La lettre juridique n°789 du 4 juillet 2019

La lettre juridique - Édition n°789

Avocats/Accès à la profession

[Brèves] Le CAPA doit-il nécessairement être délivré en France ?

Réf. : Cass. civ. 1, 19 juin 2019, n° 18-12.671, FS-P+B (N° Lexbase : A2871ZGG)

Lecture: 3 min

N9566BXL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/52251764-edition-n-789-du-04-07-2019#article-469566
Copier

par Marie Le Guerroué

Le 03 Juillet 2019

► Le droit d'inscription à un barreau français conféré à un avocat ressortissant d'un Etat ou d'une unité territoriale n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen est subordonné à la condition, soit d'être titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, soit, à défaut, de subir les épreuves d'un examen de contrôle des connaissances en droit français ;

 

► Les connaissances en droit français exigées d'un avocat répondant à ces critères, aux fins de son inscription, et destinées à garantir les droits de la défense ainsi qu'une bonne administration de la justice devant les juridictions françaises, ne peuvent être considérées comme acquises que si le certificat d'aptitude à la profession d'avocat dont celui-ci se prévaut a été délivré conformément aux articles 68 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat (N° Lexbase : L8168AID).

 

Telles sont les précisions apportées par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 19 juin 2019 (Cass. civ. 1, 19 juin 2019, n° 18-12.671, FS-P+B N° Lexbase : A2871ZGG).

 

En l’espèce, une avocate titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat délivré en Algérie et inscrite au barreau d'Alger, avait sollicité son inscription au barreau des Hauts-de-Seine, sur le fondement, notamment, de l'article 15, alinéa 3, du protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962. Elle faisait grief à la cour d’appel de Versailles d’avoir rejeté sa demande (CA Versailles, 22 décembre 2017, n° 17/05707 N° Lexbase : A9186W8Q ; v., sur cet arrêt, G. Deharo, Avocats non ressortissants de l'Union européenne : conditions d'inscription au tableau, Lexbase Professions, n°256, 2018 N° Lexbase : N2222BXL).

La Haute juridiction rappelle que l'article 15, alinéa 3, du protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962 prévoit qu'à titre de réciprocité, les citoyens de chacun des deux pays peuvent demander leur inscription à un barreau de l'autre pays, sous réserve de satisfaire aux conditions légales requises pour ladite inscription dans le pays où l'inscription est demandée. Selon le dernier alinéa de l'article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (N° Lexbase : L6343AGZ), dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2018-310 du 27 avril 2018 relative à l'exercice par les avocats inscrits aux barreaux d'Etats non membres de l'Union européenne de l'activité de consultation juridique et de rédaction d'actes sous seing privé pour autrui, l'avocat ressortissant d'un Etat ou d'une unité territoriale n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen, s'il n'est pas titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, doit subir, pour pouvoir s'inscrire à un barreau français, les épreuves d'un examen de contrôle des connaissances en droit français (N° Lexbase : Z478237Y).

Elle retient la solution susvisée et ajoute que par suite, en relevant que la condition édictée par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971, tenant à la détention d'un certificat d'aptitude à la profession d'avocat, s'entend d'un titre délivré par les autorités françaises et que les programmes portant sur des matières dont les certificats d'aptitude à la profession d'avocat français et algérien sanctionnent la connaissance ne peuvent être identiques, dès lors que les droits enseignés en vertu de ces programmes sont différents, la cour d'appel, qui ne s'est pas déterminée par un motif purement abstrait, a rejeté à bon droit la demande d'inscription de l’avocate algérienne (cf. l’Encyclopédie «La profession d’avocat» N° Lexbase : E8878XLE).

newsid:469566

Avocats/Procédure

[Jurisprudence] Jeu de lois entre vérité et sincérité (à propos de la subornation de témoins par avocat)

Réf. : Cass. crim., 12 juin 2019, n° 18-83.844, F-P+B+I (N° Lexbase : A0795ZE8)

Lecture: 32 min

N9692BXA

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/52251764-edition-n-789-du-04-07-2019#article-469692
Copier

par Nicolas Catelan, Maître de conférences à l'Université Aix-Marseille

Le 15 Février 2021


Mots-clefs : jurisprudence • subornation • avocat • vérité • mensonge • contradictoire • défense

Résumé : "Le fait d'exercer des pressions sur une personne pour l'inciter à déclarer autre chose que ce qu'elle pense être la vérité caractérise le délit de subornation".


 

Sincère, vérité et subornation. S’il est parfois reproché à la Cour de cassation d’être le chantre des amphigouris, la définition de la subornation de témoin formulée par la Chambre criminelle le 12 juin 2019 [1] devrait contenter les partisans d’une loi pénale clairement interprétée et donc, enfin prévisible. L’article 434-15 du Code pénal (N° Lexbase : L7972ALT) incrimine le «fait d'user de promesses, offres, présents, pressions, menaces, voies de fait, manœuvres ou artifices au cours d'une procédure ou en vue d'une demande ou défense en justice afin de déterminer autrui soit à faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère, soit à s'abstenir de faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation». Le texte contient ainsi deux acceptions de la subornation de témoin : il s’agit soit d’inciter autrui à mentir à la justice, soit de le forcer à ne rien dire. L’article 434-15 entretient dès lors un rapport certain avec la vérité puisqu’il s’agit ici d’incriminer le comportement de celui qui provoque un mensonge ou empêche une vérité de sourdre. Quid juris si un individu force un de ses congénères à changer de version au motif qu’il serait convaincu que ce dernier ment ? Sans être parfaitement nouvelle, la question a permis à la Cour de cassation de prendre position quant à la notion de mensonge provoqué.

En l’espèce l’avocat d’un individu mis en examen du chef d’association de malfaiteurs eut une initiative aussi malheureuse que maladroite. Il se rendit en effet à plusieurs reprises au magasin d’un individu en vue de l'inciter à revenir sur les accusations proférées à l'encontre de son client. Il fut poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de subornation de témoin et y fut condamné. En appel la culpabilité fut confirmée car «dès l'instant où M. Z ne pouvait avoir connaissance de la vérité objective, s'il est établi qu'il a incité M. Y à dire autre chose que ce qu'il voulait dire comme correspondant à la vérité, il est donc bien susceptible d'avoir commis une subornation». Les juges ajoutèrent : «il est clairement établi par l'ensemble des éléments du dossier qu'en revenant avec insistance au magasin de M. Y, M. Z cherchait à obtenir une évolution des déclarations du premier lors de la confrontation avec M. Y, qui avait été placé en détention provisoire». Ils en conclurent qu'il s'agissait d'obtenir un témoignage différent non pas au regard de la vérité mais au regard du seul intérêt du client de l’avocat en faisant complètement fi de ce que pouvait être la vérité, et que cette situation correspondait à la notion de déclaration mensongère.

L’avocat se pourvut en cassation et excipa à cette fin trois moyens. Les deux premiers moyens peuvent être ainsi résumés. Il reprochait tout d’abord aux conseillers du second degré une violation du principe d’interprétation stricte de la loi pénale tel que formulé à l’article 111-4 du Code pénal (N° Lexbase : L2255AMH). Concrètement, selon lui, la cour d’appel aurait dû, pour le retenir dans les liens de la prévention, caractériser que la déposition recherchée était mensongère, c'est-à-dire sciemment contraire à la vérité des faits qui étaient survenus. Par ricochet, aurait dû être constaté que les déclarations dont il aurait cherché à obtenir la modification étaient conformes à la vérité des faits qui étaient survenus ou, à tout le moins, sincères. L’argument était d’autant plus solide qu’une décision rendue en première instance quant au client du prévenu semblait corroborer le fait que la version du tiers s’éloignait de la vérité désormais consacrée par la justice. Le second moyen était quant à lui structuré autour de l’élément moral de la subornation de témoin. Selon le prévenu, viser un objectif de vérité en insistant auprès d’un témoin devrait permettre d’échapper à la responsabilité pénale faute d’intention coupable.

Pour rejeter le pourvoi, la Cour affirme que «le fait d'exercer des pressions sur une personne pour l'inciter à déclarer autre chose que ce qu'elle pense être la vérité caractérise le délit de subornation». Au demeurant, aussi logique que soit la réponse apportée par la Cour de cassation sur le plan du droit pénal de fond, elle ne manque d’interroger quant à la quête de vérité autour de laquelle semble construit le processus pénal. En se référant à ce que le témoin «pense être la vérité», la Cour fait manifestement de la sincérité le pivot du délit de subornation. Or, si cette sincérité permet de simplifier par ellipse (I) la consommation de l’infraction, il en résulte une éclipse (II) de la vérité objective dans l'espace de la justice répressive.

I - L’ellipse de la sincérité

Le détour par la sincérité pour qualifier le mensonge recherché est un procédé elliptique car est occulté le lien entre la version du témoin et la réalité des faits. Cette subjectivation de la subornation apparaît lors de l’analyse de son élément moral. Si l’intention se retrouve ainsi abrégée (B) par la non-recherche de la vérité, la matérialité de l’infraction n’en ressort pas pour autant renforcée. La Cour a en effet eu à rappeler que la subornation s’entend également de la modification d’un témoignage quand bien même la loi ne viserait pas expressément une telle situation (A).

A - Une matérialité complétée

Modification d’un témoignage. Depuis la loi n° 49-106 du 28 juillet 1949 la subornation de témoin est un délit autonome et non une (pâle) complicité du délit de faux-témoignage. Le Code pénal de 1992 a, quant à lui, étendu le texte au cas de celui qui force autrui à se taire. Si la jurisprudence a su au cours des années préciser le sens de ces deux modalités, restait un cas limite pouvant prêter à confusion. L’article 434-15 ne concerne a priori que le témoin [2] n’ayant pas encore livré sa version des faits. Les termes mêmes de la loi mentionnent en effet des actes litigieux qui tendent exclusivement «à faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère, soit à s'abstenir de faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation». N’est pas stricto sensu abordé le cas de celui qui force [3] un témoin à modifier sa déposition. Très tôt toutefois, et déjà sous l’empire de l’ancien texte, la Cour de cassation n’a pas hésité à considérer que le texte s’appliquait au cas de la subornation en vue de modifier un témoignage [4]. Cela ne doit pas étonner : matériellement la nouvelle déposition est «faite» ou «délivrée» de sorte qu’il s’agit davantage d’une nouvelle attestation contredisant la déclaration initiale, plutôt que sa modification ou sa rétractation [5]. L’esprit et la lettre du texte expliquent ainsi cette extension qui franchit les fourches caudines de l’interprétation téléologique de la loi pénale. Cette perspective fut récemment rappelée par la Chambre criminelle : «dès lors qu'ayant constaté que les attestations initiales étaient sincères, les témoignages en sens contraire sciemment sollicités par les dirigeants de la société, dans le dessein d'en faire état en justice, ne pouvaient qu'être mensongers» [6]. L’application en juin 2019 aux agissements destinés à ce que le témoin amende sa version des faits est donc cohérente au regard de la structure du texte et de la jurisprudence antérieure.

Modifier un témoignage sincère. Cette cohérence contextuelle ne doit toutefois occulter les problèmes liés à la définition du mensonge, élément constitutif du délit de subornation de témoin. La loi pose en effet ici un critère dont l’usage peut rapidement apparaître des plus complexes. Mentir revient en effet à tenir des propos inexacts, faux : offrir un alibi factice, décrire des faits imaginaires, duper quant à l’attribution d’une infraction, décrire en termes élogieux un individu alors qu’on le sait déviant…[7] Cette fausseté tient évidemment au fait que ce qui est dit n’est pas vrai : le propos n’est pas conforme à la réalité (vérité objective ou matérielle). Reste alors à définir la réalité. Assez classiquement il s’agit de ce qui existe indépendamment du sujet, ce qui n'est pas le produit de la pensée. Si la réalité est adventice, sans que le sujet ait à la penser, se pose la question de savoir comment elle peut être appréhendée afin d’en livrer un témoignage. Il est en effet à craindre que parler d’une réalité… la fasse disparaître sitôt appréhendée puis pensée...[8] Le détour par la réalité pour définir la vérité, et en négatif le mensonge, s’apparenterait à une impasse [9]. Il convient alors de définir la vérité sans le prisme des choses qui existeraient par elles-mêmes en dehors de notre conscience [10]. L’inexactitude du mensonge pourrait être démontrée à la lumière d’un référentiel tenant lieu de vérité : le mensonge serait ainsi un rapport de contradiction entre une proposition et un ensemble servant de référence. Encore faut-il que ces propositions de référence soient connues du témoin suborné… Dès lors, la vérité, dans un sens plus subjectif, davantage conforme à ce que les hommes peuvent produire, pourrait plus modestement être perçue tel un accord de la pensée avec son objet, c'est-à-dire avec les phénomènes de l'expérience. La vérité est ainsi une parole conforme aux phénomènes qu’un individu expérimente. Un discours est donc vrai quand le locuteur relate ce qu’il a effectivement vu, perçu ou accompli : sans ajout ni retrait.

La jurisprudence estime ainsi qu’il y a subornation dès lors que le témoin est incité soit à tenir des propos faux, soit à relater des faits dont il ne connaît pas la véracité [11]. La première acception est certes plus perverse que la seconde, mais dans les deux cela revient à ne pas être sincère. La jurisprudence atteste que dans les deux configurations il y a mensonge susceptible de consommer une subornation en cas de pressions ou manœuvres. Cela va sans dire lorsque le témoin est forcé à tenir des propos qu’il sait être faux [12]. Mais il y a également mensonge lorsqu’une femme fait pression sur une amie afin qu’elle atteste en justice de griefs à l’endroit de son mari, griefs dont elle ignorait la véracité pour ne pas les avoir elle-même constatés [13] : la subornation est consommée «quelle que fût la réalité des griefs» relatés. Mentir consiste bien ici pour le témoin à relater des faits sans savoir précisément s’ils sont vrais.

Cette approche permet sans doute de comprendre pourquoi, avant l’arrêt rendu le 12 juin 2019, la Chambre criminelle a pu estimer que faire pression sur un témoin afin qu’il revienne sur une déclaration sincère rend mensonger le témoignage ainsi suborné [14]. Ce faisant la Cour de cassation opte pour un référentiel subjectif de vérité : un propos est mensonger quand il n’est pas conforme à l’expérience vécue par le témoin. Les pressions opérées sont-elles pour autant constitutives du délit de subornation si elles ont pour objet de ramener un témoin à la raison en l’invitant à revoir sa position et à se conformer à la réalité des faits ?

Provoquer un témoignage non sincère. La discussion en appel tendait à déplacer le débat sur le terrain de la distinction vérité objective (réalité) / vérité subjective (sincérité). Il ne saurait selon le prévenu y avoir subornation si les pressions ont pour effet de faire surgir la vérité objective en incitant un témoin à exprimer ses doutes ou à revenir sur ses propos. Le pourvoi en cassation a d’ailleurs tenté d’amener la Cour à intervenir dans ce débat. En reprochant aux juges du fond de n’avoir pas constaté que la version requise du témoin était fausse, le demandeur au pourvoi soutient qu’il n’a ici provoqué aucun mensonge. Pour la Cour de cassation, en sa décision sous commentaire, la chose est entendue : «le fait d'exercer des pressions sur une personne pour l'inciter à déclarer autre chose que ce qu'elle pense être la vérité caractérise le délit de subornation» [15]. Le mensonge revient pour le témoin à tenir des propos en pensant qu’ils ne correspondent pas à la réalité. Et la subornation consistera alors à contraindre un témoin à produire une attestation mensongère non car les faits qu’il relate sont objectivement faux, mais car il ne les tient pas pour vrais. La question pour la Chambre criminelle n’est pas de savoir si le témoin dit vrai ou faux, mais simplement de déterminer si le témoin est sincère lorsqu’il dit. Ce passage par la sincérité pour identifier le mensonge amène toutefois à s’interroger sur l’élément moral animant cette matérialité.

B - Une intentionnalité abrégée

Intention requise : dol général. Cette caractérisation du mensonge par le biais de la sincérité rejaillit nécessairement sur l’élément moral. Infraction intentionnelle par le jeu de l’article 121-3 du Code pénal (N° Lexbase : L2053AMY), le délit de subornation de témoin contient a minima un dol général consistant à délibérément user de pressions ou manœuvres en vue de forcer autrui à délivrer un témoignage que l’on sait mensonger. Or, le pourvoi, en son troisième moyen, relève que l’on ne saurait avoir pour objectif la formulation d’un mensonge en visant la manifestation de la vérité. Autrement dit, des pressions en vue d’une véridiction ne pourraient être assimilées à l’intention d’obtenir un témoignage mensonger. Si le mensonge était l’exact contraire de la vérité, l’argument serait, il faut bien le dire, imparable : je peux difficilement être coupable d’incitation à un témoignage mensonger si je force un individu à dire vrai. La Cour de cassation a d’ailleurs opté pour une telle approche à plusieurs reprises [16] !

Pour confirmer la condamnation, la Cour a donc l’obligation, le 12 juin 2019, de résoudre le problème non sur l’autel de la vérité mais sur celui de la sincérité, i.e la vérité du témoin. Ce dernier est bien suborné car les pressions répétées de l’avocat avaient pour objectif de lui faire tenir des propos non sincères en ce sens qu’il ne pensait pas que cette version des faits soit vraie. Ici, une fois de plus, peu importe qui dit vrai. Pire, la vérité elle-même, si tant est qu’elle existe, ne compte guère [17]. Dans le champ de la subornation de témoin, le mensonge apparaît alors tel une opposition entre ce que l’on dit d’une chose et la connaissance que l’on en a : une contradiction entre le discours et le savoir. Cette perspective peut-elle convaincre alors que l’article 434-15 du Code pénal se trouve dans une section du Code pénal visant à protéger la justice ?

Dol spécial ? La subornation de témoin est sise dans une section intitulée «Des entraves à l'exercice de la justice» au sein d’un chapitre nommé «Des atteintes à l'action de justice». Cette localisation du délit pourrait inciter à lire son intention à la lueur de l’exercice et de l’action de la justice. La subornation ne serait consommée que si les pressions litigieuses avaient pour objectif final de faire obstacle au jeu normal de la justice. Or, et quand bien même cela soit contestable, on peut affirmer que le but du procès répressif vise la manifestation de la vérité. Il serait dès lors difficile de vouloir entraver l’action de la justice en cherchant à ce que la vérité apparaisse. En d’autres termes, il ne saurait y avoir mensonge constitutif de subornation si le prévenu ne cherchait pas à tromper la justice par la production d’une contre-vérité.

Cette approche n’est pas sans précédent. Dans une affaire tranchée le 22 mai 2012 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation [18], certains «témoins» furent approchés afin que leur version des faits fût modifiée. Pour relaxer un des prévenus, la cour d’appel affirma : «pour que le délit de subornation de témoin soit constitué, il est nécessaire d'établir que l'objet de la modification sollicitée ait été de substituer à une déclaration initiale sincère une déclaration mensongère». Or, le prévenu avait «expliqué que le courrier qu'il [….] avait adressé et le projet de nouvelle déclaration annexé n'étaient destinés qu'à rétablir la vérité». Il n’était donc pas établi que le prévenu «ait été de mauvaise foi et que son affirmation selon laquelle son intervention auprès du témoin n'avait eu d'autre but que de l'inviter à rétablir la vérité des faits ne corresponde pas à la réalité ; qu'en l'absence de preuve d'un élément moral, l'infraction de la subornation de témoin n'est pas démontrée» : le prévenu «doit être relaxé des fins de la poursuite». Le pourvoi fut rejeté par la Chambre criminelle : «en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision». La bonne foi du prévenu tient au fait qu’il poursuit un objectif de vérité. Difficile en effet de reprocher au titre d’une entrave à l’exercice de la justice le fait d’agir en vue de la manifestation… de la vérité. La bonne foi, le défaut d’intention délictueuse s’induisent du résultat recherché par le prévenu : en cherchant à convaincre un tiers, fût-ce par des pressions, à modifier son témoignage initial et sincère, le prévenu n’a pas commis de subornation. Plus précisément, dans la mesure où on ne peut pas prouver que son intention n’était pas orientée vers cette vérité, l’intention requise n’est pas démontrée. Ce précédent semble s’opposer à la décision rendue le 12 juin 2019. En réalité, un élément mis en exergue par les conseillers en appel permet peut-être de différencier les situations. La Cour observe en effet que le prévenu, avocat de son état, avait agi «non pas au regard de la vérité mais au regard du seul intérêt de M. ..., en faisant complètement fi de ce que pouvait être la vérité́, et que cette situation correspond à la notion de déclaration mensongère». Selon les juges, «le but recherché était d'obtenir une déposition plus favorable à son client». Si la position de la cour d’appel quant aux objectifs poursuivis par l’avocat avait réellement convaincu la Chambre criminelle alors aurait-elle dû rejeter le pourvoi en s’appuyant sur l’appréciation souveraine des juges du fond. Or, en affirmant indistinctement que le «fait d'exercer des pressions sur une personne pour l'inciter à déclarer autre chose que ce qu'elle pense être la vérité caractérise le délit de subornation», la Chambre ne réserve pas la situation de celui qui agit en vue d’une vérité à laquelle il adhère par conviction ou persuasion.

L’arrêt en date du 12 juin 2019 révèle sans doute les équilibres instables sur lesquels repose la justice pénale. En protégeant la sincérité des témoignages au détriment d’une vérité objective en réalité inaccessible, la lecture opérée par la Chambre criminelle est peut-être plus signifiante qu’elle ne l’imagine. L’idée sous-jacente consiste en effet à affirmer que l’œuvre de justice repose sur la convergence de vérités subjectives (donc partielles). Peu importe que le témoignage ne corresponde pas à la réalité inaccessible des choses, pourvu qu’il soit sincère. Cette approche, certes réaliste de l’état des choses, mérite toutefois d’être interrogée à deux égards. Tout d’abord, il semble discutable qu’un avocat n’ait pas à perturber le cheminement ainsi décrit. Ensuite, l’on peut se demander si la justice pénale dans son ensemble est parfaitement consciente de l’impossibilité de s’approcher d’une vérité objective

II - L’éclipse de la vérité

Enjeux. L’ellipse de la sincérité induit nécessairement une victime tout sauf collatérale. En privilégiant la sincérité sur la réalité des faits, c’est évidemment la vérité (objective ou matérielle) qui s’éclipse. Si on postule que nulle réalité n’existe en dehors du langage [19], que nul monde des idées n’existe en dehors de nous, que le savoir n’est accessible qu’à travers l’étude des pratiques et discours (et leur histoire !) [20], alors il est évident que la vérité objective conforme à la réalité des faits n’existe tout simplement pas. Même la «chose en soi» devrait nous apparaître farfelue. Il en résulte que pour qu’une vérité judiciaire (elle-même relative comme le rappelle la maxime res judicata pro veritate habetur [21]) puisse être constituée (et non révélée), elle devra reposer sur des contradictions de propos dont la force probante sera librement appréciée par les juges. Ce faisant la justice pénale gravite autour de la vérité objective (A) pour construire sa propre vérité relative. Construction qui ne devrait être envisagée sans la défense (B) même si son rôle reste pour le moins flou en ce début de XXIème siècle, ce que confirme l’arrêt rendu le 12 juin 2019.

A - Un mouvement continu

La spirale de la vérité : un jeu de lois. La question à poser est simple : nous devrions en effet «nous demander quels sont les principes et les objectifs du procès pénal que nous estimons le plus pour ensuite discuter des meilleures façons de les mettre en œuvre» [22]. S’il s’agit tout simplement de se prononcer sur la présomption d’innocence, alors faudra-t-il déterminer une méthode permettant de garantir que les preuves produites à l’audience attestent d’une quelconque véracité au regard des prétentions des parties. Même si l’occurrence «vérité» apparaît à 47 reprises dans le Code de procédure pénale, le législateur ne prend jamais le soin d’en livrer une définition. Une approche minimaliste devrait d’ailleurs inciter à n’y voir que la vérité judiciaire, i.e celle qui ressortira de la décision définitive. L’article 427 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : C65447LX) dispose à cet effet que «le juge décide d'après son intime conviction» et qu’il «ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui». La vérité judiciaire a comme condition d’existence la contradiction. A cet effet, les débats permettront de déterminer qui prouve le mieux les éléments nécessaires au succès de sa prétention. Puisque la force probante est «l’aptitude d’un élément avancé en justice par une partie à établir la véracité d’une allégation» [23], la discussion servira en principe à confronter ces aptitudes. Selon la Cour de cassation elle-même [24], les éléments de preuve, à la condition d’être «précis et concordants», deviendront des facteurs de conviction : si plusieurs éléments de preuve disent la même chose et de manière précise, alors il faudra en induire leur véracité. Le juge pourra toujours au besoin compléter l’arsenal probatoire [25]. Ainsi la plus forte des aptitudes emportera la conviction du juge qui, par veri dictio, opèrera sa juris dictio. Mais ainsi décrite, la vérité n’apparait que construite et contingente. Sa dépendance à l’endroit de tous ceux qui participent à son œuvre et les inexorables biais [26] (de confirmation [27] entre autres [28]) qui affublent ces acteurs rendent pour le moins ambivalente la vérité judiciaire. La justice pénale est ainsi soumise à un vaste effet tunnel : la psychologie humaine et l’organisation institutionnelle amènent assez logiquement la structure répressive à valider une théorie déjà construite plutôt qu’à remettre en cause les vérités subjectives fournies [29].

En cela, la justice pénale ressemble à s’y méprendre au jeu de l’oie. Le plateau y est en effet une spirale, et la progression des pièces se fait idéalement, mais de manière hasardeuse, vers le centre, la vérité. Or, le mouvement des pièces vers la vérité s’arrête avant même de pouvoir atteindre une concordance avec l’insondable réalité. On peut certes tenter de se rapprocher le plus possible du centre en multipliant les différentes preuves. Et si elles concordent, alors la proximité avec la réalité paraitra crédible. Mais à l’instar de la fonction inverse (1/x), même en se rapprochant de l’infini, on ne peut jamais confondre la courbe et l’axe. La vérité (objective) est un horizon inaccessible : elle dessine un chemin, mais jamais ne se laisse saisir. Et inexorablement, plus on cherche la vérité objective, plus on doit douter de réussir à l’appréhender.

On comprend alors pourquoi, malgré les évolutions substantielles des moyens de preuve, le procès pénal demeure ancré dans l’aveu [30]. La «reine des preuves» ne vient pas réellement se surajouter à des indices, pour les conforter, les couronner. Elle ne sert pas tant à soulager la conscience du suspect. La reconnaissance des faits soulage surtout le système répressif : elle sert à affaiblir le sentiment de culpabilité du juge face au doute qui pourrait l’assaillir. Savoir que la vérité objective ne pourra jamais être découverte a en effet de quoi perturber les acteurs du système pénal. Or, l’aveu n’est évidemment pas une preuve fiable et l’histoire en témoigne, évidemment. Les sciences cognitives démontrent très régulièrement qu’il n’est pas si difficile de faire avouer un crime non commis [31]. Avouer ne prouve donc rien [32]. Ce déficit probatoire n’est au demeurant pas si important ; car la reconnaissance des faits permet avant tout au système pénal de transmettre au suspect ou au prévenu le poids de la peine à venir : le risque de l’erreur judiciaire est ainsi transféré au prévenu [33].

Le rétablissement des forces. La spirale de la vérité étant sans fin, il convient d’établir une méthode permettant d’arrêter le processus sur une position qui apparaîtra à tous juste. Il faut identifier la solution qui stabilise le mouvement par une sorte d’équilibre des forces. Et pour ce faire il convient certes de permettre aux opinions opposées de s’exprimer (contradiction) et d’autoriser le juge à peser la valeur probante des éléments soumis à son appréciation (force probante). Surtout, la lutte contre l’effet tunnel doit être amorcée avant l’audience afin de corriger les biais. Certains ont proposé que les enquêteurs consacrent plus de temps à la recherche d’éléments à décharge [34] -ce que la loi a formulé du bout des lèvres [35]- et d’instituer un «avocat du diable» [36] au sein de la police judiciaire afin d’affaiblir les biais des enquêteurs. Il a toutefois été démontré que ces aménagements n’étaient pas suffisants et pouvaient même pousser les enquêteurs à privilégier une seule piste et à désinvestir la recherche d’éléments à décharge [37]. Les spécialistes de l’effet tunnel en matière pénale en viennent alors à inexorablement dresser le constat suivant :

«In the end, no counter measures will be fully effective against cognitive biases. Given that police and prosecutors, because they are human, cannot be expected to recognize and correct for all of their natural biases, the system must find a way to give sufficient case information to those who have different incentives and different natural biases. In the end, greater transparence at all stages of the criminal process might be the most powerful way to counter tunnel vision. In criminal cases, greater transparence requires providing the fullest possible investigative information to the defendant - that is, expanded discovery» [38].

Et il est évident qu’une défense discontinue dans sa mise en œuvre ne peut prétendre à un tel objectif de full discovery.

B - Une défense discontinue

L’inégalité des armes de la défense. La pression que peut faire subir la police par la garde à vue [39] ou encore les atteintes à la vie privée et au domicile, ne peuvent être le fait de l’avocat. Sa déontologie et la loi lui interdisent d’avoir recours aux adminicules incriminés à l’article 434-15 fût-il au courant que la version du témoin est fausse. L’avocat n’est certes pas désarmé : l’instruction (ouverte dans les faits de l’espèce) permet de demander des actes, une audition voire une confrontation. Observons toutefois que l’avocat reste tributaire du juge qui l’autorise et que l’immense majorité des investigations s’opère sous le règne de l’enquête. Et nul n’ignore que l’enquête est tout sauf le lieu de la contradiction [40] !!! Reste l’audience [41]… où tout ou presque est déjà joué. Comme l’observe avec force pertinence M. Fiorini : «Si le contradictoire intégré́ dans la phase d’audience appose le masque du combat sur le visage du procès pénal, il ne s’agit que d’un masque : l’audience reste avant tout l’aboutissement d’un processus hiérarchique, dont l’objectif est de bâtir la vérité́ judiciaire sur le socle d’un dossier inspiré par la quête du vrai. L’enquête construit les bases de la vérité́ judiciaire, et l’audience n’est qu’une phase de contrôle de ces fondations» [42]. C’est la raison pour laquelle la condamnation de l’avocat dans l’arrêt en date du 12 juin 2019 est de nature à frustrer la défense. Si le témoin doit simplement être combattu à l’audience, faut-il alors en conclure que la défense est condamnée à participer à un jeu truqué ?

Cette impuissance est consubstantielle à la procédure pénale contemporaine qui, malgré ses progrès évidents en termes d’humanité et de rationalité [43], ne parvient toujours pas à appréhender la justice en dehors d’un rapport de force. A la force divine puis physique [44], a succédé dans l’histoire la force probante indexée à la vérité telle que produite avant le procès par les autorités étatiques. Comme auparavant, le plus fort (sur le plan probatoire) l’emporte : vae victis. Et il est alors évident que celui qui a un avantage lors du recueil des preuves a plus de chances que son adversaire de l’emporter. Or, il est rare, dans un rapport de force, qu’un des adversaires accepte spontanément d’abandonner un avantage. Il serait évidemment illogique pour l’Etat de changer les règles du jeu de lois afin de rééquilibrer les rapports qu’autorités de poursuite et suspect peuvent entretenir [45]. Au jeu des preuves, l’Etat désire fixer les règles (quand la Cour européenne des droits de l’homme ne l’empêche pas [46]) et s’arroger une position dominante. On est souvent tenté d’expliquer cette domination par l’intérêt supérieur [47] poursuivi par l’Etat : la protection du contrat social par la poursuite et le châtiment de ceux qui y ont porté atteinte [48]. Peut-être s’agit-il plus trivialement de s’assurer par avance une victoire dans le cadre de la guerre menée contre suspects, prévenus et accusés. Le monopole de la violence légitime et la surpuissance de l’Etat conduisent ainsi en France à confier exclusivement les enquêtes (et ses éventuelles pressions) à la police et à la justice. La Chambre criminelle a dès lors pu affirmer en 1984 [49] que : «pour répondre à l'argumentation des prévenus faisant valoir qu'il ne peut y avoir de subornation entre co-inculpés des lors que ceux-ci ne sont pas tenus de dire la vérité et peuvent organiser leur défense par des déclarations mensongères, la cour d'appel énonce que l'article 365 du Code pénal a une portée générale et vise les inculpes qui, "s'ils ont le droit de mentir et de rester silencieux" ou de se concerter en vue d'une défense commune, ne peuvent invoquer les droits de la défense pour user des procédés prohibés par l'article susvisé et entraver ainsi le fonctionnement de la justice ;

Qu'il en est de même pour les avocats qui "n'ont pas davantage le droit d'employer ces procédés pour défendre leurs clients et les faire acquitter à tout prix».

Si c’est au nom de la loi pénale et de déontologie que la subornation est interdite à l’avocat, c’est au nom de la défense de la société [50] que la pression de la détention et des interrogatoires est offerte à la police et à la justice. Et la pression dont elles peuvent faire preuve n’est bien évidemment pas constitutive de subornation. En témoigne l’arrêt rendu le 20 septembre 1995 par la Chambre criminelle [51]. En l’espèce un justiciable suspectait un juge d’instruction de l’avoir appelé durant sa garde à vue à deux reprises, pour lui demander «de choisir son camp et de dire la vérité sans s'obstiner à nier l'évidence» puis pour lui dire que «la vérité était connue et qu'il fallait qu'il comprenne son intérêt». Pour confirmer l’ordonnance de non-lieu, la chambre d’accusation avait observé que les recommandations du juge «- à supposer qu'elles soient démontrées et susceptibles de caractériser en outre les pressions, menaces, manœuvres ou artifices de l'article 365 du Code pénal - n'ayant pas eu pour but de déterminer Jean-Pierre ... à faire une déclaration mensongère mais au contraire une déposition conforme à la vérité, les faits dénoncés ne sauraient admettre une quelconque qualification pénale, et notamment pas le délit de subornation de témoin». Si la sincérité du témoignage, et non la vérité objective, était le prisme à travers lequel devait être appréhendée la subornation, la Cour de cassation aurait dû censurer une telle décision. Il n’en fut rien : le pourvoi fut rejeté car les motifs de la cour d’appel justifiaient le non-lieu. Sincérité à géométrie variable pour une justice dont les plateaux semblent en déséquilibre chronique.

Certes l’officielle quête de vérité ressort inexorablement meurtrie par l’arrêt rendu le 12 juin 2019. Et apparaît en lumière la réalité d’une lutte qui ne dit pas son nom. Si la vérité judiciaire est la résultante d’une succession de discours sincères mais non nécessairement vrais, on peut alors se demander sur quelle rationalité est construite la justice pénale. Si au XXIème siècle nous jugeons avec condescendance les justices médiévale et d’Ancien régime car elles reposaient sur un système dépourvu selon nous de rationalité, peut-être devrions nous nous demander comment sera perçu dans un siècle voire 1000 ans l’actuel système répressif. Sincérité dit la Chambre criminelle. Ridicule irrationalité risque de répondre la justice du XXXIème siècle…

«Chez vos hommes bons, il y a bien des choses qui me dégoûtent et ce n’est vraiment pas le mal. Je voudrais qu’ils aient une folie dont ils périssent comme ce pâle criminel !

Vraiment, je voudrais que cette folie s’appelât vérité, ou fidélité, ou justice : mais leur vertu consiste à vivre longtemps dans un misérable contentement de soi» [52].

 

[1] Cass. crim., 12 juin 2019, n° 18-83.844, F-P+B+I.

[2] La loi vise en effet tout individu délivrant une déposition, une déclaration ou une attestation.

[3] Les adminicules légaux, non discutés ici, sont : promesses, offres, présents, pressions, menaces, voies de fait, manœuvres ou artifices

[4] V., ainsi, par ex., Cass. crim., 9 décembre 1975, n° 74-91963 (N° Lexbase : A8448CGY).

[5] Contra, v. M. Véron, Droit pénal n° 10, octobre 2011, comm. 119.

[6] Cass. crim., 28 juin 2011, n° 10-88.795 (N° Lexbase : A6400HUL).

[7] Le mensonge tient ici au fait que le témoin sait que les propos qu’il tient ne sont pas vrais : il ne peut sérieusement pas attester de la réalité des faits qu’il déclare car il n’en a pas fait l’expérience. Ne pas faire l’expérience d’un phénomène ne signifie pas pour autant que ce phénomène n’existe pas. Il peut ainsi être difficile, voire impossible, de déterminer si ce que dit le témoin est objectivement vrai.

[8] Sur les problèmes liés à l’observation des phénomènes et à leur modification par l’outil d’analyse v. H. Ollivier, D. Poulin, WH. Zurek, Environment as a witness : selective proliferation of information and emergence of objectivity in a quantum universe, Physical Review, A 72, 042113, 2005, Cornell.

[9] Et les disciplines scientifiques ne sont pas nécessairement d’une grande aide : v., J. Larrègue, Les expertises sont-elles grotesques ? Une analyse critique des usages judiciaires de la science, Lexbase Pénal, septembre, 2018 (N° Lexbase : N5122BXY).

[10] Car le sujet devrait soit les saisir en dehors de l’expérience pour les postuler (noumène), soit décréter que la chose existe en soi : V., E. Kant, Critique de la raison pure, 1887, Esthétique transcendantale.

[11] Cela signifie que mentir revient à dire des choses inexactes ou à affirmer des faits en ne sachant s’ils sont vrais.

[12] V., Cass. crim., 2 mars 2016, n° 15-81.787 (N° Lexbase : A0809QYM).

[13] Cass. crim., 28 mai 1968, n° 66-93.679.

[14] V., ainsi Cass. crim., 2 mars 2016, n° 15-81.787 (N° Lexbase : A0809QYM).

[15] Une personne peut être intimement convaincue d’une vérité sans pour autant savoir si cela est parfaitement vrai. Etre sincère consiste en effet à exprimer ce que l’on ressent réellement sans que l’on sache parfois si ce qui est ressenti est vrai ou non. Et à dire vrai si l’on ne verse dans le monde platonicien des idées ou dans les «choses en soi» kantiennes, on peut douter qu’il existe une quelconque vérité en dehors des logiques discursives.

[16] Pour des précédents v., infra, Cass. crim., 22 mai 2012, n° 11-84.790 (N° Lexbase : A3822INU) ; Crim. 20 septembre 1995, n° 94-83.470 (N° Lexbase : A7263CXB).

[17] Pour le dire autrement, le mensonge provoqué est simplement caractérisé par le fait de ne pas penser ce que l’on dit quand bien même ce qui est dit serait vrai.

[18] Cass. crim., 22 mai 2012, n° 11-84.790 (N° Lexbase : A3822INU).

[19] V. L. Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, Gallimard, Tel, 2001.

[20] V. M. Foucault, L’ordre du discours, Gallimard, 1971.

[21] J.-L. Halpérin, La preuve judiciaire et la liberté du juge, Communications, 2009, vol.  84,  pp. 21-32.

[22] M. Langer, La portée des catégories accusatoire et inquisitoire, RSC, 2014-4, p. 728.

[23] Rapport de la Cour de cassation, La preuve dans la jurisprudence de la Cour de cassation, 2012, p. 221. Observons que la Cour ne s’embarrasse pas à distinguer force et valeur probante.

[24] Idem.

[25] Pour le supplément d’information, v., C. proc. pén., art. 463 en matière correctionnelle. Pour le recours à une expertise, v., C. proc. pén., art. 434.

[26] De manière générale, v. A. Kuhn, J. Vuille, La justice pénale - Les sanctions selon les juges et selon l'opinion publique, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR), 2010.

[27] V., M. Lidén, Confirmation bias in criminal cases, Uppsala University, Thèse, 2018. Sur le rôle de la détention provisoire, v., M. Lidén, M. Gräns & P. Juslin, Guilty, no doubt : detention provoking confirmation bias in judges guilt assessments and debiasing techniquesPsychology, Crime & Law, Volume 25-3, 2019 ; Les biais de confirmation affectent également la police technique et scientifique : v., S. M. Kassina, I. E. Drorb, J. Kukuckaa, The forensic confirmation bias : Problems, perspectives, and proposed solutions, Journal of Applied Research in Memory and Cognition, 2013-2, p. 42–52.

[28] Pour le biais d’ancrage montrant que celui qui a la parole en premier, donc le parquet, convainc plus facilement que la défense qui s’exprime pourtant en dernier, v., B. Englich, T. Mussweiler et F. Strack, The last word in court - A hidden disadvantage for the defense, Law and Human Behavior, 2005, 29, pp. 705-22 : «By granting the defense attorney the right of the last word, the legal system simultaneously grants the prosecutor the right of the first word. This allows the prosecution to introduce a judgmental anchor that determines the final sentence, by influencing the judge not only directly, but also (and predominantly) indirectly via its influence on the defense attorney’s demand. In this respect, the standard procedural practice undermines the “in dubio pro reo” principle. The right of the last word seems to weaken the defense» (p. 718) ; J. Goldszlagier, L'effet d'ancrage ou l'apport de la psychologie cognitive à l'étude de la décision judiciaire, Les Cahiers de la Justice, 2015/4 (n° 4), pages 507 à 531.

[29] Sur l’effet tunnel, v., ainsi K. Findley et M. Scott, The multiple dimensions of tunnel vision in criminal cases, Wisconsin Law Review, 2006, p. 291-397 ; B. Cutler (dir.), Conviction of the Innocent: Lessons from Psychological Research, American psychological Association, chap. 14 : «Tunnel Vision», par. K. Findley, 2011.

[30] V., M. Foucault, Mal faire, Dire vrai - Fonction de l’aveu en justice, Presses universitaires de Louvain, 2012.

[31] J. Shaw, S. Porter, Constructing rich false memories of committing crime, Psychological Science vol. 26, n° 3, January 2015.

[32] L’aveu peut être plus qu’une preuve. Une étude américaine a ainsi mis en lumière les ressorts pouvant amener des suspects à avouer des faits alors que l’ADN les disculpait. Ils furent condamnés ! (v., S. C. Appleby et S. M. Kassin, When self-report trumps science : effects of confessions, DNA, and prosecutorial theories on Perceptions of Guilt, Psychology, Public Policy, and Law, 2016, vol. 22, n° 2, p. 127–140).

[33] V. M. Foucault, Mal faire, dire vrai - Fonction de l’aveu en justice, ibidem pp. 206-209.

[34] K. Findley et M. Scott, The multiple dimensions of tunnel vision in criminal cases, Wisconsin Law Review, 2006, p. 291-397.

[35] V., C. proc. pén., art. 39-3 créé par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 (N° Lexbase : L4202K87).

[36] Idem.

[37] B. O’Brien, Prime suspect : An examination of factors that aggravate and counteract confirmation bias in criminal investigations, Psychology, Public Policy, and Law, vol. 15-4, nov. 2009, p. 315–334.

[38] B. Cutler (dir.), Conviction of the Innocent : Lessons from Psychological Research, American psychological Association, chap. 14 : «Tunnel Vision», par. K. Findley, 2011, p. 23.

[39] Ou, dans une moindre mesure, par l’audition libre.

[40] V., au titre du saupoudrage de contradiction, C. proc. pén. art. 77-2 al. 2 (N° Lexbase : L4940K8H).

[41] Avant le renvoi, lors du défèrement, l’avocat peut demander au procureur que certains actes soient réalisés : v., C. proc. pén., art. 393 al. 4.

[42] B. Fiorini, L’enquête pénale privée, Etude comparée des droits français et américain, Institut universitaire Varenne, coll. des thèses, 2018, n° 236, p. 166.

[43] La disparition des ordalies, de la torture, et en parallèle l’abolition des peines corporelles marquent évidemment un adoucissement salvateur.

[44] V. J.-L. Halpérin, La preuve judiciaire et la liberté du juge, Communications, 2009, vol.  84  pp. 21-32 ; M. Foucault, La vérité et les formes juridiques, in Dits et Ecrits, I, Gallimard, coll. «Quarto», rééd. 2001, p. 1406-1514.

[45] La loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 a certes créé l’article 39-3 du Code de procédure pénale précisant en son alinéa 2 que le procureur veille à ce que les investigations tendent à la manifestation de la vérité́ et qu'elles soient accomplies à charge et à décharge, dans le respect des droits de la victime, du plaignant et de la personne suspectée. Or, de l’aveu même du législateur, il ne s’agit que de « dispositions symboliques» en lien d’ailleurs avec l’impartialité du parquet postulée depuis la loi n° 2013-669 du 25 juillet 2013 à l’article 31 du Code de procédure pénale !

[46] Dans un premier temps la Cour a affirmé que «46. Si la Convention garantit en son article 6 (art. 6) le droit à un procès équitable, elle ne règlemente pas pour autant l’admissibilité́ des preuves en tant que telle, matière qui dès lors relève au premier chef du droit interne. La Cour ne saurait donc exclure par principe et in abstracto l’admissibilité d’une preuve recueillie de manière illégale, du genre de celle dont il s’agit. Il lui incombe seulement de rechercher si le procès de M. S. a présenté́ dans l’ensemble un caractère équitable» (CEDH, 12 juillet 1988, Req. 8/1987/131/182, Schenk c. Suisse N° Lexbase : A6480AWW). Depuis il va sans dire que la Cour a su faire preuve d’imagination pour considérablement encadrer la preuve pénale sur le continent européen qu’il s’agisse de témoin anonyme, écoute téléphonique, sonorisation, garde à vue, géolocalisation, preuve volée….

[47] Supérieur à l’intérêt des suspects de se défendre ? A l’intérêt de contribuer à un procès équitable mesuré par l’égalité des armes ?

[48] Ainsi parle l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infraction : «la prévention d'atteintes à l'ordre public, notamment d'atteintes à l'intégrité physique des personnes, la recherche et la condamnation des auteurs d'infractions sont nécessaires à la sauvegarde de principes et droits de valeur constitutionnelle» (Cons. const., décision n° 99-411 DC 16 juin 1999 N° Lexbase : A8780AC8) ; Récemment, v., Décision n° 2019-780 DC du 4 avril 2019, «Loi visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations», §. 13 (N° Lexbase : A1567Y8K).

[49] Cass. crim. 25 janvier 1984, n° 83-90.646 (N° Lexbase : A8041AA3).

[50] M. Foucault, Il faut défendre la société - Cours au Collège de France 1975-1976, EHESS, Le Seuil, Gallimard, 1997.

[51] Cass. Crim. 20 septembre 1995, 94-83.470 (N° Lexbase : A7263CXB).

[52] F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Société du Mercure de France, œuvres complètes de Frédéric Nietzsche, trad. H. Albert, vol. 9, 1903, p. 53.

newsid:469692

Concurrence

[Brèves] Sanction, par l’Autorité de la concurrence, d’un GIE de notaires et d’une chambre interdépartementale des notaires pour entente sur les prix

Réf. : Aut. conc., décision n° 19-D-12, 24 juin 2019 (N° Lexbase : X4300CHQ)

Lecture: 3 min

N9663BX8

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/52251764-edition-n-789-du-04-07-2019#article-469663
Copier

par Vincent Téchené

Le 03 Juillet 2019

► Un GIE, regroupant une vingtaine de notaires d’un département, a mis en place une entente tarifaire, en violation de l’article L. 420-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6583AIN), afin que les notaires de ce département appliquent un «barème» défini par le GIE pour les prestations de négociation immobilière ;

► En outre, la chambre interdépartementale des notaires a facilité la commission de l'infraction, en mettant ses moyens à la disposition du GIE et en ne dénonçant pas la pratique illicite aux autorités compétentes ;

► Le GIE et la chambre interdépartementale, ayant sollicité le bénéfice de la transaction, qui leur a été accordé dès lors qu'ils ne contestaient ni les faits, ni leur qualification, ont en conséquence bénéficié de sanctions réduites à hauteur de 250 000 euros et 45 000 euros.

 

Tel est le sens d’une décision de l’Autorité de la concurrence rendue le 24 juin 2019 (Aut. conc., décision n° 19-D-12, 24 juin 2019 N° Lexbase : X4300CHQ).

 

La loi du 6 août 2015, dite loi «Macron» (loi n° 2015-990 N° Lexbase : L4876KEC), qui a procédé à une réforme d'ensemble des professions réglementées afin d'introduire plus de concurrence et la liberté d'installation, a, notamment, mis fin au tarif réglementé pour les prestations de négociation immobilière à compter du 1er mars 2016. Depuis cette date, il n'y a plus de tarif fixé par les pouvoirs publics et les notaires fixent librement leurs tarifs pour leurs activités de négociation immobilière comme les agences immobilières.

Or, l’Autorité constate qu’en prévision de la fin du tarif réglementé, le GIE a élaboré de façon occulte, dès le second semestre 2015, une «grille tarifaire» unique pour les notaires du réseau, dans le but de faire obstacle à l'application de la loi «Macron» et à la libre détermination par chaque notaire de son tarif de prestation. Un des adhérents a ainsi déclaré dans un mail : «La loi Macron fait son œuvre et nous devons rester unis».

 

En outre, en mettant son secrétariat à disposition du GIE, la chambre interdépartementale des notaires a activement facilité l'entente : des courriels, fax et courriers relatifs aux modalités de mise en œuvre de l'entente ont été envoyés aux adhérents du réseau depuis les adresses de la chambre.

 

L’Autorité retient que la fixation par entente du tarif était par elle-même contraire au droit de la concurrence mais, qu'en outre, les tarifs ainsi fixés induisaient une forte augmentation des honoraires de négociation immobilière par rapport aux tarifs réglementés. En moyenne, les prix étaient 20 % au-dessus de ceux affichés par les autres offices de la région.  Pour l’Autorité, cette pratique est grave dans la mesure où elle est survenue dans un secteur où l'espace concurrentiel est fortement limité par la réglementation et dans le but de faire échec à la réforme voulue par le législateur.

 

Les membres de l'entente avaient connaissance de l'illicéité des pratiques, comme l'indique un compte-rendu de réunion : «N'oublions pas que nous pourrions tomber sous le coup de l'entente illicite !». Concernant la chambre, sa participation à l'entente est d'autant plus notable qu'elle émane d'une instance ordinale, tenue à une mission de conseil et de contrôle du respect de la déontologie. Il convient de noter que, le 24 juin 2019, l'Autorité de la concurrence a également rendu une décision de sanction pour pratiques anticoncurrentielles concernant les huissiers (Aut. conc., décision n° 19-D-13, 24 juin 2019 N° Lexbase : X4301CHR ; lire [lXB=N9714BX3]).

newsid:469663

Copropriété

[Brèves] Publication au JO d’un nouveau décret d’application de la loi «ELAN» : diverses mesures relatives au fonctionnement des copropriétés et à l'accès des huissiers de justice aux parties communes d'immeubles

Réf. : Décret n° 2019-650 du 27 juin 2019 portant diverses mesures relatives au fonctionnement des copropriétés et à l'accès des huissiers de justice aux parties communes d'immeubles (N° Lexbase : Z957408N)

Lecture: 3 min

N9664BX9

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/52251764-edition-n-789-du-04-07-2019#article-469664
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 04 Juillet 2019

A été publié au Journal officiel du 28 juin 2019, le décret n° 2019-650 du 27 juin 2019, portant diverses mesures relatives au fonctionnement des copropriétés et à l'accès des huissiers de justice aux parties communes d'immeubles (N° Lexbase : Z957408N).

 

Pris pour l'application, d'une part, des articles 17-1-A (N° Lexbase : L6780LNG) et 22 (N° Lexbase : L4822AH3) de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, dans leur rédaction issue de l'article 211 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (N° Lexbase : L8700LM8) et, d'autre part, de l'article L. 111-6-6 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L9772INA), ce texte précise les conditions dans lesquelles les copropriétaires peuvent participer aux assemblées générales de copropriété par visioconférence, audioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique ainsi que les modalités de remise par le syndic des mandats de vote (cf. l’Encyclopédie «Droit de la copropriété», Les modalités de vote en assemblée générale  N° Lexbase : E6449YUE).

 

Il précise également les conditions d'accès des copropriétaires et des membres du conseil syndical à l'espace en ligne sécurisé mis à disposition par le syndic professionnel ainsi que la fréquence de la mise à jour des documents figurant sur cet espace (cf. l’Encyclopédie «Droit de la copropriété», La mise à disposition des documents dématérialisés relatifs à la gestion de l'immeuble N° Lexbase : E4663E7T).

 

Il apporte des précisions concernant la consultation des pièces justificatives avant l'assemblée générale et les possibilités pour un copropriétaire de se faire assister par son locataire ou d'autoriser ce dernier à consulter les pièces justificatives de charges récupérables en ses lieu et place (cf. l’Encyclopédie «Droit de la copropriété», L'obligation de mise à disposition des pièces justificatives des charges de copropriété N° Lexbase : E5630ETP).

 

Il restreint aux seuls copropriétaires la possibilité de se prévaloir de l'exception de nullité tirée de l'absence d'habilitation du syndic à agir en justice (cf. l’Encyclopédie «Droit de la copropriété», Le défaut d’autorisation N° Lexbase : E8080ETG).

Il contient des dispositions concernant la dématérialisation des échanges au sein de la copropriété, en permettant, sous réserve de l'accord exprès du destinataire, l'envoi d'avis d'appels de fonds par courrier électronique ou encore la notification des documents annexés à la convocation à l'assemblée générale par mise à disposition dans l'espace en ligne sécurisé. Les modalités de remise et de retrait de l'accord sont également simplifiées dès lors que le copropriétaire peut donner et retirer son accord en assemblée générale et, à défaut, par tout moyen conférant date certaine.

 

Enfin, le décret contient des dispositions relatives à l'accès aux parties communes des huissiers de justice pour l'exercice de leurs missions de signification et d'exécution (cf. l’Encyclopédie «Voies d’exécution», L'accès de l'huissier de justice aux parties communes d'un immeuble (CCH, art. L. 111-6-6) N° Lexbase : E8389E89 ; pour un commentaire détaillé de l’ensemble des nouvelles dispositions réglementaires, cf. le commentaire de Florence Bayard-Jammes, à paraître dans Lexbase, éd. priv., n° 791 du 18 juillet 2019 ; cf. également, les observations de Marien Malet, concernant plus spécifiquement l'accès de l'huissier de justice aux parties communes d'un immeuble, paru dans Lexbase, éd. priv., n° 789, 2019 N° Lexbase : N9689BX7).

 

newsid:469664

Droit médical

[Jurisprudence] Une vie suspendue au fil de la justice

Réf. : Ass. plén., 28 juin 2019, n° 19-17.330, P+B+R+I (N° Lexbase : A2188ZHI)

Lecture: 29 min

N9699BXI

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/52251764-edition-n-789-du-04-07-2019#article-469699
Copier

par Valérie Depadt, Maître de conférences (HDR) à la faculté de droit de l’Université Paris-13, Sorbonne Paris-Cité, membre de l’IRDA, membre associé de l’EA 1610, Université Paris Sud-11, conseillère de l’Espace éthique/IDF

Le 08 Juillet 2019

Mots clés : fin de vie / arrêt des traitements / voie de fait 

Vincent L., aujourd’hui âgé de 42 ans, a été victime le 28 septembre 2008 d’un grave accident de la circulation qui l’a laissé tétraplégique et en état de conscience altérée. Cinq ans après l’accident, alors que son état ne connaissait pas d’amélioration et à la suite de signes d’opposition aux soins prodigués que l’équipe soignante a cru déceler, a commencé de se poser la question de l’arrêt des traitements nécessaires à son maintien en vie.

 

L’histoire de Vincent L., en raison du long parcours judiciaire qui a accompagné les dernières années de sa vie, est devenue du point de vue juridique l’affaire «Vincent Lambert», faisant de cet homme le protagoniste d’un débat judicaire auquel à aucun moment, il n’a pu prendre part. Au centre du débat constitué de plus de trente décisions (la dernière, objet de ce commentaire, datant du 28 juin 2019 : Ass. plén., 28 juin 2019, n° 19-17.330, P+B+R+I), se trouvent l’article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L4208KYI) qui permet l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation artificielles lorsque leur poursuite apparaît relever d’une «obstination déraisonnable» et, plus généralement, les dispositions relatives à la décision qui précède la cessation des traitements reçus par une personne qui n’est pas en mesure de s’exprimer et dont la volonté anticipée n’a pas été actée (I).

 

L’affaire «Vincent Lambert» ne fera pas jurisprudence en ce sens que chaque affaire de ce type de distingue par sa singularité, rappelée à maintes reprises par le Conseil d’Etat [1]. Mais du point de vue de l’appréhension de la loi, le nombre important d’avis, de rapports et de décisions qu’elle a nécessités contribuent à une meilleure appréhension du sens qu’il faut accorder aux dispositions légales (II).

I - L’affaire «Vincent Lambert» du 11 mai 2013 au 28 juin 2019

Depuis environ six ans, le cas de Vincent L. défraie la chronique judiciaire. Toutes les voies de recours ont été utilisées, du tribunal administratif à la Cour européenne des droits de l’Homme en passant par le Conseil d’Etat, la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel. Dans ce contexte, divers fondements juridiques ont été invoqués (A), soulevant des points du droit auxquels les décisions qui se sont succédé apportent certains éclaircissements (B).

A - Les fondements juridiques des recours

L’application de la loi du 22 avril 2005, relative au droit des malades et à la fin de vie (N° Lexbase : L2540G8L)

Au cours de l’année 2012, le médecin responsable du service dans lequel Vincent L. était pris en charge a engagé une procédure collégiale, telle que prévue et définie aux articles L. 1111-4 (N° Lexbase : L4252KY7) et R. 4127-37 (N° Lexbase : L6349K9Z) anciens, afin de déterminer si la poursuite des soins dispensés au patient, à savoir l’alimentation et l’hydratation artificielles, relevaient ou non de l’obstination déraisonnable proscrite par la loi.

Cette procédure a mené, le 10 avril 2013, à une première décision d’arrêt des traitements. Les parents de Vincent L. ont alors saisi le tribunal administratif de Chalon-sur-Saône par voie de référé-liberté, sur le fondement de la loi du 22 avril 2005, relative aux droits des malades et à la fin de vie.

Par ordonnance du 11 mai 2013, le juge des référés du tribunal a reconnu la procédure irrégulière et enjoint l’hôpital de reprendre l’alimentation et l’hydratation entérales, de même que l’ensemble des soins dus à l’état de santé du patient.

En septembre 2013, la famille du patient était convoquée et une deuxième procédure collégiale engagée, qui a abouti à une décision d’arrêt de soins le 11 janvier 2014. Le 16 janvier 2014, le tribunal de Châlons-en-Champagne a suspendu la décision de mettre fin à l’alimentation et l’hydratation artificielles, toujours sur le fondement de la loi de 2005. Cette décision a fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat par l'épouse de Vincent L., son demi-neveu et le CHU. La Haute juridiction, par arrêt du 24 juin 2014, a infirmé le jugement du tribunal administratif et déclaré la décision d’arrêt des soins conforme à la loi en vigueur [2].

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et ses suites

Par décision du même jour, le 24 juin 2014, la Cour européenne des droits de l’Homme, auprès de laquelle les parents de Vincent L. avaient préalablement déposé une mesure provisoire, a suspendu la décision du Conseil d’Etat pour le temps nécessaire à l’examen de la requête déposée par les requérants, celle-ci invoquant notamment une violation du droit à la vie protégé par la Convention européenne (CEDH, art. 2 N° Lexbase : L4753AQ4). Le 5 juin 2015, les juges européens ont jugé la décision d’arrêter les traitements de Vincent L. compatible avec l’article 2 de la Convention [3] et le 6 juillet, la Grande Chambre a rejeté la demande en révision.

Le médecin en charge de Vincent L. ayant démissionné de son poste, sa décision médicale n’a pu être exécutée en raison du principe d’indépendance des médecins qui fait obstacle à ce que la décision de l’un soit mise en application par un autre [4]. Le 7 juillet 2015, sa remplaçante a informé les membres de la famille de sa décision d’engager une nouvelle et troisième procédure collégiale. Cependant, quelques jours plus tard, le 23 juillet 2015, elle a suspendu la procédure au motif que «les conditions de sérénité et de sécurité nécessaires à la poursuite de cette procédure», tant pour Vincent L. que pour l’équipe médicale, n’étaient pas réunies. Elle avait dans le même temps demandé au Procureur de la République le placement du patient sous une mesure de tutelle. La tutelle fut confiée à l’épouse de Vincent L. et, le 8 décembre 2016, la Cour de cassation rejeta le pourvoi contestant cette mesure [5].

Après que le tribunal administratif ait, par jugement du 9 octobre 2015 [6], rejeté la demande du neveu de Vincent L. d’appliquer la décision médicale du 11 janvier 2014, la cour administrative d’appel de Nancy, le 16 juillet 2016, a validé la décision d’arrêt de soins du 7 juillet 2015, annulé la décision du 23 juillet 2015 et ordonné au CHU de Reims de donner au médecin de Vincent L. ou à tout autre praticien appelé à lui succéder les moyens permettant au patient de bénéficier des droits garantis par le Code de la santé publique [7].

Par décision du 19 juillet 2017, le Conseil d’Etat a rejeté les pourvois formés contre cet arrêt [8].

Un autre médecin, au mois de septembre 2017, a entamé une quatrième procédure collégiale qui, le 9 avril 2018, a conduit à la décision de suspendre une nouvelle fois les traitements, de mettre en place une sédation profonde et continue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à tous les traitements de support.

Par requête du 17 avril 2018, les parents de Vincent L., son frère et sa sœur ont une nouvelle fois saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne pour demander l’annulation de la décision précitée. Par une ordonnance rendue le 20 avril 2018, le juge des référés du tribunal administratif a ordonné une expertise en vue de déterminer le tableau clinique de Vincent L.. Puis il a, le 31 janvier 2019, rejeté les demandes des requérants et validé la décision médicale d’arrêt des soins [9].

 

Les droits garantis par le Code de la santé publique auxquels fait référence la décision du 20 avril 2018 par le juge des référés du tribunal administratif relèvent du droit positif, la loi de 2005 ayant été abrogée et remplacée par celle du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie [10]. Cette loi, d’une façon générale, a renforcé le caractère obligatoire du refus de l’obstination déraisonnable et dispose à l’article L. 1110-5-2, 2°, alinéa 2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L4209KYK), que «Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et, au titre du refus de l'obstination déraisonnable mentionnée à l’article L. 1110-5-1, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie».

 

Les requérants ont formé appel de ce jugement devant le juge des référés du Conseil d’Etat, qui, examinant cet appel en dernier ressort, a rejeté la requête le 24 avril 2019, validant la décision d’arrêt des soins [11].

 

Les voies de recours internes étaient donc épuisées.

 

La Convention des droits des personnes handicapées

 

Le 30 avril 2019, la Cour européenne a rejeté la demande des parents, du demi-frère et d’une sœur de Vincent L., visant à ce que la France suspende la décision d’arrêt des soins.

 

Les requérants ont alors déposé plainte devant le Comité des droits des personnes handicapées (CDPH) qui, le 3 mai 2019, a demandé à l’Etat français d’une part de fournir ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la requête, d’autre part de suspendre l’arrêt des soins jusqu’à ce qu’il se prononce, au terme d’une expertise de l’état de Vincent L..

Le 7 mai 2019, l’Etat français a répondu au Comité de l’ONU qu’il n’était pas en mesure d’exiger le maintien des soins, cette demande étant dépourvue de force obligatoire.

Le tribunal administratif ayant, par ordonnance du 15 mai 2019, rejeté la demande des parents de Vincent L. tendant à voir respecter la demande du Comité, ces derniers ont saisi le juge des référées du TGI de Paris qui, le 17 mai 2019, s’est déclaré incompétent.

Le 20 mai 2019, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement du tribunal de grande instance du 17 mai et ordonné la reprise des traitements arrêtés le matin même, afin de se conformer à la décision du Comité en réponse à l’appel des parents [12]. L’Etat, le ministère des Solidarités et de la Santé, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ont formé un pourvoi contre la décision de la cour d’appel devant la Cour de cassation.

Ce 28 juin 2019, la Cour de cassation, suivant l’avis du Procureur général, a cassé sans renvoi l’arrêt de la cour d’appel [13].

B - Les apports des décisions quant à la fin de vie médicalisée

Le respect de la loi

La loi du 22 avril 2005, en vigueur à l’époque du début de la procédure, a justifié une annulation des décisions médicales de 2013 et 2014, mais sur le fondement de dispositions différentes.

La décision en référé du 11 mai 2013 a condamné l’arrêt des soins au motif de l’irrégularité de la procédure collégiale telle que prévue par le Code de la santé publique, qui exige que la famille soit consultée. Or, les parents de Vincent L. n’avaient pas été avertis en temps utile. Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, dans sa décision de suspension de l’exécution de la décision d’arrêt des soins du 16 janvier 2014, a estimé pour sa part que Vincent L. n’était pas dans une situation médicale répondant aux critères de la condition d'obstination déraisonnable. Or, c’est sur ce point de la notion d’obstination déraisonnable que les débats se sont cristallisés par la suite. Ainsi le Conseil d’Etat, par un arrêt du 24 juin 2014, a réformé le jugement précité. Suivant les conclusions du rapporteur public et après avoir reçu communication de l’expertise ordonnée ainsi que des observations écrites de certaines institutions et personnalités qualifiées, il a décidé que la décision du 11 janvier 2014 était légale au regard des conditions de la loi et, notamment, de celle d’obstination déraisonnable.

La conformité de la loi française à la CESDH

La Cour européenne, de son côté, a examiné l’affaire sous l’angle de l’article 2 de la Convention (N° Lexbase : L4753AQ4) protégeant le droit à la vie, se prononçant sur la conventionalité des dispositions de la loi nationale relatives, d’une part, aux conditions de l’arrêt de traitement, d’autre part, à la procédure décisionnelle. A propos de l’arrêt des traitements, elle relève que le Conseil d’Etat a assorti la caractérisation de la notion d’obstination déraisonnable de deux garanties importantes. La première consiste en ce que la circonstance qu’une personne soit dans un état irréversible d’inconscience ou -à plus forte raison- de perte d’autonomie ne peut caractériser, à elle seule, une situation d’obstination déraisonnable, et la seconde que l’absence de connaissance de la volonté du patient ne peut être présumée consister en un refus d’être maintenu en vie. Concernant le procédé décisionnel, le juge européen a estimé que la procédure avait, en l’espèce, respecté les exigences de l’article 2 et il a reconnu le dispositif légal français comme respectueux du droit à la vie tel que proclamé dans la Convention.

La portée de la Convention relative aux droits des personnes handicapées

A propos de la saisine du Comité international des droits des personnes handicapées (CIDPH) [14], il est revenu à la cour d’appel de se prononcer tout d’abord sur sa compétence, ensuite d’évaluer la portée de la demande du Comité. Sur le premier point, elle a considéré que l’Etat français avait commis une voie de fait en refusant de se soumettre à la demande du Comité. La question posée à la Cour de cassation, réunie en Assemblée plénière, consistait donc à déterminer si «en ne déférant pas à la demande de mesure provisoire formulée par le CDPH et tendant à ce que l’alimentation et l’hydratation entérales de M. X ne soient pas suspendues pendant l’examen de son dossier par le CDPH, l’Etat s’était-il rendu l’auteur d’une voie de fait, autrement dit, avait-il pris une décision portant atteinte à la liberté individuelle et manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir lui appartenant ?» [15]

Or, la voie de fait dans ses éléments constitutifs a été définie par le Tribunal des conflits au travers d’un arrêt de 2013, dont il ressort qu’«il n’y a voie de fait de la part de l’administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l’administration soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou d’extinction d’un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative» [16].

La Cour de cassation rappelle cette définition, puis retient «d’une part, que, le droit à la vie n’entrant pas dans le champ de la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution […] d’autre part, qu’en l’état notamment des décisions rendues en dernier lieu par le juge des référés du Conseil d’Etat le 24 avril 2019 et par la Cour européenne des droits de l’Homme le 30 avril 2019, cette décision n’était pas manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir lui appartenant» pour en conclure que les conditions de la voie de fait n’étaient pas réunies [17].

II - La loi du 2 février 2016 au travers de l’affaire «Vincent Lambert»

Sur le plan de la loi nationale du 2 février 2016, les différentes décisions précitées apportent divers éclairages relatifs, d’une part, aux notions essentielles auxquelles elles se sont référées (A), d’autre part, à la procédure d’arrêt des soins (B).

A - Les notions essentielles

La notion de traitement au sens de la loi

Les traitements apportés à Vincent L. consistent pour l’essentiel dans la nutrition et l’hydratation artificielles (NHA) qui le maintiennent en vie du fait de son incapacité à s’alimenter et s’hydrater seul. Parce qu’ils sont indispensables au maintien de l’existence d’un patient en état de conscience altérée, ces actes médicaux sont reconnus à visée curative plutôt que de confort. Or, cette question de l’arrêt de la NHA, particulièrement complexe car «sous-tendue par une dimension émotionnelle et symbolique lourde» [18] a fait l’objet d’une évolution dans la loi du 2 février 2016.

L’inclusion de la NHA dans la catégorie des soins qui ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable n’allait pas de soi. Preuve en est que, lors du passage de la loi de 2005 devant le Sénat, un amendement avait proposé qu’elle soit exclue du domaine des actes potentiellement déraisonnables. Cependant, le large rejet de cet amendement a laissé comprendre que ce type de soins entrait dans la catégorie des actes susceptibles de constituer une obstination déraisonnable. Cette interprétation a été confirmée par le Conseil d’Etat au travers de sa décision de 2014 dans laquelle, réformant sur ce point la décision du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, il a estimé que «l'alimentation et l'hydratation artificielles sont au nombre des traitements susceptibles d'être arrêtés lorsque leur poursuite traduirait une obstination déraisonnable […]».

Le sujet fit encore l’objet d’un désaccord entre les deux chambres du parlement lors du vote de la loi du 2 février 2016. Alors que l’Assemblée nationale considérait l’alimentation et l’hydratation artificielles comme des traitements, le Sénat reconnaissait l’hydratation artificielle comme un soin pouvant être maintenu jusqu’au décès.

L’article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique définit désormais l’alimentation et l’hydratation artificielle comme des traitements. Une marge de manœuvre est toutefois accordée aux médecins, puisque le texte énonce que «la nutrition et l'hydratation artificielles constituent des traitements ‘qui peuvent’ être arrêtés conformément au premier alinéa du présent article», sans imposer d’obligation. Il revient donc aux médecins d’apprécier au regard de chaque situation l’opportunité du maintien ou de l’arrêt de ces traitements, sans forcément lier l’hydratation à l’alimentation.

La notion d’obstination déraisonnable

Pour un patient qui n’est pas en fin de vie dans la mesure où il peut être maintenu en vie par une NHA, la question se pose du caractère raisonnable, ou non, du prolongement dans le temps de ces traitements.

L’interprétation de la condition d’«obstination déraisonnable» est des plus difficiles, des plus délicates lorsqu’il s’agit de prendre une décision pour autrui et, particulièrement, lorsque la personne n’est pas en fin de vie, mais qu’elle le deviendra du fait de la décision de l’arrêt des traitements.

L’obstination déraisonnable au sens du Code de la santé publique en son article L. 1110-5-1 fait référence à des actes «inutiles, disproportionnés» ou qui «n’ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie». Ainsi, plus qu’une notion, cette expression est «en réalité un outil de qualification dont la fonction est de permettre aux médecins de se prononcer sur la situation du patient» [19]. Elle ne doit pas être confondue avec celle d’acharnement thérapeutique, car l’acharnement thérapeutique relève de la nécessité inscrite à l’article L. 1110-5 de mettre en œuvre tous les moyens possibles en vue du maintien en vie ou de la guérison d’une personne, ces actes étant appropriés à la situation et, par là, raisonnables. Aussi, «si ces concepts sont souvent confondus, ils diffèrent par l’idée de déraison» [20].

La médecine d’aujourd’hui, notamment au travers de la réanimation, permet dans certains cas le maintien de la vie sans pouvoir en assurer la qualité, les conditions de vie extrêmes de ces patients résultant d’une incertitude quant à leur pronostic vital et fonctionnel. Dès lors, l’article L. 1110-5-1 dispose que «Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable».

Dans un avis antérieur à la loi de 2016, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) interroge : «Comment distinguer ce qui est raisonnable de ce qui est déraisonnable quand cette décision irréversible est envisagée pour une personne, à la place de cette personne, quand la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté ?» [21]

Le Conseil d’Etat, dans son ordonnance du 24 avril 2019, reprend l’exigence d’une appréciation in concreto déjà mentionnée dans la décision du 24 juin 2014 [22], en rappelant que «la seule circonstance qu'une personne soit dans un état irréversible d'inconscience ou, à plus forte raison, de perte d'autonomie la rendant tributaire d'un tel mode d'alimentation et d'hydratation ne saurait caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la poursuite de ce traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus de l'obstination déraisonnable» [23].

La prise en compte de la volonté du patient

La volonté du patient doit être recherchée en tout état de cause, même si ce dernier n’est pas en état de l’exprimer. A ce sujet, le Conseil d’Etat relève que «dans l'hypothèse où cette volonté demeurerait inconnue, elle ne peut être présumée comme consistant en un refus du patient d'être maintenu en vie dans les conditions présentes» [24]. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 2 juin 2017, a souligné que «lorsque la volonté du patient demeure incertaine ou inconnue, le médecin ne peut cependant se fonder sur cette seule circonstance, dont il ne peut déduire aucune présomption, pour décider de l’arrêt des traitements» [25].

Alors, comment tenir compte de la volonté d’une personne qui n’est plus en mesure de l’exprimer ? La prise en considération de la déclaration par anticipation, en amont du moment auquel survient l’incapacité, apparaît comme un moyen de répondre à la question [26]. Le droit, fort de ce raisonnement, a institué diverses mesures anticipatives, parmi lesquelles le mandat de protection future, la désignation d’une personne de confiance et les directives anticipées.

Vincent L. n’ayant recouru à aucune de ces mesures, le Conseil d’Etat, rappelant que «le médecin doit accorder une importance toute particulière à la volonté que le patient peut avoir, le cas échéant, antérieurement exprimée, quels qu'en soient la forme et le sens» a pris en compte le témoignage de l’épouse de Vincent L., témoignage d’autant plus important que tous deux étaient infirmiers. Ils avaient souvent évoqué leurs expériences professionnelles respectives auprès de patients en réanimation ou de personnes polyhandicapées, ce qui avait amené Vincent L. à exprimer à plusieurs reprises «le souhait de ne pas être maintenu artificiellement en vie dans l'hypothèse où il se trouverait dans un état de grande dépendance» [27].

Se pose alors la question de la portée qui doit être accordée au témoignage d’un membre de la famille, à savoir l’épouse du patient. Le Conseil d’Etat, dans sa décision du 24 juin 2014, souligne que «le médecin doit également prendre en compte les avis de la personne de confiance, dans le cas où elle a été désignée par le patient, des membres de sa famille ou, à défaut, de l'un de ses proches» [28].

Cette attitude suit les recommandations du «Guide sur le processus décisionnel dans des situations de fin de vie» du Conseil de l’Europe, selon lequel les souhaits précédemment exprimés par le patient est un élément indispensable du processus décisionnel.

B - La décision d’arrêt des soins

La procédure collégiale

Aux termes de l’article L. 1110-5-1 du Code de la santé publique, lorsqu’un patient n’est plus en état d’exprimer sa volonté, l’arrêt des traitements ne peut être décidé qu’au terme d’une procédure collégiale dont l’objectif est de déterminer si leur poursuite relève de l’obstination déraisonnable.

Le contenu de la procédure collégiale est constitué d’éléments médicaux et non médicaux, «dont le poids respectif ne peut être prédéterminé et dépend des circonstances particulières à chaque patient» [29]. Tandis que les premiers résultent essentiellement des résultats des expertises et des conclusions d’experts, les seconds se rapportent à la volonté du patient. 

La procédure collégiale peut être engagée soit à l’initiative du médecin, soit «à la demande de la personne de confiance, ou, à défaut, de la famille ou de l'un des proches». Ces derniers sont en droit, dans l’ordre hiérarchique prévu par les textes, d’exiger qu’une procédure soit engagée.

Lorsque la décision d’arrêt des traitements concerne une personne hors d’état de manifester sa volonté, l’article R. 4127-37-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9136LDQ) prévoit qu’elle «ne peut être prise qu’à l’issue de la procédure collégiale prévue à l’article L. 1110-5-1 et dans le respect des directives anticipées et, en leur absence, après qu’a été recueilli auprès de la personne de confiance ou, à défaut, auprès de la famille ou de l’un des proches le témoignage de la volonté exprimée par le patient». L’article poursuit que la procédure collégiale «prend la forme d’une concertation avec les membres présents de l’équipe de soins, si elle existe, et de l’avis motivé d’au moins un médecin, appelé en qualité de consultant» et il ajoute que, le cas échéant, «l’avis motivé d’un deuxième consultant est recueilli par ces médecins si l’un d’eux l’estime utile».

En l’absence de directives anticipées et de désignation d’une personne de confiance, la volonté du patient est recherchée dans les témoignages de la famille ou des proches. Il s’agit là de cerner au plus près possible la singularité de la personne et de sa situation, de comprendre l’idée que l'on peut se faire de son état de souffrance et de ce qu’elle aurait souhaité pour elle-même. Or, seule l’épouse de Vincent L. était en mesure de témoigner de la volonté exprimée par son mari. A ce sujet, le conseil d’Etat a relevé que les parents de Vincent L. «n’allèguent pas que leur fils n’aurait pu les tenir ou aurait fait part de souhaits contraires» [30]. Le désaccord familial ne porte pas en l’espèce sur le contenu du témoignage apporté par Rachel L., mais sur la décision elle-même. Dans l’arrêt précité, la Haute juridiction souligne que le médecin doit s’efforcer «de dégager une position consensuelle». Probablement est-ce dans l’impossibilité de ce consensus que se trouve la raison de ce triste feuilleton judicaire.

La décision du médecin

Si la procédure qui mène à la décision d’arrêt de traitement est nécessairement collective, la décision à laquelle elle aboutit est une décision individuelle du médecin. Comme le précise expressément l’article R. 4127-37-2 du Code de la santé publique, «La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient à l'issue de la procédure collégiale».

En théorie tout au moins, la procédure collégiale n’a pour le médecin qu’une valeur consultative. Lors du vote de la loi du 2 février 2015, les divers amendements présentés dans le sens d’une décision collégiale ont été rejetés [31].

Le droit français considère donc que la personne malade est a priori capable de prendre une décision médicale qui la concerne au premier chef. Si le processus de décision partagée avec le médecin est effectif lorsque la personne le souhaite et qu’elle est capable d’exprimer sa volonté [32], lorsqu’elle est hors d’état de le faire et n’a pas écrit de directives anticipées, au-delà de l’obligation d’une procédure collégiale ayant valeur consultative, le médecin seul prend la décision.

Ce choix du législateur ne fait pas l’unanimité. Certains estiment que l’appréciation de l’«obstination déraisonnable» ne peut relever de la seule expertise médicale, qu’elle doit pouvoir résulter d’une décision collective impliquant à la fois les soignants, la famille et les proches. Le CCNE, dans son avis précité, recommande «d’associer pleinement la personne et ses proches à tous les processus de décision concernant sa fin de vie».

Les recours à l’encontre de la décision médicale

Par sa décision du 2 juin 2017, le Conseil constitutionnel a rejeté la demande d’inconstitutionnalité des dispositions de la loi du 2 février 2016 relatives à la procédure d’arrêt des traitements procurés à une personne qui n’est plus en mesure d’exprimer sa volonté et déclaré les textes contestés conformes à la Constitution.

Le Conseil, écartant le grief d’inconstitutionnalité, a cependant émis deux réserves. La première est à l’attention du corps médical, le droit à un recours juridictionnel effectif imposant «que cette décision soit notifiée aux personnes auprès desquelles le médecin s’est enquis de la volonté du patient, dans des conditions leur permettant d’exercer un recours en temps utile». Il semble donc désormais enjoint au médecin de «notifier» sa décision auprès de la personne de confiance, de la famille ou des proches. La seconde réserve s’adresse au juge, plus précisément du juge administratif des référés, le recours contre la décision médicale devant «pouvoir être examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compétente aux fins d’obtenir la suspension éventuelle de la décision contestée» [33].

La douloureuse histoire de Vincent L. quant à l’application de la loi du 2 février 2016 ne doit pas conduire à conclure à la nécessité d’une révision. Car aucune loi ne répondra correctement à l’ensemble des situations de fins de vie médicalisées et, quels que soient les termes des textes légaux et réglementaires, certaines se dérouleront de façon exceptionnelle. Dans le cas de Vincent L., une erreur dans l’application de la procédure légale d’arrêt des traitements, puis la démission ou le désistement de plusieurs des médecins ayant engagé différentes procédures collégiales et l’absence de consensus au sein de la famille expliquent la longueur du parcours judicaire. Mais les prescriptions de la loi qui imposent une procédure collégiale, la possibilité d’un recours de la décision et la prise en compte de la volonté de Vincent L. au travers du témoignage de ses proches, dont son épouse, sont autant de marques de prudence du législateur confronté à l’un des sujets les plus délicats du domaine de la loi.


[1] CE, Ass., 24 juin 2014, n° 375081, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6298MRP) ; CE, référé, 24 juin 2019, n° 428117, mentionné dans les tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7429Y9Z) : «le médecin en charge doit se fonder sur un ensemble d'éléments, médicaux et non médicaux, dont le poids respectif ne peut être prédéterminé et dépend des circonstances particulières à chaque patient, le conduisant à appréhender chaque situation dans sa singularité».   

[2] CE, 24 juin 2014, n° 375081, préc. ; avec les concl. ; AJDA, 2014, p. 1293 ; JCP éd. G, 2014, 825, note F. Vialla ; AJDA, 2014, p. 1669, note D. Truchet ; RFDA, 2014, p. 702, note P. Delvolvé ; D. 2014, p. 1856, note D. Vigneau.

[3] CEDH, 5 juin 2015, Req. 46043/14 (N° Lexbase : A1981NKL) ; JCP éd. G, 2015, 805, note F. Sudre ; nos obs., Le droit français sur la fin de vie à l’épreuve de la CEDH, RJPF, 2015, n° 9, p. 14 et s..

[4] CSP, R. 4127-5 (N° Lexbase : L8699GTD).

[5] Cass. civ. 1, 8 décembre 2016, n° 16-20.298, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3823SPB, cf. l’Encyclopédie «La protection des mineurs et des majeurs vulnérables», La demande de protection judiciaire du majeur vulnérable N° Lexbase : E3482E4Q), D. 2016, p. 2569, note F. Vialla.

[6] TA Châlons-en-Champagne, 9 octobre 2015, n°s 1501768, 1501769 (N° Lexbase : A0639NTT).

[7] CAA Nancy, 16 juillet 2016, n° 15NC02132 (N° Lexbase : A7745RTZ).

[8] CE, 19 juillet 2017, n° 402472, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1691WNX) ; AJ fam., 2017, p. 435, obs. A. Dionisi Peyrusse ; D. 2017, 1605, obs. F. Vialla ; JCP éd. G, 2017, n° 36, note P. Mistretta.

[9] TA de Châlons-en Champagne, 20 avril 2018, n° 1800820 (N° Lexbase : A6451YUH).

[10] Loi n° 2016-87 du 2 février 2016, créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (N° Lexbase : L4191KYU). 

[11] CE, référé, 24 avril 2019, n° 428117, mentionné dans les tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7429Y9Z) ; AJDA, 2019, 906 ; J. René Binet, Droit de la famille, juin 2019, comm. 138 ; AJ fam., 2019, 233, obs. A. Dionisi-Peyrusse.

[12] CA Paris, Pôle 1, 3ème ch., 20 mai 2019, n° 19/08858 (N° Lexbase : A9710ZBA), D. 2019. Actu. 1109.

[13] Ass. plén., 28 juin 2019, n° 19-17.330, P+B+R+I (N° Lexbase : A6998ZGB).

[14] Décret n° 2010-356 du 1er avril 2010, portant publication de la convention relative aux droits des personnes handicapées (ensemble un protocole facultatif) (N° Lexbase : L9023IGB), signée à New York le 30 mars 2007.

[15] Cour de cassation, note explicative relative à l’arrêt n° 19-17330 ; 19-17342 du 28 juin 2019.

[16] T. confl., 17 juin 2013, n° 3911 (N° Lexbase : A2154KHA), AJDA, 2013, p. 1245 ; D. 2014, 1844, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin ; RFDA, 2013, p. 1041, note P. Delvolvé.

[17] D. Soulez Larivière, L’affaire Lambert, la politique et la justice, D. act., 1er juillet 2019 ; M. Rioualen, Affaire Lambert : une bien surprenante voie de fait, D. act., 4 juin 2019.

[18] B. Devalois, M. Broucke, Au-delà de «laisser mourir de faim ou de soif» : réflexions éthiques autour des questions de nutrition et d’hydratation artificielles en fin de vie, in Fin de vie, éthique et société, sous la dir. d’E. Hirsch, Erès 2016, p. 795 et s. ; Les observations du CCNE à l’attention du Conseil d’Etat, 5 mai 2014, p. 9 et s..

[19] D. Thouvenin, L’arrêt de traitement mettant fin à la vie d’un patient hors d’état de s’exprimer : qui prend la décision ?, RDSS, n° 3, 2014, mai-juin 2014, 506-516.

[20] V. Mourman, De l’obstination déraisonnable, in Fin de vie, éthique et société, préc., p. 789 et s..

[21] CCNE, Avis préc., p. 12.

[22] CE, 24 juin 2014, n° 375081, préc.. 

[23] CE, 24 avril 2019, n° 428117, préc..

[24] CE Ass., 14 février 2014, n° 375081, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5009MEA) ; CE référé, 24 avril 2019, n° 428117, mentionné dans les tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7429Y9Z).

[25] Cons. const., décision n° 2017-632 QPC, du 2 juin 2017 (N° Lexbase : A2992WGW), 11. ; AJDA, 2017, 1143 ; ibid. 1908, note X. Bioy ; D., 2017, 1194, obs. F. Vialla ; ibid., 1307, point de vue A. Batteur ; ibid., 2018, 765, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ fam., 2017, 379, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RDSS, 2017, 1035, note D. Thouvenin ; Cette Revue, 2017, 342.

[26] Notre comm., L’anticipation de la volonté par les directives anticipées, in Fin de vie, éthique et société, préc., p. 720 et s. ; La fin de vie anticipée, Droit et Cultures, 75, 2018/1, p. 113 et s..

[27] CE, 24 juin 2014, préc.. 

[28] CE, 24 juin 2014, préc..

[29] CE, 24 juin 2014, préc..

[30] CE, 24 juin 2014, préc..

[31] Cons. const, décision n° 2017-632 QPC, du 2 juin 2017, préc., notes 28, 29 et 31.

[32] CSP, art. L. 1111-4 : «Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé […]. Le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité […]. Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment».

[33] Cons. const., décision n° 2017-632 QPC, du 2 juin 2017 ; A. Batteur, Avis de mort imminente d’un proche par lettre recommandée…, D., 2017, point de vue n° 23; Dict. perm. Santé, bioéthique, biotechnologies, Bull. n° 283, juillet 2017, p. 3, D. vigneau.

newsid:469699

Éducation

[Brèves] Service de restauration dans les collèges : compétence du département revêtant un caractère facultatif

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 24 juin 2019, n° 409659, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3717ZGR)

Lecture: 2 min

N9650BXP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/52251764-edition-n-789-du-04-07-2019#article-469650
Copier

par Yann Le Foll

Le 03 Juillet 2019

Le service de restauration dans les collèges, s’il relève dorénavant de la compétence des départements, continue à revêtir un caractère facultatif. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 24 juin 2019 (CE 3° et 8° ch.-r., 24 juin 2019, n° 409659, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3717ZGR).

 

Avant l'intervention de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales (N° Lexbase : L0835GT4), le service de restauration dans les collèges constituait une compétence de l'Etat et revêtait un caractère facultatif.

 

Il résulte de l'article L. 213-6 du Code de l'éducation (N° Lexbase : L9312ARC) et des articles L. 213-2 (N° Lexbase : L3275IXL) et L. 421-23 (N° Lexbase : L6813I7H), dans leur rédaction issue de la loi du 13 août 2004, que le législateur a entendu transférer de l'Etat au département, dans la mesure où l'Etat l'assurait, la charge du service de restauration dans les collèges, et organiser les modalités, le cas échéant, de cette prise en charge, qui a été assortie du transfert des moyens et, en vertu de l'article L. 213-2-1 du Code de l'éducation (N° Lexbase : L8081GTH), tel que modifié par la loi du 13 août 2004, de la gestion des agents concernés.

 

En revanche, il ne résulte pas de la loi, éclairée par les travaux parlementaires ayant conduit à l'adoption de l'article 82 de la loi du 13 août 2004, que le législateur ait entendu, à cette occasion, transformer ce service public administratif, jusqu'alors facultatif, en service public administratif obligatoire.

 

Il s'ensuit qu'en jugeant qu'il résultait des dispositions précitées qu'à compter du 1er janvier 2005, les départements avaient la charge légale de la restauration dans les collèges et étaient tenus d'assurer l'accueil et la restauration des élèves, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit.

newsid:469650

Fiscalité des particuliers

[Brèves] La majoration de 25 % de l'assiette de l'impôt sur le revenu applicable à des revenus de capitaux mobiliers particuliers conforme à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2019-793 QPC, du 28 juin 2019 (N° Lexbase : A7056ZGG)

Lecture: 3 min

N9661BX4

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/52251764-edition-n-789-du-04-07-2019#article-469661
Copier

par Marie-Claire Sgarra

Le 03 Juillet 2019

►Le coefficient de 1,25 appliqué aux revenus distribués est conforme à la Constitution.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision du 28 juin 2019 (Cons. const., décision n° 2019-793 QPC, du 28 juin 2019 N° Lexbase : A7056ZGG).

 

Pour rappel, le Conseil d’Etat avait dans un arrêt en date du 16 avril 2019 (CE 3° et 8° ch.-r., 16 avril 2019, n° 428401, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3556Y9L) renvoyé les dispositions de l’article 158, 7 du Code général des impôts (N° Lexbase : L2605HL3) devant le Conseil constitutionnel.

 

Ces dispositions prévoient que pour le calcul de l’impôt selon les modalités de l’article 197 du Code général des impôts (N° Lexbase : L6621LQB), les avantages occultes mentionnés à l'article 111 du même Code (N° Lexbase : L2066HL4) (rémunérations et avantages occultes considérés comme des revenus distribués), les revenus distribués mentionnés à l'article 109 (N° Lexbase : L2060HLU), résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice et les revenus de l'article 123 bis (N° Lexbase : L8449LHE) (détention par une personne physique de parts ou actions dans une société implantée dans un pays à régime fiscal privilégié), qui sont imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers doivent d’être majorés de 25 %.

 

Le requérant soutenait que ce dispositif est susceptible, compte tenu du cumul de l’impôt sur le revenu, de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des autres prélèvements assis sur les mêmes revenus, de faire peser sur lui une imposition revêtant un caractère confiscatoire, portant ainsi atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques.

 

Cet argument n’a pas convaincu le Conseil constitutionnel qui juge qu’«en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu soumettre à une imposition plus forte certains revenus de capitaux mobiliers distribués dans des conditions irrégulières ou occultes, afin de dissuader de telles opérations. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. En opérant une distinction selon que les revenus sont distribués à la suite d'une décision régulière des organes compétents de la société ou que les revenus distribués résultent de décisions occultes ou irrégulières et en soumettant seulement ces derniers à la majoration d'assiette contestée, le législateur a retenu des critères objectifs et rationnels au regard du but poursuivi». Par ailleurs, le taux marginal d’imposition auquel sont soumis les revenus en cause, qui ne s'applique qu'à de hauts niveaux de revenus imposables, porte sur des revenus de capitaux mobiliers dissimulés, non spontanément déclarés par le contribuable. Il ne résulte pas de ce taux une charge excessive au regard des facultés contributives des contribuables (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X4254AL7).

 

 

newsid:469661

Fiscalité du patrimoine

[Brèves] Pacte "Dutreil" : précisions sur les modalités déclaratives

Réf. : Décret n° 2019-653 du 27 juin 2019, relatif aux obligations déclaratives en matière de transmission d'entreprises bénéficiant des exonérations partielles des droits de mutation à titre gratuit prévues aux articles 787 B et 787 C du code général des impôts (N° Lexbase : L6765LQM)

Lecture: 2 min

N9693BXB

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/52251764-edition-n-789-du-04-07-2019#article-469693
Copier

par Marie-Claire Sgarra

Le 03 Juillet 2019

► Le décret n° 2019-653 du 27 juin 2019 (N° Lexbase : L6765LQM), publié au Journal officiel du 28 juin 2019, précise les modalités déclaratives qui incombent aux redevables et aux sociétés en vue de satisfaire aux obligations déclaratives prévues pour l'application de l'exonération partielle de DMTG «Dutreil». Pour rappel, l'obligation faite aux redevables d'envoyer automatiquement une attestation certifiant du respect des conditions d'application du dispositif, laquelle leur est fournie par la société dont les titres sont soumis à un engagement de conservation, n'est maintenue que lors de la transmission à titre gratuit et à l'expiration des engagements de conservation.

 

En dehors de ces circonstances, les bénéficiaires de la transmission à titre gratuit ne doivent plus désormais présenter une telle attestation que sur demande de l'administration.

En cas d'interposition de sociétés, chaque société composant la chaîne de participations doit également transmettre, dans les cas mentionnés ci-dessus, une attestation certifiant du respect, à son niveau, de l'obligation de conservation des titres soumis à engagement de conservation.

Afin de permettre aux bénéficiaires de remplir leurs obligations déclaratives, le décret précise la teneur des informations que les sociétés sont tenues de communiquer aux bénéficiaires de la transmission en application du e de l'article 787 B du Code général des impôts (N° Lexbase : L5936LQW).

Enfin, pour maintenir la cohérence de ce dispositif avec celui, complémentaire, prévu à l'article 787 C du Code général des impôts (N° Lexbase : L8958IQT) et relatif aux transmissions d'entreprises individuelles, le décret modifie en conséquence les obligations déclaratives prévues pour l'application de cet article.

 

Le texte est entré en vigueur le 29 juin 2019.

newsid:469693

Marchés publics

[Brèves] Exclusion d'un opérateur d'un marché en cours de passation par l'acheteur : possibilité de prendre en compte le comportement antérieur de l'opérateur

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 24 juin 2019, n° 428866, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3721ZGW)

Lecture: 2 min

N9640BXC

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/52251764-edition-n-789-du-04-07-2019#article-469640
Copier

par Yann Le Foll

Le 03 Juillet 2019

La mise en œuvre de la cause d'exclusion facultative d’une société candidatant à un marché public n’est pas réservée au seul cas des agissements commis dans le cadre de la procédure de passation en cours. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 24 juin 2019 (CE 2° et 7° ch.-r., 24 juin 2019, n° 428866, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3721ZGW).

 

 

Les 2° et 5° du I de l'article 48 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, relative aux marchés publics (N° Lexbase : L9077KBS), permettent aux acheteurs d'exclure de la procédure de passation d'un marché public une personne qui peut être regardée, au vu d'éléments précis et circonstanciés, comme ayant, dans le cadre de la procédure de passation en cause ou dans le cadre d'autres procédures récentes de la commande publique, entrepris d'influencer la prise de décision de l'acheteur et qui n'a pas établi, en réponse à la demande que l'acheteur lui a adressée à cette fin, que son professionnalisme et sa fiabilité ne peuvent plus être mis en cause et que sa participation à la procédure n'est pas de nature à porter atteinte à l'égalité de traitement entre les candidats.

 

Pour annuler la décision excluant la société X de la procédure de passation du marché en cause, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a relevé que les dispositions du 2° du I de l'article 48 de l'ordonnance du 23 juillet 2015, visant les personnes ayant cherché à influer sur le processus décisionnel de l'acheteur lors de la procédure de passation du marché public ne sauraient s'appliquer à des agissements constatés à l'occasion de précédentes procédures de passation et que, par suite, le département des Bouches-du-Rhône ne pouvait exclure la société sur le fondement de ces dispositions en invoquant des faits survenus à l'occasion de la passation d'autres marchés publics que celui en cours.

 

Le Conseil d’Etat, énonçant le principe précité, annule l’ordonnance attaquée (cf. l'Encyclopédie "Marchés publics" N° Lexbase : E7123E9P).

newsid:469640

Négociation collective

[Brèves] Conséquences de l’abrogation de la disposition légale créant une prime sur l’accord collectif instituant cette prime

Réf. : Cass. soc., 26 juin 2019, n° 17-28.287, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5732ZGE)

Lecture: 2 min

N9652BXR

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/52251764-edition-n-789-du-04-07-2019#article-469652
Copier

par Charlotte Moronval

Le 03 Juillet 2019

► L’abrogation d’un dispositif législatif prévoyant en faveur des salariés de certaines entreprises une prime obligatoire de participation, assortie de dispositifs d’exonération de charges, ne rend pas caduc de plein droit un accord collectif instaurant cette prime dans l’entreprise.

 

Telle est la solution retenue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 26 juin 2019 (Cass. soc., 26 juin 2019, n° 17-28.287, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5732ZGE).

 

Une société signe avec les organisations syndicales de l’entreprise un accord collectif fixant les conditions de mise en place de la «prime de partage de profits» instituée par l’article 1er de la loi de finances n° 2011-894 du 28 juillet 2011 (N° Lexbase : L8284IQU). A la suite de l’abrogation de cet article par la loi de finances du 22 décembre 2014 (N° Lexbase : L1120I7M), l’employeur cesse de verser la prime de partage de profits, estimant que l’accord était devenu caduc de droit. Sept salariés de l’entreprise saisissent alors la juridiction prud’homale pour obtenir paiement de la prime au titre des années 2014 et 2015.

 

Enonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation estime que le conseil de prud’hommes, qui a constaté que l’accord d’entreprise était à durée indéterminée, qu’il spécifiait les conditions d’attribution de la prime de partage de profits, sans la conditionner au maintien de la législation en vigueur ou à l’octroi d’exonérations particulières et qu’il précisait les conditions de sa dénonciation, a dit à bon droit que l’accord demeurait applicable (sur le même thème, voir également Cass. soc., 17 juin 2003, n° 01-15.710, publié N° Lexbase : A8770C8C et Cass. soc., 28 janvier 2015, n° 14-14.935, F-D N° Lexbase : A7111NAM).

newsid:469652

Procédure administrative

[Conclusions] De la présentation de la requête par voie électronique contenant un nombre important de pièces jointes constituant une série homogène - Conclusions du rapporteur public

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 14 juin 2019, n° 420861, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6066ZEE)

Lecture: 8 min

N9672BXI

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/52251764-edition-n-789-du-04-07-2019#article-469672
Copier

par Mireille Le Corre, Rapporteur public au Conseil d'Etat

Le 03 Juillet 2019

Dans un arrêt rendu le 14 juin 2019, la Haute juridiction a estimé que, dans le cadre de la présentation de la requête par voie électronique, dès lors que le requérant souhaite transmettre un nombre important de pièces jointes constituant une série homogène, il peut faire parvenir celles-ci en les regroupant dans un ou plusieurs fichiers sans les répertorier individuellement par un signet, à la condition d'énumérer tous ces fichiers et pièces dans l'inventaire détaillé qui accompagne la requête et de les regrouper en respectant l'ordre indiqué par cet inventaire. Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de découvrir les conclusions de Mireille Le Corre, rapporteure publique sur cette affaire.

1. Le pourvoi présenté par la requérante, relatif à l’arrêté préfectoral lui refusant un titre de séjour, pose une question de procédure contentieuse et c’est pourquoi nous ne nous attarderons pas sur les faits de l’espèce.

Par une ordonnance du 12 février 2018, le président de la deuxième chambre de la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté la requête de Mme X. Il a jugé que sa requête était manifestement irrecevable en estimant qu’elle ne respectait pas les exigences posées par l’article R. 414-3 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L2806LPM).

2. Cet article a fait l’objet de modifications à plusieurs reprises mais les dispositions qui nous intéressent n’ont pas évolué depuis le décret n° 2016-1481 du 2 novembre 2016, relatif à l’utilisation des téléprocédures (N° Lexbase : L9754LAI).

Cet article a été modifié pour renforcer, en l’assortissant d’une sanction, l’obligation d’indexation des pièces jointes qui était auparavant prévue à l’article 9 [1] de l’arrêté technique du 12 mars 2003 [2].

Les deuxième et troisième alinéas de l’article R. 414-3 prévoient désormais que «les pièces jointes sont présentées conformément à l'inventaire qui en est dressé. / Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête».

Ainsi, le non-respect de l’obligation d’indexation des pièces jointes est sanctionnée, après invitation à régulariser, par l’irrecevabilité de la requête ou par la mise à l’écart des débats des autres mémoires du requérant.

3. A deux reprises, vous avez précisé le mode d’emploi de cette procédure.

D’abord, par votre décision de Section «M. Sergent» (CE, 5 octobre 2018, n° 418233 N° Lexbase : A5187YET, au Recueil), vous avez rappelé que ces dispositions définissaient «un instrument et les conditions de son utilisation qui concourent à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice». Vous avez précisé qu’elles avaient pour finalité de «permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments de la procédure, selon des modalités communes aux parties, aux auxiliaires de justice et aux juridictions».

Vous avez ensuite opportunément tenu compte du cas dans lequel la requête est accompagnée de très nombreuses pièces jointes. Par votre récente décision «SARL Attractive Fragrances et Cosmetics» du 6 février 2019 (CE, n° 415582 N° Lexbase : A6204YWP, aux Tables sur ce point), vous avez retenu que ces dispositions ne font pas obstacle, lorsque l’auteur de la requête entend transmettre un nombre important de pièces jointes constituant une série homogène, telles que des factures, à ce qu’il les fasse parvenir à la juridiction en les regroupant dans un ou plusieurs fichiers sans répertorier individuellement chacune d’elles par un signet, à la condition que le référencement de ces fichiers ainsi que la numération, au sein de chacun d’eux, des pièces qu’ils regroupent soient conformes à l’inventaire. Disons d’emblée que ce n’est pas tant la numération que la numérotation que votre décision a entendu évoquer. Cela n’est pas neutre : ce n’est pas le dénombrement qui est visé mais bien le fait d’attribuer un numéro.

La notion de «série homogène» en cas de pièces nombreuses est un apport substantiel de cette décision. Elle n’a pas été «cadenacée» dans une définition précise. Dans ses conclusions, Karin Ciavaldini soulignait que trois conditions pouvaient être fixées pour permettre cette lecture souple du texte, tenant au nombre important de pièces, à leur caractère «de même nature» et à la constitution d’un «groupe homogène». Mais elle estimait qu’il n’était pas souhaitable de définir plus précisément la notion de groupe homogène, au-delà de l’idée que les pièces regroupées doivent présenter «un lien logique entre elles».

La décision et son fichage ont retenu la notion de « série homogène » sans plus de précision et cela nous semble pertinent pour une question qui suppose une appréciation assez pratique, au cas par cas, se prêtant peu à la conceptualisation.

3. La possibilité vous est donnée aujourd’hui d’en donner un éclairage et de passer du mode d’emploi à la boîte à outils, encore plus concrète, en disant comment apprécier cette notion de série homogène en matière de droit des étrangers. Vous le savez, cette matière représente une part très importante du contentieux devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel.

Comment appliquer cette procédure s’agissant de documents visant à établir la preuve du séjour ? Le cas d’espèce nous fournit un bel exemple. La requête a été jugée irrecevable par l’ordonnance attaquée parce qu’elle comportait un fichier comprenant vingt-deux signets et que certains signets renvoyaient à plusieurs pièces.

Le président de chambre n’a pas recherché si, compte tenu du nombre important de pièces (en l’occurrence plus de 220), la présentation qui lui était soumise se fondait sur des séries homogènes permettant de tels regroupements. En cela, il a commis une erreur de droit au regard de votre jurisprudence précitée.

Cette erreur nous semble d’autant plus fondée que la présentation commune de plusieurs pièces sous un signet relatif à chacune des années de séjour pouvait, à notre sens, être considérée comme une série homogène. La présentation comprenait des pièces de contenu divers mais tournées vers la même finalité, à savoir faire la preuve de la présence du séjour, avec une présentation rationnelle, année par année.

Nous nous sommes interrogée sur l’éventuel règlement au fond de cette affaire et il nous conduit, du fait de l’examen de ce cas pratique, à vous proposer de donner sa pleine portée à votre jurisprudence «Attractive Fragrances».

En l’espèce, l’inventaire global figurant en fin de mémoire portait sur les fichiers, chacun étant numéroté. Le détail interne du contenu de chaque fichier était quant à lui donné, non dans l’inventaire, mais au sein des écritures. Toutefois, la présentation en était faite par des listes claires et précises. Il y avait bien ainsi, au total, une énumération des pièces et non des seuls fichiers.

Il nous semblerait excessif de retenir que la requête était irrecevable au motif que ne figurait pas un numéro devant l’intitulé de chaque pièce alors qu’il était possible et facile de se repérer dans les pièces jointes comme nous l’avons vérifié et alors que la présentation était bien rationnelle.

Retenir l’irrecevabilité dans ce cas d’espèce, pour ce motif, nous semblerait trop formaliste, alors que l’objectif initial rappelé par votre décision de Section «Sergent» est que cette procédure contribue à la qualité du service public de la justice et à sa bonne administration.

Nous pensons que pour conférer toute son utilité à votre décision «Attractive Fragrance», il conviendrait d’accepter qu’en cas de nombre important de pièces regroupées par séries homogènes, la numérotation exigée porte sur chaque série et non sur chaque pièce, dès lors que les pièces font tout de même l’objet d’une énumération.

Dit plus directement, si vous acceptez une présentation par série telle que «preuve de séjour de l’année 2018» pour ensuite exiger un inventaire comprenant une numérotation de chaque pièce au sein de cette série, le gain procuré par votre décision «Attractive Fragrances» nous semble, à vrai dire, assez faible. Nous vous proposons donc de juger que dans le cas de présentation des pièces par série homogène, l’exigence de numérotation s’applique aux fichiers et non aux pièces, dès lors que celles-ci sont énumérées.

La requête était donc, si vous nous suivez, recevable en l’espèce. Vous pourrez donc casser l’arrêt et renvoyer l’affaire à la cour pour qu’elle examine désormais au fond la question du droit au séjour de la requérante.

Par ces motifs, nous concluons :

- à l’annulation de l’ordonnance attaquée ;

- au renvoi de l’affaire devant la cour administrative d’appel de Marseille ;

- et à ce que l’Etat verse à la SCP Y, avocat de Mme X, la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3227AL4) et de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique (N° Lexbase : L8607BBE).

 

[1] «Lorsqu'une partie ou son mandataire transmet par l'application Télérecours un fichier au format PDF comportant plusieurs pièces, chacune d'entre elles est répertoriée par un signet conformément à l'inventaire qui en est dressé».

[2] Relatif aux caractéristiques techniques de l’application permettant la communication électronique devant le Conseil d’Etat, les cours administratives d’appel et les tribunaux administratifs.

newsid:469672

Procédure civile

[Brèves] De la recevabilité du second pourvoi après déchéance du premier

Réf. : Cass. civ. 2, 27 juin 2019, n° 17-28.111, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7030ZGH)

Lecture: 2 min

N9654BXT

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/52251764-edition-n-789-du-04-07-2019#article-469654
Copier

par Aziber Seïd Algadi

Le 25 Juillet 2019

► Le pourvoi est recevable dès lors que l’ordonnance qui constate la déchéance du premier pourvoi est postérieure à la déclaration du second pourvoi.

 

Telle est l’importante précision faite par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 27 juin 2019 (Cass. civ. 2, 27 juin 2019, n° 17-28.111, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7030ZGH ; il convient de rappeler que la Chambre mixte de la Cour de cassation avait jugé que, si le pourvoi en cassation est déclaré irrecevable, la partie qui l'a formé n'est plus recevable à en former un nouveau contre le même jugement, hors le cas prévu à l'article 618 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6776H74, relatif à la contrariété de jugements ; cf. Cass. mixte, 7 juillet 2017, n° 15-25.651, P+B+R+I N° Lexbase : A8305WL8).

 

Dans cette affaire, deux propriétaires d’une maison d’habitation, ont assigné une société, propriétaire d’une parcelle limitrophe, en réparation de désordres consécutifs à la construction d’un parking sur celle-ci qu’ils imputaient à cette société. Cette dernière a soutenu que le pourvoi déclaré le 22 novembre 2017 serait irrecevable en application de l’article 621 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6780H7A) et de la règle «pourvoi sur pourvoi ne vaut», les deux propriétaires ayant déjà formé un premier pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel le 21 août 2017 dont la déchéance a été constatée par une ordonnance du premier président de la Cour de cassation du 29 mars 2018.

 

A tort. Sous l’énoncé du principe susvisé, la Cour de cassation admet le nouveau pourvoi (cf. l’Ouvrage «Procédure civile», L'irrecevabilité et la déchéance du pourvoi N° Lexbase : E1486EUL).

newsid:469654

Rel. collectives de travail

[Brèves] De la consultation des institutions représentatives du personnel en cas de modification du règlement intérieur

Réf. : Cass. soc., 26 juin 2019, n° 18-11.230, FS-P+B (N° Lexbase : A3184ZHE)

Lecture: 2 min

N9706BXR

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/52251764-edition-n-789-du-04-07-2019#article-469706
Copier

par Blanche Chaumet

Le 04 Juillet 2019

► Ne peuvent caractériser un trouble manifestement illicite les modifications apportées en 1985 au règlement intérieur initial qui avait été soumis à la consultation des institutions représentatives du personnel, lesquelles résultaient uniquement des injonctions de l’inspection du travail auxquelles l’employeur ne pouvait que se conformer sans qu’il y ait lieu à nouvelle consultation.

 

Telle est la règle dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 26 juin 2019 (Cass. soc., 26 juin 2019, n° 18-11.230, FS-P+B N° Lexbase : A3184ZHE).

 

Dans cette affaire, le règlement intérieur d’une société du 5 septembre 1983 a fait l’objet de modifications en 1985 à la demande de l’inspection du travail. Le syndicat CGT des personnels de la société des directions régionales de l’Ile-de-France, de la direction régionale Grand Ouest et des filiales RCS, soutenant que ce règlement intérieur ne pouvait être opposé aux salariés à défaut d’indication de sa date d’entrée en vigueur et faute pour l’employeur d’avoir procédé à une nouvelle consultation des institutions représentatives du personnel ainsi qu’aux mesures de dépôt et publicité, a, le 19 janvier 2017, saisi en référé le Président du tribunal de grande instance aux fins de constater l’inopposabilité du règlement intérieur aux salariés de l’entreprise, l’irrégularité des procédures disciplinaires mises en oeuvre et de faire interdiction à la société de mettre en œuvre des procédures disciplinaires fondées sur ce règlement intérieur.

 

La cour d’appel, statuant en référé, ayant dit n’y avoir lieu à référé sur l’ensemble des demandes du syndicat et l’ayant débouté de toutes ses demandes, ce dernier s’est pourvu en cassation.

 

En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi (sur La consultation des institutions représentatives du personnel, cf. l’Encyclopédie «Droit du travail» N° Lexbase : E2655ETI).

newsid:469706

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.