TA Lille, du 25-03-2025, n° 2502084
A76840DX
Référence
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 et 17 mars 2025, la société du Grand Casino de Dinant, représentée par Me A et Me Bouguettaya, demande, dans le dernier état de ses écritures, au juge des référés :
1°) statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative🏛, d'annuler la procédure de passation lancée par la commune de Berck-sur-Mer pour l'attribution d'une concession ayant pour objet la gestion et l'exploitation du casino ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Berck-sur-Mer la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Elle soutient que :
- la commune concédante a méconnu le principe de liberté d'accès à la commande publique posé à l'article L.3 du code de la commande publique🏛, ainsi que les articles L. 3132-4 et L. 3132-5 du même code, dès lors que l'autorité concédante impose au délégataire la réalisation d'investissements relatifs à des biens répondant à la qualification de biens de retour, le bien immobilier dans ou sur lequel ces investissements seront réalisés ne peut pas appartenir à un tiers au contrat de délégation de service public ; l'article 6.2 du règlement de consultation dispose que le candidat fournit le titre d'occupation du bâtiment ; compte tenu du régime des biens de retour et de la nature des investissements exigés du futur délégataire, toute prise à bail d'un bâtiment pour y exploiter l'activité déléguée est donc exclue ; la commune devra éliminer l'offre de la société Jean Metz si elle candidate, dès lors qu'elle se prévaudra du titre d'occupation du bâtiment appartenant à la société Groupe Partouche et qu'une telle offre méconnaîtra la législation en vigueur sur les biens de retour, les biens en cause abritant le casino ne pouvant lui revenir à l'issue du bail ; il ressort de l'article 1.4 du règlement de la consultation que le bâtiment est réputé appartenir à la société Groupe Partouche et est exclu du périmètre des biens de retour ; sauf à présenter une offre reposant sur la prise à bail d'un bâtiment lui appartenant pas directement et donc en méconnaissant l'article L.3132-5 du code de la commande publique🏛, le candidat extérieur au Groupe Partouche verra ses investissements immobiliers revenir gratuitement à la commune au terme de la future délégation de service public conformément à l'article 26.1 du cahier des charges ; inversement les documents de la consultation autorisent la société Jean Metz à présenter une offre permettant au Groupe Partouche auquel elle appartient de conserver la pleine propriété du bâtiment abritant le casino ainsi que des investissements réalisés ; la rupture d'égalité de traitement entre les candidats potentiels est patente ;
- une incertitude quant à la durée de la concession existe et méconnaît les dispositions de l'article L.3111-1 du code de la commande publique🏛 ; l'article 1.3 du règlement de consultation laisse la liberté aux candidats de présenter une offre reposant sur une durée de contrat de 10, 15 ou 20 ans ; la commune n'indique pas comment elle appréciera les offres au regard de la durée qui sera proposée par les candidats ; la prise en compte de la durée ne figure pas dans les critères d'analyse des offres ;
- les candidats extérieurs au Groupe Partouche, propriétaire du bâtiment abritant actuellement le casino, étaient dans l'impossibilité d'acquérir et, le cas échéant, d'aménager un bien dans un délai de trois mois avant la date limite de remise des offres ; le délai est nécessairement insuffisant pour répondre ; la commune impose, par ailleurs, aux opérateurs économiques extérieurs au Groupe Partouche d'être propriétaire d'un ouvrage dès le stade de la remise des offres et non pas uniquement en cas d'attribution du contrat ; en prévoyant un tel dispositif, la commune a manqué à ses obligations en matière de mise en concurrence ;
- le Groupe Partouche a bénéficié d'un avantage indu en termes de capacités d'investissement dès lors que, à l'inverse de ses éventuels concurrents, il a d'ores et déjà amorti les investissements relatifs à l'acquisition du bâtiment abritant le casino ; la circonstance que la société Jean Metz verse un loyer à la société Groupe Partouche n'exclut pas l'existence d'un avantage concurrentiel sur les autres opérateurs économiques qui sont susceptibles de répondre ; elle n'a pas connaissance en tout état de cause du montant de ce loyer ; des travaux de mise aux normes s'imposent aux autres candidats s'ils trouvent un bien immobilier adéquat, alors que le casino exploité par la société Jean Metz est conforme à la réglementation ERP et à l'ensemble des normes de sécurité applicables ; il permet ainsi d'exécuter la délégation de service public sans le moindre aménagement ;
- la commune n'avait pas d'autres choix que de mettre à disposition à tous les candidats un bâtiment pour l'exécution de la concession ;
- la commune a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en indiquant à tort que le bâtiment abritant le casino ne sera pas la propriété de l'autorité délégante ; que l'information est erronée dans les documents de la consultation en ce qui concerne la propriété du bâtiment abritant le casino ;
- la commune a méconnu les dispositions des articles L.3114-7 et R.3114-2 du code de la commande publique🏛🏛 ; s'il pouvait être admis par le tribunal que la commune n'impose pas nécessairement des investissements immobiliers au délégataire, la durée de la concession envisagée serait alors excessive au regard des dispositions précitées du code de la commande publique, dès lors que la durée d'une concession ne peut pas excéder le temps nécessaire au concessionnaire pour amortir les investissements réalisés ;
- la commune a méconnu l'autorité de la chose jugée par l'ordonnance du 5 juillet 2024 rendu par le juge des référés du tribunal de céans en relançant une nouvelle consultation sur les mêmes bases ; en tout état de cause, les décisions du juge des référés étant obligatoires, l'autorité concédante ne peut ignorer le dispositif d'une décision et reprendre la procédure de consultation dans des conditions similaires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2025, la commune de Berck-sur-Mer, représentée par Me Metzer, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société du Grand Casino de Dinant une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Lassaux, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique qui s'est tenue le 17 mars 2025 à 15 heures, en présence de Mme Dérégnieaux, greffière, M. Lassaux, juge des référés, a lu son rapport et entendu
- les observations Me A, représentant la société du Grand Casino de Dinant ;
- les observations de Me Metzger représentant la commune de Berck-sur-Mer.
La clôture de l'instruction a été différée au 19 mars 2025 à 14 heures.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 mars 2025 à 7 heures 34, la commune de Berck-sur-Mer conclut au rejet de la requête et maintient ses écritures en défense.
Elle soutient que :
- les candidats n'ont pas l'obligation d'être propriétaire du bâtiment abritant le casino ; elle n'impose dans le cadre de cette consultation aucun investissement immobilier ; l'article 7 du règlement de consultation portant sur la qualité du projet et des investissements ne vise pas nécessairement des investissements immobiliers ; le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L.3132-5 du code de la commande publique n'est pas susceptible de prospérer, dès lors que la méconnaissance des dispositions de cet article ne constitue pas un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ;
- les candidats ne sont pas tenus d'être propriétaire d'un bâtiment abritant le casino ; ils ne sont tenus pas de disposer d'un bien durant la consultation ; ils doivent en disposer seulement pour l'exécution du contrat et ce en qualité de propriétaire ou de locataire ;
- il n'est pas démontré que la société Jean Metz tire un avantage d'une mise à disposition du bâtiment abritant le casino par la société Groupe Partouche ; la première acquitte un loyer annuel à la seconde qui n'est pas symbolique ; elle rappelle que le règlement de consultation n'impose aucune propriété du bâtiment si bien que tout candidat pourrait justifier d'un bail ou d'une promesse de vente sur un bâtiment déjà aux normes sans coût supplémentaire ;
- le choix de trois variantes portant sur la durée de la concession permet à des candidats autres que l'exploitant sortant de pouvoir formuler des offres sur une durée de contrat suffisante afin de permettre l'amortissement d'investissements lourds ; un candidat peut donc faire le choix de louer un bâtiment et de proposer au sein de celui-ci des investissements limités au stricte aménagement ; il peut également faire le choix de n'investir que sur du mobilier et des " jeux ", soit au contraire d'investir pour procéder à l'acquisition ou à la construction d'un nouveau bâtiment.
Par un mémoire, enregistré le 19 mars 2025, la commune de Berck-sur-Mer a produit des pièces soustraites au contradictoire sous couvert du secret des affaires en application des articles R. 611-30 et R. 412-2-1 du code de justice administrative🏛🏛.
Par un mémoire, enregistré le 19 mars 2025 à 12 heures 18, la société Grand Casino de Dinant, représenté par M A et par Me Bouguettaya, maintient les conclusions et les moyens de sa requête.
1. La commune de Berck-sur-Mer a, par un premier avis diffusé le 6 février 2023, lancé une consultation en vue du renouvellement, pour une durée de 70 mois à compter du 1er janvier 2024, du contrat de concession portant sur la gestion et l'exploitation de son casino. Par une ordonnance n° 2305786 du 17 juillet 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Lille, saisi par la société du Grand Casino de Dinant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé cette procédure. La commune a alors, par un second avis diffusé le 26 octobre 2023, lancé une nouvelle consultation ayant le même objet, selon une procédure restreinte se déroulant en deux phases successives, la première portant sur la sélection des candidats admis à présenter une offre et la seconde sur le choix de l'offre finale d'un soumissionnaire. Par une ordonnance n°2404859 du 5 juillet 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a annulé la procédure de passation de concession de service public engagée par la commune de Berck-sur-Mer pour la gestion et l'exploitation de son casino. Par un avis envoyé à la publication le 9 décembre 2024, la commune de Berck-sur-Mer a lancé une troisième consultation portant une nouvelle fois sur la passation d'une concession de service public pour la gestion et l'exploitation de son casino. La date limite de réception des offres dans le cadre de cette consultation a été fixée par la commune de Berck-sur-Mer au 3 février 2025. Par la présente requête, la société du Grand Casino de Dinant demande au juge des référés, sur le même fondement, d'annuler cette troisième procédure de passation.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique () ". Aux termes du I de l'article L. 551-2 du même code🏛 : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations ".
En ce qui concerne la recevabilité de la demande en référé :
3. Toute personne est recevable à agir, sur le fondement des dispositions ci-dessus reproduites de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, lorsqu'elle a vocation, compte tenu de son domaine d'activité, à exécuter le contrat, y compris lorsqu'elle n'a pas présenté de candidature ou d'offre si elle en a été dissuadée par les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence qu'elle invoque. Il appartient dans tous les cas au juge du référé précontractuel de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.
4. Aux termes de l'article 1.1 du règlement de la consultation : " La présente consultation a pour objet de confier à un concessionnaire la création, l'aménagement, l'entretien et la gestion du casino de la commune de Berck-sur-Mer, dans le cadre d'un contrat de concession de service public. En effet, l'article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure🏛 énonce que la commune de Berck-sur-Mer dispose de la faculté, sans limite de temps, d'autoriser et d'organiser des activités de jeux et de casino sur son territoire. L'actuelle délégation arrivant prochainement à échéance le 31 décembre 2025, la commune de Berck-sur-Mer organise une nouvelle mise en concurrence. ". Aux termes de l'article 1.3 de ce règlement : " La durée du dispositif contractuel sera 10 ans, 15 ans ou 20 ans à compter du 1er janvier 2026 ou de la date effective de notification si celle-ci est postérieure. Conformément à l'article R.3114-2 du code de la commande publique, la durée sera fixée en fonction des investissements que devra réaliser le concessionnaire sur la durée du contrat, investissements qui seront définis au stade des offres et feront l'objet d'une annexe future au contrat. La durée de l'offre fait partie des paramètres mobiles de la consultation, les opérateurs économiques candidats sont autorisés à remettre une proposition sur une urée de contrat de 10 ans, 15 ans ou 20 ans devant être corrélée à l'amortissement des investissements que le candidat proposera de porter. Un même opérateur est autorisé à se positionner sur l'une, l'autre ou l'ensemble de ses trois durées pour autant qu'il respecte ce principe. / La durée définitive du contrat sera arrêté au regard de la négociation qui se déroulera dans le cadre de la présente procédure de passation et sera connue au plus tard au jour de la délibération approuvant le choix du concessionnaire et autorisant la signature du contrat de concession. Selon l'article 1.4 de ce règlement : " Le bâtiment n'est pas la propriété de la Commune, ni de la société délégataire mais d'une tierce personne dont le groupe Partouche est l'actionnaire unique. En l'absence de lien contractuel entre la société propriétaire du bâtiment et la commune, le bâtiment n'est pas à ce stade et dans le cadre de la présente consultation, regardé comme un bien de retour, bien qu'hébergeant une activité de service public. Le bien immobilier est donc laissé à l'appréciation du candidat avec les contraintes suivantes : / Les candidats proposeront l'exploitation dans un bâtiment de leur choix, adapté aux contraintes d'exploitation d'un établissement de jeux. / Le bâtiment d'implantation doit nécessairement se situer sur le territoire de la commune. ". En vertu de l'article 6 " Présentation des offres " du règlement de consultation : " Article 6.2. Pièces à produire. / Le candidat fournit le projet de contrat renseigné et complété aux zones grisées () / Titres d'occupation pour le bâtiment / Le candidat fournit les pièces permettant à la collectivité de s'assurer qu'il dispose ou disposera d'un bâtiment compatible avec l'exécution du service public ans les conditions prévues par la règlementation et le contrat de concession. A ce titre le candidat fournit : * le titre de propriété du bâtiment au nom du concessionnaire ou contrat d'occupation conclut entre le propriétaire et le concessionnaire à jour avec l'ensemble des annexes/ * Documents certifiants la conformité du bâtiment à la règlementation ERP et à l'ensemble des normes de sécurité applicables / * Si le concessionnaire n'est pas propriétaire, tableau précisant la répartition des charges d'entretien, maintenance et renouvellement de nature immobilière entre l'occupant et le propriétaire ; / * Attestations d'assurances nécessaires () ". Enfin, en vertu de de même article l'article 6.2, les offres doivent également " permettre à la Collectivité d'appréhender la nature des investissements et des aménagements proposés par le candidat ", ces investissements portant sur " l'ensemble des éléments constitutifs du périmètre du service public : création, aménagements, mobiliers, offre de jeux, animation, restauration, etc. ".
5. Il résulte des stipulations ci-dessus reproduites au point précédent que la commune de Berck-sur-Mer a, notamment, imposé aux candidats à l'attribution de la concession de la gestion et de l'exploitation de son casino des conditions tenant, d'une part, à la justification, soit de la propriété d'un bâtiment à mettre à disposition dès le 1er janvier2026, soit de la possibilité d'exploiter l'activité de casino au sein d'un bâtiment pour lequel ils auraient conclu un contrat d'occupation.
6. Il résulte de l'instruction que la société requérante a pour activité l'exploitation de deux casinos en Belgique, et qu'elle entend développer ses activités casinotières en France. Ainsi, dès lors qu'elle se prévaut de la circonstance que les conditions rappelées au point précédent méconnaissent le principe d'égalité de traitement des candidats et l'ont, par suite, dissuadée de présenter une offre, elle justifie, compte tenu de ses domaine et champ d'activité, d'un intérêt à demander l'annulation de la procédure de passation en litige.
En ce qui concerne le bien-fondé de la demande en référé :
7. Les concessions de service public sont soumises aux principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique. Pour assurer le respect de ces principes, la personne publique doit notamment s'assurer qu'elle n'octroie pas d'avantages à l'un des concurrents à l'attribution d'une concession dans sa capacité à présenter une offre répondant aux documents de consultation.
8. En premier lieu, dans le cadre d'une concession de service public mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l'ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique. Le contrat peut attribuer au concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des ouvrages qui, bien que nécessaires au fonctionnement du service public, ne sont pas établis sur la propriété d'une personne publique, ou des droits réels sur ces biens, sous réserve de comporter les garanties propres à assurer la continuité du service public, notamment la faculté pour la personne publique de s'opposer à la cession, en cours de concession, de ces ouvrages ou des droits détenus par la personne privée.
9. En deuxième lieu, à l'expiration de la convention, les biens qui sont entrés, en application de ces principes, dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l'exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu'elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public. Le contrat qui accorde au concessionnaire, pour la durée de la convention, la propriété des biens nécessaires au service public autres que les ouvrages établis sur la propriété d'une personne publique, ou certains droits réels sur ces biens, ne peut, sous les mêmes réserves, faire obstacle au retour gratuit de ces biens à la personne publique en fin de concession.
10. En troisième lieu, lorsque la convention arrive à son terme normal ou que la personne publique la résilie avant ce terme, le concessionnaire est fondé à demander l'indemnisation du préjudice qu'il subit à raison du retour des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique, en application des principes énoncés ci-dessus, lorsqu'ils n'ont pu être totalement amortis, soit en raison d'une durée du contrat inférieure à la durée de l'amortissement de ces biens, soit en raison d'une résiliation à une date antérieure à leur complet amortissement.
11. Les règles énoncées ci-dessus trouvent également à s'appliquer lorsque le cocontractant de l'administration était, antérieurement à la passation de la concession de service public, propriétaire de biens qu'il a, en acceptant de conclure la convention, affectés au fonctionnement du service public et qui sont nécessaires à celui-ci. Une telle mise à disposition emporte le transfert des biens dans le patrimoine de la personne publique, dans les conditions énoncées au point 8. Elle a également pour effet, quels que soient les termes du contrat sur ce point, le retour gratuit de ces biens à la personne publique à l'expiration de la convention, dans les conditions énoncées au point 9.
12. Il résulte de l'instruction que la commune de Berck-sur-Mer a confié à la société Jean Metz, par un contrat de concession conclu le 30 septembre 2005, l'exploitation de son casino pour une durée de 18 ans à compter du 1er janvier 2006. La société Jean Metz s'était déjà vu confier la précédente concession portant sur l'exploitation de ce casino à Berck-sur-Mer. Cette société avait conclu un bail commercial prenant effet à compter du 1er novembre 1997 portant sur le bâtiment abritant le casino avec la société Groupe Partouche, propriétaire de ce bien que la commune lui avait cédé afin que cet immeuble correspondant à l'ancienne gare routière de la commune soit transformé en un immeuble à vocation de casino. Ce bail commercial expirant le 31 octobre 2006 a été tacitement renouvelé par les parties en raison de la poursuite de l'exploitation du casino par la société Jean Metz. Il résulte de l'instruction que le bail commercial conclu entre la société Groupe Partouche et sa filiale, la société Jean Metz, mentionne expressément que l'activité exercée dans le bâtiment est l'exploitation d'un casino et des services associés. Il résulte également de l'instruction que la société Groupe Partouche qui se présente comme étant à la tête d'un groupe exploitant des " casinos et des hôtels " détient de nombreuses filiales gérant des casinos à l'instar de la société Jean Metz dont il n'est pas contesté qu'elle a longtemps détenu les parts de cette dernière à hauteur de plus de 99 %, avant d'en devenir l'unique actionnaire en 2004, soit antérieurement au renouvellement de la concession et du bail commercial associé. Dans ces conditions, le contrat de concession portant sur l'exploitation du casino sur le territoire de la commune de Berck-sur-Mer conclu, le 30 septembre 2005, à nouveau avec la société Jean Metz et le bail commercial conclu entre ledit concessionnaire et sa société mère, la société Groupe Partouche, doivent être regardés comme ayant été envisagés comme étant interdépendants et indispensables à la réalisation d'une même opération économique, formant ainsi un même ensemble contractuel. Comme il a été rappelé au point 11, l'existence de cet ensemble contractuel concernant la commune de Berck-sur-Mer, la société Jean Metz et la société Groupe Partouche permet de considérer que les parties audit ensemble contractuel et notamment la société Groupe Partouche ont tacitement consenti à ce que le bien abritant actuellement le casino revienne gratuitement à la commune de Berck-sur-Mer à l'expiration du contrat de concession.
13. Toutefois, il résulte des dispositions précitées du règlement de la consultation en cause, lancée le 9 décembre 2024, que les candidats doivent présenter une offre au plus tard le 3 février 2025 dans laquelle ils sont en mesure de fournir à cette date un titre de propriété du bâtiment devant abriter l'activité d'exploitation de casino au nom du concessionnaire ou un contrat d'occupation conclu avec un tiers propriétaire ainsi que des documents certifiants la conformité dudit bâtiment à la réglementation " établissement recevant du public " (ERP) et à l'ensemble des normes de sécurité applicables. La société requérante soutient que, d'une part, aucun bien susceptible d'accueillir un casino et de permettre l'exercice d'activités annexes n'est disponible et que, d'autre part, ce délai de trois mois ne permet pas de pouvoir raisonnablement prétendre à l'occupation de tels biens dans une commune de taille modeste telle que la commune de Berck-sur-Mer. La commune de Berck-sur-Mer n'établit pas qu'un tel délai pour remettre une offre impliquant pour les candidats qu'ils aient pu négocier préalablement l'achat ou l'occupation, au travers d'un contrat de bail, d'un bâtiment en mesure d'accueillir du public pour des activités d'exploitation de casino et services annexes, ait effectivement permis à des opérateurs autres que le concédant actuel, la société Jean Metz, ou que tout autre entreprise détenant un titre d'occupation sur le bien abritant le casino, siège actuel de la concession en cours d'exécution, de pouvoir répondre à cette consultation. La commune n'apporte en outre aucun élément de nature à établir que des biens autres que celui abritant l'actuel casino de la commune sont susceptibles d'être cédés ou occupés temporairement et permettent ainsi à des candidats de remettre une offre. Le délai de trois mois pour remettre une offre impliquant préalablement de telles démarches de prospections immobilières, alors qu'il s'agit, comme il vient d'être dit, d'une commune de taille modeste pour laquelle les possibilités de trouver des biens immobiliers adaptés à l'objet de la consultation sont nécessairement limitées paraît très insuffisant. A supposer que la commune de Berck-sur-Mer ait autorisé l'occupation à titre provisoire d'un bâtiment en vue de la remise d'une offre, ce qui ne ressort pas du règlement de consultation qui impose, comme il a été rappelé précédemment, la fourniture dès la remise des offres d'un titre de propriété ou d'un acte l'autorisant à occuper le bien pour y exploiter notamment un casino, le délai de trois mois n'apparaît pas davantage suffisant pour permettre aux candidats de répondre de la sorte. En imposant ces conditions, alors que, à l'expiration de la convention, le bâtiment abritant actuellement le casino lui fait retour gratuitement dans les conditions énoncées aux points 9,11 et 12, et alors qu'il lui appartenait ainsi de prévoir, dans la nouvelle convention, que ce bâtiment resterait le lieu d'exercice de l'activité à concéder, la commune de Berck-sur-Mer a imposé aux candidats autres que celui jouissant du bâtiment où s'exécute l'actuel concession et dont elle ne justifie pas qu'un tel candidat n'aurait pas effectivement répondu à ladite consultation des conditions pour remettre une offre contraires au principe d'égalité de traitement entre les candidats. Enfin, la circonstance que la commune de Berck-sur-Mer a lancé précédemment deux consultations ayant le même objet par lesquelles elle attendait déjà des éventuels de candidats qu'ils proposent un bien immobilier pour accueillir une activité de casino ne permet pas de considérer que le manquement susvisé aux règles de la commande publique dans cette troisième consultation n'aurait préjudicié aux intérêts de la société Grand Casino de Dinant, dès lors que cette dernière n'avait pas envisagé de déposer une offre au titre des deux précédentes consultations et avait, au contraire, obtenu du juge des référés du tribunal administratif de Lille, par les ordonnances n°2305786 du 17 juillet 2023 et n°2404859 du 5 juillet 2024, l'annulation des procédures de passation correspondantes au motif que ces procédures de passation avaient procuré au concessionnaire actuel un avantage déterminant par rapport à des candidats potentiels pour obtenir le contrat. Il s'ensuit que le manquement aux règles de mise en concurrence tenant au fait d'accorder aux opérateurs économiques concernés un délai insuffisant pour remettre une offre est susceptible d'avoir lésé la société Grand Casino de Dinant.
14. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société du Grand Casino de Dinant est fondée à demander l'annulation de la troisième procédure de passation de la concession de service public engagée par la commune de Berck-sur-Mer pour la gestion et l'exploitation de son casino.
Sur les frais du litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société du Grand Casino de Dinant, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la commune de Berck-sur-Mer demande au titre des frais qu'elle a exposés. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Berck-sur-Mer une somme de 1 500 euros à verser à la société du Grand Casino de Dinant, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 1er : La troisième procédure de passation de concession de service public engagée par la commune de Berck-sur-Mer pour la gestion et l'exploitation de son casino est annulée.
Article 2 : La commune de Berck-sur-Mer versera à la société du Grand Casino de Dinant une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Berck-sur-Mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société du Grand Casino de Dinant et à la commune de Berck-sur-Mer.
Fait à Lille, le 25 mars 2025.
Le juge des référés,
Signé,
P. LASSAUX
La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N°2502084
Article, L551-1, CJA Article, L321-1, C. sécur. int. Article, R412-2-1, CJA Article, R611-30, CJA Principe de liberté d'accès Principes à la commande publique Autorité concédante Biens immobiliers Contrat de délégation de service public Titre d'occupation Présentation d'une offre Pleine propriété Rupture de l'égalité entre les candidats Durée de la concession Durée de contrat Appréciation des offres Mise en concurrence Paiement d'un loyer Exclusion de l'existence Établissements recevant du public Normes de sécurité Durée excessive Procédure de consultation Investissements immobiliers Nouveau bâtiment Service public Pouvoirs adjudicateurs Prestation de service Intérêt public Exécution du contrat de concession Entreprise concurrente Signature des contrats Lien contractuel Liens entre la société Activité du service public Exploitation des établissements Projet de contrat Exécution du service public Charges d'entretien Méconnaissance du principe de l'égalité de traitement Ensemble des biens Propriété d'une personne publique Droits réels sur les biens Clause contractuelle Retour gratuit à la personne publique Demandes d'indemnisation des préjudices Durée d'amortissement Amortissement des biens Co-contractant de l'administration Conclusion d'un bail Bail commercial Gare routière Poursuite d'une activité professionnelle Détention des parts Ensemble contractuel Activité d'une exploitation Permission de l'exercice Contrat de bail Autorisation d'occupation Principe d'égalité entre les candidats Manquements aux règles Dépôt des offres Obtention d'un contrat