Le Quotidien du 29 juin 2021

Le Quotidien

Aide juridictionnelle

[Brèves] Publication d’un décret modifiant la rétribution des avocats en matière d'aide juridictionnelle

Réf. : Décret n° 2021-810, du 24 juin 2021 portant diverses dispositions en matière d'aide juridictionnelle et d'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles (N° Lexbase : L9483L4Y)

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N8100BYN

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par Marie Le Guerroué

Le 14 Septembre 2021

► Un décret portant diverses dispositions en matière d'aide juridictionnelle et d'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles a été publié au Journal officiel du 26 juin 2021.

Le décret tire les conséquences des modifications apportées à la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique (N° Lexbase : L8607BBE) par l'article 234 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 (N° Lexbase : L3002LZ9 ; v. M. Le Guerroué, Aide juridictionnelle : le montant de l’UV passe à 34 euros, Lexbase Avocats, janvier 2021 N° Lexbase : N5864BYT).

Modification du régime de rétribution des avocats commis d'office. Le décret comporte les dispositions d'application de la réforme du régime de rétribution à l'aide juridictionnelle des avocats commis d'office, pour les procédures mentionnées à l'article 19-1 de la loi du 10 juillet 1991.

Modification du barème de rétribution des avocats. Le décret unifie les règles de gestion afférentes à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat.

Prise en compte de la réforme du Code de la justice pénale des mineurs. Le décret procède à quelques ajustements du barème de rétribution des avocats, en particulier en matière pénale, afin de prendre en compte les réformes procédurales introduites par le nouveau Code de la justice pénale des mineurs (v. loi n° 2021-218, du 26 février 2021, ratifiant l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs N° Lexbase : L4202L3Z ; lire A. Léon, Ratification de l’ordonnance du 11 septembre 2019 portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs, Lexbase Pénal, mars 2021 N° Lexbase : N6614BYM).

Entrée en vigueur. Les dispositions du décret entrent en vigueur le 1er juillet 2021, à l'exception, d'une part, du deuxième alinéa de l'article 20 et de l'article 36, qui entrent en vigueur à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs (N° Lexbase : L2043LSH) et, d'autre part, des dispositions du 2° de l'article 2 et du 1° des I, II et III de l'article 3 ainsi que de l'article 25, qui entrent en vigueur le 1er janvier 2022.

newsid:478100

Contentieux de la Sécurité sociale

[Brèves] Non-renvoi de la QPC relative aux prérogatives juridictionnelles du juge de la Sécurité sociale en matière d’expertise médicale

Réf. : Cass. QPC, 17 juin 2021, n° 21-11.105, F-D (N° Lexbase : A67064WB)

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N7982BYB

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par Laïla Bedja

Le 23 Juin 2021

► La juridiction de Sécurité sociale n’est pas dépossédée de ses prérogatives juridictionnelles en cas de difficulté d’ordre médical dont dépend la solution du litige, puisqu’elle peut soit, si elle estime nécessaires des précisions complémentaires, ordonner un complément d'expertise, soit, sur demande d'une partie, ordonner une nouvelle expertise ; il ne saurait dès lors être sérieusement soutenu que l’interprétation donnée par la Cour de cassation des articles L. 141-1 (N° Lexbase : L7778LPR) et L. 141-2 (N° Lexbase : L4640AD9) du Code de la Sécurité sociale, abrogés à effet du 1er janvier 2022 par la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 (N° Lexbase : L1993LUD), porterait atteinte à la garantie des droits, au droit à un recours juridictionnel effectif, aux droits de la défense et aux principes d’indépendance et d’impartialité des juridictions, garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 (N° Lexbase : L1363A9D).

La QPC. Une caisse primaire d’assurance maladie a notifié à une assurée que son arrêt de travail n’était plus médicalement justifié à compter du 10 décembre 2014 au vu de l’avis du médecin conseil. L’assurée a alors sollicité une expertise réalisée le 29 janvier 2015. La caisse l’a ensuite informée le 3 mars 2015, que la date était reportée au 27 février 2015.

En désaccord avec la caisse, l’assurée a saisi la juridiction de Sécurité sociale. À l’occasion du pourvoi qu’elle a formé contre l’arrêt de la cour d’appel, l’assurée a demandé le renvoi de la QPC ainsi rédigée :

« Les articles L. 141-1 et L. 141-2 du Code de la Sécurité sociale interprétés en ce sens que ‘’lorsque la régularité de l'avis technique de l'expert n'est pas contestée, il s'impose au malade ou à la victime comme à la caisse et qu'au vu de cet avis, le juge peut soit, s'il estime nécessaires des précisions complémentaires, ordonner un complément d'expertise, soit, sur demande d'une partie, ordonner une nouvelle expertise’’ (v. Cass. civ. 2, 24 janvier 2019, n° 17-28.933, F-D N° Lexbase : A3106YUL ; Cass. civ. 2, 30 mai 2013, n° 12-21.078, F-P+B N° Lexbase : A9432KE3) d’où il résulte d’ailleurs que la juridiction de Sécurité sociale ‘’ne peut se prononcer sur une difficulté d'ordre médical dont dépend la solution du litige’’ (v. Cass. civ. 2, 23 janvier 2020, n° 19-11.541, F-D N° Lexbase : A59063CQ) sont-ils contraires à l’article 16 de la Déclaration de 1789, à la garantie des droits, au droit à un recours juridictionnel effectif, aux droits de la défense, aux principes d'indépendance et d'impartialité des juridictions, en ce que la juridiction de Sécurité sociale est dépossédée de ses prérogatives juridictionnelles dès lors qu’une difficulté d’ordre médical apparaît au profit d’un médecin dont elle ne peut que se borner à solliciter l’avis ? »

Non-renvoi. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction décide de ne pas renvoyer au Conseil constitutionnel la question de l’assurée.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : L’expertise médicale, La demande d'une nouvelle expertise médicale, in Droit de la protection sociale, Lexbase (N° Lexbase : E0240AEM).

newsid:477982

Données personnelles

[Brèves] Traitement transfrontalier de données : la CJUE précise les conditions d’exercice des pouvoirs des autorités nationales de contrôle

Réf. : CJUE, 15 juin 2021, aff. C-645/19 (N° Lexbase : A00664WD)

Lecture: 9 min

N7956BYC

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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

Le 28 Juin 2021

► Dans son arrêt, rendu en Grande chambre, la Cour précise les pouvoirs des autorités nationales de contrôle dans le cadre du « RGPD » (Règlement n° 2016/679 du 27 avril 2016 N° Lexbase : L0189K8I) ; ainsi, elle juge notamment que ce Règlement autorise, sous certaines conditions, une autorité de contrôle d’un État membre à exercer son pouvoir de porter toute prétendue violation du « RGPD » devant une juridiction de cet État et d’ester en justice en ce qui concerne un traitement de données transfrontalier, alors qu’elle n’est pas l’autorité chef de file pour ce traitement.

Faits et procédure. Le 11 septembre 2015, le président de la Commission belge de la protection de la vie privée (ci-après la « CPVP ») saisit le Nederlandstalige rechtbank van eerste aanleg Brussel (tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles, Belgique), d’une action en cessation à l’encontre de Facebook Ireland, Facebook Inc. et Facebook Belgium, visant à mettre un terme à des violations, prétendument commises par Facebook, de la législation relative à la protection des données. Ces violations consistent notamment en la collecte et l’utilisation d’informations sur le comportement de navigation des internautes belges, détenteurs ou non d’un compte Facebook, au moyen de différentes technologies, telles les cookies, les modules sociaux ou les pixels.

Le 16 février 2018, ce tribunal se déclare compétent pour statuer sur cette action et, sur le fond, juge que le réseau social Facebook n'informe pas suffisamment les internautes belges de la collecte et de l’usage des informations concernées. Par ailleurs, le consentement donné par les internautes à la collecte et au traitement desdites informations est jugé non valable.

Le 2 mars 2018, Facebook Ireland, Facebook Inc. et Facebook Belgium interjettent appel de ce jugement devant le Hof van beroep te Brussel (cour d’appel de Bruxelles), la juridiction de renvoi dans la présente affaire. Devant cette juridiction, l’autorité de protection des données (Belgique) (APD) a agi en tant que successeur légal du président de la CPVP.

La juridiction de renvoi se déclare uniquement compétente pour statuer sur l’appel interjeté par Facebook Belgium. La juridiction de renvoi a éprouvé des doutes au sujet de l’incidence de l’application du mécanisme de « guichet unique » prévu par le « RGPD » sur les compétences de l’APD et se pose, plus particulièrement, la question de savoir si, pour les faits postérieurs à l’entrée en vigueur du « RGPD », à savoir le 25 mai 2018, l’APD peut agir contre Facebook Belgium, dès lors que c’est Facebook Ireland qui a été identifiée comme responsable du traitement des données concernées. En effet, depuis cette date et notamment en application du principe de « guichet unique » prévu par le« RGPD », seul le Commissaire irlandais à la protection des données serait compétent pour intenter une action en cessation, sous le contrôle des juridictions irlandaises.

Conditions. En premier lieu, la Cour précise les conditions dans lesquelles une autorité nationale de contrôle, n’ayant pas la qualité d’autorité chef de file en ce qui concerne un traitement transfrontalier, doit exercer son pouvoir de porter toute prétendue violation du « RGPD » devant une juridiction d’un État membre et, le cas échéant, d’ester en justice afin d’assurer l’application de ce Règlement : 

  • d’une part, le « RGPD » doit conférer à cette autorité de contrôle une compétence pour adopter une décision constatant que ce traitement méconnaît les règles prévues par ce Règlement ; et
  • d’autre part, ce pouvoir doit être exercé dans le respect des procédures de coopération et de contrôle de la cohérence prévues par ce Règlement.

En effet, pour les traitements transfrontaliers, le « RGPD » prévoit le mécanisme du « guichet unique », qui est fondé sur une répartition des compétences entre une « autorité de contrôle chef de file » et les autres autorités nationales de contrôle concernées. Ce mécanisme exige une coopération étroite, loyale et efficace entre ces autorités, afin d’assurer une protection cohérente et homogène des règles relatives à la protection des données à caractère personnel et ainsi préserver son effet utile. Le « RGPD » consacre à cet égard la compétence de principe de l’autorité de contrôle chef de file pour adopter une décision constatant qu’un traitement transfrontalier méconnaît les règles prévues par ce Règlement, tandis que la compétence des autres autorités nationales de contrôle pour adopter une telle décision, même à titre provisoire, constitue l’exception. Cependant, dans l’exercice de ses compétences, l’autorité de contrôle chef de file ne saurait s’affranchir d’un dialogue indispensable ainsi que d’une coopération loyale et efficace avec les autres autorités de contrôle concernées. De ce fait, dans le cadre de cette coopération, l’autorité de contrôle chef de file ne peut ignorer les points de vue des autres autorités de contrôle concernées et toute objection pertinente et motivée formulée par l’une de ces dernières autorités a pour effet de bloquer, à tout le moins temporairement, l’adoption du projet de décision de l’autorité de contrôle chef de file.

La Cour précise par ailleurs que la circonstance qu’une autorité de contrôle d’un État membre qui n’est pas l’autorité de contrôle chef de file s’agissant d’un traitement de données transfrontalier ne puisse exercer le pouvoir de porter toute prétendue violation du « RGPD » devant une juridiction de cet État et d’ester en justice que dans le respect des règles de répartition des compétences décisionnelles entre l’autorité de contrôle chef de file et les autres autorités de contrôle est conforme aux articles 7, 8 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, garantissant à la personne concernée, respectivement, le droit à la protection de ses données à caractère personnel et le droit à un recours effectif.

Champ d'application territoriale du « RGPD ». En deuxième lieu, la Cour juge que, en cas de traitement de données transfrontalier, l’exercice du pouvoir d’une autorité de contrôle d’un État membre, autre que l’autorité de contrôle chef de file, d’intenter une action en justice ne requiert pas que le responsable du traitement ou le sous-traitant pour le traitement transfrontalier de données à caractère personnel visé par cette action dispose d’un établissement principal ou d’un autre établissement sur le territoire de cet État membre. Cependant, l’exercice de ce pouvoir doit relever du champ d’application territoriale du « RGPD », ce qui suppose que le responsable du traitement ou le sous-traitant pour le traitement transfrontalier dispose d’un établissement sur le territoire de l’Union.

Établissements visés. En troisième lieu, la Cour dit pour droit que, en cas de traitement de données transfrontalier, le pouvoir d’une autorité de contrôle d’un État membre, autre que l’autorité de contrôle chef de file, de porter toute prétendue violation du « RGPD » devant une juridiction de cet État et, le cas échéant, d’ester en justice peut être exercé :

  • tant à l’égard de l’établissement principal du responsable du traitement qui se trouve dans l’État membre dont relève cette autorité ;
  • qu’à l’égard d’un autre établissement de ce responsable, pour autant que l’action en justice vise un traitement de données effectué dans le cadre des activités de cet établissement et que ladite autorité soit compétente pour exercer ce pouvoir.

Cependant, la Cour précise que l’exercice de ce pouvoir suppose que le « RGPD » soit d’application. En l’occurrence, les activités de l’établissement du groupe Facebook situé en Belgique étant indissociablement liées au traitement des données à caractère personnel en cause au principal, dont Facebook Ireland est le responsable s’agissant du territoire de l’Union, ce traitement est effectué « dans le cadre des activités d’un établissement du responsable du traitement » et partant, relève bien du champ d’application du « RGPD ».

Action en justice visant un traitement transfrontalier de données à caractère personnel intentée avant la date d'entrée en vigueur du « RGPD ». En quatrième lieu, la Cour juge que, lorsqu’une autorité de contrôle d’un État membre qui n’est pas l’« autorité de contrôle chef de file » a intenté, avant la date d’entrée en vigueur du « RGPD », une action en justice visant un traitement transfrontalier de données à caractère personnel, cette action peut être maintenue, en vertu du droit de l’Union, sur le fondement des dispositions de la Directive relative à la protection des données (Directive n° 95/46 du 24 octobre 1995 N° Lexbase : L8240AUQ), laquelle demeure applicable en ce qui concerne les infractions aux règles qu’elle prévoit commises jusqu’à la date à laquelle cette Directive a été abrogée. En outre, cette action peut être intentée par cette autorité pour des infractions commises après la date d’entrée en vigueur du « RGPD », pour autant que ce soit dans l’une des situations où, à titre d’exception, ce Règlement confère à cette même autorité une compétence pour adopter une décision constatant que le traitement de données concerné méconnaît les règles prévues par ce Règlement et dans le respect des procédures de coopération que ce dernier prévoit.

Effet direct de l'article 58, 5°, du « RGPD ». En cinquième lieu, la Cour reconnaît l’effet direct de la disposition du « RGPD » en vertu de laquelle chaque État membre prévoit, par la loi, que son autorité de contrôle a le pouvoir de porter toute violation de ce Règlement à l’attention des autorités judiciaires et, le cas échéant, d’ester en justice. Par conséquent, une telle autorité peut invoquer cette disposition pour intenter ou reprendre une action contre des particuliers, même si elle n’a pas été spécifiquement mise en œuvre dans la législation de l’État membre concerné.

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Environnement

[Brèves] Chasse à la glu : une pratique illégale en l’état

Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 28 juin 2021, n°s 425519 (N° Lexbase : A44224X3), 434365 (N° Lexbase : A44234X4), 443849 (N° Lexbase : A44244X7)

Lecture: 3 min

N8108BYX

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par Yann Le Foll

Le 30 Juin 2021

Est annulée la règlementation française autorisant la chasse à la glu des grives et des merles comme contraire au droit européen, n’étant pas démontré que les autres oiseaux capturés accidentellement avec cette méthode le sont en faible nombre et sans conséquence grave, son statut de méthode « traditionnelle » de chasse ne suffisant pas, en outre, à justifier une dérogation.

Faits. Technique de chasse « traditionnelle » dans cinq départements du sud-est de la France (Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Vaucluse et Var), la chasse à la glu ou aux gluaux consiste à enduire de glu des baguettes (gluaux) afin de capturer vivants, pour servir d’appelants, les oiseaux de certaines espèces qui s’y posent. Les autres oiseaux capturés par cette technique doivent être relâchés.

Aux mois de septembre 2018 et septembre 2019, le Gouvernement a autorisé par arrêté la chasse à la glu de grives et de merles noirs dans cinq départements de Provence-Alpes-Côte d'Azur pour les saisons de chasse 2018-2019 et 2019-2020. 

Droit UE. Toutefois, la Directive européenne dite « Oiseaux » du 30 novembre 2009 (Directive 2009/147/CE, concernant la conservation des oiseaux sauvages N° Lexbase : L4317IGY) interdit le recours à des méthodes de capture massive ou non sélective et cite notamment, parmi les pratiques en principe interdites, la chasse à la glu. La Directive prévoit toutefois qu’une dérogation peut être accordée, « s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante », pour capturer certains oiseaux en petites quantités, « dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective ».

Saisine CJUE. Saisi par l’association One Voice et la Ligue française pour la protection des oiseaux, le Conseil d'État a demandé à la CJUE de préciser l’interprétation de la Directive « Oiseaux » (CE 5° et 6 ch.-r., 29 novembre 2019, n° 425519, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0450Z4G ; v. A. De Prémorel, Quel droit à la destruction des espèces protégées ?, Lexbase Public, novembre 2018, n° 523 N° Lexbase : N6422BX7).

En août 2020, dans l’attente de la réponse de la CJUE, le Gouvernement a refusé d’autoriser la chasse à la glu pour la campagne 2020-2021, ce qui a conduit la Fédération nationale des chasseurs à saisir le Conseil d’État pour qu’il ordonne au Gouvernement de réautoriser la chasse à la glu.

Enfin, le 17 mars 2021, la CJUE a répondu au Conseil d’État qu’un État membre ne peut pas autoriser une méthode de capture d’oiseaux entraînant des prises accessoires dès lors qu’elles sont susceptibles de causer aux espèces concernées des dommages autres que négligeables (CJUE, 17 mars 2021, aff. C-900/19 N° Lexbase : A23954LB).

Décision CE. Le Conseil d’État tire les conséquences de la réponse de la Cour et annule ici les arrêtés fixant le nombre d’oiseaux pouvant être capturés en 2018-2019 et 2019-2020 et valide le refus du ministre d’autoriser ces captures en 2020.

Il observe que ni le Gouvernement, ni la fédération de chasseurs n’ont apporté de preuves suffisantes permettant d’affirmer que la chasse à la glu ne conduit à ne capturer qu’en petite quantité des oiseaux appartenant à d’autres espèces que celles recherchées.

Il relève qu’on ne peut non plus affirmer que les oiseaux capturés accidentellement ne subiraient que des dommages négligeables, une fois relâchés et nettoyés, en particulier au niveau de leur plumage.

En outre, il précise que si des méthodes traditionnelles de chasse peuvent être autorisées par la Directive « Oiseaux », le seul objectif de préserver ces traditions ne suffit pas à justifier une dérogation aux interdictions de principe que pose la Directive. Enfin, il relève qu’il n’a pas été démontré qu’il n’existait pas d’autre solution satisfaisante possible à la pratique de la chasse à la glu.

newsid:478108

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Droits de succession : conditions d’obtention de l’abattement en faveur des personnes handicapées

Réf. : Cass. com., 23 juin 2021, n° 19-16.680, F-B (N° Lexbase : A95704WD)

Lecture: 3 min

N8090BYB

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par Marie-Claire Sgarra

Le 30 Juin 2021

La Chambre commerciale est revenue, dans un arrêt du 23 juin 2021, sur les conditions d’obtention de l’abattement en faveur des personnes handicapées dans le cadre d’une succession.

Les faits :

  • le requérant, légataire de sa sœur, a, pour la détermination des droits de succession dont il était redevable, fait application de l’abattement en faveur des personnes handicapées 
  • l’administration fiscale ayant remis en cause cet abattement, le requérant l’a assignée en décharge du rappel de droits mis en recouvrement.

📌 Sur l’abattement en faveur des handicapés physiques ou mentaux :

  • aux termes du II de l'article 779 du CGI (N° Lexbase : L6869IZG), pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement sur la part de tout héritier, légataire ou donataire, incapable de travailler dans des conditions normales de rentabilité, en raison d'une infirmité physique ou mentale, congénitale ou acquise. Le montant de cet abattement s'élève à 159 325 euros 
  • selon l’article 294 de l’annexe II du CGI (N° Lexbase : L0252IE3), le légataire qui revendique l’abattement institué en matière de droits de mutation à titre gratuit par l’article 779, II, du même code en faveur des personnes handicapées doit justifier que son infirmité l’empêche de se livrer dans des conditions normales de rentabilité à toute activité professionnelle.

📌 En appel, l’arrêt relève que :

  • le requérant justifie d’une carrière stable d’une durée de vingt-six années, comme dessinateur, au sein de la même entreprise, cependant qu’il n’apporte aucun élément établissant qu’il aurait été dans l’impossibilité de poursuivre des études supérieures ou aurait subi une limitation de son activité professionnelle ou un blocage de son avancement en lien avec son état de santé 
  • qu’il a bénéficié d’un plan de départ en retraite à l’âge de cinquante-cinq ans, plan qui était propre à l’entreprise et dont il n’a pas communiqué les conditions financières, n’apporte pas la preuve de ce qu’un tel départ, qui, selon lui, aurait nécessairement été anticipé du fait de son infirmité, aurait eu un impact négatif sur ses revenus 
  • si le requérant n’a pu, en raison de son handicap, embrasser une carrière dans la marine nationale, il ne démontre pas qu’une telle carrière lui aurait offert des perspectives économiques plus favorables durant sa vie active et sa retraite.

📌 Solution de la Chambre commerciale :

  • pour bénéficier dudit abattement, le redevable doit prouver le lien de causalité entre sa situation de handicap et le fait que son activité professionnelle a été limitée et son avancement retardé ou bloqué 
  • le redevable n’a pas démontré que son activité professionnelle ne s’était pas déroulée dans des conditions normales de rentabilité et qu’il ne pouvait, dès lors, bénéficier de l’abattement prévu par l’article 779, II, du CGI.

Cf. le BOFiP annoté (N° Lexbase : X3923ALU).

newsid:478090

Fonction publique

[Brèves] Instauration du télétravail dans la FPT : la compétence de l’organe délibérant ne s’étend pas jusqu’à une appréciation poste par poste !

Réf. : CAA Lyon, 7ème ch., 3 juin 2021, 19LY02397, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A87334WD)

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N8046BYN

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par Yann Le Foll

Le 28 Juin 2021

L’organe délibérant d’une collectivité territoriale ne saurait étendre l'objet de sa délibération à une introduction ou un refus du télétravail poste par poste au regard de l'intérêt du service.

Principe. Les dispositions réglementaires issues des articles 5 et 7 du décret n° 2016-151 du 11 février 2016 (N° Lexbase : L6963KYK), lesquelles, organisant la situation statutaire et réglementaire dans laquelle sont placés par les lois n° 83-634 du 13 juillet 1983 (N° Lexbase : L6938AG3) et n° 84-53 du 26 janvier 1984 (N° Lexbase : L7448AGX) les fonctionnaires des collectivités locales, n'ont pas pour effet de porter atteinte à la libre administration de celles-ci, donnent à leur organe délibérant la faculté d'ouvrir aux agents la possibilité de demander de recourir au télétravail, par la désignation des tâches et missions qu'il estime éligibles à ce mode d'organisation du travail.

Toutefois, si ces dispositions n'ont pas pour portée de poser un droit individuel au télétravail, elles ont entendu énumérer les critères au vu desquels l'organe délibérant et l'autorité territoriale, celle-ci dans le cadre des pouvoirs propres qu'elle tient notamment de l'article L. 2122-18 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L4844LUX), ou le chef de service, doivent chacun respectivement, pour le premier, déterminer collectivement l'éligibilité au télétravail des missions exercées dans la collectivité et, pour la seconde, régler l'exercice individuel de celui-ci par l'agent demandeur.

S'il appartient, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à l'organe délibérant d'organiser la mise en œuvre du télétravail dans la collectivité selon la nature et les conditions d'exercice des activités et missions qu'elle exerce, il ne saurait, sans méconnaître la portée desdits critères, étendre l'objet de sa délibération à une introduction ou un refus du télétravail poste par poste au regard de l'intérêt du service, lequel au demeurant relève du pouvoir d'appréciation du chef de service qui l'exerce en statuant sur les demandes individuelles des agents.

Application. Il ressort de la rédaction de la délibération en litige que, pour décider « qu'aucune des activités et missions exercées par les agents de la communauté de communes des Collines du Nord Dauphiné n'est éligible au télétravail », le conseil communautaire a déduit d'une analyse en cinq points de la structure, des effectifs et de l'organisation de la collectivité, que la mise en place du télétravail ne correspond pas à l'intérêt du service et de l'ensemble des agents. L'organe délibérant a ainsi excédé l'appréciation qu'il lui revenait de porter sur la nature et les conditions d'exercice des activités et missions de la communauté de communes des Collines du Nord Dauphiné pour fonder son refus d'appliquer le télétravail exclusivement sur une appréciation de l'intérêt du service, comprenant une appréciation de l'intérêt individuel des agents.

Décision. Le conseil communautaire a dès lors statué au-delà des critères qu'il lui appartenait de prendre en compte pour l'application des dispositions précitées.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les conditions de travail, Le télétravail, in Droit de la fonction publique, (dir. P. Tifine), Lexbase (N° Lexbase : E91703R3).

newsid:478046

Libertés publiques

[Jurisprudence] Schéma national du maintien de l’ordre : le Conseil d'État encercle le ministère de l’Intérieur

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 10 juin 2021, n° 444849, n° 445063, n° 445355, n° 445365, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A70934UA)

Lecture: 13 min

N8096BYI

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par Jean-Claude Zarka, Maître de conférences HDR, Université Toulouse 1 - Capitole

Le 28 Juin 2021

 


Mots clés : journalistes • manifestations • liberté de la presse

Dans son arrêt du 10 juin 2021, le Conseil d'État a procédé à l’annulation de plusieurs dispositions importantes du Schéma national du maintien de l'ordre, présenté le 16 septembre 2020, au nom de la liberté de la presse. Il a également censuré le recours à la technique de l’encerclement dite de « la nasse » car le schéma national du maintien de l'ordre ne précise pas les cas où il est recommandé de l'utiliser.


 

Saisi par plusieurs associations et syndicats, le Conseil d'État est venu annuler plusieurs dispositions du Schéma national du maintien de l'ordre, un document de 29 pages qui vient fixer la doctrine du maintien de l'ordre applicable aux manifestations se déroulant sur le territoire national. La décision du Conseil d'État qui concerne notamment plusieurs mesures encadrant l’activité des journalistes durant les manifestations est de nature à renforcer la liberté de la presse. Elle a donné satisfaction aux requérants qui soutenaient que certains points du nouveau schéma national du maintien de l’ordre constituaient un obstacle à l’accomplissement de la mission des journalistes.

Après avoir évoqué le nouveau schéma national du maintien de l’ordre (I), nous examinerons successivement les principes affirmés par le Conseil d'État concernant la présence de la presse et des journalistes lors des manifestations (II) et les dispositions du schéma national du maintien de l’ordre qui ont été annulées par le juge administratif (III).

I. Le nouveau schéma national du maintien de l’ordre

Le nouveau schéma national du maintien de l’ordre (SNMO) est annexé à une circulaire du 16 septembre 2020 adressée par le ministre de l'Intérieur aux préfets ainsi qu'au secrétaire général du ministère, au directeur général de la police nationale et au directeur général de la gendarmerie nationale. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a expliqué que « l’infiltration plus systématique de casseurs au sein des cortèges a conduit les forces [de l’ordre] à adapter leur doctrine de gestion des manifestations ». Il a souligné que le nouveau SNMO « entérine ces évolutions et fixe un nouveau cadre d’exercice du maintien de l’ordre, afin de disposer, en France, d’un document accessible au public et commun aux différentes forces » [1].

Le SNMO peut être assimilé à une circulaire adressée par le ministre de l’Intérieur à ses services, une circulaire impérative au sens de la fameuse jurisprudence « Mme Duvignères » [2]. La  décision du juge administratif du 10 juin 2021  vient rappeler sa jurisprudence récente selon laquelle « les documents de portée générale émanant d'autorités publiques [...] tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits  ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre » [3]. En l’espèce, les mesures définies par le SNMO sont de nature à avoir des effets notables sur les droits ou la situation des organisateurs de manifestations, des manifestants et des journalistes. Le Conseil d’État en a déduit que le document attaqué pouvait être déféré au juge de l'excès de pouvoir.

Il n’a pas jugé que ce document était entaché d'incompétence. Il a admis la compétence de principe du ministre de l’Intérieur pour adopter les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l'administration placée sous son autorité, le ministre intervenant en qualité de « chef de service ». Mais il a rappelé qu'il appartient au législateur et non au pouvoir exécutif, en vertu de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S), de fixer « les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties que constituent la liberté d'aller et venir, la liberté d'expression et de communication et le droit d'expression collective des idées et des opinions et, d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre public [...] ».

Les dispositions du SNMO encadrant l’activité des journalistes durant les manifestations ont provoqué dès leurs publications de vives réactions de la part de ces derniers. Le 24 septembre 2020, le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Ligue des droits de l’homme (LDH) ont déposé un référé devant le Conseil d'État contre le SNMO. Mais ce référé a été rejeté, le juge des référés du Conseil d'État estimant que les conditions de l'urgence n’étaient pas remplies [4]. Les demandeurs soutenaient notamment  que le document contesté constituait « une ingérence illégitime et injustifiée dans l'exercice de la profession de journaliste et [portait]  une atteinte grave et injustifiée à la liberté de la presse et à la liberté de communication, d'expression et d'information ».

II. Les principes affirmés par le Conseil d'État concernant la présence de la presse et des journalistes lors des manifestations

Dans son arrêt du 10 juin 2021, la Haute juridiction administrative a invoqué « le droit d'expression collective des idées et des opinions » qui découle de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1358A98), lequel garantit la liberté d’expression et de communication. C’est sur le fondement de cet article qu’elle fait émaner comme le Conseil constitutionnel la liberté de manifester [5]. Le juge administratif emprunte la célèbre formule utilisée par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’Homme selon laquelle « la liberté d'expression et de communication, dont découle également le droit d'expression collective des idées et des opinions, est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés ». Il s’ensuit que « les atteintes portées à l'exercice de cette liberté et de ce droit doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi ».

La décision du Conseil d'État souligne que « la présence de la presse et des journalistes lors des manifestations revêt une importance particulière en ce qu'elle permet de rendre compte des idées et opinions exprimées et du caractère de cette expression collective ainsi que, le cas échéant, de l'intervention des autorités publiques et des forces de l'ordre ». Ce faisant, elle contribue «  à garantir, dans une société démocratique, que les autorités  et agents de la force publique pourront être appelés à répondre de leur comportement à l'égard des manifestants et du public en général et des méthodes employées pour maintenir l'ordre public et contrôler ou disperser les manifestants » .

Cette formulation n’est pas sans rappeler celle utilisée par la Cour européenne des droits de l'Homme. En effet, pour la Cour de Strasbourg, il revient à la presse d’être « le chien de garde de la démocratie ». La Cour européenne des droits de l'Homme lui a reconnu très tôt ce rôle dans son arrêt « Sunday Times c/ Royaume-Uni » du 26 avril 1979 [6]. Ce rôle de la presse en tant que « chien de garde de la société démocratique » a été souligné par la Cour européenne des droits de l'Homme dans son arrêt « Lingens c/. Autriche » du 8 juillet 1986 [7], ou encore dans son arrêt « Goodwin c/ Royaume-Uni » du 27 mars 1996 [8].

III. Les dispositions du schéma national du maintien de l’ordre annulées par le Conseil d’État

Le Conseil d'État a censuré le recours à la technique de l’encerclement dite de « la nasse » car le SNMO ne précise pas les cas où il est recommandé de l'utiliser. Il a aussi annulé plusieurs dispositions du SNMO encadrant l’activité des journalistes durant les manifestations que le juge des référés avait considérées comme n’étant pas contraires aux droits et libertés [9].

A. Le Conseil d’État et la technique de « la  nasse »

L’encerclement d’un groupe de manifestants est prévu par le point 3.1.4 du SNMO pour contrôler, interpeller ou prévenir la poursuite de troubles à l’ordre public. Ce texte prévoit que, « sans préjudice du non-enfermement des manifestants, condition de la dispersion, il peut être utile, sur le temps juste nécessaire, d’encercler un groupe de manifestants aux fins de contrôle, d’interpellation ou de prévention d’une poursuite des troubles ».

Si le Conseil d'État reconnaît que cette technique de l’encerclement dite de « la nasse » (ou « kettling ») peut s’avérer nécessaire dans certaines circonstances précises pour répondre à des troubles caractérisés à l'ordre public, il affirme qu’elle est susceptible d’affecter significativement la liberté de manifester et de porter atteinte à la liberté d’aller et venir. Il souligne que le texte du SNMO ne précise pas les cas où il serait recommandé de l’utiliser. C’est la raison pour laquelle le Conseil d’État a annulé ce point du SNMO car rien ne garantit que « l'usage de cette technique de maintien de l'ordre soit adapté, nécessaire et proportionné aux circonstances ».

En ne remettant pas en cause dans son principe la technique de « la nasse », le juge administratif rejoint la position qui a été adoptée par la Cour européenne des droits de l'Homme. En effet, celle-ci « accepte de considérer le "kettling" comme une nécessité, compte tenu des nouvelles formes, parfois violentes, de mobilisation » [10]. Dans son arrêt « Austin et a. c. Royaume-Uni » du 15 mars 2012, elle a estimé que le maintien de personnes pendant sept heures à l’intérieur d’un cordon de police, à l’occasion d’une manifestation altermondialiste, ne vient porter atteinte ni au principe de sûreté, ni à la liberté de manifester [11]. La technique de « la nasse » ne doit pas pour autant conduire à « étouffer » ou « décourager des mouvements de protestation » [12].

Le Conseil constitutionnel a lui aussi refusé de condamner cette technique de maintien de l’ordre qui a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité [13]. Les requérants reprochaient au législateur de ne pas avoir suffisamment encadré cette pratique. Ils soutenaient qu’il aurait dû définir les conditions du recours à cette technique de maintien de l'ordre pour assurer la proportionnalité des atteintes qu’elle est susceptible de porter à la liberté d’aller et de venir, à la liberté de communication et d’expression et au droit d’expression collective des idées et des opinions. Le Conseil constitutionnel qui a rejeté ces griefs, a jugé qu’il n’appartenait pas au législateur d’encadrer la technique de « la nasse ». 

B. Le Conseil d’État et la liberté de la presse

Le Conseil d’État a donné raison aux requérants qui demandaient l'annulation pour excès de pouvoir du point 2.2.4 du SNMO qui rappelle que « le délit constitué par le fait de se maintenir dans un attroupement après sommation ne comporte aucune exception, y compris au profit des journalistes ou de membres d'associations ». Certes, les articles 431-4 (N° Lexbase : L6147IGR) et 431-5 (N° Lexbase : L6116IGM) du Code pénal répriment le fait de continuer volontairement à participer à un attroupement après qu'ont été faites les sommations de se disperser. Ils ont pour effet d'interdire à toute personne de continuer à participer volontairement à un attroupement après les sommations. Mais ils ne sauraient selon le juge administratif faire échec à la présence de la presse sur le lieu d'un attroupement afin que les journalistes « puissent […] rendre compte des événements qui s'y produisent ». Les journalistes et les observateurs indépendants doivent pouvoir continuer d'exercer librement leur mission lors de la dispersion d'un attroupement sans être tenus de quitter les lieux à la condition, toutefois, « qu'ils ne puissent être confondus avec les manifestants et [qu’ils ne fassent pas] obstacle à l'action des forces de l'ordre ». Le Conseil d’État qui s’est ici directement référé au principe de la liberté de la presse,  a donc annulé l’obligation pour les journalistes d’obéir aux ordres de dispersion de la police ou de la gendarmerie en se positionnant en dehors des manifestants appelés à se disperser.

Les requérants contestaient également le point 2.2.2 du SNMO qui prévoit qu’un « officier référent peut être utilement désigné au sein des forces [de l’ordre] et un canal d'échange dédié mis en place, tout au long de la manifestation, avec les journalistes, titulaires d'une carte de presse, accrédités auprès des autorités ». Le Conseil d'État a tout d’abord constaté que ce dispositif, qui permet à certains journalistes d'obtenir des forces de l'ordre, en temps réel, des informations plus précises sur le déroulement d’une manifestation, ne vient pas remettre en cause les principes de liberté d’expression, de communication et d’égalité entre les journalistes. De plus, compte tenu notamment des contraintes opérationnelles auxquelles sont soumises les forces de l’ordre lors des manifestations, il était possible de restreindre l’accès à ce dispositif d’informations aux seuls journalistes titulaires d’une carte d'identité professionnelle, dite « carte de presse ». Toutefois, le Conseil d'État a observé que lorsque le SNMO réserve ce dispositif dédié aux seuls journalistes « accrédités auprès des autorités », il n’apporte aucune précision sur la portée, les conditions, et les modalités d’obtention d’une telle accréditation. Cette rédaction imprécise est alors susceptible, selon lui, de permettre un choix discrétionnaire des journalistes accrédités parmi tous ceux titulaires de la carte de presse en faisant la demande. Elle vient ainsi porter atteinte de manière disproportionnée « à la liberté de la presse et à la liberté de communication ». Le Conseil d’État est donc amené à annuler ce mécanisme d’accréditation des journalistes.

Enfin, le Conseil d'État a annulé le point 2.2.1 du SNMO qui autorisait les journalistes à « porter des équipements de protection, dès lors que leur identification est confirmée et leur comportement exempt de toute infraction ». Le ministre de l'Intérieur a fait valoir que ce point du SNMO entendait rappeler que les journalistes, lorsqu'ils sont présents dans une manifestation pour les besoins de l'exercice de leur profession, justifient en principe d'un motif légitime pour porter des équipements de sécurité, notamment des masques, lunettes et casques. Il s’agissait en réalité de préciser que les journalistes ne peuvent être condamnés sur le fondement de la loi n° 2019-290 du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations (N° Lexbase : L9300LP7), laquelle a permis la création d’un nouveau délit de dissimulation du visage. Le Conseil d'État a jugé que ces dispositions du SNMO allaient au-delà du Code pénal et venaient déterminer, dans des termes « ambigus et imprécis », des conditions au port d’équipements de protection par des journalistes lors des manifestations. Pour le juge administratif, il n’appartient pas au ministre de l’Intérieur, dans une circulaire visant à encadrer l’action des forces de police en matière de maintien de l’ordre, d’édicter « de telles règles à l'égard des journalistes, non plus d'ailleurs qu'à l'égard de toute personne participant ou assistant à une manifestation ».

 

[1] SNMO, Éditorial, G. Darmanin, 16 septembre 2020.

[2] CE, Sect., 18 décembre 2002, n° 233618, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9733A7M)

[3] CE, Sect., 12 juin 2020, n° 418142, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A55233NU).

[4] CE, référé, 27 octobre 2020, n° 444876 et 445055, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A118034H).

[5] Cons. const., décision n° 2019-780 DC, du 4 avril 2019 (N° Lexbase : A1567Y8K).

[6] CEDH, 26 avril 1979, Req. 6538/74, Sunday Times c/ Royaume-Uni (N° Lexbase : A5104AYP).

[7] CEDH, 8 juill. 1986, Req. 9815/82, Lingens c/ Autriche (N° Lexbase : A6312AWP).

[8] CEDH, 27 mars 1996, Req. 17488/90, Goodwin c/ Royaume-Uni (N° Lexbase : A1234GBC), pt. n° 39.

[9] CE, référé, 27 octobre 2020, n° 444876 et 445055, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A118034H).

[10] R. Letteron, Libertés publiques, édition 2020, p. 594.

[11] CEDH, 15 mars 2012, Req. 39692/09, 40713/09 et 41008/09, Austin et autres c/ Royaume-Uni (N° Lexbase : A6791IEA).

[12] CEDH, 15 mars 2012, Req. 39692/09, 40713/09 et 41008/09, préc., pt. n° 68.

[13] Cons. const., décision n° 2020-889 QPC, du 12 mars 2021 (N° Lexbase : A80724K8).

newsid:478096

Presse

[Brèves] Presse : interruption de la prescription par le défendeur à l’action en diffamation appelant

Réf. : Cass. civ., 2 juin 2021, n° 20-10.651, FS-P (N° Lexbase : A23944U9)

Lecture: 2 min

N8102BYQ

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par Adélaïde Léon

Le 29 Juin 2021

► La signification des conclusions par le défendeur à l’action en diffamation lorsqu’il est appelant interrompt la prescription.

Rappel de la procédure. Soutenant qu’un article publié sur internet présentait un caractère diffamatoire à son égard, un homme a assigné l’individu à l’origine de la publication (ci après « l’auteur ») aux fins d’obtenir réparation de son préjudice.

En cause d’appel. L’auteur de l’article litigieux a soulevé la prescription de l’action.

Constatant que, s’il s’était écoulé plus de trois mois (délai de prescription applicable en l'espèce) entre les conclusions d’appel en réponse déposées par le demandeur à l’action en diffamation les 14 février et 28 juin 2019, la prescription avait toutefois été interrompue par la notification des conclusions de l’auteur, défendeur à l’action en diffamation, mais appelant, la Cour rejette la demande de ce dernier.

L'auteur a formé un pourvoi.

Moyens du pourvoi. Il était fait grief à la cour d’appel d’avoir rejeté la demande tendant à voir constater la prescription de l’action engagée par le demandeur au motif que, la notification des conclusions par l’auteur des propos poursuivis, par lesquelles l’intéressé entend se défendre, dans le cadre de son appel, des poursuites engagées à son encontre, n’est pas interruptive de prescription.

Décision. La Cour de cassation rejette le pourvoi au visa de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881, relative à la liberté de la presse (N° Lexbase : C98664Y3).

La Cour l’affirme sans détour : interrompt la prescription la signification des conclusions par le défendeur à l’action en diffamation lorsque celui-ci est appelant. La première Chambre civile rappelle ainsi un principe déjà affirmé notamment dans un arrêt du 8 novembre 2007 (Cass. civ., 8 novembre 2007, n° 06-12.906 , FS-P+B N° Lexbase : A4161DZ7).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La liberté d’expression, les infractions en matière de presse et la responsabilité civile, L’interruption de la prescription en matière de presse, in Responsabilité civile, (dir. F. Gasnier et R. Bigot), Lexbase (N° Lexbase : E4096EYD).

newsid:478102

Procédure civile

[Brèves] Mesures d'instruction et secret des affaires : compétence territoriale du juge en présence d’un dépôt multiple de requêtes et conditions des mesures légalement admissibles

Réf. : Cass. civ. 2, 10 juin 2021, n° 20-11.987, F-P (N° Lexbase : A92944UR)

Lecture: 6 min

N7980BY9

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 28 Juin 2021

► Il résulte des articles 42 (N° Lexbase : L1198H47) , 145 (N° Lexbase : L1497H49et 493 (N° Lexbase : L6608H7Udu Code de procédure civile qu’un juge des requêtes est compétent pour ordonner des mesures d’instruction lorsqu’il est saisi de requêtes identiques concernant plusieurs personnes ou sociétés dont certaines sont domiciliées hors de son ressort, dès lors que l’une d’entre elles au moins est domiciliée dans son ressort, que les mesures sollicitées tendent à conserver ou établir la preuve de faits similaires dont pourrait dépendre la solution d’un même litige et que la juridiction à laquelle il appartient est susceptible de connaître de l’éventuelle instance au fond.

 S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé ; constituent des mesures légalement admissibles des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi. Il incombe, dès lors, au juge de vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l’exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence ;

Enfin, la Haute juridiction énonce que si le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 précité, c’est à la condition que le juge constate que les mesures qu’il ordonne procèdent d’un motif légitime, sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées, et ne portent pas une atteinte disproportionnée aux droits de l’autre partie au regard de l’objectif poursuivi.

Faits et procédure. Dans cette affaire, la société Neovia se plaignant de faits de concurrence déloyale et de dénigrement sur internet a déposé sept requêtes identiques devant le président d’un tribunal de commerce. Les requêtes ont été déposées sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, à fin de voir ordonner des mesures aux sièges sociaux de plusieurs sociétés. Par deux ordonnances du 28 septembre 2018, les requêtes ont été accueillies, énonçant que l’huissier de justice sera séquestre des documents appréhendés et qu’il ne pourra être mis fin au séquestre que par une décision de justice contradictoire l’autorisant à remettre les documents saisis. Le 8 octobre 2018, les mesures d’instruction ont été exécutées. Deux sociétés défenderesses ont saisi un juge des référés d’une exception d’incompétence territoriale du juge des requêtes au profit du tribunal de commerce de Reims. Par ordonnance du 20 février 2019, ces demandes ont été rejetées.

Le pourvoi. Dans un premier temps, les demanderesses font grief à l’arrêt (CA Lyon, 3 décembre 2019, n° 19/01492, N° Lexbase : A7044Z4N), d’avoir confirmé l’ordonnance en ce qu’elle a dit mal fondée l’exception d’incompétence ratione loci.

En l’espèce, après avoir constaté que la société requérante avait saisi le président du tribunal de commerce de Lyon de requêtes identiques, assimilables à une requête unique, à l’encontre de huit sociétés, auxquelles il était imputé des actes présumés de concurrence déloyale, accomplis de concert, et parmi lesquelles deux sociétés avaient leur siège social dans le ressort du tribunal, la cour d’appel a retenu la compétence territoriale du président du tribunal de commerce de Lyon.

Solution. Énonçant la solution précitée, la Cour de cassation déclare le moyen non fondé.

Dans un second temps, les demanderesses font grief à l’arrêt d’avoir confirmé l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté les demandes de rétractation totale comme partielle des ordonnances du 28 septembre 2018 et d’avoir confirmé ces ordonnances en toutes leurs dispositions.

En l’espèce, pour déduire que les mesures ordonnées étaient circonscrites dans leur objet et en conséquence légalement admissibles, la cour d’appel a retenu que :

  • les mesures ordonnées apparaissaient nécessaires et proportionnées à la protection des intérêts de la requérante, du fait que les ordonnances ne ciblaient pas de documents couverts par un secret d’ordre professionnel et qu’eu égard aux faits et aux preuves ;
  • l’ordonnance ne ciblait pas de documents personnels, ni de documents couverts par un secret professionnel ou médical, et qu’elle s’en tenait à des mots-clés pour découvrir l’identité des auteurs des messages dénigrants ;
  • l’ordonnance présidentielle ciblait de manière précise une recherche volontairement limitée aux fichiers, documents et correspondances, en rapport avec les faits litigieux, et que l’ordonnance ne se rapportait qu’à des mots-clés énumérés et en rapport avec l’activité de concurrence déloyale dénoncée.

Solution. Énonçant la solution précitée au visa de l’article 145 du Code de procédure civile, la Cour de cassation censure le raisonnement des juges d’appel. Les Hauts magistrat relèvent que la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision, en ne faisant pas ressortir précisément, comme elle y était invitée, que les mots-clés visant exclusivement des termes génériques, et les prénoms, noms et appellations des personnes contre lesquelles les mesures d’instruction avaient été sollicitées, étaient suffisamment circonscrits dans le temps et dans leur objet et que l’atteinte portée au secret des affaires était limitée aux nécessités de la recherche des preuves en lien avec le litige et n’était pas disproportionnée au regard du but poursuivi.

Dans un troisième temps, les demanderesses font le même grief à l’arrêt, en invoquant le secret des affaires. 

En l’espèce, après avoir relevé que les ordonnances ne ciblaient pas des documents couverts par un secret d’ordre professionnel, la cour d’appel a retenu qu’eu égard aux faits de la cause et aux preuves que la requérante entendait établir ou conserver, les mesures ordonnées apparaissaient nécessaires et proportionnées à la protection des intérêts de cette dernière.

Solution. Énonçant la solution précitée au visa de l’article 145 du Code de procédure civile, la Cour de cassation relève que la cour d’appel a privé sa décision de base légale, du fait qu’elle n’a pas recherché, comme elle y était invitée, si les mesures d’instruction demandées étaient nécessaires à la détermination de la preuve des faits allégués et ne portaient pas une atteinte disproportionnée au secret des affaires au regard de l’objectif poursuivi.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel de Lyon, sauf en ce qu’il reçoit l’exception d’incompétence ratione loci et la déclare mal fondée.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L’administration judiciaire de la preuve, Les mesures d’instruction, in Procédure civile, (dir. E. Vergès), Lexbase (N° Lexbase : E68003UE).

 

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