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N2449B34
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par Axel Valard
Le 16 Juin 2025
De la dignité. Et beaucoup de souffrance. De l’inquiétude aussi sur l’évolution de la société dans laquelle les jeunes évoluent aujourd’hui. Le tribunal pour enfants de Nanterre (Hauts-de-Seine) a condamné, vendredi 13 juin, deux mineurs à des peines de neuf et sept ans de prison ferme pour le viol à caractère antisémite d’une jeune fille de 12 ans, commis à Courbevoie, en 2024. À l’énoncé de la décision, la jeune fille a fondu en larmes.
Entourée par ses parents et sa psychologue, la fillette dont le sort avait bouleversé la France, il y a un an, a traversé les trois jours d’audience avec énormément de courage et de dignité. « Elle était venue chercher des réponses à ce qu’il s’est passé. Pourquoi y a-t-il eu ce décharnement de violences », a sobrement commenté Muriel Ouaknine-Melki, une de ses deux avocats. Car « il y a en France, comme tout le monde le sait, une explosion des actes antisémites », a ajouté Oudy Bloch, son confrère. Et l’acte dont elle a été victime en est un.
Le 15 juin 2024, elle rentrait chez elle après avoir passé un peu de temps avec son petit-ami, lorsqu’elle est tombée dans un guet-apens. Emmenée dans le local d’une crèche désaffectée de Courbevoie, à deux pas des tours de la Défense, la jeune fille avait été violée à plusieurs reprises par deux adolescents de 13 ans, au motif qu’elle était juive. Ils l’avaient menacé de mort, notamment à l’aide d’un briquet, en lui posant des questions sur Israël et en la filmant. Son calvaire avait duré une heure avant qu’elle ne rentre chez elle et ne raconte tout à ses parents.
« Un trouble social immense ».
À l’énoncé de la décision, le président du tribunal pour enfants a tenu à expliquer la lourdeur de la sanction prononcée à l’encontre de ces deux jeunes, à peine âgés de 13 ans au moment des faits. Cette décision a été prise « au regard de leur personnalité toujours inquiétante et du trouble social immense à la société et [à la victime] en raison de ce qu’elle était : une jeune fille de confession juive », a-t-il déclaré.
Pour « complicité », les magistrats ont également prononcé une mesure éducative de cinq ans avec obligation de soins et un placement en foyer à l’encontre d’un troisième jeune homme. Âgé, lui, de 12 ans et 10 mois au moment des faits, il ne pouvait pas être condamné à une peine d’emprisonnement en raison de son âge.
« Ses consignes et sa simple présence ont aidé à la commission de ces viols », a estimé le tribunal qui a évoqué « le dessein vengeur » de celui qui n’aurait pas supporté que la victime mente sur sa religion. L’enquête a permis d’établir que la jeune fille avait subi un harcèlement, en raison de sa confession, pendant près d’un an précédant les faits. Elle avait fini par mentir, indiquant être musulmane pour qu’on la laisse tranquille.
« Notre toute jeune cliente a subi ce harcèlement pendant un an et elle souhaitait que soit prise en compte cette montée de l’antisémitisme et que le gouvernement agisse », a encore indiqué Oudy Bloch. En 2024, notamment après l’attaque du 7 octobre du Hamas sur Israël, un total de 1 570 actes antisémites ont été recensés en France, selon le ministère de l’Intérieur.
L’avocate d’un des jeunes condamnés envisage « très sérieusement » de faire appel.
Du côté des prévenus, ces trois jours d’audience à huis clos laissent un goût amer. « Il a fallu coûte que coûte retenir la circonstance aggravante relative à la religion de la victime, a ainsi regretté Melody Blanc, avocate de l’accusé puni d’une peine de neuf ans de prison. On n’a tenu compte d’aucun élément qui permettait d'expliquer ce passage à l’acte. » Raison pour laquelle elle dit envisager « très sérieusement » de faire appel de la décision.
« Mon client, lui, avait reconnu la quasi-intégralité des infractions, a réagi Blandine Weck de Terris qui défendait, elle, le mineur condamné à sept ans de prison. Il était dans une démarche de participation à l’enquête, de reconnaissance, de remise en question, d’humilité et de demande de pardon » en dépit du fait qu’il a toujours contesté le caractère antisémite de l’agression pour laquelle il a été condamné.
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N2413B3R
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par Adèle Chikouche, Avocate au barreau de Lille, enseignante à la Prépa ISP - préparation à l’examen du CRFPA
Le 11 Juin 2025
Mots clés : contrat d’apprentissage • élève avocats • statut de salariés • alternance • CRFPA
Longtemps relégué au rang d’angle mort du droit de la formation, l’élève avocat n’est aujourd’hui ni véritablement étudiant, ni professionnel. Privé d’un statut juridique structurant, il évolue dans une zone grise qui le prive de droits fondamentaux – notamment en matière de couverture sociale, de rémunération et d’accès aux aides publiques. Cette précarité endémique, dénoncée depuis plusieurs années par la profession, nuit à l’attractivité du métier et fragilise la qualité de la formation dispensée dans les centres régionaux de formation professionnelle des avocats (CRFPA).
Dans ce contexte, le Conseil national des barreaux (CNB) a adopté, le 11 avril 2025, un rapport actant la mise en œuvre facultative du contrat d’apprentissage au bénéfice des élèves avocats à compter du 1er janvier 2026, sous réserve de l’enregistrement du CAPA au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Cette réforme ambitieuse, qui s’inscrit dans le prolongement des États généraux de la justice et de l’avenir de la profession d’avocat, pourrait enfin permettre l’émergence d’un véritable statut protecteur, tant attendu.
I. Un vide juridique préjudiciable pour les élèves avocats
La situation actuelle repose sur un déséquilibre. Si l’article 12, alinéa 2, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ, autorise, depuis 2004, la formation des élèves avocats par voie d’apprentissage, ce dispositif n’a jamais été concrètement mis en œuvre en raison des incompatibilités entre les normes encadrant la profession et le droit du travail.
Les élèves avocats sont, en pratique, assimilés à des étudiants pour la Sécurité sociale, mais ne bénéficient ni du statut d’étudiant au sens du Code de l’éducation, ni de celui de salarié au sens du Code du travail. Cette ambiguïté a été confirmée par le Conseil d’État dans une décision du 29 décembre 2023 [1], qui admet leur assimilation aux étudiants uniquement pour la prime d’activité, tout en excluant leur éligibilité à d’autres régimes de droits sociaux.
Cette incertitude juridique a des conséquences concrètes : absence de couverture chômage, difficulté d’accès aux aides au logement, impossibilité de financement via le compte personnel de formation (CPF), et surtout absence de rémunération systématique pendant la formation. Le coût moyen des frais pédagogiques s’élève à 1 825 euros, auxquels s’ajoutent d’autres dépenses liées à la vie étudiante, sans aucune compensation garantie.
II. Le contrat d’apprentissage : un levier juridique et social structurant
Face à ces constats, le CNB a proposé l’instauration facultative du contrat d’apprentissage, dans les CRFPA volontaires, à compter de la promotion 2026-2027. Ce contrat, régi par les articles L. 6221-1 N° Lexbase : L3162H9Y et suivants du Code du travail, institue une relation salariale entre l’élève avocat et le cabinet d’accueil, sur une durée de douze mois, avec alternance entre enseignement théorique et pratique professionnelle.
Le recours au contrat d’apprentissage, prévu par les articles L. 6221-1 et suivants du Code du travail, permettrait d’inscrire la formation initiale de l’élève avocat dans un cadre juridique clair, en lui conférant la qualité de salarié en alternance pour une durée de douze mois.
Ce modèle présente de nombreux atouts à la fois pour l’élève, les cabinets d’avocats et les écoles de formation.
A. Les bénéfices attendus
Pour l’élève avocat, l’intérêt principal réside dans l’accès à un véritable statut de salarié, avec une rémunération mensuelle garantie, indexée sur l’âge et allant de 53 % à 100 % du SMIC.
Cette rémunération couvre l’intégralité de la période de formation, y compris les enseignements théoriques, et s’accompagne d’un ensemble de droits sociaux jusqu’alors largement inaccessibles. L’élève apprenti est affilié au régime général de la Sécurité sociale, bénéficie de congés payés, peut ouvrir des droits à l’assurance chômage, cotise pour la retraite et devient éligible à la prime d’activité ainsi qu’aux aides au logement.
De plus, l’alternance dans le cadre d’un contrat de travail permet de mettre un terme à la logique de financement individuel de la formation, puisque l’élève est exonéré des frais d’inscription qui s’élèvent actuellement à 1 825 euros en moyenne.
Du point de vue des cabinets d’avocats, le contrat d’apprentissage constitue une opportunité de fidélisation. En s’engageant avec un élève avocat sur une année complète, le cabinet investit dans une relation de confiance et de transmission, dans la perspective d’une collaboration future.
Le CNB souligne à cet égard que la pratique actuelle du stage de six mois, souvent réduit à une simple période d’observation, pourrait être remplacée par une dynamique plus exigeante et professionnalisante, proche du compagnonnage.
Par ailleurs, les cabinets bénéficient d’un soutien financier significatif de l’État, à hauteur de 5 000 euros en 2025, ainsi que d’une exonération de certaines charges sociales, notamment pour les structures de moins de 250 salariés.
S’agissant enfin des écoles d’avocats, le contrat d’apprentissage permettrait de transformer en profondeur leur modèle économique. Le financement actuel de la formation repose à 58 % sur les contributions des ordres, un niveau devenu difficilement soutenable.
L’introduction de l’apprentissage permettrait de faire intervenir les OPCO (organismes paritaires collecteurs agréés), qui prendraient en charge jusqu’à 100 % du coût pédagogique, assurant ainsi une meilleure pérennité financière des CRFPA. Le décret n° 2023-1111 du 1er décembre 2023 N° Lexbase : L7841MXP a d’ailleurs ouvert la voie en autorisant, dès la promotion 2025-2026, l’organisation intégrale de la formation sur douze mois en alternance. Ce texte facilite d’ores et déjà la transition vers l’apprentissage pour les écoles prêtes à engager cette réforme.
B. Les obstacles soulevés
Toutefois, plusieurs ajustements restent nécessaires avant une mise en œuvre généralisée.
La première difficulté tient aux disparités de rémunération selon l’âge de l’élève avocat : un apprenti âgé de moins de 26 ans perçoit 53 % du SMIC, contre 100 % pour les plus âgés, ce qui crée un traitement différencié peu conforme aux principes d’égalité et de cohésion. Des discussions syndicales sont en cours afin de négocier une grille de rémunération plus harmonisée, susceptible d’être intégrée dans une convention collective.
Un second point de vigilance concerne les litiges relatifs à l’exécution du contrat d’apprentissage. En l’état actuel du droit, ceux-ci relèvent de la compétence du conseil de prud’hommes, ce qui est peu adapté à la spécificité de la profession. Le CNB plaide donc pour une réforme permettant de confier au bâtonnier, ou à son délégué, un rôle de médiateur et, le cas échéant, de juridiction professionnelle, à l’image de ce qui existe pour les avocats salariés.
Enfin, la réforme devra tenir compte des contraintes propres aux territoires ultramarins. Les élèves avocats originaires des DROM-COM se heurtent à des surcoûts logistiques et de mobilité lorsqu’ils doivent suivre leur formation en alternance dans l’Hexagone. Pour répondre à cette difficulté, une convention-cadre est en cours de négociation entre le CNB et l’Agence de l’Outre-mer pour la Mobilité (LADOM), afin de garantir la prise en charge de cinq allers-retours annuels par élève, dans le cadre d’un dispositif expérimental.
Au-delà de ces points spécifiques, la transition vers l’apprentissage suppose une réorganisation administrative substantielle pour les écoles d’avocats.
Chaque CRFPA souhaitant recourir à ce mode de formation devra être habilité en tant que Centre de formation d’apprentis (CFA) et répondre aux exigences de la certification Qualiopi. À partir de 2026, cette certification impliquera la conformité à 31 critères de qualité, contre 23 actuellement, ce qui exigera un accompagnement méthodique des établissements concernés.
Ce changement n’est pas purement financier : il traduit également une volonté de repositionner les CRFPA comme véritables acteurs de l’alternance et de l’insertion. L’instruction pédagogique en école, historiquement perçue comme théorique et éloignée de la pratique, pourrait bénéficier d’un ancrage renforcé dans la réalité professionnelle grâce à une alternance plus exigeante, organisée sur la totalité des douze mois de formation. Il ne s’agirait plus d’un découpage rigide entre cours et stage, mais d’un dialogue constant entre formation académique et professionnalisation.
Un autre bénéfice collatéral réside dans la revalorisation symbolique du parcours de l’élève avocat. En bénéficiant d’un contrat de travail, d’un encadrement formalisé et de droits associés, l’élève sort de l’invisibilité juridique dans laquelle il évolue aujourd’hui. Le CNB rappelle ainsi que « l’absence de statut dissuade les élèves les plus modestes de poursuivre leur parcours vers l’avocature », ce qui a des effets à long terme sur la composition sociologique du barreau.
L’intégration du contrat d’apprentissage est aussi l’occasion de redéfinir la gouvernance pédagogique. Le rapport du CNB précise : « L’introduction du contrat d’apprentissage appelle un nouveau dialogue entre les écoles, les cabinets d’accueil et les institutions ordinales. » Ce dialogue pourrait déboucher sur des conventions de formation tripartites, organisant la complémentarité entre les enseignements théoriques, les séquences pratiques et les missions professionnelles confiées à l’élève.
À l’échelle macroéconomique, la réforme est également porteuse d’enjeux d’équilibre territorial. Les CRFPA implantés dans des régions à faible densité d’avocats pourront bénéficier d’une dynamique nouvelle. En favorisant l’accueil d’élèves avocats apprentis dans des barreaux intermédiaires ou ruraux, la profession peut lutter contre la concentration géographique et favoriser une meilleure répartition des forces vives. Le rapport souligne ainsi que « l’expérimentation du contrat d’apprentissage pourrait servir d’outil de revitalisation des territoires juridiquement désertés ».
En somme, l’adhésion volontaire au dispositif pourrait, à moyen terme, dessiner les contours d’un nouveau modèle de formation initiale, plus équilibré, plus inclusif et plus en phase avec les attentes de la jeune génération d’élèves avocats. À cet égard, le rapport du CNB insiste sur l’importance de « saisir l’opportunité offerte par le droit commun de l’apprentissage pour mettre fin à une exception française, source de précarité et de désajustement statutaire ».
De surcroît, le recours à l’apprentissage s’inscrit dans une logique de convergence avec les standards européens. En effet, comme le souligne le rapport, "la très grande majorité des professions juridiques en Europe, qu’il s’agisse des notaires, magistrats ou juristes d’entreprise, disposent de dispositifs de formation professionnelle encadrés par des contrats de travail en alternance, permettant une meilleure insertion et un suivi individualisé du parcours des apprenants". En ce sens, la réforme proposée permettrait de mieux positionner la profession d’avocat dans le paysage comparé des formations juridiques supérieures, en renforçant l’employabilité immédiate des jeunes diplômés.
Par ailleurs, les auditions menées par la Commission Formation du CNB ont mis en lumière le fait que de nombreux élèves avocats interrogés expriment une forte attente à l’égard d’un cadre de formation plus lisible, garantissant une rémunération dès le début de la formation et instaurant une véritable relation de travail. Le rapport indique ainsi que « les élèves souhaitent pouvoir se projeter dans une temporalité professionnelle cohérente, dans laquelle leurs droits, leurs devoirs et leur statut sont clairement définis dès l’entrée en école ». Cette attente n’est pas seulement matérielle : elle traduit une demande de reconnaissance institutionnelle, de stabilité, mais aussi d’égalité devant la profession.
Enfin, le CNB identifie une piste complémentaire : celle de la valorisation du tutorat au sein du contrat d’apprentissage. Le rapport mentionne que « le maître d’apprentissage devra être expressément désigné au sein du cabinet, suivre un module de formation minimal et assurer un accompagnement individualisé de l’élève, y compris lors des séquences pédagogiques dispensées par l’école ». Cela contribuerait à créer un environnement de formation plus homogène, où la transmission ne serait pas laissée au hasard des pratiques locales, mais s’inscrirait dans un cadre structuré et évalué.
Néanmoins, cette ambition suppose un accompagnement financier, administratif et technique conséquent, et un pilotage stratégique soutenu par les pouvoirs publics, sans quoi la dynamique enclenchée pourrait rapidement s’essouffler.
III. Une condition sine qua non : l’enregistrement du CAPA au RNCP
La mise en œuvre du contrat d’apprentissage est indissociable de l’inscription préalable du Certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), conformément aux dispositions de l’article L. 6113-1 du Code du travail [LXB= L8152LRD]. Sans cette formalité, le CAPA ne pourra pas être reconnu comme une certification éligible à l’apprentissage, ni être financé dans ce cadre.
Le CNB a engagé cette procédure en mars 2024, avec l’appui de la société Litz Formation, afin de constituer un dossier d’enregistrement conforme aux attentes de France compétences.
Il s’agit d’un processus rigoureux, qui nécessite notamment de démontrer l’adéquation des compétences acquises avec les métiers effectivement exercés par les diplômés du CAPA. Cette démonstration devra s’appuyer sur l’analyse de deux promotions successives, notamment à travers les données issues de l’Observatoire de la profession et de la CNBF, qui permettront d’attester du taux d’insertion professionnelle.
En parallèle, le CNB doit produire un ensemble de référentiels : référentiel de compétences, référentiel d’activités, référentiel d’évaluation, dont la cohérence sera appréciée par France compétences au regard des standards nationaux. Le référentiel de compétences existant, déjà adopté par le CNB, fait l’objet d’un travail d’adaptation approfondi, afin de répondre aux exigences formelles du RNCP.
L’avis de France compétences est attendu à l’automne 2025. En cas d’issue favorable, la première expérimentation du contrat d’apprentissage pourra début dès janvier 2026 dans les CRFPA volontaires.
En définitive, le contrat d’apprentissage, bien que perfectible, offre une réponse immédiate, réaliste et juridiquement encadrée au vide statutaire dont souffrent les élèves avocats. Il ne s’agit pas de substituer un modèle à un autre, mais de proposer une alternative structurée, au bénéfice des élèves, des cabinets et de l’ensemble de la profession.
Sa mise en œuvre progressive, fondée sur le volontariat, permet une adaptation souple aux spécificités territoriales. En redonnant sens à la formation initiale et en assurant une meilleure justice sociale, cette réforme engage la profession sur la voie de la modernisation et de l’équité.
Il appartient désormais aux acteurs concernés – écoles, cabinets, institutions – de s’en emparer pleinement.
[1] CE, 29 décembre 2023, n° 470286 N° Lexbase : A34522CT.
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Réf. : Cass. civ 2., 5 juin 2025, n° 23-13.543, F-B N° Lexbase : B5704AEY
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N2412B3Q
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par Charlotte Moronval, Rédactrice en chef
Le 16 Juin 2025
Les sommes volontairement remises à titre de pourboires par les clients à destination du personnel en contact avec la clientèle sont soumises à cotisations sociales dès lors qu'elles sont remises à l'employeur pour qu'il les reverse au personnel.
À l’issue d’un contrôle URSSAF, une société conteste l’assujettissement à cotisations sociales des pourboires versés aux salariés. Ces sommes étaient versées par les clients, non pas directement en espèces, mais collectés et enregistrés sur un compte d'attente de transit, avant d'être reversés aux salariés pour la part de pourboires leur revenant.
La Cour de cassation juge que ces sommes, versées par des tiers et transitant par l’employeur avant d’être attribuées au personnel, constituent un complément de rémunération et doivent être soumises aux cotisations sociales (CSS, art. L. 242-1 N° Lexbase : L6153M8E ; C. trav., art. L. 3244-1 N° Lexbase : L0901H9A).
Elle confirme donc le redressement de la société et rejette le pourvoi.
Pour aller plus loin : v. aussi ÉTUDE : La rémunération et les autres avantages financiers, Les sommes soumises à cotisations, in Droit de la protection sociale, Lexbase N° Lexbase : E1672CT4 |
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Réf. : Loi n° 2025-127 du 14 février 2025, de finances pour 2025 N° Lexbase : L4133MSU
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N2447B3Z
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Le 16 Juin 2025
Dans le cadre du renforcement des mesures visant à lutter contre les pratiques d’arbitrage de dividendes dites « CumCum », la loi de finances pour 2025 a introduit certaines modifications concernant l’imposition des personnes physiques associées résidant fiscalement hors de France. Lexbase a interrogé Antoine Aufrand, Ingénieur Fiscal et patrimoniale, Fondateur et Gérant du cabinet Hypérion Strategy*.
Lexbase : Pouvez-vous nous expliquer les règles relatives à la retenue à la source sur les dividendes ?
Le régime français de la retenue à la source sur les dividendes distribués à des non-résidents repose sur une assise normative claire, fondée sur l'article 119 bis, 2 du Code général des impôts N° Lexbase : L5816M8W. Ce dernier dispose que les revenus distribués par des personnes morales établies en France à des personnes qui n'y ont ni leur domicile fiscal ni leur siège sont soumis à une retenue à la source, prélevée au moment de la mise en paiement des revenus.
Cette retenue est opérée au taux de droit commun de 12,8 % lorsqu'il s'agit de personnes physiques, taux aligné depuis 2018 sur le prélèvement forfaitaire unique. Pour les personnes morales, le taux est fixé à 25 %, également depuis 2022, en cohérence avec le taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés. Ce taux peut toutefois être porté à 75 % lorsque le bénéficiaire est résidant d'un État ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A du CGI N° Lexbase : L6050LMZ.
Ces taux, posés en droit interne, sont à considérer sous réserve des stipulations contraires des conventions fiscales internationales. Celles-ci peuvent prévoir des taux réduits, voire une exonération pure et simple de retenue à la source en France lorsque la convention consacre une imposition exclusive dans l’État de résidence. C'est notamment le cas de certaines conventions conclues avec les Émirats arabes unis, le Qatar ou encore le Koweït.
Ce cadre conventionnel, conjugué à l'absence de retenue à la source pour certains résidents français (exonération de plein droit ou à raison de leur statut), a donné lieu à des pratiques d'arbitrage de dividendes dites « CumCum ». Celles-ci consistent, pour un investisseur non-résident, à transférer temporairement la propriété des titres à un résident fiscal français à l'approche de la date de détachement du dividende, afin de bénéficier d'une imposition allégée, voire nulle. Le dividende est ainsi perçu sans ou avec une faible retenue à la source, avant que les titres ne soient rétrocédés à leur propriétaire initial. Le gain net est partagé entre les parties au montage.
Pour lutter contre ces schémas, la loi de finances pour 2019 a introduit l'article 119 bis A du CGI N° Lexbase : L5817M8X. Ce texte prévoit que les dividendes versés à raison de cessions ou de transferts temporaires de titres intervenus dans une période de 45 jours incluant la date de détachement sont réputés être soumis à la retenue à la source, sauf preuve contraire. Il s'agit d'un dispositif anti-abus spécifique, fondé sur une présomption de fraude.
Lexbase : Quels sont les changements opérés par la loi de finances sur ces aspects ?
La loi de finances pour 2025 modifie en profondeur l'équilibre du régime existant, en réponse à une jurisprudence du Conseil d'État venue censurer la position administrative précédente. Elle apporte trois ajustements notables.
Premièrement, elle insère, à compter du 16 février 2025, une référence expresse au « bénéficiaire effectif » dans le texte de l'article 119 bis du CGI. Jusqu'alors, cette notion n'était présente que dans la doctrine administrative, laquelle avait été invalidée par le Conseil d'État dans son arrêt du 8 décembre 2023 (CE Contentieux, 8 décembre 2023, n° 472587, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A859817L). Le juge administratif avait estimé que l'administration ne pouvait subordonner l'application des conventions fiscales à la qualité de bénéficiaire effectif sans base légale expresse.
Deuxièmement, à compter du 1er janvier 2026, la loi prévoit que, même en présence d'une convention exonératoire, la retenue à la source devra être appliquée par défaut. Le bénéficiaire pourra obtenir son remboursement uniquement s'il démontre qu'il est le bénéficiaire effectif des dividendes et qu'il satisfait à toutes les conditions prévues par la convention. Il s'agit d'un renversement de la logique jusqu'alors admise : la preuve de l'exonération repose désormais sur le contribuable.
Enfin, les établissements payeurs auront l'obligation de pratiquer systématiquement la retenue selon les taux de droit interne, à moins que le bénéficiaire ne fournisse dès l'origine l'ensemble des éléments justifiant de son droit à exonération, notamment l'attestation de résidence fiscale (formulaire 5000) et les documents probants relatifs à la qualité de bénéficiaire effectif.
Ce nouveau dispositif consacre une approche matérialiste, orientée vers la réalité économique des flux et des entités. Il s’agit d’une réorientation claire vers une logique de transparence, fondée sur la substance plutôt que sur la forme.
Lexbase : L'administration fiscale a, dans un rescrit en date du 17 avril dernier, donné des précisions sur ces nouvelles mesures. Quels sont les éléments apportés par l'administration ?
Le rescrit du 17 avril 2025 fournit deux types de précisions attendues : d'une part, sur le fait générateur de la retenue à la source, et d'autre part, sur les modalités temporelles d'application du nouveau régime.
Concernant le fait générateur, l'administration opère une distinction entre les versements directs de dividendes et les transferts de valeur. Dans le premier cas, la retenue est exigible à la date de mise en paiement. Dans le second, elle devient due dès lors que l'accord sur la chose (c.-à-d. la nature des actifs ou droits transmis) et le prix est considéré comme définitivement conclu entre les parties. Cette précision est essentielle pour appréhender les montages contractuels qui permettent de découpler la propriété juridique des titres et la perception effective du dividende.
Quant à l'entrée en vigueur, l'administration distingue également les deux situations. Les distributions effectuées à compter du 16 février 2025 sont soumises aux nouvelles règles. En revanche, pour les transferts de valeur, le dispositif ne s'applique qu'à ceux pour lesquels l'accord sur la chose et le prix intervient postérieurement à cette date. Cette clarification permet d'éviter toute remise en cause des opérations antérieures non encore dénouées, sous réserve qu'elles aient été convenues avant le 16 février.
Lexbase : Ces éléments sont-ils pleinement clarifiants ou laissent-ils encore place à des incertitudes sur certains montages ?
Si ce rescrit constitue une avancée dans la délimitation du champ d'application des mesures, il subsiste des incertitudes notables.
En premier lieu, la définition exacte des « transferts de valeur » demeure lacunaire. Le texte laisse entendre qu'il vise notamment les schémas de prêt-emprunt de titres, mais il ne s’exprime pas de manière exhaustive sur les opérations hybrides, telles que les conventions de gestion fiduciaire, les contrats de swap économique ou les montages impliquant des entités relais.
En deuxième lieu, la preuve de la date de l'accord sur la chose et le prix pourrait se révéler délicate en pratique, en particulier pour les opérations réalisées sur plateformes ou dans le cadre de mandats de gestion sans formalisation expresse. L'absence de formalisme exigé laisse place à une forte insécurité juridique.
Enfin, le traitement des opérations dites "mixtes", c'est-à-dire celles initiées avant le 16 février 2025 mais finalisées postérieurement, reste ambigu. Le rescrit n'indique pas si la date à retenir est celle de l'intention, de la résolution contractuelle, ou de l'exécution effective.
Dans ce contexte, il est recommandé aux opérateurs en particulier aux établissements financiers et aux entités résidentes distribuant des dividendes de constituer une documentation probatoire rigoureuse, et d'envisager, dans les situations complexes, le recours au rescrit individualisé. La sécurisation juridique des montages passe nécessairement par une traçabilité accrue et une vigilance documentée sur les éléments de substance économique.
*Propos recueillis par Marie-Claire Sgarra, Rédactrice en chef de Lexbase Fiscal et Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Public
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Réf. : Décret n° 2025-493 du 3 juin 2025, relatif au registre numérique des saisies des rémunérations, à la procédure de saisie des rémunérations et à la formation des commissaires de justice répartiteurs N° Lexbase : L8792M9I
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N2450B37
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par Alexandre Autrand, doctorant, Université de Limoges, école doctorale Gouvernance des Institutions et des Organisations, Observatoire des Mutations Institutionnelles et Juridiques
Le 16 Juin 2025
Ce décret entrera en vigueur le 1er juillet 2025 (art. 12), et il contient des dispositions relatives au registre numérique des saisies des rémunérations, à la procédure de saisie des rémunérations et à la formation des commissaires de justice répartiteurs.
I. Sur le registre numérique des saisies des rémunérations
Il ressort du décret que ce registre est tenu par la chambre nationale des commissaires de justice, et il a pour finalité d’assurer le suivi des procédures de saisies des rémunérations (art. 1).
Au sein de ce registre, les données suivantes sont inscrites (art. 2) :
a) Les données d'identification du débiteur ;
b) Les données d'identification de l'employeur ;
c) Les données d'identification du créancier ;
d) Les données d'identification du commissaire de justice répartiteur ;
e) Les données d'identification du commissaire de justice chargé de l'exécution ;
f) Les données permettant d'identifier les créances, actes, formalités, décisions, titres, cessions et incidents se rattachant aux procédures de saisie des rémunérations et dont l'inscription est prévue par le Code des procédures civiles d'exécution ou par les dispositions transitoires de l'article 6 du décret n° 2025-125 du 12 février 2025 N° Lexbase : L2044MYD ;
g) Les données relatives aux procédures de paiement direct ;
h) Les données permettant d'assurer la traçabilité des accès et actions des acteurs de la saisie des rémunérations.
La liste des données mentionnées par l’article 2 de ce décret sera précisée par un arrêté du Garde des Sceaux.
L’ensemble des informations relatives à la procédure de saisie des rémunérations pourront être inscrites, modifiées et supprimées par le commissaire de justice saisissant ou répartiteur.
Ces actions pourront aussi être réalisées par la chambre nationale des commissaires de justice, pour les données qui permettent d’identifier les commissaires de justice répartiteurs (art. 3).
Ce registre est consultable par tout commissaire de justice, chargé de l’exécution d’un titre exécutoire, mais aussi par la chambre nationale des commissaires de justice, pour la tenue et la transmission des données statistiques (art. 4).
Les opérations de création, de consultation, de modification et de suppression font l'objet d'un enregistrement comportant l'identification de l'auteur, la date, l'heure et la nature de l'opération dans le traitement (art. 8).
Les données mentionnées dans ce registre sont conservées jusqu’à la radiation de la procédure de saisie des rémunérations dudit registre et dans la limite d’une durée maximale de 10 ans (art. 5).
Si cette radiation n’intervient pas dans ce délai, le commissaire de justice devra renouveler ou non l’inscription de la saisie dans le registre (art. 5).
Pour l’ensemble des personnes mentionnées dans la liste des données présente dans le registre, les droits d’accès, de rectification et de limitation s’exercent auprès de la chambre nationale des commissaires de justice (art. 7).
II. Sur les dispositions relatives à la procédure de saisie des rémunérations
Le décret opère des modifications de forme dans le Code des procédures civiles d’exécution, afin d’intégrer le registre numérique des saisies des rémunérations (art. 9 et 10).
Le décret permet aussi de corriger des erreurs de référence d’article, qui étaient présentes dans le décret n° 2025-125 du 12 février 2025.
III. Sur les dispositions relatives à la formation des commissaires de justice répartiteurs
Il ressort de l’article 11 de ce décret que la durée de la formation des commissaires de justice répartiteurs est de 12 heures.
Cette dernière porte sur le calcul de la quotité saisissable des rémunérations, la procédure de saisie des rémunérations et la répartition des sommes saisies dans le cadre de la procédure (art. 11).
Enfin, la chambre nationale des commissaires de justice dresse et tient à jour la liste des commissaires de justice qui ont accompli cette formation (art. 11).
Cette liste sera publiée sur le registre numérique des saisies des rémunérations par la chambre nationale (art. 11).
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