Le Quotidien du 12 février 2024

Le Quotidien

Assurances

[Brèves] Action en garantie : la recevabilité de l’action contre l’assureur n’est pas subordonnée à la mise en cause de l’assuré

Réf. : Cass. civ. 3, 1er février 2024, n° 22-21.025, FS-B N° Lexbase : A01422I4

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N8361BZP

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 07 Février 2024

►L’action en garantie contre l’assureur est distincte de l’action initiée contre l’assuré ; la recevabilité de l’action ne dépend pas de la mise en cause de l’assuré.

Par un raisonnement par analogie, la recevabilité de l’appel en garantie initiée contre l’assureur n’implique pas la mise en cause de l’assuré, comme pour l’action directe de l’article L. 124-3 du Code des assurances N° Lexbase : L4188H9Y. La présente espèce est l’occasion de le rappeler.

Des travaux de construction d’un bâtiment à usage commercial et à destination de grandes surfaces, appartenant à une SCI, ont été réalisés. Se plaignant de désordres affectant le carrelage, après réception, le maître d’ouvrage et l’exploitant assignent les constructeurs et leurs assureurs aux fins de réparation.

La cour d’appel de Poitiers, dans un arrêt rendu le 5 juillet 2022, déboute un assureur de son appel en garantie contre l’assureur du sous-traitant de son assuré au motif que l’assuré n’aurait pas été appelé à la cause.

Au visa notamment de l’article L. 124-3, la Haute juridiction censure. Elle rappelle que la mise en cause de l’assuré n’est pas une condition de recevabilité de l’action directe du tiers lésé (pour exemple, Cass. civ. 1, 7 novembre 2000, n° 97-22.582, publié au bulletin N° Lexbase : A7747AHE, mais également Cass. civ. 2, 27 avril 2017, n° 16-15.525, F-P+B+I N° Lexbase : A8033WAR).

La solution est constante depuis cet arrêt de 2000.

L’action directe permet au tiers lésé de mobiliser la police d’assurance souscrite par l’auteur du dommage et ce par exception au principe de l’effet relatif des conventions.

Partant de ce principe, elle ajoute qu’aucun texte n’impose à celui qui appelle en garantie l’assureur de responsabilité d’un tiers de mettre en cause l’assuré.

Elle considère qu’une différence entre les règles applicables à la recevabilité de ces deux actions ne se justifie pas pour en déduire que, comme en matière d’action directe du tiers lésé, la recevabilité de l’action en garantie dirigée contre un assureur n’est pas subordonnée à la mie en cause de son assuré.

La décision rapportée est l’occasion de rappeler que la demande de mise en cause dirigée contre le constructeur n’interrompt la prescription à l’égard de son assureur que si celui-ci est directement cité dans l’action. La solution est la même devant le juge administratif (CE, 4 février 2021, n° 441593, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A81724EE).

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Avocats/Accès à la profession

[Brèves] Refus d'une dispense d'une ou plusieurs épreuves du contrôle des connaissances : une simple faculté du CNB

Réf. : CA Paris, 25 janvier 2024, n° 22/13477 N° Lexbase : A66732IY

Lecture: 1 min

N8389BZQ

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par Marie Le Guerroué

Le 12 Février 2024

► La décision de refus d'une dispense d'une ou plusieurs épreuves du contrôle des connaissances est une simple faculté laissée à l'appréciation du CNB sur la valeur et les mérites des travaux universitaires et scientifiques du candidat au regard des matières de l'épreuve pour laquelle la dispense est sollicitée et cette décision qui n'a pas à être motivée ne relève pas du contrôle de la cour.

Faits et procédure. L’appelant né en Syrie avait acquis la nationalité française selon décret de naturalisation. Arguant du fait qu'il était avocat et ressortissant d'un État membre de l'Union européenne et avait obtenu un master de droit pénal approfondi et sciences criminelles en 2015 et un doctorat en droit privé et sciences criminelles après avoir soutenu en 2020 une thèse sur « La lutte contre les disparitions forcées » il avait saisi le Conseil national des barreaux (CNB) d'une demande d'autorisation de présenter les épreuves de l'examen de contrôle des connaissances en droit français pour pouvoir s'inscrire à un barreau français et de dispense des épreuves écrites de rédaction de conclusions en matière civile et rédaction d'une consultation juridique et de l'épreuve orale de procédure et demandé à passer l'épreuve de consultation en droit pénal, en application de l'article 100 du décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991 N° Lexbase : L8168AID, organisant la profession d'avocat.
Le Conseil national des barreaux avait autorisé le bénéficie des dispositions de l'article 11 dernier alinéa de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971 et de l'article 100 du décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat N° Lexbase : L8168AID mais rejeté sa demande de dispense d'épreuves et dit que pour pouvoir s'inscrire à un barreau français, l’intéressé sera soumis à un examen de contrôle des connaissances en droit français, étant précisé que la consultation juridique portera sur le droit pénal. Le candidat forme appel de cette décision.

Réponse de la cour. La Cour rappelle les dispositions applicables et énonce que la décision de refus d'une dispense d'une ou plusieurs épreuves du contrôle des connaissances est une simple faculté laissée à l'appréciation du CNB sur la valeur et les mérites des travaux universitaires et scientifiques du candidat au regard des matières de l'épreuve pour laquelle la dispense est sollicitée et cette décision qui n'a pas à être motivée (Cass. civ. 1, 12 octobre 2004, n° 01-16.763, FS-P N° Lexbase : A5958DDZ) ne relève pas du contrôle de la cour.
L’appelant est donc débouté de sa demande d'annulation de la décision et de ses demandes subséquentes de dispense d'épreuves.

Pour aller plus loin : ÉTUDE : Les passerelles d'accès à la profession d'avocat, L'inscription au tableau des personnes ayant acquis la qualité d'avocat dans un Etat ou une unité territoriale n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen, ni à la Confédération suisse, in La profession d’avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E33583RS.

 

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Concurrence

[Brèves] Objet du recours en légalité contre une décision de l'Autorité de la concurrence refusant une proposition d'engagements

Réf. : Cass. com., 31 janvier 2024, n° 22-16.616, FS-B N° Lexbase : A79102HG

Lecture: 7 min

N8340BZW

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par Vincent Téchené

Le 06 Février 2024

► Une décision refusant une proposition d'engagements et mettant fin à toute discussion à ce titre avec une entreprise ou un organisme à qui avait été adressée une évaluation préliminaire peut faire l'objet d'un recours en légalité devant la cour d'appel de Paris. Ce recours a seulement pour objet de faire contrôler, dans les limites résultant de l'existence du pouvoir discrétionnaire de l'Autorité de la concurrence, que l'entreprise ou organisme concerné a bien été en mesure de présenter, dans les délais et conditions prévus par les dispositions légales et réglementaires applicables, une propositions d'engagements de nature à mettre un terme aux préoccupations de concurrence préalablement identifiées par l'Autorité et, à défaut, d'annuler la décision et de renvoyer l'examen de l'affaire devant les services de l'Autorité pour remédier au vice ainsi retenu. 

Faits et procédure.  La société Subsonic, qui produit et commercialise des manettes destinées aux consoles de jeux commercialisées depuis 2013 par le groupe Sony, a saisi l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) de plusieurs pratiques anticoncurrentielles visant à entraver l'accès à ce marché, qui auraient été mises en œuvre par le groupe Sony.

Le rapporteur général de l'Autorité a adressé aux sociétés Sony une note d'évaluation préliminaire faisant état de préoccupations de concurrence, susceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles, et leur accordant un délai d'un mois pour formaliser une proposition d'engagements de nature à y mettre un terme.

Les sociétés Sony ont alors formulé une première proposition d'engagements, laquelle a été communiquée à la société saisissante ainsi qu'au commissaire du Gouvernement, et a fait l'objet d'une publication sur le site internet de l'Autorité, pour permettre aux tiers intéressés de formuler leurs observations au titre de la phase dite de test de marché.

Par la suite, les sociétés Sony ont transmis à l'Autorité une deuxième proposition d'engagements, en réponse aux observations formulées à l'issue de cette phase. Cette deuxième proposition a fait l'objet d'un examen par le collège de l'Autorité. La séance a été suspendue à deux reprises pour permettre aux sociétés Sony de modifier leur proposition. Ces sociétés ont ensuite adressé à l'Autorité deux nouvelles propositions.

Estimant que la dernière proposition d'engagements ne répondait toujours pas aux préoccupations de concurrence identifiées, le collège de l'Autorité, par une décision n° 20-S-01 du 23 octobre 2020 a mis fin à la procédure d'engagements et renvoyé le dossier à l'instruction.

Après le rejet de leur recours pour excès de pouvoir par le Conseil d'État, lequel s'est déclaré incompétent pour connaître de la décision de l'Autorité (CE, 3° et 8° ch.-r., 1er juillet 2022, n° 448061 N° Lexbase : A256579U, V. Téchené, Lexbase Affaires, juillet 2022, n° 724 N° Lexbase : N2137BZ8), les sociétés Sony ont introduit devant la cour d'appel de Paris un recours aux fins d'annulation de cette décision. La cour d’appel de Paris ayant  déclaré ce recours irrecevable, les sociétés Sony ont formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 464-2, I N° Lexbase : L2313LDZ, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 N° Lexbase : L2117LDR, L. 464-8 N° Lexbase : L4973IUQ, dans sa version issue de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 N° Lexbase : L4861IUL, et R. 464-8, I, 4° N° Lexbase : L9107LDN, dans sa version issue du décret n° 2017-483 du 6 avril 2017 N° Lexbase : L7288LDB, du Code de commerce, et l'article 6 § 1 de la CESDH N° Lexbase : L7558AIR.

Elle rappelle que , le droit d'accès à un tribunal, tel que protégé par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (la Convention), ne trouve à s'appliquer, sous son volet civil, que s'il existe une « contestation » sur un « droit » que l'on peut prétendre, au moins de manière défendable, reconnu en droit interne, que ce droit soit ou non protégé par la Convention. Ces dispositions n'assurent, en revanche, aux « droits et obligations de caractère civil », aucun contenu matériel déterminé dans l'ordre juridique des États contractants et ne sauraient justifier la création d'un droit matériel n'ayant aucune base légale dans l'État concerné. Dès lors, si le droit national, sans reconnaître un droit subjectif à un individu, lui confère seulement le droit à une procédure d'examen de sa demande, appelant le juge compétent à statuer sur des moyens tels que l'arbitraire, le détournement de pouvoir ou encore les vices de procédure, l'article 6 § 1 de la Convention trouve à s'appliquer dans la limite du droit ainsi consacré par la législation interne et à condition que l'avantage ou le privilège, une fois accordé, crée un droit civil (CEDH, 26 novembre 2015, Req. 35289/11 N° Lexbase : A9184NXG ; CEDH, 14 septembre 2017, Req. 56665/09 N° Lexbase : A5460WRN ; CEDH, 29 novembre 2016, Req. 76943/11 N° Lexbase : A4636SLB ; CEDH, 3 avril 2012, Req. 37575/04 N° Lexbase : A1309IHX).

Ainsi, selon la Haute juridiction, si elle juge que l'Autorité dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour accepter les propositions d'engagements, de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence et que le collège de l'Autorité n'a pas à formaliser ni à motiver la décision par laquelle elle refuse d'ouvrir une procédure d'engagements, les entreprises ou organismes concernés ne bénéficiant pas d'un droit aux engagements (Cass. com., 2 septembre 2020, n° 18-18.501, 18-19.933 et 18-18.582, FS-P+B N° Lexbase : A95353SX), les dispositions des articles susvisés n'excluent pas l'existence d'un recours immédiat en légalité à l'encontre d'une décision refusant une proposition d'engagements et mettant fin à toute discussion à ce titre avec une entreprise ou un organisme à qui avait été adressée une évaluation préliminaire. Ce recours, ajoute la Cour, a seulement pour objet de faire contrôler, par la cour d'appel de Paris, dans les limites résultant de l'existence du pouvoir discrétionnaire de l'Autorité, que l'entreprise ou organisme concerné a bien été en mesure de présenter, dans les délais et conditions prévus par les dispositions légales et réglementaires applicables, une proposition d'engagements de nature à mettre un terme aux préoccupations de concurrence préalablement identifiées par l'Autorité et, à défaut, d'annuler la décision et de renvoyer l'examen de l'affaire devant les services de l'Autorité pour remédier au vice ainsi retenu.

Or, la Haut magistrats constatent que pour déclarer irrecevable le recours introduit par les sociétés Sony contre la décision de l'Autorité refusant leur proposition d'engagements et mettant un terme à cette procédure, l'arrêt d’appel retient qu'il résulte du libellé des articles L. 464-8 et L. 464-2, I, du Code de commerce que le recours en annulation ou en réformation des décisions de l'Autorité n'est ouvert qu'à l'encontre des décisions qui y sont limitativement énumérées, de sorte que seules les décisions d'acceptation des engagements proposés par les entreprises sont susceptibles de faire l'objet d'un recours, à l'exclusion de celles portant refus de tels engagements, lesquelles sont prises au titre de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire de l'Autorité. L'arrêt en déduit l'absence de recours immédiat à l'encontre de ces décisions.

Par conséquent, la Cour en conclut qu’en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes visés.

newsid:488340

Congés

[Brèves] Congés payés pendant les arrêts maladie : limiter légalement leur acquisition est conforme à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2023-1079 QPC, du 8 février 2024 N° Lexbase : A06482LL

Lecture: 8 min

N8385BZL

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par Lisa Poinsot

Le 19 Février 2024

Les dispositions du Code du travail limitant l’acquisition de congés payés pendant les arrêts maladie sont déclarées conformes à la Constitution.

Contexte juridique. Depuis plusieurs mois, une insécurité juridique touche notamment l’acquisition de congés payés pendant les arrêts maladie.

Droit du travail français. Le Code du travail n’assimile pas les arrêts pour maladie d’origine non professionnelle et les arrêts liés à un accident du travail ou une maladie d’origine professionnelle au-delà d’une année à du temps de travail effectif pour l’acquisition de jours de congés payés (C. trav., art. L. 3141-5 N° Lexbase : L6944K93).

Droit du travail européen. La Directive du 4 novembre 2023 N° Lexbase : L5806DLM prévoit un droit annuel à congés payés d’au moins 4 semaines sans différencier selon l’origine des absences, y compris en cas d’arrêt maladie.

Position de la Cour de cassation. Par trois arrêts en date du 13 septembre 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation a écarté le droit du travail français au profit du droit de l’Union européenne, en matière de congés payés :

  • Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.340, FP-B+R N° Lexbase : A47891GH : les salariés atteints d’une maladie ou victimes d’un accident, de quelque nature que ce soit (professionnels ou non-professionnels) ont le droit de réclamer des droits à congés payés en intégrant dans leur calcul la période au cours de laquelle ils n’ont pas pu travailler ;
  • Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.638, FP-B+R N° Lexbase : A47951GP : en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, l’indemnité compensatrice de congés payés ne peut être limitée à un an ;
  • Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-10.529, FP-B+R N° Lexbase : A47921GL : le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congé payé doit être fixé à l'expiration de la période déterminée au cours de laquelle le salarié doit prendre ses congés payés dès lors que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement.

Position de la CJUE. L’État français a déjà été sanctionné en raison de cette non-conformité du droit national français à la Directive européenne (CJUE, 24 janvier 2012, aff. C-282/10 N° Lexbase : A2471IB7). Récemment, la Cour de justice de l'Union européenne, dans un arrêt du 9 novembre 2023 ne répond pas à la question de la durée de report applicable aux congés payés, mais présente des éléments de réponse concernant l'application d'un délai de report illimité des congés payés prévue par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 13 septembre 2023.

  • Sur la question de la durée de report raisonnable des congés payés :

Quelle doit être la durée de report applicable aux congés payés en cas de période de référence égale à 1 an ? La CJUE ne répond pas expressément à cette question. Elle se déclare incompétente pour définir la durée raisonnable de report du droit aux congés payés annuels. Selon elle, cette décision est du ressort de chaque État membre. Le rôle de la CJUE se limite en effet à s’assurer que les décisions prises au niveau national respectent les droits conférés par les normes européennes. Autrement dit, dès que le législateur national aura fixé la durée du report des congés payés, la CJUE pourra l'examiner afin de vérifier qu'elle n'est pas de nature à porter atteinte à ce droit au congé payé annuel.

  • Sur la question de l'application d'un délai de report illimité, prévue par la Cour de cassation, en l'absence de dispositions spécifiques réglementant ce droit de report :

En l’absence de dispositions spécifiques limitant expressément au sein du Code du travail ce droit au report, est-ce que l'application d'un droit de report illimité, prévue par la Cour de cassation, dans un arrêt du 13 septembre 2023, à défaut de dispositions conventionnelles sur le report, est conforme au droit de l'Union européenne ? La CJUE indique que les limites du droit de report doivent être prévues par la législation propre à chaque État membre. Elle rappelle néanmoins qu'une logique de cumul illimité de droits à congés payés ne répond pas à la finalité du droit à congés payés annuels. 

En outre, la CJUE précise que le droit de l'Union européenne ne s'oppose pas, en l'absence de dispositions conventionnelles, à ce que le législateur ou le juge national permette au salarié de demander pour deux périodes de référence consécutives, le bénéfice des congés payés acquis mais non pris en raison d'un arrêt maladie longue durée, si cette demande est réalisée dans un délai de 15 mois qui suit la fin de la période de référence. 

Position du Conseil constitutionnel. Dans ce contexte, le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité. Sont en débat les situations légales suivantes :

  • en cas d’absences pour maladie non professionnelle, le salarié n’acquiert aucun congé payé ;
  • en cas d’absences pour maladie professionnelle ou accident du travail, le salarié acquiert des congés payés, dans la limite d’un an.

Il est soutenu que ce que prévoit le Code du travail méconnait le droit à la santé et le droit au repos ainsi que le principe d’égalité devant la loi.

  • Sur la méconnaissance des droits à la santé et au repos :

Le Conseil constitutionnel met en exergue que la création de ces dispositions législatives avait pour finalité de protéger les salariés victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, en garantissant leur droit à congés payés pour une période limitée.

Dès lors, au regard de cet objectif, il était loisible au législateur d’assimiler à des périodes de travail effectif les seules périodes d’absence du salarié pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle, sans étendre le bénéfice d’une telle assimilation aux périodes d’absence pour cause de maladie non professionnelle. Il lui était également loisible de limiter cette mesure à une durée ininterrompue d’un an. Le grief tiré de la méconnaissance du droit au repos a donc été écarté.

  • Sur la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi :

Le Conseil constitutionnel affirme que la maladie professionnelle et l’accident du travail, qui trouvent leur origine dans l’exécution même du contrat de travail, se distinguent des autres maladies ou accidents pouvant affecter le salarié. Ainsi, au regard de l’objet de la loi, le législateur a pu prévoir des règles différentes d’acquisition des droits à congé payé pour les salariés en arrêt maladie selon le motif de la suspension de leur contrat de travail. Dès lors, la différence de traitement résultant des dispositions contestées, qui est fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l’objet de la loi. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi est écarté.

Conclusion. Le Conseil constitutionnel  décide que les dispositions légales contestées ne méconnaissent pas les droits à la santé et au repos ni le principe d’égalité devant la loi, de sorte qu’elles doivent être déclarées conformes à la Constitution.

Conséquences pratiques. Il faut rappeler que le Conseil constitutionnel effectue un contrôle de constitutionnalité puisqu’il contrôle la conformité des lois au bloc de constitutionnalité. Il n’effectue donc pas de contrôle de conventionnalité (examen de la conformité des lois aux conventions internationales et européennes). Par conséquent, le Conseil constitutionnel n’avait pas à se prononcer sur la conventionnalité des dispositions litigieuses du Code du travail au droit de l’Union européenne en matière de congés payés, qui est le cœur même de l’insécurité juridique actuelle. Il semblerait donc que la position de la Cour de cassation puisse  être invoquée actuellement en cas de litige sur ce sujet. Il faudra attendre la position du législateur pour que cette saga prenne fin.

Pour aller plus loin :

  • v. infographie, INFO603, Les congés payés, Droit social N° Lexbase : X7382CNQ ;
  • lire Ch. Willmann, Acquisition de droits ou exercice des droits à congés payés : des risques judiciaires, en attendant une réforme législative, Lexbase Social, octobre 2023, n° 960 N° Lexbase : N7062BZL ;
  • lire aussi P. Pomerantz et P. Lopes, Congés payés et maladie : quels impacts et quelles solutions à la suite des arrêts du 13 septembre 2023 ?, Lexbase Social, octobre 2023, n°960 N° Lexbase : N7070BZU ;
  • v. ÉTUDE : Les congés payés annuels, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E0003ETB ;
  • v. ÉTUDE : L’incidence de la maladie non professionnelle sur le contrat de travail, Les effets de la suspension du contrat pour maladie sur les congés, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E3213ET8.

 

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Contentieux de la Sécurité sociale

[Brèves] Nécessité d’un complément d’expertise en cas d’avis ambigu ou manque de clarté de la première expertise

Réf. : Cass. civ. 2, 1er février 2024, n° 22-14.255, F-B N° Lexbase : A01432I7

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N8333BZN

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par Laïla Bedja

Le 07 Février 2024

► Lorsque le juge, saisi d'un différend portant sur une décision prise après mise en œuvre de l'expertise médicale technique prévue par l’article L. 141-1 du Code de la Sécurité sociale, ordonne, à la demande d'une partie, une nouvelle expertise en application les articles L. 141-2 et R. 142-24-1, devenu R. 142-17-1 du Code précité, l'avis de l'expert désigné dans les conditions prévues par le dernier s'impose à l'intéressé comme à la caisse, sauf au juge à ordonner un complément d'expertise ou, à la demande de l'une d'elles, une nouvelle expertise lorsque cet avis est ambigu ou manque de clarté.

Les faits et procédure. Une caisse primaire d’assurance maladie a notifié à un assuré, en arrêt de travail depuis le 24 novembre 2014, une date d’aptitude à la reprise du travail au 16 février 2015 après une expertise technique. Elle a cessé le versement des indemnités journalières à compter de cette date.

L’assuré a saisi d’un recours la juridiction de Sécurité sociale.

La cour d’appel. Pour maintenir au 16 février 2015 la date d'aptitude de l'assuré à un travail quelconque, l'arrêt retient que la dépression chronicisée évoquée par l'expert n'était pas advenue à la date des opérations d'expertise. Elle relève, d’après le rapport de l’expert, qu’aucune hospitalisation en milieu spécialisé n’a eu lieu et que l’assuré est décrit comme irritable et agressif, notamment dans la sphère professionnelle bruyante. Elle en déduit que ces circonstances ne caractérisent pas une inaptitude totale à tout travail (CA Colmar, 28 octobre 2021, n° 15/06350 N° Lexbase : A31397AI).

L’assuré a alors formé un pourvoi en cassation.

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel. En statuant ainsi, alors que l'expert concluait qu'à la date du 16 février 2015, l'assuré n'était pas apte à tout travail puis précisait qu'une date d'aptitude ne pouvait être fixée à la date de son rapport du 16 octobre 2019, la cour d'appel a violé les articles L. 141-1 N° Lexbase : L7778LPR, L. 141-2 N° Lexbase : L4640AD9 et R. 142-24-1, devenu R. 142-17-1 N° Lexbase : L6608LMP du Code de la Sécurité sociale.

Pour aller plus loin : ÉTUDE : L’expertise médicale, La demande d’une nouvelle expertise médicale, in Droit de la protection sociale, Lexbase N° Lexbase : E0240AEM.

 

newsid:488333

Fiscalité locale

[Brèves] Fixation pour l'année 2023 du taux des abattements des bases d'impositions directes locales dont bénéficie La Poste au titre de sa mission d'aménagement du territoire

Réf. : Décret n° 2024-75, du 2 février 2024, portant fixation pour l'année 2023 du taux des abattements des bases d'impositions directes locales dont bénéficie La Poste au titre de sa mission d'aménagement du territoire N° Lexbase : L4814MLU

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N8316BZZ

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par Marie-Claire Sgarra

Le 07 Février 2024

Le décret n° 2024-75, publié au Journal officiel du 4 février 2024, fixe pour 2023 des taux des abattements des bases d'impositions directes locales dont bénéficie La Poste en contrepartie de sa mission de contribution à l'aménagement du territoire.

Ces abattements doivent contribuer au financement du coût du maillage territorial complémentaire de La Poste tel qu'il est évalué par l'ARCEP et sont affectés en ressources du fonds postal national de péréquation territoriale.

Le produit de ces abattements est estimé à 63 millions d'euros, montant qui n'excède pas le coût de la mission d'aménagement du territoire de La Poste tel qu'il a été évalué par l'ARCEP dans sa décision n° 2023-1978, du 19 septembre 2023, et contribue au financement de la mission en cohérence avec le contrat de présence postale territoriale signé entre l'État, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité et La Poste le 14 février 2023.

Le texte est entré en vigueur le 5 février 2024.

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Marchés publics

[Brèves] Obtention d’informations confidentielles par un candidat en raison d'un dysfonctionnement informatique : pas d’exclusion de la passation

Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 2 février 2024, n° 489820, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A92462IB

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N8352BZD

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par Yann Le Foll

Le 07 Février 2024

Le fait qu’une société a obtenu des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu en raison d'un dysfonctionnement informatique majeur de la plateforme utilisée par le pouvoir adjudicateur n’implique pas pour celui-ci l’obligation d'exclure cette société de la procédure de passation.

Principe. La cause d'exclusion facultative prévue à l'article L. 3123-8 du Code de la commande publique N° Lexbase : L4366LR7 est constituée lorsque l'autorité concédante identifie des éléments précis et circonstanciés indiquant que l'opérateur a effectué des démarches qu'il savait déloyales en vue d'obtenir des informations dont il connaissait le caractère confidentiel et qui étaient susceptibles de lui procurer un avantage indu dans le cadre de la procédure de passation.

Position TA. Pour juger que la société Veolia ne pouvait être regardée comme ayant entrepris d'obtenir des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu dans le cadre de la procédure de passation en litige, le juge des référés (TA Paris, 29 novembre 2023, n° 2325466 N° Lexbase : A679119E) a relevé que des fichiers concernant l'offre de la société Suez Eau France et identifiables comme tels avaient été mis à la disposition de la société Veolia en raison d'un dysfonctionnement informatique majeur dû à une erreur de programmation de la plateforme utilisée par le pouvoir adjudicateur.

Il en a déduit que, si cette dernière société les avait téléchargés, en avait pris connaissance et les avait dupliqués et avait tardé plusieurs jours avant d'informer le pouvoir adjudicateur de cet incident, elle l'en avait averti avant la poursuite de la procédure de négociation et le dépôt de son offre finale, de sorte qu'elle devait être regardée comme ayant nécessairement renoncé à tirer parti de ces éléments dans le cadre de la procédure.

Décision CE. En déduisant de ces faits, sur lesquels il a porté une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que le SEDIF n'était pas tenu d'exclure la société Veolia de la procédure de passation en litige sur le fondement de l'article L. 3123-8 du Code de la commande publique, le juge des référés n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ni commis d'erreur de droit.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La passation du marché public, La phase de sélection des candidatures : les motifs d'exclusion de la procédure de passation, in Droit de la commande publique, (dir. P. Tifine), Lexbase N° Lexbase : E7109ZKI.

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