Réf. : Communiqué de presse du 21 octobre 2025 de Laure Beccuau, Procureure de la République
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par La Rédaction
Le 21 Octobre 2025
Le 13 octobre 2025, une femme a été mise en examen par un juge d’instruction du tribunal de Paris, pour le vol en bande organisée des pépites dérobées au Museum d’histoire naturelle, et pour association de malfaiteurs. Elle a été placée en détention provisoire. Cette personne, née en janvier 2001 en Chine, avait été remise le jour même par les autorités espagnoles, qui l’avaient interpellée à Barcelone le 30 septembre 2025 en exécution d’un mandat d’arrêt européen.
Le 16 septembre 2025 au matin, alerté par une employée de ménage de la présence de débris, un conservateur a constaté la disparition de pépites d’or habituellement exposées. Il s’agissait de pépites originaires de Bolivie léguée à l’Académie des sciences au XVIIIème siècle ; de l’Oural, offerte par le Tsar Nicolas 1er de Russie en 1833 au muséum ; de Californie découverte au moment de la ruée vers l’or dans la seconde moitié du XIXème siècle ; un morceau de quartz richement aurifère originaire de Guyane découvert en 1883 ; et d’une pépite d’or de plus de cinq kilogrammes originaire d’Australie découverte en 1990. Le poids total de ces pièces était estimé à près de six kilogrammes.
Le préjudice financier a été évalué à 1,5 million d’euros, correspondant à la valeur de l’or natif, supérieure à l’or métal. 50 000 euros de préjudice matériel lié aux dégâts matériels s’ajoutent à ce décompte. La valeur historique et scientifique de ces pièces a quant à elle été jugée inestimable.
Le parquet de Paris a confié à la BRB (Brigade de Répression du Banditisme) une enquête pour vol en bande organisée (crime faisant encourir la peine de 15 ans de réclusion) et association de malfaiteurs en vue de commettre ce crime, avant d’ouvrir une information judiciaire le 29 septembre 2025. Les enquêteurs ont constaté que deux portes avaient été découpées à la disqueuse. Au sein de la galerie de minéralogie, la vitrine abritant les pépites avait été brisée par l’usage d’un chalumeau, retrouvé à proximité. Étaient découverts sur place une disqueuse, un tournevis ainsi que trois bonbonnes de gaz servant à alimenter un chalumeau, et des scies.
L’exploitation des vidéosurveillances a montré qu’une personne seule était entrée par effraction dans le musée peu après une heure du matin, pour en ressortir vers quatre heures après avoir longuement surveillé les alentours.
Les investigations téléphoniques ont démontré que cette personne avait quitté le territoire national dès le 16 septembre 2025, et s’apprêtait à regagner la Chine. Au moment de son interpellation, elle a tenté de se débarrasser de morceaux d’or fondu, pour un poids total de près d’un kilogramme. L’enquête se poursuit, notamment pour analyser cet or et rechercher ce qu’il est advenu des objets volés, ainsi que sur d’éventuels complices.
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Le 15 Octobre 2025
Mots clés : immobilier • réglementations environnementales • vacance commerciale • e-commerce • diagnostic de performance énergétique
Nouvelles normes incessantes, bureaux et espaces commerciaux « classiques » qui se vident à mesure de l’évolution des modes de vie et de salariat, difficultés à obtenir des financements auprès des banques pour mener à bien les rénovations énergétiques nécessaires, le domaine de l’immobilier est en plein bouleversement depuis plusieurs années. Pour nous éclairer sur cette problématique, Lexbase a interrogé Florence Bouthillier, DS avocats, spécialisée en droit de l’immobilier et de la construction*.

Lexbase : Quels sont les bouleversements majeurs à l'œuvre dans les domaines de l'immobilier et de la construction ?
Florence Bouthillier : Je citerai l'augmentation des taux d'intérêt, le changement des comportements post-Covid et la transition écologique.
Concernant les taux d'intérêt, cela a induit des conséquences sur le marché immobilier, donc sur l'activité immobilière et la construction. Cette hausse a également réduit la capacité d'emprunt des ménages, et d'une façon générale des sociétés, avec pour ces dernières des difficultés déjà présentes depuis la crise du covid. Cette hausse a logiquement conduit à une baisse des prix de l'immobilier, pas entièrement compensée par la stabilisation des taux observée début 2025. Nous assistons donc à un ralentissement très net de l'activité en construction et en transaction immobilière.
Concernant le changement des habitudes post-Covid, on a assisté à une sorte d’exode des villes avec une population en demande d’espaces plus grands, de jardins, d'espaces verts, etc. Dans le secteur professionnel, avec l'explosion du télétravail, les besoins de surfaces de bureaux ont fortement diminué, entraînant une perte de terrain du bail commercial classique. Les clients nous demandent maintenant de beaucoup travailler sur des contrats de prestations de services (coworking, baux flexibles).
Il y a aussi une reconfiguration des espaces, toujours dans le secteur professionnel, puisqu’au lieu de bureaux classiques qui ne sont que des lieux de travail finalement où chacun est dans son espace, les bureaux deviennent des lieux de rencontre, de collaboration, de culture, avec des espaces modulables sans postes attribués, avec pour objectif que les gens se mélangent.
Il y a évidemment aussi un phénomène de délocalisation partielle, avec pas mal d'entreprises qui ont déplacé une partie de leurs activités vers des villes de moindre importance, moins chères, avec parfois, dans certains cas, une vitrine conservée dans les grandes métropoles.
En industrie et en logistique, compte tenu de l'explosion du e-commerce, est apparu un besoin important de plateformes logistiques et de data centers. De ce point de vue là, les zones en périphérie des grandes villes ont pris de l'importance et de la valeur puisqu’évidemment, ce sont des activités qu'on ne peut pas mener en centre-ville. Il y a aussi l'automatisation, la technicisation des bâtiments qui est maintenant recherchée puisqu’on a besoin de sites industriels qui sont adaptés aux nouvelles technologies. On doit sortir techniquement des bâtiments capables d'accueillir une robotisation de la gestion intelligente, y compris de gestion intelligente des stocks. Les start-up et PME sont aussi en recherche de baux plus courts et plus flexibles. On assiste également à une forte demande d'immeubles en tertiaire qui comportent des salles de sport, des cantines healthy, avec des produits bio, des crèches, des services de conciergerie… Tout cela a pour conséquence l’augmentation de vacances dans les bureaux dits « classiques ».
Le troisième point que je voudrais aborder concerne la transition écologique et les nouvelles normes auxquelles sont soumis l'immobilier et la construction. Apparaît au grand jour un clivage accentué entre les immeubles modernes, qui comportent toutes les caractéristiques que je viens de vous citer, et puis ceux qui sont anciens, voire maintenant qualifiés d'obsolètes et qui sont quasiment invendables, sauf à y faire des travaux importants. Les logements énergivores vont être progressivement retirés du marché locatif pour ceux qui sont à louer, et connaître une forte décote à la vente pour les autres, de 10 à 30 %.
À cela s'ajoutent l'explosion des coûts de rénovation, l’une des conséquences de la guerre en Ukraine et la difficulté d'obtenir des matières premières d'une façon générale pour construire ou pour rénover de manière « vertueuse » écologiquement (dépense énergétique, éclairages LED, isolation thermique, recharges électriques, certification HQE). Des travaux importants peuvent se chiffrer en plusieurs dizaines de milliers d'euros pour les particuliers et bien davantage pour des immeubles de bureaux, avec un accès au crédit rendu justement plus difficile par la hausse des taux d’intérêts et aux aides par leur complexité. Mais ce n'est plus seulement une question de financement, mais aussi d'image et de valeurs. D’ailleurs, les centres commerciaux qui sont mal notés énergétiquement perdent en attractivité.
Lexbase : De quelle manière affectent-ils la conduite de vos dossiers ?
Florence Bouthillier : Avec ces nouvelles tendances que je vous ai décrites, on va demander de plus en plus de qualifications techniques aux avocats. Sans avoir évidemment les qualifications identiques à celles d'un constructeur, d'un promoteur, d'un architecte, on doit quand même s'adapter en développant de nouvelles expertises. On doit dorénavant connaître, dans nos équipes en droit de l’immobilier, le droit de l'énergie et de l'environnement. Or, ces réglementations environnementales se sont multipliées de manière critique depuis 10 ans, donc ce n'est pas toujours évident d'être à jour dans ces nouveaux domaines. Parallèlement, il faut savoir maintenant faire des montages juridiques qui comportent des rénovations énergétiques. Or, compte tenu du rythme de sortie des règles et des normes environnementales, l’actualisation de nos connaissances pour anticiper les risques juridiques doit être constante.
Émergent également de nouvelles formes de contrats et de contentieux, comme le « bail vert », devenu un facteur de valorisation de votre immobilier et de votre image de marque, ou les litiges en matière de DPE ou de vices cachés environnementaux, qui peuvent conduire à l’annulation d’une vente.
Au final, ces nouvelles expertises dont il faut qu'on fasse bénéficier notre client et ces nouvelles formes de contrat et de contentieux, aboutissent à un accompagnement relevant du conseil stratégique, très en amont, pour permettre au client futur propriétaire ou utilisateur, locataire ou bailleur, de bénéficier d'une situation locative ou de propriété optimisée. Par exemple, dans le cadre de la réhabilitation d'un immeuble ancien classé, il va falloir coordonner la partie urbanisme avec la partie environnement, la partie fiscalité, la partie copropriété, dans un souci de l'environnement et de la performance énergétique.
Citons enfin la transformation de logements obsolètes en hôtels ou d'immeubles à usage de bureaux en habitations, évidemment le tout aux normes, avec l’obtention des conformités administratives pour le changement d'usage.
Lexbase : Certains confrères sont-ils plus exposés que d'autres ?
Florence Bouthillier : Oui, par définition je dirais les petits cabinets et les confrères qui, de par leur ancienneté dans la profession, seraient peut-être moins ouverts à la modification des comportements et à l'utilisation des techniques pour travailler ces dossiers-là. En outre, l'immobilier est devenu beaucoup plus technique qu'avant. On fait maintenant du droit immobilier technique, environnemental, énergétique et certains avocats travaillant à l'ancienne, sans avoir été formés aux enjeux environnementaux, peuvent avoir du mal à s'adapter. Ils peuvent ne pas avoir nécessairement facilement les nouveaux réflexes concernant par exemple, la mise en œuvre du décret « tertiaire » (décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 N° Lexbase : L4181MUE), les changements d'usage des immeubles, les normes environnementales qui se multiplient. Ils peuvent aussi manquer de temps et de moyens. Or, les clients attendent maintenant de notre part des retours très rapides et si nous ne savons pas nous doter des outils qui vont nous permettre d'accélérer notre capacité de réflexion, en réalité, on perd alors du terrain.
Et même pour les avocats faisant du contentieux, on voit que l'intelligence artificielle s'insère dorénavant à l'intérieur du processus des recherches préalables au lancement d'un contentieux, que ce soit dans la recherche de jurisprudences, de cas semblables, y compris dans l'appréciation du risque à lancer telle ou telle procédure dans telle ou telle circonstance.
Donc, il convient absolument d'adopter ces nouveaux outils tout en conservant un esprit critique car ils ne sont pas sans défauts. Il faut réinventer finalement le métier d'avocat en sachant se faire accompagner sans se faire déborder par ces nouveaux outils.
Lexbase : La crise immobilière qui sévit depuis deux ans a-t-elle également des répercussions (vacance commerciale, expulsions) ?
Florence Bouthillier : Sans aucun doute. Le télétravail massif, la crise économique, l'inflation, la baisse de la consommation, la fermeture de commerces physiques au profit de l'e-commerce, la montée des normes écologiques, tous ces éléments contribuent à ce que la vacance commerciale explose. Elle a dépassé 10 % des cellules commerciales en centre-ville et jusqu'à 20 % dans certaines villes moyennes et 20 à 30 % parfois dans les galeries commerciales secondaires.
La seconde conséquence de cette évolution est la hausse des expulsions commerciales. L’on assiste à une multiplication des défauts de paiement du fait de la fin des mesures Covid, du refus de négociation par certains bailleurs qui cherchent à faire face aux difficultés économiques, à rebondir et trouver de meilleurs locataires, davantage porteurs d'une bonne image. Ils veulent des garanties à première demande plutôt que des cautions, ou même des dépôts de garantie « cash » plutôt que des cautions ou des garanties à première demande.
Et puis dans certaines villes, des rues commerçantes se vident de manière assez effrayante. Or, moins il y a de commerçants, moins il y en a d’attractivité et les seuls restants sont quasiment obligés de partir et d'aller s'implanter ailleurs.
Lexbase : Que pensez-vous de l'IA juridique dans votre spécialité ?
Florence Bouthillier : Cela peut apporter une automatisation des tâches répétitives et faciliter une analyse prédictive du risque. En revanche, cela ne doit pas déresponsabiliser l'avocat, obérer son esprit critique et empêcher de faire fonctionner son propre esprit d'analyse et de réflexion. L'IA peut être une façon de collecter des informations efficaces et rapides mais il ne faut surtout pas s'abstraire de la tâche essentielle de l'avocat, à savoir réfléchir à la problématique posée par le client.
*Propos recueillis par Virginie Natkin, chargée d’affaires grands comptes Avocats et Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public
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Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 2 octobre 2025, n° 503737, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : B5956BYA
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par Ambroise Vienet-Legué, Avocat associé, Ancien Secrétaire de la Conférence, Louve avocats
Le 14 Octobre 2025
Mots clés : urbanisme • procès-verbal • permis de construire • contrôle des travaux • prescription de l'action publique
Lorsqu’il doit se prononcer sur la légalité d’une décision d’un maire refusant de dresser un procès-verbal d’infraction au Code de l’urbanisme, le juge administratif doit se placer à la date de cette décision de refus et non pas à la date à laquelle il statue. En cas d’annulation, il doit enjoindre au maire de faire dresser un procès-verbal, sauf à ce que l’action publique soit prescrite.
I. Faits et procédure
Les requérants ont constaté la réalisation de travaux sans autorisation d’urbanisme sur un terrain voisin au leur.
Ils ont demandé au maire de faire dresser un procès-verbal d’infraction au Code de l’urbanisme et d’en transmettre une copie au ministère public, conformément aux dispositions de l’article L. 480-1 de ce code N° Lexbase : L0742LZI.
Une décision implicite de refus est née puisque le maire a gardé le silence pendant deux mois.
Ils ont alors saisi le tribunal administratif afin, d’une part, que cette décision de refus soit annulée et, d’autre part, qu’il soit enjoint au maire de faire dresser un procès-verbal d’infraction.
Cependant, à la date à laquelle le tribunal administratif est saisi, l’infraction a été régularisée en raison de la délivrance d’une autorisation d’urbanisme a posteriori.
Le tribunal administratif a décidé de saisir le Conseil d’État d’une demande d’avis contentieux sur le fondement de l’article L. 113-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L2626ALT.
En substance, les deux questions qui se posent sont les suivantes :
II. Les rappels préalables du Conseil d’État
Avant de répondre précisément aux deux questions posées par le tribunal administratif, le Conseil d’État procède à trois rappels préalables.
Premièrement, en matière de recours pour excès de pouvoir, la légalité d’un acte administratif s’apprécie à la date de son édiction.
Ce n’est que par exception, lorsque cela est nécessaire pour conférer un « effet utile » à sa décision, que le juge administratif doit se placer à la date à laquelle il statue.
Comme la Haute Juridiction le précise, l’intérêt de basculer vers une telle « appréciation dynamique » de la légalité d’un acte s’évalue « eu égard à la nature des droits en cause et à la nécessité de prendre en compte l’écoulement du temps et l’évolution des circonstances de droit et de fait » [1].
Deuxièmement, lorsque le maire a connaissance d’une infraction au Code de l’urbanisme, il a l’obligation de faire dresser un procès-verbal [2].
Cette obligation ressort expressément des dispositions de l’article L. 480-1 du Code de l’urbanisme.
En d’autres termes, le maire est en situation de « compétence liée » lorsqu’est portée à sa connaissance l’existence d’une infraction au Code de l’urbanisme. Dans cette hypothèse, il doit faire dresser un procès-verbal d’infraction et en transmettre une copie au ministère public.
C’est ensuite ce dernier qui déterminera si l’infraction doit être pénalement poursuivie ou non, conformément au principe d’opportunité des poursuites (CPP, art. 40-1 N° Lexbase : L7457LBS).
Troisièmement, le fait que des travaux effectués en infraction au Code de l’urbanisme soient régularisés – comme cela a été le cas en l’espèce par la délivrance d’une autorisation d’urbanisme de régularisation – ne fait pas « disparaître l’infraction ».
En effet, dans une telle hypothèse, des poursuites pénales peuvent toujours être engagées [3].
III. Une légalité qui doit s’apprécier au jour de la décision de refus
Le Conseil d’État répond à la première question posée par le tribunal administratif en indiquant que le juge de l’excès de pouvoir doit apprécier la légalité de la décision de refus de dresser un procès-verbal d’infraction au Code de l’urbanisme en se plaçant à la date de celle-ci, et non pas à la date à laquelle il statue.
Cela est commandé par la nécessité de conserver l’ « effet utile » d’une éventuelle décision d’annulation.
En effet, si le juge administratif devait se placer à la date à laquelle il prend sa décision (« appréciation dynamique » de la légalité), cela ne serait pas sans poser de difficultés.
Dans l’hypothèse où l’infraction aurait été régularisée, comme en l’espèce, le juge administratif ne pourrait pas prononcer l’annulation de la décision de refus de dresser un procès-verbal puisque l’infraction aurait cessé au jour où il se prononcerait.
D’abord, cela entrerait en contradiction avec l’essence même de l’obligation qui pèse sur le maire de faire dresser un procès-verbal d’infraction dès lors qu’il a connaissance de celle-ci (C. urb., art. L. 480-1).
Ensuite, et plus concrètement, cela aurait pour conséquence que l’inaction administrative puisse faire obstacle à l’action publique tendant à réprimer les infractions pénales en matière d’urbanisme.
En effet, comme il a été rappelé, le fait que l’infraction soit régularisée ne fait pas disparaître celle-ci aux yeux du juge répressif : l’auteur de l’infraction peut toujours être poursuivi pénalement. Ainsi, par le biais d’une régularisation de l’infraction commise, celui-ci pourrait finalement échapper à la constatation formelle de l’infraction et, par suite, à d’éventuelles poursuites.
Cette position du Conseil d’État s’inscrit dans la droite ligne d’un avis précédemment rendu en matière de contravention de grande voirie [4].
Il y était notamment relevé que « si la disparition de l’atteinte à l’intégrité du domaine ou la fin de son occupation irrégulière peuvent être de nature à priver d’objet l’action domaniale, un tel changement de circonstances ne saurait priver d’objet l’action publique ».
La Haute juridiction soulignait ainsi que la légalité de la décision de refus de l’administration de constater une contravention de grande voirie devait être appréciée à la date de cette décision.
IV. Une annulation impliquant d’enjoindre au maire de faire dresser un procès-verbal
Dans son avis, le Conseil d’État se prononce également sur le pouvoir d’injonction du juge administratif afin de répondre à la deuxième question posée par le tribunal administratif.
Ainsi, lorsqu’une décision de refus de constater une infraction pénale est annulée, le juge administratif doit enjoindre au maire de répondre à son obligation légale en faisant dresser un procès-verbal d’infraction dont une copie doit être transmise au ministère public.
En d’autres termes, l’annulation de la décision de refus « implique nécessairement » qu’un procès-verbal soit dressé (CJA, art. L. 113-1).
Une exception à ce principe est toutefois fixée : l’injonction ne peut pas être imposée lorsque l’action publique est prescrite.
En effet, en vertu de l’article 8 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3314MMP relatif à la prescription de l’action publique en matière délictuelle, une infraction au Code de l’urbanisme ne peut plus être poursuivie, en principe, dans un délai de six ans à compter de l’achèvement des travaux [5].
En cas de prescription, un procès-verbal d’infraction ne peut donc pas être valablement dressé, quand bien même la réalité d’une infraction pénale commise quelques années plus tôt ne serait pas contestée.
L’auteur de l’infraction échapperait ainsi à toute poursuite pénale.
Les requérants lésés n’auraient plus que pour seule solution d’engager la responsabilité de l’État [6].
V. Le constat possible d’une infraction régularisée
Quand bien même l’action publique ne serait pas encore prescrite à la date à laquelle le juge administratif statue sur la légalité d’une décision de refus de dresser un procès-verbal, une autre difficulté pratique peut se poser s’il est enjoint au maire d’y procéder : comment procéder au constat d’une infraction pénale qui a été régularisée ?
Sur ce point, les conclusions de la rapporteure publique Dorothée Pradines rendues sous cet avis sont éclairantes.
Si l’infraction au Code de l’urbanisme a cessé puisqu’elle a été régularisée, le procès-verbal peut se fonder sur divers « éléments matériels » attestant rétrospectivement de l’existence d’une infraction.
Les conclusions évoquent notamment les « courriers ou courriels échangés avec l’intéressé ou des voisins de celui-ci » ou encore, plus simplement « les motifs de la décision du juge administratif » ayant annulé le refus de dresser un procès-verbal.
Cette possibilité de constater une infraction au Code de l’urbanisme en dépit d’une régularisation confirme l’ « effet utile » d’une décision d’annulation du juge administratif qui se serait placé à la date de la décision de refus pour se prononcer.
Néanmoins, un procureur saisi d’un procès-verbal constatant une infraction qui a été régularisée – si bien que le trouble à l’ordre public généré par celle-ci a cessé – pourra-t-il vraiment trouver « opportun » d’engager des poursuites ?
C’est sans doute la pratique qui permettra de déterminer si l’annulation juridictionnelle du refus d’un maire de constater une infraction qui a ensuite été régularisée aura un effet utile ou non…
[1] CE, 12 juin 2020, n° 422327, publié au Lebon N° Lexbase : A43403N3.
[2] CE, 23 septembre 2019, n° 424270, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3909ZPH.
[3] Cass. crim., 16 janvier 2018, n°17-81.157, FS-P+B N° Lexbase : A8768XAY.
[4] CE, avis, 31 mars 2023, n° 470216 N° Lexbase : A83139MT.
[5] Cass. crim., 20 mai 1992, n° 90-87.350, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0484ABK.
[6] CE, 21 octobre 1983, n° 31728, publié au Lebon N° Lexbase : A2240AMW.
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