Le Quotidien du 9 mai 2025

Le Quotidien

Droit rural

[Commentaire] Une loi pour favoriser la transmission des exploitations et la réalisation de l’activité agricole afin de préserver la souveraineté alimentaire en France

Réf. : Loi n° 2025-268 du 24 mars 2025 d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture N° Lexbase : L9978M83

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N2148B3X

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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR, Université Marie et Louis Pasteur

Le 30 Avril 2025

Mots-clés : droit rural • activité agricole • biodiversité • installation des agriculteurs • transmission de l'exploitation • souveraineté alimentaire • politique publique • réseau « France Services Agriculture » • diagnostic modulaire • essai d'association 

La loi du 24 mars 2025 énonce les nombreux objectifs et finalités que doivent atteindre les politiques publiques en matière agricoles au cours de la prochaine décennie. Toutefois certaines mesures doivent être mises en œuvre dès 2026. Il convient de souligner tout spécialement l’insertion de mesures destinées à favoriser la réalisation des activités agricoles annexes ou bien encore de nouvelles contraintes en matière de biodiversité. Par ailleurs, les dispositifs relatifs à l’installation et à la transmission des exploitations sont dynamisés notamment par la création de l’essai d’association.


 

La nouvelle loi est composée de quarante articles, après censure du Conseil constitutionnel, abordant la souveraineté alimentaire, le renouvellement des générations en agriculture, l’installation, la transition des exploitations agricoles et l’amélioration de la profession d’agriculteur.

Affirmation de l’importance de l’agriculture en France. – L’article L. 1 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L0378M9U énonce les finalités de la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation. La loi nouvelle fait précéder ce texte d’un nouvel article L. 1A qui indique que l’agriculture et la pêche « sont d’intérêt général majeur » et constituent « un intérêt fondamental de la Nation ». Ainsi, toute règle normative nouvelle devra se conformer à ces objectifs.

I. Le cadre juridique de l’activité agricole précisé

Notion d’activité agricole. – La loi du 24 mars 2025 contient deux dispositions complétant la définition de l’activité agricole. Le nouvel article L. 1A dispose que « L'agriculture au sens du présent livre, qui s'entend des activités réputées agricoles en application de l'article L. 311-1 N° Lexbase : L3233LQS, comprend notamment l'élevage, l'aquaculture, le pastoralisme, la viticulture, les semences, l'horticulture, l'apiculture et la sylviculture. » Il permet ainsi de mieux caractériser les différentes catégories de productions végétales ayant un cycle biologique au sens de l’article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime, évitant ainsi toute discussion éventuelle en raison des imprécisions sur le point de départ et la fin du cycle biologique notamment.

Par ailleurs, la loi ajoute un nouvel article L. 320-1 au code précité N° Lexbase : L0339M9G. Selon ce texte, « Les sociétés mentionnées aux chapitres II à IV et VII du présent titre peuvent, sans perdre leur caractère civil, compléter les activités mentionnées à l'article L. 311-1 par des activités accessoires de nature commerciale et présentant un lien avec l'activité agricole. Les recettes tirées de ces activités accessoires ne peuvent excéder ni 20 000 euros ni 40 % des recettes annuelles tirées de l'activité agricole. Pour les groupements mentionnés au chapitre III, le plafond de 20 000 euros est multiplié par le nombre d'associés que compte le groupement. » Ainsi, les GFA ou GFR, les GAEC, les EARL, et les SCEA ou groupements de propriétaires ou d’exploitants peuvent réaliser une activité commerciale (non civile) dans la double limite de 20 000 euros et de 40 % des recettes agricoles par année civile. Pour les GAEC, le texte précise que le double plafond est multiplié par le nombre d’associés-exploitants, alors qu’il aurait été plus logique de préciser qu’il était évalué pour chacun des associés, ce qui aurait été plus conforme à l’application du principe de transparence des GAEC (CRPM, art. 323-13 N° Lexbase : L4474I4H).

Le législateur ne précise pas comment cette règle s’applique au regard des articles 63 N° Lexbase : L5639MA4 et 75 N° Lexbase : L9086LNT du CGI selon lesquels, la moyenne annuelle des recettes accessoires commerciales et non commerciales des trois dernières années ne doit pas excéder ni 50 % de la moyenne annuelle des recettes tirées de l'activité agricole au titre desdites années, ni 100 000 euros pour être considérés comme des bénéfices agricoles. En effet, le double plafond de l’article L. 320-1 semble plus restrictif que les critères fiscaux. Une autre solution serait de considérer que ces nouvelles activités accessoires peuvent s’intégrer à la triple condition du respect du double plafond et des limites fiscales, ce qui semblerait plus cohérent.

Particularité GAEC. - L’article L. 323-2, alinéa 4, du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L0340M9H est complété afin de permettre la réalisation des activités de vente de la production du groupement exercées dans un magasin de producteurs défini à l'article L. 611-8 du même code N° Lexbase : L4491I44, posant ainsi une exception au principe de l’exclusivité professionnelle agricole du GAEC.

Sécuriser l’activité agricole. – La loi du 24 mars 2025 complète le Code de l’environnement par la création d’un article L. 171-7-2 N° Lexbase : L0384M94 relatif aux atteintes à la conservation d’espaces animales non domestiques, d’espèces végétales non cultivées ou d’habitats naturels en violation des articles L. 411-1 et suivants de ce code N° Lexbase : L7924K9D. Ainsi, lorsque l’atteinte est le fait d’une personne physique et qu’elle n’aura pas été commise de manière intentionnelle ou par négligence grave, l’amende est plafonnée à 450 euros. On regrettera toutefois la censure du Conseil Constitutionnel sur cette question, le projet de loi ayant posé un principe de droit à l’erreur pour limiter les hypothèses de sanction des agriculteurs, ayant été considéré sans portée normative et inintelligible. Concrètement, en cas d'atteinte non-intentionnelle, l’exploitant risque d’être contraint de régler une amende administrative de 450 euros maximum.

Statut du fermage et préservation des haies - L’article L. 411-28 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L3987AEE prévoit que :

« Pendant la durée du bail et sous réserve de l'accord du bailleur, le preneur peut, pour réunir et grouper plusieurs parcelles attenantes, faire disparaître, dans les limites du fonds loué, les talus, haies, rigoles et arbres qui les séparent ou les morcellent, lorsque ces opérations ont pour conséquence d'améliorer les conditions de l'exploitation.

Le bailleur dispose d'un délai de deux mois pour s'opposer à la réalisation des travaux prévus à l'alinéa précédent, à compter de la date de l'avis de réception de la lettre recommandée envoyée par le preneur. Passé ce délai, l'absence de réponse écrite du bailleur vaut accord ».

Or, la loi du 24 mai 2025 a ajouté un article L. 412-22 au Code de l’environnement N° Lexbase : L0393M9G selon lequel tout projet de destruction d’une haire est soumis à déclaration préalable. Pendant un délai maximum de quatre mois, l’autorité administrative peut s’opposer au projet de destruction de la haie. Pour cette raison, les travaux ne peuvent débuter avant l’expiration de ce délai. Le silence vaut absence d’opposition au projet. Toutefois, le nouvel article L. 412-25 du même code poursuit en indiquant que toute destruction de haie est subordonnée à des mesures de compensation par replantation d’un linéaire au moins égal à celui détruit. Ces mesures doivent être précisées prochainement par un décret. On constate que les nouvelles dispositions du Code de l’environnement n’ont pas été coordonnées avec celles du Code rural et de la pêche maritime.

II. Favoriser la transmission et l’installation des jeunes en agriculture  

Afin d’assurer le renouvellement des générations pour de la prochaine décennie, l’article 20, II de la loi du 24 mars 2025 énonce que les politiques publiques mises en œuvre entre 2025 et 2035 doivent favoriser la création, l'adaptation et la transmission des exploitations agricoles et le développement des pratiques concourant à ces transitions, dont l'agriculture biologique, tout en prenant en compte les attentes sociales et professionnelles des personnes qui souhaitent s'engager dans les métiers de l'agriculture et de l'alimentation ainsi que la diversité des profils concernés. L’objectif fixé est de compter au moins 400 000 exploitations agricoles et 500 000 exploitants agricoles en dix ans.  

« Pour atteindre cette cible, l'Etat se donne comme objectif de contrôler les phénomènes d'agrandissement par la régulation de l'ensemble des marchés fonciers afin de permettre le renouvellement des générations en agriculture. La réalisation de cet objectif suppose de préserver les terres agricoles, de rendre le foncier accessible aux candidats à l'installation et de faciliter la transmission des exploitations agricoles. A cette fin, une réforme de l'ensemble des instruments juridiques et financiers doit permettre à la politique foncière de s'adapter aux enjeux contemporains. ».

 Ainsi, et « afin de garantir le renouvellement des générations d'exploitants agricoles et de pérenniser le modèle d'exploitation familiale, l'Etat se donne comme objectif de mener, en vue de son application dès 2025, une réforme de la fiscalité applicable à l'installation d'exploitants et à la transmission des biens agricoles, notamment des biens fonciers agricoles. Il veille notamment à subordonner les régimes spéciaux et d'exonération à des engagements de conservation des biens transmis pour une longue durée. Cette réforme des dispositifs fiscaux vise également à rendre attractives, pour les propriétaires de parcelles attenantes à des bâtiments d'exploitation, la vente ou la location aux exploitants agricoles acheteurs ou preneurs desdites parcelles » [1].

« Afin de garantir le renouvellement des générations d'exploitants agricoles et de pérenniser le modèle d'exploitation familiale, l'Etat se donne comme objectif d'assurer, en vue de son application dès 2025, la transparence des cessions d'usufruit ou de nue-propriété. Il veille notamment à ce que les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural soient informées de la durée et du sort de l'usufruit, notamment de sa destination et de son mode d'exploitation, des pouvoirs des titulaires des droits, de l'intérêt ou de la réalité économique de l'opération ainsi que de la méthode de valorisation retenue et de la ventilation du prix ou de la valeur effectuée pour chacun des droits démembrés. L'État veille également à ce que les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural puissent demander au tribunal judiciaire d'annuler une cession de droits démembrés si elles estiment, au vu notamment du montage juridique, de la valeur des droits et de la réalité économique de l'opération, que cette cession aurait dû leur être notifiée en tant que cession en pleine propriété. » [2]

Puis, « afin de favoriser l'installation des femmes en agriculture, l'État se donne comme objectif de bâtir une stratégie pour lever les obstacles multifactoriels que rencontrent les femmes ayant un projet d'installation. L'État et les régions visent à faciliter l'accès des femmes aux aides à l'installation. Le réseau mentionné au dernier alinéa du II du présent article porte une attention particulière à l'accueil, à l'orientation et à l'accompagnement des femmes vers les métiers de l'agriculture » [3].

Concrètement, on relèvera que l’article 20 précité énoncé principalement les objectifs des politiques publiques en matière agricole, sans pour autant contenir des règles juridiques précises. Toutefois, on soulignera la mise en place de quelques mesures plus concrètes en matière de transmission.

Création du réseau « France Services Agriculture ». - Jusqu’alors, les articles L. 330-1 N° Lexbase : L1541MHK à L. 330-5 du Code rural et de la pêche maritime sont relatifs à la politique d’installation et de transmission en agriculture et ont été insérés dans ce code par la loi « LAAAF » de 2014. Ces textes ont été modifiés par l’article 38 de la loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture N° Lexbase : L6161MSY pour tirer les conséquences du transfert aux régions de la gestion des aides à l’installation dans le cadre de la programmation de la PAC 2023-2027. Les dispositifs de soutien européen dans le cadre de la PAC, notamment la « dotation jeunes agriculteurs » (DJA), relèvent depuis le 1er janvier 2023, de la compétence des régions. De plus, la loi « LAAAF » a également confié aux chambres départementales d’agriculture une mission de service public liée à la politique d’installation pour le compte de l’État et des autorités chargées de la gestion des aides à l’installation, prévue au 4° de l’article L. 511-4 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L0315M9K.

Concrètement, en application de l’article L. 330-5 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L0342M9K, une déclaration d’intention de cessation d’activité agricole (DICAA) doit être adressée par l’exploitant au moins trois ans avant la date à laquelle il projette de cesser son activité. Cette notification est nécessaire pour cumuler la perception de la pension de retraite et une activité, dans les conditions prévues par les articles L. 732-39 N° Lexbase : L4619MHK et L. 732-40 N° Lexbase : L4620MHL du même code.  Les services de la Mutualité sociale agricole (MSA) informent chaque exploitant de cette obligation de déclaration, quatre ans avant qu’il n’atteigne l’âge légal de départ en retraite. Les informations envoyées par la MSA et les DICAA reçues en retour par les chambres d’agriculture ne semblent toutefois pas faire l’objet d’un véritable suivi et le système de la DICAA apparaît peu opérationnel en pratique. Seul entre un quart et un tiers des déclaration d’intention de cessation d’activité ont été envoyées par les exploitants en réponse au courrier de la MSA.

Enfin, par application de l’article D. 330-3 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L4522KE9, les chambres départementales d’agriculture assurent la tenue du répertoire départ-installation (RDI) prévu à l’article L. 330-5 du même code N° Lexbase : L0342M9K, afin de faciliter la mise en relation des cédants et des preneurs. Toutefois, la mise en réseau des RDI dans une base nationale n’est pas assurée. Pour encourager les cédants à réaliser un diagnostic d’exploitation modulaire évoqué précédemment et à rendre publique leur intention de céder leur exploitation, ils peuvent bénéficier d’une prime pour la publication d’une offre au RDI qui conduit à une cession à un bénéficiaire de la DJA. Seuls 609 cédants ont bénéficié de cette prime entre 2017 et 2021 [4] . Ce chiffre doit être mis en perspective avec les 25 000 départs annuels d’exploitants à la retraite sur la même période.

La loi réécrit ou modifie les articles L. 330-4 N° Lexbase : L0341M9I à 330-8 du Code rural et de la pêche maritime et envisage plusieurs « niveaux » dans le dispositif « France Services Agriculture » ou FSA. Tout d’abord, il est envisagé de créer un « point d’accueil unique » [5] au niveau départemental, afin de répondre au besoin d’accessibilité et de lisibilité du dispositif d’accompagnement : « niveau 1 » de FSA. Puis il est prévu la constitution d’un réseau départemental de « structures de conseil et d’accompagnement » agréées par l’État. Ce réseau, en offrant une gamme diversifiée de services, devra répondre au besoin d’accompagnements ajustés à des porteurs de projets pluriels, dans leurs profils comme dans leurs problématiques. Ce réseau de structures d’accompagnement constitue le « niveau 2 » de FSA.

Le FSA sera composé, dans chaque département, d’un guichet unique mis en place dans le réseau des chambres d’agriculture et d’un réseau de structures d’accompagnement agréées, vers lesquelles le point d’accueil orientera les porteurs de projets d’installation ou de cession d’exploitation. La mise en relation des cédants et des candidats à l’installation, ainsi que le suivi des installations et des transmissions, seront facilitées par l’enregistrement des données dans un répertoire départemental unique.

Pour y parvenir, la création d’un répertoire unique est prévue afin de permettre la mise en relation des porteurs de projets de cession et d’installation. Ainsi, il sera possible de procéder à l’enregistrement de chaque personne accueillie par le réseau FSA dans un répertoire départemental unique partagé entre la chambre départementale d’agriculture et alimenté par l’ensemble des membres du réseau FSA. Ainsi, toute personne qui souhaitera s’engager dans une activité agricole, qui exerce une activité agricole, ou qui projette de cesser son activité agricole, bénéficiera d’un accueil et d’un accompagnement par ce réseau. Actuellement, les acteurs sont nombreux pour informer et conseiller les personnes concernées : les chambres d’agriculture, la Mutualité sociale agricole, les associations départementales pour le développement de l’emploi agricole et rural (Addear), CERFrance, le Pôle InPact – notamment, en son sein, le réseau Centre d’initiative pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (Civam) –, le réseau des associations de formation à la gestion (InterAFOCG) et Terres de Liens, les groupes d’agriculture biologique, les espaces-test agricoles, les sociétés coopératives agricoles, les notaires ou encore les centres de gestion, notamment.

Diagnostics modulaires. – L’article 22 de la loi vise la mise en place d’ici à 2026, d’un diagnostic modulaire des exploitations afin de les évaluer en amont de leur transmission : lors de l’installation de l’exploitant puis tout au long de sa vie professionnelle. Ce dispositif n’est pas nouveau. Il existe dans le cadre du programme « Accompagnement à l’installation-transmission en agriculture » (AITA) par lequel l’État finance des diagnostics d’exploitation à céder à hauteur de 1 500 euros par exploitation. Cette aide est destinée à encourager la réalisation d’une évaluation, visant à faciliter la transmission en permettant au repreneur d’évaluer le potentiel de l’exploitation susceptible d’être reprise, mais qui est insuffisamment utilisée [6] . En outre, l’article L. 330-1 alinéa 1er du Code rural et de la pêche maritime relatif à la politique d’installation, dispose que l’aide à l’installation peut être modulée « si les candidats n’ont pas réalisé un diagnostic de gestion des risques constatant un niveau de maîtrise des risques suffisant sur l’exploitation » [7] . Enfin, le diagnostic modulaire peut être rapproché de l’article L. 411-4 du même code N° Lexbase : L3136AEU selon lequel, préalablement à la conclusion d’un bail rural », la réalisation d’un état des lieux « constate avec précision l’état des bâtiments et des terres ainsi que le degré d’entretien des terres et leurs rendements moyens au cours des cinq dernières années ». Toutefois, la réalisation de cet inventaire particulier n’est que trop rarement réalisée en pratique, à défaut d’avoir été rendue obligatoire et dont l’absence serait sanctionnée.

La réalisation de ce diagnostic, composé de plusieurs modules (d’où son nom) et au moins deux, permettra de faciliter la transmission de l’exploitation et l’installation ainsi que leur transition agroécologique en permettant d’orienter les choix d’un agriculteur tout au long de sa vie professionnelle. Le diagnostic aura pour effet de renforcer la transparence relative aux caractéristiques de l’exploitation concernée, facilitant ainsi sa cession, au moyen d’un consentement éclairé de l’acquéreur, futur agriculteur.

Le diagnostic est composé de plusieurs modules relatifs à la résilience de l’exploitation face aux conséquences du changement climatique (prise en compte des spécificités de l’exploitation relative au sol et aux ressources en eau). Un deuxième module porte sur la qualité des sols du foncier de l’exploitation et un troisième serait relatif à l’évaluation de la résilience des projets d’installation aux épisodes de stress climatique, et a été dénommé « Stress test climatique ».

Actuellement, le législateur ne semble pas vouloir rendre l’établissement de ce diagnostic modulaire obligatoire, mais l’État semble envisager d’étudier les conditions dans lesquelles la réalisation de certains modules pourrait conditionner l’octroi de certaines aides. Les débats parlementaires laissent entrapercevoir une conception différente de celle du gouvernement, et il est possible que ce dispositif soit modifié au cours des travaux parlementaires.

Essai d’association. – Le Code rural et de la pêche maritime est complété par des articles L. 330-9 N° Lexbase : L0346M9P et L. 330-10 N° Lexbase : L0347M9Q relatifs à un nouveau dispositif destiné à expérimenter un travail en commun au sein de cette exploitation.

Afin de préparer son projet d'exercice en commun de l'activité agricole, toute personne physique majeure peut effectuer un essai d'association sur une période d'un an, renouvelable une fois, au cours de laquelle cette personne expérimente un projet d'exploitation en commun dans une société à objet principalement agricole ou avec un ou plusieurs autres exploitants agricoles, peu importe qu'elle ait déjà ou non la qualité de chef d'exploitation.

Les conditions diffèrent selon le cadre juridique dans lequel est réalisé cet essai d’association :

- la personne à l'essai est liée à la société ou aux exploitants par un contrat de travail, un contrat d'apprentissage, un contrat de stage ou, lorsqu'elle a la qualité de chef d'exploitation, par un contrat d'entraide au sens de l’article L. 325-1 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L4455I4R, sauf si la personne a la qualité d’aide familial. Cet essai n’est pas un dispositif particulier et temporaire car il ne répond pas à la qualification d'installation.

- L’essai d’exploitation prend la forme d’une convention écrite conclue à titre gratuit, dont le modèle est établi par arrêté ministériel et elle précise les conditions de réalisation de l'essai, en prévoyant notamment un accompagnement relationnel par une personne qualifiée. Elle est conclue pour une durée d'un an, renouvelable une fois. Elle peut être résiliée à tout moment et sans indemnité par l'une ou l'autre des parties.

- L’essai ne peut jamais prendre la forme d’un contrat de société ni prévoir pour la personne à l'essai la détention de parts sociales, la participation aux bénéfices ou la contribution aux pertes de l’exploitation.

Les modalités d’exécution doivent être précisées par décret.

Pour réaliser l’essai d’association, tout salarié peut solliciter le congé mentionné à l'article L. 3142-105, 1°r du Code du travail N° Lexbase : L7142K9E. Par dérogation aux articles L. 3142-117 N° Lexbase : L6675K94 et L. 3142-119 N° Lexbase : L6677K98 de ce code, la durée du congé prévu au présent article est d'un an. Elle peut être prolongée d'un an au plus.

 

[1] Loi du 24 mars 2025, art L. 20, III.

[2] Loi du 24 mars 2025, art. L.20, IV.

[3] Loi du 24 mars 2025, art. L.20, V.

[4] Rapport de la Cour des comptes, La politique d’installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles, Communication à la commission des finances du Sénat, avril 2023. Ils sont tirés ou élaborés à partir des recensements agricoles et cohérents avec les chiffres présentés dans l’étude d’impact ou dans le Plan stratégique national de la PAC 2023-2027.

[5] C. rur., art. L.330-4 , II N° Lexbase : L0341M9I.

[6] Entre 2017 et 2021, 1 687 agriculteurs ont bénéficié de ce dispositif, ce qui est très faible au regard des vingt mille à vingt-cinq mille cessations d’activité annuelles, selon le rapport de la Cour de comptes précité.

[7] Inséré dans le CRPM par l’article 6 de la loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d’orientation relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture N° Lexbase : L6389MSG.

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Entreprises en difficulté

[Dépêches] Extension de procédure pour confusion : aucune faute n’est requise

Réf. : Cass. com., 26 mars 2025, n° 24-10.254, F-D N° Lexbase : A34770D7

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N2113B3N

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef

Le 05 Mai 2025

Une procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard d'un débiteur peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leurs patrimoines avec celui du débiteur sans qu'il ne soit requis la commission d'une faute de la part de ces personnes.

L’article L. 621-2, alinéa 2, du Code de commerce N° Lexbase : L3679MBU, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-1 du même code N° Lexbase : L9188L7G prévoit deux cas dans lesquels la procédure collective d’une personne peut être étendue à une autre personne : la fictivité de la personne morale et la confusion des patrimoines. C’est ce dernier cas qui est concerné par la décision rapportée.

Plus précisément, une société a été mise en liquidation judiciaire. Le liquidateur, invoquant l'existence de relations financières anormales entre le gérant associé unique et la société constitutives selon lui d'une confusion de leurs patrimoines, le liquidateur a assigné le gérant pour lui voir étendre la liquidation judiciaire.

Mais la cour d’appel a rejeté cette demande (CA Saint-Denis de la Réunion, 11 octobre 2023, n° 22/01313 N° Lexbase : A69161M4). Selon elle, la volonté de préserver la survie de la société débitrice par l'abandon des loyers pour différer la cessation des paiements ne constitue pas une faute de la part du gérant.

La Cour de cassation rappelle qu’une procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard d'un débiteur peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leurs patrimoines avec celui du débiteur sans qu'il ne soit requis la commission d'une faute de la part de ces personnes. Elle censure donc l’arrêt d’appel qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'ouverture des procédures par extension, Les critères de la confusion - description générale, in Entreprises en difficulté (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E8670ETB.

 

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Fonction publique

[Podcast] Quid de la rupture conventionnelle dans la fonction publique ?

Lecture: 1 min

N2177B3Z

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par Marjorie Abbal, Seban Avocats

Le 28 Avril 2025

Dans cet épisode de Lexflash, nous faisons le point sur un dispositif encore relativement récent dans la sphère publique : la rupture conventionnelle dans la fonction publique. Pour décrypter ce sujet, nous avons le plaisir de recevoir Marjorie Abbal, avocate associée au sein du cabinet Seban Avocats, spécialisée en droit public. Elle revient sur les contours juridiques et les enjeux pratiques de cette procédure inspirée du secteur privé.
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Marchés publics

[Jurisprudence] Irrecevabilité du candidat en redressement judiciaire ne justifiant pas être autorisé à poursuivre ses activités pendant la durée prévisible d’exécution du marché

Réf. : TA Bordeaux, 28 mars 2025, n° 2501623 N° Lexbase : A31700E7

Lecture: 6 min

N2178B33

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par Laurent Bidault, avocat au barreau de Paris, Novlaw Avocats et Nicolas Machet, élève avocat

Le 30 Avril 2025

Mots clés : commande publique • redressement judiciaire • exclusion du marché • poursuite d'activité • mise en concurrence

Doit être déclarée irrecevable la candidature d’une entreprise en situation de redressement judiciaire, qui ne présente ni plan de redressement, ni autorisation à exercer ses activités durant la durée d’exécution du marché public.


 

La commune de Lège-Cap-Ferret : ses plages, ses pistes cyclables, son phare…et son marché ! Qui donne lieu à un contentieux en référé précontractuel (quand on vous dit que le droit public est partout).

En l’occurrence, la commune a lancé une procédure adaptée de passation pour l’attribution d’un marché public d’assistance pour l’exploitation du marché municipal du Cap-Ferret (entretien et encaissement des droits de place) pour les années 2025 et 2026.

À l’issue de la procédure, ce marché a été attribué à la Société Lombard et Guérin Gestion.

Son offre étant arrivée en seconde position, la Société Les Fils de Madame Géraud n’a pas manqué d’introduire un référé précontractuel devant le tribunal administratif de Bordeaux pour obtenir l’annulation de cette procédure de passation.

Et son argumentaire a fait mouche.

I. Candidat en redressement judiciaire : exclusion de plein droit à tout stade de la procédure

Précisément, l’article L. 2141-3 du Code de la commande publique N° Lexbase : L0688LZI sanctionne par une exclusion de la procédure les candidats qui ont été admis à la procédure de redressement judiciaire qui ne bénéficient pas d’un plan de redressement ou qui ne justifient pas avoir été habilités à poursuivre leurs activités pendant la durée prévisible d’exécution du marché.

C’est un cas d’exclusion de plein droit [1], au même titre qu’une condamnation pénale définitive pour certaines infractions ou que le non-respect par le candidat de ses obligations en matière fiscale et/ou sociale.

Autrement dit, l’acheteur qui constate qu’un candidat entre dans l’un des cas d’exclusion prévus par l’article L. 2141-3 du Code de la commande publique doit directement écarter sa candidature comme étant irrecevable.

Et, l’acheteur n’a pas à requérir au préalable des observations de la part de ce candidat, à la différence des cas d’exclusion qui sont à l’appréciation de l’acheteur [2].

La société placée en redressement judiciaire doit donc justifier, dès le dépôt de son offre, qu’elle a été dûment habilitée par le jugement prononçant son placement en redressement judiciaire à poursuivre son activité pour toute la durée prévisible d’exécution du marché.

L’acheteur n’est pas tenu de lui demander de produire un tel document avant d’écarter sa candidature.

Et dans l’hypothèse où le placement en redressement judiciaire interviendrait après la date limite de dépôt des offres, la société doit en informer sans délai le pouvoir adjudicateur, lequel doit alors apprécier si sa candidature reste recevable [3].

Si la candidature de cette société n’est plus recevable, le pouvoir adjudicateur ne peut pas poursuivre la procédure avec elle.

Le juge du référé précontractuel peut ainsi annuler une procédure de passation d’un marché qui a été attribué à une société placée en redressement judiciaire après la sélection de son offre s’il constate que cette dernière n’était pas recevable, eu égard à l’absence d’autorisation de cette société à poursuivre son activité pour toute la durée prévisible d’exécution du marché.

Ce contrôle juridictionnel approfondi sur les capacités financières du candidat vise à garantir au pouvoir adjudicateur que le marché sera conclu avec une société qui dispose des capacités financières nécessaires à sa bonne exécution.

Cela permet également d’assurer le respect du principe d’égalité de traitement entre les candidats.

II. L’importance de justifier d’être autorisé à poursuivre son activité pour la durée prévisible d’exécution du marché

Dans l’affaire ici commentée, la société Lombard et Guérin Gestion avait été placée en redressement judiciaire en vertu de l’article L. 631-1 du Code de commerce N° Lexbase : L3683MBZ par un jugement du 17 juillet 2024 du tribunal de commerce de Nanterre [4], soit antérieurement à la date de remise des offres fixée le 27 janvier 2025.

La société requérante, Les Fils de Madame Géraud, soutenait que l’offre de sa concurrente aurait dû être écartée dans la mesure où elle ne justifiait pas avoir été autorisée à poursuivre son activité pour toute la durée prévisible d’exécution du marché, à savoir une période initiale courant du 2 avril 2025 au 4 janvier 2026.

En effet, le tribunal de commerce de Nanterre n’avait autorisé le 17 juillet 2024 une poursuite d’activité que pour une durée de 6 mois.

Bien que cette période initiale ait été prolongée de 6 mois supplémentaires par un jugement du 14 janvier 2025 (soit jusqu’au 17 juillet 2025), cette nouvelle période ne couvrait pas l’intégralité de la durée prévisible d’exécution du marché.

Par ailleurs, la société Lombard et Guérin Gestion ne justifiait d’aucun plan de redressement judiciaire ni à la date limite de remise des offres ni à la date à laquelle le juge s’est prononcé.

Dans les faits, son mandataire judiciaire indiquait simplement qu’un plan de redressement judiciaire était en cours d’élaboration et serait vraisemblablement adopté en juillet 2025.

Partant, la société Lombard et Guérin Gestion ne disposait pas d’une autorisation à poursuivre son activité pour la durée prévisible d’exécution du marché de sorte qu’elle entrait dans le cas d’exclusion de plein droit prévu par l’article L. 2141-3 du Code de la commande publique.

C’est donc en toute logique que le Juge des référés a considéré que l’offre de cette société aurait dû être écartée comme irrecevable et que la commune de Lège Cap-Ferret a manqué à ses obligations de mise en concurrence en la déclarant recevable.

Ensuite, pour retenir que la société Les Fils de Madame Géraud s’est trouvée lésée par ce manquement, le juge des référés a fait application d’une jurisprudence constante selon laquelle le fait pour l’acheteur public de retenir une offre irrégulière est susceptible d’avoir lésé le candidat évincé, quel qu’ait été son propre rang de classement à l’issue du jugement des offres [5].

Par conséquent, le juge des référés annule la procédure de passation du marché au stade de l’examen des candidatures.

Un jugement qui rappelle l’importance pour l’acheteur public de vérifier que le candidat qui présente une offre en vue de l’attribution d’un marché public est bien recevable pour ce faire.

 

[1] Cas prévus par les articles L. 2141-1 N° Lexbase : L1524MHW à L. 2141-6-1 du Code de la commande publique.

[2] Cas prévus par les articles L. 2141-7 N° Lexbase : L4441LRW à L. 2141-11 du Code de la commande publique.

[3] CE, 26 mars 2014, n° 374387 N° Lexbase : A2310MIE.

[4] Devenu Tribunal des affaires économiques au 1er janvier 2025.

[5] CE, 11 avril 2012, n° 354652 N° Lexbase : A6183IIT ; plus récemment, CE, 21 octobre 2024, n° 491665 N° Lexbase : A70216BN.

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Responsabilité

[Observations] Défaut de sécurité intrinsèque et extrinsèque d’une poussette

Réf. : Cass. civ. 1, 19 mars 2025, n° 23-22.797, F-D N° Lexbase : A51080BS

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par Aude Denizot, Professeur à l’Université du Mans, Membre du Themis-Um

Le 29 Avril 2025

Ne présente pas de défaut de sécurité extrinsèque le produit qui est vendu avec une notice claire et complète, même en l’absence d’un pictogramme apposé sur le produit lui-même et alertant du danger ; si la victime fournit des clichés visant à prouver que d’autres produits équivalents sur le marché contiennent des systèmes de protection dont est dépourvue la poussette à l’origine du dommage, les juges du fond devront s’expliquer sur ce moyen de preuve, sauf à encourir une cassation pour défaut de réponse à conclusions.

Bien qu’il ne soit pas publié, cet arrêt du 19 mars 2025 présente un intérêt certain quant à la notion de produits défectueux, laquelle est encore parfois mal comprise. Un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, c’est-à-dire s’il présente une dangerosité inattendue. Qualifier un produit de défectueux suppose donc d’apprécier de quelle manière la victime a pu être surprise par les risques du produit. Pour ce faire, le Code civil recommande de tenir compte « de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit » (C. civ., art. 1245-3 N° Lexbase : L0623KZ4). On distingue traditionnellement le défaut de sécurité intrinsèque du défaut de sécurité extrinsèque. Le premier a trait au produit lui-même et à sa conception, le second aux informations qui sont données quant à l’utilisation et aux précautions à prendre. Dans cette affaire du 19 mars 2025, les juges furent conduits à examiner, pour un même produit, les deux types de défaut.

Une enfant de trois ans avait introduit son index dans la charnière d’une poussette au moment même où sa mère la manœuvrait pour la fermer, et elle fut partiellement amputée de ce doigt. Les parents assignèrent le producteur de la poussette pour obtenir réparation de leurs dommages et furent déboutés en appel.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation confirme l’arrêt quant à l’absence de défaut extrinsèque. Les juges d’appel avaient constaté que la notice de la poussette contenait toutes les informations, schémas et mises en garde utiles, et notamment quant à la nécessité d’éloigner les enfants pendant les opérations d’ouverture et de fermeture du produit. Ils en déduisaient que l’absence de pictogramme au niveau de la charnière ne permettait pas de caractériser un défaut extrinsèque. Une notice claire et complète est donc suffisante, de telle sorte que les consignes de sécurité n’ont pas besoin de figurer, en sus, sur le produit lui-même. La solution n’avait rien d’évident. Dans un arrêt du 4 février 2015, la Cour de cassation avait pu caractériser la défectuosité malgré l’existence d’une notice complète en faisant remarquer que la victime avait pu ne pas la consulter (Cass. civ. 1, 4 février 2015, n° 13-19.781, P N° Lexbase : A2454NBI). C’est pourquoi la présence d’une étiquette ou d’un autocollant est parfois décisive, comme le suggère un second arrêt rendu le même jour (Cass. civ. 1, 4 février 2015, n° 13-27.505, F-P+B N° Lexbase : A2374NBK). En l’espèce, d’autres personnes que les acquéreurs de la poussette auraient pu manipuler la poussette sans avoir nécessairement eu accès à la notice. Il est donc peut-être artificiel de se contenter de l’existence d’une notice pour déduire que le produit n’est pas défectueux.

S’agissant du défaut intrinsèque en revanche, l’arrêt de la cour d’appel est cassé pour défaut de réponse à conclusions. C’est dire qu’aux yeux de la Cour de cassation, le moyen n’était pas inopérant et aurait pu exercer une influence sur la décision. Les parents de la victime reprochaient à la cour d’appel de n’avoir pas examiné différents clichés représentant des poussettes de marques concurrentes sur lesquelles un dispositif de sécurité était installé au niveau de l’articulation. L’idée était de montrer, à l’aide de ces clichés, que le produit présentait un défaut de sécurité intrinsèque, puisqu’il n’était pas équipé de carter de protection, tandis que les autres poussettes en étaient pourvues. En effet, dès lors que, sur le marché, les produits similaires sont conçus de manière à éviter l’écrasement des doigts, celui qui ne comporte pas un tel dispositif présente une dangerosité inattendue. L’appréciation du défaut intrinsèque se fait ici au regard d’une analyse comparative qui permet de cerner les contours de l’attente légitime. Même si, selon le Code civil, un produit n’est pas défectueux par le seul fait qu’un autre, plus perfectionné, a été mis en circulation postérieurement, il reste que si, à un moment donné, les poussettes sont, dans l’ensemble, dotées d’un système de sécurité, celle qui n’en dispose pas trompe l’attente légitime de l’utilisateur.

Or, les juges d’appel avaient considéré que les parents n’apportaient pas la preuve de l’existence d’autres modèles de poussettes munies d’un cache de protection, ni de la faisabilité technique d’une telle solution. La décision de la cour d’appel n’évoquant pas ces clichés ni leur examen, la Cour de cassation estime que l’article 455 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6565H7B a été violé. Selon la Haute juridiction, ce texte oblige en effet les juges à examiner tous les éléments de preuve soumis par les parties pour accueillir ou rejeter une demande. Or l’arrêt d’appel ne s’expliquait pas sur ces photographies, qu’il aurait fallu considérer pour dire, ou non, que la preuve n’était pas apportée.

L’arrêt du 19 mars 2025 incitera les praticiens à toujours pendre en compte cette double facette du défaut de sécurité, intrinsèque et extrinsèque, puisque l’absence de l’un n’implique pas l’inexistence de l’autre. On retiendra également de cet arrêt que le défaut de sécurité intrinsèque peut être apprécié au regard des caractéristiques des produits similaires mis en circulation.

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