La lettre juridique n°697 du 4 mai 2017

La lettre juridique - Édition n°697

Avocats

[Jurisprudence] Départ protestataire de l'avocat devant la cour d'assises

Réf. : Cass. crim., 29 mars 2017, n° 15-86.300, F-P+B (N° Lexbase : A0856UTU)

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par Guillaume Royer, Maître de conférences à Sciences-Po Paris (Campus franco-allemand de Nancy), Avocat au barreau de Nancy

Le 04 Mai 2017

Quel avocat pénaliste n'a jamais eu envie de plier la robe et de quitter la salle d'audience ? Refusant de prêter son concours à ce qu'il a pu estimer -à juste ou mauvais titre- être une parodie de justice, la tentation est parfois grande de ranger la robe au fond du sac... Mais cette stratégie est-elle bénéfique pour le client qui, pour sa part, restera dans la salle d'audience sous escorte ? C'est à ce cas de figure qu'était confrontée la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt en date du 29 mars 2017. En l'occurrence, la cour d'assises du Pas-de-Calais était saisie d'une célèbre affaire de vol à main armée commis en bande organisée. Au cours des débats, la présidente de la cour d'assises a accepté que les avocats de la défense puissent accéder à l'intégralité des interceptions téléphoniques et sonorisations, ce qui semble leur avoir été refusé jusqu'alors. Une fois en possession d'une dizaine de CD-ROM, les avocats de la défense ont constaté que la totalité des interceptions et sonorisations représentaient une centaine d'heures d'enregistrement. Ils ont donc sollicité un renvoi afin de pouvoir les décortiquer. Leur demande a, cependant, été refusée par un arrêt incident, ce qui a provoqué un véritable courroux et le départ des avocats qui ont quitté l'audience. A la suite de ce départ, le président de la cour d'assises a commis d'office un nouvel avocat qui a refusé sa mission et a également quitté le prétoire sans que ses motifs d'excuse n'aient été acceptés par la juridiction. Les débats se sont alors poursuivis, sans que l'accusé ne soit assisté par un avocat, choisi ou commis d'office. Un peu plus tard dans la journée, le Bâtonnier de l'Ordre des avocats s'est présenté à la porte de la salle d'audience et a remis à l'huissier -audiencier des conclusions émanant des avocats choisis par les accusés et des avocats commis d'office intitulé "Conclusions aux fins de donner acte".

Par un nouvel arrêt incident, la cour d'assises du Pas-de-Calais a déclaré irrecevables ces conclusions de donner acte en relevant qu'elles émanaient d'avocats n'assurant plus la défense de la personne accusée. Le surlendemain, les avocats choisis ont finalement décidé de revenir à l'audience et, par un arrêt en date du 7 octobre 2016, la cour d'assises du Pas de Calais a condamné l'accusé à une peine de dix-neuf ans de réclusion criminelle, ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.

L'accusé a formé un pourvoi en cassation, articulé autour de plusieurs moyens. L'un soulevait la violation des droits de la défense en ce que l'accusé avait été privé de la défense d'un conseil à la suite du départ des avocats choisis et du refus des avocats commis d'office. L'autre critiquait l'arrêt en ce qu'il a déclaré irrecevables les conclusions de donner acte litigieuses, déposées postérieurement au départ protestataire des avocats.

Mais aucun de ces moyens n'a été retenu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui considère que le demandeur ne saurait faire grief à la cour d'assises d'avoir poursuivi les débats en l'absence de tout défenseur dès lors que cette absence n'est pas le fait de la cour, du président ou du ministère. L'avocat commis d'office par le président étant absent en raison de sa protestation et n'ayant pas été déchargé de sa mission, il n'y avait pas lieu à désignation d'un autre avocat commis (I). Et partant, dès lors que seules sont recevables les conclusions émanant d'un avocat qui assiste une partie au procès, la cour, ayant constaté que les signataires avaient quitté le procès et n'assuraient donc plus la défense de l'accusé, a fait une exacte application de l'article 315 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3712AZI) (II).

I - Limites à la désignation d'un avocat commis d'office

La procédure menée devant la cour d'assises est gouvernée par un principe simple : la désignation de l'avocat est obligatoire. En effet, l'article 317 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3715AZM) prévoit qu'"à l'audience, la présence d'un défenseur auprès de l'accusé est obligatoire" et précise, au besoin que "si le défenseur choisi ou désigné conformément à l'article 274 (N° Lexbase : L3663AZP) ne se présente pas, le président en commet un d'office". La désignation de l'avocat commis d'office, en cas de défaillance de l'avocat choisi, vise donc à rapprocher deux objectifs difficilement conciliables : le principe de continuité du cours de la justice et le droit à l'assistance de l'avocat. Aussi, la Chambre criminelle de la Cour de cassation admet une certaine liberté pour le président de la cour d'assises dans la désignation de l'avocat commis d'office. Le président peut même désigner d'office l'avocat qui a indiqué ne pas pouvoir défendre l'accusé du fait de son absence de confiance (1), l'avocat récusé par l'accusé et qui a déclaré de ce fait ne plus pouvoir continuer à assurer sa défense (2) ou l'avocat initialement désigné pour défendre l'accusé, mais qui avait été remplacé par un autre avocat choisi, qui n'a pu être présent à l'audience (3).

Mais la mission du président de la cour d'assises ne va pas au-delà. En effet, il est acquis en jurisprudence que l'absence de l'avocat commis d'office au soutien des intérêts de l'accusé n'est une cause de nullité que si elle résulte du fait de la juridiction ou du ministère public (4). C'est donc vainement que le moyen du pourvoi invitait la Chambre criminelle de la Cour de cassation à dépasser sa jurisprudence actuelle en consacrant le principe selon lequel "il incombe [rait] aux autorités judiciaires d'assurer à l'accusé la jouissance effective des droits de la défense, au besoin en commettant d'office un nouvel avocat". L'arrêt commenté rappelle cette règle en exposant que "le demandeur ne saurait faire grief à la cour d'assises d'avoir poursuivi les débats en l'absence de tout défenseur" et qu'"en effet l'absence d'un avocat de l'accusé pendant tout ou partie des débats ne constitue un motif de nullité qu'autant qu'elle est le fait de la cour, du président ou du ministère public". Or, tel n'était pas le cas en l'espèce puisque l'accusé était privé de conseil en raison du départ volontaire des avocats désignés et de l'absence de motif légitime invoqué par les avocats commis d'office.

II - Irrecevabilité des conclusions de l'avocat défaillant

Et force est de constater que le départ protestataire des avocats choisis et des avocats commis d'office était de nature à affecter la défense de l'accusé. Rappelons que l'audience était particulièrement houleuse. En effet, il résulte du procès-verbal des débats que, pour protester contre l'arrêt incident rejetant la demande de renvoi du procès aux fins de prendre connaissance du contenu des cédéroms, les avocats du demandeur au pourvoi et de son co-accusé ont décidé de quitter le procès, ce qui a conduit le président de la cour d'assises à désigner d'office de nouveaux avocats pour assurer la défense des accusés, lesquels ont à leur tour refusé leur mission et ont également quitté le prétoire, bien que leurs motifs d'excuse n'aient pas été acceptés. Les débats se sont alors poursuivis et le Bâtonnier de l'Ordre des avocats s'est présenté à la porte de la salle d'audience et a remis à l'huissier-audiencier des conclusions émanant des avocats choisis par les accusés et des avocats commis d'office. Voilà pour mesurer l'ambiance... Ces conclusions ont été déclarées irrecevables par un arrêt incident qui a retenu que seules sont recevables les conclusions émanant d'un avocat qui assiste une partie au procès, la cour ayant constaté que les signataires avaient quitté le procès et n'assuraient donc plus la défense de l'accusé.

Or, bien que la jurisprudence soit relativement peu formaliste quant au dépôt des conclusions en incident devant la cour d'assises, lesquelles peuvent même être présentées oralement (5), il n'en demeure pas moins que l'article 315 du Code de procédure pénale dispose que "l'accusé, la partie civile et leurs avocats peuvent déposer des conclusions sur lesquelles la cour est tenue de statuer". En d'autres termes, pour déposer des conclusions devant la cour d'assises, il faut notamment être "l'avocat de l'accusé" au sens de l'article 315 du Code de procédure pénale. Par conséquent, le départ protestataire des avocats avait une conséquence importante sur le sort des conclusions sur incident qu'ils ont pu déposer par l'intermédiaire du Bâtonnier de l'Ordre des avocats.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation considère que les avocats n'assuraient plus la défense de l'accusé et que, par conséquent, ils ne pouvaient plus déposer de conclusions d'incident en application de l'article 315 du Code de procédure pénale.

En définitive, l'arrêt rendu par la Cour de cassation amène à une réflexion sur la stratégie de la colère. En effet, la protestation de l'avocat devant la cour d'assises doit être soigneusement organisée. Ne dit-on pas que la colère est mauvaise conseillère ? Au risque de voir des conclusions en incident -bien que pertinentes sur le fond- déclarées irrecevables, il appartiendra à l'avocat de déposer ses conclusions dans un premier temps et de protester ensuite...


(1) Cass. crim., 19 février 1986, n° 85-93.429 (N° Lexbase : A3621AAD), Bull. crim., n° 68 ; Cass. crim., 6 septembre 2006, n° 06-80.034, F-D (N° Lexbase : A3256WB9).
(2) Cass. crim., 23 novembre 1994, n° 94-81.219 (N° Lexbase : A7665CIQ), Bull. crim., n° 374.
(3) Cass. crim., 31 mars 2005, n° 04-83.037, F-P+F (N° Lexbase : A1842DI3), Bull. crim., n° 114.
(4) Cass. crim., 13 février 2008, n° 07-83.168, F-D (N° Lexbase : A3258WBB).
(5) Cass. crim., 24 mai 1913, Bull. crim., n° 251 ; Cass. crim., 23 mars 1950, Bull. crim., n° 108 et, en dernier lieu, Cass. crim., 28 mai 2015, n° 14-82.559, FS-P+B (N° Lexbase : A8171NIH), Bull. crim., n° 130.

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[Jurisprudence] Départ protestataire de l'avocat devant la cour d'assises

Réf. : Cass. crim., 29 mars 2017, n° 15-86.300, F-P+B (N° Lexbase : A0856UTU)

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Le 04 Mai 2017

Quel avocat pénaliste n'a jamais eu envie de plier la robe et de quitter la salle d'audience ? Refusant de prêter son concours à ce qu'il a pu estimer -à juste ou mauvais titre- être une parodie de justice, la tentation est parfois grande de ranger la robe au fond du sac... Mais cette stratégie est-elle bénéfique pour le client qui, pour sa part, restera dans la salle d'audience sous escorte ? C'est à ce cas de figure qu'était confrontée la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt en date du 29 mars 2017. En l'occurrence, la cour d'assises du Pas-de-Calais était saisie d'une célèbre affaire de vol à main armée commis en bande organisée. Au cours des débats, la présidente de la cour d'assises a accepté que les avocats de la défense puissent accéder à l'intégralité des interceptions téléphoniques et sonorisations, ce qui semble leur avoir été refusé jusqu'alors. Une fois en possession d'une dizaine de CD-ROM, les avocats de la défense ont constaté que la totalité des interceptions et sonorisations représentaient une centaine d'heures d'enregistrement. Ils ont donc sollicité un renvoi afin de pouvoir les décortiquer. Leur demande a, cependant, été refusée par un arrêt incident, ce qui a provoqué un véritable courroux et le départ des avocats qui ont quitté l'audience. A la suite de ce départ, le président de la cour d'assises a commis d'office un nouvel avocat qui a refusé sa mission et a également quitté le prétoire sans que ses motifs d'excuse n'aient été acceptés par la juridiction. Les débats se sont alors poursuivis, sans que l'accusé ne soit assisté par un avocat, choisi ou commis d'office. Un peu plus tard dans la journée, le Bâtonnier de l'Ordre des avocats s'est présenté à la porte de la salle d'audience et a remis à l'huissier -audiencier des conclusions émanant des avocats choisis par les accusés et des avocats commis d'office intitulé "Conclusions aux fins de donner acte".

Par un nouvel arrêt incident, la cour d'assises du Pas-de-Calais a déclaré irrecevables ces conclusions de donner acte en relevant qu'elles émanaient d'avocats n'assurant plus la défense de la personne accusée. Le surlendemain, les avocats choisis ont finalement décidé de revenir à l'audience et, par un arrêt en date du 7 octobre 2016, la cour d'assises du Pas de Calais a condamné l'accusé à une peine de dix-neuf ans de réclusion criminelle, ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.

L'accusé a formé un pourvoi en cassation, articulé autour de plusieurs moyens. L'un soulevait la violation des droits de la défense en ce que l'accusé avait été privé de la défense d'un conseil à la suite du départ des avocats choisis et du refus des avocats commis d'office. L'autre critiquait l'arrêt en ce qu'il a déclaré irrecevables les conclusions de donner acte litigieuses, déposées postérieurement au départ protestataire des avocats.

Mais aucun de ces moyens n'a été retenu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui considère que le demandeur ne saurait faire grief à la cour d'assises d'avoir poursuivi les débats en l'absence de tout défenseur dès lors que cette absence n'est pas le fait de la cour, du président ou du ministère. L'avocat commis d'office par le président étant absent en raison de sa protestation et n'ayant pas été déchargé de sa mission, il n'y avait pas lieu à désignation d'un autre avocat commis (I). Et partant, dès lors que seules sont recevables les conclusions émanant d'un avocat qui assiste une partie au procès, la cour, ayant constaté que les signataires avaient quitté le procès et n'assuraient donc plus la défense de l'accusé, a fait une exacte application de l'article 315 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3712AZI) (II).

I - Limites à la désignation d'un avocat commis d'office

La procédure menée devant la cour d'assises est gouvernée par un principe simple : la désignation de l'avocat est obligatoire. En effet, l'article 317 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3715AZM) prévoit qu'"à l'audience, la présence d'un défenseur auprès de l'accusé est obligatoire" et précise, au besoin que "si le défenseur choisi ou désigné conformément à l'article 274 (N° Lexbase : L3663AZP) ne se présente pas, le président en commet un d'office". La désignation de l'avocat commis d'office, en cas de défaillance de l'avocat choisi, vise donc à rapprocher deux objectifs difficilement conciliables : le principe de continuité du cours de la justice et le droit à l'assistance de l'avocat. Aussi, la Chambre criminelle de la Cour de cassation admet une certaine liberté pour le président de la cour d'assises dans la désignation de l'avocat commis d'office. Le président peut même désigner d'office l'avocat qui a indiqué ne pas pouvoir défendre l'accusé du fait de son absence de confiance (1), l'avocat récusé par l'accusé et qui a déclaré de ce fait ne plus pouvoir continuer à assurer sa défense (2) ou l'avocat initialement désigné pour défendre l'accusé, mais qui avait été remplacé par un autre avocat choisi, qui n'a pu être présent à l'audience (3).

Mais la mission du président de la cour d'assises ne va pas au-delà. En effet, il est acquis en jurisprudence que l'absence de l'avocat commis d'office au soutien des intérêts de l'accusé n'est une cause de nullité que si elle résulte du fait de la juridiction ou du ministère public (4). C'est donc vainement que le moyen du pourvoi invitait la Chambre criminelle de la Cour de cassation à dépasser sa jurisprudence actuelle en consacrant le principe selon lequel "il incombe [rait] aux autorités judiciaires d'assurer à l'accusé la jouissance effective des droits de la défense, au besoin en commettant d'office un nouvel avocat". L'arrêt commenté rappelle cette règle en exposant que "le demandeur ne saurait faire grief à la cour d'assises d'avoir poursuivi les débats en l'absence de tout défenseur" et qu'"en effet l'absence d'un avocat de l'accusé pendant tout ou partie des débats ne constitue un motif de nullité qu'autant qu'elle est le fait de la cour, du président ou du ministère public". Or, tel n'était pas le cas en l'espèce puisque l'accusé était privé de conseil en raison du départ volontaire des avocats désignés et de l'absence de motif légitime invoqué par les avocats commis d'office.

II - Irrecevabilité des conclusions de l'avocat défaillant

Et force est de constater que le départ protestataire des avocats choisis et des avocats commis d'office était de nature à affecter la défense de l'accusé. Rappelons que l'audience était particulièrement houleuse. En effet, il résulte du procès-verbal des débats que, pour protester contre l'arrêt incident rejetant la demande de renvoi du procès aux fins de prendre connaissance du contenu des cédéroms, les avocats du demandeur au pourvoi et de son co-accusé ont décidé de quitter le procès, ce qui a conduit le président de la cour d'assises à désigner d'office de nouveaux avocats pour assurer la défense des accusés, lesquels ont à leur tour refusé leur mission et ont également quitté le prétoire, bien que leurs motifs d'excuse n'aient pas été acceptés. Les débats se sont alors poursuivis et le Bâtonnier de l'Ordre des avocats s'est présenté à la porte de la salle d'audience et a remis à l'huissier-audiencier des conclusions émanant des avocats choisis par les accusés et des avocats commis d'office. Voilà pour mesurer l'ambiance... Ces conclusions ont été déclarées irrecevables par un arrêt incident qui a retenu que seules sont recevables les conclusions émanant d'un avocat qui assiste une partie au procès, la cour ayant constaté que les signataires avaient quitté le procès et n'assuraient donc plus la défense de l'accusé.

Or, bien que la jurisprudence soit relativement peu formaliste quant au dépôt des conclusions en incident devant la cour d'assises, lesquelles peuvent même être présentées oralement (5), il n'en demeure pas moins que l'article 315 du Code de procédure pénale dispose que "l'accusé, la partie civile et leurs avocats peuvent déposer des conclusions sur lesquelles la cour est tenue de statuer". En d'autres termes, pour déposer des conclusions devant la cour d'assises, il faut notamment être "l'avocat de l'accusé" au sens de l'article 315 du Code de procédure pénale. Par conséquent, le départ protestataire des avocats avait une conséquence importante sur le sort des conclusions sur incident qu'ils ont pu déposer par l'intermédiaire du Bâtonnier de l'Ordre des avocats.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation considère que les avocats n'assuraient plus la défense de l'accusé et que, par conséquent, ils ne pouvaient plus déposer de conclusions d'incident en application de l'article 315 du Code de procédure pénale.

En définitive, l'arrêt rendu par la Cour de cassation amène à une réflexion sur la stratégie de la colère. En effet, la protestation de l'avocat devant la cour d'assises doit être soigneusement organisée. Ne dit-on pas que la colère est mauvaise conseillère ? Au risque de voir des conclusions en incident -bien que pertinentes sur le fond- déclarées irrecevables, il appartiendra à l'avocat de déposer ses conclusions dans un premier temps et de protester ensuite...


(1) Cass. crim., 19 février 1986, n° 85-93.429 (N° Lexbase : A3621AAD), Bull. crim., n° 68 ; Cass. crim., 6 septembre 2006, n° 06-80.034, F-D (N° Lexbase : A3256WB9).
(2) Cass. crim., 23 novembre 1994, n° 94-81.219 (N° Lexbase : A7665CIQ), Bull. crim., n° 374.
(3) Cass. crim., 31 mars 2005, n° 04-83.037, F-P+F (N° Lexbase : A1842DI3), Bull. crim., n° 114.
(4) Cass. crim., 13 février 2008, n° 07-83.168, F-D (N° Lexbase : A3258WBB).
(5) Cass. crim., 24 mai 1913, Bull. crim., n° 251 ; Cass. crim., 23 mars 1950, Bull. crim., n° 108 et, en dernier lieu, Cass. crim., 28 mai 2015, n° 14-82.559, FS-P+B (N° Lexbase : A8171NIH), Bull. crim., n° 130.

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Concurrence

[Brèves] Pratiques restrictives : pouvoir juridictionnel exclusif de la cour d'appel de Paris et recevabilité du contredit formé devant une autre cour d'appel

Réf. : Cass. com., 26 avril 2017, n° 15-26.780, F-P+B+I (N° Lexbase : A8029WAM)

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par Vincent Téchené

Le 04 Mai 2017

Le pouvoir juridictionnel exclusif dont dispose la cour d'appel de Paris pour connaître des litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L7575LB8) est limité aux recours contre les décisions rendues par les juridictions désignées à l'article D. 442-3 du Code de commerce (N° Lexbase : L9159IEX), ce dont il résulte que le contredit dont est saisie une autre cour d'appel que celle de Paris, formé contre une décision rendue par une juridiction non spécialisée située dans son ressort, est recevable et il appartient alors à cette dernière de constater le défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce pour statuer sur les demandes fondées sur l'article L. 442-6 du Code de commerce. Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 26 avril 2017 (Cass. com., 26 avril 2017, n° 15-26.780, F-P+B+I N° Lexbase : A8029WAM).
En l'espèce, une société réalisait, depuis 2004, des audits externes pour une autre société. Reprochant à cette dernière une rupture fautive et brutale de leur relation commerciale, la société prestataire de services l'a assignée, sur le fondement des articles 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) et 1147 (N° Lexbase : L1248ABT), anciens, du Code civil et L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, devant le tribunal de commerce de Pontoise, désigné par une clause attributive de juridiction. La défenderesse a soulevé l'irrecevabilité de ces demandes portées devant une juridiction dépourvue du pouvoir juridictionnel de statuer sur un litige relatif à l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce. Le tribunal s'étant déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris, la défenderesse a formé un contredit. La cour d'appel de Versailles (CA Versailles, 22 septembre 2015, n° 15/01262 N° Lexbase : A4566NPS) déclare le contredit irrecevable. Après avoir rappelé que seules les juridictions visées à l'article D. 442-3 du Code de commerce, à l'exclusion de toute autre, peuvent connaître des pratiques restrictives de concurrence mentionnées à l'article L. 442-6 de ce code, elle retient qu'en tout état de cause, quelle que soit la juridiction ayant statué en première instance, toute autre cour d'appel que celle de Paris est désinvestie du pouvoir de statuer sur les appels ou contredits formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de cet article et doit relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'inobservation de la règle d'ordre public investissant la cour d'appel de Paris de son pouvoir juridictionnel exclusif. Mais, énonçant la solution précitée, la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel au visa des articles L. 442-6, III, D. 442-3 du Code de commerce et R. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire.

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Contrat de travail

[Brèves] Publication de l'ordonnance relative à la prise en compte de l'ancienneté dans les contrats de travail à caractère saisonnier et à leur reconduction

Réf. : Ordonnance n° 2017-647 du 27 avril 2017, relative à la prise en compte de l'ancienneté dans les contrats de travail à caractère saisonnier et à leur reconduction (N° Lexbase : L0179LED)

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par Blanche Chaumet

Le 04 Mai 2017

Publiée au Journal officiel du 28 avril 2017, l'ordonnance n° 2017-647 du 27 avril 2017, relative à la prise en compte de l'ancienneté dans les contrats de travail à caractère saisonnier et à leur reconduction (N° Lexbase : L0179LED) est prise sur le fondement de l'article 86 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (N° Lexbase : L8436K9C).

Ce dernier prévoit que dans les six mois à compter de la promulgation de la loi, les branches dans lesquelles l'emploi saisonnier est particulièrement développé doivent engager une négociation sur les modalités de reconduction des contrats saisonniers et la prise en compte de l'ancienneté des salariés saisonniers. Il autorise également le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures de nature à lutter contre le caractère précaire de l'emploi saisonnier en ce qui concerne la reconduction des contrats de travail saisonnier et la prise en compte de l'ancienneté dans les entreprises non couvertes par des dispositions conventionnelles sur ces deux sujets de négociation.

La présente ordonnance définit ainsi un dispositif supplétif qui s'applique à défaut de stipulations conventionnelles au niveau de la branche ou de l'entreprise en matière de reconduction des contrats de travail saisonnier et de prise en compte de l'ancienneté dans les entreprises.

L'ordonnance prévoit que pour calculer l'ancienneté du salarié, les contrats de travail à caractère saisonnier dans une même entreprise seront considérés comme successifs lorsque conclus sur une ou plusieurs saisons, y compris lorsqu'ils auront été interrompus par des périodes sans activité dans cette entreprise (C. trav., art. L. 1244-2-1 N° Lexbase : L0449LED).

Elle prévoit, par ailleurs, une obligation pour l'employeur d'informer le salarié sous contrat de travail à caractère saisonnier, par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information, des conditions de reconduction de son contrat avant l'échéance de ce dernier (C. trav., art. L. 1244-2-2, I N° Lexbase : L0450LEE). En outre, tout salarié ayant été embauché sous contrat de travail à caractère saisonnier dans la même entreprise bénéficie d'un droit à la reconduction de son contrat, sauf motif dûment fondé, dès lors que le salarié a effectué au moins deux mêmes saisons dans cette entreprise sur deux années consécutives et que l'employeur dispose d'un emploi saisonnier à pourvoir, compatible avec la qualification du salarié (C. trav., art. L. 1244-2-2, II, 1° et 2°).

En favorisant la reconduction des emplois d'une année sur l'autre sans rigidifier les relations du travail, ces mesures contribuent au développement des compétences des salariés et participent à l'amélioration de la qualité du travail. En sécurisant l'emploi des salariés saisonniers, elles facilitent également leur insertion dans la vie sociale et locale, profitant également aux territoires, du fait notamment de leur sédentarisation.

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Contrôle fiscal

[Brèves] Décès du contribuable avant l'envoi de la proposition de rectification : obligation pour le vérificateur de poursuivre avec les ayants-droit le dialogue contradictoire engagé

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 26 avril 2017, n° 384872, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4246WBU)

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N8020BWX

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par Jules Bellaiche

Le 05 Mai 2017

Dans le cas où le contribuable décède avant l'envoi de la proposition de rectification, le vérificateur doit poursuivre avec ses ayants-droit le dialogue contradictoire engagé avec le contribuable décédé. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 26 avril 2017 (CE 9° et 10° ch.-r., 26 avril 2017, n° 384872, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4246WBU).
En l'espèce, le vérificateur a envoyé les 31 mars et 1er juin 2005 à une contribuable, dans le cadre de l'examen de sa situation fiscale personnelle, aux adresses dont il avait connaissance en France et en Suisse, deux courriers lui proposant des rendez-vous aux dates des 21 avril et 15 juin 2005, puis, le 17 juin 2005, une demande de justification.
A la suite du décès de cette contribuable, le 29 juin 2005, son ayant droit, la requérante, a sollicité, par une lettre du 12 août 2005 qui indiquait qu'elle avait pris connaissance le 29 juillet 2005 de la demande de justifications, un délai supplémentaire pour répondre. L'administration a fait droit à cette demande et lui a accordé un délai supplémentaire de trois mois. Le vérificateur lui a également proposé, par courrier du 25 octobre 2005, un entretien à la date du 10 novembre 2005. Les demandes de report de cet entretien aux dates du 5 puis du 8 décembre 2005, que les conseils de l'intéressée avaient adressées à l'administration, ont été acceptées par le vérificateur. Par un courrier du 7 décembre 2005, le conseil a toutefois fait savoir à l'administration fiscale qu'il avait cessé de la représenter et l'entretien prévu le lendemain n'a pas eu lieu.
Dès lors, pour la Haute juridiction, en jugeant qu'il résultait des circonstances que le vérificateur devait être regardé comme ayant cherché à engager avec l'ayant droit de la contribuable un dialogue contradictoire sur les points qu'il envisageait de retenir avant l'envoi de la proposition de rectification du 13 décembre 2005, la cour administrative d'appel, qui n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis, n'a pas commis d'erreur de droit (CAA Nantes, 10 juillet 2014, n° 12NT03156 N° Lexbase : A2261NAY) (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X6311ALC).

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Cotisations sociales

[Brèves] Conformité à la Constitution (sous réserve) des dispositions relatives à la contribution patronale sur les attributions d'actions gratuites

Réf. : Cons. const., décision n° 2017-627/628 QPC du 28 avril 2017 (N° Lexbase : A8221WAQ)

Lecture: 2 min

N7912BWX

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par Charlotte Moronval

Le 04 Mai 2017

Sont conformes à la Constitution, les mots "ou des actions" figurant au paragraphe II de l'article L. 137-13 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4300H97), dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, de financement de la Sécurité sociale pour 2008 (N° Lexbase : L5482H3G), qui prévoyait que la contribution patronale due au titre de l'attribution d'actions gratuites était exigible "le mois suivant la date de la décision d'attribution", ces dispositions ne méconnaissant ni le droit de propriété ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision du 28 avril 2017 (Cons. const., décision n° 2017-627/628 QPC du 28 avril 2017 N° Lexbase : A8221WAQ).

Dans cette affaire, le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 février 2017 par le Conseil d'Etat (CE 1° et 6° ch.-r., 8 février 2017, n° 405102, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7666TBK) et la Cour de cassation (Cass. QPC, 9 février 2017, n° 16-21.686, FS-D N° Lexbase : A1976TC8) d'une QPC portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des mots "ou des actions" du paragraphe II de l'article L. 137-13 du Code de la Sécurité sociale. La société requérante soutenait qu'en liant l'exigibilité de la contribution patronale à la décision d'attribution d'actions gratuites, que ces actions soient ou non effectivement attribuées, ces dispositions méconnaissaient les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques et portaient atteinte au droit de propriété.

Enonçant la solution susvisée, le Conseil constitutionnel déclare ces mots conformes à la Constitution. En instituant la contribution patronale sur les attributions d'actions gratuites, le législateur a entendu que ce complément de rémunération, exclu de l'assiette des cotisations de Sécurité sociale en application de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0433LCZ), participe au financement de la protection sociale. Toutefois, s'il est loisible au législateur de prévoir l'exigibilité de cette contribution avant l'attribution effective, il ne peut, sans créer une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques, imposer l'employeur à raison de rémunérations non effectivement versées. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient faire obstacle à la restitution de cette contribution lorsque les conditions auxquelles l'attribution des actions gratuites était subordonnée ne sont pas satisfaites. Sous cette réserve, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques est écarté. Enfin, en prévoyant une seule date d'exigibilité, que les actions gratuites soient ou non effectivement attribuées, le législateur n'a institué aucune différence de traitement, écartant ainsi le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi (cf. l’Ouvrage "Droit de la protection sociale" N° Lexbase : E9410CDU).

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Droit des personnes

[Jurisprudence] La délicate résolution du conflit entre le droit à l'image et le droit à l'information : quand la rigueur est de mise !

Réf. : Cass. civ. 1, 29 mars 2017, n° 15-28.813, FS-P+B+I (N° Lexbase : A6071UMS)

Lecture: 18 min

N7926BWH

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par Nathalie Droin, Maître de conférences HDR en droit public, Université de Bourgogne Franche-Comté, CREDESPO

Le 04 Mai 2017

La question de la conciliation entre le droit à l'image, qui permet de protéger la personne contre la diffusion non autorisée d'une image la représentant, et la liberté d'expression, précisément le droit à l'information, est au coeur de la décision rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation le 29 mars 2017. Si la solution adoptée n'est pas véritablement surprenante, elle éclaire sur l'équilibre recherché et dégagé par le juge lorsque ces droits sont en conflit. Le litige concernait la diffusion d'un reportage télévisé, sur une chaîne hertzienne, consacré à une jeune fille qui, depuis plusieurs années, faisait croire sur le réseau internet qu'elle était atteinte d'affections graves. Le reportage comportait une séquence filmée en caméra cachée par deux journalistes, lesquels, sous une fausse identité, avaient consulté le médecin de cette dernière. Invoquant une atteinte à son droit à l'image, le médecin en question a assigné la société Métropole télévision en réparation du préjudice subi.

Saisi en première instance, le tribunal de grande instance de Metz, dans un jugement rendu le 20 novembre 2013, a écarté l'atteinte au droit à l'image considérant qu'elle n'était pas caractérisée dans la mesure où les traits et la voix de la personne n'étaient pas reconnaissables, le visage ayant été flouté en permanence et la voix ayant été modifiée. En revanche, il a accueilli la demande formulée sur le fondement des articles 1382 (N° Lexbase : L1488ABQ) et 1383 (N° Lexbase : L1489ABR) anciens du Code civil, retenant le caractère fautif de la séquence litigieuse filmée en caméra cachée. Les juges ont rappelé que si ce procédé est admis par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), il doit respecter certaines règles, à savoir, notamment, que la personne ne doit pas pouvoir être identifiée. Or, en l'espèce, si les traits et la voix n'étaient pas reconnaissables, la personne pouvait, en revanche, être identifiée grâce à l'environnement dans lequel elle était filmée, précisément son cabinet qui avait été reconnu par plusieurs individus le fréquentant. Puis, ils ont considéré que le caractère fautif de la séquence litigieuse ne pouvait être justifié "par un souci d'une légitime information du public et par la primauté du droit à l'information quand celle-ci concerne un sujet d'intérêt général selon l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme (N° Lexbase : L4743AQQ) et la jurisprudence européenne", ladite séquence n'étant "nullement essentielle", le médecin n'y fournissant aucune explication médicale. Les juges de première instance ont dès lors retenu un préjudice moral en raison de la tromperie dont a été victime le professionnel à la suite des manoeuvres des journalistes et de la crainte légitime d'une atteinte à sa réputation et ont condamné la société éditrice aux versements de 2 000 euros de dommages et intérêts.

La société Métropole télévision a fait appel du jugement rendu, considérant notamment que le tribunal ne pouvait ni réparer une atteinte prétendue à la réputation sur le fondement de l'article 1382 ancien du Code civil, ni se fonder sur les règles du CSA en matière de caméra cachée pour retenir une faute, puisqu'il s'agit de recommandations non normatives. De son côté, le médecin demandait, en sus de ce qui avait été retenu par les juges de première instance, à ce que soit reconnue une atteinte illicite à son droit à l'image. Dans son arrêt rendu le 6 octobre 2015 (1), la cour d'appel de Metz a, dans un premier temps, rejeté l'atteinte à la vie privée au motif que le médecin "ne pouvait valablement se prévaloir d'une violation de [...] [ce droit], dès lors que le reportage litigieux a été tourné à son cabinet médical et pour illustrer un sujet rentrant strictement dans le cadre de son activité professionnelle". Dans un deuxième temps, elle a repoussé la constitution d'une faute civile rappelant que l'atteinte prétendue à la réputation qui en découlerait relève de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 ([LXB=L7589AIW ]) et précisément de l'article 29 qui sanctionne la diffamation, et, qu'il est de jurisprudence constante que "les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par cette loi ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1382 du Code civil" (2). Dans un dernier temps, elle a, en revanche, retenu l'atteinte au droit à l'image. Elle a tout d'abord rappelé la jurisprudence qui lui est relative, indiquant qu'il appartient aux magistrats d'assurer la protection du droit à l'image, résultant de l'article 9 Code civil (N° Lexbase : L3304ABY), comme constituant un attribut de la personnalité ; qu'à défaut d'indentification possible de la personne, l'atteinte n'est pas constituée ; et que ce droit cède devant la liberté d'expression quand son exercice fait obstacle à la liberté de recevoir et communiquer des informations, à moins que la publication soit contraire à la dignité de la personne. Puis, elle a jugé, d'une part, que la personne était identifiable, ainsi que l'attestent des témoignages produits de personnes fréquentant le cabinet ; d'autre part, que l'image était précédée et suivie d'un commentaire, en voix off, de nature à dévaloriser la personne dans la mesure où il laissait entendre que le médecin s'était totalement laissé berner par la patiente ; et enfin, que si "le sujet abordé est bien effectivement un sujet de société en ce qu'il a pour but de prévenir le public des dérives découlant de l'utilisation du réseau internet, [...] cette présentation de l'image du docteur G. [...] n'était pas dans la forme qui a été adoptée utile à l'information des spectateurs de l'émission". Il y a donc pour la cour d'appel, bel et bien violation du droit à l'image, qui résulte non pas de l'image en tant que telle mais de son association à un commentaire dévalorisant et constituant une atteinte à sa dignité. Elle a, de fait, condamné la société au versement de 2 000 euros de dommages et intérêts, laquelle s'est alors pourvue en cassation.

Par l'arrêt en date du 29 mars 2017, objet du présent commentaire, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé cette dernière décision. Certes, elle approuve l'arrêt rendu par la cour d'appel au sujet de l'identification de la personne, indiquant que pour constater le caractère identifiable de celle-ci, la cour a relevé qu'en dépit du floutage et de la déformation de la voix, un certain nombre de personnes qui avaient travaillé avec ledit médecin l'avaient reconnu à sa silhouette, et ajoutant que ces constatations et leur appréciation échappent à son contrôle. En revanche, elle juge que l'atteinte au droit à l'image n'est pas constituée. Statuant au visa des articles 9 et 16 (N° Lexbase : L1687AB4) du Code civil, relatifs au respect de la vie privée et de la dignité, et de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (ci-après CESDH), garantissant le droit à la liberté d'expression, elle rappelle que "la liberté de la presse et le droit à l'information du public autorisent la diffusion de l'image de personnes impliquées dans un événement d'actualité ou illustrant avec pertinence un débat d'intérêt général, dans une forme librement choisie, sous la seule réserve du respect de la dignité de la personne humaine" et estime que les motifs retenus par la cour d'appel de Metz "tirés des propos tenus par les journalistes, relevant, comme tels, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse" étaient "impropres à caractériser une atteinte à la dignité de la personne représentée, au sens de l'article 16 du Code civil". Ce faisant, la cour d'appel a violé les articles 9 et 16 du Code civil, ainsi que l'article 10 de la CESDH.

Cette décision vient tout d'abord confirmer les contours du droit à l'image et s'inscrit dans une jurisprudence que l'on pourrait désormais qualifier de classique, la Haute juridiction rappelant qu'il ne peut y avoir d'atteinte que si la personne est identifiable et qu'elle n'est pas constituée si l'image s'inscrit dans un débat d'intérêt général ou si la personne est impliquée dans un évènement d'actualité, à moins qu'il résulte de sa diffusion une atteinte à la dignité (I). Elle vient ensuite et surtout apporter un éclairage quant à la résolution du conflit de droits en présence, précisément entre le droit à l'image et le droit à l'information, dès lors qu'il est question d'un sujet de société. Si l'appréciation ici effectuée par le juge peut paraître sévère, elle doit néanmoins être approuvée dans un souci de cohérence jurisprudentielle (II).

I - Une appréciation classique de l'atteinte au droit à l'image

Le droit à l'image ne bénéficie pas d'un fondement propre. C'est le juge qui a fait de l'article 9 du Code civil, protégeant le respect de la vie privée, son siège (3) précisant, dans la foulée, ses contours. L'arrêt dont il est ici question vient rappeler qu'il nécessite que la personne soit identifiable pour être valablement invoqué (A), mais que cette condition ne suffit pas à constituer l'atteinte ce qui, en un sens, vient confirmer l'absence de caractère autonome de ce droit (B).

A - Dissimulation des traits versus identification de la personne

Au même titre que le droit à la vie privée, à la voix ou encore au nom, le droit à l'image est un droit de la personnalité protégé, ainsi que nous venons de l'indiquer, sur le fondement de l'article 9 du Code civil.

Pour fonder l'invocation légitime de ce droit, il est exigé que la personne soit reconnaissable ou identifiable (4). L'appréciation de cette condition, a priori dénuée d'ambigüité, doit toutefois faire l'objet de quelques précisions. Ainsi que le souligne le Professeur Emmanuel Dreyer, "si, dans la majeure partie des cas où la diffusion d'une image est contestée, apparaît le visage d'une personne, ce n'est pas la reproduction de ses traits qui est sanctionnée mais la fixation sans autorisation préalable d'une expression particulière de sa personnalité" (5). Dès lors, il peut tout à fait y avoir atteinte au droit à l'image et donc une faute, même dans l'hypothèse où le visage de la personne représentée n'apparaît pas ou est caché, à partir du moment où son identification reste possible. En ce sens, il a notamment été jugé comme attentatoire au "droit à l'image" de salariés, la captation par une caméra d'une chaîne de télévision à leur insu, de leur image sur leur lieu de travail, alors même que leur visage avait été dissimulé sous un cache à l'occasion de la publication, dès lors qu'"ils étaient facilement identifiables à raison des prises de vue très précises de la boutique et de son enseigne" (6). L'identification ne réside donc pas dans les traits des individus mais dans des éléments extérieurs, présents à l'image, qui permettent sans aucun doute de les reconnaître. En revanche, si l'identification est impossible, il ne peut pas y avoir une atteinte à ce droit. Il en est ainsi lorsque le visage de la personne est correctement caché et qu'aucun autre élément ne permet son identification (7).

Dans l'espèce ici examinée, le tribunal de grande instance de Metz avait jugé, pour rejeter la violation du droit à l'image, que le visage du médecin était en permanence flouté, que sa voix était modifiée et qu'aucun élément d'indentification n'avait été porté à la connaissance du public. Ce faisant, rien ne permettait, selon les juges, d'identifier le médecin qui ne pouvait donc pas valablement invoquer une atteinte au droit à l'image. Sur ce point, la cour d'appel de Metz a infirmé le jugement rendu considérant, au contraire, que la personne du médecin était tout à fait identifiable. Elle a en effet indiqué qu'il "ressort des témoignages produits par le docteur, émanant certes de personnes ayant fréquenté son cabinet [...] que celles-ci ont immédiatement et très clairement reconnu, même si son visage était masqué et sa voix déformée, sa silhouette et sa physionomie de même que son cabinet de consultation". La cour a ajouté que "ces témoins ne peuvent se voir refuser la qualité de téléspectateur normalement attentifs, puisque précisément pour que l'image d'une personne soit reconnue par des tiers il faut que cette personne soit préalablement connue d'eux" (8). Le raisonnement de la cour d'appel de Metz, en plus d'être d'une logique implacable (comment, en effet, pouvons-nous reconnaître une personne, l'identifier, si elle n'est pas préalablement connue de nous ?), ne fait que confirmer la position classique de la jurisprudence qui n'assimile pas identification et reconnaissance des traits et admet que l'atteinte puisse être constituée en dépit de la dissimulation du visage dès lors que d'autres éléments permettent d'identifier la personne.

Tandis que la société appelante dénonçait la position adoptée par la cour d'appel au motif qu'elle a ainsi fait une analyse subjective de l'identification de la personne alors qu'elle aurait dû procéder à une analyse objective de cette possibilité d'identifier par une personne lambda, la Cour de cassation confirme, sur ce point, la décision rendue. Après avoir indiqué sur quels constats les juges du fond se sont basés pour retenir le caractère identifiable du médecin, elle souligne qu'il ne lui appartient pas de revenir sur leurs constatations et appréciations souveraines. Ce faisant, elle rappelle, mais était-ce vraiment nécessaire, qu'elle est juge du droit et non des faits.

L'accueil de la décision d'appel s'arrête néanmoins ici. Au contraire des juges du second degré, la Haute juridiction considère en effet que l'identification de la personne n'emporte pas atteinte au droit à l'image, révélant ainsi implicitement que l'objet de la protection n'est pas l'image en tant que telle.

B - Droit autonome ou fondement d'une atteinte à un autre droit ?

En accueillant l'argument contestant l'existence d'une atteinte au droit à l'image, la première chambre civile de la Cour de cassation offre un éclairage sur la querelle doctrinale opposant les tenants de la thèse autonomiste, pour qui ce droit est à la fois exclusif et autonome (9), à ceux qui jugent qu'il n'existe pas à titre autonome, ayant pour objet soit de protéger la vie privée d'une personne, précisément sa tranquillité, soit celui de garantir sa dignité (10). Par son raisonnement, la Haute juridiction semble en effet indiquer que l'image ne constitue en soi qu'un moyen de porter atteinte au droit de la personnalité. Il convient en effet d'observer que pour infirmer la décision de la cour d'appel, elle ne cherche pas à justifier l'atteinte mais rejette purement et simplement le fait qu'elle soit réalisée, admettant ainsi implicitement qu'il ne suffit pas que l'image d'une personne identifiable soit publiée sans autorisation pour qu'il y ait violation dudit droit.

Cette position est loin d'être nouvelle, la Cour de cassation s'attachant la plupart du temps, ainsi que le souligne le Professeur Emmanuel Dreyer (11), à dégager le véritable objet de la protection, qu'il s'agisse de la vie privée, dans son volet "tranquillité", ou de la dignité des personnes. Si, le plus souvent, la vie privée apparaît comme le fondement réel du droit à l'image -l'atteinte permettant de dénoncer soit une intrusion directe dans celle-ci, soit plus indirectement des répercussions dommageables sur celle-ci-, parfois, c'est l'honneur de la personne, sa dignité, qui constitue son fondement. Ainsi, il a pu être jugé que l'utilisation dans un sens dévalorisant de l'image d'une personne justifie que le juge prenne des mesures pour faire cesser cette atteinte (12). L'article 9 est du reste renforcé, sur ce point, par l'invocation de l'article 16 du Code civil, interdisant toute atteinte à la dignité de la personne. Dans un arrêt rendu le 20 février 2001, la première chambre civile de la Cour de cassation a énoncé "que la liberté de communication des informations autorise la publication d'images des personnes impliquées dans un événement, sous la seule réserve du respect de la dignité de la personne humaine" (13). Ainsi, il existe "une limite absolue" à la liberté de communiquer des informations et au droit à l'information du public : en effet, quel que soit l'intérêt du public à avoir connaissance d'un évènement, l'image ne peut porter atteinte à la dignité de la personne impliquée dans un évènement d'actualité (14). La légitimité du but poursuivi ne peut donc justifier une telle atteinte, de même qu'elle ne dispense pas de masquer le visage de la personne dès lors que son identité n'apporte rien au sujet traité. Cette jurisprudence qui, au départ, visait le droit à l'image face aux évènements d'actualité a été étendue au débat d'intérêt général, notion européenne prétorienne, qui connaît une application grandissante dès lorsqu'il s'agit d'arbitrer un conflit entre la liberté d'expression au sens large et, notamment, le droit au respect de la vie privée.

L'arrêt ici examiné en témoigne. La Haute juridiction énonce en effet que "la liberté de la presse et le droit à l'information du public autorisent la diffusion de l'image de personnes impliquées dans un événement d'actualité ou illustrant avec pertinence un débat d'intérêt général, dans une forme librement choisie, sous la seule réserve du respect de la dignité de la personne humaine" (15). Si l'expression de débat d'intérêt général ne figurait pas dans l'arrêt de la cour d'appel de Metz, cette dernière avait également admis que le droit à l'image d'une personne impliquée dans un évènement "dont l'importance rend légitime [sa] divulgation pour l'information du public" cède devant la liberté de communiquer cette information, sauf dans le cas d'une publication contraire à la dignité de la personne. En revanche, les deux juridictions n'ont pas adopté la même solution. Tandis que la cour d'appel a retenu l'atteinte portée au droit à l'image, la Haute juridiction a infirmé, sur ce point, l'arrêt rendu.

Bien que surprenante, au regard de l'équilibre que les juges cherchent à dégager entre le droit à l'image et le droit à l'information, la position suivie était pour le moins attendue.

II - Une résolution sévère mais attendue du conflit entre le droit à l'image et le droit à l'information

La solution de la Haute juridiction témoigne de l'équilibre délicat qu'elle s'attache à dégager dès lors que le droit à l'image doit faire face au droit à l'information (A). Aussi étonnante soit elle quant à l'appréciation opérée, elle ne fait que confirmer la distinction des contentieux de l'image et de l'expression (B).

A - L'équilibre délicat entre le droit à l'image et le droit à l'information

Comme dans d'autres domaines, dès lors qu'il est question de résoudre un conflit de droits, la difficulté réside dans la nécessité de trouver le juste équilibre entre ce qui peut ou doit être rendu public, au nom d'un intérêt légitime qui résiderait dans la liberté de communiquer des informations et son corollaire, le droit d'être informé, et ce qui doit être gardé secret, afin de garantir le droit à l'image d'une personne. Il revient au juge de concilier ces droits en privilégiant la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime (16).

Ainsi que nous l'avons indiqué, il est traditionnellement admis que des images de personnes impliquées dans un évènement d'actualité, entendu dans un sens large, ou illustrant un sujet d'intérêt général peuvent être publiées sans l'accord de la personne. Les juges ont néanmoins précisé qu'il doit y avoir une relation directe entre la publication et le fait d'actualité (17), à défaut de laquelle l'atteinte portée ne saurait être justifiée. Cette possibilité n'est pas sans limite : il est en effet acquis que la nécessité de l'information du public sur un sujet d'actualité ou de société et l'adéquation de l'image au regard de cette nécessité ne fait pas disparaître l'obligation de respecter la vie privée et aussi la dignité de la personne (18). Pour être libre, l'image doit donc être légitimée par les circonstances et ne doit ni affecter la vie privée de la personne ni sa dignité. Tandis qu'il est fréquent que la révélation d'un aspect de la vie privée permette à une personne de s'opposer à la publication de l'image et/ou de l'attaquer, il est plus rare que la limitation tenant à l'obligation de respecter la dignité de la personne soit admise, et ce, en dépit d'une jurisprudence européenne allant en ce sens (19).

L'espèce ici commentée en est une parfaite illustration. En effet, si la cour d'appel de Metz a reconnu que le sujet abordé est bien un sujet de société tout en considérant que la présentation de l'image, accompagnée d'un commentaire en off de nature à dévaloriser la personne, n'était pas dans la forme adoptée utile à l'information, si bien qu'était constituée une atteinte au droit à l'image, la Haute juridiction a, quant à elle, jugé que de tels motifs, "tirés des propos tenus par les journalistes, relevant, comme tels, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse" étaient "impropres à caractériser une atteinte à la dignité de la personne représentée, au sens de l'article 16 du Code civil" (20). Ce faisant, elle rejette l'atteinte au droit à l'image, considérant, en un sens, qu'elle ne peut résulter du commentaire en off, quand bien même celui-ci est dévalorisant.

La solution rendue peut paraître surprenante au regard de ce que la Cour a déjà eu l'occasion de juger. Ainsi que le souligne le Professeur Emmanuel Dreyer, "l'invocation du droit à l'image sert parfois en vue de sanctionner des publications qui portent atteinte à la dignité du sujet, non pas directement à raison de leur contenu, mais de façon insidieuse à raison de ce qu'elle laisse penser de lui" (21). Le même auteur indique que le refus de voir son image associée à certains messages peut être dicté par des exigences déontologiques ou des considérations morales. A titre d'illustration, des chirurgiens ont pu légitimement invoquer leur droit à l'image à l'encontre de la diffusion de l'enregistrement de leurs interventions, car si ce dernier est permis à des fins scientifiques, sa publicité est en revanche interdite (22). Ici, c'est leur réputation professionnelle qui était atteinte par la diffusion des enregistrements et qui vient justifier l'invocation du droit à l'image. On aurait donc tout à fait pu admettre que la diffusion des images litigieuses accompagnées du commentaire off des journalistes ait pu être considérée comme fautive, dans la mesure où la réputation professionnelle du médecin est bien mise en cause dès lors que la séquence diffusée laisse entendre qu'il s'est laissé berner par une patiente.

Si ce n'est pas cette solution qui a reçu les faveurs de la Haute juridiction, c'est parce qu'elle distingue avec une remarquable acuité ce qui relève du contentieux du droit à l'image et ce qui touche au contentieux de la liberté d'expression.

B - La confirmation de la spécialisation du contentieux de la loi sur la presse

Ainsi que nous l'avons souligné, la Cour de cassation a rejeté la constitution d'une atteinte au droit à l'image considérant que les motifs retenus par la cour d'appel pour la caractériser, "tirés des propos tenus par les journalistes, relevant, comme tels, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse" étaient "impropres à caractériser une atteinte à la dignité de la personne représentée, au sens de l'article 16 du Code civil".

Par ce raisonnement, elle indique explicitement que la présentation dévalorisante de la personne du médecin, issue du commentaire off des journalistes, relève de la loi sur la presse. Sans précisément l'indiquer, elle révèle que les propos discréditant le médecin pouvaient être appréhendés sur le fondement de l'article 29 de ladite loi, sanctionnant la diffamation, précisément toute allégation ou imputation d'un fait de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne. Ce faisant, elle ne fait finalement que s'inscrire dans le prolongement de sa jurisprudence constante (23), selon laquelle les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1240 du Code civil (N° Lexbase : L0950KZ9), ancien article 1382, en indiquant que lesdits abus sont distincts de ceux de l'article 9 du Code civil et, de fait, ne peuvent être réparés sur ce dernier fondement. D'ailleurs, la Cour de cassation avait eu l'occasion de juger que "les abus de la liberté d'expression prévus par la loi du 29 juillet 1881 ou par l'article 9-1 du Code civil (N° Lexbase : L0950KZ9) ne peuvent être poursuivis sur le fondement de l'article 1382 du Code civil" (24), établissant ainsi déjà une distinction entre les abus relevant de la loi sur la presse et ceux relevant d'autres textes.

Dans l'espèce ici commentée, ce n'est en effet pas l'image en soi qui est dévalorisante et porte atteinte à la dignité de la personne mais bien le commentaire qui l'accompagne. En refusant que les motifs tirés des propos puissent caractériser l'atteinte à la dignité de la personne au sens de l'article 16 du Code civil, la Haute juridiction indique clairement que cette dernière, pour être valablement constituée, doit résulter de l'image elle-même, et non de propos l'accompagnant. Dès lors, la victime aurait dû poursuivre le commentaire et non l'image, et ce, non sur le fondement du droit au respect de la dignité, qui n'est pas protégé par la loi sur la presse, mais sur celui du droit au respect de sa considération, entendue comme étant la réputation professionnelle, protégé notamment au titre de l'article 29 de la loi sur la presse.

La solution adoptée est dès lors conforme à la spécialisation du contentieux de la loi sur la presse, dont les abus ne peuvent être réparés sur un autre fondement. On peut du reste observer qu'il avait déjà été jugé que dans l'hypothèse où une photographie illustrant une imputation diffamatoire n'était pas attentatoire à la vie privée, la poursuite ne pouvait être exercée que sur le fondement de l'article 29 de la loi sur la presse (25). L'espèce ici commentée s'inscrit dans ce prolongement : étant donné que l'image de la personne n'était pas, en elle-même, attentatoire à sa dignité mais était accompagnée d'un propos portant atteinte à sa réputation professionnelle, seule une poursuite sur le fondement de la dite loi était possible.

L'arrêt rendu témoigne donc, s'il en était besoin, de la technicité du contentieux des médias et de la nécessité pour la victime de déterminer avec précision et justesse le droit violé, duquel découle le préjudice subi, si elle veut obtenir réparation.


(1) CA Metz, 6 octobre 2015, 1ère ch., n° 13/03366 (N° Lexbase : A7132NSX).
(2) Ass. plén., 12 juillet 2000, n° 98-10.160 (N° Lexbase : A2598ATE), Bull. civ., n° 8 ; D., 2000, Somm., p. 463, obs. P. Jourdain ; RTDciv., 2000, pp. 845 et s., obs. P. Jourdain ; CCE, 2000, n° 108, obs. A. Lepage ; JCP éd. G, 2000, I, 280, note G. Viney ; LPA, 14 août 2000, pp. 4 à 10, note E. Derieux ; Légipresse, 2000, n° 175-III, pp. 153 et s., concl. av. gén. L. Joinet. Plus récemment la Cour de cassation a jugé qu'"hors restriction légalement prévue, la liberté d'expression est un droit dont l'exercice, sauf dénigrement de produit ou service, ne peut être contesté sur le fondement de l'article 1382 du Code civil" : Cass. civ. 1, 2 juillet 2014, n° 13-16.730, F-P+B (N° Lexbase : A2795MTP), Légipresse, 2014, n° 319, actu-n° 15, p. 460.
(3) Voir notamment : Cass. civ. 2, 30 juin 2004, n° 02-19.599, FS-P+B (N° Lexbase : A8956DCP), JCP éd. G, 2004, II, 10160, D. Bakouche.
(4) Cass. civ. 1, 21 mars 2006, n° 05-16.817, F-P+B (N° Lexbase : A8098DNA), Bull. civ., 2006, I, n° 170 ; D., 2006, p. 2702, obs. A. Lepage ; RTDCiv., 2006, p. 535, obs. J. Hauser ; Gaz. Pal., 5-6 octobre 2007, p. 54, obs. S. Lasfargeas.
(5) E. Dreyer, Image des personnes, J.- Cl. Comm., Fasc. 40, § 24.
(6) TGI Paris, 13 mars 1991.
(7) Cass. civ. 1, 21 mars 2006, n° 05-16.817, F-P+B, op. cit.. Voir également, CA Paris, 1ère ch., 15 avril 2005 ([LXB=en attente]), JCP éd. G, 2005, IV, 2672 ; CCE., 2005, comm. 142, obs. A. Lepage.
(8) CA Metz, 6 octobre 2015, 1ère ch., n° 13/03366, op. cit.
(9) R. Badinter, Le droit au respect de la vie privée, JCP éd. G, 1968, I, 2136 ; M. Serna, L'image des personnes et des biens, Economica, 1997, p. 174.
(10) J. Ravanas, La protection des personnes contre la réalisation et la publication de leur image, LGDJ, 1978 ; D. Acquarone, L'ambiguïté du droit à l'image, D., 1985, chron. p. 129 ; B. Beignier, L'honneur et le droit, LGDJ, Bibliothèque de droit privé, 1995, p. 6 ; Le droit de la personnalité, PUF 1992, coll. Que sais-je ? ; E. Dreyer, L'image des personnes, op. cit..
(11) E. Dreyer, L'image des personnes, op. cit., § 25.
(12) Cass. civ. 1, 16 juillet 1998, n° 96-15.610 (N° Lexbase : A7537CHM), Bull. civ., 1998, I, n° 259 ; D., 1999, jurispr. p. 541, note J.-Ch. Saint-Pau.
(13) Cass. civ. 1, 20 février 2001, n° 98-23.471 (N° Lexbase : A8929AQR), Bull. civ., 2001, I, n° 25 ; JCP éd. G, 2001, II, 10533, p. 1049, note J. Ravanas ; D., 2001, p. 1199, note J.-P. Gridel.
(14) En ce sens : E. Dreyer, L'image des personnes, op. cit., § 39.
(15) Cass. civ. 1, 29 mars 2017, n° 15-28.813, FS-P+B+I, op. cit..
(16) Cass. civ. 1, 9 juillet 2003, n° 00-20.289, FS-P (N° Lexbase : A0906C9G), JCP éd G, 2003. II. 10139, note J. Ravanas ; Gaz. Pal., 2003. 3112, note C. Amson ; CCE 2003, n° 115, note A. Lepage ; ou encore, Cass. civ. 1, 30 septembre 2015, n° 14-16.273, FS-P+B (N° Lexbase : A5545NS8); D., 2015. 2008 ; ibid. 2016., 277, obs. E. Dreyer ; RTDciv., 2016, 449, obs. N. Cayrol ; JCP éd. G, 2015, n° 1385, note P. Ducoulombier.
(17) Cass. civ. 1, 7 mars 2006, n° 04-20.715, F-P+B (N° Lexbase : A5029DNL), Bull. civ. I, n° 140 ; D., 2006, 2702 , obs. A. Lepage, L. Marino et C. Bigot ; JCP éd. G, 2006, I, 190, obs. Roussineau ; Gaz. Pal., 2007. Somm. 3522, obs. P. Guerder.
(18) Cass. civ. 1, 20 février 2001, n° 98-23.471 (N° Lexbase : A8929AQR), Bull. civ. I, no 42 ; D., 2001. 1199, note J.-P. Gridel ; ibid. 1990, obs. A. Lepage ; RTDCiv., 2001, 329, obs. J. Hauser ; JCP éd. G, 2001, II. 10533, note J. Ravanas ; Gaz. Pal., 2002, 641, concl. Sainte-Rose ; LPA, 5 avril 2001, note E. Derieux.
(19) Voir notamment : CEDH, 25 février 2016, Req. 4683/11 (N° Lexbase : A1633QDT), Dalloz actualité, 2 mars 2016, obs. S. Lavric ; RTDCiv., 2016. 297, obs. J.-P. Marguénaud.
(20) Cass. civ. 1, 29 mars 2017, n° 15-28.813, FS-P+B+I, op. cit..
(21) E. Dreyer, L'image des personnes, op. cit., § 70.
(22) Voir TGI Paris, 13 février 1974, D., 1974, jurispr. p. 550, note R. Lindon ; TGI Paris, réf., 14 novembre 1980, D., 1981, jurispr. p. 163, note R. Lindon ou encore TGI Paris, 26 septembre 1984, D., 1985, somm. p. 164, obs. R. Lindon : cité par E. Dreyer, L'image des personnes, op. cit., § 72.
(23) Ass. plén., 12 juillet 2000, n° 98-10.160, op. cit..
(24) Cass. civ. 2, 8 mars 2001, n° 99-14.995 (N° Lexbase : A4952ART).
(25) CA Paris, 1ère ch., section B, 15 décembre 2000, n° 2000/01080 (N° Lexbase : A3259WBC), Légipresse 2001, n° 182, III, p. 113.

newsid:457926

Entreprises en difficulté

[Brèves] Application des procédures collectives aux agriculteurs : conformité de la définition du terme "agriculteur" (C. rur., art. L. 351-8) à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2017-626 QPC, du 28 avril 2017 (N° Lexbase : A8220WAP)

Lecture: 1 min

N7910BWU

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par Vincent Téchené

Le 04 Mai 2017

La définition du terme "agriculteur" prévue à la seconde phrase de l'article L. 351-8 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L7360IZM) applicable aux dispositions du livre VI du Code de commerce, relatif au droit des entreprises en difficulté, ne crée, en elle-même, aucune différence de traitement entre les agriculteurs personnes physiques et les agriculteurs personnes morales. Dès lors, la seconde phrase de l'article L. 351-8 du Code rural et de la pêche maritime, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclarée conforme à la Constitution. Telle est la solution énoncée par le Conseil constitutionnel dans une décision du 28 avril 2017 (Cons. const., décision n° 2017-626 QPC du 28 avril 2017 N° Lexbase : A8220WAP) qui avait été saisi d'une QPC (Cass. QPC, 2 février 2017, n° 16-21.032, F-D N° Lexbase : A0244TBN).

L'article L. 351-8 du Code rural et de la pêche maritime prévoit que "le redressement et la liquidation judiciaires des exploitations agricoles sont régis par les dispositions de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises (N° Lexbase : L7852AGW). Pour l'application des dispositions de la loi précitée, est considérée comme agriculteur toute personne physique exerçant des activités agricoles au sens de l'article L. 311-1 (N° Lexbase : L4457I4T)". Selon la société requérante, ces dispositions, combinées avec celles de l'article L. 626-12 du Code de commerce (N° Lexbase : L4061HBZ), créeraient une différence de traitement injustifiée quant à la durée du plan de sauvegarde applicable aux agriculteurs entre les personnes physiques et les personnes morales. Elles seraient donc contraires au principe d'égalité devant la loi.

Enonçant la solution précitée, le Conseil constitutionnel déclare la disposition contestée conforme à la Constitution, relevant notamment que la différence de traitement alléguée, à supposer qu'elle existe, ne pourrait résulter que de l'article L. 626-12 du Code de commerce, qui n'a pas été soumis au Conseil constitutionnel (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E7989ET3).

newsid:457910

Expropriation

[Brèves] Indemnisation d'un préjudice en matière d'expropriation : point de départ du délai de trois mois pour produire des pièces à compter de la déclaration d'appel

Réf. : Cass. civ. 3, 27 avril 2017, deux arrêts, FS-P+B+I, n°s 16-11.078 (N° Lexbase : A8030WAN) et 16-11.079 (N° Lexbase : A8031WAP)

Lecture: 1 min

N7905BWP

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par Yann Le Foll

Le 04 Mai 2017

A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, la personne recherchant l'indemnisation d'un préjudice en matière d'expropriation doit produire ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel, sans considération de la régularité de la signification du jugement. Ainsi statue la Cour de cassation dans deux arrêts rendus le 27 avril 2017 (Cass. civ. 3, 27 avril 2017, deux arrêts, FS-P+B+I, n°s 16-11.078 N° Lexbase : A8030WAN et 16-11.079 N° Lexbase : A8031WAP).

La société X fait grief à l'arrêt attaqué de prononcer la caducité de son appel, alors, selon le moyen, que les dispositions de l'article R. 311-26 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2157I7Z), qui enferme le dépôt des mémoires et des pièces de l'appelant dans un délai de trois mois qui court de la déclaration d'appel, ne sont pas opposables aux appelants lorsque, le jugement n'ayant pas été signifié, le délai d'appel n'est pas expiré. Enonçant le principe susvisé, la Cour suprême rejette le pourvoi, ayant relevé que l'appelant avait déposé les pièces produites au soutien de son mémoire après expiration du délai de trois mois.

newsid:457905

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Réduction d'impôt pour les contribuables investissant dans les départements d'outre-mer : précisions sur le fait générateur et le champ d'application

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 26 avril 2017, n° 398405, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A8146WAX)

Lecture: 2 min

N8023BW3

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par Jules Bellaiche

Le 11 Mai 2017

Lorsque le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du CGI (N° Lexbase : L1047LD7) est la date de la livraison effective de l'immobilisation dans le département d'outre-mer, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus ; ainsi, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en nom collectif en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite productives de revenus qu'à compter de cette date. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 26 avril 2017 (CE 9° et 10° ch.-r., 26 avril 2017, n° 398405, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8146WAX).
En l'espèce, le requérant, associé de plusieurs SNC, a imputé sur le montant de son impôt sur le revenu au titre de l'année 2010, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du CGI, une réduction d'impôt du fait d'investissements réalisés dans l'île de la Réunion par ces SNC, consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à d'autres SNC en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique. Cette réduction d'impôt a été remise en cause par l'administration fiscale au motif qu'en l'absence de raccordement des installations au réseau électrique géré par EDF à la date du 31 décembre 2010, les investissements en cause n'étaient pas éligibles au bénéfice du régime de faveur et ne pouvaient en conséquence ouvrir droit à une réduction d'impôt au titre de cette année.
Pour la Haute juridiction, qui a donné raison à l'administration, la cour administrative d'appel (CAA Nancy, 4 février 2016, n° 15NC01007 N° Lexbase : A2114PLU), selon le principe dégagé, n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis en estimant que le raccordement était nécessaire pour une exploitation effective de ces installations, dès lors qu'il n'était pas contesté devant elle que l'électricité produite n'avait pas vocation à être consommée et stockée par les sociétés exploitantes (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X5211APP).

newsid:458023

Pénal

[Brèves] La manifestation d'une égale considération pour les victimes d'un attentat et son auteur caractérise l'élément intentionnel du délit d'apologie du terrorisme

Réf. : Cass. crim., 25 avril 2017, n° 16-83.331, F-P+B (N° Lexbase : A2547WBX)

Lecture: 2 min

N7933BWQ

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par June Perot

Le 04 Mai 2017

Le fait de manifester, par une inscription sur une pancarte au cours d'un rassemblement en hommage de victimes d'attentats, une égale considération pour les victimes d'actes de terrorisme et l'un de leurs auteurs, caractérise le délit d'apologie d'actes de terrorisme prévu par l'article 421-2-5 du Code pénal (N° Lexbase : L8378I43). Telle est la solution dégagée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 25 avril 2017 (Cass. crim., 25 avril 2017, n° 16-83.331, F-P+B N° Lexbase : A2547WBX).

Dans cette affaire, le 11 janvier 2015, au cours d'un rassemblement en hommage aux victimes des attentats ayant frappé la France les 7 et 9 janvier 2015, M. N. avait exhibé une pancarte sur laquelle il était inscrit, d'un côté "je suis humain - je suis Charlie", et de l'autre, "je suis la vie", avec la représentation d'un coeur et, "je suis Kouachi". Il avait alors été poursuivi du chef d'apologie d'actes de terrorisme. Déclaré coupable par le tribunal correctionnel, M. N. avait relevé appel de cette décision. En appel, M. N. avait été relaxé en raison de l'absence d'élément intentionnel de l'infraction poursuivie. Pour ce faire, les juges du fond avaient retenu que, s'il était indéniable que les inscriptions de la pancarte étaient une référence aux frères Kouachi impliqués dans les attentats terroristes visés par le rassemblement, et que celui-ci a montré successivement aux personnes qui lui faisaient face l'inscription "je suis Charlie" puis "je suis Kouachi", le fait qu'il se soit présenté, à son initiative, au commissariat de police pour expliquer ce qu'il avait fait lors du rassemblement républicain, affirmer, ensuite, qu'il ne s'agissait en aucun cas d'un acte d'apologie du terrorisme et prendre la défense de l'humoriste controversé Dieudonné, tendait à démontrer qu'il fonctionnait depuis quelque temps dans une logique certes atypique mais humaniste. Les juges relevaient alors que cela avait pu le conduire à un comportement décalé, dans le but de rapprocher des personnes autour d'un débat sur les attentats terroristes, sans aucune volonté de légitimer ceux-ci ou d'en faire l'apologie. Le procureur de la République a formé un pourvoi. Celui-ci est accueilli favorablement par la Haute juridiction qui énonce la solution susvisée et censure l'arrêt d'appel au visa de l'article 421-2-5 du Code pénal (cf. les Ouvrages "Droit pénal spécial" N° Lexbase : E0558E9K et "Responsabilité civile" N° Lexbase : E4080EYR).

newsid:457933

Procédure administrative

[Jurisprudence] La recevabilité de la tierce opposition en matière de commande publique - Conclusions du rapporteur public

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 19 avril 2017, n° 401539, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3029WAG)

Lecture: 13 min

N7899BWH

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par Gilles Pellissier, Rapporteur public au Conseil d'Etat

Le 04 Mai 2017

Dans un arrêt rendu le 19 avril 2017, la Haute juridiction a dit pour droit que, lorsqu'un tiers à un contrat de la commande publique n'a été ni présent, ni régulièrement mis en cause dans l'instance, sa tierce opposition est recevable si la décision juridictionnelle préjudicie à ses droits. Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver les conclusions anonymisées du Rapporteur public, Gilles Pellissier. Le titulaire d'un marché public doit-il être regardé comme ayant été représenté par la personne publique cocontractante dans une instance relative à la validité du contrat dans laquelle il n'a été ni présent ni régulièrement appelé ? Telle est la question qui, vous l'avez compris, porte sur la recevabilité de la tierce-opposition, que présente à juger l'affaire qui vient d'être appelée.

La société X, candidate évincée de la conclusion d'un marché passé par la société d'économie mixte de construction et d'aménagement de Mitry-Mory (SEMMY) avec la société Y ayant pour objet la réalisation de la couverture d'un court de tennis municipal, a saisi le tribunal administratif de Melun de conclusions tendant d'une part à l'annulation du contrat, d'autre part à l'indemnisation du préjudice résultant de son illégalité. Le tribunal, qui avait mis en cause la société Y, a rejeté ces demandes. Saisie par la société X d'un appel dirigé contre le jugement en tant seulement qu'il avait rejeté ses conclusions en contestation de la validité du contrat, la cour administrative d'appel de Paris y a fait droit et annulé dans cette mesure le jugement et le contrat (CAA Paris, 23 mars 2015, n° 13PA04255 N° Lexbase : A1472NRX). La société Y qui, curieusement, n'avait pas été mise en cause par la Cour, a formé tierce opposition contre cet arrêt du 23 mars 2015. Par un arrêt du 23 mai 2016 contre lequel la société X se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a jugé recevable et bien fondé ce recours, déclaré en conséquence nul et non avenu l'arrêt de 2015 puis rejeté l'appel de la société X (CAA Paris, 23 mai 2016, n° 15PA02272 N° Lexbase : A7827RQX).

Outre un moyen de régularité de l'arrêt dépourvu de toute précision tiré de ce que le sens des conclusions du rapporteur public n'aurait pas donné lieu à une information complète, que vous n'aurez aucun mal à écarter, le pourvoi critique les motifs par lesquels la cour a admis la recevabilité de la tierce opposition formée par la société titulaire du marché. Il soutient qu'elle a commis une erreur de droit en jugeant "que la circonstance que son cocontractant, la SEMMY, ait été présente dans cette instance ne suffit pas à la regarder comme ayant été représentée par celle-ci".

La tierce opposition est ouverte par l'article R. 832-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3318ALH) à toute personne contre la "décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision". Dès lors qu'il était constant que la société Y n'avait été ni présente ni appelée à l'instance d'appel et qu'il ne fait aucun doute que l'annulation du marché dont elle est titulaire préjudicie à ses droits, la recevabilité de son recours dépendait de la question de savoir si elle devait être regardée comme représentée par son cocontractant, le maître d'ouvrage.

Vous avez à plusieurs reprises fait application de cette notion de représentation pour la recevabilité de la tierce opposition, mais jamais dans le cas de figure qui est celui de la présente affaire des cocontractants à un marché public.

Rappelons tout d'abord que si vous retenez une représentation en présence d'obligations juridiques qui ont un tel effet, comme le mandat (CE, 14 février 1996, n° 139555 N° Lexbase : A7598ANQ, aux Tables) ou la solidarité à la dette (CE, 8 mars 2004, n° 231199 N° Lexbase : A5671DBN, aux Tables), votre conception de la représentation est plus large et couvre tous les cas où il apparaît, selon l'expression qui revient le plus souvent dans votre jurisprudence, que le défendeur présent à l'instance et celui qui n'y était pas ont dans l'instance des "intérêts concordants".

Il ressort ensuite de votre jurisprudence que l'appréciation de la concordance des intérêts est éminemment pragmatique et fonction des intérêts des parties, présentes et qui se plaignent de ne pas l'avoir été, au regard de l'objet de chaque instance.

Vous jugez par exemple de manière constante que le propriétaire d'un terrain et celui auquel il a consenti une promesse de vente et qui a sollicité la délivrance d'une autorisation d'urbanisme ont des intérêts concordants au maintien de cette décision (CE, 8 février 1999, n° 161799 N° Lexbase : A4507AX9, aux Tables), de même que le propriétaire ayant demandé l'autorisation d'exploiter une surface commerciale et le titulaire d'une promesse de bail pour assurer cette exploitation (CE, 14 octobre 2009, n° 312177 N° Lexbase : A0762EM8, aux Tables) ou encore une commune et le titulaire d'une convention d'aménagement de ZAC dans une instance relative à la légalité d'un arrêté de cessibilité pris pour la réalisation de cette opération (CE, 21 mai 2008, n° 295609 N° Lexbase : A7212D8M, aux Tables). Les intérêts sont encore plus évidemment concordants lorsque la personne qui a sollicité l'autorisation était le command de celle qui allait la mettre en oeuvre (CE, 23 février 2011, n° 322924 N° Lexbase : A6975GZD, aux Tables). Peut également être rattachée à ces solutions la décision par laquelle vous avez jugé que le fournisseur du titulaire d'un marché était représenté par ce dernier dans le litige qui opposait celui-ci au maître d'ouvrage (CE, 15 juin 2001, n° 219822 N° Lexbase : A0606AUY, aux Tables). Et si vous avez récemment jugé, contrairement aux conclusions de votre rapporteur public, que l'Etat représentait un établissement public dont il avait la tutelle, cette solution tenait à l'objet litige, relative à la légalité d'un arrêté fixant le taux d'une taxe affectée à cet établissement (CE, 6 juillet 2016, n° 398574 N° Lexbase : A6128RWU, aux Tables).

A l'inverse, vous avez jugé que le préfet auteur d'une déclaration d'utilité publique ne représentait pas le bénéficiaire de cet arrêté dans un litige relatif à sa légalité (CE, 7 décembre 1983, n° 28300 N° Lexbase : A8293ALQ, p. 491; CE, 10 mai 1985, n° 50188 N° Lexbase : A3487AM4, aux Tables). De même, la personne publique ne représente pas la personne qu'elle a chargée de l'exécution d'un service public (CE Ass., 21 janvier 1938, Compagnie des chemins de fer PLM [LXB=], p. 70, contravention de grande voirie ; CE Sect., 6 octobre 1961, Fédération nationale des huileries, n° 41587, p. 544), non plus que celle à qui elle s'apprête à le confier dans une instance relative à la régularité de la procédure de passation devant le juge du référé précontractuel (CE, 15 juin 2001, n° 228856 N° Lexbase : A0650B8L, aux Tables sur ce point notamment).

Il nous semble ressortir de ce rapide panorama de votre jurisprudence que la concordance des intérêts qui fonde le constat d'une représentation de fait signifie, pour reprendre les termes de Catherine Bergeal dans ses conclusions sur la décision n° 161799 précitée, que "l'intérêt défendu par la partie présente à l'instance rejoint exactement celui de la partie que la juridiction a oublié d'appeler". Si vous préférez évoquer une concordance plutôt qu'une identité d'intérêts c'est, croyons-nous, parce que l'appréciation est située par rapport à l'objet du litige et parce que, comme le montre le désaccord avec votre rapporteur public sur la solution que vous avez adoptée par la décision de 2016 que nous venons de citer, vous ne souhaitez pas introduire dans la comparaison des intérêts la dimension beaucoup plus subjective de l'intensité avec laquelle ils pourraient être défendus par l'une ou l'autre personne. Mais il n'en demeure pas moins que les personnes susceptibles de se représenter mutuellement à une instance doivent avoir à l'issue du litige exactement le même intérêt, ce qui est le cas lorsque la décision dont elles défendent le maintien leur permettra de poursuivre leur projet ou leur activité, comme dans la plupart des décisions précitées.

Cette exigence de concordance exacte des intérêts au regard de l'issue du litige nous semble d'ailleurs découler de la finalité de la tierce opposition, qui est la seule voie de recours dont dispose une personne qui voit ses droits affectés par une décision de justice qui n'a pas été rendue contradictoirement à son égard. En effet, n'étant pas partie à l'instance ayant donné lieu à la décision de justice, elle ne peut la contester par les voies de recours ordinaires que sont l'appel ou la cassation. Elle n'a donc que la tierce opposition pour obtenir le respect du principe du caractère contradictoire de la procédure, qui n'est pas seulement un principe fondamental de toute procédure juridictionnelle puisqu'il s'impose aussi à toute procédure administrative susceptible d'affecter les droits de l'intéressé. Il serait paradoxal qu'une personne puisse voir son droit au caractère contradictoire de la procédure moins bien protégé dans une procédure juridictionnelle que dans une procédure administrative. L'atteinte qu'une décision de justice ainsi rendue représente au droit à une procédure contradictoire est d'autant plus importante qu'elle est imputable à la juridiction qui, dans une procédure inquisitoire telle que celle qui régit le procès administratif, doit veiller à mettre en cause les personnes intéressées. Par conséquent, si l'on conçoit bien que la notion de représentation ne soit pas exclusivement juridique et qu'un certain pragmatisme puisse être utile pour éviter une remise en cause trop aisée de la chose jugée, il convient de veiller à ce que sa mise en oeuvre ne compromette pas la finalité de cette voie de recours qui est de rendre à la procédure contentieuse son caractère contradictoire. Dans cette perspective, pour que la présence à l'instance d'une autre personne que celle qui y aurait eu intérêt soit regardée comme neutralisant cette atteinte au caractère contradictoire de la procédure, en dehors de toute expression de volonté de la personne absente de confier ses intérêts à celle qui était présente, il faut que la concordance des intérêts soit parfaite. Comme le rappelle également la Cour de cassation, "la communauté d'intérêt ne suffit pas à caractériser la représentation" (Cass. civ. 2, 22 octobre 1998, n° 95-21.219, inédit au bulletin N° Lexbase : A7986CYG; Cass. civ. 2, 8 juillet 2004, n° 02-14.385, FS-P+B N° Lexbase : A0215DDC, Bull. civ. II, 2004, n° 400).

Est-ce le cas du maître d'ouvrage et de son cocontractant titulaire d'un marché public dans une instance relative à la validité du contrat qui les lie ? Ils ont certes tous les deux intérêt au rejet de la demande et au maintien de leur relation contractuelle. Mais cette convergence d'intérêts, que partagent tous les défendeurs, est trop générale pour que leurs intérêts soient qualifiés de concordants.

Si l'on entre plus précisément dans l'analyse de leurs intérêts, d'importantes différences apparaissent. Les obligations contractuelles du maître d'ouvrage et du titulaire n'étant pas les mêmes, les conséquences de la résiliation ou de la résolution du contrat, que vous pratiquez suffisamment pour qu'il ne nous soit pas nécessaire de les décrire, ne seront pas les mêmes, ce qui est susceptible d'avoir une incidence sur le contenu de leur défense. Dans certains cas, l'une des parties au contrat peut même trouver un avantage à ce qu'un recours d'un tiers vienne la libérer de ses obligations contractuelles. Contrairement à la plupart des décisions que nous avons citées dans lesquelles vous avez retenu une concordance des intérêts, le maître d'ouvrage et le titulaire d'un marché public ne se trouvent pas du même côté au regard de l'exécution du contrat qui constitue l'objet du litige. Le cas de figure est plus proche de votre décision précitée n° 228856, par laquelle vous avez jugé que le futur attributaire d'un marché n'était pas représenté par le pouvoir adjudicateur dans un litige relatif à la régularité de cette attribution. Pour votre commissaire du Gouvernement, D. Piveteau, il aurait été "difficile de soutenir que les intérêts de ces syndicats -pouvoirs adjudicateurs-rejoignaient les intérêts de la société [Z] (attributaire pressentie) au point d'assurer leur représentation, même s'il s'agissait des partenaires prêts à signer le même contrat. Il est d'ailleurs très exceptionnel -ajoutait-il- que vous admettiez la représentation extra-mandataire de personnes privées par des personnes publiques".

Outre l'intérêt proprement dit que chacune des parties au contrat peut avoir à défendre sa validité, elles ne sont pas exactement dans la même situation pour répondre efficacement à tous les moyens qui peuvent être soulevés à l'encontre du contrat : la personne publique est ainsi plus à même de répondre aux moyens relatifs aux conditions dans lesquelles elle a donné son consentement, ainsi qu'à certaines critiques relatives au respect des règles de transparence et de mise en concurrence. Mais d'autres nécessitent la production de justifications que son cocontractant est mieux placé pour fournir. L'office du juge du contrat ne s'arrête pas au constat d'une éventuelle irrégularité ; il doit aussi déterminer les conséquences qu'il convient d'en tirer sur le contrat, lorsqu'elle n'est pas de celles qui entraînent sa résolution, ce qui le conduit à se pencher sur la situation du titulaire, que celui-ci est donc mieux placé que le maître d'ouvrage pour exposer. Ces quelques exemples suffisent à montrer que, de même que les intérêts des parties à un contrat à défendre sa validité lorsqu'elle est contestée devant un juge qui dispose d'une large panoplie de mesures propres à affecter les droits et obligations contractuelles des parties ne sont pas concordants, leur capacité à les défendre utilement n'est pas identique.

Ajoutons enfin qu'il nous semblerait peu cohérent qu'alors que vous vous attachez à garantir la stabilité des relations contractuelles et la sécurité juridique des cocontractants en subordonnant le recours des tiers en contestation de la validité du contrat à des conditions strictes tenant à leur intérêt pour agir et aux moyens qu'ils peuvent soulever, vous admettiez qu'une partie à un contrat puisse voir ses droits contractuels remis en cause par une décision de justice rendue au terme d'une instance à laquelle elle n'était pas présente et contre laquelle elle n'aurait aucune voie de recours.

Nous n'ignorons certes pas, d'autant que c'est le seul argument du pourvoi, que vous avez jugé, à propos de la recevabilité du recours en opposition, que l'acheteur public était présumé avoir le même intérêt que son cocontractant à défendre la validité du marché qui les lie (CE, 10 février 2014, n° 367262 N° Lexbase : A3840MEX aux Tables sur un autre point).

Indépendamment du fait que cette affirmation ne représente pas l'apport jurisprudentiel de cette décision, plusieurs raisons nous retiennent de vous proposer de l'étendre à la tierce opposition.

Tout d'abord, les termes employés à propos de l'opposition ne doivent pas vous lier dans votre appréciation de la recevabilité de la tierce opposition. L'article R. 831-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3312ALA) ferme la voie de l'opposition à la partie défaillante lorsque la décision "a été rendue contradictoirement avec une partie qui a le même intérêt" qu'elle. La référence au "même intérêt" ne traduit pas une exigence particulière d'identité des intérêts qui serait transposable à la condition de concordance des intérêts qui caractérise la représentation qui fait obstacle à la recevabilité de la tierce opposition. Nous pensons même que le terme de représentation employé par l'article R. 831-2 implique une plus grande proximité des intérêts que celle de "même intérêt", ce qui serait d'ailleurs parfaitement cohérent avec les finalités de ces voies de recours.

Ensuite et surtout, l'opposition et la tierce opposition correspondent à hypothèses de défaut de contradictoire très différentes qui justifient que les conditions dans lesquelles il soit possible de neutraliser ce défaut soient plus strictes pour la tierce opposition que pour l'opposition.

La différence fondamentale entre ces deux voies de recours est que la tierce opposition est, comme nous l'avons dit, la seule voie de recours ouverte à une personne qui n'était pas présente alors qu'elle aurait du l'être à une instance qui la concerne alors que l'opposition est ouverte à une personne qui était présente à l'instance mais qui n'a pas défendu régulièrement. L'atteinte au principe du contradictoire de la procédure est à plusieurs égards beaucoup plus importante dans les cas éligibles à la tierce opposition. D'une part, la personne absente à l'instance n'y a jamais été appelée. Elle n'a donc pas été mise même de se défendre, alors que l'opposition est ouverte au défendeur régulièrement mis en cause, qui a donc été mis à même de se défendre, ce qu'il a choisi de ne pas faire. D'autre part, ayant été partie à l'instance, le défendeur défaillant peut toujours les contester par une voie de recours ordinaire, appel s'agissant des jugements, pourvoi en cassation s'agissant des arrêts des cours administratives d'appel. L'opposition n'étant possible qu'à l'encontre des arrêts de cours et des décisions du Conseil d'Etat, le choix du recours n'est certes offert qu'au défendeur défaillant en appel (CE Sect., 20 novembre 1992, n° 114667 N° Lexbase : A8504ARE p. 417 et, pour une application : CE, 6 avril 2016, n° 389456 N° Lexbase : A8803RBN, aux Tables). Mais le tiers à l'instance qui aurait du y être appelé n'a même pas ce choix.

Il nous semble donc que tant les circonstances qui ouvrent l'une ou l'autre voie de recours que leurs conséquences sur les droits de l'intéressé justifient que les conditions dans lesquelles la procédure peut être regardée comme ayant été contradictoire à son égard malgré son absence ou son défaut soient beaucoup plus strictes dans le premier cas (tierce opposition) que dans le second (opposition). Pour le dire autrement, les considérations de nature à assurer la force et la stabilité de la chose jugée nous paraissent devoir peser beaucoup plus lourd dans le cas où l'absence de défense est imputable au seul défendeur que lorsqu'il n'y est pour rien.

Ajoutons enfin que cette absence de défense susceptible d'ouvrir la voie de l'opposition peut résulter d'un choix délibéré de l'intéressé qui a décidé de s'en remettre à l'autre défendeur, afin par exemple de s'épargner le coût d'une défense particulière. Une telle intention ne peut être présumée en ce qui concerne la tierce opposition puisque, par définition, le tiers opposant n'a pas été informé de l'instance.

Toutes ces raisons nous conduisent donc à vous proposer de juger que la cour n'a commis aucune erreur de droit en admettant la recevabilité de la tierce opposition formée par le cocontractant de la personne publique.

Et par ces motifs nous concluons :

- au rejet du pourvoi ;
- à ce que vous mettiez à la charge de la société X le versement à la société Y d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés.

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Procédure pénale

[Brèves] Publication d'un décret relatif aux conditions de l'expérimentation de l'enregistrement des contrôles d'identité par les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale équipés d'une caméra mobile

Réf. : Décret n° 2017-636 du 25 avril 2017, relatif aux conditions de l'expérimentation de l'enregistrement des contrôles d'identité par les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale équipés d'une caméra mobile (N° Lexbase : L0115LEY)

Lecture: 1 min

N7898BWG

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par Aziber Seïd Algadi

Le 04 Mai 2017

A été publié au Journal officiel du 27 avril 2017, le décret n° 2017-636 du 25 avril 2017, relatif aux conditions de l'expérimentation de l'enregistrement des contrôles d'identité par les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale équipés d'une caméra mobile (N° Lexbase : L0115LEY).

Le nouveau texte fixe les conditions de l'expérimentation relative à l'enregistrement systématique des contrôles d'identité réalisés en application de l'article 78-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L1023LDA) par les agents de la police et de la gendarmerie nationales qui sont équipés d'une caméra mobile. Il est prévu que lesdits contrôles d'identité font l'objet d'un enregistrement systématique au moyen d'une caméra mobile fournie au titre de l'équipement des personnels, dès lors que l'un au moins des agents participant à un tel contrôle en est équipé. L'impossibilité matérielle de procéder à l'enregistrement, en raison d'un dysfonctionnement de la caméra ou d'une capacité insuffisante d'enregistrement, ne fait pas obstacle à la réalisation des contrôles d'identité et n'affecte pas leur régularité. Cette expérimentation est applicable jusqu'au 1er mars 2018, dans les zones de sécurité prioritaire déterminé par le texte. Le décret définit également les modalités d'évaluation de cette expérimentation.

Il entre en vigueur le 28 avril 2017.

newsid:457898

Urbanisme

[Brèves] Existence d'un intérêt pour agir contre une autorisation d'urbanisme du propriétaire d'un terrain non construit

Réf. : CE 1° et 6° ch.-r., 28 avril 2017, n° 393801, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3241WBN)

Lecture: 1 min

N8000BW9

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par Yann Le Foll

Le 06 Mai 2017

Le propriétaire d'un terrain non construit est recevable, quand bien même il ne l'occuperait ni ne l'exploiterait, à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager si, au vu des éléments versés au dossier, il apparaît que la construction projetée est, eu égard à ses caractéristiques et à la configuration des lieux en cause, de nature à affecter directement les conditions de jouissance de son bien. Ainsi statue le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 28 avril 2017 (CE 1° et 6° ch.-r., 28 avril 2017, n° 393801, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3241WBN, voir sur la validité de la demande d'annulation d'un permis de construire présentée par un voisin immédiat, CE 1° et 6° s-s-r., 13 avril 2016, n° 389798, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6777RCY).

Dès lors, en jugeant que, si les projets litigieux conduisaient à urbaniser un secteur naturel protégé, cette seule circonstance n'était pas nature à affecter les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance des terrains que M. X possède à proximité dès lors qu'ils sont à vocation agricole et dépourvus de toute construction d'habitation, sans rechercher si, au vu des éléments versés au dossier, les constructions projetées étaient de nature à porter une atteinte directe aux conditions de jouissance de son bien, la cour administrative d'appel (CAA Nantes, 5ème ch., 24 juillet 2015, n° 14NT02367 N° Lexbase : A3255WB8) a commis une erreur de droit (cf. l’Ouvrage "Droit de l'urbanisme" N° Lexbase : E4908E7W).

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