Le 8 février 2021, le Tribunal des conflits a déclaré la juridiction administrative compétente pour connaître du litige (T. conf., 8 février 2021, n° 4202, Syndicat des avocats de France c/ garde de Sceaux, ministre de la Justice N° Lexbase : A62934HK). Le 22 mars 2021, le Conseil national des barreaux (CNB) est intervenu pour demander au Conseil d’État de faire droit aux conclusions de la requête du Syndicat des avocats de France.

Motifs de la requête. Le point litigieux de l’arrêt prévoit la mise en place de « box vitrés » en salles d’audience. Il s’agit « d’espaces fermés destinés à accueillir les prévenus sous escorte » pouvant être intégralement vitrés ou présenter un barreaudage en façade et un vitrage sur les faces latérales, côté public et côté magistrats.

Par une lettre du 26 octobre 2017, le Syndicat des avocats de France a saisi le ministre de la Justice d’une demande tendant à l’abrogation des dispositions de ce point 5. 1. 3. 2. 6 en demandant l’annulation pour excès de pouvoir, dans cette mesure, de cet arrêté ainsi que de la décision implicite refusant de l’abroger.

Décision. Le Conseil d’État relève tout d’abord la compétence du ministre de la Justice pour arrêter des recommandations relatives à la sécurisation des salles d’audience des tribunaux.

Comparution libre et box vitrés. La Haute juridiction rappelle ensuite les termes des articles préliminaire (mesures de contraintes et dignité) (N° Lexbase : L3311LTS) et 309 du Code de procédure pénale (police de l’audience) (N° Lexbase : L3587DGX) pour conclure que l’article 318 du même code (comparution libre de l’accusé) (N° Lexbase : L4363AZM) ne fait pas obstacle à ce que des mesures de contrainte, justifiées par la sécurité des personnes présentes à l’audience ou la nécessité d’empêcher l’accusé de fuir ou de communiquer avec des tiers, soient prises à l’égard de l’intéressé, dans le respect des droits de la défense.

Dès lors, l’article 318 du Code de procédure pénale qui prévoit la comparution libre de l’accusé n’interdit pas que celui-ci comparaisse dans un box sécurisé vitré si les circonstances le justifient.

Présomption d’innocence et box vitrés. Le Conseil d’État juge par ailleurs que les dispositions contestées se bornent à définir les modalités de sécurisation des box des salles d’audience des juridictions judiciaires destinés à accueillir des prévenus ou des accusés retenus sous escorte et n’ont ni pour objet ni pour effet d’instaurer une présomption de culpabilité à leur égard. Dès lors, elles ne méconnaissent pas le principe du respect de la présomption d’innocence garanti par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 (DDHC) (N° Lexbase : L1373A9Q) et l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH) (N° Lexbase : L7558AIR) ainsi que les objectifs de l’article 5 de la Directive n° 2016/343 du 9 mars 2016 portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (N° Lexbase : L0018K7S).

Traitements inhumains ou dégradants et box vitrés. La Haute juridiction affirme par ailleurs que « le placement d’un prévenu ou d’un accusé dans un box vitré n’est pas par lui-même de nature à exposer le prévenu ou l’accusé à un traitement inhumain ou dégradant prohibé par l’article 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme ». À cet égard, le Conseil rappelle que le président de juridiction, sous le contrôle de la Cour de cassation, reste tenu de déterminer les modalités de comparution du prévenu ou de l’accusé adaptées à sa personne et aux circonstances.

Procès équitable et box vitrés. Selon le Conseil d’État, l’installation de box vitrés dans les salles d’audience de juridictions judiciaires ne méconnaît pas non plus, par elle-même, le droit à un procès équitable et les droits de la défense garantis par l’article 6 de la CESDH. Le Conseil souligne que la participation effective aux débats de la personne qui comparaît dans un tel box, ainsi que sa communication libre et secrète avec son avocat, demeurent assurées par le président de juridiction sous le contrôle de la Cour de cassation.

Le Conseil d’État rejette donc les conclusions de la requête du Syndicat des avocats de France.

Pour aller plus loin : E. Morain, Architecture et justice, Lexbase Pénal, février 2018 (N° Lexbase : N2630BXP).

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