Le Quotidien du 18 décembre 2020

Le Quotidien

Couple - Mariage

[Brèves] Peut-on interdire une publicité pour un site de rencontres encourageant l’adultère ?

Réf. : Cass. civ. 1, 16 décembre 2020, n° 19-19.387, FS-P+I (N° Lexbase : A06724A7)

Lecture: 4 min

N5820BY9

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 17 Décembre 2020

► En l’absence de sanction civile de l’adultère en dehors de la sphère des relations entre époux, il n’existe pas d’interdiction légale de la promotion à des fins commerciales des rencontres extra-conjugales ; c’est donc par la négative que la Cour de cassation répond à la question de savoir si l’on peut interdire une publicité pour un site de rencontres encourageant l’adultère, question qui lui a été soumise dans l’affaire dans laquelle elle a été amenée à se prononcer dans l’arrêt du 16 décembre 2020, comme elle l’indique dans son communiqué.

Une société de droit américain, éditrice d’un site de rencontres en ligne, a procédé à la publicité de son site par une campagne d’affichage sur les autobus, à Paris et en Ile-de-France. Sur ces affiches figurait une pomme croquée accompagnée du slogan : « Le premier site de rencontres extra-conjugales ». Elle a également fait paraître des articles et annonces promotionnels dans la presse, écrite et audiovisuelle.

La Confédération nationale des associations familiales catholiques l’a assignée afin qu’il lui soit ordonné de cesser de faire référence, de quelque manière que ce soit, à l’infidélité ou au caractère extra-conjugal de son activité, à l’occasion de ses campagnes de publicité. Ses demandes ayant été rejetées en première instance et en appel, elle a saisi la Cour de cassation d’un pourvoi se fondant, notamment, sur l’obligation de fidélité entre époux édictée à l’article 212 du Code civil (N° Lexbase : L1362HIB).

Approuvant en tous points le raisonnement suivi par les juges d’appel parisiens, la Cour de cassation rejette le pourvoi.

Absence d’interdiction légale de la promotion à des fins commerciales des rencontres extra-conjugales. Selon la Cour de cassation, l’arrêt énonce, d’abord, à bon droit, que si les époux se doivent mutuellement fidélité et si l’adultère constitue une faute civile, celle-ci ne peut être utilement invoquée que par un époux contre l’autre à l’occasion d’une procédure de divorce. Il s’en déduit, selon la Haute juridiction, et c’est là l’apport principal de l’arrêt, une absence d’interdiction légale de la promotion à des fins commerciales des rencontres extra-conjugales.

Appréciation de la campagne litigieuse : absence de photo indécente ou de vocabulaire susceptible de choquer les enfants. L’arrêt constate, ensuite, en faisant référence à la décision du jury de déontologie du 6 décembre 2013, que les publicités ne proposent en elles-mêmes aucune photo qui pourrait être considérée comme indécente, ni ne contiennent d’incitation au mensonge ou à la duplicité mais utilisent des évocations, des jeux de mots ou des phrases à double sens et la possibilité d’utiliser le service offert par le site Gleeden, tout un chacun étant libre de se sentir concerné ou pas par cette proposition commerciale, les slogans étant de surcroît libellés avec suffisamment d’ambiguïté pour ne pouvoir être compris avant un certain âge de maturité enfantine et n’utilisant aucun vocabulaire qui pourrait, par lui-même, choquer les enfants.

Liberté d’expression. L’arrêt retient, enfin, que, si la publicité litigieuse vante l’ « amanturière », « la femme mariée s’accordant le droit de vivre sa vie avec passion » ou se termine par le message « Gleeden, la rencontre extra-conjugale pensée par des femmes », ce qui pourrait choquer les convictions religieuses de certains spectateurs en faisant la promotion de l’adultère au sein de couples mariés, l’interdire porterait une atteinte disproportionnée au droit à la liberté d’expression, qui occupe une place éminente dans une société démocratique.

Rejet de la demande d’interdiction de la campagne litigieuse. Selon la Haute juridiction, ayant ainsi fait ressortir l’absence de sanction civile de l’adultère en dehors de la sphère des relations entre époux, partant, l’absence d’interdiction légale de la promotion à des fins commerciales des rencontres extra-conjugales, et, en tout état de cause, le caractère disproportionné de l’ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’expression que constituerait l’interdiction de la campagne publicitaire litigieuse, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, sans conférer à la décision du jury de déontologie une portée qu’elle n’a pas, légalement justifié sa décision.

newsid:475820

Covid-19

[Brèves] Prolongation des mesures d'urgence en matière de congés payés, de jours de repos, de renouvellement de certains contrats et de prêt de main-d'œuvre

Réf. : Ordonnance n° 2020-1597, du 16 décembre 2020, portant mesures d'urgence en matière de congés payés et de jours de repos, de renouvellement de certains contrats et de prêt de main-d'œuvre (N° Lexbase : L1388LZG)

Lecture: 2 min

N5822BYB

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par Charlotte Moronval

Le 06 Janvier 2021

► Publiée au Journal officiel du 17 décembre 2020, l’ordonnance n° 2020-1597 du 16 décembre 2020 prolonge, jusqu’au 30 juin 2021, certaines mesures en matière de congés payés et de jours de repos des salariés, prises par l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : L5720LWR, lire N° Lexbase : N2792BY3). Elle prolonge également certaines mesures en matière de renouvellement de certains contrats et de prêt de main d’œuvre.

Congés payés, jours de repos. Est prolongée jusqu’au 30 juin 2021, la possibilité pour l’employeur, sous réserve d’un accord d’entreprise ou, à défaut, de branche, d’imposer ou de modifier la prise de jours de congés payés (jusqu’à 6 maximum), sous réserve de respecter un délai de prévenance d’un jour. Les jours de repos conventionnels, jours de repos prévus au forfait et jours cumulés sur le compte épargne temps du salarié peuvent également être imposés par décision unilatérale de l’employeur, sous réserve de respecter un délai de prévenance d’un jour. Le nombre de jours concernés est limité à 10.

Renouvellement de certains contrats. L’ordonnance prolonge, jusqu’au 31 juin 2021, la possibilité de fixer, par accord d’entreprise, le nombre de renouvellement des CDD et les règles relatives à la succession de contrats courts sur un même poste de travail.

Prêt de main d’œuvre. L’ordonnance reconduit jusqu’au 31 juin 2021 les dérogations relatives aux formalités à respecter pour le prêt de main d’œuvre des travailleurs.

Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2021, l’entreprise prêteuse pourra ne refacturer à l’entreprise utilisatrice qu’une partie du coût du prêt lorsque l’entreprise prêteuse a recours à l’activité partielle.

Enfin, il est mis fin à la faculté dérogatoire de ne consulter le CSE qu’a posteriori et non préalablement à la mise en œuvre d’une opération de prêt dans les conditions dérogatoires.

 

newsid:475822

Covid-19

[Brèves] Aides exceptionnelles à destination des auteurs et titulaires de droits voisins touchés et conditions de résolution de certains contrats dans les secteurs de la culture et du sport

Réf. : Ordonnance n° 2020-1599 du 16 décembre 2020, relative aux aides exceptionnelles à destination des auteurs et titulaires de droits voisins touchés par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du virus covid-19 et aux conditions financières de résolution de certains contrats dans les secteurs de la culture et du sport (N° Lexbase : L1390LZI)

Lecture: 3 min

N5824BYD

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par Vincent Téchené

Le 05 Janvier 2021

► Une ordonnance, publiée au Journal officiel du 17 décembre 2020, vient consacrer un dispositif comparable dans ses effets à celui qui a été instauré par l'ordonnance n° 2020-538 du 7 mai 2020 relative aux conditions financières de résolution de certains contrats en cas de force majeure dans les secteurs de la culture et du sport (N° Lexbase : Z373119U ; lire N° Lexbase : N3295BYP) et, d'autre part, à prolonger l'ordonnance n° 2020-353 du 27 mars 2020, relative aux aides exceptionnelles à destination de titulaires de droits d'auteurs et de droits voisins en raison des conséquences de la propagation du virus covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation (N° Lexbase : L5887LWX ; lire N° Lexbase : N2847BY4).

  • Prolongement de l’aide à destination des titulaires de droits d'auteurs et de droits voisins

L'article 1er prolonge jusqu'au 31 décembre 2021 la possibilité pour les organismes de gestion collective de verser des aides individuelles aux titulaires de droits d'auteur et de droits voisins dont les revenus découlant de l'exploitation en France de leurs œuvres et prestations ont été gravement affectés par la crise sanitaire et les mesures de confinement.

Il précise, par ailleurs, que les organismes de gestion collective ne seront pas tenus de rendre public le nom des bénéficiaires de ces aides.

  • Résolution des contrats dans les secteurs de la culture et du sport

L'article 2 précise le champ d'application des dispositions prévues par les articles 3 et 4 relatives aux conditions de résolution de certains contrats dans le secteur culturel et sportif. Les nouvelles modalités de ce dispositif s'appliquent aux résolutions de contrats intervenues entre l'entrée en vigueur de l'ordonnance et le 16 février 2021 inclus.

Sont ensuite identifiés les contrats concernés par le dispositif de l'ordonnance :
1° Les contrats de vente de titres d'accès à une ou plusieurs prestations de spectacles vivants, y compris dans le cadre de festivals, et leurs éventuels services associés, conclus entre les personnes morales de droit privé exerçant les activités d'entrepreneurs de spectacles vivants, responsables de la billetterie, et leurs clients directement ou par l'intermédiaire de distributeurs autorisés par elles ;
2° Les contrats de vente de titres d'accès à une ou plusieurs manifestations sportives, et leurs éventuels services associés, conclus entre les personnes morales de droit privé exerçant les activités d'organisateurs ou propriétaires des droits d'exploitation de manifestations sportives, responsables de la billetterie, et leurs clients directement ou par l'intermédiaire de distributeurs autorisés par elles ;
3° Les contrats d'accès aux établissements dans lesquels sont pratiquées des activités physiques et sportives et leurs éventuels services associés, conclus entre les personnes morales de droit privé exploitant ces établissements et leurs clients ;
4° Les contrats de vente d'abonnements donnant accès aux prestations de spectacles vivants et aux manifestations sportives.

L'article 3 introduit une nouvelle cause de résolution pour les contrats mentionnés à l'article 2 afin d'autoriser les personnes mentionnées à ce même article ayant fait l'objet d'une limitation ou d'une interdiction d'accueil du public en application des dispositions réglementaires à procéder à la résolution des contrats conclus avec leurs clients dont l'exécution est devenue impossible, à savoir :
- les personnes morales de droit privé exerçant les activités d'entrepreneurs de spectacles vivants ;
- les personnes morales de droit privé exerçant les activités d'organisateurs ou les propriétaires des droits d'exploitation de manifestations sportives ;
- les personnes morales de droit privé exploitant les établissements dans lesquels sont pratiquées des activités physiques et sportives.

L'article 4 aménage les conséquences de la résolution. Il prévoit, à la place du remboursement, la possibilité de proposer un avoir, égal à celui de l'intégralité des paiements effectués au titre du contrat résolu. Le prestataire doit proposer une nouvelle prestation afin que leur client puisse utiliser l'avoir.
À défaut, le prestataire doit procéder ou fait procéder au remboursement.

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Droit des étrangers

[Brèves] Possibilité de renvoyer l’examen d’une demande d’asile à l’OFPRA lorsque l'entretien personnel n'a pas porté sur l'application à la situation personnelle du motif d'irrecevabilité opposé

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 10 décembre 2020, n° 441376, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A612139L)

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N5765BY8

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par Marie Le Guerroué

Le 17 Décembre 2020

► La CNDA peut annuler une décision du directeur général de l'office et lui renvoyer l'examen d’une demande d'asile lorsqu'elle juge que, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 723-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L1908LMM), l'entretien personnel du demandeur d'asile n'a pas porté sur l'application à sa situation personnelle du motif d'irrecevabilité qui lui a été opposé (CE 9° et 10° ch.-r., 10 décembre 2020, n° 441376, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A612139L).

Procédure. La défenderesse au pourvoi de nationalité somalienne, avait présenté une demande d'asile, qui avait été rejetée comme irrecevable par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) au motif qu'il bénéficie déjà d'une protection effective au titre de la protection subsidiaire qui lui avait été accordée par la République de Malte, Etat membre de l'Union européenne. La Cour nationale du droit d'asile avait annulé cette décision et avait renvoyé à l'OFPRA l'examen de la demande de l’intéressée contre laquelle l'OFPRA se pourvoit en cassation.

Textes. Le Conseil d’Etat rappelle les dispositions de l'article L. 723-6 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L1910LMP) selon lequel « L'office convoque, par tout moyen garantissant la confidentialité et la réception personnelle par le demandeur, le demandeur à un entretien personnel (...) » et de l'article L. 723-11 du même code : «  L'office peut prendre une décision d'irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d'octroi de l'asile sont réunies, dans les cas suivants : / 1° Lorsque le demandeur bénéficie d'une protection effective au titre de l'asile dans un Etat membre de l'Union européenne ; (...) ». L’article L. 723-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ajoute, par ailleurs, aux termes de l'article L. 733-5 (N° Lexbase : L1919LMZ) du même code : « Saisie d'un recours contre une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, la Cour nationale du droit d'asile statue, en qualité de juge de plein contentieux, sur le droit du requérant à une protection au titre de l'asile au vu des circonstances de fait dont elle a connaissance au moment où elle se prononce. / La cour ne peut annuler une décision du directeur général de l'office et lui renvoyer l'examen de la demande d'asile que lorsqu'elle juge que l'office a pris cette décision sans procéder à un examen individuel de la demande ou en se dispensant, en dehors des cas prévus par la loi, d'un entretien personnel avec le demandeur et qu'elle n'est pas en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection au vu des éléments établis devant elle. / Il en va de même lorsque la cour estime que le requérant a été dans l'impossibilité de se faire comprendre lors de l'entretien, faute d'avoir pu bénéficier du concours d'un interprète dans la langue qu'il a indiquée dans sa demande d'asile ou dans une autre langue dont il a une connaissance suffisante, et que ce défaut d'interprétariat est imputable à l'office (...) ». Il en va également de même lorsque la Cour juge que, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 723-11 précité, l'entretien personnel du demandeur d'asile n'a pas porté sur l'application à sa situation personnelle du motif d'irrecevabilité qui lui a été opposé.

CNDA. Pour juger que la demanderesse n'avait pas été mis à même de présenter ses observations sur l'application à sa situation personnelle du motif d'irrecevabilité de sa demande, tiré de ce qu'il bénéficierait déjà d'une protection effective à Malte, la cour a relevé qu'il ne lui avait pas été expressément signifié, lors de son entretien, que l'OFPRA envisageait de soulever ce motif d'irrecevabilité.

Annulation. En statuant ainsi alors qu'elle devait seulement rechercher si, en application des dispositions de l'article L. 723-11, l'entretien avait porté sur les motifs d'irrecevabilité de sa demande, la Cour a entaché sa décision d'une erreur de droit.  La décision de la Cour nationale du droit d'asile est donc annulée.

 

newsid:475765

Droit pénal international et européen

[Brèves] Condamnation d’un journaliste pour recel de violation du secret de l’instruction : la CEDH conclut à l’absence d’atteinte excessive à la liberté d’expression

Réf. : CEDH, 17 décembre 2020, Req. 61470/15, Sellami c/ France (N° Lexbase : A07524A4)

Lecture: 6 min

N5825BYE

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par Adélaïde Léon

Le 20 Janvier 2021

► La condamnation d’un journaliste pour recel de violation du secret professionnel répond à l’exigence de prévisibilité de la loi au sens de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH) (N° Lexbase : L4743AQQ) ;

Cette ingérence présente un caractère légitime en ce qu’elle repose sur la nécessité de protéger le secret dont doivent pouvoir bénéficier les informations relatives à la conduite d’une enquête pénale et, plus généralement, de garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ;

La sanction prononcée sur ce fondement à l’encontre d’un journaliste ne constitue par une ingérence disproportionnée dans l’exercice de son droit à la liberté d’expression dès lors qu’elle ne risque pas d’avoir un effet dissuasif sur l’exercice de cette liberté par un journaliste souhaitant informer le public au sujet d’une procédure pénale en cours.

Rappel des faits. À la suite des viols de trois personnes, intervenus en décembre 2011, un portrait-robot du suspect a été établi par les services de l’identité judiciaire sur la base d’un témoignage. Le 3 janvier 2012, une information est ouverte sur l’ensemble des faits. Le 4 janvier, le commissaire responsable du service chargé des investigations, par commission rogatoire du juge d’instruction, est contacté par un journaliste. Le commissaire avertit ses principaux collaborateurs que ce dernier ne doit être destinataire d’aucune information. Le 11 janvier 2012, l’existence du portrait-robot est révélée par le magazine Le Nouveau Détective. Le lendemain, le quotidien Le Parisien publie trois articles rédigés par le journaliste susmentionné dont l’un est illustré du portrait-robot. Le 13 janvier 2012, à la suite de la publication litigieuse et dès lors que suspect avait été ultérieurement identifié par photographies et qu’il avait été établi que le portrait-robot ne lui correspondait pas, le juge d’instruction et la direction de la police judiciaire diffusent un appel à témoins et rendent publique une photographie de l’individu recherché.

Par la suite, le commissaire adresse à sa hiérarchie un rapport dénonçant une violation du secret de l’instruction révélée par la publication du portrait-robot dans Le Parisien. Le procureur de la République ordonne une enquête des chefs de recel de violation du secret de l’instruction.

Procédure. Le journaliste est déclaré coupable de recel de violation du secret professionnel par le tribunal correctionnel qui le condamne à une amende de 8 000 euros ainsi qu’à payer un euro de dommages-intérêts aux victimes constituées partie civiles. La cour d’appel confirme le jugement sur la culpabilité tout en réduisant la peine à une amende de 3 000 euros. Saisie, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le journaliste (Cass. crim., 9 juin 2015, n° 14-80.713, FS-P+B N° Lexbase : A8817NKR).

Invoquant l’article 10 de la CESDH, relatif à la liberté d’expression, le journaliste introduit une requête devant la Cour européenne des droits de l’Homme afin de faire constater que sa condamnation pour recel de violation du secret professionnel, à la suite de la publication d’un portrait-robot établi par les services de police dans le cadre d’une enquête en cours, était contraire à la Convention

Décision de la Cour. La Cour rappelle qu’elle déjà jugé que la condamnation d’un journaliste pour recel de violation du secret professionnel sur le fondement de l’article 321-1 du Code pénal (N° Lexbase : L1940AMS) répond à l’exigence de prévisibilité de la loi au sens de l’article 10 de la CESDH (CEDH, 7 juin 2007, Req. 1914/02, Dupuis et autres c/ France N° Lexbase : A8532DWW ; CEDH, 30 juin 2009, Req. 17215/06, Acquemand c/ France N° Lexbase : A0320GBH ; CEDH, 26 juin 2012, Req. 15054/07, Ressiot et autres c/ France N° Lexbase : A2135IQ7). En l’espèce, la Cour ne voit pas de raison de ne pas se prononcer ainsi.

La Cour souligne que l’ingérence fondée sur la nécessité de garantir le respect du secret professionnel poursuit un but légitime en ce qu’elle repose sur la nécessité de protéger le secret dont doivent pouvoir bénéficier les informations relatives à la conduite d’une enquête pénale et, plus généralement de garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.

Plus spécifiquement, la Cour note que le journaliste ne pouvait ignorer que le portrait-robot était couvert par le secret de l’instruction. S’il elle reconnait que le sujet à l’origine de l’article relevait de l’intérêt général la Cour souligne que l’information du public ne justifiait pas l’utilisation du portrait-robot. Elle fustige plus précisément la présentation sensationnaliste du portrait-robot laquelle visait avant tout à satisfaire la curiosité du public. La juridiction européenne ne manque pas de dénoncer le manque de déontologie professionnelle du journaliste lequel ne s’est pas préoccupé de la fiabilité du portrait-robot ou de son effet sur l’information judiciaire en cours, au mépris des devoirs et responsabilités qu’incombe la liberté d’expression.

La Cour rappelle par ailleurs que le risque d’influence sur la procédure justifie, en soi, l’interdiction de divulgation d’informations secrètes. En l’espèce, elle note d’ailleurs que les juridictions internes ont considéré que la parution de l’article avait entravé le déroulement normal des investigations puisque de nombreux lecteur avaient pris la diffusion du portrait-robot pour un appel à témoin, obligeant les autorités à divulguer la photographie de l’homme recherché. L’article litigieux était intervenu lors de l’une des phases les plus délicates de l’enquête.

S’agissant de la sanction prononcée, le Cour estime que les condamnations n’ont pas constitué une ingérence disproportionnée dans l’exercice du droit à la liberté d’expression et ne sont pas susceptibles d’entrainer un effet dissuasif sur l’usage de cette liberté par un journaliste souhaitant informer le public au sujet d’une procédure pénale en cours.

La Cour conclut, en considération de la marge d’appréciation dont disposent les États et estimant que l’exercice de mise en balance des différents intérêts en jeu a été valablement réalisé par les juridictions internes qui ont appliqué les critères pertinents, qu’il n’y a pas eu de violation de l’article 10 de la CESDH.

Pour aller plus loin : Evan Raschel, ÉTUDE : La liberté d'expression, Les restrictions à la liberté d'expression, in Droit de la presse, Lexbase (N° Lexbase : E4741Z84).

 

newsid:475825

Protection sociale

[Brèves] Publication de la loi relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée »

Réf. : Loi n° 2020-1577, du 14 décembre 2020, relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée » (N° Lexbase : L1024LZX)

Lecture: 5 min

N5792BY8

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par Laïla Bedja

Le 16 Décembre 2020

► La loi du 14 décembre 2020, relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée, a été publiée au Journal officiel du 15 décembre 2020.

Cette loi s’articule autour de trois titres :

Extension du dispositif « Territoire zéro chômeur de longue durée » à cinquante nouvelles zones minimum (titre II, art. 9 à 11)

Ce dispositif, visant à l’embauche des chômeurs privés depuis longtemps de travail, a été créé par la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée (N° Lexbase : L8352K44). L’expérimentation concernait alors dix territoires.

La présente loi abroge la loi de 2016 et reprend le même principe pour une durée de cinq années et étendant le dispositif à soixante territoires, dont les dix territoires déjà habilités par la loi du 29 février 2016. Lorsque le nombre de territoires sera atteint, la loi permet l’extension à de nouveaux territoires par décret.

Cette expérimentation permet aux chômeurs de longue durée d'être embauchés en contrat à durée indéterminée par des entreprises qui remplissent les conditions fixées aux articles 1er et 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, relative à l'économie sociale et solidaire (N° Lexbase : L8558I3D), pour exercer des activités économiques non concurrentes de celles déjà présentes sur le territoire. La loi (art. 9, VI) dispose que peuvent être embauchées les personnes volontaires privées durablement d’emploi depuis au moins un an malgré l’accomplissement d’actes positifs de recherche d’emploi et domiciliées depuis au moins six mois dans l’un des territoires participant à l’expérimentation.

Le financement du dispositif est assuré par le fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée.

Les mesures sur l'insertion par l'activité économique (titre I, art. 1 à 8)

Conformément aux objectifs du Pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique remis au Gouvernement par le Conseil de l’inclusion dans l’emploi, la présente renforce et facilite l’insertion par l’activité économique (art. 1).

Un nouveau « CDI inclusion » pour les seniors (personnes âgées de plus de 57 ans) est instauré (art. 2). Les entreprises d'insertion peuvent conclure des contrats à durée indéterminée avec ces seniors rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières. Un décret doit en préciser les modalités. Aussi, les entreprises de travail temporaire d’insertion peuvent conclure des CDI avec ces seniors sans que la durée de la mission ne puisse excéder 36 mois.

Mise en place du « contrat passerelle ». L’article 5 de la loi met en place, pour une durée de trois ans, une expérimentation dite « contrat passerelle » visant à faciliter le recrutement par les entreprises de droit commun de personnes en fin de parcours d’insertion.

Cette expérimentation permet à un ou plusieurs salariés engagés dans un parcours d'insertion par l'activité économique depuis au moins quatre mois dans une entreprise d'insertion ou un atelier et chantier d'insertion d'être mis à disposition d'une entreprise utilisatrice, autre que celles mentionnées aux articles L. 5132-4 (N° Lexbase : L2096H9I) et L. 5213-13 (N° Lexbase : L0304LM9) du Code du travail, pour une durée de trois mois renouvelable une fois, dans les conditions prévues à l'article L. 8241-2 (N° Lexbase : L7658LQP) du même code. Lorsque le salarié est embauché à l'issue de la période de mise à disposition par l'entreprise utilisatrice, dans un emploi en correspondance avec les activités qui lui avaient été confiées, il est dispensé de toute période d'essai. Un décret doit en préciser les modalités.

Commission « insertion » dans les CSE des structures d’insertion. Les entreprises d’insertion d'au moins 11 salariés vont pouvoir expérimenter une commission « insertion », qui est une instance de dialogue social spécifique à leur organisation et aux salariés en insertion (art. 18).

Les autres mesures d’ordre social (art. 12 à 18)

Dans les grandes lignes, le titre III de cette loi prévoit :

  • extension à quarante-quatre mois (jusqu’en 2023) à la place de dix-huit, de l’expérimentation territoriale, dite « journal de bord des demandeurs d’emploi » visant à l’amélioration de l’accompagnement des demandeurs d’emploi prévue par l’article 58 de la loi du 5 septembre 2018, pour la liberté de choisir son avenir professionnel (N° Lexbase : L9567LLW) (art. 14) ;
  • la prolongation jusqu’en 2023 du « CDI à temps partagé » qui s’adresse à des salariés marginalisés du marché de l’emploi et prévu par l’article 115 de la loi « avenir professionnel » (art. 15) ;
  • la conclusion de contrat de professionnalisation par les entreprises de portage salarial, à titre expérimental, pour une durée de trois ans, à compter du 1er janvier 2021 (art. 16) ;
  • prolongation jusqu’en 2023 de l’expérimentation étendant le contrat de professionnalisation à l’acquisition de compétences définies par l’employeur et l’opérateur de compétences. (art. 17).

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