Réf. : Communiqué de la Cour de cassation, 4 juillet 2025
Lecture: 2 min
N2712B3T
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par La Rédaction
Le 21 Juillet 2025
Le 27 juin 2025, le premier président Christophe Soulard a réuni le Conseil d’orientation (COR), instance plénière qui rassemble l’ensemble des partenaires de l’Observatoire des litiges judiciaires (OLJ). À cette occasion, les membres du COR ont confirmé la poursuite du déploiement de ce dispositif innovant au service d’une justice plus lisible et réactive.
Rappelons qu’issu d’une recommandation du rapport « Cour de cassation 2030 », l’OLJ a pour mission de repérer les contentieux émergents, les dossiers sériels et les divergences, et les sujets d’intérêt public majeur de jurisprudence sur lesquels la Cour de cassation sera appelée à statuer. Expérimenté à l’origine par trois premières cours d’appel pilotes (Versailles, Nancy et Rennes ), il a été élargi à trois nouvelles cours d’appel : Paris, Lyon et Poitiers.
Depuis le lancement de l’OLJ, 130 signalements ont été transmis à la structure opérationnelle : 75 relèvent de la matière civile, 14 du domaine commercial, 26 du droit social et 15 du droit pénal. Le bilan souligne également plusieurs avancées concrètes : un traitement accéléré des contentieux ciblés, un appui pour les magistrats favorisant le dépôt des demandes d’avis, une meilleure identification des dossiers sériels sur le territoire et une anticipation de la préparation de la Cour de cassation sur des sujets d’intérêt public majeur.
Cette réunion plénière a également permis de faire un point d’étape sur les deux premiers collèges thématiques, créés en mai 2024 à l’initiative du COR : l’un consacré au contrôle coercitif, dirigé par la présidente Sandrine Zientara, et l’autre à la responsabilité sociale des entreprises (RSE), présidé par le président Vincent Vigneau.
L’OLJ poursuit donc sa mission : mieux anticiper les contentieux, mieux préparer les juges et contribuer à la vitalité du débat démocratique sur l’évolution du droit.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:492712
Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 17 juillet 2025, n° 503317, publié au recueil Lebon N° Lexbase : B1047AYG
Lecture: 7 min
N2711B3S
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Pierre-Etienne Moullé, Avocat associé et Inès-Kim Maronnat, avocate, Beside Avocats
Le 25 Juillet 2025
Mots clés : biens de retour • tiers aux contrats • concession • casino • service public
Par une décision rendue le 17 juillet 2025, le Conseil d’État apporte une clarification importante au régime des biens de retour en ce qu’il étend l’application de celui-ci aux biens relevant de la propriété d’un tiers au contrat de concession.
L'affaire en litige.
Dans cette affaire, la commune de Berck-sur-Mer avait cédé son ancienne gare routière à la société Groupe Partouche, en vue de la réalisation d’un casino. Son exploitation avait été confiée à la société Jean Metz, entièrement détenue par le Groupe Partouche. Ce dernier avait consenti un bail commercial à la société Jean Metz, ayant pour activité principale l’exploitation d’un casino.
La concession a été renouvelée une première fois en 2005, puis à nouveau en 2024 au bénéfice de la société Jean Metz. La société du Grand Casino de Dinant, candidate évincée, a saisi le tribunal administratif de Lille d’un référé précontractuel, demandant l’annulation de la procédure de passation.
L’article 6.2 du règlement de la consultation imposait aux candidats de disposer, avant la date de remise des offres, d’un titre de propriété ou d’un contrat d’occupation avec un tiers propriétaire de l’immeuble au sein duquel l’activité du casino est exploitée.
Le juge des référés du tribunal administratif de Lille a estimé qu’une telle condition ne pouvait être remplie que par le titulaire sortant, la société Jean Metz, compte tenu du bail commercial consenti par la société Groupe Partouche, propriétaire des locaux et détentrice de l’intégralité de son capital, en méconnaissance du principe d’égalité entre les candidats [1].
Par ailleurs, il a également considéré que cette exigence contractuelle n’était pas justifiée dès lors que l’immeuble accueillant le casino devait, en tout état de cause, faire retour dans le patrimoine de la commune.
La société Jean Metz s’est alors pourvue en cassation.
Retour sur les biens de retour.
Saisi du litige, le Conseil d’État a d'abord rappelé la règle désormais bien établie relative aux biens nécessaires à l’exécution du service public, et en particulier le principe selon lequel, au terme de la convention de délégation de service public, ces biens reviennent à titre gratuit dans le patrimoine de la personne publique, qu’ils aient été acquis ou réalisés au cours de l’exécution du contrat ou antérieurement à sa conclusion, nonobstant l'éventuelle indemnisation du préjudice subi par le concessionnaire [2].
Cette jurisprudence, qui a noirci des volumes entiers de revues juridiques, était devenue familière des praticiens du droit des concessions, malgré ses subtilités.
Ses ultimes détracteurs s'étaient in fine heurtés à la décision de la Cour européenne des droits de l'Homme [3].
Parmi les problématiques qui pouvaient demeurer délicates pour les autorités concédantes, nous trouvions en bonne place la question des contrats de leasing intragroupe et la délicate question des tiers aux contrats de délégation de service public.
À ce sujet, la qualification de biens de retour pour des biens détenus par des tiers au contrat de délégation de service public avait suscité plusieurs interrogations devant les juges du fond.
En effet, comment procéder lorsque le bien nécessaire au service (un immeuble, un engin, etc.) a été simplement « loué » par le concessionnaire à un tiers ?
À ce titre, la jurisprudence administrative considérait qu’un bien nécessaire au service public ne pouvait relever de la catégorie des biens de retour dès lors qu’il était la propriété d’un tiers au contrat de concession, lequel l’avait simplement apporté en location au profit du délégataire pour lui permettre de gérer le service public [4].
Ces décisions avaient été nuancées par un arrêt récent de la cour administrative d’appel de Douai, à propos, là aussi, d'un casino réalisé par un tiers sur le domaine public. Ce tiers intervenait sur la base d’une convention d’occupation du domaine public conclue à l’origine par le concessionnaire, mais dont les droits avaient été transférés par la suite à ce tiers.
La cour administrative d’appel avait alors considéré que la convention d’occupation du domaine public n’était pas divisible du contrat de concession dès lors qu’elle avait pour objet de permettre la réalisation des obligations mises à la charge du concessionnaire. Ainsi, elle ne pouvait faire obstacle à ce que les biens nécessaires au fonctionnement du service public, soient regardés comme des biens de retour [5].
Dans le prolongement de cet arrêt et de sa logique, protectrice de la continuité du service public et des moyens nécessaires à cette continuité, la Haute juridiction vient préciser les conditions dans lesquelles les biens appartenant à un tiers à un contrat de concession peuvent néanmoins relever du régime des biens de retour.
L'extension du régime des biens de retour à certains tiers au contrat
Le Conseil d’État confirme le raisonnement du juge des référés en affirmant qu'en principe les règles régissant les biens de retour ne s’appliquent pas aux biens qui sont la propriété d’un tiers au contrat de concession, y compris lorsqu’ils sont affectés et nécessaires au fonctionnement du service public.
Toutefois, la Haute Juridiction vient affirmer de manière inédite que :
« il en va différemment dans le cas où, d’une part, il existe des liens étroits entre les actionnaires ou les dirigeants du propriétaire du bien et du concessionnaire, lesquels permettent de regarder l’un comme exerçant une influence décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de l’autre ou de regarder l’un et l’autre comme étant placé sous le contrôle d’une même entreprise tierce et, d’autre part, le bien, exclusivement destiné à l’exécution du contrat de concession, a été mis par son propriétaire à la disposition du concessionnaire pour cette exécution. Dans un tel cas, le propriétaire du bien doit être regardé comme ayant consenti à ce que l’affectation du bien au fonctionnement du service public emporte son transfert dans le patrimoine de la personne publique, dans les conditions précédemment énoncées. »
La fin des leasing intragroupe ?
En droit, la décision du Conseil d'État paraît limpide de prime abord en ce qu'elle vient étendre le périmètre des biens de retour.
En pratique, cette décision vient mettre fin à l'intérêt, pour les concessionnaires, de mettre en place des contrats de location de diverses natures, entre plusieurs sociétés d'un même groupe, dans le seul but d'échapper à la théorie des biens de retour.
En effet il n'est pas rare que les concessionnaires recourent (plus ou moins habilement, plus ou moins discrètement voire, plus ou moins volontairement) à des sociétés qu’ils détiennent ou avec lesquelles ils entretiennent de forts liens capitalistiques, pour disposer des biens nécessaires à l’exploitation du service.
Un point important : cette jurisprudence concerne à notre sens tant les biens mobiliers qu’immobilier, dès lorsqu'ils sont nécessaires au service public.
L'évidente question qui sera désormais au coeur de bon nombre de litiges ou de négociations : la limite et la nature des « liens étroits » entre les deux entités que les parties, et in fine le juge administratif, auront la délicate tâche d'apprécier au cas par cas...
Ce qu’il faut retenir : Sont désormais des biens de retour, qui reviennent à titre gratuit dans le patrimoine de la personne publique au terme de la concession le bien appartenant à un tiers au contrat de concession si :
|
[1] TA Lille, 25 mars 2025, n° 2502084 N° Lexbase : A76840DX.
[2] CE, 29 juin 2018, n° 402251 N° Lexbase : A5127XUG ; CE, 21 décembre 2012, n° 342788 N° Lexbase : A1341IZP.
[3] CEDH, 5 octobre 2023, Req. 24300/20, SARL Couttolenc Frères c/ France N° Lexbase : A67901MG.
[4] CAA Marseille, 16 décembre 2019, n° 18MA03183 N° Lexbase : A4136Z93 ; CAA Marseille, 17 avril 2023, n° 23MA00452 N° Lexbase : A93409PM.
[5] CAA Douai, 2 avril 2025, n° 21DA02161 N° Lexbase : A71580ET.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:492711
Réf. : Cass. soc., 18 juin 2025, n° 23-19.022, FS-B N° Lexbase : B5198AKQ
Lecture: 1 min
N2672B3D
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
Le 15 Juillet 2025
►Dans cet épisode, César Solis, avocat en droit social chez Steering Legal, décrypte pour nous un arrêt clé de la Cour de cassation rendu le 18 juin 2025.
La Haute juridiction s’est penchée sur le droit d’accès d’un ancien salarié à ses données à caractère personnel, en particulier les courriels échangés via sa messagerie professionnelle.
Cette décision confirme que ces courriels relèvent du périmètre des données personnelles, avec des obligations renforcées pour les employeurs dans le cadre du RGPD.
►Quelles conséquences concrètes en entreprise ? Comment anticiper les demandes d’accès ? Les réponses avec Maître Solis dans ce nouvel épisode Lexflash, à retrouver sur Youtube, Spotify et Apple Podcasts.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:492672
Réf. : Cass. civ. 3, 26 juin 2025, n° 23-20.274, FS-B N° Lexbase : B6278AMH
Lecture: 2 min
N2710B3R
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J AVOCATS, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
Le 21 Juillet 2025
L’assignation est interruptive de prescription.
Quel que soit son objet, donc même s’il s’agit uniquement de rendre opposable un jugement.
Les problématiques de prescription sont au cœur du droit de la construction. La raison en est simple : les enjeux financiers sont importants et les délais pendant lesquels les constructeurs sont responsables et, par devers eux, leurs assureurs sont garants, sont longs. Les questions de ce qui interrompt la prescription, par qui, sur quoi et contre qui suscitent des contentieux récurrents et abondants. L’arrêt rapporté en est une illustration.
En l’espèce, un SDC conclut avec un constructeur un marché de travaux aux fins de ravalement des façades de l’immeuble. Le constructeur achète la peinture auprès d’un fournisseur qui a lui-même acheté la peinture auprès d’une autre société, en liquidation judiciaire. Au moment des opérations préalables à la réception, l’expert chargé du suivi des travaux de ravalement a constaté une différence de teinte sur les façades. Le sinistre est déclaré à l’assureur, lequel diligente une expertise amiable qui se déroule au contradictoire du fournisseur et du fabricant. L’entrepreneur assigne le fabricant et le fournisseur en sollicitant l’opposabilité du jugement à intervenir au second. Le tribunal surseoit à statuer. Trois ans après, le SDC maître d’ouvrage assigne le constructeur, fabricant et fournisseur en responsabilité.
Par un arrêt rendu le 28 juin 2023, la Cour d’appel de Bastia condamne le fournisseur à relever et garantir l’entrepreneur de toutes les condamnations prononcées à son encontre. Il forme un pourvoi en cassation aux motifs que le constructeur serait prescrit à agir à son encontre.
La Haute juridiction considère ce moyen non fondé. Au visa de l’article 2241 du Code civil N° Lexbase : L7181IA9, il est rappelé qu’une demande en justice, même en référé, interrompt les délais de prescription et de forclusion. L’assignation aux fins de voir rendre opposable à une partie le jugement rendu à l’encontre d’une autre à pour effet de permettre, d’une part, à la partie appelée en déclaration de jugement opposable de faire valoir des observations en défense, d’autre part, au demandeur à l’action d’invoquer directement à l’encontre de cette partie l’autorité de la chose jugée de la décision qui sera rendue. Aussi, une telle assignation constitue-t-elle une demande en justice interruptive de prescription.
La solution mérite d’être approuvée. Dire le contraire reviendrait à distinguer les « bonnes assignations », de celles qui seraient interruptives, des « mauvaises » qui seraient tout de même des assignations mais qui ne seraient pas suffisamment importantes pour être interruptives.
Ubit lex non distinguit nec no distinguere.
Mais cette jurisprudence s’articule assez mal avec celle selon laquelle la demande, pour être interruptive, doit tendre à la reconnaissance d’un droit à l’encontre de la partie contre laquelle le demandeur souhaite interrompre son délai… À suivre…
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:492710
Réf. : Cass. civ. 2, 3 juillet 2025, n° 23-20.538, F-B N° Lexbase : B7778APR
Lecture: 3 min
N2709B3Q
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques
Le 21 Juillet 2025
La Cour de cassation précise sa jurisprudence au sujet de la notification d’un titre exécutoire (V. Cass. civ. 2, 20 mai 2021, n° 19-21.994 N° Lexbase : A25344SN). Elle considère que la seule jonction au commandement de payer valant saisie immobilière des décisions qui le fondent, ne peut valoir notification de ces dernières. Le juge doit vérifier si l’acte de signification du commandement avait aussi pour objet de signifier les décisions servant de fondement aux poursuites.
Faits et procédure. Agissant en vertu d’un jugement du 2 mars 1993, confirmé en appel le 24 octobre 1996, une société a fait délivrer le 12 mars 2021 un commandement de payer aux fins de saisie immobilière à Mme [B]. Au sein de ce commandement, sont jointes les décisions qui constituent le titre exécutoire de la société. Avant la signification de ce commandement, les décisions qui le fondent n’ont pas été signifiées à la débitrice. Ensuite, la société a assigné Mme [B] à comparaître à l’audience d’orientation. Lors de cette audience, Mme [B] a invoqué la prescription décennale des titres fondant les poursuites. Une décision de première instance est rendue, puis un appel est interjeté devant la Cour d’appel de Pau. Cette dernière statue sur ce recours, dans un arrêt du 17 janvier 2023 (CA Pau, 17 janvier 2023, n° 22/01941 N° Lexbase : A424389Z). Ensuite, Mme [B] décide d’attaquer cette décision devant la Cour de cassation.
Pourvoi/Appel. La demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt de déclarer valide le commandement de payer valant saisie immobilière qui lui a été signifié par la société le 12 mars 2021. Au soutien de son pourvoi, Mme [B] affirme que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire. Pour considérer le commandement valide, la Cour d’appel a relevé que le jugement du 2 mars 1993 et l’arrêt du 24 octobre 1996 avaient été notifiés à Mme [B] avec le commandement de payer. Compte tenu du fait que ces décisions ont été jointes au commandement, les juges du fond ont déduit qu’elles avaient bien été notifiées à la débitrice. En statuant ainsi sans constater que les décisions auraient été signifiées préalablement au début de la procédure de saisie, Mme [B] estime que la Cour d’appel a violé l’article 503 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6620H7C.
Solution. La Cour de cassation approuve l’argumentation de Mme [B], au visa des articles 503 et 675 N° Lexbase : L6868LE4 du Code de procédure civile. Après avoir rappelé la lettre de ces articles et le raisonnement de la Cour d’appel, la Cour de cassation considère que les juges du fond auraient dû vérifier si l’acte de signification du commandement de payer, avait également pour objet de signifier les décisions servant de fondement aux poursuites. Dans cette situation, la Cour considère que la seule jonction au commandement de payer valant saisie immobilière des décisions qui le fondent, ne peut valoir notification de ces dernières.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:492709