La lettre juridique n°766 du 20 décembre 2018

La lettre juridique - Édition n°766

Affaires

[Brèves] Secret des affaires : publication des mesures réglementaires

Réf. : Décret n° 2018-1126 du 11 décembre 2018, relatif à la protection du secret des affaires (N° Lexbase : L3279LNR)

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par Vincent Téchené

Le 19 Décembre 2018

A la suite de la promulgation de la loi sur le secret des affaires, un décret, publié au Journal officiel du 13 décembre 2018, introduit au sein du Code de commerce un nouveau titre consacré à la protection du secret des affaires (décret n° 2018-1126 du 11 décembre 2018, relatif à la protection du secret des affaires N° Lexbase : L3279LNR).

 

D'une part sont prévues des dispositions précisant le contenu et le régime juridique des mesures provisoires et conservatoires que le juge peut prononcer sur requête ou en référé aux fins de prévenir ou faire cesser une atteinte à un secret des affaires. D'autre part sont précisées les règles de procédure applicables lorsque le juge statue sur une demande de protection du secret des affaires à l'occasion de la communication ou de la production d'une pièce et lorsqu'il décide, aux mêmes fins de protection de ce secret, d'adapter la motivation de sa décision ou les modalités de sa publication.

 

Enfin, le décret procède aux coordinations nécessaires afin de supprimer les dispositions sectorielles permettant de protéger la confidentialité de certaines informations au cours des procédures civiles et commerciales et d'unifier la terminologie employée dans divers codes.

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Assurances

[Chronique] Chronique de droit des assurances - Décembre 2018

Réf. : Cass. civ. 2, 25 octobre 2018, n° 16-23.103, F-P+B (N° Lexbase : A5373YIT) ; Cass. civ. 3, 8 novembre 2018, 2 arrêts, n° 17-24.488 (N° Lexbase : A6366YKY) et n° 17-13.833 (N° Lexbase : A6797YKX), FS-P+B+I ; Cass. civ. 2, 14 novembre 2018, n° 16-23.730, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1461YLP)

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par Didier Krajeski, Professeur à l'Université de Toulouse

Le 19 Décembre 2018

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique mensuelle de droit des assurances de Didier Krajeski, Professeur à l'Université de Toulouse. Quatre arrêts sont à l’honneur ce mois-ci : le premier, en date du 25 octobre 2018, vient, selon l’auteur, «faire avancer significativement la conception rénovée de la faute dolosive» (Cass. civ. 2, 25 octobre 2018, n° 16-23.103, F-P+B) ; l’auteur a ensuite relevé deux arrêts, rendus respectivement par la troisième et la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, en ce qu’ils sont l’occasion de quelques rappels relatifs à la déclaration des activités dans les contrats d’assurance de responsabilité, dans les domaines de l’assurance construction d’une part, et des activités de transaction immobilière d’autre part (Cass. civ. 3, 8 novembre 2018, n° 17-24.488, FS-P+B+I ; Cass. civ. 2, 14 novembre 2018, n° 16-23.730, FS-P+B+I) ; le quatrième et dernier arrêt procède à un rappel utile dans le domaine de l’assurance construction, en décidant que les juges doivent prendre en compte la nature des désordres et non le fondement juridique de la responsabilité de l’assuré pour déterminer si l’assureur doit sa garantie (Cass. civ. 3, 8 novembre 2018, n° 17-13.833, FS-P+B+I).

 

I - Etendue du droit à garantie  

 

  • La cour d'appel, qui, dans l'exercice de son pouvoir souverain, a retenu que la persistance de l’assuré dans sa décision de ne pas entretenir la couverture de son immeuble manifestait son choix délibéré d'attendre l'effondrement de celle-ci, a pu en déduire qu'un tel choix, qui avait pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque, constituait une faute dolosive excluant la garantie de l'assureur et a légalement justifié sa décision (Cass. civ. 2, 25 octobre 2018, n° 16-23.103, F-P+B N° Lexbase : A5373YIT)

Décidément, les espaces ruraux sont propices au développement de la jurisprudence sur la faute dolosive ! Après le franchissement de rivière [1], la deuxième chambre civile de la Cour de cassation trouve, dans une toiture de grange effondrée, l’occasion de faire avancer significativement la conception rénovée de la faute dolosive. On sait que, depuis quelques années, elle reconnaît l’existence, aux côtés de la faute intentionnelle toujours conçue strictement, d’une faute dolosive, elle aussi exclusive de garantie, qui se caractériserait différemment. Il s’agit évidemment de compenser les effets absurdes de la conception la plus étroite de la faute intentionnelle, mais il n’est pas question non plus de consacrer des caractères trop souples au risque de favoriser une stratégie de contournement. Les arrêts les plus récents exigent deux caractères : un comportement et un effet de ce comportement sur l’aléa. Le comportement, c’est un manquement délibéré de l’assuré à ses obligations, et non une simple négligence [2] ou une conscience de faire courir un risque [3]. En l’espèce, on retrouve ce niveau d’exigence dans l’idée que l’inertie de l’assuré, ayant conduit à l’effondrement de la toiture d’une grange, procède d’un choix délibéré. Comment peut-on en être certain ? L’état de la grange, ou d’une partie de la grange puisque la propriété en est partagée, était préoccupant au point de justifier l’ouverture d’une procédure de péril. Une expertise avait été diligentée, des lettres de mise en garde avaient été adressées à l’assuré. Il est aisé d’en déduire que son abstention relève d’un choix délibéré. Ce caractère délibéré est, dans le mécanisme d’exclusion, fondamental. Il y a exclusion parce qu’il y a incompatibilité entre ce qui relève de l’essence du mécanisme de l’assurance et l’existence d’une volonté de l’assuré, qui s’exprime par un comportement donné (action ou abstention). L’assuré doit avoir parfaitement conscience du comportement qu’il adopte et de l’effet de ce comportement sur l’élément fondamental de l’opération : l’aléa. On exige que ce manquement procède d’un manquement à une obligation parce que l’on se trouve dans le registre de la faute [4].

L’effet du comportement de l’assuré sur l’aléa restait justement une des inconnues. Certains arrêts se bornaient à exiger que l’aléa soit simplement faussé quand d’autres recherchaient une disparition de l’aléa. Par son arrêt, la Cour de cassation tranche clairement en faveur de la deuxième hypothèse. La faute dolosive est un comportement de l’assuré révélant un choix délibéré de sa part dont il n’ignore pas qu’il rend inéluctable le sinistre. En l’occurrence, le toit de la grange finira par s’effondrer. L’assuré ne se contente pas de contribuer au risque d’effondrement, il le rend inévitable. A un moment donné, le choix qu’il fait en toute conscience rend le dommage inéluctable. Plusieurs raisons viennent justifier ce niveau d’exigence. D’abord, ne pas retenir une conception trop large de la faute dolosive. On rappellera qu’il est loisible à l’assureur, par le procédé des exclusions conventionnelles, de sanctionner d’autres comportements mais avec un haut niveau de contraintes pour lui du point de vue des stipulations. Ensuite, éviter des discussions sans fin sur le niveau à partir duquel on estime que l’aléa est faussé si c’est l’exigence que l’on retient. Surtout, et enfin, parce que c’est, encore une fois, ce qui justifie la réaction par l’exclusion : par son comportement volontaire l’assuré a supprimé l’aléa alors qu’il est essentiel à la prise en charge de cet événement et de ses conséquences par le biais de cette technique d’assurance.

Faute intentionnelle et faute dolosive ont ceci de commun qu’elles ont pour objet de lutter contre la disparition de l’aléa du fait de l’assuré. Dans un cas, parce qu’il a voulu, par son comportement, le dommage tel qu’il s’est réalisé, dans l’autre, parce qu’il sait que son comportement emporte la survenance de ce dommage [5]. Enrichi de la faute dolosive, on admettra que l’article L. 113-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L0060AAH) soit la source exclusive de la sanction de la disparition de l’aléa en cours du contrat du fait de l’assuré. La jurisprudence rejette dès lors sagement les tentatives pour aller sur le terrain du droit commun [6].

Dans cet arrêt important, la deuxième chambre civile établit la répartition des tâches entre elle et les juges du fond. Ces derniers ont un pouvoir souverain pour déterminer si le comportement de l’assuré traduit ce choix délibéré de rendre le dommage inéluctable. On se doute qu’elle contrôlera qu’ils caractérisent les éléments nécessaires pour retenir une faute dolosive.

 

  • L’assureur ne doit pas sa garantie dans la mesure où l’assuré a déclaré une activité d’étanchéité par un procédé donné alors qu’il en pratiquait un autre (1ère espèce). La police d'assurance garantissait l'assurée pour l'activité «transactions immobilières», de sorte que le conseil en investissement et défiscalisation, qui en constituait l'accessoire, était couvert par la police (2nde espèce) (Cass. civ. 3, 8 novembre 2018, n° 17-24.488, FS-P+B+I N° Lexbase : A6366YKY ; Cass. civ. 2, 14 novembre 2018, n° 16-23.730, FS-P+B+I N° Lexbase : A1461YLP)

 

Ces deux arrêts publiés au bulletin sont l’occasion de quelques rappels relatifs à la déclaration des activités dans les contrats d’assurance de responsabilité. Ces rappels paraissent nécessaires comme en témoigne la publication au Bulletin des deux décisions. Bien qu’elles concernent deux assurances obligatoires (l’une concernant la responsabilité décennale, l’autre l’activité de transaction immobilière), les solutions s’appliquent cependant indistinctement aux assurances facultatives et obligatoires. De leur articulation résulte la réaffirmation d’un principe et d’une atténuation. Le principe est que l’assurance de responsabilité ne couvre que les activités déclarées par l’assuré [7]. Le premier arrêt, rendu en matière d’assurance construction le rappelle et son application aboutit concrètement à considérer que l’assurance souscrite pour une activité d’étanchéité, selon un procédé, ne vaut pas pour un autre procédé. Le professionnel se trouve donc dépourvu de garantie s’il n’a pas pris la précaution de faire modifier son contrat alors qu’il change ou ajoute une activité. N’étant pas spécialiste de la question de l’étanchéité, on se gardera bien de tout jugement sur la sévérité de la décision.

Cette position jurisprudentielle connaît une atténuation. On peut admettre qu’une activité non déclarée soit couverte si elle constitue une composante de l’activité déclarée [8]. Il est évident que plus l’activité déclarée est précise et moins il sera possible de rattacher des activités induites. Le deuxième arrêt illustre l’application de l’atténuation dans le cas des activités de transaction immobilière. La deuxième chambre civile indique que, selon l’article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 (N° Lexbase : L7536AIX), «relève de l'activité de transaction immobilière le fait de prêter son concours, de manière habituelle, même à titre accessoire, à des opérations portant sur la vente de biens immobiliers ; qu'il s'ensuit qu'à défaut de conditions particulières limitant la garantie ou de clauses d'exclusion, le contrat d'assurance couvrant une activité déclarée de transaction immobilière ou l'ensemble des activités entrant dans le champ d'application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 est susceptible de garantir la responsabilité de l'assuré dans la délivrance de conseils à l'occasion d'une vente immobilière, notamment au titre de conseils en investissement ou en défiscalisation». L’intérêt principal de l’arrêt est la précision qu’il apporte, et qui n’était pas évidente, relativement aux activités relevant de la loi du 2 janvier 1970 : elles intègrent l’activité de conseil en investissement et défiscalisation. A n’en pas douter, il provoquera de nombreuses réactions. La solution est importante aussi quant à son retentissement sur le contrat d’assurance des professionnels concernés. Par cette conception large des activités relevant de la loi, la jurisprudence élargit d’autant les garanties souscrites sous les réserves qu’elle indique [9].

De la comparaison de ces décisions résulte le sentiment qu’un tour de force est réalisé : l’une, adopte une conception stricte des activités garanties, l’autre une conception large, mais toutes les deux sont parfaitement compatibles dans les solutions rendues au regard de l’assurance de responsabilité.

 

II - Assurances du domaine de la construction 

 

  • L'assureur de responsabilité décennale d'un constructeur doit sa garantie pour les désordres relevant de la garantie décennale (Cass. civ. 3, 8 novembre 2018, n° 17-13.833, FS-P+B+I N° Lexbase : A6797YKX ; cf. également les obs. de J. Mel, Lexbase, éd. priv., n° 762, 2018 N° Lexbase : N6459BXI)

La solution adoptée dans cet arrêt de cassation, et destinée à la publication, est comme un rappel adressé aux juges du fond. En l’espèce, un assureur se trouve être assureur de dommages-ouvrage d’une opération de rénovation d’une bastide ancienne, et assureur de garantie décennale de l’un des constructeurs intervenant pour les travaux de toiture-couverture. Après indemnisation sur le fondement de l’assurance de dommages-ouvrage, l’assureur exerce un recours contre des constructeurs intervenus dans l’opération mais évidemment pas son propre assuré. Ceux-ci appellent en garantie l’entreprise chargée des travaux de toiture-couverture (elle se trouve en liquidation judiciaire)… et son assureur. Celui-ci dénie sa garantie en raison du fait que le recours entre eux est fondé sur la responsabilité délictuelle et non sur le fondement de la responsabilité des constructeurs. Les juges du fond suivent cette argumentation. Sur le recours des constructeurs entre eux, les prémices du raisonnement sont correctes : «le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son assureur n'est pas fondé sur la garantie décennale, mais est de nature contractuelle si ces constructeurs sont contractuellement liés, et de nature quasi délictuelle s'ils ne le sont pas» [10]. Prolonger le raisonnement sur la garantie d’assurance revient, on le comprend, à contrer le jeu de l’assurance construction lorsqu’un assureur est en même temps assureur dommages-ouvrage et assureur de la garantie décennale de l’un des constructeurs. Pour cette raison que la Cour de cassation décide sagement que les juges doivent prendre en compte la nature des désordres et non le fondement juridique de la responsabilité de l’assuré pour déterminer si l’assureur doit sa garantie.

 

 

[1] Cass. civ. 2, 12 septembre 2013, n° 12-24.650, F-P+B (N° Lexbase : A1567KLM), Bull. civ. II, n° 168 ; Lexbase, éd. priv., n° 544, 2013, obs. S. Beaugendre in chron. (N° Lexbase : N8964BT8) ; JCP éd. G, 2014, 383, note A. Pélissier, RGDA, 2014, n° 110d3, J. Kullmann ; RCA, 2013, étude 8, D. Bakouche.

[2] Cass. civ. 2, 26 octobre 2017, n° 16-23.696, F-D (N° Lexbase : A1487WXD), nos obs. in chron, Lexbase, éd. priv., n° 721, 2017 (N° Lexbase : N1506BX3) ; RGDA, 2017, 610, obs. L. Mayaux.

[3] Cass. civ. 2, 12 janvier 2017, n° 16-10.042, F-D (N° Lexbase : A0860S8D), RGDA, 2017, 169, obs. L. Mayaux.

[4] Sur la définition de la faute : Ph. Le Tourneau et alii, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action 2018/2019, 11ème éd., n° 221-13.

[5] Sur la distinction du «vouloir» et du «savoir» : J. Bigot et alii, Traité de droit des assurances, Le contrat d’assurance, t. 3, 2ème éd., 2014, n° 1654.

[6] Cass. civ. 2, 5 mars 2015, n° 14-10.790, F-D (N° Lexbase : A8862NC9), nos obs. in chron., Lexbase, éd. priv., n° 613, 2015 (N° Lexbase : N7438BUZ), 2015, n° 613 ; RGDA, 2015, 184, obs. A. Pélissier.

[7] Déjà, dans ce domaine : Cass. civ. 3, 30 juin 2016, n° 15-18.206, FS-P+B (N° Lexbase : A2000RWY), RDI, 2016, n° 483 ; RCA 2016, 321, obs. H. Groutel.

[8] Pour un exemple en matière de construction : Cass. civ. 3, 28 février 2018, n° 17-13.618, FS-P+B (N° Lexbase : A0581XGM).

[9] Déjà : Cass. civ. 2, 2 mars 2017, n° 16-11.537, F-D (N° Lexbase : A9827TRE).

[10] Cass. civ. 3, 8 février 2012, n° 11-11.417, FS-P+B (N° Lexbase : A3521ICE), Bull. civ. III, n° 23.

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Audiovisuel

[Brèves] Eléments de nature à justifier légalement le retrait du mandat du président d'une société de l'audiovisuel public

Réf. : CE Ass., 14 décembre 2018, n° 419443, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A6622YQC)

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N6882BX8

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par Yann Le Foll

Le 19 Décembre 2018

Sont de nature à justifier légalement le retrait par le CSA du mandat du président d'une société de l'audiovisuel public des éléments de nature à compromettre sa capacité à poursuivre sa mission dans des conditions garantissant le bon fonctionnement de cette société, la préservation de son indépendance et la mise en œuvre du projet pris en compte lors de la nomination. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 14 décembre 2018 (CE Ass., 14 décembre 2018, n° 419443, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6622YQC).

 

M. X, ancien président de Radio France, a été condamné à une peine d'un an d'emprisonnement assortie du sursis et à une amende de 20 000 euros à raison de quatre faits constitutifs du délit d'atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics.

 

En estimant que, "dans un contexte où les questions de déontologie, de prévention des conflits d'intérêts et de moralisation de la vie publique sont des préoccupations particulièrement fortes des citoyens et des pouvoirs publics", une condamnation prononcée par le juge pénal à raison d'infractions constitutives de manquements au devoir de probité, ainsi que le retentissement de cette condamnation auprès de l'opinion publique, constituaient, du fait de leurs répercussions sur la capacité de l'intéressé à accomplir sa mission, des éléments de nature à justifier la mise en œuvre des dispositions de l'article 47-5 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 (N° Lexbase : L8240AGB), lesquelles prévoient les conditions dans lesquelles le mandat des présidents des sociétés de l'audiovisuel public peut leur être retiré, le CSA n'a pas commis d'erreur de droit.

 

Toutefois, la décision attaquée, qui ne se prononce ni sur la matérialité des faits, ni sur leur qualification pénale, et qui rappelle que l'intéressé, ayant fait appel du jugement du tribunal de grande instance de Créteil, bénéficie de la présomption d'innocence, ne saurait être regardée comme portant atteinte à cette présomption.

newsid:466882

Avocats/Déontologie

[Brèves] Une avocate interdite de représenter des requérants devant la CEDH en raison de son comportement frauduleux et abusif

Réf. : Communiqué de presse de la Cour européenne des droits de l'Homme, 12 décembre 2018.

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par Marie Le Guerroué

Le 18 Décembre 2018

► Selon un communiqué de presse du mercredi 12 décembre 2018, la Cour européenne des droits de l’Homme a décidé d’interdire de manière permanente à une avocate ukrainienne de représenter ou d'assister des requérants en raison de son comportement frauduleux et abusif.

 

La Cour avait constaté dans plusieurs requêtes introduites devant elle, qu’une avocate ukrainienne avait, en particulier, soumis des documents présentant des signes évidents de falsification. Dans plusieurs autres cas, elle avait introduit des requêtes au nom de requérants décédés sans informer la Cour de leur décès. Elle décide donc, en application de l'article 36 § 4 b) de son Règlement (N° Lexbase : L1111LBR) d'interdire de manière permanente à l'avocate de représenter ou d'assister des requérants pour leurs requêtes pendantes et futures.

 

La Cour a décidé d’informer de sa décision les requérants qu'elle représentait et dont les affaires sont pendantes, dans le souci de ne pas leur porter préjudice. 

 

Les requérants qu’elle représente et dont la requête n’a pas été portée à la connaissance du gouvernement de l’Etat défendeur, ou ne l’a pas encore été, peuvent à tout moment désigner un nouveau représentant pour la remplacer. Quant à ceux dont la requête a été portée à la connaissance du gouvernement de l’Etat défendeur, et qui ont donc l’obligation de se faire représenter dès à présent, ils doivent désigner un autre représentant.

 

Il a également été demandé au gouvernement ukrainien d’informer le barreau national ukrainien de la décision de la Cour et de ses motifs.

 

 

newsid:466855

Avocats/Procédure

[Jurisprudence] La conscience de l’avocat et les droits de la défense face à la commission d’office par le président d’une juridiction pénale

Réf. : CA Douai, 21 novembre 2018, n° 18/03942 (N° Lexbase : A9209YQ7)

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par Matthieu Boissavy, Avocat aux barreaux de Paris et de New-York, Membre du Conseil de l’Ordre des avocats de Paris

Le 17 Janvier 2019

Mots-clefs : Jurisprudence • Avocat • Affaire Berton • Clause de conscience • Commission d'office • Président d'une juridiction pénale

Par un arrêt du 21 novembre 2018 (arrêt commenté) [1], la cour d’appel de Douai a infirmé la décision de relaxe des poursuites disciplinaires qui avait été prononcée par le conseil régional de discipline des barreaux du ressort de la cour d’appel de Douai au bénéfice d’un avocat qui avait refusé de déférer à la commission d’office ordonnée par le président d’une cour d’assises.

 

Cet arrêt expose la limite de la solution que le Conseil constitutionnel pensait avoir trouvée pour résoudre le conflit qui peut survenir entre la conscience d’un avocat, qui refuse, en accord avec son client, de participer à un procès qu’il n’estime pas équitable, et le pouvoir de commission d’office de cet avocat par le président d’une juridiction pénale.

 

En l’espèce, lors d’un procès en appel d’une condamnation criminelle, les deux avocats choisis par l’accusé avaient soulevé un incident à la suite de propos tenus par l’avocat général et demandé le renvoi du procès devant une autre cour d’assises. Le dépaysement leur avait été refusé et l’affaire renvoyée à une session ultérieure. Lors de la première audience de ce nouveau procès, les deux avocats faisaient valoir, au soutien d’une nouvelle demande de renvoi, un certain nombre de moyens de défense relatif aux règles du procès équitable. Cette demande de renvoi ayant été rejetée, l’un des deux avocats quitta le prétoire. Le second estimait également que la défense ne pouvait pas s’exercer sereinement devant cette cour d’assises et, en accord avec son client, s’apprêtait à quitter également l’audience. Le président de la cour d’assises le commit d’office puis rejeta les motifs d’excuse et d’empêchement présentés par l’avocat. Celui-ci maintint son refus de déférer à cette commission d’office. Le procès se poursuivit sans la présence de l’accusé, qui refusa de comparaître, et sans défenseur. Plusieurs mois plus tard, des poursuites disciplinaires furent engagées par le procureur général contre l’avocat qui n’avait pas déféré à la commission d’office ordonnée par le président.

 

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité dans le cadre de cette procédure disciplinaire, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution les dispositions législatives prévoyant que le président d’une cour d’assises qui a commis d’office un avocat peut être juge des motifs d’excuse ou d’empêchement présentés par cet avocat, les rejeter sans motivation et sans que sa décision puisse faire l’objet d’un recours direct. Pour le Conseil constitutionnel, l’objectif constitutionnel de bonne administration de la Justice, qui inclut celui du respect d’un délai raisonnable pour rendre un jugement, doit prévaloir sur la clause de conscience de l’avocat. Par ailleurs, le droit à un recours effectif contre la décision du président de rejeter les motifs d’excuse ou d’empêchement de l’avocat serait suffisamment assuré par la possibilité de contester la régularité de cette décision, pour l’accusé lors d’un pourvoi en cassation, et pour l’avocat, lors de la procédure disciplinaire éventuellement engagée contre lui [2].

 

La décision du Conseil constitutionnel aurait pu permettre d’harmoniser le régime de la commission d’office d’un avocat par le président d’une juridiction pénale avec la clause de conscience de l’avocat (I).

 

Malheureusement, la cour d’appel de Douai n’a pas cru devoir appliquer toutes les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel. Elle a refusé d’apprécier la régularité de la décision du président de la cour d’assises de rejet des motifs d’excuse et d’empêchement par rapport à la clause de conscience de l’avocat dans l’exercice des droits de la défense (II).

 

Quand bien même l’arrêt de la cour d’appel de Douai serait censuré par la Cour de cassation, la modification des dispositions législatives relatives à la commission d’office d’un avocat par le président d’une juridiction pénale est nécessaire afin de mieux concilier la clause de conscience de l’avocat, l’exercice des droits de la défense et la bonne administration de la Justice (III).

 

 

 

I - Le régime juridique de la commission d’office d’un avocat par le président d’une juridiction pénale et la clause de conscience de l’avocat

 

L’avocat exerce les droits de la défense dans l’intérêt de son client, le respect de la loi et de ses obligations déontologiques. Indépendant, il lui est reconnu une clause de conscience qui lui donne la liberté d’accepter ou de refuser son assistance et sa participation à un procès, notamment si les règles d’un procès équitable ne sont pas respectées.

 

Cet exercice, exigeant, soulève peu de difficultés insurmontables lorsque l’avocat est choisi par son client et qu’il a accepté ce choix. Tant que la confiance existe entre eux les problèmes posés lors de la préparation de la défense peuvent être résolus. En tout état de cause, si un désaccord profond subsiste sur la stratégie de défense, ou bien par respect de sa conscience, l’avocat peut toujours mettre un terme à sa mission et laisser le soin à un autre avocat de conduire une défense approuvée par celui va être jugé.

 

La commission d’office, par nature, restreint la faculté pour l’avocat de mettre un terme à sa mission. Selon le droit en vigueur, l’avocat ne peut s’y soustraire sauf à faire agréer des motifs d’excuse et d’empêchement par l’autorité qui l’a nommé.

 

L’article 6 alinéa 2 du décret du 12 juillet 2005 relatif à la déontologie des avocats (N° Lexbase : L6025IGA) prévoit que «l’avocat est tenu de déférer aux désignations et commissions d’office, sauf motif légitime d’excuse ou d’empêchement admis par l’autorité qui a procédé à la désignation ou à la commission».

 

Ce texte concerne toutes les désignations à l’aide judiciaire, en matière civile, et toutes les commissions d’office, en matière pénale.

 

Pour ce qui est de la défense pénale, l’article 6, 2, c) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L7558AIR) prévoit que «Tout accusé a droit [...] à se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la Justice l’exigent».

 

En principe la commission d’office poursuit la noble cause de pourvoir un avocat à ceux qui ne peuvent pas le rémunérer. Tous les barreaux participent activement, avec honneur et fierté, à l’organisation de ces commissions d’office.

 

Toutefois, l’impécuniosité du justiciable n’est pas le seul motif qui peut déclencher, en droit français, la commission d’office d’un avocat pour le prévenu ou l’accusé dans les procédures pénales.

 

Les droits de la défense étant considérés comme d’ordre public [3], plusieurs textes prévoient l’assistance obligatoire d’un avocat dans certains cas, indépendamment de la question des ressources financières du prévenu ou de l’accusé.

 

Le pouvoir de procéder à la commission d’office d’un avocat est partagé entre le Bâtonnier et le président de la juridiction pénale saisie.

 

Le Bâtonnier de l’Ordre des avocats est l’autorité naturelle, prévue dans de multiples textes législatifs, qui procède à la commission d’office d’un avocat dans les procédures non juridictionnelles (garde à vue, audition libre, déferrement devant le ministère public…) et dans les procédures juridictionnelles.

 

Devant la juridiction correctionnelle et celle de police, l’article 417 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2820IP7) dispose que le président commet d’office un avocat lorsqu’un prévenu en est dépourvu et qu’il souhaite l’assistance d’un défenseur. Cette assistance est obligatoire «quand le prévenu est atteint d’une infirmité de nature à compromettre sa défense». 

 

En matière criminelle, l’article 317 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3715AZM) prévoit que devant la cour d’assises, «la présence d’un défenseur auprès de l’accusé est obligatoire. Si le défenseur choisi ou désigné conformément à l’article 274 [4] ne se présente pas, le président en commet un d’office ».

 

Cette disposition s’articule avec l’article 9 de la loi du 31 décembre 1971 qui indique que «l’avocat régulièrement commis d’office par le Bâtonnier ou par le président de la cour d’assises ne peut refuser son ministère sans faire approuver ses motifs d’excuse ou d’empêchement par le Bâtonnier ou par le président».

 

La commission d’office peut avoir des effets contraires aux droits et obligations de l’avocat tout aussi impératifs que le devoir d’y déférer. Elle restreint la liberté de l’avocat dans le choix de la stratégie de défense lorsque l’avocat et son client sont en désaccord, le choix de ne pas participer à un procès lorsque l’avocat considère qu’il ne respecte pas les règles du procès équitable, ou bien encore le choix de mettre un terme à sa mission de défense lorsque celle-ci heurte sa conscience.

 

Lorsque l’avocat est commis par le Bâtonnier, des discussions, confidentielles par nature, permettent à l’avocat d’exposer toutes les raisons, y compris celles couvertes par le secret professionnel, qui peuvent expliquer les raisons pour lesquelles l’avocat demande à être relevé de sa commission d’office. Si le Bâtonnier les approuve, il peut commettre un autre avocat ou bien, cas extrême, décider qu’il assurera lui-même la défense.

 

Si l’avocat est commis par le président de la juridiction pénale, l’exposé des motifs d’excuse ou d’empêchement est beaucoup plus contraint. D’une part, le président qui a procédé à la commission d’office de l’avocat est celui qui est juge de la demande d’excuse et qu’il préside aussi le débat judiciaire. Si le motif d’excuse présenté est rattaché à une question de partialité d’un magistrat du siège ou à un non-respect des règles du procès équitable, la demande d’excuse ne manquera pas de provoquer une défiance réciproque entre la juridiction et l’avocat. D’autre part, l’avocat ne peut pas faire état au président de motifs d’excuse ou d’empêchement qui seraient couverts par le secret professionnel ou qui nuiraient aux intérêts de son client. Dans ce cas-là, le président ne peut pas connaître les vraies raisons de la demande d’excuse de l’avocat.

 

Lorsque l’avocat ne défère pas à une commission d’office sans avoir fait approuver les motifs d’excuse ou d’empêchement par l’autorité qui l’a nommé, il s’expose à des poursuites disciplinaires sur le fondement des articles 183 [5] et 184 du décret du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID).

 

A l’occasion d’une poursuite disciplinaire contre l’avocat commis d’office dans l’affaire exposée ci-dessus, le Conseil constitutionnel a précisé le contrôle qui peut avoir lieu sur la décision de rejet des motifs d’excuse ou d’empêchement de l’avocat par le président de la cour d’assises.

 

Le 7 février 2018, la Cour de cassation a transmis au Conseil constitutionnel la question prioritaire de la constitutionnalité de l’article 9 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) soulevée par la défense de l’avocat poursuivi selon la motivation suivante «…l’appréciation, non motivée, par le seul président de la cour d’assises, des motifs d’excuses invoqués par l’avocat qu’il a lui-même commis pour assurer la défense d’un accusé, peut être de nature à porter atteinte aux droits de la défense, reconnus par le Conseil constitutionnel comme découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme du 26 août 1789 (N° Lexbase : L1370A9M[6].

 

Dans sa décision du 4 mai 2018, le Conseil constitutionnel, tout en déclarant conforme à la Constitution l’article 9 de la loi du 31 décembre 1971 au motif qu’il permettait d’assurer la mise en œuvre de l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la Justice a précisé ceci : «Si le refus du président de la cour d’assises de faire droit aux motifs d’excuse ou d’empêchement invoqués par l’avocat commis d’office n’est pas susceptible de recours, la régularité de ce refus peut être contestée par l’accusé à l’occasion d’un pourvoi devant la Cour de cassation, et par l’avocat à l’occasion de l’éventuelle procédure disciplinaire ouverte contre son refus de déférer à la décision du président de la cour d’assises».

 

Le Conseil constitutionnel a donc choisi de valider le système actuel de la commission d’office par le président de la cour d’assises, tout en précisant qu’il appartenait, à la Cour de cassation en cas de pourvoi de l’accusé, et à la juridiction disciplinaire en cas de poursuite de l’avocat qui n’aurait pas déféré à la commission d’office, d’apprécier la régularité du refus du président des motifs d’excuse ou d’empêchement.

 

Sa décision ne règle pas le cas où l’avocat ne peut exposer au président un motif d’excuse qui serait couvert par le secret professionnel. Dans cette hypothèse, on voit mal comment la Cour de cassation, et même la juridiction disciplinaire, surtout dans sa procédure d’appel, pourrait contrôler de manière effective la décision de refus du président et le comportement de l’avocat.

 

Par ailleurs, on peut légitimement s’interroger sur l’effectivité et les circonstances de ce recours, qui nécessite que l’avocat soit poursuivi disciplinairement pour qu’il puisse s’exercer [7].

 

Toutefois, le Conseil constitutionnel donne à la Cour de cassation et à la juridiction disciplinaire le pouvoir de contrôler, tant sur la forme que sur le fond, la régularité du refus du président.

 

Ce contrôle doit aussi respecter la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme qui s’est développée en ce qui concerne les poursuites contre des avocats. Le contrôle du comportement des avocat doit être mis en œuvre avec une prudence et une mesure particulière. Il ne peut être une menace avec un effet «inhibant» qui porterait atteinte à la défense des intérêts de leurs clients [8]. Ce n’est qu’exceptionnellement que la sanction d’un avocat peut passer pour nécessaire dans une société démocratique, à raison de son expression ou de ses choix de défense [9].

 

Or, malheureusement, la première décision d’une juridiction disciplinaire sur le fondement de l’article 9 de la loi du 31 décembre 1971 après la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2018 nous amène à constater que le contrôle sollicité par l’avocat poursuivi de la décision du président de rejet des motifs d’excuse ou d’empêchement n’est pas effectif, notamment lorsque la Cour de cassation a déjà rejeté, à l’occasion d’un pourvoi, la critique présentée par l’accusé de la décision de refus du président.

 

II - L’absence de contrôle effectif par la juridiction disciplinaire de la régularité de la décision du président de rejet des motifs d’excuse et d’empêchement de l’avocat commis d’office

 

Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 21 novembre 2018 de la cour d’appel de Douai, le conseil régional de discipline avait prononcé le 5 juillet 2018 la relaxe de l’avocat poursuivi, considérant en effet qu’aucune faute disciplinaire ne pouvait lui être reprochée, puisque d’une part le président de la cour d’assises n’avait pas, de son propre aveu, examiner les motifs d’excuses que lui avait présentées l’avocat, ce qui avait privé sa décision de «toute base légale», et que d’autre part le refus de l’avocat de se soumettre à cette commission d’office et son choix de se retirer de l’audience, dans de telles conditions et avec l’accord de son client, avait constitué «un acte de défense», «qui ne peut dans une société démocratique fonder des poursuites disciplinaires».

 

A la suite d’un appel du procureur général, qui avait requis un avertissement contre l’avocat poursuivi, la cour d’appel de Douai infirme la décision du conseil régional de discipline et prononce un avertissement.

 

A l’appui de sa décision, la cour d’appel :

  • «rappelle que les arguments invoqués par Me B. ont déjà été rejetés par l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation et que l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 24 juin 2015 a validé la procédure à l’encontre de Monsieur X ;
  • souligne que l’ordonnance de la première présidente de la cour d’appel de Douai du 19 mai 2014 saisie par Mes D. et B. d’une requête en récusation de la présidente de la cour d’assises avait rejeté les prétentions des avocats ;
  • estime que la décision de la présidente de la cour d’assises n’avait pas à être motivée ; (…)»

 

De plus, la cour d’appel estime ainsi :

  • «qu’il y a lieu de confirmer la décision de la présidente de la cour d’assises qui n’avait pas retenu les motifs d’excuse présentés par Me B. ;
  • que l’avocat régulièrement commis d’office par la présidente de la cour d’assises ne peut refuser son ministère sans faire approuver par la présidente de la cour d’assises des motifs d’empêchement et d’excuses ;
  • que le refus de l’avocat de se soumettre à la commission d’office de la présidente d’une cour d’assises caractérise une faute disciplinaire lorsque les motifs d’excuse présentés par l’avocat n’ont pas été retenus par la présidente de la cour d’assises ;
  • que Me B. aurait dû rester présent dans la salle d’audience et observer, le cas échéant, le silence si l’accusé lui avait fait interdiction de demeurer à la barre après avoir renoncé à se défendre».

 

En se refusant à tout contrôle sur le fondement de la déontologie de l’avocat de la décision de refus du président de la cour d’assises du motif d’excuse présenté par l’avocat et des raisons qui l’ont conduit à ne pas déférer à la commission d’office, la cour d’appel encourt, selon nous, les critiques suivantes.

 

En premier lieu, la généralité de sa décision selon laquelle «le refus de l’avocat de se soumettre à la commission d’office de la présidente d’une cour d’assises caractérise une faute disciplinaire lorsque les motifs d’excuse présentés par l’avocat n’ont pas été retenus par la présidente de la cour d’assises», ruine les efforts du Conseil constitutionnel qui, pour sauver la constitutionnalité de l’article 9 de la loi du 31 décembre 1971, a précisé qu’un contrôle de la régularité de la décision du président devait être exercé par la juridiction disciplinaire en cas de poursuite de l’avocat poursuivi.

 

Si l’on en croit la cour d’appel, tout refus d’un avocat de déférer à la commission d’office ordonnée par le président qui a rejeté le motif d’excuse, sans avoir à motiver sa décision, est constitutif d’une faute disciplinaire.

 

Cette seule généralité, qui fonde la condamnation de l’avocat, est en totale contradiction avec la décision du Conseil constitutionnel. L’arrêt de la cour d’appel du 21 novembre 2018 encourt donc la censure de la cour de cassation pour non-respect de la loi et manque de base légale.

 

En deuxième lieu, l’arrêt de la Cour de cassation du 24 juin 2015 [10], qui a rejeté le pourvoi de l’accusé, n’a pas l’autorité de la chose jugée sur la procédure disciplinaire engagée contre l’avocat poursuivi.

 

Cependant, la cour d’appel estime «que les arguments invoqués par Me B. ont déjà été rejetés par l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation» à l’occasion du pourvoi de l’accusé et qu’ainsi la cour n’a plus à se demander si le refus de l’avocat de déférer à la commission d’office était justifié ou non par la mise en jeu de sa clause de conscience ou par l’exercice des droits de la défense.

 

Là encore, cette décision, est contraire à la décision du Conseil constitutionnel en ce que celui-ci n’a jamais indiqué que la décision de la Cour de cassation, en cas de pourvoi de l’accusé, liait la juridiction disciplinaire ayant à statuer sur le comportement de l’avocat à l’audience et inversement.

 

Les deux procédures sont distinctes et indépendantes. On peut tout à fait imaginer que le pourvoi de l’accusé, critiquant la décision du président de refus du motif d’excuse sur le fondement de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L7558AIR), puisse être rejeté sans que la décision de l’avocat de ne pas déférer à la commission d’office constitue automatiquement une faute disciplinaire.  

 

En troisième lieu, la conception de la cour d’appel du rôle de l’avocat commis d’office, qui, selon elle, devrait être présent dans la salle d’audience mais silencieux si son client lui interdit d’intervenir, est une entrave à l’indépendance de l’avocat et une atteinte à sa conscience si celle-ci lui dicte de ne pas participer à un procès qu’il n’estime pas équitable.

 

Elle est d’ailleurs en contradiction avec la jurisprudence de la Cour de cassation qui admet qu’un avocat puisse ne pas être présent tout au long du procès d’assises puisque la validité de la procédure n’est pas remise en cause lorsque l’absence de l’avocat n’est pas «du fait de la cour d’assises, du président ou du ministère public» [11].

 

Ainsi, cet arrêt nous amène à proposer une réforme des modalités de la commission d’office par le président d’une juridiction pénale.

 

 

III - La nécessaire réforme des modalités de la commission d’office d’un avocat par le président d’une juridiction pénale

 

 

Certains pourraient souhaiter permettre à l’avocat de ne jamais déférer à une commission d’office.

 

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme n’exige pas l’assistance obligatoire d’un avocat pour le prévenu ou l’accusé dans un procès pénal. [12] L’article 6, 2, c) de la Convention prévoit seulement que tout accusé a le droit de se défendre lui-même ou de bénéficier gratuitement d’un avocat commis d’office s’il n’a pas les moyens de le rémunérer. 

 

Toutefois, nous sommes d’avis que la déontologie de l’avocat doit pouvoir lui imposer de déférer à une commission d’office si sa conscience ne lui interdit pas d’exercer la mission ordonnée et qu’il peut exercer librement les droits de la défense qu’il estime appropriés dans le procès dans lequel il est réquisitionné.

 

Le problème du système actuel vient du fait que, dans l’hypothèse d’une commission d’office par le président d’une juridiction pénale, le juge des motifs d’excuse et d’empêchement présentés par l’avocat après sa commission d’office est le président qui vient de le commettre.

 

En cas de refus de l’avocat, le président se trouve dans une situation de conflits d’intérêts puisqu’il doit être juge de sa propre décision de commission d’office au regard de paramètres sur lesquels il n’a, et ne doit avoir, aucun pouvoir : l’exercice de la clause de conscience de l’avocat et le choix des moyens de la défense. Cette situation est aggravée par le fait que l’avocat ne peut jamais exposer au président des raisons de son refus qui seraient couverts par le secret professionnel ou qui nuiraient à la défense de l’accusé.

 

Une façon de sortir de ce dilemme serait d’instituer le Bâtonnier seul juge des motifs d’excuse et d’empêchement de l’avocat.

 

C’est pourquoi nous proposons qu’après l’alinéa 2 de l’article 6 du décret du 12 juillet 2005 relatif à la déontologie des avocats qui indique que «l’avocat est tenu de déférer aux désignations et commissions d’office, sauf motif légitime d’excuse ou d’empêchement admis par l’autorité qui a procédé à la désignation ou à la commission» soit ajouté un alinéa 3 :

 

«Si l’autorité qui a procédé à la désignation ou à la commission n’est pas le Bâtonnier et que l’avocat désigné ou commis se voit opposer un rejet de ses motifs d’excuse ou d’empêchement, le Bâtonnier de l’Ordre des avocats, du ressort de la juridiction auprès de laquelle l’avocat doit exercer sa mission, doit être saisi afin qu’il décide, après s’être entretenu de manière confidentielle avec l’avocat, soit de confirmer la désignation ou la commission ordonnée, soit de désigner ou commettre un autre avocat».

 

De même, l’article 9 de la loi du 31 décembre 1971 qui prévoit que «l’avocat régulièrement commis d’office par le Bâtonnier ou par le président de la cour d’assises ne peut refuser son ministère sans faire approuver ses motifs d’excuse ou d’empêchement par le Bâtonnier ou par le président» pourrait être modifié dans ces termes :

 

«L’avocat régulièrement commis d’office par le Bâtonnier ou par le président de la cour d’assises ne peut refuser son ministère sans faire approuver ses motifs d’excuse ou d’empêchement par le Bâtonnier ou par le président.

Dans l’hypothèse où le Président rejetterait les motifs d’excuse ou d’empêchement de l’avocat, le Bâtonnier de l’Ordre des avocats du lieu où siège la cour d’assises doit être saisi afin qu’il décide, après s’être entretenu de manière confidentielle avec l’avocat commis, soit de confirmer la commission ordonnée, soit de commettre un autre avocat». 

 

 

[1] Cet arrêt est frappé d’un pourvoi en cassation.

[2] Cons. const., décision n° 2018-704 QPC, du 4 mai 2018 (N° Lexbase : A1936XMN).

[3] Cass. crim. 8 août 1959, Bull. crim., 1959, n° 387.

[4] L’article 274 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3663AZP) dispose qu’au cours de l’interrogatoire préalable au procès d’assises «L’accusé est ensuite invité à choisi un avocat pour l’assister dans sa défense. Si l’accusé ne choisit pas son avocat, le président ou son délégué lui en désigne un d’office. Cette désignation est non avenue si, par la suite, l’accusé choisit un avocat».

[5] Décret du 27 novembre 1991, modifié par décret du 24 mai 2005, art. 183 : «Toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout manquement à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse, même se rapportant à des faits extraprofessionnels, expose l'avocat qui en est l'auteur aux sanctions disciplinaires énumérées à l'article 184».

[6] Cass. crim., 7 février 2018, n° 17-90.025, FS-D (N° Lexbase : A6805XCZ).

[7] «Non seulement l’exercice d’une procédure disciplinaire n’est pas anodin, mais une telle procédure, n’est, en outre, pas le cadre adapté pour juger de la décision du président de la cour d’assises», Florence G’sell in Chronique Avocats, JCP éd. G, n° 21, mai 2018, doctr. 588, n° 17.

[8] CEDH, 15 décembre 2015, Req. 29024/11 (N° Lexbase : A2647NZ3).

[9] CEDH, 23 avril 2015, Req. n° 29369/10 (N° Lexbase : A0406NHI).

[10] Cass. crim., 24 juin 2015, n° 14-84.221, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6748NLI).

[11] Cass. crim., 13 février 2008, n° 07-83.168, F-D (N° Lexbase : A3258WBB).

[12] Tel était l’argument présenté par Henri Juramy «redoutable avocat d’assises (1933-2010)» lorsqu’il estimait devoir quitter un procès qui n’était pas équitable pour ne pas avoir à le cautionner par sa présence, même silencieuse, comme le rappelle François Saint-Pierre dans Quitter le prétoire : une stratégie de défense exceptionnelle, in Pratique de la défense pénale, p. 447, F. Saint-Pierre, LGDJ, 2ème édition.

newsid:466888

Environnement

[Brèves] Emission d’oxydes d’azote pour les essais des voitures neuves : les limites fixées par la Commission étaient trop élevées

Réf. : TUE, 13 décembre 2018, aff. T-339/16, T-352/16, T-391/16 (N° Lexbase : A1647YQ3)

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N6834BXE

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par Yann Le Foll

Le 19 Décembre 2018

Le Règlement de la Commission fixant des limites d’émission d’oxydes d’azote trop élevées pour les essais des véhicules particuliers et utilitaires légers neufs (Règlement (UE) 2016/646 de la Commission du 20 avril 2016) encourt une annulation partielle. Telle est la solution d’un arrêt rendu par le Tribunal de l’Union européenne le 13 décembre 2018 (TUE, 13 décembre 2018, aff. T-339/16, T-352/16, T-391/16 N° Lexbase : A1647YQ3).

 

Il indique tout d’abord que les villes de Paris, Bruxelles et Madrid sont recevables à contester les limites d’émission d’oxydes d’azote déterminées par la Commission pour les essais «RDE» (essais en conditions de conduite réelles) puisqu’elles ne pourraient inclure dans le périmètre d’une mesure de restriction de la circulation fondée sur le niveau des émissions polluantes les types de véhicules qui auraient subi avec succès ces essais et qui satisferaient aux autres exigences de réception.

 

S’agissant de la question de la compétence de la Commission pour adopter les mesures relatives aux limites d’émission d’oxydes d’azote dans le cadre des essais RDE, le Tribunal rappelle que ces mesures ont été adoptées en tant que mesures d’exécution du Règlement n° 715/2007 (N° Lexbase : L5450I7Y), sur le fondement des dispositions dudit Règlement qui permettent à la Commission de déterminer les procédures, essais et exigences spécifiques aux fins de la réception des véhicules.

 

Le Tribunal souligne cependant que les limites d’émission d’oxydes d’azote fixées pour la norme «Euro 6» constituent un élément essentiel de ce Règlement (Règlement (CE) n° 715/2007 du 20 juin 2007), non modifiable par la Commission, et que ledit règlement prévoit que ces limites doivent être respectées en conditions de conduite réelles et, par conséquent, lors des essais «RDE».

 

Le Tribunal en conclut que la Commission n’était pas compétente pour apporter, en appliquant des coefficients de correction, une modification à ces limites pour les essais "RDE". Le Tribunal estime, en outre, que, même si l’on devait admettre que des contraintes techniques peuvent justifier une certaine adaptation, avec un écart comme celui résultant du Règlement attaqué, il est impossible de savoir si la norme «Euro 6» est respectée lors de ces essais.

 

Les effets de la disposition annulée sont maintenus pour le passé et pour une période raisonnable pour permettre de modifier la réglementation en la matière, limitée à douze mois à compter de l’expiration du délai de pourvoi contre le présent arrêt ou, si un pourvoi est formé, à compter du rejet de celui-ci.

newsid:466834

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Conformité à la Constitution des dispositions prévoyant l’attribution de la majoration de quotient familial pour enfant mineur en résidence alternée

Réf. : Cons. const., décision n° 2018-753 QPC, du 14 décembre 2018 (N° Lexbase : A3017YQS)

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N6836BXH

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par Marie-Claire Sgarra

Le 18 Décembre 2018

► Les dispositions de l’article 194 I du Code général des impôts (N° Lexbase : L3343LCS) sont conformes à la Constitution.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision du 14 décembre 2018 (Cons. const., décision n° 2018-753 QPC, du 14 décembre 2018 N° Lexbase : A3017YQS).

 

Pour rappel, selon ces dispositions, l'enfant mineur en résidence alternée au domicile de chacun de ses parents séparés ou divorcés est, sauf disposition contraire, réputé être à la charge égale de l'un et l'autre. En ce cas, la majoration de quotient familial à laquelle l'enfant ouvre droit est attribuée pour moitié à chacun d'eux. Toutefois, cette présomption de charge partagée peut être écartée si l’un des parents établit qu’en réalité il assume la charge principale de l’enfant.

 

Le Conseil d’Etat avait renvoyé la conformité de ces dispositions au Conseil constitutionnel (CE 9° et 10° ch.-r., 1 octobre 2018, n° 421941, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2244X8M). Pour le requérant, ces dispositions méconnaissaient les principes d’égalité devant l’impôt et les charges publiques.

 

Le Conseil constitutionnel précise dans un premier temps qu’en excluant la pension alimentaire pour apprécier si l'un des parents assume la charge principale de l'enfant, le législateur a entendu tenir compte de ce que cette pension opère un transfert de revenus dans le but de permettre au parent qui la reçoit de faire face aux besoins de l'enfant pour la charge qui lui incombe. Par suite, l'attribution de cette majoration de quotient familial à parts égales entre les parents, séparés ou divorcés, d'un enfant en résidence alternée, résulte du fait qu'ils sont réputés s'acquitter à parts égales des dépenses liées à son entretien. En conséquence, en excluant également dans ce cas la prise en compte de la pension alimentaire versée par l'un des parents pour rapporter la preuve qu'il assume la charge principale de l'enfant, le législateur s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objet de la loi (cf. le BoFip Impôts annoté N° Lexbase : X8213ALR).

 

newsid:466836

Fiscalité internationale

[Brèves] Cas d’une acquisition de créances correspondant à des loyers «canons» et de revenus tirés d’une opération de «lease and lease-back»

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 7 décembre 2018, n° 409229, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7301YP4)

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N6851BXZ

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par Marie-Claire Sgarra

Le 18 Décembre 2018

Les droits et obligations attachés à une location, ordinaire, ou emphytéotique, de bien immobilier relèvent des mêmes qualifications et présentent les mêmes caractéristiques en droit belge, néerlandais et français. Il n’y a donc pas lieu de procéder à une assimilation de droit belge et néerlandais à des opérations équivalentes en droit français.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 7 décembre 2018 (CE 3° et 8° ch.-r., 7 décembre 2018, n° 409229, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7301YP4).

 

A la suite d’une vérification de comptabilité de la société Orpavimob, qui a pour activité le rachat de créances immobilières et appartient au groupe fiscal intégré dont la Société générale est la société tête de groupe, l’administration fiscale a procédé à la réintégration, dans les résultats de la société vérifiée, des revenus et plus-values qu’elle avait perçus à la suite d’opérations en rapport avec des immeubles situées en Belgique et aux Pays-Bas et qu’elle avait estimés non-imposables en France. La Société générale a demandé au tribunal administratif de Montreuil la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles la société Orpavimob a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007 ainsi que le rétablissement des déficits déclarés au titre des exercices clos en 2008 et 2009 qui avaient été réduits à la suite de ces rectifications. Le tribunal administratif a rejeté les demandes de la Société générale, la cour administrative d’appel de Versailles confirme ce jugement (CAA Versailles, 26 janvier 2017, n° 14VE03453 N° Lexbase : A9902YPG).

 

Par suite, alors même que les canons d’emphytéose étaient des revenus de biens immobiliers tant en droit civil belge qu’en droit civil français, l’acquisition du droit de les encaisser était sans effet sur les droits réels sur l’immeuble détenus par les sociétés bailleresses, alors même que celles-ci ne s’engageaient pas à garantir la société Orpavimob contre l’insolvabilité de la Commission européenne (cf. l’Ouvrage «Conventions fiscales internationales» N° Lexbase : E2918EUM).

 

De plus, en ce qui concerne la convention franco-néerlandaise, la cour administrative d’appel a relevé que la conclusion du contrat de location était subordonnée à celle du contrat de sous-location à des conditions prédéfinies, s’agissant de l’identité des preneurs, du prix et de la durée, ensuite, que ces contrats ne laissaient pas la possibilité de sous-louer l’immeuble à une entité autre qu’à des filiales du groupe ING tandis que ces dernières pouvaient demander à la société Orpavimob de leur transférer les droits et obligations nés des contrats de location, enfin, que les autorités fiscales néerlandaises, saisies dans le cadre d’une demande d’assistance administrative, avaient analysé l’opération litigieuse comme une transaction de financement, sans transfert d’immeubles ni de droits immobiliers, et qu’il n’était pas contesté que les filiales du groupe ING avaient enregistré les sommes versées à la société Orpavimob dans leurs comptes comme des paiements d’intérêts et des remboursements. Par ce raisonnement, la cour s’est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier sans les dénaturer (cf. l’Ouvrage «Conventions fiscales internationales» N° Lexbase : E0463EUP).

newsid:466851

Informatique et libertés

[Brèves] Protection des données personnelles : réécriture de la loi «Informatique et Libertés» et mise en cohérence de l’ensemble des textes législatifs

Réf. : Ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018, prise en application de l'article 32 de la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018, relative à la protection des données personnelles et portant modification de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et diverses dispositions concernant la protection des données à caractère personnel (N° Lexbase : L3271LNH)

Lecture: 3 min

N6835BXG

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par Vincent Téchené

Le 19 Décembre 2018

► L’ordonnance prise en application de l'article 32 de la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018, relative à la protection des données personnelles (N° Lexbase : L7645LKD) et portant modification de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 (N° Lexbase : L8794AGS), a été publiée au Journal officiel du 13 décembre 2018 (ordonnance n° 2018-1125 du 12 décembre 2018 N° Lexbase : L3271LNH).

Elle procède à la réécriture de l'ensemble de la loi «Informatique et Libertés» afin d'apporter les corrections formelles et les adaptations nécessaires des dispositions qui mettent le droit national en conformité avec le RGPD (Règlement n° 2016/679 du 27 avril 2016 N° Lexbase : L0189K8I), telles que résultant de la loi du 20 juin 2018. La loi «Informatique et Libertés» est désormais répartie en cinq titres.

 

Le titre Ier de la loi du 6 janvier 1978 contient les dispositions communes qui constituent le socle commun à l'ensemble des traitements de données à caractère personnel, réparties en six chapitres :

  • le chapitre Ier regroupe les dispositions relatives aux principes relatifs à la protection des données à caractère personnel, ainsi que les définitions et les champs d'application matériel et territorial de la loi ;
  • le chapitre II regroupe les dispositions relatives à la CNIL (organisation et missions, contrôle de la mise en œuvre des traitements par les responsables de traitement, mesures correctrices et aux sanctions, coopération entre la CNIL et les autorités de contrôle des Etats membres de l'Union européenne) ;
  • le chapitre III contient un article qui concerne les dispositions relatives au numéro d'inscription des personnes au répertoire national d'identification des personnes physiques ;
  • le chapitre IV regroupe les dispositions relatives aux formalités préalables à la mise en œuvre des traitements ;
  • le chapitre V traite des voies de recours spécifiques aux traitements de données à caractère personnel prévues par la loi du 6 janvier 1978.

 

Le titre II concerne les traitements relevant du régime de protection des données à caractère personnel prévu par le «RGPD». Il contient cinq chapitres :

- le chapitre Ier regroupe les dispositions générales ;

- le chapitre II regroupe les dispositions relatives aux droits de la personne concernée ;

- le chapitre III est consacré aux obligations incombant au responsable du traitement et au sous-traitant (obligations générales, obligations en cas de traitement susceptible d'engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques, traitements de données à caractère personnel dans le domaine de la santé, dispositions relatives aux traitements aux fins archivistiques dans l'intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques, traitements de données à caractère personnel aux fins de journalisme et d'expression littéraire et artistique.) ;

- le chapitre IV concerne les traitements dans le secteur des communications électroniques ;

- le chapitre V concerne les dispositions régissant les traitements de données à caractère personnel relatives aux personnes décédées.

 

Le titre III de la «nouvelle mouture» de la loi «Informatique et Libertés» concerne les traitements relevant de la Directive 2016/680 du 27 avril 2016 (N° Lexbase : L9729K7H) dont les dispositions ont été transposées par la loi du 20 juin 2018 précitée. Ce titre est divisé en quatre chapitres, qui reprennent les quatre sections de la loi du 20 juin 2018 précitée : dispositions générales, obligations incombant aux autorités compétentes et aux responsables de traitement de données à caractère personnel, droits de la personne concernée et transferts internationaux de données.

 

Le titre IV concerne les dispositions applicables aux traitements intéressant la sûreté de l'Etat et la défense.

 

Enfin, le titre V contient les dispositions relatives à l'outre-mer afin de rendre applicable les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises, conformément à l'habilitation législative.

 

Pour terminer, le chapitre II de l'ordonnance procède à la mise en cohérence avec les changements résultant de la loi «Informatique et Libertés» de l'ensemble des dispositions législatives applicables à la protection des données à caractère personnel, qu'elles soient codifiées ou non.

 

Cette ordonnance entrera en vigueur concomitante à l'entrée en vigueur du décret modifiant le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005, pris pour l'application de la loi du 6 janvier 1978 (N° Lexbase : L0844HDM) et au plus tard le 1er juin 2019.

newsid:466835

Magistrats

[Brèves] Nomination d’un magistrat : la circulaire dite «de transparence» n’est pas susceptible de recours pour excès de pouvoir

Réf. : CE 6° et 5° ch.-r., 5 décembre 2018, n° 416487, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1556YPC)

Lecture: 1 min

N6746BX7

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par Marie Le Guerroué

Le 18 Décembre 2018

► La circulaire, dite "de transparence", par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) informe, en vue de recueillir leurs observations, l'ensemble des magistrats de ce qu'il envisage de proposer la nomination d'un magistrat dans un poste déterminé, comme la proposition de nomination qu'il formule après avoir recueilli ces observations, constituent des actes préparatoires au décret de nomination du Président de la République et n'ont, dès lors, pas le caractère de décisions faisant grief susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

 

Telle est la précision apportée par le Conseil d’Etat dans sa décision du 5 décembre 2018 (CE 6° et 5° ch.-r., 5 décembre 2018, n° 416487, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1556YPC).

 

Une magistrate du siège, s'était portée candidate au poste de président du tribunal de grande instance de Douai. Par circulaire dite de "transparence", le Conseil supérieur de la magistrature avait indiqué qu'il envisageait de proposer sa nomination à ce poste, en invitant les personnes intéressées à présenter leurs observations sur ce projet. Après examen des observations, le Conseil supérieur de la magistrature avait décidé de "retirer" le projet de nomination de l'intéressée, avait lancé un nouvel appel à candidature et avait diffusé une autre circulaire de "transparence", indiquant que le Conseil supérieur envisageait désormais de proposer la nomination d’un autre magistrat au poste précité. Le Président de la République y avait procédé. La magistrate initialement envisagée demandait l'annulation pour excès de pouvoir de la seconde circulaire de "transparence".

 

Le Conseil d’Etat rend la solution précitée et rejette, par conséquent, la requête de la magistrate.

 

newsid:466746

Mineurs

[Questions à...] Philippe Bonfils, Professeur à l’Université Aix-Marseille, à propos de la réforme de l’ordonnance de 1945

Lecture: 5 min

N6732BXM

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par June Perot, Rédactrice en chef - Lexbase Pénal

Le 19 Décembre 2018

Le 21 novembre 2018, lors de l’examen du projet de loi de programmation et de réforme pour la justice à l’Assemblée nationale, Madame Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, a annoncé son intention de légiférer par ordonnance sur la justice des mineurs.

 

A cette occasion, le Professeur Philippe Bonfils a accepté de répondre à nos questions.

Lexbase Pénal : la ministre de la Justice vient d’annoncer dans le cadre des débats relatifs à la loi de programmation pour la Justice 2018-2022 son intention de faire habiliter le Gouvernement à adopter par ordonnance un Code de justice pénale des mineurs. Que vous inspire cette annonce ?


Ph. Bonfils : sur le fond, c'est à mon sens une très bonne idée de reprendre le projet d'un Code de la justice pénale des mineurs. L'ordonnance du 2 février 1945 n'a plus guère de 1945 que son nom. Elle a été modifiée près de cinquante fois, et cette frénésie législative a fragilisé la réponse pénale. De fait, le texte manque de clarté, notamment parce qu'à ces réformes de l'ordonnance s'ajoutent celles du droit commun (Code pénal ou plus encore Code de procédure pénale) qui s'applique dans une large mesure en droit pénal des mineurs. Enfin, au-delà des imperfections techniques de l'ordonnance de 1945, c'est parfois sa philosophie qui semble manquer de visibilité. Dans un tel contexte, marqué en outre par la constitutionnalisation du droit pénal des mineurs et la reconnaissance du caractère auto-exécutoire d'une partie de la Convention internationale des droits de l'enfant, une codification paraît éminemment souhaitable.

Mais sur la forme, je regrette le choix de procéder par ordonnance. Le droit pénal des mineurs délinquants couvre un domaine relativement réduit, et il n'est techniquement pas difficile de soumettre au Parlement une telle réforme. Le Code pénal, autrement plus volumineux, a donné lieu à une vraie codification (sauf erreur, c'est le dernier code véritablement discuté), et on devrait pouvoir procéder de la même manière pour le Code de justice pénale des mineurs. Cela me paraît d'autant plus important que la matière est sensible, et que les juristes ont souvent un attachement presque affectif à l'ordonnance de 1945. 

 


Lexbase Pénal : la Commission «Varinard» a remis son rapport en décembre 2008 et en 2009 apparaissait un avant-projet de Code de justice pénale des mineurs resté lettre morte. En 10 ans comment a évolué le droit pénal des mineurs ?


Ph. Bonfils : depuis le rapport «Varinard», de nombreuses réformes sont intervenues, dont certaines ont repris des propositions de la Commission «Varinard» (loi du 10 août 2011 notamment). Sur cette période, le droit pénal des mineurs a connu des modifications importantes, comme la création de la césure du procès pénal et du dossier unique de personnalité (loi du 10 août 2011 N° Lexbase : L9731IQH), la suppression des peines planchers (loi du 15 août 2014 N° Lexbase : L0488I4T), la suppression du tribunal correctionnel des mineurs et l'extension de la primauté de l'éducation sur la répression (loi du 18 novembre 2016 N° Lexbase : L1605LB3).

La principale proposition de la Commission «Varinard» était de réaliser un Code de justice pénal des mineurs, et deux avant-projets de Code de justice pénale des mineurs ont été rédigés par les services du ministère de la justice, en 2009, puis quelques années plus tard. Ayant été membre de la commission «Varinard», j'ai été consulté sur ces projets, et j'ai pu constater leur qualité et leur proximité. Sans doute y a-t-il déjà dans les services du ministère de la Justice un projet qui s'inscrit dans la continuité des deux précédents. 

 


Lexbase Pénal : certaines propositions de la Commission, et l’avant-projet furent assez vivement critiqués à l’époque (disparition du terme «enfants», limitation du nombre de sanctions éducatives, âge pour l’emprisonnement…), peut-on craindre une réaction similaire 10 ans plus tard ?


Ph. Bonfils : en 2008, le droit pénal des mineurs était très méconnu, même chez les juristes. Peu de gens savaient, par exemple, qu'un mineur âgé de 17 ans pouvait être condamné à la réclusion criminelle à perpétuité... Les travaux de la commission «Varinard» ont révélé au grand public et à la plupart des juristes les solutions du droit pénal des mineurs. Les critiques concernaient en définitive autant le droit positif que les propositions de réforme. 

Depuis, le droit pénal des mineurs a été médiatisé, et la matière est aujourd'hui mieux connue, et mieux enseignée. Pour autant, c'est une matière sensible, et il n'est pas impossible qu'une réforme d'ensemble suscite des réactions vives, et parfois irrationnelles.  Peut-être est-ce la raison pour laquelle la ministre de la Justice semble préférer la voie de la codification par ordonnance, en ne soumettant au Parlement qu'une loi de ratification.

 


Lexbase Pénal : sur le plan symbolique et historique, que signifierait l’abrogation de l’ordonnance de 1945 ?

 

Ph. Bonfils : c'est une bonne question, à laquelle la Commission «Varinard» avait beaucoup réfléchi. De manière schématique, il y a trois manières de procéder à une réforme d'ensemble du droit pénal des mineurs délinquants. La première consiste à réécrire totalement l'ordonnance de 1945, qui ne garderait donc de 1945 que son nom. Cette solution ne paraît pas satisfaisante, car elle est finalement assez hypocrite et ne donne pas à la matière la reconnaissance qu'elle mérite. La deuxième est d'insérer dans chacun des Codes -pénal et de procédure pénale- un nouveau titre, comprenant les dispositions spécifiques aux mineurs. Cette solution donnerait l'impression d'un recul de la spécificité du droit pénal des mineurs, et de surcroît casserait la conception systémique du droit pénal des mineurs. Reste alors la troisième solution, consistant à adopter un Code de justice pénale des mineurs, regroupant l'ensemble des dispositions de fond et de procédure. La matière peut alors être profondément renouvelée, tout en conservant et même en renforçant l'autonomie du droit pénal des mineurs.

Il suffit de consulter rapidement Légifrance pour constater qu'il existe une multitude de codes (civil, pénal, de procédure civile, mais aussi de l'environnement, des images animées et du cinéma, du blé, minier, du sport, ...) et il ne serait pas choquant qu'il existe un Code de la justice pénale des mineurs. Plus largement même, on pourrait imaginer un Code des mineurs, regroupant les dispositions relatives au mineur délinquants, mais aussi celles relatives au mineur en danger, ou au mineur victime...

L'attachement à l'ordonnance du 2 février 1945 est fort, presque affectif, et parfois même irrationnel. C'est un des premiers textes adoptés par le Gouvernement provisoire de la République Française, sous l'égide d'un professeur de droit alors ministre du Général de Gaulle, François de Menthon, et dans une perspective humaniste et de réaction aux atrocités de la guerre. L'exposé des motifs de cette ordonnance est du reste souvent cité, tant elle a marqué les esprits, et donné la philosophie originaire de ce texte. Mais, précisément parce qu'elle a été adoptée dans l'urgence, l'ordonnance de 1945 est aussi un texte qui manquait dès l'origine de clarté, et qui a nourri des débats importants sur des questions pourtant essentielles comme la responsabilité ou l'irresponsabilité pénale des mineurs. Son remplacement par un Code de justice pénale des mineurs serait une rupture importante, du moins sur un plan symbolique. Mais ce serait aussi l'occasion de reconnaître l'autonomie du droit pénal des mineurs, son évolution, et son encadrement à un niveau supralégislatif. 

 


Lexbase Pénal : comment serait encadrée cette réforme au niveaux européens et international ? La CIDE et la CESDH sont-elles à même de guider la plume du législateur ?

 

Ph. Bonfils : le droit pénal des mineurs est aujourd'hui largement encadré par des normes supra-législatives. En 2002, le Conseil constitutionnel a consacré la valeur constitutionnelle du principe d'autonomie du droit pénal des mineurs et, en 2005, la Cour de cassation a reconnu le caractère auto-exécutoire de certaines dispositions de la Convention internationale des droits de l'enfant. Dans le même temps, la Cour européenne des droits de l'Homme a rendu en droit pénal des mineurs plusieurs décisions importantes, qui sont venues encadrer la matière. 

La réforme du droit pénal des mineurs délinquants ne peut donc ignorer ces nouvelles sources de la matière. Du reste, les deux avant-projets précédents avaient accordé une large place aux apports du droit constitutionnel et du droit européen, et il est vraisemblable qu'il en ira de même de celui-ci. 

 

newsid:466732

Procédure civile

[Brèves] Pas d’application des règles de computation des délais de procédure en matière de prescription

Réf. : Cass. civ. 1, 12 décembre 2018, n° 04-10.482, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1401YQX)

Lecture: 2 min

N6827BX7

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par Aziber Seïd Algadi

Le 21 Décembre 2018

► La prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est accompli ; les règles de computation des délais de procédure prévoyant que le délai expire à la fin du jour portant le même quantième que celui du point de départ, sont sans application en matière de prescription.

 

Telle est la solution retenue par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 12 décembre 2018 (Cass. civ. 1, 12 décembre 2018, n° 17-25.697, FS-P+B+IN° Lexbase : A1401YQX ; sur le premier point, cf. en ce sens, Cass. com., 10 janvier 2006, n° 04-10.482, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3397DMR).

 

En l’espèce, le 20 décembre 2007, une société a confié à un agent immobilier le mandat de rechercher, en vue de l’achat, tous types d’appartements ou immeubles en totalité.

Par acte sous seing privé du 31 janvier 2008, les consorts Y ont consenti à une société une promesse de vente prévoyant le règlement, par l’acquéreur, d’une commission au profit de l’agent immobilier.

La société, ayant refusé de réitérer la vente par acte authentique, un arrêt du 22 mars 2012 l’a condamnée à payer aux consorts Y. une certaine somme au titre de la clause pénale.

Le 19 juin 2013, l’agent immobilier a assigné la société en paiement de la commission convenue et, subsidiairement, de dommages-intérêts.

 

Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action, après avoir énoncé qu’en application de l’article 26, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 (N° Lexbase : L9102H3I), le délai quinquennal a commencé à courir à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2008, la cour d’appel a retenu qu’aux termes des articles 641 (N° Lexbase : L6802H73) et 642 (N° Lexbase : L6803H74) du Code de procédure civile, lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai, et que tout délai expire le dernier jour à 24 heures, pour en déduire que le délai de prescription applicable en l’espèce expirait le 19 juin 2013 à 24 heures.

 

L’arrêt est cassé par la Haute juridiction qui juge qu’en statuant ainsi, alors que le délai quinquennal de prescription était expiré le 18 juin 2013 à 24 heures, la cour d’appel a violé les articles 1er, 2222, alinéa 2 (N° Lexbase : L7186IAE), 2228 (N° Lexbase : L7213IAE) et 2229 (N° Lexbase : L7214IAG) du Code civil (cf. l’Ouvrage «Procédure civile» N° Lexbase : E1265EUE et N° Lexbase : E0193EUP).

 

newsid:466827

Propriété intellectuelle

[Brèves] Conformité à la Constitution du délit de vente ou de cession irrégulière de titres d'accès à une manifestation sportive, culturelle ou commerciale ou à un spectacle vivant

Réf. : Cons. const., décision n° 2018-754 QPC, du 14 décembre 2018 (N° Lexbase : A3018YQT)

Lecture: 2 min

N6854BX7

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par Vincent Téchené

Le 21 Décembre 2018

► L'article 313-6-2 du Code pénal (N° Lexbase : L3838ISX), dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-348 du 12 mars 2012, tendant à faciliter l'organisation des manifestations sportives et culturelles (N° Lexbase : L3775ISM), relatif au délit de vente ou de cession irrégulière de titres d'accès à une manifestation sportive, culturelle ou commerciale ou à un spectacle vivant, est conforme à la Constitution. Tel est le sens d’une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 14 décembre 2018 (Cons. const., décision n° 2018-754 QPC, du 14 décembre 2018 N° Lexbase : A3018YQT).

 

Le Conseil avait été saisi d’une QPC (Cass. crim., 26 septembre 2018, n° 18-90.022, F-D N° Lexbase : A5457YET), les requérants estimant que le texte attaqué méconnaissait les principes de nécessité et de légalité des délits et des peines.

 

Pour le Conseil, en premier lieu, en instituant les dispositions contestées, le législateur a, d'une part, entendu prévenir les troubles à l'ordre public dans certaines manifestations, notamment sportives : en effet, la mise en œuvre de certaines mesures de sécurité, comme les interdictions administratives ou judiciaires d'accès à ces manifestations ou le contrôle du placement des spectateurs, qui reposent sur l'identification des personnes achetant ces titres, peut être entravée par la revente des titres d'accès.

D'autre part, le législateur a également souhaité garantir l'accès du plus grand nombre aux manifestations sportives, culturelles, commerciales et aux spectacles vivants. En effet, l'incrimination en cause doit permettre de lutter contre l'organisation d'une augmentation artificielle des prix des titres d'accès à ces manifestations et spectacles.

En deuxième lieu, la vente de titres d'accès et la facilitation de la vente ou de la cession de tels titres, ne sont prohibées que si elles s'effectuent sans l'autorisation du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation de la manifestation ou du spectacle.

En dernier lieu, il résulte des travaux parlementaires qu'en ne visant que les faits commis «de manière habituelle», le législateur n'a pas inclus dans le champ de la répression les personnes ayant, même à plusieurs reprises, mais de manière occasionnelle, vendu, cédé, exposé ou fourni les moyens en vue de la vente ou de la cession des titres d'accès à une manifestation ou à un spectacle. Il en résulte que l'infraction ne méconnaît ni le principe de nécessité des délits et des peines, ni celui de légalité des délits et des peines.

 

Par ailleurs, sur les autres griefs soulevés par les requérants, le Conseil retient que compte tenu, d'une part, des objectifs de valeur constitutionnelle et d'intérêt général et, d'autre part, de ce que le législateur a réprimé la seule revente de titres d'accès, sa facilitation et celle de la cession de tels titres, uniquement lorsqu'elles sont réalisées à titre habituel et sans l'accord préalable des organisateurs, producteurs ou propriétaires des droits d'exploitation, le législateur n'a méconnu ni la liberté d'entreprendre, ni la liberté contractuelle, ni le droit de propriété.

newsid:466854

Rel. individuelles de travail

[Brèves] Conversion des heures acquises au titre du CPF à raison de 15 euros par heure à partir du 1er janvier 2019

Réf. : Décret n° 2018-1153 du 14 décembre 2018, relatif aux modalités de conversion des heures acquises au titre du compte personnel de formation en euros (N° Lexbase : L3749LN8)

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N6852BX3

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par Blanche Chaumet

Le 19 Décembre 2018

Publié au Journal officiel du 15 décembre 2018, le décret n° 2018-1153 du 14 décembre 2018 (N° Lexbase : L3749LN8), pris pour l'application des dispositions du VIII de l'article 1er de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel (N° Lexbase : L9567LLW), précise que les heures inscrites sur le compte personnel de formation et les heures acquises au titre du droit individuel à la formation au 31 décembre 2018 sont converties en euros à raison de 15 euros par heure.

 

Pour rappel, jusqu’au 1er janvier 2019, date d’entrée en vigueur de la réforme, l'alimentation du compte se fait à hauteur de vingt-quatre heures par année de travail à temps complet jusqu'à l'acquisition d'un crédit de cent vingt heures, puis de douze heures par année de travail à temps complet, dans la limite d'un plafond total de cent cinquante heures (C. trav., art. L. 6323-11 N° Lexbase : L6395IZU).

 

Le décret entre en vigueur le 1er janvier 2019 (sur La mobilisation du compte personnel de formation, cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E4276E7I).
 

newsid:466852

Responsabilité

[Brèves] Indemnisation des victimes de prostitution forcée : quid du préjudice d’avilissement ?

Réf. : Cass. civ. 2, 13 décembre 2018, deux arrêts, n° 17-28.216 (N° Lexbase : A1635YQM) et n° 18-10.276 (N° Lexbase : A1634YQL), F-P+B+I

Lecture: 1 min

N6830BXA

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par June Perot

Le 19 Décembre 2018

► Le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées ou dans le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent, il ne peut être indemnisé séparément quelle que soit l’origine de ces souffrances ; tel est le cas du préjudice d’avilissement.

 

Ainsi statue la deuxième chambre civile de la Cour de cassation par deux arrêts du 13 décembre 2018 (Cass. civ. 2, 13 décembre 2018, deux arrêts, n° 17-28.216 N° Lexbase : A1635YQM et n° 18-10.276 N° Lexbase : A1634YQL, F-P+B+I ; à rapprocher de : Cass. civ. 2, 5 février 2015, n° 14-10.097, F-P+B N° Lexbase : A2429NBL).

 

Au cas de l’espèce, un tribunal correctionnel avait reconnu deux personnes victimes de faits de prostitution forcée et de traite d’êtres humains et leur a alloué diverses sommes en réparation de leurs préjudices et, respectivement, 50 000 et 35 000 euros au titre d’un préjudice d’avilissement. Les victimes ont saisi une commission d’indemnisation des victimes d’infractions. En cause d’appel, les victimes ont été déboutées de leurs demandes d’indemnisation formées au titre du préjudice exceptionnel d’avilissement au motif que ce préjudice moral était inclus dans le poste des souffrances endurées. Des pourvois ont été formés dans les deux affaires.

 

Enonçant la solution susvisée, la Haute juridiction les rejette. Elle énonce en effet qu’en ayant, pour le réparer, inclus dans le poste des souffrances endurées et, après consolidation, dans celui du déficit fonctionnel permanent, le préjudice qualifié d’avilissement de victimes de faits de prostitution forcée et de traite d’êtres humains, dont elle a relevé qu’il était lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés, c’est sans méconnaître le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime que la cour d’appel, qui a ainsi exclu l’existence d’un préjudice permanent exceptionnel ou spécifique, a écarté la demande des victimes tendant à le voir réparer séparément (cf. l’Ouvrage «Responsabilité civile», Le préjudice moral de la victime directe N° Lexbase : E7677EQE).

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Urbanisme

[Textes] Les dispositions relatives au droit de l’urbanisme relative à la loi «ELAN» : morceaux choisis (seconde partie)

Réf. : Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (N° Lexbase : L8700LM8)

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N6864BXI

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par Arnaud Le Gall, Maître de conférences à l'Université de Caen et directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de l'urbanisme"

Le 19 Décembre 2018

Suite de l’inventaire de la loi «ELAN» (voir la première partie N° Lexbase : N6749BXA) : avec ce que cela comporte d’un peu artificiel, on regroupera ces nouveautés autour de deux thèmes, à savoir les documents d’urbanisme (I) et les procédures (II).

I - Les dispositions relatives aux documents d’urbanisme

 

La situation des POS a fait l’objet de dispositions spécifiques pour solder cette question. La loi a également modifié les rapports entre les documents d’urbanisme.

 

A - L’annulation des POS

 

Le plan d’occupation des sols, institué en 1967, constitue un document de planification locale de l’espace, pour tout ou partie du territoire d’une commune ou d’un ensemble de communes et un outil juridique réglementant l’usage des sols. Selon le dispositif voulu par la loi «SRU» (loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains N° Lexbase : L9087ARY), le POS était appelé à disparaître progressivement pour être remplacé par le plan local d’urbanisme (PLU). La loi «ALUR» (loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, pour l'accès au logement et un urbanisme rénové N° Lexbase : L8342IZY) a organisé la caducité des POS qui n’auront pas été mis en forme de PLU. Lorsque le POS n’a pas été transformé en PLU, la caducité du document est intervenue au 31 décembre 2015, au 27 mars 2017 lorsqu’il a été transformé en PLU communal et au 1er janvier 2020 en cas d’élaboration d’un PLU intercommunal.

 

Au 25 septembre 2017, on dénombrait 51 communes couvertes par un POS à la suite de l’annulation d’un PLU. Le législateur a voulu parer au risque juridique que ces POS remis en vigueur conduisent à autoriser certaines occupations du sol prohibées par la réglementation actuelle ou contraires aux objectifs des politiques publiques.

 

Dans sa rédaction issue de la loi du 13 octobre 2014, l’article L. 174-6 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L2708KI7) prévoyait de remettre en vigueur des plans d’occupation des sols, sans limite dans le temps, en cas d’annulation ou de déclaration d’illégalité d’un PLU. La loi ELAN fixe désormais une limite de temps dans cette hypothèse. Le nouvel article L. 174-6 dispose :

 

«Le plan d'occupation des sols immédiatement antérieur redevient applicable pour une durée de vingt-quatre mois à compter de la date de cette annulation ou de cette déclaration d'illégalité. Il ne peut durant cette période faire l'objet d'aucune procédure d'évolution. A défaut de plan local d'urbanisme ou de carte communale exécutoire à l'issue de cette période, le règlement national d'urbanisme s'applique sur le territoire communal».

 

Le projet de loi prévoyait initialement une remise en vigueur pendant une période d’un an de façon à contraindre les collectivités à réviser leur document d’urbanisme. Le Gouvernement a toutefois été sensible aux arguments de l’Assemblée nationale, certains députés ayant souligné le caractère irréaliste de ce délai. Celui-ci a donc été porté à 18 mois puis à 24 mois à l’initiative du Sénat, durée qui a été avalisée par la commission mixte paritaire.

 

B - La hiérarchie entre documents d’urbanisme

 

La loi habilite le gouvernement à prendre, par voie d’ordonnances, les mesures nécessaires afin de simplifier la hiérarchie des normes applicables aux documents d’urbanisme, d’instaurer un lien d’opposabilité unique et d’unifier les délais de mise en compatibilité. Cette unification, complétée par la réduction du nombre de documents opposables, vise à mettre fin à l’instabilité chronique des documents d’urbanisme et à améliorer la qualité de leur contenu. Cette opération s’articule autour du rôle des SCOT qui sont au centre de la pyramide des documents d’urbanisme.

 

Ce document de planification stratégique crée par la loi «SRU» confie aux collectivités locales la cohérence des politiques d’aménagement du territoire sur de larges bassins de vie. La loi «ALUR» a confirmé le caractère intégrateur du SCOT puisqu’il suffit qu’un document local d’urbanisme soit compatible avec le SCOT pour qu’il soit réputé compatible avec les autres normes supérieures auxquels celui-ci doit se référer. C’est ainsi, par exemple, qu’un PLU déclaré compatible avec un SCOT est également compatible avec la loi «littoral» (loi n° 86-2 du 3 janvier 1986, relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral  N° Lexbase : L7941AG9) ou avec la charte d’un parc naturel régional dès lors que le SCOT doit être lui-même en rapport de compatibilité avec ces normes. La notion de compatibilité implique que les dispositions d’un document compatible ne doivent pas faire obstacle à l’application d’un texte de rang supérieur.

 

Toutefois, le schéma actuel repose également, partiellement, sur un autre lien qui est celui de «prise en compte» et qui s’applique, par exemple entre le SCOT intégrateur et la charte de pays ou le schéma régional des carrières. La notion de «prise en compte» implique qu’une disposition d’un document qui serait contraire à un document supérieur doit être motivée.

 

L’article 46 de la loi «ELAN» prévoit donc la mise en œuvre d’un processus d’unification et de rationalisation. Le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi, toute mesure propre à limiter et simplifier à compter du 1er avril 2021 les obligations de compatibilité et de prise en compte pour les documents d'urbanisme, notamment :

 

«1° En réduisant le nombre des documents opposables aux schémas de cohérence territoriale, aux plans locaux d'urbanisme et aux documents d'urbanisme en tenant lieu, ainsi qu'aux cartes communales. Les chartes des parcs naturels régionaux prévus à l'article L. 333-1 du Code de l'environnement ne sont pas comprises dans cette réduction ; 2° En prévoyant les conditions et modalités de cette opposabilité, notamment en supprimant le lien de prise en compte au profit de la seule compatibilité ; […] 5° En prévoyant que seuls le projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme ainsi que les orientations d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme qui concernent l'ensemble du territoire couvert par ledit plan doivent être compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale».

 

De même, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans le même délai de 18 mois, toute mesure de nature législative propre à adapter à compter du 1er avril 2021 l'objet, le périmètre et le contenu du schéma de cohérence territoriale, afin de tirer les conséquences de la création du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires prévu à l'article L. 4251-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L6234K9R) et du transfert de la compétence en matière de plan local d'urbanisme aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

 

Le projet de loi de ratification de ces ordonnances devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chacune des ordonnances.

 

Au-delà du caractère souhaitable de certaines rationalisations, on ne peut que relayer l’inquiétude de certains élus vis-à-vis de cette habilitation. L’esprit de la loi étant clairement axée sur une volonté de construire à tous crins, on peut craindre que ces ordonnances n’aient pour effet de ne poursuivre qu’un objectif de rentabilité financière.

 

II - Les dispositions relatives aux procédures

 

La loi «ELAN» apporte des modifications dans le déroulement des procédures d’instruction ainsi que dans le contentieux de l’urbanisme.

 

A - La simplification des procédures d’instruction

 

Cette simplification vise, notamment, l’intervention de l’architecte des bâtiments de France et les dossiers de demande de permis de construire. Les modalités d’intervention de l’Architecte des bâtiments de France (ABF) sont modifiées. Les ABF émettent un avis de nature différente selon le type d’espace protégé et selon le type d’autorisation d’urbanisme : dans le cas d’un avis simple, l’autorité qui délivre l’autorisation peut passer outre l’avis de l’ABF ; dans le cas d’un avis conforme, l’autorité qui délivre l’autorisation doit obligatoirement suivre l’avis de l’ABF ; dans le cas d’un avis consultatif, hors secteur protégé, l’autorité qui délivre l’autorisation peut demander un avis à l’ABF au titre de son expertise.

 

La loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, relative à la liberté de création, de l’architecture et du patrimoine (N° Lexbase : L2315K9M), dite loi «LCAP» a uniformisé le régime juridique des avis rendus par l’ABF dans les sites patrimoniaux remarquables et les périmètres de protection des monuments historiques. Sont soumis à autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l’aspect extérieur d’un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords d’un monument historique ainsi que les travaux susceptibles de modifier l’état des parties extérieures des immeubles bâtis, l’état des immeubles non bâtis et les éléments d’architecture et de décoration, dans les sites patrimoniaux remarquables. Le silence de l’ABF pendant deux mois vaut accord. En cas de désaccord avec ce dernier, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation transmet le dossier accompagné de son projet de décision au préfet de région, qui statue après avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture. Au-delà de deux mois, le silence du préfet vaut rejet du projet de décision, et donc, confirmation de l’avis de l’ABF.

 

L’article L. 632-2 du Code du patrimoine (N° Lexbase : L6410LCE) est partiellement réécrit. L’ABF intervient toujours dans le cadre des travaux réalisés dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, ainsi que lorsque des travaux sont réalisés sur un immeuble dont les éléments sont protégés par un plan de sauvegarde et de mise en valeur. L'autorisation demeure subordonnée à l'accord de l'ABF, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. Ce dernier doit s'assurer du respect de l'intérêt public attaché au patrimoine, à l'architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant. Il s'assure, le cas échéant, du respect des règles du plan de sauvegarde et de mise en valeur ou du plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine. Tout avis défavorable de l'Architecte des Bâtiments de France rendu dans le cadre de la procédure prévue au présent alinéa comporte une mention informative sur les possibilités de recours à son encontre et sur les modalités de ce recours.

 

L’articulation avec les actes et les autres autorités se présente ainsi :

 

«Le permis de construire, le permis de démolir, le permis d'aménager, l'absence d'opposition à déclaration préalable, l'autorisation environnementale prévue à l'article L. 181-1 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L6289LCW) ou l'autorisation prévue au titre des sites classés en application de l'article L. 341-10 du même code (N° Lexbase : L7990K9S) tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 632-1 du présent code si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, dans les conditions prévues au premier alinéa du présent I.

 

En cas de silence de l'architecte des Bâtiments de France, cet accord est réputé donné.

 

L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation peut proposer un projet de décision à l'Architecte des Bâtiments de France. Celui-ci émet un avis consultatif sur le projet de décision et peut proposer des modifications, le cas échéant après étude conjointe du dossier.

 

L'autorisation délivrée énonce, le cas échéant, les prescriptions motivées auxquelles le demandeur doit se conformer.

 

II. – En cas de désaccord avec l'Architecte des Bâtiments de France, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation transmet le dossier accompagné de son projet de décision à l'autorité administrative, qui statue après avis de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture. En cas de silence, l'autorité administrative est réputée avoir approuvé ce projet de décision. La décision explicite de l'autorité administrative est mise à la disposition du public. En cas de décision tacite, l'autorisation délivrée par l'autorité compétente en fait mention».

 

En revanche, la loi «ELAN» a remplacé l’avis conforme de l’ABF par un avis simple dans quatre hypothèses : l’implantation des antennes relais de radiotéléphonie mobile ou de diffusion du très haut débit par voie hertzienne et leurs systèmes d'accroche ainsi que leurs locaux et installations techniques ; les opérations relatives aux bidonvilles ; les mesures prescrites pour les immeubles à usage d'habitation déclarés insalubres à titre irrémédiable ;  les mesures prescrites pour des immeubles à usage d'habitation menaçant ruine ayant fait l'objet d'un arrêté de péril et assorti d'une ordonnance de démolition ou d'interdiction définitive d'habiter.

 

Toujours dans le cadre de cette simplification, l’article L. 423-1 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L2580K9G) relatif aux demandes de permis de construire est complété ainsi :

 

«Le dossier joint à ces demandes et déclarations ne peut comprendre que les pièces nécessaires à la vérification du respect du droit de l'Union européenne, des règles relatives à l'utilisation des sols et à l'implantation, à la destination, à la nature, à l'architecture, aux dimensions et à l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords ainsi que des dispositions relatives à la salubrité ou à la sécurité publique ou relevant d'une autre législation […]».

 

L’article R. 431-4 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L4931I87) prévoit, d’ores et déjà, qu’aucune autre information ou pièce que celles énumérées aux articles R. 431-5 (N° Lexbase : L7207LCW) et suivants ne peut être exigée par l’autorité compétente lors de l’examen d’une demande de permis de construire. Or, cette disposition n’est pas toujours respectée en pratique, les demandes de pièces complémentaires non prévues par le Code de l’urbanisme s’accompagnant parfois d’exigences spécifiques supplémentaires à celles des documents d’urbanisme. Le texte étend donc les termes de l’article R. 431-4 aux demandes de permis d’aménager et de démolir et aux déclarations préalables et lui donne une valeur légale. 

 

B - Les dispositions relatives au contentieux de l’urbanisme

 

La loi «ELAN» a modifié plusieurs des dispositions du livre VI du Code de l’urbanisme et quelques autres qui leur sont liées, étant précisé que ces dispositions ne rentreront en vigueur qu’à compter du 1er janvier prochain.

 

Inventaire des lieux 

 

- L’article L. 421-9 prévoit que, lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d'opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme. Cette règle ne s’applique cependant pas lorsque la construction a été réalisée sans permis de construire. La nouvelle rédaction précise les contours de cette situation : la règle ne s’applique pas lorsqu’aucun permis de construire n’a été obtenu alors qu’il était nécessaire.

 

- La future rédaction de l’article L. 442-14 précise : «L'annulation, totale ou partielle, ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale pour un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au lotissement ne fait pas obstacle, pour l'application du présent article, au maintien de l'application des règles au vu desquelles le permis d'aménager a été accordé ou la décision de non-opposition a été prise». La répercussion de l’illégalité du document d’urbanisme sur les permis d’aménager est ainsi limitée.

 

Dans le même objectif de sécurisation, le nouvel article L. 600-12-1 prévoit que l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale sont par, elles-mêmes, sans incidence sur les décisions relatives à l'utilisation du sol ou à l'occupation des sols régies par le présent code délivrées antérieurement à leur prononcé. Cette absence de conséquences est soumise à la condition que ces annulations ou déclarations d'illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet.  Cette restriction des effets d’une annulation ne sera pas applicable aux décisions de refus de permis ou d'opposition à déclaration préalable, pour lesquelles l'annulation ou l'illégalité du document d'urbanisme leur ayant servi de fondement entraînera l'annulation de ladite décision.

 

- La future rédaction de l’article L. 480-13 reconnaît au préfet un droit spécifique pour demander la démolition d’une construction sur l’ensemble du territoire, même en dehors des zones protégées, dès lors que le permis a été annulé sur déféré préfectoral.

 

- La modification de l’article L. 600-1-1 (N° Lexbase : L1047HPH) entend lutter contre les associations opportunistes qui ne sont créées que dans le but de faire obstacle à un projet : une association ne sera recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu, désormais, au moins un an à l'affichage en mairie.

 

- Le champ d’application de l’article L. 600-1-2 (N° Lexbase : L4348IXC), qui restreint de manière significative l’intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est désormais étendu à l’ensemble des autorisations de construire prévue par le Code de l’urbanisme. Le terme de «travaux» est remplacé par l’expression «projet autorisé» afin de clarifier le texte qui ne visait pas les travaux en tant que processus de construction mais bel et bien la réalisation finale.

 

- Selon le nouvel article L. 600-3, un recours dirigé contre une décision de non-opposition à déclaration préalable ou contre un permis de construire, d'aménager ou de démolir ne peut être assorti d'une requête en référé suspension que jusqu'à l'expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort. La condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3057ALS) est également présumée satisfaite, confirmant ainsi la jurisprudence (CE, 27 juillet 2001, n° 231991, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1251AWA, p. 1115). Cette nouvelle restriction vise à interdire les suspensions tardives.

 

- La nouvelle rédaction de l’article L 600-5, qui permet la régularisation partielle d’un permis, et de L. 600-5-1, qui permet au juge d’inviter à la régularisation d’un permis illégal par un permis modificatif, étend ces possibilités aux décisions de non-opposition à déclaration préalable. Elle contraint, en outre, le juge à motiver le refus de faire droit à une demande d'annulation partielle dans le cas de l’article L. 600-5 et le refus de faire droit à une demande de sursis à statuer dans le cas de l’article L. 600-5-1.

 

- Afin d’éviter les recours en cascade, qui prolongent l’incertitude pour le bénéficiaire de l’autorisation, un nouvel article L. 600-5-2 prévoit que lorsqu’un permis modificatif ou de régularisation a été délivré au cours de l’instance contre le permis initial et est communiqué aux parties, il ne peut être contesté que dans le cadre de cette instance. En l’absence de précisions, on ne peut que supposer que le recours est enfermé dans le délai de droit commun et que celui-ci ne peut être réduit par le déroulement de l’instruction. Il appartiendra donc au juge de vérifier le respect de ce délai en adaptant la chronologie de l’instruction.

 

- Le champ d’application de la demande visant à condamner l’auteur d’un recours abusif prévue par l’article L. 600-7 est étendu. La prise en compte de la défense des intérêts légitimes disparaît au profit d’une rédaction qui vise à sanctionner la mise en œuvre d’un recours dans des conditions qui «traduisent un comportement abusif de la part» de la part du requérant. Cette nouvelle rédaction traduit un certain éloignement du langage juridique et ne manquera certainement pas de susciter des demandes en ce sens, d’autant que l’exigence du caractère excessif du préjudice disparaît. Tout préjudice peut désormais être indemnisé dans le cadre de cette demande.

 

- Le champ d’application de la transaction est modifié. Les transactions pourront être conclues en l’absence de recours contentieux effectif et le requérant potentiel pourra donc s’engager à ne pas former de recours. Elles devront également être enregistrées dans le délai d’un mois prévu à l’article 635 du CGI (N° Lexbase : L0907I7Q). En outre, les transactions conclues avec des associations ne pourront avoir pour contrepartie le versement d’une somme d’argent, sauf lorsqu’elles agissent pour la défense de leurs intérêts matériels propres.

 

Pour conclure cet inventaire, on relèvera que la nouvelle rédaction de l’article L. 600-13 prévoit désormais de manière explicite que les règles spécifiques du contentieux de l’urbanisme sont applicables aux permis valant autorisation au titre d’une autre législation, sauf lorsque celles-ci l’excluent ouvertement.

 

La loi «ELAN» présente une cohérence de fond qui vise très clairement à donner la priorité à la construction. Or, le territoire national n’est pas indéfiniment extensible et les atteintes aux zones sensibles et aux paysages peuvent facilement être irrémédiables. Cette obsession de la rentabilité ne fait que traduire l’idée que la terre est un bien comme un autre qui doit être géré avant tout sur la base de considérations purement économiques. Les effets, qui se constateront de manière progressive dans le temps, joints à la restriction de l’accès au juge, qu’on a précédemment souligné, risquent fort d’alimenter le mécontentement de ceux qui seront les victimes de ces évolutions.

 

 

 

 

 

 

 

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